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Full text of "Statistique monumentale du Calvados"

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STATISTIQUE 

MONUMENTALE 

DU  CALVADOS. 


STATISTIQUE 

MONUMENTALE 


DU  CALVADOS; 


PAR  M.  DE  CAUMONT, 

CORRESPONDANT    DE    L'iNSTITUT, 

MBBcTEUB  DE  i/lNSTlTL'T  DES  PROVINCES  ET  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

d'auCHÉOLOGIEPOUR  LA  CONSERVATION  DES  MOMJMENTS. 


4YRAUK  Qll  A  OMBMI  DB  1/ ACADEMIE  DES  fflSCWPÏÏÛMS  ET  BELLES-LETTRES  UNE  MÉDAtLLE  D'OR 
ET    UN    RAPPEL  LE   MÉDAILLE, 


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TOME  V. 


ARRONDISSEMENT  DE  IJSIEU  V 


CAEN , 

Chez  F,  LE  BLANC-NAKDEL,  imprimeur-libraire,  rue  froide,  2. 

I     DEHACHE,   LIBRAIRE,  RUE  MONTMARTRE,  48  ; 

PARIS,'      DIDHOM,  libraire,  rue  St-Dominique-St-Germain, 23; 
(    DENTU,  libraire,  Palais-Royal. 

1867. 


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AVERTISSEMENT, 


Le  Ve  et  dernier  volume  de  la  Statistique  mo- 
numentale du  Calvados  sera  exclusivement  con- 
sacré à  l'arrondissement  de  Lisieux. 

Les  monuments  qu'il  renferme  offrent  les  ca- 
ractères généraux  que  nous  avons  déjà  signalés 
dans  l'arrondissement  de   Pont-1'Évêque.   Effec- 
tivement ,  les  matériaux  sont  les  mêmes  dans  la 
plus  grande  partie  de  ces  deux  arrondissements, 
les  constructeurs  et  les  charpentiers  y  obéissaient 
aux  mêmes  principes.  Quelques  communes  seule- 
ment  (  cantons   de  St-Pierre   et   de  Mézidon  )  , 
voisines  de  la  plaine  qui  fournit  de  belles  pierres 
de  taille  ,   ont  élevé  des  édiûces  qui  procèdent 
plus  particulièrement  de  l'école  de  Caen   et  de 
Falaise:  l'église  d'Ouville-la-Bien-Tournée,  près 
St-Pierre-sur-Dive,  et  celle  de  Stc-Marie-aux-An- 
glais  doivent  être  citées  en  tête  de  ces  dernières. 
Dans   ce  volume,  comme  dans   le  précédent, 
MM.  Ch.  Vasseur  et  Pannier,  qui  avaient  exploré 


VI  AVERTISSEMENT. 

leur  contrée  depuis  moi  et  avec  plus  d'attention 
que  je  l'avais  fait  il  y  a  trente  ans,  ont  bien 
voulu  concourir  largement  à  la  rédaction  ;  et 
M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville ,  qui  avait  étudié 
avec  un  soin  particulier  l'histoire  des  familles 
et  des  fiefs  du  canton  de  Livarot,  m'a  confié 
des  notes  très-précieuses  dont  j'ai  amplement 
usé.  Dans  les  cantons  de  St-Pierre-sur-Dive  et 
de  Mézidon  ,  M.  le  docteur  Pépin  a  relevé  des 
inscriptions ,  décrit  et  dessiné  plusieurs  églises  ; 
il  a  mis  avec  une  grande  obligeance  ses  croquis 
à  ma  disposition  :  toutefois ,  les  figures  de  ce 
volume  ont  été  faites  presque  toutes  par  M.  Bouet. 
La  vue  géuérale  de  la  cathédrale  de  Lisieux  est  de 
M.  E.  Sagot,  membre  de  l'Institut  des  provinces. 
Je  prie  mes  honorables  confrères  de  recevoir 
mes  remercîments  sincères  pour  leur  bienveillant 
et  très-utile  concours. 


DE  CAD  M  ONT. 


STATISTIQUE 

MONUMENTALE 

DU  CALVADOS. 
ARRONDISSEMENT    DE    LISIEUX 


CANTON  DE  LISIEUX  (lre.  SECTION). 

L'arrondissement  de  Lisieux,  placé  dans  les  mêmes  condi- 
tions géologiques  que  celui  de  Pont-1'Évêque  et  soumis  à  la 
même  juridiction  épiscopale ,  nous  offrira  des  types  à  peu 
près  semblables  à  ceux  que  nous  venons  d'observer. 

Il  y  a  22  communes  dans  le  premier  canton  de  Lisieux , 
savoir  : 


Beuvillers. 

Les  Vaux. 

Bouttemont. 

Marolles. 

Cirfontaines. 

Mesnil-Guillaume. 

Courtonne-Ia-Meurdrac. 

Moyaux. 

Fauguernon. 

Ouillie-du-Houlley. 

Firfol. 

Ouillie-le- Vicomte. 

Fumichon. 

Rocques. 

Glos. 

St.  -Hippolyte-de-Canleloup 

Hermival. 

St.-Léger-d'Ouillie. 

L'Hôtellerie. 

St.  -Pierre-de-Ganteloup. 

Le  Pin. 

Villers-sur-Glos. 

La  ville  de  Lisieux  appartient  aux  deux  cantons. 


2  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

OUILLIE-LE-VICOMTE  (1). 

Ouillie-le-Vicomte,  Ouilleya  ,  ecclesia  de  Mesnillo-Vice- 
comitis. 

Les  Romains  ont  laissé  des  traces  de  leur  passage  sur  le 
territoire  de  cette  paroisse.  On  y  voit  encore ,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Touque  ,  un  camp  retranché  dont  il  est  fait 
mention  en  ces  termes  dans  le  Cours  d'antiquités  : 

«  Camp  du  Mont- Héler  y,  sur  la  Touque.— Le  petit  camp 
d'Ouillie,  sur  le  bord  de  la  Touque,  à  une  lieue  de  Lisieux , 
est  construit  d'après  le  même  système  que  ceux  de  Castillon 
et  d'Escures ,  près  Bayeux.  C'est  une  pointe  escarpée ,  en- 
tourée de  vallons  de  deux  côtés  et  défendue ,  du  côté  des 
terres ,  par  un  fossé  et  un  retranchement  assez  élevé.  On  do- 
mine de  là  sur  toute  la  vallée  jusqu'à  Pont-1'Évêque  ,  et  l'on 
ne  peut  douter  que  ce  poste  n'ait  été  établi  pour  surveiller 
cette  fertile  contrée  ,  qui  devait  être  exposée  aux  incursions 
des  pirates.  »  (  Cours  d'antiquités  monumentales ,  t.  II,  p. 
323.) 

Église.  —  On  ne  peut  donc  pas  s'étonner  de  trouver  à 
Ouillie  une  des  églises  les  plus  anciennes  de  tout  l'arrondisse- 
ment de  Lisieux.  En  préciser  la  date  est  difficile  :  elle  pré- 
sente cependant  des  caractères  que  l'on  retrouve  aux  églises 
de  Savenières,  près  Angers,  de  Grenoux,  près  Laval,  de  St.- 
Alarlin  d'Angers,  que  l'on  regarde  comme  des  VIIe.,  VIIIe. 
ou  IXe.  siècles  ;  elle  offre  aussi  de  grands  rapports  avec  celle 
de  Vieux-Pont-en-Auge ,  que  l'on  reporte  à  ces  siècles  re- 
culés. 

Cette  église  est  située  dans  la  vallée,  sur  les  bords  d'un 
ruisseau  ,  non  loin  de  la  rivière  de  Touque.  Elle  fut  assise 

(!)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    lre.    SECTION.  3 

sur  l'ancien  chemin  de  Pont-l'Évêque,  que  l'on  a  quelques 
raisons  de  regarder  comme  étant  d'origine  romaine  ,  et  dont 
le  chemin  de  fer  a  usurpé  l'emplacement  dans  un  grand 
nombre  d'endroits. 

Le  plan  fait  voir  sa  disposition  et  ses  proportions  :  la  nef 
mesure  51  pieds  sur  28  dans  œu- 
vre; le  chœur,  y  compris  l'arc 
triomphal,  25  pieds  sur  18.  Ce- 
pendant ,  si  l'on  distrait  de  ce  der- 
nier l'arc  triomphal  et  le  grand 
bandeau  ou  arc  de  décharge  qui 
l'accompagne  ,  on  trouvera  que 
la  travée  du  chœur  forme  un' carré 
presque  parfait.  Il  est  bon  de  faire 
cette  remarque ,  car  il  en  est  ainsi 
dans  toutes  les  églises  romanes  ré- 
putées les  plus  anciennes. 

Le  mur  du  nord  de  la  nef  est 
reconstruit  à  neuf.  Il  avait  perdu 
son  aplomb  par  suite  de  la  destruc- 
tion des  poutres  de  la  charpente 
apparente.  C'est  le  résultat  auquel 
il  faut  toujours  s'attendre  en  pareil 
cas  ;  nous  en  trouverons  bien  d'au- 
tres exemples.  Cette  destruction  est  fort  à  la  mode  parmi  les 
curés,  malgré  ses  conséquences  déplorables.  Le  portail,  le 
mur  du  midi  et  le  chœur  tout  entier  ont  conservé  leur  appa- 
reil primitif  :  c'est  un  blocage  irrégulier  ;  cependant  on  re- 
trouve, dans  la  disposition  des  moellons,  des  réminiscences 
du  petit  appareil  cubique  des  Humains  ;  quelques  parties  sont 
disposées  en  arêtes  de  poisson;  mais  ce  qu'il  y  a  de  bien  ca- 
ractéristique ,  ce  sont  les  nombreuses  briques  longues  que 
l'on  trouve  dans  tout  cet  appareil.  Au  portail  et  au  mur  la- 


Il  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

léral  de  la  nef,  leur  emploi  n'est  pas  régulier;  mais,  au 
chœur  ,  c'est  par  lignes  horizontales  qu'elles  sont  disposées, 
comme  dans  les  monuments  romains  (Voir  la  page  suivante). 
Si  l'on  \eut  supposer  ,  contre  l'antiquité  de  l'église  ,  que  ce 
sont  des  briques  arrachées  à  quelque  ruine  du  voisinage , 
il  faut  convenir  néanmoins  qu'à  cette  époque  les  ouvriers 
n'avaient  point  encore  perdu  les  notions  de  construction  in- 
troduites par  les  conquérants  de  la  Gaule  et  que  l'on  voit 
continuées  dans  les  grands  monuments  carlovingiens.  Toutes 
les  ouvertures  sont  modernes,  excepté  une  petite  fenêtre 
pratiquée  dans  le  contrefort  central  du  chevet,  qui  date  de 
la  construction  primitive.  La  démolition  de  la  sacristie,  qui 
obstruait  cette  partie ,  a  permis  à  M.  Bouet  d'en  faire  un 
dessin  qui  montre  aussi  le  système  bien  caractérisé  de  la 
construction  (Voir  la  page  suivante). 

Comme  indice  de  haute  antiquité,  on  peut  faire  remar- 
quer aussi  le  peu  d'inclinaison  des  toits.  On  suit  encore  sur 
les  pignons  les  traces  de  ses  triangles  obtus.  C'est  une  dispo- 
sition évidemment  originaire  du  Midi,  qui  serait  une  cause 
de  destruction  des  édifices  dans  nos  pays  dont  les  pluies  et 
les  neiges  abondantes  requièrent  des  toitures  plus  rapides. 
Aussi  celles-ci  ont-elles  été  exhaussées  par  la  suite ,  vers  le 
XVIe.  siècle,  je  crois. 

Un  porche  considérable ,  de  forme  irrégulière ,  protège 
la  porte  d'entrée ,  pratiquée  dans  le  pignon  occidental  au 
XVIe.  siècle  seulement.  Auparavant  elle  s'ouvrait  à  l'extré- 
mité du  mur  du  sud  :  on  distingue  encore  dans  la  ma- 
çonnerie une  partie  des  claveaux.  Le  porche  est  encore  en 
partie  pavé  de  carreaux  éinaillés. 

Les  fonts  baptismaux  ,  cuve  octogone  en  pierre  ,  datent  du 
XVe.  siècle;  ils  viennent  d'être  restaurés  au  moyen  d'une 
subvention  de  la  Société  française  d'archéologie. 

Deux  piscines  sont  pratiquées  dans  les  murs  :  l'une  date 


CANTON    DE    LISIEUX,    1".    SLCTION. 

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6  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

du  XIVe.  siècle,  l'autre  du  XVIe.  Les  trois  autels  datent  de 
la  fin  du  dernier  siècle;  ils  sont  fort  convenables  ,  sans  avoir 
rien  d'artistique  dans  leur  exécution.  En  signalant  deux  sta- 
tues d'évêques,  qui  remontent  au  moyen-âge,  un  saint  Lubin 
et  un  saint  Firmin,  on  en  a  fini  avec  le  mobilier  (1). 

Une  arcade  romane  à  plein-cintre  fait  communiquer  le 
chœur  avec  la  nef.  Il  serait  bien  intéressant  de  constater  si 
ses  claveaux  sont  formés  de  briques  comme  celles  qui  entrent 
dans  la  construction  à  l'extérieur  ;  mais  l'enduit  qui  la  re- 
couvre empêche  de  faire  cette  constatation.  Derrière  se 
trouve  un  second  arc ,  plus  large  et  plus  élevé  ,  dont  on  ne 
s'explique  pas  tout  d'abord  la  raison  d'être  :  il  est  probable 
qu'il  servait  d'appui  au  porte-cloche  qui  a  dû  surmonter  le 
gable.  Le  clocher ,  en  charpente  ,  se  trouve  encore  présente- 
ment posé  sur  ce  point,  sans  doute  en  souvenir  de  cette  dis- 
position primitive;  car  il  ne  me  paraît  dater  que  du  XVIIe. 
siècle.  Cette  arcade  contribue  aussi  à  donner  un  plan  carré 
au  chœur  ,  qui  est  couvert  par  une  voûte  d'arête  en  maçon- 
nerie. Celte  voûte  fait  partie  de  la  construction  originaire. 
C'est  le  seul  exemple  que  l'on  puisse  citer  dans  l'arrondis- 
sement. 

L'église  d'Ouillie  faisait  partie  du  doyenné  ou  chrétienté  de 
Lisieux.  Le  patronage  en  appartenait  au  chanoine  prébende 
de  La  Pluvière  (de  Pclveria).  Elle  est  sous  l'invocation  de 
Notre-Dame;  c'est  l'Assomption  qui  est  sa  fêle  patronale. 

Il  y  a  une  confrérie  de  charité  ,  d'institution  ancienne , 
dans  cette  paroisse  ;  elle  possède  une  croix  d'argent  massif, 
d'un  travail  remarquable ,  qui  date  du  XVIe.  siècle.  Son  or- 
nementation accuse  la  Renaissance  avancée.  Sur  le  revers,  on 

(1)  Depuis  la  rédaction  de  ces  notes,  M.  le  curé  d'Ouillie  a  enrichi 
son  église  d'un  beau  tombeau  d'autel  à  statuettes,  de  la  Renaissance,  et 
du  curieux  lutrin  dont  nous  avons  parlé  à  L'article  de  Coqxjainvilliers 
(t.  IV,  p.  455). 


CANTON    DE   LISIEUX,    lre.    SECTION.  7 

lit  un  nom  :  R.  fovqves,  et  la  date  1500.  Le  nom  est  celui 
de  l'orfèvre  auteur  du  travail.  La  famille  Fouques  était 
connue  à  Lisieux  dès  cette  époque  ,  et ,  depuis ,  elle  a  tou- 
jours exercé  ce  même  art  jusqu'à  présent.  Quant  à  la  date, 
elle  est  erronée:  il  faut  lire  1560  ou  autre  combinaison  ana- 
logue, le  style  de  la  croix  en  fait  foi. 

Le  beffroi  porte  deux  cloches  antérieures  à  la  Révolution, 
Yoici  leurs  inscriptions  : 

f  BENITE  EN  LHONNEVR  DE  LA  SAINTE  VIERGE  AVE  REG1MA  ANGtLORVM 
BENITE    PAR    MAISTRE    OLLIVIER    IVMEL    P;"v. 

fâZ^T*    CVRE    DE    LA    DITE    PAHROISSE    ROBERT    MARTINT    TRESORIER    1729. 
A    SIMO.\>OT    N.    BAKET    ET    A.    DE    L\    PAIX    MONT    FAITE. 

f  1653  MSrc  ALEXANDRE  DE  PA1SANT  CHLr  SGr  ET  PATRON  DE  CE  LIEV 
MA    FAICT    FAIRE 

$-=5^  FILIPB  DE  MIRE  EGr  Sr  DES  FORES  ET  FLORENSSE  DE  BERNARD  DAME 
DE    BOVTEMONT    MONT 

S^f^    NOMMÉE 

IEAN    AVBKRT 
MA    FAICTK. 

Sur  la  panse  est  un  blason  chargé  d'un  sautoir. 

Cette  cloche  vient  de  l'église  de  Boultemont,  dont  le  terri- 
toire a  été  réuni  à  Ouillie  par  ordonnance  du  22  septembre 
1824. 

Faits  historiques.  —  La  paroisse  d'Ouillie  paraît  tirer  son 
surnom  de  Robert  Le  Vicomte,  qui  était  en  réalité  vicomte  de 
Lisieux  en  1178,  et  qui  paraît  être  la  souche  de  la  famille  Le 
Vicomte  de  Blangy.  Toujours  est-il  que  les  Le  Vicomte  la 
possédèrent  jusqu'à  la  fin  du  XVe.  siècle.  Eu  l/i69,  Jacques 
de  Rupierre,  premier  du  nom,  était  tenant  des  fiefs  d'Ouillcr- 
le-Viconte ,  Courtonnc ,  Mardilli ,  etc.  Il  avait  épousé  Je- 
hanne  Grcnte,  fille  de  Jehan  Grentc  et  de  Guillemetle  Le 
Vicomte.   C'est  ainsi  ,  je   pense ,    qu'Ouillic   entra    dans  la 


8  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

maison  de  Rupierre.  Elle  y  resta  pendant  quatre  générations, 
jusqu'au  commencement  du  XVIIe.  siècle.  Gabriel  de  Ru- 
pierre étant  mort  en  1567,  ne  laissant  qu'une  fille,  sa 
femme ,  Marguerite  de  Berreau ,  se  remaria  à  Julien  Le  Fo- 
restier, qui  se  qualifia  de  seigneur  de  St. -Lambert  et  d'Ouillie. 
Quelques  années  plus  tard,  la  famille  de  Bence  était  en 
possession  de  cette  terre  ;  mais  je  n'ai  pu  trouver  comment 
se  fit  la  transmission  de  propriété. 

La  terre  seigneuriale  d'Ouillie  ne  devait  point  être  consi- 
dérable ,  car  le  territoire  de  la  paroisse  était  couvert  de  do- 
maines ecclésiastiques.  L'abbaye  de  St. -Désir,  la  Maison- 
Dieu  et  les  Lépreux  y  reçurent  une  donation  de  Raoul  Le 
Carpenlier  en  1217.  Il  y  avait  trois  prébendes  du  Chapitre 
de  Lisieux  :  la  Pluvière,  à  qui  appartenait  le  patronage,  le 
Val-au-Vigneur,  le  Pré. 

Je   n'ai  pu  retrouver  avec  certitude  la  situation  d'aucun 
de  ces  domaines ,  et  l'on  ne  connaît  aucun  manoir  ou  con- 
structions anciennes,  si  ce  n'est  un  édifice  assez  singulier 
construit  sur  le  bord  de  l'ancien  chemin  d'Honfleur,  entre  la 
ville  et  l'église.  L'extérieur  ne  présente  aucune  ouverture 
ancienne  ;    c'est  un   long    mur  construit  en   échiquier   de 
pierres  et  de  briques,  jusqu'à  l'étage  supérieur  qui  est  en 
bois.  A  l'intérieur,  c'est-à-dire  du  côté  du  jardin ,  il  se  com- 
pose, comme  le  fait  voir  le  dessin  (  Voir  la  page  suivante), 
de  deux  pavillons  reliés  ensemble  par  une,  galerie  ouverte. 
Celte  galerie  comprend  onze  travées,  soutenues  par  des  piliers 
de   bois   taillés   en    forme  de  colonnes   ioniques.    Les    pa- 
villons sont  en  moellon  au  rez-de-chaussée ,  puis  en   bois 
avec  tuiles  formant  dessins  dans  l'entrecolombage.   Sur  l'une 
des  lucarnes  ,  comme   à   la  pointe  du  grand  comble ,  sont 
des  épis  de  terre  émaillée  polychromes  ;  l'un  d'eux  se  com- 
pose d'un  vase  de  fruits  surmonté  d'une  colombe  ;  l'autre 
représente  des  guirlandes  et  des  bouquets  de  fleurs   et   de 


CANTON   DE  L1SIEUX  ,    1".    SECTION. 


10  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

fruits  entremêlés  de  croissants.  Sans  attacher  une  trop 
grande  importance  à  la  présence  de  ces  croissants ,  il  est 
bon  de  remarquer  cependant  que  celte  construction  paraît 
dater  du  règne  d'Henri  II  ou  d'une  époque  voisine.  On 
ne  lui  connaît  point  de  nom. 

Des  titres  de  1595  parlent  d'une  chapelle  de  St.-Gatien 
située  à  Ouillie.  Elle  existe  encore ,  mais  sa  construction  ne 
date  que  de  la  fin  du  XVIIIe.  siècle.  Elle  est  placée  sur  la 
rive  gauche  de  la  Touque ,  au  haut  des  coteaux  du  Mesnil- 
Asselin. 

BOUTTEMONT  (1). 

Bouttemont,  Botemont,  Bouitemont. 

L'église  et  le  château  de  Bouttemont  s'élevaient  sur  la  rive 
droite  de  la  rivière  de  Touque ,  au  pied  du  coteau  sinueux 
qui  circonscrit  la  vallée.  L'église  a  disparu;  on  retrouve  à 
peine  quelques  restes  de  son  mobilier  épars  dans  les  églises 
voisines.  C'était  d'ailleurs  une  construction  fort  peu  impor- 
tante, car  les  pouillés  du  diocèse  ne  la  mentionnent  que 
comme  chapelle  ;  et ,  si  elle  eut  légalement  le  titre  de  pa- 
roisse, ce  ne  fut  que  vers  le  XVIIIe.  siècle.  Le  patronage 
était  laïque  et  appartenait  au  seigneur  du  lieu.  L'église  était 
sous  la  double  invocation  de  Notre-Dame  et  de  saint  Lubin  ; 
elle  dépendait  du  doyenné  de  Touques  :  c'était ,  de  tout  ce 
doyenné ,  la  plus  rapprochée  de  Lisieux. 

Comme  circonscription  civile,  Bouttemont  n'a  pas  non  plus 
une  grande  antiquité.  Aux  XVe.  et  XVIe.  siècles,  c'était  une 
annexe  de  la  paroisse  de  Norolles;  c'est  encore  au  XVIIIe. 
siècle  seulement  qu'elle  figure  comme  paroisse,  dépendant 
de  la  sergenterie  de  JMoyaux  ,  élection  de  Lisieux.  On  y 
comptait  1U  feux.  Elle  a  perdu  de  nouveau  cette  prérogative, 

(1)  Noies  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON    DE  LISIEUX  ,    l,e.    SECTION.  11 

seulement  c'est  Ouillic  et  non  Norolles  qui  s'est  accru  de 
son  territoire.  Les  Rôles  de  l'Échiquier  de  Normandie  nous 
ont  conservé  les  noms  de  Hugo  de  Botemont  en  1180  ,  Wil- 
lelmus  de  Botemont  en  1195.  Un  sire  de  Boutemonl  avait 
suivi  le  duc  Robert  II  en  Terre-Sainte.  Jean  de  Botemont  est 
inscrit  dans  le  Livre  rouge  de  Henri  II,  comme  possédant 
trois  quarts  de  fief  (Je  haubert  à  Lisieux  (Joannes  de  Bote- 
mont ,  3  part.  m.  in  Lexov.J.  Suivant  le  catalogue  des  sei- 
gneurs normands ,  publié  par  Dumoulin ,  Jean  de  Boute- 
mont  portait  de  noir  à  trois  tourteaux  d'argent  (sic). 

Les  Olim  du  Parlement  de  Paris  relatent,  à  la  date  de 
1258,  le  résultat  d'une  enquête  relative  au  rapt  d'une  Ma- 
helnie  de  Boutemont;  mais  je  ne  sais  si  celle  dame  était  bien 
de  la  famille  qui  nous  occupe. 

Château.  —  Le  château  subsiste  encore ,  du  moins  dans 
sa  plus  grande  partie.  Des  fossés,  qu'alimentaient  autrefois 
les  eaux  d'un  petit  ruisseau ,  forment  une  enceinte  à  peu 
près  carrée.  Les  bâtiments  étaient  distribués  de  manière  à 
laisser  une  cour  intérieure.  Ceux  qui  garnissaient  le  côté 
voisin  de  la  vallée  ont  disparu.  L'entrée  regarde  le  nord. 
C'est  un  gros  pavillon  dont  la  base  est  construite  en  pierre  de 
taille;  l'élage  supérieur  est  en  briques  avec  chaînes  de  pierre 
(  Voir  la  page  suivante  ).  Un  pont  de  maçonnerie,  jeté  sur  le 
fossé,  conduit  à  la  porte  cintrée,  qu'accompagne  une  petite 
poterne  fort  étroile.  Ce  pont  a  remplacé  un  pont-levis,  et 
l'on  voit  encore  dans  les  murs  les  Irois  enrayures  destinées 
au  passage  des  chaînes.  Une  fenêtre  assez  large ,  entourée 
d'un  encadrement  de  pierre  mouluré ,  occupe  le  centre  du 
pavillon;  au-dessous,  une  grande  pierre  portait  un  blason 
totalement  bûché.  Le  toit  rapide,  qui  surmonte  une  cor- 
niche à  mâchicoulis,  est  couvert  de  tuiles  arrondies  ver- 
nissées, rouges  et  noires  ;  une  lucarne  en  pierre  ,  ouverte  en 
forme  d'oculus ,  éclaire  l'intérieur  du  comble. 


12  STATISTJOUIi   MOiNUMEJNTALli    DU   CALVADOS. 


ENTREE  DU  CUATEAL  DE  BOUTTEMONT. 


CANTON    DE   LTSItUX,    l,e.    SECTION.  13 

A  droite  cl  5  gauche  s'étendent  des  bâtiments  moins  élevés, 
construits  simplement  en  blocage  sans  ouvertures.  Les  angles 
sont  occupés  par  deux  tourelles  cylindriques  à  toit  conique. 

La  partie  orientale,  qui  fait  face  au  coteau,  n'offre  aucun 
vestige  d'ornementation.  Elle  était  longée  autrefois  par  l'an- 
cien chemin  de  Lisieux  à  Honfleur.  La  partie  supérieure  est 
en  bois.  Toutes  les  fenêtres  ont  été  refaites  à  la  moderne , 
sauf  une  fort  petite,  qui  a  pu  conserver  ses  plombs  disposés 
en  imbrications ,  présentant  ce  qu'en  blason  on  appelle  le 
papelonné.  Derrière,  s'ajuste 
un  petit  volet  sculpté,  de  la 
Renaissance,  qui  mériterait  un 
dessin.  Toutes  ces  construc- 
tions datent  du  XVIr.  siècle. 

Ce  sont  les  bâtiments  du 
midi  qui,  à  l'extérieur,  offrent 
le  plus  d'intérêt.  Ils  paraissent 
plus  anciens  que  les  autres: 
peut-être  pourraient-ils  re- 
monter jusqu'au  XVe.  siècle. 
Ils  sont  construits  tout  en 
pierre  de  grand  appareil  et 
font  saillie  sur  le  plan  général. 
Trois  larges  corbeaux  suspen- 
dent, au  milieu  de  leur  hau- 
teur, des  constructions  sup- 
plémentaires servant  de  ca- 
binets d'aisance.  Ces  pièces 
ont  leur  entrée  dans  la  grande 
salle  du  château.  Les  seules 
fenêtres  ouvertes  dans  ce 
corps-de-logis  regardent  la  vallée.  Leurs  appuis  sont  garnis 
de  moulures  prismatiques,    et  comme   elles  sont    larges  et 


\U  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

élevées,  il  est  vraisemblable  que  des  meneaux  de  pierre  les 
divisaient  en  croix.  Il  n'en  reste  point  de  traces  (Voir  la 
page  suivante). 

Les  constructions  qui  complétaient  ce  côté  du  parallélo- 
gramme ont  disparu  ,  comme  celles  qui  regardaient  la  vallée. 
Il  en  reste  la  petite  tourelle  d'angle  ,  circulaire  comme  les 
deux  premières  et  maintenant  lout-à-fait  isolée. 

Les  façades  de  la  cour  intérieure  ont  beaucoup  plus  souffert 
de  la  diversité  des  modes  introduites  par  la  succession  des 
siècles.  La  brique  y  domine ,  et  le  style  accuse  le  règne  de 
Louis  XIV  et  de  Louis  XV.  Seul,  le  pavillon  d'entrée  a 
conservé  intact  son  aspect  primitif.  Sa  partie  haute  est  en 
bois  :  les  principales  pièces  sont  sculptées  de  larges  feuillages 
ou  de  pilastres  d'ordre  classique ,  conformément  au  goût  de 
l'époque. 

On  retrouve,  au  centre  de  la  cour,  le  puits,  d'un  diamètre 
considérable ,  avec  son  armature  en  fer.  Sa  margelle  ronde 
est  formée  d'une  seule  pierre  creusée  au  centre. 

Outre  les  anciens  seigneurs  du  nom  de  Boutlemont ,  qui 
vivaient  aux  XIIe.  et  XIIIe.  siècles,  j'ai  trouvé  deux  familles 
qui  se  sont  succédé  l'une  a  l'autre  dans  la  possession  de  ce  fief  : 
la  première  vivait  dans  le  XVIe.  et  le  XVIIe.  siècle;  l'autre 
apparaît  à  la  fin  du  XVIIIe.  Philippe  Paysant,  sieur  de  Bout  - 
temont ,  fut  anobli  par  le  roi,  en  octobre  1522,  moyennant 
500*  par  lui  payées.  C'est  un  de  ses  descendants,  dont  le  nom 
figure  sur  la  cloche  qui  a  émigré  dans  le  clocher  d'Ouillie- 
le-Vicomte.  Il  avait  épousé  damoiselle  Florence  de  Bernard. 
La  Recherche  de  1666  inscrit,  sous  l'article  de  la  paroisse 
St.-Lubin-de-Bouttemont  :  Jean  et  Alexandre  de  Paisant , 
sieurs  de  Baudrouet  ;  Louis  de  Paisant,  sieur  de  Si. -Martin 
et  Lenfrand  de  Paisant,  sieur  deBoutemont,  tous  anciens 
nobles,  fils  de  Alexandre  de  Paisant ,  dont  le  nom  est  sur  la 
cloche. 


CANTON    DE   IJSILUX  ,    lre.    SECTION. 


15 


16  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Suivant  Chevillard,  la  famille  de  Paisant  portait  d'azur  au 
sautoir  d'or. 

En  1751 ,  dans  la  déclaration  de  son  bénéfice,  suivant  un 
registre  des  Archives  du  Calvados,  le  curé  de  St.-Lubin-de- 
Bouttemont,  Me.  Anthoine  Le  Petit,  reconnaît  qu'il  a  pour 
patronne  Mme.  Françoise-Gabrielle  d'Abos ,  épouse  de  David 
Guéroult,  écuyer,  sieur  de  Villers  et  de  Bouttemont,  et  l'Ar- 
moriai manuscrit  de  d'Hozier  donne  le  nom  de  dame  Ca- 
therine Le  Maire,  veuve  de  Henri-Siméon  Guéroult,  sieur  de 
Bouttemont ,  qui  portait  d'azur  au  chevron  d'argent  chargé 
de  trois  glands  de  sinople. 

ROCQUES  (1). 

Rocques  ,  ecclesia  de  Roquiis. 

L'église  de  Rocques  est  située  dans  un  vallon  sauvage ,  au 
milieu  de  collines  boisées.  Deux  chapelles  en  transept  don- 
nent à  son  plan  la  forme  d'une  croix.  Les  parties  les  plus 
anciennes  remontent  au  XIIP.  siècle;  ce  sont  les  murs  en 
blocage  du  chœur ,  tant  au  nord  qu'au  midi ,  les  murs  de  la 
nef,  seulement  du  côté  du  nord ,  et  la  tour  carrée  qui  forme 
avant-corps  à  l'occident.  Cette  tour  est  fort  massive  et  peu 
élevée  ;  elle  est  couronnée  par  un  clocher  en  ardoise  qui  date 
du  XVIe.  siècle.  Les  autres  parties,  comme  toutes  les  ouver- 
tures, datent  aussi  de  ce  dernier  siècle.  Cependant  on  peut 
les  diviser  en  deux  catégories  :  le  style  gothique  et  la  Renais- 
sance. A  la  première  appartiennent  les  deux  grandes  et  belles 
fenêtres  flamboyantes  qui  éclairent  les  pignons  du  transept. 
Toutes  les  autres  fenêtres  sont  cintrées ,  avec  moulures  en 
forme  de  doucine ,  et  rentrent  dans  la  seconde  période , 
la  Renaissance ,  excepté  les  ouvertures  du  chœur  que  leur 

(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON   DU  USliîUX,    lre.    SKCTION,  17 

forme  et   leur    laideur  font   bien    reconnaître    pour    mo- 
dernes (1). 

Deux  porches  juxta-posés  d'une  manière  singulière,  comme 
le  font  voir  le  plan  ci  joint  et  le  dessin  ,  p.    18,  précèdent 


PLAN    DF.    L  EGLISE    DE    ROQUES. 

la  porte  d'entrée.  Celte  position  s'explique  difficilement.  Le 
premier,  qui  est  le  moins  orné,  a  dû  occuper  primitivement 
la  porte  du  cimetière.  L'autre,  qui  adhère  à  la  construction, 
a  ses  principales  pièces  sculptées  de  délicates  torsades ,  d'im- 

{i)  Ces  fenêtres  étaient  primitivement  carrées,  avec  linteau  en  bois; 
M.  le  Curé  a  cherché  à  les  rendre  moins  laides  en  leur  donnant  une 
forme  arrondie.  Ce  travail  esl  tout  récent. 

2 


18  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

"  I      !   Il 


,•    «W^P' 


POr.CMES   A    L  ÉGLISE    HE    r,OQl!ES. 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    lre.    SECTION.  19 

brications  avec  rageurs  ou  engoulements  aux  extrémités. 
Les  deux  pieds-droits  portaient  des  écussons  ,  dont  un 
montre  encore  une  bande  avec  une  crosse  posée  en  pal  der- 
rière l'écu.  On  reconnaît  par  là  les  armoiries  du  cardinal  Le 
Veneur,  qui  portait  d'argent  à  la  bande  d'azur  chargée 
de  trois  croisettes  d'or.  Le  cardinal  Le  Veneur  occupa  le 
siège  de  Lisieux  entre  les  années  1505  et  1543.  Combinant 
ce  blason  avec  l'énorme  salamandre  qui  se  détache  du 
poinçon  au  milieu  du  gable ,  on  ne  trouve  plus  que  28  ans 
de  latitude  pour  fixer  la  date  de  la  construction  de  ce 
porche.  On  sait  que  la  Salamandre  est  l'emblème  adopté 
par  François  Ier.,  qui  commença  à   régner  en  1515. 

L'inventaire  de  l'intérieur  est  rapidement  fait  :  deux  autels 
du  XVIIIe.  siècle  dans  les  chapelles  ;  un  misérable  rétable  sans 
intérêt ,  au  fond  du  chœur  :  voilà  l'ameublement.  Ce  dernier 
rétable  n'a  été  posé  qu'en  septembre  1854.  Celui  dont  il 
a  pris  la  place,  sans  être  une  œuvre  d'art,  datait  du  règne 
de  Louis  XIII.  Le  centre  était  occupé  par  un  tableau ,  dont 
le  cadre  était  orné ,  aux  angles,  de  légers  rinceaux  dorés, 
dus  certainement  à  une  main  habile.  Au  bas  on  lisait  :  ce 

TABLEAU  A  ESTÉ  FAICT  FAIRE  DES  DESPENS  DE  LA  CHARITÉ 

de  céans.  1639.  Ce  tableau  a  été  relégué  dans  un  coin 
obscur.  La  première  marche  de  l'autel  était  formée  de 
fragments  d'une  pierre  tumulaire,  où  l'on  voyait  deux  grands 
écussons  accolés  sous  une  couronne  de  comte  et  entourés 
d'une  cordelière  et  d'un  ruban  rappelant  le  cordon  de  la 
Jarretière.  Le  premier  est  chargé  de  trois  croissants ,  posés 
2  et  1  ;  le  second ,  d'une  croix  cantonnée  de  quatre  étoiles 
ou  molettes  (V.  la  page  suivante).  A  qui  attribuer  ces  ar- 
moiries? On  ne  connaît  point  de  résidence  seigneuriale  sur 
le  territoire  de  la  paroisse,  dont  le  domaine  temporel,  acquis 
en  1267  par  Févêque  Foulques  d'Astin ,  est  toujours  resté 
depuis  dans   la  mense  épiscopale.    Cette  pierre ,  d'après  l.i 


'20  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 


forme  des  écussons,  (laie  du  XVIIe.  ou  du  XVIIIe.  siècle.  Je 
serais  porté  à  croire  que  ce  fragment  vient  d'une  autre  église. 

Dans  le  mur  sud  du  chœur  est  pratiquée  une  piscine  ogi- 
vale assez  grossière,  garnie  d'un  tore.  Elle  a  deux  cuvettes, 
dont  l'une  est  polylobée:  je  la  crois  du  XIIIe.  siècle. 

La  voûte  du  chœur  est  plâtrée  ;  celle  du  transept  septen- 
trional est  ogivale,  à  lambris;  le  sous-faîte  est  garni  d'une 
série  de  rosaces. 

On  a  conservé  dans  le  mur  méridional  de  la  nef  une  pierre 
sur  laquelle  est  gravée  la  fondation  suivante  : 

(Cy)    DF.L'ANT    r.EPOSK    LE    CORPS    DE   VKMÉfl(a/>/e    et) 
DISCKETTi     P..RSONE    Bi*.    MARIN    Po(///n.    pbl'e) 

(eu'fé)  m:  ciste  paroisse  lequel  a  {fondé) 


CANTON    DE   LISIEIX  ,    lrc.    SECTION.  21 

(à    per)PÉTDITÉ    AU    TRÉSOR    DE    CETTE    ÉGLISE    14    MESSES 
C'EST    ASÇAVOIR    LE    JOUR    DE    SO    DÉCÈS    15    JUIN  .. 

(le  jou)r  s.  marin  h  septembre  et  les  12  autres  les 

...NIÉS   VEDIS    DE    CHAQUE    MOIS    A    LA    FIN    DESQLS 
(on)    DIRA    LE    LIDEIU    DEPFUDIS    ET    LES    ORAISOS   INCLIA 

(Deus,  venijE  et  fideliu  sir  sa  sépulture,  item 

LE   JOUR    DE    PETECOSTE    LES    LITANIES    DE    N.-  DAME    ET    AU 

RETOUR    UN    DEPFUDIS    SUR    SA    SÉPULTURE    AUEC    LES 

ORAP-OS    SUSDZ    EN    SUITE    D3    QCOY    O    DISTRIBUERA    CIQ 

SOLS    AUX    PAUURES    QUI     DIROT    PATER    ET    AUE.    ITE 

LE    Sr    CURÉ    RECOVIEDERA    LAME    DU    FUDATEUR 

AUX    PRIERES    DU    PEUPLE    TOUS    LES    DIMAC.HES 

APRES    LEAU    BEMTTE.    ITE    LE    JOUR    S.    OUE    ON 

CHAT  IRA    APRES    LES    VESPRES    LA    SEQUECE   DU    JOUR 

ALA    COMORS    ETC.    LE    VEUS    ET  VORAISO    DEPFUDIS 

ET    LES   ORAOS  CÏDZ  JOUXTE  LE    COTRAT    PASSÉ 

DEIAT    LES    TABELLIOS    ROYAUX    DE    LISIEUX    LE 

à    AOUST    166/l. 

PRIEZ    DIEU    POUR    SON    AME. 

Ilocques  possède  encore  une  confrérie  de  charité  qui  fut 
érigée  en  1503.  Cette  Société  a  conservé,  malgré  le  torrent 
des  révolutions,  un  petit  trésor  qui  ne  manque  pas  d'intérêt. 
11  consiste  en  une  paix  d'argent  massif  dans  le  style  de  la  Re- 
naissance, en  dix-huit  méreaux  ou  jetons  d'assistance ,  aussi 
en  argent  ;  en  douze  torchères  ou  porte-cierges  en  bois 
sculpté  datant  de  la  fin  du  règne  de  Louis  XIII,  dont  l'exé- 
cution ne  laisse  rien  à  désirer  et  dont  la  composition  est 
vraiment  artistique  ,  comme  le  fait  voir  le  dessin  ci-joint, 
qui  dispense  de  toute  description  (V.  la  page  suivante).  Enfin 
nous  signalons  aux  généalogistes  un  registre  volumineux 
appartenant  à  la  même  Charité  ;  c'est  le  registre  d'inscription 
des  confrères,  entre  les  années  1616  et  1758.  On  y  voit 
figurer  la  plupart  des  ecclésiastiques  de  la  ville  épiscopale  , 
beaucoup  de  curés  des  paroisses  environnantes  et  une  foule 
de  gentilshommes. 


22  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Toutes  ces  richesses  indiquent  assez 
l'importance  qu'avait  cette  Charité  :  aussi 
n'y  a-t-il  point  à  s'étonner  de  la  voir  en 
possession  d'un  blason  en  bonne  forme 
qu'elle  conserve  religieusement  sur  les 
chaperons  des  frères  servants  ,  où  j'en 
ai  pris  un  calque  (Voir  la  page  sui- 
vante ). 

Dans  le  mobilier  de  sacristie  il  faut 
citer  une  chasuble  qui  ne  remonte  pas, 
dans  son  ensemble,  au-delà  du  règne 
de  Louis  XIV  ,  mais  dans  la  confection 
de  laquelle  on  a  fait  entrer  une  bande 
de  broderie,  du  moyen-âge,  représentant 
deux  évêques  dans  le  costume  antique. 


La  cloche   est  du  XVIII".  siècle.  En 
voici  l'inscription  : 


,    Mgr  JACQVES    MARIE   DE   CAF.ITAT   DE  CONDORCETj 
EVEQVE     ET     COMTE    DE      LISIEVX.     IAV      ETE    BENIE 
PAR    Me 
/jjjKS^  F.     HEBERT     BACHELIER     EN      LVNIVERSITÉ 

de  cean  (de    Caen  )  cvre  n.  dame  et  de  st 

LEONARD   DE    HONFLEVR    ET    ANCIEN 

/0£J?=>CVRE    DE    CE    LIEV  ET    Me    JEAN   REBVT  CVRE 

DE    ROCQVES    ET    Me    JEAN     BVNEL    VICAIRE     DE    CE 

LIEV    ET    NOMMÉE 

0^§?^ST  OVEN  PAR   Mr  PIERRE  LOVIS  DE  NEVVILLE 

NEGOTIANT      A     LISIEVX     ET      DAMOISELLE    IEANNE 

RICQVIER    FILLE 

fâ7^>  DE     M'     JACQVES     RICQVIER     MARCHAND    A 

LISIEVX.    FRANÇOIS   LAMY    TRESORIER. 

I   DES   MOVSSEAVX   AGEE    DE    88    ANS    DF.SPVTTEE    A 

VV    FONDRE     CETTE     CLOCHE.      A     LAVILLETTE     DE 

USIEVX    MA    FAITE    EN    17G7.    F,    LAVILLETTE. 


CANTON   DE  LiSIEUX  ,    1".    SECTION.  23 

'     f 


CHAPERON    D^S    FRERES  SERVANTS  ,    A    ROQUES. 

On  a  déjà  vu  que  l'église  de  Rocques  est  sous  l'invocation 
de  saint  Ouen  ;  c'était  au  prébende  de  La  Pluyère  qu'apparte- 
nait le  patronage ,  cependant  c'était  le  titre  d'une  prébende 
du  Chapitre. 

Je  ne  connais  point  de  fief  sur  le  territoire  de  celte  pa- 
roisse, bien  que  quelques  gentilshommes  y  aient  fait  leur  ré- 
sidence. On  trouve,  en  15^0  ,  Jean  de  Gonslimesnil ,  de  la 
maison  de  Goustimesnil,  au  pays  de  Caux  ; 

En  1616,  damoiselle  Marguerite  Ainfray  ; 

En  1623,  noble  dame  Françoise  de  La  Vigne,  dame  de 
FI  eu  ri  mont  ; 


2U  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

En  1687,  Gaspard  Le  Petit,  sieur  de  Campront,  et  maistre 
Jean  Le  Petit. 

FAUGUERXOX  (1). 


Fauguernon,  Faguellon,  Fauguernone. 

Cette  église  est  sous  l'invocation  de  saint  Regnobert,  évoque, 
de  Baveux.  Quand  on  se  rappelle  les  circonstances  de  la 
translation  des  reliques  de  ce  saint  prélat ,  dont  on  a  lu  le 
récit  à  l'article Morolles,  quand  on  considère  le  peu  de  dis- 
tance qui  sépare  les  deux 
centres  de  population ,  on 
est  tenté  de  considérer  celle- 
ci  comme  le  lieu  même  où 
elles  furent  déposées  ;  ce- 
pendant aucune  partie  de 
la  construction  actuelle  ne 
peut  remonter  à  une  épo- 
que aussi  reculée. 

C'est  un  édifice  fort  ir- 
régulier, ce  qu'il  faut  at- 
tribuer aux  époques  diffé- 
rentes des  constructions 
qui  le  composent.  Le  portai 
est  précédé  d'un  vaste  por- 
che en  charpente.  La  porte 
est  défigurée.  Le  clocher 
en  charpente  est  de  la  fin 
du  XVIe.  siècle  (V.  p.  suiv.).      PLAn  de  l'églisk  àt  hugikunon. 


(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vus^cur. 


CANTON    DE  LISIEIX  ,    lrc.    SECTION. 


25 


26  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

Les  deux  murs  latéraux  de  la  nef  sont  de  date  différente. 
Celui  du  sud  paraît  du  XIIIe.  siècle,  dans  la  partie  qui  subsiste 
encore  ;  car  une  chapelle ,  posée  entre  chœur  et  nef,  en  a 
usurpé  une  notable  portion.  On  n'y  voit  qu'une  seule  fenêtre, 


qui  est  ogivale;  elle  présente  tous  les  caractères  du  XVIe. 
siècle.  Son  tympan  est  plein  ;  le  reste  est  subdivisé  en  deux 
baies  cintrées. 

Le  mur  du  nord  est  soutenu  par  quatre  contreforts.  Bien 
qu'il  ait  tout  son  développement,  on  n'y  voit  pourtant  également 
qu'une  fenêtre:  elle  est  ogivale,  à  traccrie  flamboyante  avec 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    lr'.    SECTION.  27 

un  meneau  :  elle  date  donc  du  XVe.  siècle.  Le  plein  des  murs 
paraît  de  l'époque  romane. 

La  chapelle  est  tout  entière  du  XVIe.  siècle.  Elle  est  de 
forme  pentagonale ,  avec  des  contreforts  sur  les  angles.  Son 
toit  est  en  pavillon.  Trois  fenêtres  servent  à  l'éclairer.  Elles 
étaient  originairement  semblables  :  l'une  a  été  bouchée  ;  les 


^llllllirill.llLlilIlIlJlUUIII'lllllllllllllllllMJMJmJ^li!! 


deux  autres,  qui  sont  de  forme  ogivale,  sont  subdivisées  par 
un  meneau. 

Le  chœur  est  en  retraite  sur  la  nef,  comme  on  le  constate 
communément.  Les  murs  sont,  en  totalité,  romans  (du  XIIe. 
siècle)  au  nord  et  au  levant  ;  au  sud,  se  trouve  une  conslruc- 


28  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

lion  d'une  date  plus  récente  ;  au  nord ,  on  voit  deux  contre- 
forts plats  et  les  traces  d'une  petite  fenêtre  romane,  aujour- 
d'hui bouchée  et  remplacée  par  deux  grandes  baies  cintrées, 
qui  ont  le  caractère  du  XVIIe.  siècle.  Le  chevet,  qui  est  droit, 
a  un  développement  considérable.  Il  se  termine  par  un  gable 
énorme  à  rampants  de  pierre.  Celte  disposition  vient  de  ce 
que  l'on  a  voulu  couvrir  par  une  seule  charpente,  et  le  chœur 
primitif  et  la  chapelle  placée  en  bas-côté,  au  midi,  vers  le 
XVe.  siècle  (V.  le  plan,  p.  4i4).  On  voit  parfaitement  les 
reprises ,  car  les  constructions  du  XVe.  siècle  sont  en  pierre 
de  taille ,  tandis  que  les  autres  se  composent  de  moellons 
non  taillés,  noyés  dans  un  mortier  de  chaux,  avec  des  con- 
treforts plats  en  travertin.  Deux  de  ces  contreforts  ont  été 
conservés  dans  la  reconstruction  du  chevet.  Lors  de  ces  re- 
prises ,  on  avait  ouvert  dans  l'axe  du  chœur  une  grande  ogive 
qui  fut  bouchée  au  XVIIe.  siècle,  mais  qu'on  vient  de  rouvrir. 

Les  traces  d'une  litre  funèbre  se  voient  encore  à  certains 
endroits  des  murs. 

A  l'intérieur,  toutes  ces  constructions  d'époques  diverses 
forment  un  vaisseau  bien  il  -régulier.  Le  chœur  a  été  totale- 
ment défiguré  ;  l'autel  ne  présente  d'autre  intérêt  que  de 
venir  de  l'église  détruite  de  Bouttemont. 

La  chapelle  longue  qui  forme,  pour  ainsi  dire,  le  bas-côté 
du  sud ,  a  conservé  sa  jolie  voûte  ogivale  en  merrain  avec 
dessins  au  poncis.  Au  sous-faîte  sont  attachés  des  blasons  qui 
avaient  été  coloriés.  Sur  l'un  on  distingue  parfaitement  un 
orle  de  merîettesde  sable  sur  champ  d'argent.  Un  autre  porte 
le  chiffre  IHS.  Son  autel  ne  date  que  du  dernier  siècle  ;  sur 
le  tableau  est  la  date  1726  et  la  signature  Pillemens  à  l'un 
de  ses  coins.  A  l'autre ,  sont  deux  blasons  curieux  :  ils  in- 
diquent que  les  donateurs  furent  un  membre  Vie  la  famille 
Le  Bas,  originaire  de  Lisieux  ,  et  sa  femme.  Cette  famille, 
qui  a  rempli  de  hautes  charges  de  finance  dans  l'élection  de 


CANTON   DE   USIËUtj    1".    SECTION.  29 

Lisieux,  a  possédé  des  biens  à  Fauguernon  ;  elle  s'est  éteinte 
dans  la  famille  de  Piperey. 

La  chapelle  pentagonale  est  également  voûtée  en  merrain. 
Elle  n'a  qu'une  seule  ferme  apparente  du  côté  de  son  ouver- 
ture sur  la  nef.  Cette  forme  de  charpente  est  d'une  exécution 
parfaite  et  d'une  rare  élégance;  l'entrait,  orné  de  torsades  et 
d'imbrications  avec  rageurs  vigoureusement  sculptés  à  chacune 
de  ses  extrémités,  est  soulagé  à  son  milieu,  au-dessous  du 
poinçon,  par  un  pilier  de  bois  octogone,  parfaitement  équarri, 
et  dont  la  partie  supérieure  est  toute  couverte  d'imbrications 
(V.  la  page  suivante).  Au-dessous,  est  une  bande  d'écussons 
sculptés  en  relief,  qui  sont  ceux  des  anciens  seigneurs  de 
Fauguernon  ,  à  qui  on  doit  l'érection  de  cette  chapelle. 

Un  autel  en  pierre,  dans  le  style  du  dernier  siècle,  occupe  le 
fond  de  la  chapelle  ;  dans  le  mur  oriental  est  une  petite  piscine. 

En  avant  du  chœur  sont  deux  petits  autels  :  sur  l'un  se 
voit  une  statue  de  pierre  dont  le  socle  est  orné  d'un  blason 
autrefois  colorié  ;  en  dépit  de  l'épais  badigeon  blanc  dont  on 
a  jugé  à  propos  de  le  couvrir,  il  a  été  possible  de  constater 
qu'il  était  d'azur  à  trois  croissants  d'argent  :  c'est  évidem- 
ment celui  du  donateur  de  la  statue. 

l.a  nef  est  aussi  voûtée  en  merrain  avec  charpente  appa- 
rente. Les  poutres  ont  été  revêtues  d'une  décoration  poly- 
chrome vers  la  fin  du  XVIIe.  siècle  ou  au  XVIIIe.  L'entrait 
est  rouge,  avec  des  arabesques  jaunes.  Sur  la  base  du  poinçon 
sont  figurées  les  mêmes  pièces  héraldiques  que  sur  le 
poteau  de  la  chapelle  pentagonale  :  trois  croissants  d'ar- 
gent, 2  et  1.  Le  fût,  jusqu'à  la  voûte,  est  orné  d'un  semé 
de  fleurs  de  lis  et  de  croissants  alternant. 

Dans  le  mur  du  nord  se  trouve  une  petite  piscine  ogi- 
vale, du  XVe.  siècle.  Une  autre  piscine  ,  en  accolade ,  se 
remarque  au  bas  de  l'église.  Cette  disposition ,  que  Ton 
rencontre  quelquefois,  a  besoin  d'être  expliquée, 


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CANTON    DE   LIS1EUX  ,    lr\    SECTION.  51 

Les  fonls  baptismaux ,  qui  datent  du  XVe.  siècle,  sont  une 
cuve  de  pierre  octogone,  ornée  de  quelques  feuilles  de  vigne 
sculptées  à  la  partie  supérieure. 

Dans  la  pauvreté  du  mobilier ,  il  ne  faut  pas  oublier  de 
signaler  deux  statues  de  Vierge,  d'une  bonne  exécution  et 
d'une  époque  déjà  ancienne. 

11  y  a  deux  ou  trois  ans,  l'un  des  desservants  de  Fauguernon 
a  vendu  à  vil  prix,  à  un  brocanteur,  des  fragments  d'un  ré- 
table à  personnages,  d'un  grand  intérêt,  que  l'on  avait  dé- 
couverts dans  la  poussière,  sous  l'un  des  petits  autels.  Ces 
sculptures  dataient  du  XVIe.  siècle  ;  l'exécution  en  était  re- 
marquable. Tous  les  personnages  avaient  été  miniatures,  et 
leurs  costumes  pittoresques  rappelaient  les  travaux  du  même 
genre  des  Flandres  et  de  l'Allemagne.  Il  y  avait  h  groupes 
qui  représentaient,  comme  toujours,  les  scènes  de  la  Passion. 
Leur  disposition  permettait  de  comprendre  qu'ils  avaient  été 
superposés  en  deux  étages  :  le  premier  ne  comprenait  pas 
moins  de  dix  personnages,  divisés  en  trois  groupes.  Son  sujet 
était  le  Sauveur,  accablé  sous  le  poids  de  la  croix.  Le  bloc 
suivant,  qui  avait  rempli  le  centre  du  rétable,  montrait  le 
Christ  en  croix,  insulté  par  les  soldats  \  cinq  des  personnages 
étaient  à  cheval ,  deux  autres  à  pied.  La  partie  inférieure  re- 
présentait deux  sujets  destinés  à  faire  contraste  :  d'un  côté, 
les  disciples  du  Crucifié  avec  les  saintes  femmes  dans  la  dou- 
leur ;  de  l'autre  ,  les  soldats  jouant  aux  dés  pour  gagner  la 
robe  du  Christ. 

Les  deux  autres  fragments  représentaient  la  Descente  de 
la  croix  et  l'Ensevelissement.  Dans  chacun  figuraient  sept 
personnages  de  haut- relief. 

La  cloche  est  moderne  et  de  nul  intérêt  (1). 

(1)  Celte  nolice  a  été  rédigée  sur  les  notes  que  j'avais  prises  en  1855 
et  1858.  L'étal  de  cette  église  s'est   singulièrement  modifié  depuis.  En 


32  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

La  croix  du  cimetière  date  du  XVIIe.  siècle. 

Le  fut  consiste  en  une  colonne  avec  chapiteau  corinthien. 

L'if,  accompagnement  ordinaire  des  églises  de  ce  pays, 
mesure  13  pieds  de  circonférence  à  la  partie  moyenne  du 
tronc.  Il  est  à  l'angle  nord-ouest  du  cimetière. 

L'église  de  Fauguernon  faisait  partie  du  doyenné  de  Tou- 
ques. Le  patronage  était  laïque.  Le  curé  avait  la  tierce -gerbe 
des  dîmes.  Au  civil,  la  paroisse  faisait  partie  de  l'élection  de 
Lisieux,  sergenterie  de  Moyaux.  On  y  comptait,  au  XVIIT. 
siècle,  95  feux ,  c'est-à-dire  environ  680  habitants.  On  en 
compte  maintenant,  d'après  le  dernier  recensement,  277  seu- 
lement. 

Fauguernon  possède  les  ruines  d'un  château-fort,  composé 
de  deux  enceintes;  la  première  avait  des  fossés  peu  consi- 
dérables On  y  voit  des  braiments  en  bois  ,  qui  paraissent 
dater  du  XVIe.  siècle,  et  un  colombier  octogone. 

L'enceinte  principale,  qui  paraît  avoir  été  à  peu  près 
carrée  ,  était  défendue  par  des  fossés  d'une  bien  grande  pro- 
fondeur ;  car  leur  creux  est  encore  considérable ,  malgré  tant 
d'années  d'abandon. 

la  revoyant  avec  M.  Bouet,  qui  a  fail  les  dessins  qu'on  vient  de  voir, 
nous  avons  constaté  que  M.  Blin ,  le  desservant ,  qui  s'est  débarrassé 
des  bas-reliefs  dont  on  vient  de  lire  le  détail ,  et  qui  occupe  encore  la 
cure,  ne  s'était  point  arrêté  dans  la  voie  qu'il  avait  choisie.  Tout  est 
bouleversé.  On  chercherait  en  vain  maintenant  les  statues  que  nous 
avons  mentionnées,  le  curieux  tableau  de  la  famille  Le  Bas:  tout  a  dis- 
paru; pas  une  seule  pièce  de  mobilier  ne  se  retrouve  dans  l'église.  Les 
fonts  baptismaux  sont  jetés  au  pied  de  la  haie  du  presbytère  :  on  les  a 
remplacés  par  une  cuvette  sans  style,  placée  au  midi,  contrairement  aux 
prescriptions  liturgiques.  J'aurais  peut-être  dû  changer  la  rédaction  de 
mes  notes ,  mais  j'ai  pensé  qu'en  décrivant  les  choses  telles  qu'elles  se 
trouvaient  quand  j'en  ai  été  impressionné,  on  pourrait  reconstituer  plus 
facilement  l'intérieur  de  cette  malheureuse  tglise. 

(  Note  de  M,  CU.  Vasseur.  ) 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    l'e.    SECTION.  33 

Le  donjon,  de  forme  carrée,  occupait  à  peu  près  la  moitié 
de  la  ligne  septentrionale.  Il  était  bàli  tout  entier  en  pierres 
de  petit  appareil ,  ou  plutôt  en  silex  taillé.  Deux  éperons 


-^v. 


saillants  formatent  avant-corps,  du  côté  du  fossé.  Des  amorces 
de  voûte  plein-cintre  se  remarquent  encore  au  rez-de- 
chaussée.  Vers  l'intérieur  de  l'enceinte,  on  voit  des  rainures 
pour  la  herse  ;  au  premier  étage,  Ijs  angles  sont  encore  garnis 
de  cblûnnetités  cylindriques  avec  chapiteaux  romans,  qui 
servaient,  sans  doute,  à  recevoir  les  retombées  des  voûtes  des 
salles  hautes.  Le  rez-de-chaussée  ,  qui  était  occupé  par  la 
grande  porte,  offrait,  sous  ce  rapport,  quelque  ressemblance 
a\cc  celui  du  château  de  la  Pommorayc  et  celui  du  Plcssis- 
Grimoult ,  figurés  précédemment  dans  les  tomes  II  et  III  de 
la  Statistique  monumentale  ;  mais  on  y  remarque  des  cou- 
lisses ou  rainures  pour  recevoir  des  herses ,  ce  qu'on  ne 
trouve  pas  dans   les  deux  tours  précédentes. 

A  l'angle  nord-ouest  du  donjon ,  du  cùlé  de  la  cour  inté- 
rieure, est  accolée  une  tourelle  circulaire  renfermant  un 
escalier  en  pierre,  qui  n'est  éclairé  que  par  d'étroites  ouver- 
tures en  forme  de  meurtrières. 

3 


34  STATISTIQUE   MOSUMtNTALE    DU    CALVADOS. 

A  l'autre  extrémité  de  celte  ligne  septentrionale,  est  une 
tour  circulaire  qui  a  subi  des  retouches  à  diverses  époques, 
mais  dans  l'intérieur  de  laquelle  se  voit  une  salle  voûtée  en 
cul-de-four.  L'entrée  est  garnie  d'un  simple  tore ,  c'est  un 
arc  surbaissé  qui  peut  remonter  au  XIIIe.  siècle.  Des  meur- 
trières ,  fortement  ébrasées  à  l'intérieur,  éclairent  seules  cette 
salle  obscure,  au  centre  de  laquelle  s'ouvre  une  margelle 
circulaire,  unique  entrée  d'un  caveau  souterrain  ,  voûté 
d'après  le  système  de  la  salle  supérieure.  On  lui  donne  pom- 
peusement le  nom  d'oubliettes;  mais  il  sert  actuellement  au 
fermier  pour  loger  ses  légumes  pendant  l'hiver. 

Toutes  les  murailles  du  pourtour  de  l'enceinte  sont  ré- 
duites à  la  hauteur  d'un  simple  mur  de  clôture,  de  sorte  qu'il 
ne  reste  plus  rien  des  édifices  qui  devaient  s'y  trouver  adossés. 
Il  faudrait  fouilier  le  sol  pour  en  retrouver  le  plan  et  en  con- 
stater l'importance.  On  voit  encore  pourtant ,  dans  la  ligne 
qui  est  parallèle  au  chemin,  c'est-à-dire  vers  l'orient,  une 
salle  basse,  souterraine ,  voûtée  en  berceau ,  à  laquelle  on  ac- 
cédait autrefois  de  la  cour  intérieure  ,  ou  plutôt  de  l'un  des 
bâtiments,  par  un  escalier  en  pierre  d'une  seule  volée  droite, 
dont  on  retrouve  en  place  les  derniers  degrés.  Le  reste  est 
envahi  par  les  décombres.  Cette  salle  sert  de  vestibule  à  une 
cave  ou  souterrain,  divisé,  suivant  l'usage  constant  du  moyen- 
âge  ,  en  une  série  de  celluk's  disposées  symétriquement  sur 
chacun  des  flancs.  Il  y  en  a  trois  de  chaque  côté  ;  une  septième 
forme  le  fond  du  couloir. 

Ce  château  a  eu  un  passé  historique.  Au  XIIe.  siècle,  il  fut 
pris  par  Geoffroy  d'Anjou  ,  après  trois  mois  de  siège  et  rasé. 
Bien  que  plusieurs  de  ses  murs  accusent  encore  cette  époque, 
sans  mélange  de  style  postérieur,  il  est  cependant  impossible 
de  supposer  qu'il  n'ait  point  été  relevé  dans  la  suite. 
D'ailleurs,  il  était  encore  en  état  de  défense  en  1449  ;  les 
troupes  du  roi  Charles  VII,  venant  de  Pont-Audemer,  s'en 


CANTON   DE   LISIEUX,  lrp.   SECTION.  35 

emparèrent,  et  c'est  de  là  qu'elles  vinrent,  le  16  août  , 
asseoir  leur  camp  devant  Lisieux.  D'après  diverses  données 
historiques  ,  il  paraîtrait  que  ce  fut  seulement  sous  le  règne 
d'Henri  IV  qu'il  fut  définiiivemenl  démantelé.  Suivant  une 
sentence  du  bailli  de  Fauguernon  ,  datée  du  7  mars  1591  , 
les  pieds  de  la  vicomte  se  tenaient  dans  ce  temps  à  Lisieux, 
par  raison  des  troubles  de  guerres  estant  en  ce  pays. 

La  vicomte  ou  baronnie  de  Fauguernon  était  un  des  grands 
fiefs  du  duché  de  Normandie.  Elle  se  composait  de  huit  fiefs 
de  haubert,  dont  plusieurs  avaient  eux-mêmes  des  forteresses 
importantes.  Elle  s'étendait  sur  le  Pin,  Norolles,  St.-Phil- 
berl-des-Champs  et  autres  paroisses  environnantes. 

Les  vicomtes  de  Fauguernon  avaient  séance  à  l'Echiquier. 

La  famille  que  l'on  trouve  le  plus  anciennement  en  posses- 
sion de  cette  terre  est  celle  des  Berlran  de  Bricquebec  ;  et 
comme  ils  remontent  par  filiation  suivie  jusqu'au  temps  de 
Rollon,  il  est  probable  que  leur  auteur  l'avait  obtenue  dans 
le  partage  qui  suivit  la  conquête  de  la  Normandie. 

11  ne  peut  entrer  dans  le  cadre  de  ce  travail  de  donner 
les  noms  de  tous  ceux  des  membres  de  celle  famille  qui 
furent  seigneurs  de  Fauguernon  :  il  suffira  de  nommer  les 
principaux  :  Robert  Ier.  suivit  à  la  Croisade  le  duc  de  Nor- 
mandie ;  il  portait  d'or  au  lion  vert  rampant,  ongle  et  cou- 
ronné d'argent  avec  un  baston  de  gueules,  pour  brisure; 
car  ce  n'était  qu'un  cadet  de  la  branche  de  Bricquebec.  Ceci 
est  exlrait  du  catalogue  publié  par  Gabriel  Dumoulin  à  la 
suite  de  son  Histoire. 

Son  fils,  Robert  II,  avait  pris  parti  pour  Eustache ,  comte 
de  Boulogne,  conire  le  duc  d'Anjou:  ce  qui  amena  la  de- 
struction de  son  château  en  11 37.  Il  fut  tué  lui-même  l'année 
suivante  en  défendant,  sans  doute,  toujours  la  même  cause.  Il 
avait  épousé  la  fille  u*Étiennc  ,  comte  d'Auinals,  dont  il  eut 
un  fils  nommé  encore  Robert. 


56  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Celui-ci  vit  aussi  une  invasion  étrangère  ravager  la  Nor- 
mandie; mais,  instruit  par  l'expérience  de  son  prédécesseur, 
il  ne  chercha  point  à  résister  et  put  ainsi  conserver  ses  terres 
qui  furent  érigées  en  harounie  par  le  conquérant,  Philippe- 
Auguste.  Son  alliance  avec  la  fille  aînée  de  Jourdain  Tesson 
ne  fit  qu'augmenter  son  importance.  Son  petit-fils,  Robert  V, 
vicomte  de  Roncheville  ,  seigneur  d'Honfleur  et  de  Fau- 
guernon ,  fut  nommé  connétable  de  Normandie.  Cette  charge 
était  restée  jusqu'alors  dans  la  famille  du  Hommel.  Il  eut 
pour  femme  Alix  de  Tancarville,  fille  de  Monsieur  Guil- 
laume, .sire  de  Tancarville  ei  d'Âlissande  de  Meullent.  Le 
traité  de  mariage,  daté  de  l'an  1245 ,  stipule  une  dot  con- 
sidérable. Alix  était  héritière  de  sa  mère  et  devenait  dame 
des  terres  de  Sahurs, Crotset  et  Bapaulmc  ,  près  Rouen, 
Fcuguerolles,  Ifs,  Alemaigne  ,  Placy ,  Savenay  ,  le  Mesnil- 
Patry,  Estreham,  près  Caen  (1). 

Les  deux  fils  de  Robert  V  se  partagèrent  ses  possessions, 
et  c'est  au  second,  nommé  Guillaume,  qu'échut  Fauguernon 
avec  les  fiefs  de  sa  mère. 

La  génération  suivante  fut  la  dernière. 

La  terre  de  Fauguernon  passa  alors  à  une  famille  étrangère, 
mais  une  confusion  inextricable  règne  dans  les  différentes  gé- 
néalogies, qu'il  est  impossible  de  faire  concorder.  Disons 
seulement  que  l'on  trouve  en  même  ternes  qualifiés  vicomtes 
de  Fauguernon  :  les  Painel ,  les  Garencières ,  les  Fresnel  et 
Robert  VIL  Bertran ,  maréchal  de  France ,  était  neveu  du 
dernier  possesseur  mâle  de  cette  même  famille.  Ces  seigneurs 
vivaient  au  commencement  du  XIVe.  siècle. 

En  1465,  Montfaut,  faisant  sa  recherche  de  la  noblesse  en 
Normandie,  trouva  à  Fauguernon  messire  Jehan  de  Montenay, 
chevalier,  baron  de  Carencières,  seigneur  de  Bérangeville,  de 

{{)  V.  de  I  a  Hoque,  Histoirt>  de  la  maison  d Harc  >ur:. 


CANTON    DE   LISIEUX,    i*%    SECTION.  37 

Ntilly  en  Gastinoys  et  vicomte  de  Faugucrnon ,  qui ,  six  ans 
plus  tard  ,  en  1469  ,  se  présentait  aux  montres  de  la  noblesse 
du  bailliage  d'Évrcux  «en  abillementde  homme  d'armes,  ac- 
compagnié  d'un  autre  homme  d'armes,  neuf  arebiers  et  quatre 
vougiés...,  tous  suffisamment  montez  et  armez.  »  (Monstres 
de  la  noblesse  du  bailliage  d'Evrcux  en  1469  ,  publiées  par 
MM.  Bonnin  et  Chassant,  p.  10.  ) 

Un  acte  original  des  Archives  de  l'Hospice  de  Lisieux ,  du 
10  mars  1693,  parle  de  noble  et  puissant  seigneur  Christophe 
deCerisay,  seigneur  de  Villy  et  baron  de  La  Haye-du-Puits, 
vicomte  de  Faugucrnon ,  conseiller  et  chambellan  du  roi  et 
son  bailli  en  Cotenlin.  Comment  était-il  devenu  seigneur  de 
Faugucrnon?  C'est  ce  que  je  n'ai  pu  découvrir.  De  sa  femme, 
nommée  Marie  de  Mayneville ,  Christophe  de  Cerisay  ne  put 
avoir  qu'une  fille ,  appelée  aussi  Marie ,  qui  épousa  Gaston 
de  firezé  ,  quatrième  fils  de  Jacques  ,  comte  de  Maulevrier , 
maréchal  et  grand  sénéchal  de  Normandie  ,  et  de  Charlotte  , 
bâtarde  de  France,  fille  de  Charles  VII  et  d'Agnès  Sorel. 

Gaston  de  Brezé  joignit  donc  Faugucrnon  aux  fiefs  nom- 
breux qu'il  possédait  déjà. 

Marie  de  Cerisay  survécut  à  son  époux,  et  elle  vivait  encore 
en  1537,  suivant  un  acte  du  20  septembre  de  celte  année  où 
l'on  voit  qu'elle  possédait  aussi  le  château  du  Pin  ,  dont  il 
va  bientôt  être  question. 

Elle  comparut  devant  les  élus  de  Lisieux,  faisant  recherche 
de  la  noblesse  en  1540.  Elle  produisit  une  généalogie  pour 
elle  et  ses  enfants  soubz-âage ,  mais  elle  ne  put  la  justifier, 
parce  que  «  les  lettres,  chartes,  etc.,  concernant  leur  noblesse 
étaient  demeurées  aux  mains  de  défunt  M  .  Louis  de  Brezé, 
sénéchal  et  gouverneur  de  Normandie  ,  frère  aîné  de  son 
mari.  » 

Ces  enfants  sous-àge  étaient  Louis  de  Brezé  ,  devenu 
grand-aumônier  de  France  et  évoque  de  Mcaux,  puis  deux 


38  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

filles,  Catherine  et  Françoise.  La  première  épousa  Nicolas  de 
Dreux,  vidante  et  baron  d'Esneval  ;  la  seconde  eut  pour  mari 
Gilles  Le  Roy,  seigneur  du  Chillon. 

Louis  de  Brezé  obtint  en  partage  les  terres  de  sa  mère. 
Dans  un  acte  du  7  mai  1571,  on  le  voit  qualifié  de  :  «  Révé- 
rend Père  en  Dieu  messire  Louis  de  Brezey  ,  evesque  de 
Mcaux,  abbé  des  abbayes  de  St.  -Pliaron  et  Ygny ,  seigneur 
et  baron  de  la  Hays-du-Puis,  chastellain  et  visconte  de  Fau- 
guernon ,  sieur  du  Chasteau  du  Pin  et  du  Bois-Ravenot, 
etc.,  etc.  » 

Ses  sœurs  n'eurent  point  part  à  son  héritage,  qui  revint 
nous  ne  savons  comment,  à  son  cousin,  M.  de  Saint-Ger- 
main Faaguernon,  qui  tint  le  parti  du  duc  de  Bouillon  pen- 
dant les  guerres  de  religion  (1). 

Ensuite ,  Faugucrnon  se  retrouve  entre  les  mains  de  Louis 
de  Brezé  ,  le  mari  de  Diane  de  Poitiers ,  ou  plutôt  entre  les 
mains  de  l'une  de  ses  filles,  Françoise  de  Brezé,  qui  avait 
épousé  Robert  IV  de  La  Marck  ,  duc  de  Bouillon ,  comte  de 
La  Marck,  prince  de  Sedan,  maréchal  de  France,  gouverneur 
et  lieutenant-général  pour  le  roi  en  Normandie.  Un  acte  ori- 
ginal des  Hospices  de  Lisieux ,  en  date  de  1617,  fait  mention 
de  «  hault  et  puissant  seigneur  messire  Louis  de  La  Mark  , 
marquis  de  Maulny ,  vicomte  de  Faugucrnon  ,  seigneur  de 
JMarigny  et  de  Nogent-Ie-Roy,  conseiller  du  Roy  en  ses  Con- 
seils d'Estat  et  privé,  premier  escuyer  de  la  Royne.  » 

Dans  la  seconde  moitié  du  XVfle.  siècle,  Faugucrnon  était 
passé  aux  Le  Conte  de  Nouant  de  Picnecourt,  qui  le  possé- 
dèrent jusqu'à  la  Révolution  elle  possèdent  encore  maintenant. 

Afin  que  l'on  puisse  reconnaître  auxquelles  des  différentes 

(1)  C'était  un  des  enfants  de  Gilles  de  Saint-Germain  ,  baron  d'As- 
nebec ,  qui  avait  épousé  la  lille  de  Jacques  de  Brezé ,  gratid-père  de 
l'évéquc  de  Meaux. 


CANTON   DE   LIS1ELX  ,    lr\    SECTION.  39 

familles,  qui  ont  successivement  possédé  la  terre  de  Fau- 
guernon,  peuvent  appartenir  les  blasons  qui  ont  été  dessinés 
ou  décrits  ,  voici  les  armoiries  que  les  généalogistes  attribuent 
à  chacune  d'elles  : 

Bertrand.  —  D'or  au  lion  de  sinople  armé  ,  la  m  passé  et 
couronné  d'argent. 

PaincL  —  D'or  5  deux  fasecs  d'azur ,  accompagnées  d'un 
orle  de  8  merlettes  de  gueules. 

De  Montcnay.  —  D'or  aux  deux  fasces  d'azur ,  accompa- 
gnées d'un  orle  de  8  coquilles  de  gueules. 

F  remet  de  la  Fcrtc  Fresncl. — D'or  à  l'aigle  éployée  de 
gueules. 

De  Mauny.  —  D'argent  au  croissant  de  gueules. 

De  Drezé.  —  D'azur  à  8  croiseltes  d'or  posées  en  orle 
autour  d'un  écusson  aussi  d'or,  orle  d'azur  et  l'azur  rempli 
d'argent. 

De  Bouillon.  —  De  gueules  à  la  fasce  d'argent. 

Le  Conte  de  Nouant.  —  D'azur  au  chevron  d'argent ,  ac- 
compagné en  pointe  de  3  besants  d'or  mal  ordonnés. 

Moulin.  —  Rien  ne  manque  pour  attirer  le  tou liste  à 
Fauguernon.  La  sauvagerie  de  son  site  ménage  à  chaque  pas 
des  surprises  qui  feraient  les  délices  des  peintres  de  paysage 
et  aussi  des  romanciers.  C'est  ainsi  qu'en  revenant  de  notre 
excursion  ,  à  un  quart  d'heure  de  trajet  environ  du  château 
et  de  l'église,  nous  avons  découvert  un  moulin  du  XII'.  siècle. 
C'est  une  chose  assez  rare  pour  figurer  dans  la  Statistique  ; 
M.  Bouel  s'est  empressé  d'en  faire  un  croquis.  Mais  ce 
qu'il  n'a  pu  rendre,  malgré  son  talent  ,  c'est  l'impression 
qu'il  a  éprouvée,  comme  moi ,  en  s'avançant  dans  les  hautes 
herbes  jusqu'au  pied  de  cet  édifice  abandonné,  perché  sur 
l'escarpement  d'un  ravin  profond  dont  les  bords,  garnis  d'une 
foret  vierge  du  lapins  riche  végétation,   nous  empêchaient 


^o 


STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALA  ADOS, 


VLi:    DL    M01L1\    Dt    FAUGUERSON. 


CANTON   DE   IJSIEfJX,    l,c.    SECTION.  Ui 

de  voir  le  fond ,  où  nous  entendions  gronder  les  eaux  du 
torrent,  entravées  sar.s  doute  par  un  barrage.  Ce  moulin 
banal ,  accessoire  indispensable  de  la  baronnic,  paraît  avoir 
été  abandonné  seulement  au  commencement  de  ce  siècle. 
Quelques-unes  des  reprises  qu'il  a  subies  accusent  le  règue 
de  Louis  XV. 

'HERSIIYAL  (I). 

lïcrmival,  Ilcrmcvallis,  Hcsmcval,  Hermivallis. 

Sans  vouloir  attacher  trop  d'importance  au  nom  d'Her- 
mival,  et  sans  en  chercher  l'étymologie  dans  Hermès  Vallis  , 
le  val  de  Mercure  ,  on  ne  peut  douter  cependant  que  cette 
localité  n'ait  existé ,  n'ait  même  en  quelque  importance  à 
l'époque  romaine.  Placée  sur  la  grande  voie  qui  allait  de 
Noviomagus  à  Breviodwum,  entre  la  vallée  et  îa  plaine,  elle 
était  parfaitement  située  pourfaireune  stal ion.  Aussi  les  Ro- 
mains y  ont-ils  laissé  des  traces  de  leur  passage.  Au  commen- 
cement du  XVIIe.  siéelc ,  on  trouva,  en  faisant  des  terras- 
sements, une  statue  à  trois  faces  (pic  l'on  supposa  être  de 
Jupiter,  de  Vénus  et  de  Mercure.  Plus  tard,  en  janvier  1785, 
on  y  découvrit  encore  des  sépultures  ancienp.es  d'où  l'on 
tira  une  longue  lame  d'épée  d'un  pouce  de  large,  un  sabre 
large  de  deux  pouces  et  long  de  vingt-deux.  Dans  les  premiers 
jours  de  mars  1857,  une  nouvelle  découverte  de  sépultures 
fut  encore  due  au  hasard.  C'est  sur  le  penchant  d'un  étroit 
vallon,  ou  plutôt  d'une  gorge  fort  resserrée,  au  fond  de  la- 
quelle coule  un  petit  ruisseau  nommé  le  Drouet-Crocq ,  au 
hameau  de  la  Prinscrie,  que  cette  trouvaille  a  été  faite.  Déjà, 
l'année  précédente,  en  voulant  adoucir  la  pente  trop  abrupte 
du  coteau  ,  on  avait  rencontré   cinq  squelettes ,  enfouis  sans 

(1)  Noie*  (le  Vf.  CI).  Vasseur. 


h2  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

ordre  et  sans  trace  de  cercueils,  dans  des  fosses  creusées  dans 
la  marne,  recouverts  seulement  d'une  légère  couche  de  terre. 

Aucun  objet  qui  pût  faire  connaître  l'époque  de  ces  in- 
humations ne  fut  découvert ,  si  l'on  en  croit  le  propriétaire. 
On  trouva  seulement,  en  continuant  les  terrassements,  une 
masse  de  fer  informe  que  je  suis  porté  à  regarder  comme  le 
fond  d'un  mortier. 

C'est  à  vingt-cinq  pas  seulement  plus  loin  qu'eut  lieu  la 
dernière  découverte.  Celte  fois,  si  l'on  s'en  rapporte  aux 
ouvriers ,  le  nombre  des  squelettes  s'élève  à  une  douzaine , 
voire  même  une  vingtaine.  Le  premier  chiffre  est  le  plus  vrai- 
semblable. Il  n'y  avait  eu  aucun  ordre  observé  dans  le  dépôt  des 
cadavres  :  ils  étaient  groupés  par  cinq  ou  six,  regardant  in- 
différemment le  couchant  ou  le  nord.  Ils  étaient  posés , 
comme  les  autres,  sur  la  roche  calcaire,  sous  un  pied  de 
terre  tout  au  plus.  Tous  les  ossements  avaient  disparu  quand 
le  bruit  de  celte  découverte  nous  conduisit  sur  les  lieux. 
Quelques  crânes,  qui  avaient  été  oubliés,  purent  seuls  être 
examinés  par  le  docteur  Billon  ;  l'un  d'eux  lui  parut  appar- 
tenir à  un  très-jeune  homme  ou  à  une  femme  ;  les  autres  in- 
diquaient des  hommes  forts  et  faits.  On  trouva  avec  ces  corps 
quelques  objets  qui  furent  acquis  par  M.  Pannier,  et  qui  per- 
mettent de  faire  remonter  cette  inhumation  à  la  période 
franque  :  ce  sont  un  scramasaxe  de  18  pouces  de  long,  avec 
la  rainure  au  centre  de  la  lame;  un  fragment  de  style  à  écrire, 
et  enfin  deux  belles  agrafes  étamées,  l'une  ronde,  l'autre  de 
forme  allongée. 

L'église  et  le  château  se  groupent  assez  bien  ensemble  à 
gauche  de  la  route  qui  a  emprunté ,  dans  plusieurs  de  ses 
parties,  l'ancienne  voie  romaine  (V.  la  page  suivante). 
L'église  remonte  à  l'époque  romane,  et  aucune  des  par  lies 
essentielles  n'est  pos'.éricurc  à  la  fin  du  XI II",  siècle.  Son 
plan  ne  comprend  qu'un  chœur  et  une  nef,  d'une  longueur 


BANR>3    DE    US1KUX,    1".    SICTION, 


hZ 


kh 


STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


totale,  en  œuvre,  de  70  pieds.  Le  chœur  fait  retraite  sur 
la  nef,  suivant  l'usage.  Le  pignon  occidental  regarde  la  route. 
Ses  murs  sont  composés  d'un  blocage  irrégulier,  en  partie 
recrépi;  il  est  soutenu  par  deux  contreforts  en  pierre  de  taille 
peu  saillants ,  qui  nous  ont  paru  dater  des  premières  années 
du  XIIP.  siècle  ;  le  blocage  est 
plus  ancien.  Dans  le  pignon  avait 
été  primitivement  pratiquée  une  fe- 
nêtre cintrée,  de  grandeur  moyenne 
sans  moulures ,  avec  un  simple 
chanfrein  ;  elle  est  maintenant  bou- 
chée. La  porte  ,  au-dessus  de  la- 
quelle on  voyait  les  attaches  d'un 
porche  en  bois,  était  cintrée,  garnie 
de  moulures  qui  indiquaient  la  fin 
du  XVIe.  siècle.  On  l'a  détruite 
en  1858,  et  remplacée  par  une  ou- 
verture soi-disant  ogivale  dont  nous 
n'avons  rien  à  dire  ;  elle  a  été 
bâtie  par  i'agent-voyer  du  canton. 

Le  clocher  qui  surmonte  ce  por- 
tail est  une  pyramide  carrée  en  charpente  ,  recouverte  d'es^ 
sente. 

Les  murs  latéraux  sont  irrégulièrement  percés.  Celui  du 
nord,  recrépi  en  grande  partie,  est  soutenu  par  quatre  con- 
treforts qui  datent  du  XIIP.  siècle,  comme  ceux  du  portail; 
il  a  trois  ouvertures,  une  dans  chaque  travée.  Les  deux  pre- 
mières sont  romanes,  c'est-à-dire  étroites  et  cintrées.  L'autre 
a  l'apparence  du  XVIe.  siècle;  au-dessous,  se  voient  les 
traces  d'une  petite  porte  cintrée ,  à  claveaux  réguliers  extra- 
dossés  à  peu  près  cubiques,  qui  nous  a  paru  dater  aussi  de 
l'époque  romane. 

Les  deux  fenêtres  du  mur  méridional  ne  sont  point  pri- 


GANTOIS    DE   Î.ISIECX  ,    ir\    SECTION.  /|5 

mitives  :  l'une  est  moderne;  l'autre  paraît  du  XVI".  siècle, 
comme  sa  correspondante.  La  maçonnerie  n'est  pas  moins 
ancienne  que  celle  du  mur  latéral  du  nord;  elle  est  de  même 
en  blocage.  On  y  trouve,  vers  l'ouest,  la  trace  de  la  grande 
porte  primitive,  qui  fut  bouchée  probablement  au  XVIe.  siècle. 
Les  deux  premiers  contreforts  sont  du  XVIe.  siècle  ;  le  der- 
nier est  bâti  en  travertin   et  appartient  certainement  à   la 


Le  chœur  est  régulièrement  partagé  en  deux  travées  , 
comme  on  le  voit  par  le  plan.  Les  contreforts  paraissent  du 
XIIIe.  siècle  ;  les  murs  ,  toujours  en  blocage  ,  doivent  être 
romans;  les  ouvertures  sont  à  peu  près  symétriques,  mais 
d'époques  différentes.  Au  nord  ,  on  trouve  deux  fenêtres 
cintrées,  romanes,  plus  larges  que  celles  de  la  nef,  et  une 


chr.rmanle  petite  port?,  \u  midi,  la  porte  est  romane  ;  au- 


46  STATISTIQUE  MONUMENTALE   Ï)U  CALVADOS. 

dessus  s'ouvrent  deux  baies  cintrées  romanes.  La  dernière 
fenêtre  est  une  grande  ogive  à  chanfreins ,  subdivisée  par  un 
meneau,  en  deux  lancettes  irrégulièrement  trilobées,  avec 
un  quatre-feuiiles  dans  le  tympan.  Dans  le  chevet  était 
percée  une  grande  fenêtre  cintrée,  qui  s'est  trouvée  bouchée 
par  suite  de  l'établissement  d'un  haut  rétable  et  de  la  sa- 
cristie. Il  est  impossible  d'en  indiquer  l'époque. 

Les  tuiles  faîtières  du  chœur  sont  ornées  d'une  série  de 
boules  dont  les  contours  forment  une  dentelure. 

Intérieur.  —  Il  n'y  a  point  d'arcade  entre  le  chœur  et  la 
nef.  Les  voûtes  sont  ogivales ,  en  merrain ,  avec  charpentes 
apparentes.  Des  corbeaux  de  pierre  existent  sous  les  sa- 
blières pour  les  supporter  et  décharger  les  murs.  Le  sous- 
faîte  est  orné  de  rosaces  à  compartiments  gothiques  découpés 
à  jour. 

Le  maître-autel  est  composé  de  fragments  divers.  Le  tom- 
beau est  celui  de  l'ancien  autel  ;  le  rétable  et  le  tabernacle 
proviennent  de  l'église  des  Vaux.  Il  n'y  a  rien  à  en  citer  que 
la  provenance.  Deux  statues  en  pierre ,  un  saint  évêque  en 
costume  du  moyen-âge,  sans  doute  saint  Germain  ,  patron  de 
la  paroisse,  et  un  saint  Antoine  accompagnent  cet  autel. 

Les  deux  petits  autels  de  la  nef  datent  du  règne  de 
Louis  XIV.  Ils  sont  à  colonnes  torses  avec  enroulements  de 
ceps  de  vigne;  au  centre  sont  des  tableaux,  La  frise  de  l'enta- 
blement portait  des  écussons  armoriés ,  probablement  ceux 
des  donateurs.  On  les  a  bûches  avec  soin.  Sur  celui  du  nord, 
cependant ,  paraît  encore  un  lion  rampant  sur  un  champ 
d'hermine. 

Du  Bosc,  sieur  d'Hermival  portait  :  d'hermine  au  lion  de 
sable  couronné  a'or  (La  Chesnaye  des  Bois). 

Deux  dalles  lumulaires  se  voient  dans  le  pavage  du  chœur; 
l'une  d'elles  est  totalement  effacée,  elle  recouvre  les  restes  de 


CANTON    DE   LIS1EIÎX  ,    lr\    SECTION.  kl 

M.  de  Cassard,  curé  de  cette  paroisse,  mort  en  1781  ;  l'autre 
porte  le  fragment  d'inscription  suivant  : 

hic  pace  {jacet  ) 

ANTON1US    LAl'GEOIS 

oc  jus  (ecclesiœ)  rector 

(  Anno  atatis)  «cm  38* 

(die).   .    .    SEPTEMB. 

(an  dmdccxxvii)  (  An.  D.  M.  DCC.  XXVII.) 

BEQUIESCAT    IN    PACE. 

La  cloche  date  du  XVIIIe.   siècle  ;  en  voici  l'inscription  : 

f  LAN  1785  1AI  ETE  BENIE  PAR  Mr  IFAN  BAPTISTE  NICOLLE  CURE  d'hER- 
MIVAL    ET    NOMMEE    GABRIELLE    PAR    MESSIRE    IEAN 

Ift^T)"    GABRIEL/)    OOISNEL    CHor    SGr     HAUT    Il,STICIF.(r)     DESPAGN(e)    CHEVAL 
LKCE    DE    LA    GARDE  DU    ROY    CHcr  DE   LORHRE  DU   ROY    ET    PAR   NOBLE  DAM(?) 
Me    ELISABET     MARGUERITE     IULIE     DESCHAMPS     EPOUSE     DE     MESSIRE 
FRANÇOIS    ETIENNE    DOINEL    ECUIER    SGr    ET    PATRON    Di.ERMIVAL 

VAL    HEBERT     S1     LAUliANT     DU     BISSON     ANCIEN    CIIEVAU     LECfi(r)    DE 
LA    GARDE    DU    ROY.    IEAN    MANSEL    TRESORIER. 
IEAN    CONABT 
FECIT. 

Le  beffroi  d'Hermival  a  encore  donné  asile  à  la  cloche  de 
l'église  des  Vaux,  à  peu  près  contemporaine  de  la  précédente; 
mais  nous  en  avons  réservé  l'inscription  pour  l'article  con- 
sacré à  cette  paroisse. 

La  paroisse  d'Hermival  dépendait  du  doyenné  de  Aloyaux, 
comme  au  civil  de  la  sergenterie  de  ce  bourg,  élection  de 
Lisieux.  On  y  comptait,  au  XVIIIe.  siècle,  170  feux,  soit 
environ  800  habitants.  Elle  n'en  a  plus  que  637,  malgré  la 
réunion  des  Vaux.  La  cure  était  divisée  en  deux  portions , 
toutes  deux  à  la  nomination  de  seigneurs  laïques.  Les  pouillés 
du  XIVe.  siècle  portent,  pour  la  première  portion,  Jean  de 
Brionne,  et  pour  la  seconde,  Godefroy  Patri.   Les  pouillés 


48 


STATISTIOUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


postérieurs  indiquent  simplement,  pour  l'une  comme  pour 
l'autre,  le  seigneur  du  lieu  [dominas  loci). 

Le  château,  tout  voisin  de  l'église,  comme  on  l'a  déjà  dit, 
est  bâti  sur  un  plan  régulier.  Le  dessin  ci-joint  fait  voir  la 


CHATEAU    D  IIKIUIlVAL. 

partie  la  plus  mouvementée.  C'est  un  gros  pavillon  destiné  à 
contenir  le  grand  escalier,  et  aux  angles  de  la  façade  un  autre 
pavillon  carré  faisant  avant-corps.  Les  murs  sont  en  échiquier 
plus  ou  moins  régulier  ,  de  briques  rouges  et  de  pierre ,  ou, 
dans  certaines  parties ,  en  chaînage.  Une  corniche  à  mâchi- 
coulis court  sous  les  combles.  Je  crois  pouvoir  fixer  comme 
date  le  milieu  du  XVIe.  siècle, 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    lr\    SECTION.  49 

La  façade,  tout  en  pierre  de  taille,  a  été  refaite  sous 
Louis  XV. 

Quand  j'en  ai  visité  l'intérieur  en  1856,  quelques  apparte- 
ments avaient  conservé  des  vestiges  de  leur  décoration  pri- 
mitive. On  voyait  des  traces,  bien  frustes,  de  peintures  mu- 
rales, dont  les  sujets  étaient  devenus  impossibles  à  déterminer. 
A  deux  petites  fenêtres  étaient  des  restes  de  vitraux  peints,  de 
la  dernière  époque  ,  représentant  un  vase  de  fleurs  et  un 
oiseau. 

Sur  les  deux  pignons  se  dressent  deux  beaux  épis  de  terre 
émaillée,  dont  les  motifs  se  retrouvent  ordinairement  sur  les 
productions  de  la  même  époque. 

Deux  cours  d'eau  latéraux  longent  le  château  en  l'isolant 
des  terres  environnantes ,  mais  en  réservant  devant  la  façade 
une  vaste  esplanade ,  maintenant  transformée  en  jardin.  Le 
pont  était  fermé  par  une  belle  grille  en  fer  forgé ,  avec  tôles 
emboutées,  datant  du  règne  de  Louis  XV. 

Montfaut  ne  parle  pas  du  seigneur  d'Hermival  dans  sa 
Recherche.  La  montre  de  la  noblesse  du  bailliage  d'Évreux , 
faite  six  ans  plus  tard ,  nous  en  fait  présumer  le  motif  en 
inscrivant  Robert  Pougnant ,  seigneur  de  Hermienval,  de- 
mourant  à  Rouen. 

La  recherche  des  élus  de  Lisieux  ,  de  1540  ,  ne  fait  con- 
naître aucun  seigneur  d'Hermival.  Des  trois  gentilshommes 
qui  résidaient  alors  dans  la  paroisse,  l'un,  Antoine  d'Escaille, 
est  qualifié  seigneur  de  La  Motte  ;  les  deux  autres,  Richard  de 
L'Ame  et  Jean  Paoul ,  n'ont  point  de  titres. 

La  Motte  est  une  maison  sans  intérêt,  située  à  quelques 
centaines  de  pas  seulement  du  hameau  de  la  Prinserie. 

Au  XVIIe.  siècle,  le  château  d'Hermival  a  appartenu  à  la 
famille  du  Bosch ,  famille  de  robe  ,  qui  cependant  a  donné 
plusieurs  chevaliers  à  l'Ordre  de  Malte.  11  ne  faut  point  la 
confondre  avec  du  Bosc  de  Radepont  :  leurs  armes  sont  tout- 
à-fait  différentes.  4 


50  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

La  Roque ,  dans  son  Histoire  de  la  maison  d'Harcourt , 
parle  de  Jean  du  Bosch  ,  seigneur  d'Hermival  et  de  Firfol , 
qui  épousa,  vers  1600,  Marie  d'Oinville,  dont  sortit  «  noble 
homme  messire  maislre  François  du  Bosch,  seigneur  de  Her- 
mival,  conseiller  du  Roy  en  sa  Cour  des  Aydes,  qui  se 
maria  avec  damoiselle  Anne  de  Moges.  » 

J'ai  trouvé  dans  des  titres  originaux,  mais  sans  pouvoir 
en  établir  la  filiation  :  noble  homme  Hervey  du  Bosch ,  au- 
quel succéda  dans  la  possession  de  la  terre  d'Hermival 
François  du  Bosch ,  chevalier  ,  seigneur  et  patron  d'Her- 
mival,  Sl.-Laurent-du-Buisson  ,  Valhébert,  les  Septvoies, 
etc.,  suivant  un  aveu  de  1691.  Il  avait  pour  femme  Françoise 
de  Parey ,  qui  figure  comme  sa  veuve  dans  Y  Armoriai  de 
d'Hozier. 

L'inscription  de  la  cloche,  de  la  fin  du  XVIIIe.  siècle, 
montre  que  le  seigneur  d'Hermival  était  M.  Doisnel.  C'est 
maintenant  M.  de  Boctey  qui  possède  le  château. 

La  famille  de  Boctey  n'était  point ,  du  reste ,  étrangère  à 
Hermival  :  une  de  ses  branches  possédait ,  au  commencement 
du  XVIIe.  siècle,  le  fief  de  St.-Laurent-du-Buisson,  dont 
nous  allons  parler.  Il  est  situé  à  l'extrémité  de  la  paroisse 
tendant  vers  Ouillie-du-Houlley.  Le  paysage  qui  l'environne 
se  compose  de  mamelons  boisés  entourant  un  vallon  étroit  et 
sinueux,  d'une  sauvagerie  peu  commune.  Il  est  situé  sur  l'une 
des  pentes  les  plus  abruptes.  Comme  on  en  peut  juger  par  le 
croquis  ci-joint  (V.  la  page  suivante),  le  manoir  de  St.- 
Laurent  est  une  construction  assez  vaste  et  très-mouve- 
mentée ,  bien  qu'elle  ne  puisse  pas  remonter  au-delà  du 
XVIIe.  siècle. 

Au  sud  se  trouve  un  petit  bâtiment  sans  apparence ,  c'est 
la  chapelle  ;  elle  était  un  bénéfice  à  la  nomination  du  seigneur. 
Construite  en  moellon,  sans  contreforts  ni  détails  caracté- 
ristiques, défigurée  par  suite  de  sa  destination  actuelle  ,  il  est 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    lre.    SECTION. 


51 


52  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

difficile  de  dire  à  quelle  époque  elle  peut  remonter.  Elle  est 
orientée.  Il  est  présumable  qu'elle  date  du  XVIe.  siècle ,  à 
en  juger  par  deux  étroites  ouvertures  qu'elle  a  conservées  au 
chevet  et  au  midi. 

La  charpente  est  assez  légère  et  recourbée  en  carène;  mais 
les  douvettes  ont  disparu. 

Outre  ce  fief  et  le  château,  il  y  avait  encore  d'autres  terres 
seigneuriales  sur  le  territoire  de  la  paroisse  d'Hermival  ;  nous 
avons  déjà  cité  la  Motte,  on  peut  nommer,  en  outre,  les 
Septvoies.  Le  Valhébert  ,  bien  que  assis  à  Cormeilles ,  Can- 
telou,  la  baronnie  d'Ouillie,  y  avaient  aussi  des  extensions. 

LES  VAUX  (1). 

Les  Vaux,  ecclesia  de  Vallibus. 

L'église  des  Vaux  était  située  dans  une  gorge  formée  par 
deux  coteaux  très-rapprochés ,  dans  un  enclos  assez  régulier, 
de  cent  pas  environ  en  carré ,  qui  formait  une  enclave  au 
milieu  de  l'ancien  domaine  seigneurial.  Elle  a  été  rasée ,  et 
une  pépinière  en  occupe  la  place.  Elle  était  dédiée  à  Notre- 
Dame.  Le  patronage  appartenait  au  Chapitre  de  Lisieux  ,  par 
donation  de  l'évêque  Guillaume  de  Rupierre,  de  l'an  1191. 
L'évèque  l'avait  obtenu,  en  1178,  de  Robert,  vicomte  de  Li- 
sieux, qui  fut ,  je  pense  ,  la  souche  de  la  maison  Le  Vicomte. 

Au  XVIII*.  siècle,  les  Vaux  faisaient  partie  de  l'élection  et 
district  de  Lisieux  On  n'y  comptait  que  34  feux. 

C'était  le  titre  d'une  des  prébendes  du  Chapitre  de  Lisieux. 

De  l'ancien  manoir  il  ne  reste  qu'un  pavillon  carré,  autrefois 
entouré  de  fossés  pleins  d'eau  ,  auquel  se  trouve  adossé  un 
bâtiment  d'exploitation  rurale  sans  importance.  Ce  pavillon 

(i)  Notes  de  M.  Ct*.  Vas^cur. 


CANTON    DE   LISIEL'X ,    lr*.    SECTION.  53 

date  du  commencement  du  XVIP.  siècle.  Il  est  construit 
en  briques ,  avec  chaînes  de  pierre  à  refends  aux  angles.  Le 
rez-de-chaussée  est  percé  d'une  porte  et  le  premier  étage 
d'une  seule  fenêtre ,  du  côté  de  la  façade.  Le  comble  est 
éclairé  par  une  lucarne  en  pierre  avec  fronton,  il  a  pour  cou- 
ronnement deux  épis  en  terre  émaillée  de  peu  d'élévation , 
mais  dont  les  parties  essentielles  sont  encore  bien  conservées. 
La  base  est  circulaire  ;  le  centre  se  compose  d'un  vase  dé- 
coupé à  jour;  le  couronnement  est  une  colombe  supportée 
par  une  boule. 

Le  mur  du  pavillon  opposé  ù  la  façade  est  éclairé  par  deux 
fenêtres,  l'une  au  rez-de-chaussée,  l'autre  au  premier  étage. 

La  salle  que  forme  ce  premier  étage  est  encore  garnie  de 
son  pavage  en  carreaux  émaillés,  dont  une  partie  est  fort  bien 
conservée.  Les  carreaux  sont  alternativement  rouges  et  verts. 

Le  plus  ancien  des  documents  qui  font  mention  des  sei- 
gneurs des  Vaux,  postérieurement  à  Robert  Le  Vicomte  ,  est 
daté  du  28  août  1421,  pendant  l'occupation  anglaise.  Ce  sont 
des  lettres  de  pardon  accordées  par  le  roi  à  Guillaume  de 
Beaussay,  de  la  paroisse  Notre-Dame-des-Vaux,  prèsLisieux, 
lequel  estant  en  l'fioslel  de  Jean  de  Beaussay ,  escuyer,  de- 
meurant en  la  même  paroisse ,  avait  tué  d'un  coup  de  bâton, 
à  la  suite  d'une  orgie ,  un  nommé  Robert  Travers ,  dont  il 
avait  épousé  la  fille  (  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  Normandie,  t.  XXIII,  p.  228  ). 

Le  curieux  registre  de  la  Charité  de  Surville  fait  deux  fois 
mention  de  Loys  de  Saint-Pierre,  sieur  des  Vaulx,  aux  années 
1511  et  1513  (fol.  31  v°.  et  48  v°.  ).  Sans  avoir  la  certitude 
que  ce  soit  bien  la  localité  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  que 
l'on  trouve  ainsi  mentionnée,  on  est  fondé  à  le  supposer, 
puisqu'il  ne  se  trouve  pas  dans  les  environs  d'autre  fief 
de  ce  nom.  La  famille  de  Saint-Pierre  paraît  avoir  eu  son 
siège  principal  dans  la  paroisse  deNorolles;  elle  portait  d'azur 
au  chevron  d'or  accompagné  de  trois  roses  de  même. 


5k  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

En  1540,  une  autre  famille  noble  résidait  à  Notre-Dame- 
des-Vaux ,  la  famille  de  Labbey.  Jacques  Labbey ,  sieur  de 
Beaufy,  fournit  ses  preuves  devant  les  élus  de  Lisieux,  avec 
ses  cousins ,  Jean  et  Etienne.  Beaufy  est  un  fief  situé  à  quel- 
ques pas  seulement  du  manoir  dont  on  vient  de  lire  la  de- 
scription ,  et  il  s'est  trouvé  confondu  avec  lui  à  une  époque 
postérieure. 

Avec  les  documents  sur  lesquels  j'ai  pu  mettre  la  main ,  il 
est  impossible  d'établir  la  transmission  de  ces  deux  fiefs  d'une 
famille  à  une  autre  :  je  ne  puis  que  mentionner  les  noms  des 
gentilshommes  que  j'ai  trouvés  les  avoir  possédés,  avec  les 
dates  des  pièces  qui  les  concernent. 

Le  registre  de  la  Charité  de  Rocques  qui ,  comme  celui 
de  Surville,  renferme  les  noms  de  nombreux  gentilshommes, 
nous  fait  connaître  ,  à  la  date  de  1613  ,  noble  homme  Guil- 
laume Desperroys,  sieur  des  Vaux  et  sa  femme.  Dans  l' Ar- 
moriai de  d'Hozier,  datant,  comme  on  sait,  des  dernières 
années  de  ce  même  XVIIe .  siècle ,  on  voit  figurer  Marie 
Merieut,  veuve  de  François  Desperroys ,  écuyer ,  sieur  des 
Vaux,  qui  portait  d'argent  à  trois  mer  telles  de  sable,  2  eti, 

François  Desperroys  avait  fait  ses  preuves  de  noblesse  en 
1666  et  fut  classé  comme  ancien  noble.  Il  avait  pour  armoi- 
ries :  d'azur  au  chevron  d'or  accompagné  de  trois  croix  an- 
crées de  même y  2  et  1,  au  chef  cousu  de  gueules ,  chargé  de 
trois  molettes  d'or.  Des  protocoles  d'actes  de  1748,  1759  , 
1764,  1767,  1772,  1778,  1779,  nous  ont  fourni  les  noms  et 
qualités  de  «  Thomas  Bourdon ,  sieur  de  Beaufy ,  seigneur  et 
patron  honoraire  de  la  paroisse  de  Notre  Dame-des- Vaux , 
conseiller  du  roi,  juge  gruyer  de  l'évesché  et  comté  de  Li- 
sieux, bailly  vicomtal  dudit  lieu  et  seul  juge  de  police  en 
ladite  ville.  »  On  remarquera  qu'il  ne  prend  point  la  qualité 
d'écuyer.  Son  fils ,  ainsi  qu'il  arrivait  presque  toujours ,  re- 
poussa la  magistrature  pour  suivre  la  carrière  des  armes  : 
aussi  parvint-il  à  conquérir  le  titre  d'écuyer,  qui  figure  à  la 


CANTON   DE  LISIEUX  ,   1".   SECTION.  55 

suite  de  son  nom  dans  l'inscription  de  la  cloche  de  sa  pa- 
roisse. Elle  trouvera  mieux  ici  sa  place  que  dans  l'article 
consacré  à  Hermival ,  quoiqu'elle  soit ,  comme  nous  l'avons 
dit,  dans  le  clocher  de  cette  paroisse  : 

f  LAN  1784  IAY  ETE  BENITE  PAR  M.  PIERRE  ANTOINE  FORTIN  CURE  DE 
CETTE  PAROISSE  NOMMEE  LOUISE  IULIE  PAR  M.  LOUIS  ALEXANDRE  BOURDON 
ECUYER  SIEUR  DU  POMMERET  CHEVALIER  DE  LORDRE  ROYAL  MILITAIRE  DE 
ST  LOUIS  CAPITAINE  DE  CAVALER.  ET  GENDARME  DE  LA  GARDE  ORDI- 
NAIRE DU  ROY  EN  ACTIVITÉ  DE  SERVICE  PATRON  HONORAIRE  DE  CETTE 
PAROISSE  ET  SEIGNEUR  DE  BEAUFY  ET  PAR  NOBLE  DAME  MARIE  IULIE 
LAMBERT  FONDEVILLE  EPOUSE  DE  MESSIRE  MARI  LOUIS  FRANÇOIS  XAVIER  LB 
BOULENGER  SEIGNEUR  DE  CHAUMONT  PATRON  HONORAIRE  DE  CAPELLES 
ECUYER    DU    ROY. 

LE  PIN-EN-LIEUVIN  (1) 

Le  Pin-en-Lieuvin,  Ecclesia  de  Pytiu,  de  Pin. 

Cette  localité ,  traversée  par  la  voie  antique  de  Lisieux  à 
Pont-Audemer,  a  très-probablement  une  origine  romaine. 
Dans  la  campagne,  à  l'est  de  l'église ,  on  a  trouvé  des  tuiles  à 
rebords  et  des  substructions.  De  plus ,  il  existe  dans  un  bois, 
situé  à  une  demi-lieue  de  l'ancienne  voie  romaine ,  un  camp 
carré  qui  doit  dater  aussi  de  cette  même  époque  (  V.  Cours 
d'antiquités,  t.  II,  p.  237  et  323). 

L'église  ne  paraît  pas  remonter  au-delà  du  XVIe.  siècle  : 
tous  ses  murs  sont  construits  en  blocage  formé  de  silex  non 
taillés,  genre  de  construction  dont  il  est  impossible  de  pré- 
ciser la  date;  mais  la  plupart  des  contreforts,  qui  sont  en 
pierre  de  taille,  portent  le  cachet  de  la  dernière  époque  ogi- 
vale, ainsi  que  celles  des  fenêtres  qui  n'ont  point  été  mutilées. 
La  tour,  en  avant-corps  sur  le  pignon  occidental,  accuse 

(1)  Noies  de  M.  Ch.  Vasseur. 


56  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

parfaitement  aussi  ce  même  XVIe.  siècle.  Elle  est  carrée , 
construite  en  grand  appareil,  avec  deux  contreforts  sur  chaque 


TOUR   DE   L  ÉGLISE    DU   PIN. 


côté ,  mais  posés  sur  les  angles.  Elle  est  terminée  par  une 
sorte  de  dôme  en  ardoise ,  surmonté  d'une  lanterne  qui 
date  probablement  du  XVIIIe.  siècle.  Beaucoup  de  retouches 
ont  été  faites  alors  dans  l'église,  car  on  lit  sur  les  panneaux 
de  la  porte  d'entrée ,  sur  les  fenêtres  et  ailleurs ,  les  dates 
1664,  1770,  1773. 

L'intérieur,  pas  plus  que  l'extérieur,  n'arrêtera  long-temps 
l'archéologue.  Les  voûtes  sont  en  charpente ,  mais  on  a  en- 
levé les  entraits  de  celle  du  chœur.  Les  fenêtres,  règulari- 


CANTON  DE  LISIEUX  ,    lr'.    SECTION.  57 

secs  pour  la  plupart,  ont  reçu  des  vitraux  modernes  des 
fabriques  de  Paris.  Une  chapelle  seigneuriale  communique 
avec  le  chœur  par  un  cintre  brisé ,  garni  d'un  tore  qui  re- 
tombe sur  deux  colonnes  engagées,  à  chapiteaux  toscans. 
Deux  culs-de-lampe  dans  le  chœur ,  sculptés  en  pierre 
et  d'un  travail  du  XVIe.  siècle,  représentent  des  anges  à 
longues  robes  flottantes  soutenant  des  écusscns.  En  les  exami- 
nant attentivement,  j'ai  cru  reconnaître  qu'ils  avaient  été 
chargés  d'un  lion  rampant  (1).  Sous  le  badigeon ,  reparaît 
aussi  le  contour  des  blasons  d'une  litre  funèbre  où  étaient 
peints  des  croissants  (2). 

La  chaire  est  une  bonne  menuiserie  de  la  fin  du  règne  de 
Louis  XIV.  Les  autels  sont  des  dernières  années  du  XVIII*. 
siècle. 

La  cloche ,  qui  mesure  3  pieds  de  diamètre  inférieur , 
porte  l'inscription  qui  suit  : 

f  LAN  1731  IAY  ÉTÉ  BENITE  PAR  DISCRETE  PERSONNE  Mre  IEAN  PIERRE 
PIGNY    Ptr«    CVRE   DE    CETTE    FAROISSE   DV    PIN,    NOMMÉE 

ÛTr^^T^     MARIE    PAR     MESSIRE    IEAN    LEONOR     DV    FOVR    CHEVALIER    SEI- 
CNEVR    ET    PATRON    DV    PIN    DV   EEAVGOVKT    ET    AVTRES    LIEVX    ET    NOBLE 

DAMOISELLE   MARIE   ANNE    ACHARD    DV  JFAYLQ    MON    PARRAIN    ET 


MA    MARRAINE.    Mrc    NICOLAS    ROVSSEL    P,re   VICAIRE  ET   FRANÇOIS  SIMON   TRE- 
SORIER. 

L'if  du  cimetière  mesure  environ  8  pieds  de  circonférence 
à  sa  partie  moyenne. 

Le  Pin  dépendait  de  l'élection  de  Lisieux,  scr^cnic-rie  de 
Moyaux  :  on  y  comptait  203  feux  (3).  Pour  l'administration 


(1)  Achard  :  d'azur  au  lion  burelc  d'argent  et  de  gueules, 

(2)  Du  Four  :  d'azur  à  trois  croissants  d'or  et  une  étoile  de  même 
en  abîme  (La  Galissonnière). 

(3)  203  feux  équivalent  ;i   un  millier   d'habitants.    Le  dernier   re- 


58  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

ecclésiastique,  elle  était  comprise  dans  le  doyenné  de  Moyaux. 
L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame,  Le  patronage 
était  laïque. 

Au  XIVe.  siècle  ,  Roland  de  Vassy  était  seigneur  et  patron 
du  Pin  (1337-1338-1339).  En  1463 ,  Montfaut  n'inscrivit 
dans  sa  Recherche  qu'un  seul  gentilhomme  demeurant  au 
Pin,  c'était  Jehan  d'Anisy.  Six  ans  plus  tard,  il  comparut  aux 
montres  du  bailliage  d'Évreux  ,  et  il  est  qualifié  de  seigneur 
des  fiefs  Tillars,  du  Mouslier,  de  Creully,  la  Table  et  Asnières 
assis  au  Pin.  11  était  gendarme  de  l'ordonnance  du  roi. 

A  la  même  montre  figurèrent  Richard  Le  Mire,  seigneur 
du  fief  du  chasiel  du  Pin  et  autres  fiefs ,  puis  Perrin  des 
Haies  «  pour  la  vavassourerie  dudit  assise  au  Pin.  » 

Dans  la  Recherche  faite  par  les  élus  de  Lisieux ,  en  1540  , 
on  trouve  Charles  d'Anisy ,  qualifié  seigneur  dudit  lieu  du 
Pin.  On  y  voit  aussi  Marin  Le  Mire,  sieur  de  La  Pinterie. 
Le  chastel  du  Pin  était  alors  entre  les  mains  d'une  autre 
famille  ;  car  on  a  vu,  dans  un  acte  de  1537,  cité  à  l'article  de 
Fauguernon  ,  que  noble  dame  Marie  de  Cerisay  ajoutait 
à  sa  qualité  de  vicomtesse  de  Fauguernon,  celle  de  «  dame 
du  chasteau  du  Pin.   » 

Ce  chastel  ou  chasteau  du  Pin  est  un  monument  archéo- 
logique intéressant.  Il  est  situé  non  loin  de  l'église.  Il  a  été 
figuré  dans  Y  Abécédaire  d1  archéologie  et  dans  YHistoire 
sommaire  de  l'architecture  au  moyen-âge. 

Ce  château  est  peu  considérable ,  mais  fort  curieux  ;  il 
offre  deux  enceintes  entourées  de  fossés.  La  première  en- 
ceinte ou  basse-cour  présente  la  forme  d'un  demi-cercle, 
dont  le  grand  diamètre  est  de  120  pieds  et  le  petit  diamètre 
de  76. 


censément  a  constaté  qu'il  n'y  en  avait  plus  que  747.  La  proportion  de 
la  diminution  est  constante  dans  toutes  les  communes  rurales. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    ire.    SECTION. 


59 


La  seconde  enceinte  est  ovale.  Elle  renferme  les  ruines 
d'un  donjon  carré-long ,  dont  les  murs,  épais  de  8  pieds, 
s'élèvent  encore,  d'un  côté,  à  une  hauteur  de  10  à  12 
pieds  ;  ils  sont  revêtus  de  petites  pierres  cubiques  fort  régu- 
lières, comme  on  en  voit  dans  les  murailles  romaines  :  ce  qui 
déjà  nous  autoriserait  à  assignera  celte  construction  une  date 
assez  reculée,  quand  nous  ne  saurions  pas  que  le  seigneur  du  Pin 
assistait  à  la  bataille  d'Hastings.  Ce  donjon,  l'un  des  plus  petits 
que  j'aie  observés,  contenait  seulement,  au  rez-de-chaussée, 
deux  appartements  carrés  de  17  pieds  chacun  ,  et  il  n'avait 
que  52  pieds  sur  34  hors 
œuvre.  Les  fossés  ont  à  peu 
près  25  pieds  de  largeur,  et 
l'on  devait  communiquer , 
au  moyen  d'un  pont ,  de  la 
première  à  la  seconde  en- 
ceinte. 

Il  est  probable  que  la  de- 
struction de  celte  forteresse 
date  de  l'année  1374  ;  car  on 
voit  que  vers  ce  temps  Pierre 
du  Tertre ,  secrétaire  du  roi 
de  Navarre  ,  ayant  assemblé 
des  gens  d'armes  de  la  con- 


PLAN  DU  CHATEAl  DU  PIN. 


COUPE  DU  CHATEAU  DU  PIN. 

trée ,  alla  s'emparer  du  fort  du  Pin  ,  défendu  par  Taupin 
du  Mesnil  et  le  fit  détruire  (V.  Canel ,  Histoire  de  l'arron- 
dissement de  Pont- Audemer,  t.  II,  p.  370). 

Charles-le-Mauvais  était  seigneur  de  Pont-Audemer,  c'était 
pour  le  Pin  un  voisin  dangereux. 


60  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

À  ce  premier  château  en  a  succédé  un  autre  ,  qui  mérite 
aussi  de  fixer  l'attention.  Il  a  été  reporté  de  l'autre  côté  de 
l'église,  vers  le  Faulq.  Je  crois  qu'on  doit  l'attribuer  au 
règne  de  Louis  XIV. 

Le  principal  corps  de  logis,  avec  deux  gros  pavillons  for- 
mant ailes,  est  construit  en  briques  et  chaînages  de  pierre  en 
bossages.  Des  lignes  de  briques  noires  vernissées  dessinent 
dans  le  plein  des  murs  des  figures  variées,  comme  losanges,  etc. 
On  y  distingue  aussi,  dans  un  encadrement  de  pierre  blanche 
faisant  cartouche  ,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi ,  trois  figures 
en  briques  noires  que  l'on  peut  prendre  pour  des  maillets,  et 
qui  probablement  ont  une 
signification  héraldique.  Les 
combles  ,  en  ardoise  ,  sont 
mouvementés  par  des  lu- 
carnes circulaires.  Les  pa- 
villons sont  couronnés  par 
un  bel  épi  en  plomb  re- 
poussé. Les  deux  façades 
sont  identiques. 

Deux  petits  bâtiments,  à 
usage  de  communs,  for- 
ment deux  ailes  séparées  ; 
mais  je  les  crois  seulement 
du  règne  de  Louis  XV. 
Un  puits  avec  armatures 
de  fer  contournées  se  trouve 
au  centre  du  préau.  Des 
avenues  considérables  exis- 
tent encore. 

Ce  château  n'est  plus  habité.  L'une  des  salles,  cependant, 
a  conservé  sur  ses  murs  quatre  magnifiques  pans  de  tapisserie 
de  haute-lice,  à  personnages,  qui  peuvent  remonter  au  règne 
de  Louis  XIII. 


CANTON    DE   L1SIEUX  ,  ^lr'.    SECTION.  61 

La  bordure  qui  les  entoure  se  compose  d'une  série  de  mé- 
daillons contenant  des  petits  sujets  ,  répétés  symétriquement 
dans  chacun  des  quatre  pans  de  tapisserie.  Des  inscriptions, 
tissées  dans  l'étoffe,  indiquent  la  signification  de  ces  représen- 
tations ;  ce  sont  six  des  merveilles  du  monde  : 

M  AN*  •    EPHBSI*.  MAVSOL^VM    • 

TRMPLVM.  PHAROS    • 


PYRAMIDES    «CÏPTI  ■  OLYMPY    •    IOVIS 

SIMVLACRVM. 


DABYI.OXIS  •  MVRÎ. 

Les  grands  sujets,  qui  occupent  le  centre,  sont  aussi  indi- 
qués par  des  inscriptions  : 

ASDRVBAL.  ROMANI* 

FILIAM  •    SVAM*  PVCSANIT.S  • 

REGI   •    SYPHACI  •  CVU    •    HAMBAI.F.   •    IV 

IX    •   VXOREM  •  XT\    •    PLVMRN    •    TUT. 

TRADIT.  IMAM      .  UCTI. 


SAGVNTINÏ  •  ROMANI-    POS  T  • 

CQMBYRVNT    •    SVAS  ♦  M  VIT  A    •    PR/KUA    •    TRI 

OPES    *    DVM  \MPHANTES  •    ROM 

HAMRAL   •    RXPVGXA  AM    •    REDEVÎNT. 
RF.T    ■    VRBRWT. 


Les  dessus  de  porte  sont  ornés  de  trumeaux  à  personnages 
peints  sur  toile,  dans  le  genre  de  Bouclier.  Ils  ne  sont  pas 
sans  valeur.  Enfin  une  belle  glace,  en  rapport  par  son  style 
avec  le  reste  de  la  décoration,  surmonte  la  cheminée. 


62  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Ce  château,  qui  ne  mérite  pas  l'état  d'abandon  dans  lequel 
il  est  laissé  et  le  sort  qui  l'attend ,  a  aussi  son  passé  histo- 
rique. Mgr.  de  La  Feronnaye,  dernier  évêque  de  Lisieux , 
l'un  des  plus  illustres  prélats  de  ce  siège,  qui  en  compte  tant 
d'illustres,  y  fit  momentanément  sa  résidence  pendant  la  tour- 
mente révolutionnaire ,  avant  son  départ  définitif  de  son 
diocèse.  M.  de  Boismont ,  chanoine ,  archidiacre  de  l'église 
métropolitaine  de  Rouen,  l'habitait  déjà  depuis  quelque  temps. 
M.  l'abbé  de  Boismont,  abbé  commendataire  de  Gretain  ,  au 
diocèse  de  Lisieux ,  avait  été  prédicateur  du  roi  et  l'un  des 
Quarante  de  l'Académie.  C'est  lui  qui  avait  fait,  le  1er.  juin 
1781,  dans  la  chapelle  du  Louvre,  l'oraison  funèbre  de  Marie- 
Thérèse  ,  archiduchesse  d'Autriche,  impératrice  douairière , 
reine  de  Hongrie  et  de  Bohême. 

Tout  porte  à  croire  que  ce  nouveau  château  du  Pin  a  été 
construit  par  la  famille  Achard,  qui  possédait  cette  terre  aux 
XVIIe.  et  XVIIIe.  siècles.  Divers  actes  originaux  m'ont 
fourni  les  noms  de  noble  seigneur  messire  Charles  Achard, 
chevalier,  seigneur  et  patron  du  Pin,  y  résidant;  de  messire 
Joseph  Achard  ,  prêtre;  de  François  Achard.  Les  deux  pre- 
miers firent  leurs  preuves  de  noblesse  avec  un  autre  de  leurs 
frères,  lors  de  la  recherche  de  de  Marie,  en  1666.  Charles 
Achard  figure  aussi  dans  V Armoriai  manuscrit  de  d'Hozier 
avec  Marie-Antoinette  Le  Petit ,  sa  femme.  Il  eut  probable- 
ment pour  fils  ,  dans  tous  les  cas  pour  successeur,  noble  sei- 
gneur messire  Marc- Au rèle- François  Achard  ,  chevalier, 
seigneur  et  patron  du  Pin  et  autres  terres  et  seigneuries , 
demeurant  en  son  manoir  seigneurial  dudit  lieu  du  Pin , 
suivant  des  actes  de  1703  et  1712.  Maintenant  cette  terre 
appartient  à  Mme.  du  Prat ,  née  de  Nouant. 

Il  existe  aussi  sur  cette  même  paroisse,  tout  près  de  l'église, 
une  belle  habitation  moderne  ,  construite  il  y  a  quelques 
années  par  M.  du  Hauvel.  Elle  est  entourée  d'un  beau  parc. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    lre.    SECTION.  63 

Ce  château  occupe  remplacement  d'un  ancien  fief,  car  on 
voit  encore  dans  les  dépendances  un  colombier  octogone  du 
XVIe.  siècle  ;  mais  j'ignore  le  nom  qu'il  portait. 

Outre  les  familles  qui  ont  déjà  été  nommées,  les  Re- 
cherches mentionnent  plusieurs  gentilshommes  qui  faisaient 
leur  résidence  au  Pin,  et  probablement  y  possédaient  fief.  Ainsi, 
en  1666,  avec  les  Achard  ,  se  trouvent  inscrits  :  Philippe  Le 
Mire,  sieur  des  Forest,  et  Robert  et  Charles  Le  Bachelier, 
tous  qualifiés  d'ancienne  noblesse. 

Maladrerie. — Il  y  avait  encore  au  Pin  une  maladrerie  qui 
fut  réunie,  en  1698,  avec  les  autres  établissements  de  ce 
genre  à  l'Hôpital  général  de  Lisieux.  Le  protocole  d'un  acte 
du  26  mai  1676  fournit  le  nom  de  «  messire  Joseph  Achard, 
prêtre,  bachelier  en  théologie  de  la  Faculté  de  Paris,  abbé- 
administrateur  de  la  Madeleine  du  Pin ,  curé-recteur  de  la 
paroisse  de  Notre-Dame  dudit  lieu ,  prothonotaire  du  Saint- 
Siège  apostolique,  conseiller  du  Roy ,  aumosnier  ordinaire  de 
Sa  Majesté.   -> 

En  dépit  de  celte  pompeuse  énumération ,  la  Madeleine  du 
Pin  ne  fut  jamais  une  abbaye ,  mais  une  simple  léproserie 
d'un  mince  revenu. 

MOYAUX  (1). 

Moyaux,  Moyad,  Moiaz,  Moaz. 

Le  bourg  de  Moyaux  s'élève  dans  la  plaine  et  non  loin  de 
la  voie  romaine  qui  conduisait  de  Noviomagns  Lexoviorum  à 
Juliobona.  Sa  population,  d'après  les  tableaux  officiels,  est  de 
1,105  habitants.  On  y  comptait  autrefois  263  feux  ,  environ 
1,300  âmes.  C'était  le  chef-lieu  d'une  sergcntcrie  comprise 

(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vusseur. 


6/4  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

dans  l'élection  de  Lisieux.  Il  y  avait  aussi  une  vicomte ,  mais 
les  audiences  se  tenaient  le  plus  souvent  à  l'Hôtellerie. 
Moyaux  était  également  le  chef-lieu  d'un  doyenné  de  l'évêché 
de  Lisieux  ,  qui 
ne  comptait  pas 
moins  de  35  pa- 
roisses. Tous  ces 
titres  prouvent  que 
ce  bourg  remonte 
à  une  haute  anti- 
quité. 

L'église  est  au 
centre  des  habita- 
tions. Elle  est  gran- 
de :  sa  longueur , 
dans  œuvre,  est  de 
120  pieds  sur  21 
de  largeur.  Elle  se 
composait  primiti- 
vement d'un  chœur 
et  du  ne  nef  avec 
une  tour  en  saillie 
entre  l'un  et  l'autre, 
du  côté  du  midi.  Au 
XVIe.  siècle,  on  a 
modifié  ce  plan  par 
l'addition  de  deux- 
chapelles  accolées 
au  flanc  nord ,  en 
regard  de  la   tour. 

Les  parties  an- 
ciennes     SOnt      de  I»LA\  DE  L'ÉGLISE  DE  MOYAUX. 

l'époque  romane.    Les  contreforts  qui    flanquent  les  deux 


CANTON   DE  L1SIELX  ,    1".    SECTION.  65 

faces  latérales  du  chœur ,  les  ouvertures  de  la  tour  et  la  trace 
d'une  étroite  fenêtre,  au  midi  de  la  nef ,  servent ,  au  premier 
coup-d'œil ,  de  base  à  cette  attribution.  Mais ,  en  analysant 
avec  attention  les  diverses  parties  de  l'église,  on  constate 
que  tous  les  gros  murs  sont  romans.  Ils  sont  composés  d'un 
blocage  grossier ,  en  partie  recrépi  ;  les  contreforts  seuls  et 
les  angles  sont  en  pierre  de  taille. 

La  plupart  des  fenêtres  ne  datent  que  du  dernier  siècle , 
les  ouvertures  plus  anciennes  ont  été  bouchées.  Ainsi,  on 
trouve,  à  l'extrémité  du  mur  méridional  de  la  nef,  la  trace  de 
l'ancienne  porte  principale  dont  l'archivolte  cintrée  tombait 
sur  des  têtes  grotesques.  A  la  fin  du  XIJP.  siècle ,  on  a  pra- 
tiqué une  autre  porte  dans  le  pignon  occidental ,  qui  est 
flanqué  de  deux  contreforts  de  la  même  époque.  Cette  porte, 
abritée  par  un  porche  de  bois ,  est  plus  ornée  qu'on  ne  le  voit 
habituellement  dans  les  environs  de  Lisieux.  La  baie  est  garnie 
d'un  tore,  et  l'archivolte  porte  sur  deux  colonnes  à  chapiteaux. 
Au-dessus,  dans  le  pignon,  est  une  fenêtre  flamboyante  du 
XVe.  siècle. 

La  tour  ,  comme  on  le  voit  par  le  dessin  de  M.  Bouet ,  est 
bien  caractérisée.  Elle  forme  un  carré  parfait  ;  chaque  face 
est  soutenue  par  deux  contreforts  qui  n'ont  qu'un  pied  de 
saillie.  La  base  est  pleine,  il  n'y  a  qu'une  petite  porte  pra- 
tiquée vers  le  levant.  L'étage  intermédiaire  est  ajouré  d'une 
petite  fenêtre  subtrilobée  de  la  dernière  période  ogivale ,  ou- 
verte au  sud ,  et  d'une  fenêtre  romane  géminée  du  côté  du 
levant.  L'étage  du  beffroi  a,  sur  chaque  face,  deux  arcades 
romanes  géminées.  La  pyramide  est  en  charpente.  L'ensemble 
a  perdu  son  aplomb  d'une  manière  sensible ,  cependant  il  n'y 
a  rien  d'inquiétant  pour  la  conservation. 

Le  chevet  du  chœur,  usurpé  depuis  le  X\1V.  siècle  pour 
servir  de  sacristie ,  est  percé  d'une  grande  fenêtre  flam- 
boyante à  deux  meneaux.    Il  a  trois  contreforts  de  même 

5 


66  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 


vue  de  l'église  de  moyaux. 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    1".    SECTION.  67 

style  ,  dont  un  sous  la  fenêtre.  On  ne  s'explique  guère  cette 
disposition,  fréquente  au  XVe.  siècle  :  évidemment  ce  con- 
trefort, qui  souvent  n'a  pas  plus  de  k  à  5  pieds  de  haut,  ne 
peut  être  d'aucune  utilité. 

Les  deux  chapelles  du  nord  n'ont  rien  de  particulier  dans 
leur  construction.  La  plus  petite  est  la  chapelle  seigneuriale 
du  Bois -Simon,  fief  assez  important  qui  se  trouve  sur  le  ter- 
ritoire de  Moyaux. 

Le  mobilier  n'offre  rien  de  remarquable.  Une  piscine  cintrée, 
subtrilobée ,  avec  colonnettes ,  qui  semble  appartenir  à  la 
construction  primitive,  est  pratiquée  dans  le  mur  méridional  ; 
elle  se  trouve  maintenant  dans  la  sacristie. 

Dans  le  chœur,  du  côté  opposé  ,  est  un  petit  bas-relief  en 
pierre,  du  XVIe.  siècle,  qui  représente  Notre-Dame-de- Pitié. 
C'est,  sans  doute,  l'indication  d'une  sépulture. 

Le  maître-autel  ne  date  que  du  règne  de  Louis  XV. 

Sauf  la  chapelle  du  Bois- Simon,  qui  a  une  voûte  en  pierre  à 
nervures  et  pendentifs  de  la  Renaissance  (V.  la  page  suivante), 
toutes  les  parties  de  l'édifice  sont  voûtées  en  lambris.  On  re- 
marque des  ornements  sur  les  douvettes  de  la  nef  et  l'inscrip- 
tion suivante  : 

€eU  yxestU 

oeuvre  û>t 

faite  l  :  M  :  D\  XXX2\) 

P  :  C  :  D.   C. 

Lt  plus  bas  : 

3.  S.  jp. 
f)  :  €  ©  D  ïl 

tonne 

Vis-à-vis  la  chaire,  est  pendue  une  copie  récente  du  Christ 


68  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CHAPELLE  DU   BOIS-SIMON   DANS   l'ÉCLISE  DE  MOYAl'Xt 


CANTON   DE   L1SIEUX ,    lre.    SECTION.  69 

au  tombeau ,  de  Philippe  de  Champagne  ;  belle  étude  analo- 
miquc,  mais  qui  ne  figure  guère  bien  dans  une  église  du 
moyen-âge.  Au  bas  du  cadre  on  lit  : 


DO  NE    PAR    L  EMPEREUR. 

SIR    LA    DEMANDE   DE    MADAME 

LA    PRÉSIDENTE    THOLONG. 


L'église  de  Moyaux  est  sous  l'invocation  de  saint  Germain. 
L'abbé  de  Bernay  nommait  à  la  cure. 

La  confrérie  de  la  Charité  est  de  fondation  ancienne.  Un 
acte  original,  du  8  décembre  1641,  consacre  une  constitution 
de  rente  foncière  faite  par  «  Pierre  Delavigne ,  Robert  et 
Pierre,  ses  fils,  au  profit  de  la  Charité  et  Confrarie  de  Moyaulx, 
stipulée  par  maistre  Jean  Ermenoult ,  tabellion  royal  en  la- 
dite vicomte  et  eschevin  d'icelle.  »  On  y  trouve  les  noms  de 
tous  les  frères  servants,  année  présente. 

Des  titres  de  1480  et  de  1543  parlent  d'une  maladrerie 
située  sur  le  territoire  de  Moyaux  ;  mais,  dès  le  XVIII*.  siècle, 
on  ignorait  sa  situation. 

Le  territoire  de  la  paroisse  de  Moyaux  se  trouvait  divisé 
en  un  certain  nombre  de  fiefs.  L'un  d'eux  avait  conservé  le  nom 
propre  de  Moyaux.  Cassini  l'indique  encore  sur  sa  Carte.  Les 
rôles  de  l'Échiquier  de  Normandie  font  mention  de  Philippe 
de  Moiaz  et  de  Béatrix  de  Moiaz  en  1184.  En  1195 ,  on  re- 
trouve encore  le  même  Philippe  de  Moaz. 

Richard  de  Moyaux  fut  abbé  de  Bernay,  entre  les  années 
1204  et  1220. 

Au  XVe.  siècle,  le  fief  de  Moyaux  appartenait  à  la  famille 
de  Bienfait»1.  En  1469,  Jehan  de  Bienfaite,  le  jeune,  sieur  du 
fief  de  Cleppin  ,  la  Court  et  Moyaux  ,  comparut  aux  montres 


70  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

de  la  noblesse  du  bailliage  d'Évreux  en  équipement  d'homme 
d'armes  à  iij  chevaulx. 

En  15/iO,  lors  de  la  recherche  des  élus  de  Lisieux ,  cette 
famille  avait  disparu  à  son  tour ,  et  parmi  les  divers  gentils- 
hommes qui  firent  alors  leur  production  ,  on  n'en  voit  point 
un  seul  qui  soit  qualifié  de  seigneur  de  Moyaux. 

En  1667,  une  branche  de  la  famille  d'Osmont  prenait, 
dans  les  actes,  les  titres  de  «  seigneurs  de  Mouyaux,  Mortemer, 
le  Couldray.  » 

En  1766,  des  sentences  de  la  vicomte  font  connaître  Charles 
Le  Boctey,  chevalier,  seigneur  et  patron  honoraire  de  Moyaux 
et  autres  lieux ,  conseiller  du  roi ,  vicomte  enquêteur  et  com- 
missaire examinateur  en  la  vicomte  dudit  Moyaux.  Peut-être 
faut-il  voir  là  une  faute  de  greffier. 

Seigneurie  du  Bois-Simon.  — Les  Montres  de  la  noblesse 
du  bailliage  d'Évreux,  en  1469 ,  font  mention  de  «  Jehan  de 
Lombelon,  escuier,  seigneur  du  fief  du  Bois-Simon.  s 

Au  XVIe.  siècle ,  cette  terre  était  en  la  possession  de  la  fa- 
mille de  La  Masure.  Maistre  Robert  de  La  Masure ,  le  jeune , 
était  seigneur  dudit  lieu,  en  1562.  (Rote  des  taxes  de  /'or- 
rière-ban  du  bailliage  d'Évreux ,  par  M.  l'abbé  Lebeurier , 
p.  76.  ) 

Jean  de  La  Masure  ,  sieur  du  Bois-Simon ,  fut  assassiné , 
quelques  années  plus  tard,  par  Pierre  de  la  Sceaulle,  seigneur 
de  La  Motte,  qui  fut  pour  ce  fait  conduit  prisonnier  à  Rouen  ; 
il  échappa  à  l'échafaud  ,  ayant  obtenu  le  privilège  de  lever  la 
fierté  de  saint  Romain.  Il  fallait  qu'il  fût  bien  fortement  pro- 
tégé, car  il  fut  choisi  par  le  Chapitre,  bien  que  le  roi  Henri  IV 
ait  pris  la  peine  de  recommander  aux  chanoines  un  sieur  de 
Valsemé,  qui  avait  tué  le  deffunt  sieur  de  Mailloc.  Cette 
lettre,  datée  du  camp  de  Traversy  ,  près  la  Fère ,  le  15  avril 
1596,    est  publiée   dans  les  Documents  inédits. — Lettres 


CANTON   DE   LÏSIEUX  ,    1".    SECTION.  71 

d'Henri  IV ,  t.  IV ,  p.  568.  La  famille  de  La  Masure  possé- 
dait encore  le  Bois- Simon  à  la  fin  du  XVIIe.  siècle.  Nicolas 
de  La  Masure,  sieur  du  Bois-Simon,  figure  dans  la  Recherche 
de  la  noblesse  de  1666. 

Seigneurie  du  Chesne.  —  Des  aveux  rendus  pour  des 
terres  dépendantes  de  ce  fief  font  connaître  les  noms  sui- 
vants : 

«  1°.  Monsieur  Jean  Carrey ,  escuyer ,  seigneur  et  chaste- 
lain  de  Sainct-Gervais,  aussy  seigneur  des  fiefs,  terres  et  sei- 
gneuries du  Chesne-Goville,  du  Val,  etc.  ,  conseiller  du  roy, 
maistre  ordinaire  en  la  Chambre  des  Comptes  de  Normandie 
(20  juin  1659 ,  16  novembre  1666)  ; 

«  2°.  Robert  de  Carrey,  escuyer,  seigneur  de  Goville,  fief, 
terre  et  seigneurie  du  Chesne  et  autres  terres  et  seigneuries 
en  1721.  » 

Seigneurie  du  Val. —  Suivant  une  quittance  de  treizièmes 
du  2k  mai  1588  ,  «  le  seigneur  du  Val  se  nommait  Françoys 
Le  Portier.  Il  descendait  de  Constant  Le  Portier ,  sieur  du 
Chesne,  lequel  avait  pour  bisaïeul  Jacques  Le  Portier,  qui  avait 
épousé,  en  lfr3/i,  damoiselle  Isabeau  de  Borel.  » 

Plus  tard  ,  comme  on  vient  de  le  voir  ,  la  famille  de  Carrey 
compta  le  Val  au  nombre  de  ses  fiefs.  Outre  les  noms  que  l'on 
a  déjà  lus,  des  aveux  mentionnent  : 

«  1°.  Monseigneur  François  de  Carrey ,  èquier  ,  seigneur 
et  patron  de  St.-Gervais  et  de  St.-Jean-d'Asnières,  l'Aunay,  le 
Val,  le  Bosc,  etc.,  conseiller  du  roy  en  son  Parlement  de  Nor- 
mandie ; 

«  2°.  Messire  Alexandre-François  de  Carrey ,  chevalier , 
seigneur  châtelain  et  patron  de  St.-Gervais,  seigneur  et 
patron  de  St. -Léger  de  Glatigny,  seigneur  et  patron  honoraire 
de  Claville,  seigneur  de  Goville  et  du  Mesnil-Godcment,  sei- 
gneur des  fiefs ,  terres  et  seigneuries  de  Piencourt ,  Baudry , 


72  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Robar  et  autres  lieux  ,  conseiller  du  roy  en  sa  grand'chambre 
du  Parlement  de  Normandie.  »  Ces  deux  documents  sont 
datés  de  1719  et  1735. 

Seigneurie  de  Mortemer.  —  C'est  encore  dans  des  aveux 
et  des  actes  originaux  que  j'ai  recueilli  les  noms  des  seigneurs 
de  Mortemer.  Dès  1603,  il  est  fait  mention  de  «  noble  homme 
Charles  de  Clercy,  escuyer ,  seigneur  des  terres  et  sieuries  de 
Mortemer,  les  Louveretz,  le  Fresné,  Filletot  et  Auremesnil.  » 
Ce  seigneur  eut  des  démêlés  avec  le  baron  de  Fumichon , 
messire  Jehan  de  Longchamp  ,  chevalier  de  l'ordre  du  roy  , 
gouverneur  de  Lisieux,  en  1629,  relativement  à  des  droits  de 
treizièmes,  réclamés  par  l'un  et  par  l'autre,  pour  des  terres 
qui  avaient  été  vendues  à  un  sieur  Anglement  par  Jehan 
Ermenoult ,  escuyer,  sieur  de  Mortemê ,  le  10  novembre 
162^.  Sur  neuf  pièces  dont  il  était  question,  la  transaction 
qui  régla  le  différend  en  attribue  six  à  la  sieurie  de  Mortemer. 
Charles  de  Clercy  était  mort  en  16^8,  laissant  des  enfants 
mineurs.  Mortemer  passa  alors,  ou  quelques  années  plus  tard, 
dans  la  famille  d'Osmont,  qui  la  posséda  pendant  plus  de 
cent  ans.  Une  pièce  de  procédure,  qui  porte  la  date  du 
21  juin  1786  ,  fournit  le  nom  de  «  Nicolas  Auvrey,  écuyer , 
sieur  d'Imanville ,  défendeur  au  procès,  comme  héritier  du 
feu  sieur  d'Osmont  de  Mortemer.  » 

Cette  famille  Auvrey  n'était  point  restée  jusque-là  étran- 
gère à  Moyaux.  Dès  1 5^0  ,  on  y  trouve  Jean  Auvrey  ,  sieur 
de  Bonnechose,  et  Robert  Auvrey,  sieur  du  Bois-Simon,  dont 
le  sieur  d'Imanville  descendait  sans  aucun  doute. 

Seigneurie  de  GoviUe.  —  Le  fief  de  Goville  ou  Gauville 
se  trouvait  également  sur  la  paroisse  de  Moyaux.  Comme  on 
l'a  vu  à  l'occasion  du  Val,  il  appartenait ,  dans  les  dernières 
années  du  XVIe.  siècle,  à  François  Le  Portier.  Il  se  retrouve, 
au  XVIIe.  ,  dans  les  mains  de  la  famille  Carrey.  Il  n'y  a  donc 
rien  de  plus  à  en  dire  que  ce  que  l'on  a  déjà  vu. 


CANTON    DE    LISILUX  ,    lrf.    SECTION.  73 


FUMICHON  (1). 

Fumichon ,  Fomuchon ,  Foumuceon ,  Folmucon ,  Foumu- 
chon,  Fumechon. 

Élection  de  Lisieux ,  sergenterie  de  Moyaux;  135  feux  au 
XVIIIe.  siècle,  environ  650  habitants;  on  n'en  compte  plus 
que  387. 

L'église  de  Fumichon  est  ancienne  ,  mais  peu  intéressante. 
Elle  a  subi,  plus  ou  moins  récemment ,  des  restaurations  qui 
équivalent  à  peu  près  à  des  mutilations. 

Le  portail,  placé  à  l'ouest,  est  soutenu  par  deux  contre- 
forts plats  de  l'époque  romane.  Les  murs  sont  en  blocage, 
complètement  recrépis  :  il  est  donc  impossible  de  constater  la 
disposition  de  l'appareil.  La  porte  cintrée  est  étroite  et  basse, 
sans  aucune  moulure.  Peut-être  est-elle  romane.  Un  porche 
en  bois,  qui  date  du  XVIe.  siècle,  la  protège.  Sur  le  portail 
s'élève  le  clocher,  en  charpente,  recouvert  d'ardoise. 

En  examinant  le  mur  latéral  qui  fait  face  au  sud,  on  con- 
state avec  étonnement  que  le  chœur  n'est  point  en  retraite 
sur  la  nef,  comme  on  l'observe  généralement.  Malgré  l'enduit 
qui  les  recouvre,  ces  murs  paraissent  pourtant  anciens;  les 
trois  contreforts  qui  les  soutiennent  sont  semblables  à  ceux 
du  portail ,  par  conséquent  romans.  Cinq  fenêtres  y  sont  pra- 
tiquées; aucune  ne  m'a  paru  avoir  de  caractère. 

Le  mur  du  nord  ne  présente  aucune  particularité'.  Il  pa- 
raît du  même  temps  que  son  correspondant  ;  il  ira  point  de 
contreforts,  si  ce  n'est  à  l'extrémité  orientale  du  chœur.  Ce 
contrefort,  très-dégradé,  était  roman. 

Le  chevet,  qui  est  droit,  est  soutenu  aussi  par  trois  con- 
treforts romans. 

(i)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


1U  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

L'intérieur  a  élé  modernisé ,  et  il  faut  bien  le  dire ,  sans 
aucun  goût.  On  a  coupé  les  entraits  des  voûtes  de  merrain, 
au  risque  d'amener  la  ruine  de  toute  la  construction. 

Le  mobilier  ne  mérite  aucune  attention,  excepté  le  maître- 
autel.  Il  date  du  règne  de  Louis  XIV.  Le  rétable  se  compose 
de  deux  colonnes  torses  qui  supportent  un  fronton  cintré 
coupé.  Le  tombeau  est  droit.  On  y  voit  deux  blasons  sem- 
blables, qui  malheureusement  ont  été  peints  avec  ineptie. 
Le  peu  qui  reste  des  pièces  me  ferait  supposer  qu'ils 
portaient  les  armoiries  des  Rabodanges,  qui  ont  possédé  la 
baronnie  de  Fumichon.  Un  collier  d'ordre  les  entoure. 

Les  fonts  sont  anciens ,  en  forme  de  cuve  ;  je  n'ose  en 
fixer  le  siècle. 

Dans  le  pavage  du  chœur ,  est  une  plaque  de  marbre  noir 
qui  recouvre  la  sépulture  de  M.  N.  Pilet ,  qui  fut  curé  de  la 
paroisse  pendant  UQ  ans,  et  décéda  en  1858. 

Cette  église  était  sous  l'invocation  de  saint  Germain.  Elle 
dépendait  du  doyenné  de  Moyaux.  Le  seigneur  du  lieu  pré- 
sentait à  la  cure. 

Château. — Le  château  de  Fumichon  est  situé  à  cinq  cents 
pas  environ  au  sud-ouest  de  l'église,  toujours  dans  la  plaine, 
mais  sur  la  lisière  des  bois. 

Dans  son  état  présent,  composé  comme  il  est,  de  construc- 
tions de  toutes  les  époques,  il  est  difficile  de  déterminer  quel 
a  été  son  plan  primitif.  Les  parties  les  plus  caractérisées,  qui 
me  paraissent  dater  du  règne  d'Henri  IV ,  sont  la  tour,  assez 
considérable,  garnie  de  mâchicoulis ,  qui  sert  maintenant  de 
colombier  ;  les  deux  pavillons,  dont  l'un  occupe  l'extrémité  de 
l'aile  droite  et  l'autre  lui  est  parallèle  ;  enfin  le  gros  pavillon 
qui  finit  la  façade  à  gauche,  du  côté  des  jardins  légumiers. 

Ces  constructions  sont  en  briques  avec  chaînages  de  pierre. 
Les  lucarnes   en  pierre  mouvementent  convenablement  les 


76  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

combles,  et  des  tourelles  rondes,  à  toit  en  lanterne  ,  les  ac- 
compagnent. Le  reste  m'a  paru  moderne ,  ou  bien  est  telle- 
ment défiguré  qu'il  n'offre  aucun  intérêt. 

La  terre  de  Fumichon  a  toujours  eu  de  l'importance,  et 
malgré  son  isolement  au  milieu  des  terres ,  elle  fixe  l'atten- 
tion de  beaucoup  de  touristes,  depuis  que  M.  Raymond  Bor- 
deaux en  a  parlé  dans  sa  Statistique  routière  (1). 

Après  Joscelin  de  Fumichon,  Gervais  de  Fumichon  et 
Henri  de  Fumichon ,  qui  vivaient  aux  XIIe.  et  XIIIe.  siècles, 
la  plus  ancienne  famille  que  j'aie  trouvée  en  possession  de  la 
terre  de  Fumichon  est  la  famille  de  Longchamp. 

En  1463  ,  Jean  de  Longchamp  fit  ses  preuves  de  noblesse 
à  Fumichon  ,  devant  Montfaut.  Six  ans  plus  tard,  aux  Montres 
de  la  noblesse  du  bailliage  d'Évreux,  «Brunetde  Longchamp, 
seigneur  du  fief  de  Fumichon ,  se  présenta  en  habillement 
de  vougier  monté  de  deulx  chevaulx.  » 

En  15^0,  Geoffroy  de  Longchamp  était  seigneur  de  Fu- 
michon. Son  fils,  Guy  de  Longchamp  de  Fumichon,  fut  gou- 
verneur de  Lisieux  entre  les  années  155ft  et  1587.  Dans  cette 
dernière  année,  il  céda  sa  charge  à  Jean  de  Longchamp ,  son 
fils.  Un  acte  original  du  28  juin  1629,  fait  encore  mention  de 
ce  même  «  messire  Jehan  de  Longchamp,  chevallier  de  l'ordre 
du  roy ,  conseiller  en  ses  Conseils  d'Estat  et  privé,  gouver- 
neur de  la  ville  de  Lisieux  ,  baron  de  Fumichon ,  Baudet ,  La 
Lande,  Baratte  et  autres  qualités  et  sieuries.    » 

Mais  il  était  décédé  en  1637  ,  ne  laissant  que  deux  filles, 
dont  l'une  avait  épousé  le  baron  de  Livarot  d'Oraison ,  et 
l'autre  messire  Louis  de  Rabodanges,  chevalier,  marquis  de 
Crévecœur  ;  et  c'est  ce  dernier  qui  devint  baron  de  Fumichon. 
Il  portait  pour  armoiries  :  ècarteiè  au  1er.  et  4e.  d'or  à  la 

(i)  Statistique  routière  de  Lisieux  à  la  frontière  de  Normandie,  par 
M.  Raymond  Bordeaux  ;  br.  in-8°.,  p.  9. 


CANTON  DE  L1S1EUX  ,   lr".    SECTION.  77 

croix  ancrée  de  gueules;  au  2e.  et  3e.  de  gueules  à  3  co- 
quilles d'or.  C'est  ce  blason  que  je  crois  avoir  vu  sur  l'autel. 

OUILL1E-DU-HOULLEY   (1). 

Ouillie-du-Houlley,  Oullaya  Ribaldi ,  S.  Martinus  de 
Ouilleia. 

L'église  est  assez  importante.  La  nef  date  de  la  fin  du 
XVe.  siècle  :  elle  est  construite  avec  assez  de  soin.  La  porte 
s'ouvre  à  l'ouest.  Elle  est  carrée,  à  moulures  prismatiques, 
avec  un  blason  derrière  lequel  est  passée  une  crosse  en  pal. 
L'appareil  du  mur  est  un  damier  de  silex  et  de  pierre  de 
taille.  Au-dessus  de  la  porte  est  une  niche,  vide  de  sa  statue. 
Les  contreforts  sont  sur  l'angle.  Les  murs  latéraux  n'offrent 
pas  un  intérêt  égal  :  celui  du  nord  est  soigneusement  construit 
en  pierre  de  taille;  il  était  divisé  en  quatre  travées  par  des 
contreforts  qui  ont  été  enlevés ,  il  serait  difficile  de  dire 
pour  quelle  raison.  Un  glacis  court  sur  le  plein  des  murs,  au 
niveau  de  l'appui  des  fenêtres,  qui  sont  au  nombre  de  quatre. 
Leur  forme  est  ogivale  ,  avec  nervures  prismatiques,  à  l'ex- 
ception de  la  dernière  qui  est  cintrée  et  subdivisée  en  deux 
baies  géminées. 

On  voit  aussi ,  de  ce  côté ,  une  porte  à  pinacles.  Au 
sommet  de  l'accolade ,  est  un  ange  embrassant  un  écusson 
mutilé  ;  c'était  probablement  le  support  d'une  statuette  qui 
manque. 

Les  ouvertures  du  midi  n'offrent  aucun  intérêt,  si  ce  n'est 
une  fenêtre  carrée,  entourée  de  moulures  prismatiques,  sub- 
divisée en  deux  baies  cintrées  subtrilobées.  Cette  forme  n'est 
pas»commune  dans  le  pays.  Elle  appartient  au  XVIe.  siècle. 

(1)  Notes  de  M.  Charles  Vusseur. 


78  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

On  a  été  obligé  de  reconstruire  les  deux  murs  latéraux  du 
chœur,  qui  avaient  perdu  leur  aplomb  par  suite  de  l'enlève- 
ment des  enlraits  de  la  voûte.  Le  chevet  seul  est  ancien  ;  il 
est  éclairé  par  une  grande  fenêtre  ogivale.  Le  clocher  est  une 
pyramide  en  charpente ,  placée  à  l'extrémité  occidentale. 

L'intérieur  contient  peu  d'objets  dignes  d'attention.  La 
voûte  du  chœur  est  déshonorée  par  l'enlèvement  de  ses  pièces 
principales.  Celle  de  la  nef  a  conservé  ses  six  fermes  de  char- 
pente apparente.  Chacun  des  entraits  est  soutenu  sur  des 
consoles  de  pierre  en  forme  de  corbeaux.  Une  d'elles  repré- 
sente un  ange  soutenant  un  blason  soigneusement  bûché.  Il 
est  présumable  qu'il  avait  sur  son  champ  les  fleurs  de  lis  de 
France. 

L'arc  triomphal  est  de  même  époque  que  l'ensemble  des 
constructions.  C'est  une  ogive  prismatique,  portée  par  deux 
gros  piliers  semi-cylindriques. 

Les  deux  petits  autels  qui  sont  dans  la  nef  proviennent  de 
l'église  de  St.  -Léger  ;  ils  n'ont  aucune  valeur  artistique. 

Le  maître-autel  est  récent.  Le  sanctuaire  est  pavé  en  car- 
reaux émaillés  de  la  fabrique  d'Auneuil,  près  Beauvais.  Leur 
dessin  est  simple  et  de  bon  goût,  et  les  combinaisons  adoptées 
sont  très-satisfaisantes. 

M.  le  Curé  vient  de  mettre  à  découvert  deux  des  blasons 
de  la  litre  funèbre. 

Du  Houlley  :  d'azur  à  3  étoiles  d'or,  la  première  à  5 
pointes ,  la  deuxième  à  §  et  la  troisième  à  7. 

Cette  église  est  dédiée  à  saint  Martin. 

Les  pouillés  lui  donnent  pour  patrons  :  au  XIVe.  siècle , 
R.  de  Brucourt,  seigneur  temporel  du  lieu  ;  au  XVIe.  siècle , 
l'abbé  de  St.-Laumer,  de  Blois,  et  au  XVIIIe.  siècle,  l'évêque 
de  Blois. 

Château.  —Le  château  offre  un  très-grand  intérêt.  Il  est 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    lr*.    SECTION. 


79 


80  STATISTIQUE   MONUMENTALE    OU   CALVADOS. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    lr\    SECTION. 


81 


$2  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

construit  sur  la  croupe  d'un  mamelon  assez  élevé,  et  sa  masse 
carrée,  vue  des  coteaux  voisins,  est  fort  imposante. 

Le  plan  que  voici  et  les  dessins  de  M.  Bouet  permettront 
d'abréger  la  description. 


PLAN    DU    CHATEAU    D  OUILLÎF. 


Évidemment  toutes  ces  constructions  ne  sont  point  d'une 
seule  époque.  Les  parties  les  plus  anciennes ,  qui  datent  de 
l'époque  gothique ,  sont ,  à  l'extérieur ,  les  tours  circulaires 
qui  occupent  l'angle  nord-ouest ,  le  bâtiment  qui  leur  sert  de 
courtine  vers  le  nord ,  et  les  autres  tourelles  circulaires  qui 
défendaient  l'angle  nord-est ,  ainsi  que  toutes  les  parties 
basses  du  mur  qui  les  sépare;  le  long  mur  plein  qui  regarde 
le  levant,  et,  on  peut  le  présumer,  toutes  les  parties  infé- 
rieures du  reste  de  l'enceinte.  A  l'intérieur  de  la  cour ,  une 


CANTON    DE    US1EUX  ,    1".    SECTION.  83 

seule  partie  est  bien  caractérisée ,  c'est  la  tourelle  octogone 
terminée  par  le  campanille  de  l'horloge  et  les  "bâtiments  ad- 
jacents, à  droite  et  à  gauche.  On  peut  en  juger  par  le  dessin. 

Le  reste  accuse,  dans  son  ensemble ,  la  fin  du  XVIe .  siècle 
ou  le  commencement  du  XVIIe.  ;  en  un  mot ,  le  règne 
d'Henri  IV.  La  chapelle,  qui  est  maintenant  détruite,  devait 
dater  aussi  à  peu  près  de  cette  époque. 

Les  matériaux  employés  sont  la  pierre  de  taille  et  même  le 
moellon  pour  les  parties  anciennes  ;  la  pierre  et  la  brique 
pour  les  autres  parties.  L'étage  supérieur  du  bâtiment,  qui  se 
trouve  entre  le  pavillon  d'entrée  et  le  grand  escalier ,  est  en 
pans  de  bois. 

Les  constructions  de  l'est  sont  occupées  par  des  écuries  et 
des  communs;  elles  ne  sont  élevées  que  d'un  rez-de-chaussée 
avec  greniers.  Il  n'y  a,  vers  l'extérieur,  d'autres  ouvertures 
qu'une  série  de  meurtrières  qui  correspondent  aux  greniers. 
Les  appartements  d'habitation  sont  situés  dans  le  bâtiment 
parallèle.  La  grande  porte  d'entrée  est  pratiquée  dans  un 
pavillon  élevé,  qui  fait  partie  de  la  seconde  époque ,  dont 
voici  l'aspect  extérieur  (Voir  le  dessin  page  suivante). 
L'accès  consistait  en  deux  ponts-levis  jetés  sur  les  fossés  : 
l'un  conduisait  à  la  grande  porte,  l'autre  à  la  poterne 
qui  accédait  dans  le  corps-de-garde.  Il  n'y  a  aucune  autre 
porte  que  celle  de  ce  corps-de -garde  dans  le  couloir  qui, 
de  la  grande  porte,  mène  à  la  cour  intérieure.  L'escalier 
qui  conduit  à  la  grande  salle  de  l'étage  supérieur,  d'où  l'on 
devait  manœuvrer  les  chaînes  des  ponts ,  s'ouvre  immé- 
diatement sur  la  cour.  De  l'autre  côté  est  un  appartement 
avec  une  cheminée,  peut-être  la  cuisine  de  la  garnison. 

La  chapelle  s'appuyait  contre  ce  pavillon  d'entrée  ,  et  son 
chevet  faisait  saillie  dans  la  cour  (1).  Elle  n'était  donc  point 

(1)  Celle  chapelle,  sous  l'invocation  de  saint  Jean  cl  de  saint  Phi- 


8/i  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


Bouet  <lel« 


EKTRKE    DU    CHATEAU    I)  OllLLT::   DU  IIOII.LEV. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    lre.    SECTION.  85 

orientée*;  mais  sa  disposition  contribuait  encore  aux  moyens 
de  défense  ,  en  permettant  de  tirer  des  fenêtres  sur  le  flanc 
gauche  des  assaillants ,  qui ,  les  portes  rompues  ,  se  seraient 
précipités,  dans  la  cour.  Le  bâtiment  en  bois  dont  nous  avons 


parlé  n'est  guère ,  jusqu'à  l'angle  des  grands  logis ,  qu'une 
galerie  conduisant  à  la  tribune  de  la  chapelle.  Le  bas  est  ou- 
vert et  servait  de  remises  pour  les  équipages  de  guerre  ou  de 


lippe,  était  un  bénéfice  dont  le  titulaire  était  présenté  par  le  baron 
dWillie. 


86  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

voyage.  Le  châtelain  et  sa  suite  assistaient  aux  offices  dans 
la  tribune  ;  la  chapelle  était  petite  et  une  foule  nombreuse 
n'aurait  pu  y  trouver  place. 

Le  rez-de-chaussée  du  corps  d'habitation  ne  comprenait 
que  deux  grandes  salles.  La  principale  avait ,  sur  le  manteau 
de  sa  vaste  cheminée  ,  une  peinture  fort  détériorée ,  qui  pa- 
raissait représenter  le  Jugement  de  Paris.  Elle  est  maintenant 
presque  indéchiffrable.  On  accède  à  l'étage  supérieur  par  deux 
escaliers  principaux  :  le  grand  escalier  en  pierre  à  rampes 
droites  et  un  escalier  à  vis  qui  remplit  la  tourelle  octogone. 
Un  escalier  de  service  est  contenu  dans  une  des  petites  tou- 
relles de  l'angle  ,  et  un  autre  conduit  au  pavillon  de  l'angle 
opposé.  La  disposition  de  ces  appartements  a  été  sensible- 
ment modifiée  sous  le  règne  de  Louis  XIV.  A  gauche 
du  grand  escalier,  on  trouve  diverses  chambres  et  bou- 
doirs. Dans  la  chambre  qui  remplit  le  pavillon  d'angle ,  on 
doit  remarquer  les  pavés  émaillés  qui  garnissent  le  contre- 
cœur de  la  cheminée.  Leur  dessin  est  fort  bon,  et  leurs  vives 
couleurs  flattent  l'œil  bien  mieux  que  les  marbres  ou  les 
carreaux  blancs  qu'il  est  de  mode  d'employer  aujourd'hui. 
Ils  proviennent  des  fabriques  du  Prédauge  et  de  Manerbe  , 
dont  les  fours  n'ont  été  éteints  que  par  la  Révolution.  La 
plaque  de  fonte  porte  des  armoiries.  Deux  lions  servent  de 
support  à  l'écu  qui  est  sommé  d'un  casque  à  lambrequins, 
taré  de  face.  Le  champ  de  l'écu  est  parti  :  au  1er. ,  trois 
étoiles  ;  au  2e. ,  une  croix  ,  avec  peut-être  quatre  pièces  aux 
cantons. 

Le  premier  ne  laisse  pas  de  doute  :  ce  sont  les  armoiries 
de  la  famille  du  Houlley,  que  nous  avons  déjà  trouvées  à 
l'église. 

L'appartement  précédent  était  encore  dernièrement  tapissé 
de  cuirs  gaufrés  et  dorés ,  d'un  dessin  remarquable  ,  et  qui 
étaient  loin  d'avoir  perdu  leur  éclat. 


CANTON  DE  L1SIEUX ,    lre.    SECTION.  87 

A  droite  du  grand  escalier  ,  on  entrait  dans  un  vaste  salon 
dont  la  décoration  paraît  n'avoir  jamais  été  terminée.  Ensuite 
se  trouvait  la  salle  à  manger  ;  elle  était  aussi  très-vaste ,  mais 
de  forme  irrégulière.  On  l'avait  placée  dans  les  deux  tou- 
relles circulaires  de  l'angle.  Sa  disposition  était  assez  heu- 
reuse. Ses  murs  étaient  lambrissés,  avec  sujets  peints  sur  les 
panneaux.  Dans  un  des  angles  se  trouve  encore  un  lavabo  en 
marbre. 

Dans  les  bâtiments  du  retour,  on  ne  trouvait  que  de  petits 
appartements. 

Le  plus  ancien  des  seigneurs  d'Ouillie  dont  le  nom  soit 
conservé  est  Martin  d'Ouillie ,  qui  figure  dans  les  rôles  de 
l'Échiquier  de  Normandie  à  la  date  de  1180  :  Martinus  de 
Oilleia  10  solid.  pro  duello  Lexov. 

Depuis  cette  époque  jusqu'à  la  fin  du  XVe.  siècle,  je  n'ai 
pu  découvrir  les  noms  d'aucun  seigneur  d'Ouillie.  Le  registre 
de  Philippe-Auguste  n'en  fait  pas  mention.  En  1464,  Philippe 
Le  Veneur ,  baron  de  Tillières ,  fit  partage  de  la  seigneurie 
&'Omllé-le-Ribaut  avec  Philippe  de  Manneville  et  Catherine 
Le  Baveux,  veuve  de  Louvel-L'Estandart. 

Philippe  Le  Veneur  avait  épousé,  en  1450,  Marie  Blosset, 
fille  de  Guillaume  Blosset ,  seigneur  de  Carrouges  et  de  Mar- 
guerite de  Malestroit. 

Il  avait  une  part  d'hérédité  dans  la  terre  d'Ouillie,  parce  que 
Jean,  son  père,  seigneur  du  Homme,  qui  fut  tué  à  Azincourt, 
en  1415  ,  avait  épousé  Jeanne  Le  Baveux,  fille  de  Robert  Le 
Baveux,  baron  de  Tillières  et  d'Agnès  Paynel.  C'était  une  hé- 
ritière. Je  suis  porté  à  croire  pourtant,  sans  en  avoir  de 
preuve ,  que  la  terre  d'Ouillie  venait  des  Paynel ,  qui  possé- 
dèrent beaucoup  de  terres  de  ce  côté. 

C'est  Philippe  de  Manneville  qui  resta  en  possession 
d'Ouillie. 

Monseigneur  Jehan  de  Manneville,  sans  doute  son  fils,  chc- 


88  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

valier,  seigneur  et  baron  d'Ouillie  et  d'un  fief  assis  à  Lieuray, 
nommé  Tillière,  n'ayant  point  comparu  aux  montres  de  la 
noblesse  du  bailliage  d'Évreux  ordonnées  par  Louis  XI  en 
1469 ,  ses  fiefs  furent  «  prins  et  mis  en  la  main  du  Roy... 
«  sous  laquelle  ils  seront  régis  et  couvergnez  jusques  à  ce  qu'il 
«  ait  fait  apparoir  comme  et  du  lieu  ou  il  s'estoit  présenté.  » 
(  Voyez  les  Monstres  du  bailliage  d'Evreux ,  publiées  par 
M.  Bonnin,  p.  Zi3.  ) 

En  1540,  René  de  Maintenon  était  seigneur  et  baron 
d'Ouillie.  Pour  justifier  sa  noblesse  devant  les  élus  de  Lisieux, 
il  produisit  «  plusieurs  lettres  et  écritures,  la  première  des- 
quelles est  une  grande  lettre  en  parchemin  en  forme  de  rôle 
commençante  le  lundi  24  juin  1409,  sous  le  nom  de  Etienne 
Loresse ,  escuyer  de  l'écurie  du  Roy  ,  duquel  il  a  dit  fournir 
être  descendu  par  plusieurs  lettres  et  écritures.  Et  si  a  fourni 
comme  la  différence  du  nom  de  Loresse  à  celui  de  Maintenon 
venoit  de  ce  que  Mc.  Jean  Costereau  thésorier  de  France , 
possesseur  de  leur  chatellenie  de  Maintenon,  qui  avoit  appar- 
tenu aux  prédécesseurs  dudit  baron  ,  avoit  voulu  usurper 
les  noms  et  armes  dudit  Maintenon,  à  laquelle  usurpation 
s'étoit  opposé  ledit  baron,  jouxte  ce  que  contient  l'acte  d'op- 
position. ))  (  Recherche  des  Élus  de  Lisieux ,  publiée  par 
M.  de  La  Roque,  p.  30-31.  ) 

Gaston  de  Maintenon,  baron  d'Ouillie-la-Ribaude,  épousa, 
en  1551 ,  Marguerite  de  Nollent,  la  dernière  des  quatre  filles 
de  Florent  de  Nollent,  seigneur  de  St.-Contest,  et  de  Louise 
de  Chançaux  Le  Breton.  (Lachesnaye  des  Bois,  t.  XI,  art. 
Nollent.) 

Dès  le  commencement  du  XVIIe.  siècle ,  la  baronnie 
d'Ouillie  est  dans  les  mains  de  la  famille  de  Longchamp,  issue 
de  la  paroisse  de  St. -Léger,  dont  plusieurs  membres  furent 
gouverneurs  de  la  ville  de  Lisieux  au  XVIe.-  siècle. 

Dansla  transaction  déjà  citée,  faiteavec  le  receveur  de  Charles 


CANTON    DE   LISIEUX ,    lre.    SECTION.  89 

de  Clercy ,  écuyer,  sieur  de  Mortemer  et  des  Louverets  ,  re- 
lativement à  des  droits  de  treizièmes  à  prélever  sur  des  terres 
situées  à  Moyaux ,  messire  Jehan  de  Longchamp  prend  les 
qualifications  suivantes  :    «  chevallier   de  l'ordre  du  Roy  , 
conseiller  en  ses  Conseils  d'Estat  et  privé  ,  gouverneur  de  la 
ville  de  Lisieulx  ,  baron  et  chastellain  d'Ouillie  ,  seigneur  de 
Fumichon,  Baudet,  La  Lande  ,  Baratte  et  autres  qualités  et 
sieuries.  »  Il  avait  épousé  noble  dame  Jehanne  Dumoulin  , 
qui  mourut  vers  \6\U;  car,  le  27  août  de  cette  année,  ses 
biens  furent  partagés  par  François  Lambert  d'Herbigny,  d'une 
part  ;  Nicolas,  Jean  et  Louis  de  Bigars,  d'une  autre  part,  et 
enfin  par  Abraham  de  Combault ,  héritiers  chacun  pour  un 
tiers.  (Titres  originaux  aux  archives  de  l'Hospice  de  Lisieux.) 
Jehan  de  Longchamp  ne  laissa  point  d'héritiers  mâles ,  et 
sa  fortune  fut   partagée  entre  Louis  de  Rabodanges  et  César 
d'Oraison ,  qui  avaient  épousé  ses  deux  filles.  La  femme  du 
marquis  de  Rabodanges  eut  Fumichon;  celle  du  sieur  d'Oraison, 
Ouillie.  C'est  ce  qui  résulte  de  protocoles  d'actes  où  l'on  voit 
figurer  :  «  haut  et  puissant  seigneur  messire  Louis  de  Rabo- 
denge,  chevallier,  marquis  de  Crévecœur  et  baron  de  Fu- 
michon  (27  septembre  1650);  messire   César  d'Oraison, 
chevallier,  marquis  de  Livarot,  baron  et  chastellain  d'Ouillie, 
seigneur    du    Mesnil-Godemen   et   plusieurs  autres  terres, 
soubz- lieutenant  des  gendarmes  bourguignons,   gouverneur, 
pour  le  service  de  Sa  Majesté,  de  la  ville  de  Lisieux  (1637- 
1672-1683).   » 

César  d'Oraison  fit  sa  résidence  ordinaire  au  château 
d'Ouillie.  Il  y  produisit  dans  la  recherche  de  la  noblesse  de 
1666.  On  y  lit  : 

((  Ouillie.  —  Cezar  d'Oraison,  chastelain  de  Livarot,  antien 
noble.  » 

Il  laissa  postérité.  Néanmoins  la  baronnie  d'Ouillie  ne  tarda 
pas  à  passer ,  par  acquêt ,  à  la  famille  du  Houlley  ,  qui  lui  a 


90  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU  CALVADOS. 

laissé  son  nom.  Messire  Alexandre- François-Pierre  du  Houlley, 
chevalier,  seigneur,  baron,  châtelain  et  haut -justicier  du 
Houlley,  seigneur,  baron  et  patron  de  Fumichon,  Firfol,  La 
Lande,  Baudet,  Barole,  Thillières  et  autres  lieux,  mourut  entre 
1785  et  1787  ,  laissant  pour  seule  héritière  sa  sœur  ,  noble 
dame  Anne-Renée-Cécile  du  Houlley  ,  épouse  de  messire 
Daniel  de  Loynes ,  chevalier  ,  seigneur  de  Mazères  et  autres 
lieux,  chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  St. -Louis,  de- 
meurant ordinairement  à  Orléans. 

M.  de  Mazères  possédait  encore  ces  terres  au  moment  de 
la  Révolution. 

M.  Baguenault,  qui  a  épousé  Mme.  Adélaïde-Zoé  de  Loynes  du 
Houlley,  nièce  de  M.  de  Mazères,  vient  d'aliéner  la  terre  et  le 
château. 

La  baronnie  d'Ouillie ,  qui  se  composait  de  quatre  fiefs  de 
haubert  et  avait  une  haute-justice,  s'étendait  sur  les  paroisses 
de  Moyaux,  d'Hermival  et  autres  environnantes.  Au  moment 
de  la  Révolution ,  elle  valait ,  en  rentes  et  redevances  féo- 
dales et  en  fermages  de  terres  non  fieffées,  environ  80,000  fr. 
de  rente. 

Le  Houlley  faisait  partie  du  doyenné  et  de  la  sergenterie 
de  Moyaux.  On  y  comptait  45  feux ,  environ  225  habitants. 
Comme  on  y  a  réuni  la  paroisse  de  St.  -Léger,  dont  nous  par- 
lerons tout  à  l'heure  ,  et  qui  comptait  63  feux  ou  315  habi- 
tants, on  devrait,  en  totalisant,  trouver  une  population  de 
540  âmes.  Les  états  officiels  n'en  accusent  que  436.  Là , 
comme  presque  partout,  la  diminution  est  sensible. 

SAINT-LÉGER-D'OUILLIE  (1). 

St.-Léger-d'Ouillie  ,  S.  Leodcgarius,  S,  L.  de  Ouilleia, 
S.  Léger  du  Houlley. 

(1)  Noies  de  M.  Ch.  Vasscur. 


CANTON   DE   LISJEUX  ,    \\    SECTION.  91 

Comme  on  vient  de  le  voir ,  le  territoire  de  St.  -Léger  est 
réuni  à  Ouillie-du-Houlley.  L'église  a  été  détruite ,  mais  le 
cimetière  est  conservé. 

C'était  l'abbé  de  St.-Laumer  de  Blois  qui  présentait  à  la 
cure.  Il  y  avait  un  prieuré  régulier  dépendant  de  cette 
abbaye. 

St.-Laumer  étant  devenu  évêché  en  1697  ,  l'évêque  de 
Blois  a  remplacé  l'abbé  dans  tous  ses  droits. 

Je  n'ai  pu  trouver  que  le  nom  d'un  seul  prieur  de  St.- 
Léger,  Léonor  du  Merle  ,  quatrième  fils  de  Jean  du  Merle  et 
d'Esther  de  Chaumont,  cbef  de  la  branche  d'Auval.  Il  vivait 
à  la  fin  du  XVIIe.  siècle. 

FIRFOL  (1). 

Firfol,  Fier  fol,  Frafolium. 

Dans  son  état  actuel,  l'église  de  Firfol  ne  présente  aucun 


vie  de  l'église  de  firfol. 


intérêt.  Tout  le  mur  méridional  a  été  refait  à  la  fin  du  XVIe.  siècle 
ou  a  l'époque  moderne.  Les  murs  du  chœur  ont  été  recon- 


i)  Noirs  fie  at.  eh.  Vasieur. 


92  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS, 

struits  récemment  ;  lors  de"ce 
travail,  on  a  mutilé  les  deux 
contreforts  plats  qui  remon- 
taient à  la  construction  pri- 
mitive. Le  nord  a  conservé , 
dans  son  intégrité ,  ses  ca- 
ractères d'antiquité.  Absence 
de  contreforts  et  de  fenêtres 
à  la  nef  ;  deux  contreforts 
plats  et  une  fenêtre  étroite  , 
cintrée ,  romane  ,  au  choeur. 
L'appareil  est  Yopus  spicatum, 
bien  caractérisé.  La  porte 
principale  s'ouvre  à  l'extré- 
mité de  la  nef,  au  midi. 
Vis-à-vis  ,  dans  le  mur  du 
nord,  était  pratiquée  une  pe- 
tite porte  romane,  maintenant 
bouchée  ;  c'est  probablement 

la  porte  du  prêtre.  Le  presbytère  est  encore  situé  de  ce  côté  ; 
le  cimetière  ne  s'étend  que  du  côté  du  midi. 

Les  voûtes  sont  en  merrain,  mais  on  les  a  recouvertes  d'une 
couche  de  plâtre. 

Près  du  maître-autel ,  qui  date  du  dernier  siècle ,  est  pra- 
tiquée une  piscine  ogivale  subtrilobée ,  qui  date  du  XIIIe. 
siècle. 

Il  y  avait  autrefois  un  arc  triomphal,  il  a  disparu  ;  les  murs 
de  la  nef  et  du  chœur  sont  sur  la  même  ligne. 

Il  faut  remarquer,  dans  le  mobilier,  une  petite  statuette 
placée  sur  le  mur  latéral  du  chœur ,  du  côté  de  l'évangile. 
Elle  porte  sa  date  : 

S.    IEHAN    BAPTISTE    DOE 

PAR    GUILLE    LOIR    FILZ    THOAS 

1603. 


CANTON   DE   LISIEUX ,  lre.   SECTION.  93 

Son  exécution  esl  loin  d'être  artistique. 

Le  parement  du  maître-autel ,  à  double  face,  est  peint  sur 
toile  et  d'une  exécution  remarquable.  Au  centre  est  le  Saint- 
Esprit  ,  sous  la  forme  d'une  colombe ,  planant  au  milieu  de 
bouquets  de  fleurs  d'un  beau  coloris  et  d'un  bon  dessin. 

Celui  du  petit  autel  du  nord  n'est  pas  moins  riche.  Le  fond 
est  toujours  formé  par  des  rinceaux  et  des  fleurs  ;  le  sujet 
central  est  l'Agneau  debout  sur  le  livre  aux  sept  sceaux. 

Les  fonts  baptismaux  se  composent  d'une  cuve  circulaire  sans 
pédicule,  ornée  seulement  de  deux  moulures.  Je  ne  puis 
préciser  l'époque  à  laquelle  ils  remontent,  mais  je  les  crois 
fort  anciens.  M.  le  curé  m'a  dit  être  dans  l'intention  de  les 
remplacer  par  une  mesquine  cuvette  de  marbre  ,  parce  qu'ils 
empêchent  le  développement  des  processions. 

La  cloche  est  de  1783.  Elle  ne  porte  d'autre  inscription 
que  le  nom  du  trésorier  en  charge. 

L'église  de  Firfol  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  Le 
patronage  appartenait  à  l'abbaye  de  Cormeilles.  Elle  était  com- 
prise dans  le  doyenné  de  Moyaux. 

Prieuré. — Il  y  avait,  sur  le  territoire  de  Firfol,  un  prieuré 
régulier ,  dont  le  patronage  appartenait ,  comme  celui  de 
l'église  paroissiale,  à  l'abbaye  de  Cormeilles. 

La  chapelle  existe  encore.  C'est  un  petit  édifice  construit  avec 
soin,  qui  date  de  la  fin  du  XIIIe.  siècle  ou  des  premières  années 
du  XIVe.  Voici  les  dessins  que  M.  Boueten  a  faits  (V.  p.  suiv.). 

Le  chevet  est  droit  et  ajouré  d'une  grande  fenêtre  à  me- 
neaux qui  occupe  tout  le  pignon.  Les  murs  latéraux  sont  di- 
visés en  deux  travées  par  un  contrefort;  deux  autres  contre- 
forts soutiennent  les  angles.  Le  midi  est  percé  de  deux 
fenêtres  ogivales  de  médiocre  dimension  ,  partagées  autrefois 
par  un  meneau  qui  portait  sans  doute  une  tracerie  rayon- 
nante. Sa  corniche  est  accompagnée  d'une  série  de  trèfles 
gravés  en  creux  dans  la  pierre.  Au  nord,  il  n'y  a  d'ouvertures 


M 


STATISTIQUE   MONUMENTALE    DV   CALVADOS. 


CAINTOiN    l)L  USIEUX,    lr\    SECTION.  1)5 

primitives  que  vers  l'orient ,  ce  sont  deux  étroites  lancettes. 
Des  bâtiments  ont  dû  s'appuyer  de  ce  côté  à  la  chapelle ,  qui 
est  élevée  sur  une  cave  et  correspondait  ainsi  à  leur  premier 
étage.  Les  portes  sont  peu  caractérisées  et  doivent  dater  de 
diverses  époques. 


ENTRÉE    DE    LA    CHAPELLE    DU    PRIEURE. 


La  grande  porte  d'entrée  s'ouvre  sur  le  chrniin  .  à  l'occi- 


96  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

dent.  Elle  est  à  arc  surbaissé  et  paraît  avoir  été  retravaillée 
vers  la  fin  du  XVIe.  siècle.  Le  porche  en  maçonnerie  qui  la 
protège  date  du  XVe.  siècle  ;  il  était  recouvert  par  une  voûte 
ogivale  en  charpente  fort  soignée  et  dont  les  moulures  se  ren- 
contrent assez  rarement. 

Au-dessus,  dans  le  pignon,  s'ouvre  une  fenêtre  semblable  à 
celles  qui  éclairent  le  mur  méridional.  L'appareil  des  murs 
se  compose  de  moellons  ;  on  n'a  employé  la  pierre  de  taille 
que  pour  les  angles,  les  contreforts,  la  corniche  et  l'entou- 
rage des  baies.  La  pierre  est  rare  dans  le  pays  ,  et  il  est  fort 
instructif  d'étudier  la  manière  intelligente  dont  le  constructeur 
a  su  l'économiser,  tout  en  donnant  à  son  œuvre  un  air  d'am- 
pleur qu'on  atteindrait  difficilement ,  même  avec  les  res- 
sources dont  les  architectes  disposent  de  nos  jours.  Les  colon- 
neltes  sont  grêles ,  les  chapi- 
teaux peu  fouillés,  les  bases  un 
peu  plates;  mais  il  faut  une  ana- 
lyse complète  pour  constater 
ces  défectuosités,  que  le  pre- 
mier coup-d'œiln'aperç  >itpas. 

Les  gros  murs  me  paraissent 
dater  de  deux  époques  :  une 
partie  du  blocage  ,  surtout  au 
nord  et  à  l'orient,  peut  remon- 
ter jusqu'au  commencement 
du  XIIIe.  siècle ,  comme  les 
deux  étroites  lancettes  dont  il  i 
déjà  été  parlé  ;  le  reste  est  de 
cent  ans  plus  jeune  et  appar- 
tient, comme  les  autres  fenê- 
tres, à  l'architecture  rayon- 
nante. 

Le  plan  indique  la  longueur 
et  la  largeur  de  la  cinpelle  ; 


CANTON    DE  MSUUJX,    ir».    SECTION.  \)1 

les  murs  latéraux  ont,  sous  comble,  22  pieds  environ  ;  on 
compte  38  pieds  au  haut  du  triangle  du  chevet. 

Cette  chapelle  sert  maintenant  de  bâtiment  d'exploitation 
rurale.  La  voûte  est  ogivale ,  en  merrain ,  avec  entraits  et 
poinçons  visibles.  Des  trèfles  en  noir  décorent  les  dou- 
vettes. 

Les  fourrages  qui  y  sont  habituellement  entassés  empê- 
chent un  examen  approfondi  de  toutes  les  parois  ;  il  doit  y 
avoir  une  piscine. 

M.  le  curé  de  Firfol  a  eu  l'obligeance  de  nous  communi- 
quer les  noms  des  prieurs  de  St. -Christophe  qu'il  a 
trouvés ,  en  dépouillant  les  registres  de  sa  paroisse.  Ces  re- 
gistres remontent  jusqu'à  1600;  mais  c'est  seulement  un 
siècle  plus  tard  que  l'on  trouve  le  premier  prieur ,  et  la 
liste  est  loin  d'être  complète  : 

1708.  Richard  de  Guirard;  il  portait,  suivant  d'Hozier  : 
losange  d'argent  et  de  gueules. 

1718.  Frère  Philippe-Antoine  de  Trousseauville,  de  l'ordre 
des  Frères  mineurs,  couvent  de  Bernay.  Il  remplissait ,  celte 
année-là,  les  fonctions  de  desservant  provisoire  de  la  pa- 
roisse. 

Manoir.  —  De  l'autre  côté  du  chemin  est  l'enclos  du 
manoir  de  St. -Christophe.  Malgré  son  nom,  qui  pourrait 
le  faire  regarder  comme  une  dépendance  du  prieuré  dont 
nous  venons  de  nous  occuper,  c'était  un  fief  laïque.  Il 
appartient  à  cette  classe  de  constructions  en  bois  ,  d'un  in- 
térêt tout  particulier ,  qu'on  ne  rencontre  que  dans  les  en- 
virons de  Lisieux.  Sa  construction  date  de  la  transition  entre 
le  style  gothique  et  la  Renaissance.  Le  plan  et  les  deux  dessins 
de  M.  Bouet  font  voir  sa  disposition  et  son  aspect  d'en- 
semble. 

7 


1)8 


STATISTIQUE  MONUMENTALE    l>U   CALVADOS. 


PLAN  DES  APPARTEMENTS  Dl 
PREMIER  ÉTAGE. 


111 


PLAN    DU    MANOIR    DE    FIRFOL. 


Du  côté  de  la  façade,  les  moulures  des  sablières,  les  profils 
des  poteaux  corniers  el  des  poteaux  d'huisserie  sont  gothiques. 
Il  n'y  a  aucune  sculpture.  Tout  l'effet  est  produit  par  les  en- 
corbellements et  la  tourelle  carrée  de  l'escalier,  qui  présente 
son  pignon  parallèlement  à  la  façade. 

Le  bout  de  la  maison,  qui  forme  galerie  ouverte  au  rez-de- 
chaussée,  el  la  face  du  côté  du  jardin  ont  reçu  une  très-riche 
décoration. 

Les  trois  poteaux  qui  servent  de  colonnes  à  la  galerie  et 
portent  les  étages  supérieurs  sont  sculptés,  sur  chaque  face  , 
d'ornements  de  la  Renaissance,  tous  variés,  mais  dont  un 


CANTON   DE   LÉSIEÛX',    lr\    SECTION. 


99 


100 


STATISTIQUE   MOM  MENTALE    1)1     CALVADOS. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    1™.    SECTION.  10 1 

spécimen  fera  suffisamment  counaître  les  motifs  (  V.  la  page 
suivante). 

Au  milieu  de  ces  trophées  sont  des  médaillons  circulaires , 
renfermant  un  buste  d'homme  et  un  buste  de  femme.  Il  est 
à  croire  qu'il  ne  faut  considérer  ces  figures,  que  l'on  rencontre 
dans  presque  toutes  les  constructions  de  la  Renaissance ,  que 
comme  pure  décoration.  Souvent  on  raconte  que  ce  sont  les 
portraits  du  maître  et  de  la  maîtresse  du  logis.  Sur  la  face 
externe  du  poteau  central  est  un  sujet  en  haut-relief.  Malgré 
son  état  de  dégradation  ,  du  aux  intempérances  du  temps 
aussi  bien  qu'aux  accidents  inséparables  d'une  existence  de 
trois  siècles,  on  reconnaît  parfaitement  saint  Christophe,  por- 
tant sur  l'épaule  son  fardeau  divin. 

L'angle  du  poteau  cornier  porte  aussi  une  statuette.  C'est 
une  femme  couronnée,  ayant  une  épée  à  la  main,  un  monstre 
sous  les  pieds.  A  ces  emblèmes,  on  reconnaît  sainte  Margue- 
rite. Les  sablières  ont  de  jolis  rinceaux  de  la  Renaissance. 

A  l'étage  supérieur,  s'ouvre  une  jolie  fenêtre  à  croix  déli- 
catement ciselée.  Sur  le  trumeau  central  est  représenté  saint 
Michel,  terrassant  le  diable.  Il  y  avait,  sur  la  façade,  deux 
statuettes  qui  ont  été.  bûchées  ;  nous  avons  pu  découvrir , 
pour  toute  sculpture  une  feuille  de  chêne  derrière  un  volet. 
Est-ce  un  rébus?  Faut-il  y  voir  une  allusion  au  nom  du 
constructeur  ou  à  celui  du  propriétaire  ? 

La  face  du  jardin  a  conservé  intacte  toute  sa  décoration. 
Elle  est  concentrée  sur  la  partie  méridionale  ;  la  salle  qui  fait 
saillie  est  en  pierre  et  sans  ornements.  Elle  doit  être  de 
même  date  que  le  reste. 

Au  midi ,  nous  trouvons  les  sablières  avec  rageurs  bien 
conservées ,  les  fenêtres  de  même  style  que  celle  que  nous 
avons  déjà  décrite,  plus  un  double  rang  de  statuettes. 

Au  rez-de-chaussée,  sainte  Barbe,  saint  Pierre  ,  saint  Jean 
l'Évangéliste  avec  son  calice  surmonté  d'un  dragon  ;  enfin, 


102         STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


SCULPTURE    DE   UA    RENAISSANCE,    AU    MANOIR   Bï  FIRFOl, 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    \T*.    SECTION.  103 

une  femme  agenouillée  devant  un  homme  le  bras  levé ,  le  vê- 
tement court ,  comme  on  représente  a  cette  époque  le  bour- 
reau. Nous  ne  pouvons  deviner  ce  sujet. 

A  l'étage  supérieur,  en  suivant  le  même  ordre,  on  reconnaît 
un  évêque  bénissant  ;  la  Trinité  ,  telle  qu'on  la  figurait  ordi- 
nairement, savoir  :  le  Père-Éternel ,  assis,  soutenant  la  croix 
de  ses  deux  mains  et  une  colombe  planant  au-dessus  de  la  tête 
du  Christ;  enfin,  une  femme  agenouillée  tenant  une  corbeille. 

A  divers  endroits,  on  reconnaît  la  trace  de  blasons  qui  au- 
raient pu  nous  faire  deviner  le  nom  de  l'ordonnateur  de 
cette  œuvre  artistique;  mais  ils  ont  été  bûches  avec  un  soin 
désolant. 

A  l'intérieur,  on  voit  encore  de  vastes  cheminées  dont  les 


CHEMINEE    1)1     HANOIB    DK    FIItl-'OL. 


manteaux  de  pierre  sont  portés  par  des  cotomiéUcs.  Voici  un 


î{)tl         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

croquis  de  celle  de  la  cuisine.  Dans  une  des  chambres,  il  s'en 
trouve  une  autre  non  moins  curieuse. 


CHBMINÉB   DL    Ï.IANOiR    DE    FJRFOL. 

Des  portes  à  panneaux  plissés ,  des  peintures  sur  les  pou- 
trelles d'une  chambre,  des  volets  à  médaillons ,  des  sommiers 
sculptés  de  torsades  et  d'entrelacs ,  sont  les  seuls  motifs  de 
décoration  intérieure  qui  subsistent  encore. 

Les  bâtiments  accessoires  n'offrent  aucun  intérêt,  si  ce  n'est 
le  puits  de  grande  dimension ,  avec  le  petit  édicule  qui  le  re- 
couvre et  le  colombier  en  bois  octogone ,  sur  une  base  circu- 
laire. Il  était  décoré  de  sculptures  ;  mais  elles  sont  recouvertes 
d'un  enduit  épais. 

En  U63.  Monti'aut  trouva   noble  ,  à  Firfol ,  Philippe  de 


CANTON    DE   L1SIEUX  ,    lrr.    SECTION.  105 

Bellemare  ,  qui  a  donné  son  nom  à  une  terre  située  plus  loin 
dans  la  plaine.  Vers  1540,  François  du  Bosch  était  seigneur 
d'Hermival  et  de  Firfol.  Après  lui,  Jean  du  Bosch,  qui  avait 
épousé,  vers  1608,  Marie  d'Oinville,  porta  les  mêmes  titres. 

Jacques  du  Houlley  ,  conseiller  du  roi ,  ancien  lieutenant- 
général  civil  et  criminel  de  la  vicomte  d'Orhec,  était  seigneur 
de  Firfol  en  1660  et  1667.  D'autres  membres  de  la  famille 
du  Houlley  ont  porté  le  même  titre. 

La  population  de  Firfol  est  de  228  habitants.  Au  XVI1P. 
siècle,  il  y  avait  75  feux  ,  soit  plus  de  350  habitants.  Celte 
paroisse  était  comprise  dans  la  sergenterie  de  Moyaux. 

COUKTONNE-LA-MEURDRAC  (l). 

Courtonne-la-Meurdrac ,  Corthonna  la  Murdrac ,  Cor- 
lonna  la  Meurdrac. 

Courtonne  a  toujours  été  une  localité  importante,  qui  ne 
comptait  pas  moins  de  227  feux  au  XVIIIe.  siècle,  c'est-à- 
dire  environ  1,000  à  1,200  habitants.  On  en  compte  en- 
core 709. 

Cependant  l'église  n'est  pas  construite  dans  de  grandes 
proportions.  La  nef  n'a  que  48  pieds  sur  25  dans  œuvre.  Le 
chœur  n'était  primitivement  qu'un  carré  parfait  de  19  pieds 
de  côté  :  on  y  a  ajouté ,  au  XVIe.  siècle ,  un  pan  coupé  , 
maintenant  transformé  en  sacristie.  La  plus  grande  partie  de 
la  construction  est  romane,  et  on  peut  la  faire  remonter  au- 
delà  du  XIIe.  siècle.  Elle  se  compose  d'un  blocage  affectant 
parfois  la  feuille  de  fougère ,  mais  se  rapprochant  générale- 
ment de  la  disposition  du  petit  appareil  romain  ;  le  pignon 
occidental  surtout  montre  bien  ce  caractère. 

Comme  il  arrive  presque  partout ,  les  ouvertures  ont  été 

(1;  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur, 


106  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

refaites  à  la  fin  du  XVe.  siècle.  On  a  conservé  cependant,  dans 
leur  intégrité,  deux  des  étroites  fenêtres  primitives,  peut-être 
les  seules  destinées  à  éclairer  la  nef  dans  l'origine.  Elles  sont 
vitrées  au  ras  du  mur  et  placées  fort  haut  au-dessus  du  sol. 
Les  quatre  autres  ouvertures,  symétriquement  percées,  sont 
ogivales.  Les  deux  premières,  vers  la  porte,  ont  un  meneau  ; 
les  deux  autres  n'en  ont  point,  mais  leur  largeur  porte  à 
croire  qu'elles  en  ont  possédé  deux  ou  même  trois. 

La  porte  s'ouvre  à  l'ouest  ;  elle  date  du  XVe.  siècle.  Un 
meneau  de  pierre  la  sépare  en  deux  baies  carrées ,  d'égale 
proportion  ,  garnies  de  moulures  prismatiques.  Les  vantaux 
sont  à  panneaux  plissés.  Elle  est  protégée  par  un  porche  en 
bois  de  la  même  époque,  sur  l'un  des  poteaux  duquel ,  vers 
le  midi ,  se  trouve  le  nom ,  en  lettres  gothiques  ,  du  char- 
pentier qui  l'a  construit ,  avec  une  hachette  grossièrement 
sculptée. 

Le  chœur  fait  retraite  sur  la  nef.  Le  mur  latéral  du  nord 
est  roman.  Celui  du  midi  a  été  reconstruit  ou  reparementé 
lors  de  l'adjonction  du  chevet  ;  il  est,  comme  lui,  en  échiquier 
de  pierre  de  taille  et  de  moellons  couverts  d'un  enduit  rouge 
pour  simuler  la  brique.  Les  fenêtres  et  la  porte  sont  sans  ca- 
ractère. 

On  remarquera  l'absence  complète  de  contreforts.  Le  clo- 
cher est  assis  sur  le  portail.  Il  est  revêtu  d'essente  et  orné  de 
quatre  lucarnes  subtrilobées  occupant  les  angles. 

La  voûte  du  chœur  est  en  lambris  cl  le  sous-faîte  garni  de 
pendentifs  exécutés  au  tour.  La  ferme  appareille  qui  la  sou- 
tient n'offre  rien  de  particulier.  L'arc  triomphal  est  ogival , 
avec  moulures  prismatiques  qui  retombent  sur  deux  colonnes 
semi-cylindriques.  Son  style  accuse  le  XVIe.  siècle;  mais 
tout  porte  à  croire  que  ce  n'est  qu'un  rajeunissement  de 
l'arc  roman  primitif. 


CANTON    DE   L1SIEUX ,    lre.    SECTION.  107 

La  voûte  de  la  nef  est  aussi  en  merrain  avec  entraits  et 
poinçons.  Les  sablières  qui  font  corniche  au  haut  des  murs 
latéraux  ont  une  saillie  considérable.  Elles  sont  sculptées 
d'entrelacs,  de  rosaces,  de  chevrons  brisés,  d'imbrications, 
selon  Je  style  en  vogue  sous  le  règne  de  François  Ier.  Mais  on 
les  a  bariolées  en  bleu  et  en  blanc  (sans  cloute  pour  imiter  le 
marbre)  d'une  manière  indescriptible. 

Les  trois  autels  sont  d'un  travail  remarquable  et  ont  une 
date  certaine. 

Celui  du  chœur  montre,  au-dessus  du  tombeau  carré 
à  parement  de  toile  peinte,  un  riche  rétable  composé  de 
quatre  colonnes  torses ,  dont  le  tiers  inférieur  et  le  tiers  su- 
périeur sont  garnis  de  ceps  de  vigne  où  se  jouent  des  oiseaux, 
des  limaçons  et  des  lézards.  L'un  de  ces  oiseaux  tient  dans 
ses  serres  un  reptile.  Des  couronnes  fleurdelisées  servent  de 
point  d'arrêt  à  cette  décoration.  Les  chapiteaux  sont  d'ordre 
corinthien. 

Tout  est  doré,  de  cette  dorure  inimitable  ternie  par  les  ans, 
sauf  les  animaux  teintés  au  naturel  et  les  grappes  de  raisin. 
Les  piédestaux  sont  garnis  de  cartouches.  Au  milieu ,  le  ta- 
bleau est  entouré  d'un  beau  cadre  cintré.  C'est  une  copie  de 
la  Descente  de  croix  de  Rubens.  A  droite  et  à  gauche,  dans 
les  deux  autres  entrecolonncments,  sont  des  niches  garnies  de 
leurs  statues  du  même  temps  :  saint  Ouen  et  saint  Maur. 

Le  couronnement,  au-dessus  de  l'entablement,  est  un 
fronton  brisé  en  volutes  sur  lesquelles  sont  assis  deux  anges. 
Au  centre  est  une  niche  en  attique  avec  fronton  semi-circu- 
laire ,  porté  sur  deux  caryatides  à  tète  d'ange.  La  statue  qui 
occupe  cette  niche  représente  le  Sauveur  du  monde. 

Le  tabernacle  est  de  forme  semi-hexagonale  ;  des  faisceaux 
de  colonnettes  cantonnent  ses  angles.  Dans  les  cinq  niches , 
sont  de  jolies  statuettes  :  la  Vierge-Mère  et  les  quatre  évan- 
gélislcs.  Vi\  dome  doré  avec  lanterne,  à  balustres  sert  de  cou- 


108  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

ronnement.  De  chaque  côté  sont  agenouillés  des  anges  ado- 
rateurs. 

Les  deux  petits  autels  sont  semblables  entr'eux  et  doivent 
sortir  de  la  même  main  que  le  maître-autel. 

Les  tombeaux  carrés  ont  des  parements  d'étoffe  et  ils  ne 
possèdent  point  de  tabernacles.  Deux  colonnes  torses  portent 
un  entablement  circulaire ,  à  fronton  brisé ,  ménageant  une 
niche  en  attique.  Dans  rentrecolonnement  sont  les  statues 
des  saints  auxquels  ils  sont  dédiés.  Celui  du  sud  est  dédié  à 
la  Vierge  ;  dans  l'attique  est  une  statuette  de  saint  Joseph 
avec  l'Enfant-Jésus. 

Les  colonnes  sont  évidées  à  jour,  comme  au  beau  rétable 
des  Parcs-Fontaines. 

Sur  l'autel  du  nord  est  une  statue  de  saint  Jean. 

Les  colonnes  sont  restées  pleines ,  et  au  lieu  d'attique , 
l'amortissement  se  compose  simplement  d'une  belle  urne  en- 
tourée de  draperies  pendantes.  Sur  les  bases  des  piédestaux 
court  l'inscription  suivante  ,  partagée  entre  les  deux  autels  : 

Nord  :       1652.  chabitas  et  —  toesavrvs 
Midi  :       iEWFi  —  carvwt. 

L'exécution  de  ces  deux  autels  est  certainement  aussi  re- 
marquable que  celle  du  maître-autel,  et  la  composition  n'en 
laisse  rien  à  désirer.  Que  ne  reproduit-on  de  tels  modèles,  au 
lieu  de  ce  faux  gothique ,  vraie  caricature  de  l'ancien,  et  qui 
ferait  rire  de  pitié  nos  ancêtres  ! 

Le  pied  du  lutrin  est  carré  ,  composé  de  quatre  panneaux 
flamboyants.  Les  angles  sont  formés  par  quatre  petits  contre- 
forts. Le  travail  est  grossier,  mais  il  date  du  XVe.  siècle. 

Un  lustre  en  cristal  de  roche  taillé ,  style  Louis  XV ,  est 
pendu  dans  le  chœur.  Au  coin  de  l'autel  est  déposé  un  dra- 
peau de  soie,  de  la  Confrérie  de  St. -Michel.  M.  Bouet  en  a 


CANTON    DE  LISIEUX  ,    1".    SECTION.  109 

fait  un  croquis.  Ces  étendards  de  confrérie  deviennent  rares  : 
aussi  est-il  bon  d'en  indiquer  les  couleurs  et  les  dimensions. 


Celui-ci  mesure  six  pieds  et  demi  sur  chaque  côté.  Les  ha- 
chures héraldiques  ont  été  employées  pour  remplacer  les 
couleurs.  La  bande  du  pourtour  est  large  de  6  pouces  et 
demi;  celles  qui  forment  la  croix  sont  de  13  pouces.  Un 
petit  effilé  d'argent  fait  l'entourage. 

La  Confrérie  de  Charité  possède  une  croix  richement  tra- 
vaillée, dans  le  stvle  Louis  XV. 


110       sTATisnoLii  Monumentale  dû  câltàdo's. 

La  cloche  n'a  pour  inscription  que  celte  date  : 

l'an  1707. 

Et  plus  bas,  sur  la  panse,  le  nom  du  fondeur  : 

JEAN    AVBERT 
DE    L1SIEVX 
MA    FAICTE. 

Elle  mesure  3  pieds  de  diamètre. 

Dans  l'angle  sud-ouest  du  cimetière  est  un  petit  braiment  , 


qui  sert  de  chambre  de  la  Charité  et  paraît  dater  de  la  fin  du 
XVIe.  siècle  ;  nous  en  donnons  une  esquisse. 

L'église  de  Courlonne  est  sous  l'invocation  de  saint  Ouen. 
Bien  que  cette  paroisse  fût  le  chef-lieu  d'une  baronnie  appar- 
tenant aux  évêques  de  Lisieux ,  le  patronage  était  laïque  ,  si 
l'on  s'en  rapporte  aux  pouillés  du  diocèse ,  et  ce  droit  était 
exercé  par  le  seigneur  de  Gouvis  ,  fief  situé  dans  ses  limites. 
Ce  seigneur  prélevait  même  un  trait  de  dîme ,  d'après  des 
documents  du  XVIe.  siècle.  Cependant ,  comme  correctif,  je 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    l,r.    SECTION.  111 

dois  citer  un  acte  des  archives  du  Calvados ,  daté  du  19  jan- 
vier 1479  (v.  s.  ) ,  par  lequel  «  Jacques  de  Rupierre,  sieur 
de  Ségrie  et  de  Courlhonne  en  partie ,  et  en  cette  qualité 
patron  alternatif  avec  l'évêque  de  Lisieux  ,  permet  la  per- 
mutation faite  par  son  co-patroo,  du  curé  actuellement  nommé 
avec  Guillaume  de  Rupierre,  son  frère.  » 

Cette  église  dépendait  du  doyenné  de  Moyaux. 

Le  surnom  de  Courtonne  lui>ienl  d'une  famille  Murdrac 
ou  Meurdrac,  qui  figura  dans  l'histoire  de  Normandie  dès  les 
temps  les  plus  anciens.  En  1080,  Robert  Meurdrac  sous- 
crivait à  une  charte  de  Guillaume  en  faveur  de  St.-Évroult. 
Un  écuyer,  du  nom  de  Murdrac,  suivit  la  fortune  du  conné- 
table du  Guesclin  ;  mais  il  résidait  probablement  dans  la 
Basse-Normandie,  où  cette  famille  paraît  avoir  eu  son  prin- 
cipal établissement.  Une  branche  possédait,  en  1409,  la  terre 
de  Canapville  au  diocèse  de  Lisieux.  Ce  ne  peut  être  qu'à  une 
époque  bien  reculée  qu'elle  posséda  Courtonne ,  que  nous 
voyons  toujours  dans  le  domaine  des  évêques  de  Lisieux.  A 
la  fin  du  XIVe.  siècle  ,  Guillaume  d'Estouteville  y  faisait  con- 
struire un  château-fort,  où  il  mourut,  en  1413. 

Cinq  ans  plus  tard,  le  6  mars  1418  (n.  s.),  ce  château 
tombait  au  pouvoir  des  Anglais  envahisseurs.  La  capitulation 
nous  apprend  qu'il  était  défendu  par  Jehan  de  Bienfaile,  che- 
valier ,  qui  fut  contraint  de  se  rendre  à  merci ,  laissant  aux 
vainqueurs  «  tout  artillerie  du  chaste!  etdongeon  est  assauoir 
lances,  arcs,  arbaleslres,  flèches,  virions  et  toutz  autres  abil- 
lements  pour  arbalestriers,  pouldres,  canons  et  autres  abille- 
menls  pour  la  guerre  »  ;  mais  les  dames  et  damoiselles  qui  se 
trouvaient  enfermées  avec  lui  dans  le  château  eurent,  à  ce 
prix,  leur  pleine  et  entière  liberté.  On  peut  lire  le  texte  entier 
de  cette  capitulation  à  la  suite  des  Rôles  de  V Echiquier  de 
Normandie,  publiés  par  M.  Léchaudé-d'Anisy,  p.  269. 

Thomas  Bazin  lit  rentrer  le  château  de  Coin  tonne,  en 


U'2  STATISTIQUE   MONUMt.NTALE    DU   CALVADOS. 

même  temps  que  la  ville  de  Lisieux ,  sous  l'autorité  du  roi  de 
France.  Il  fut  définitivement  démantelé  en  1590.  Les  habi- 
tants de  Marolles  étaient  tenus  d'y  faire  le  guet ,  ainsi  que 
ceux  de  beaucoup  d'autres  villages  environnants.  L'origine 
de  ce  service  remontait  à  l'an  1382. 

Il  ne  reste  plus  de  cette  importante  forteresse  que  des 
ruines  à  peu  près  insignifiantes.  Néanmoins ,  son  état  actuel 
est  le  même  où  il  fut  trouvé  en  1784,  lors  des  procès-verbaux 
qui  furent  dressés  au  moment  de  l'intronisation  de  Mgr.  de 
La  Ferronnays. 

Il  était  situé  à  l'orient  de  l'église.  11  avait  une  double  cir- 
convallation  que  l'on  peut  encore  suivre,  bien  que  les  fossés 
aient  été  en  grande  partie  comblés.  La  première  enceinte  ne 
contient  aucun  vestige  apparent  de  construction  ;  l'autre,  qui 
était  la  principale  et  qui  mesure  deux  cent  cinquante  pieds 
environ  sur  cent  cinquante,  est  occupée  par  divers  bâtiments, 
relativement  modernes,  servant  à  l'exploitation  rurale. 

La  seule  partie  conservée  des  anciennes  constructions  est 
la  façade  du  nord.  On  y  voit  une  longue  courtine  s'appuyant, 
d'un  côté,  sur  les  restes  d'une  tour  ronde  qui  flanquait  l'angle 
nord-ouest  ;  de  l'autre  côté ,  sur  les  deux  tours  qui  accom- 
pagnaient l'entrée  et  dont  la  dernière  ferme  ce  côté  du  pa- 
rallélogramme. Cette  courtine  a  environ  k  pieds  d'épaisseur. 
On  y  voit  deux  meurtrières  qui  ont  pu  servir  à  pointer  des 
canons.  Les  tours  avaient  environ  15  pieds  de  diamètre  hors 
d'oeuvre,  avec  une  épaisseur  de  murs  semblable  à  la  courtine  ; 
elles  n'avaient  donc  que  7  pieds  de  vide.  Ces  tours  sont  tout- 
a-fait  ruinées,  on  n'y  trouve  plus  d'ouvertures.  Elles  devaient 
être  couronnées,  comme  la  courtine,  par  des  hourdsde  bois; 
car  on  voit  encore,  de  place  en  place,  les  corbeaux  de  pierre 
qui  servaient  d'appui  à  ces  sortes  de  défense.  Un  large  bâti- 
ment, tout  en  pierre  de  taille,  qui  doit  être  ancien,  est  adossé 
à  la  courtine  dans  toute  son  étendue. 


CANTON   DE   EISIEUX ,    lre.    SECTION.  113 

Je  n'ai  point  vu ,  dans  les  matériaux  employés ,  dans  les 
parties  qui  ont  conservé  le  plus  de  caractère ,  d'indices  qui 
puissent  engager  à  fixer  la  date  de  ces  constructions  au-delà 
du  XVe.  siècle.  Les  fossés,  dans  cet  endroit,  ont  gardé 
environ  20  pieds  de  largeur  à  la  partie  supérieure.  Ces  restes 
ne  peuvent  donner  aucune  idée  de  la  force  stratégique  du 
château,  qui,  au  dire  de  Thomas  Bazin,  aurait  pu  arrêter 
pendant  un  long  temps  toute  l'armée  victorieuse  du  roi 
Charles  VII. 

La  petite  rivière  qui  coule  tout  près,  au  milieu  de  la  vallée, 
servait  sans  doute  à  remplir  les  fossés. 

Outre  le  domaine  des  évêques  de  Lisieux ,  Courtonne  pos- 
sédait un  certain  nombre  de  fiefs.  Le  château  de  Courtonne, 
appartenant  maintenant  à  M.  le  comte  de  Neuville ,  est  situé 
sur  le  bord  de  la  plaine,  à  une  assez  grande  dislance  de 
l'église  ;  je  le  crois  du  dernier  siècle. 

Guillaume  de  Rupierre,  sixième  fils  de  Raoul  II,  seigneur 
de  Rupierre,  est  le  premier  de  cette  famille  que  l'on  trouve 
en  possession  de  la  terre  de  Courtonne.  Il  se  qualifiait  sei- 
gneur des  Astelles,  Bauqucncey,  Mardiily,  la  Motte,  Belautel, 
la  Fresnaye,  Sotteville  ,  Ségrie,  la  Lande  -St.  -Simon  ,  Cour- 
tonnc-Ia-Meurdrac  et  St. -Georges  de  Roilley.  Une  partie  de 
ces  seigneuries  lui  venaient  de  Jeanne  de  Ségrie,  sa  femme, 
l'une  des  deux  filles,  héritières  de  Pierre  de  Ségrie.  Son  fils, 
nommé  Guillaume  comme  lui,  lui  succéda  dans  ses  seigneuries. 
En  1463,  il  fournit  ses  preuves  à  Montfaut,  sur  la  paroisse 
de  Courtonne,  ce  qui  fait  supposer  qu'il  y  habitait.  Six  ans 
plus  tard,  en  1469,  il  comparut  aux  Montres  de  la  noblesse 
du  bailliage  d'Évreux  ;  mais  comme  il  se  présentait  à  l'acquit 
des  religieux  de  St.-Évroult,  il  fournil,  pour  ses  propres  fiefs, 
trois  archers  montez  et  armez  suffisamment.  Il  était  mort  en 
ViT'i  ,  laissant  de  sa  femme,  Jeanne  d'Angerville ,  dame  de 

S 


11/»  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    1".    SECTION.  11") 

Lieuray,  neuf  enfants,  dont  six  garçons  qui  firent  partage  de 
ses  biens.  Courtonne  échut  au  second,  nommé  Jean,  qui  avait 
embrassé  l'état  ecclésiastique. 

Après  lui ,  on  retrouve  en  possession  de  cette  terre ,  Jean 
de  Rupierre,  son  arrière-petit-neveu,  fils  d'Antoine,  seigneur 
de  Ségrie ,  qui  mourut  sans  postérité.  Sa  sœur  étant  venue 
au  partage  de  ses  biens  avec  un  autre  frère,  obtint  pour  sa 
part  Courtonne ,  que  son  fils  ,  Richard  Dubois ,  seigneur  de 
Belautel,  vendit,  en  1609,  à  Adrien  du  HoulIey,écuyer,  con- 
seiller du  roi,  lieutenant  particulier  ancien  civil  et  criminel 
au  bailliage  d'Orbec.  En  1627,  Adrien  du  Houlley  se  quali- 
fiait, dans  ses  sentences,  de  sieur  du  Clos,  Gouvis,  les  Kssarts 
et  le  Parc.  La  plupart  de  ces  fiefs  sont  situés  à  Courtonne. 
Le  Clos-Houlley  est,  je  crois,  le  château  qui  nous  occupe. 
C'est  là  que  messire  Adrien  du  Houlley  établit  sa  résidence, 
d'après  un  acte  authentique  de  1630.  Après  deux  générations, 
à  la  fin  du  XVIIe.  siècle ,  la  descendance  du  seigneur  de 
Courtonne  s'éteignit  par  deux  filles,  l'une  desquelles,  nommée 
Cécile-Adrienne,  porta  Courtonne  à  messire  Nicolas  Rioult , 
écuyer,  dont  M.  de  Neuville  est  le  représentant, 

Gouvis  est  aussi  assis  à  Courtonne,  à  un  demi-quart  de 
lieue  environ  au  nord-ouest  de  l'église  ,  sur  le  coteau,  en  vue 
du  chemin  de  fer  et  de  la  route  de  Lisieux.  C'est  un  château 
de  la  fin  du  dernier  siècle ,  entouré  d'assez  belles  plantations. 

Nous  avons  vu  que  le  seigneur  de  Gouvis  possédait  le  pa- 
tronage et  un  trait  de  dîme,  ce  qui  donne  de  l'importance  à 
ce  fief.  Au  XIVe.  siècle,  il  appartenait  à  la  famille  de  La 
Planche  (de  Planqua)]  au  XVIIe.,  il  fut  acquis  par  la  famille 
du  Houlley. 

C'est  maintenant  la  propriété  de  M.  de  Graveron. 


116 


STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


SAINT-HIPPOLYTE  DE  CANTDLOUP  (1). 

St.-Hippolyte  de  Canteloup,   Sanctus  Ypolùus  de  Can- 
lalupi. 

L'église  de  St.-Hippolyte  de  Can- 
teloup, bâtie  dans  un  étroit  vallon  ,  au 
pied  d'un  coteau  boisé ,  n'offre  plus 
aujourd'hui  que  des  ruines. 

L'appareil  grossier  en  feuilles  de  fou- 
gère, que  présentent  les  parties  les  plus 
anciennes  de  celte  église ,  nous  porte 
à  faire  remonter  l'époque  de  sa  con- 
struction au  XIe.  siècle  ou  aux  premières 
années  du  XIIe.  Les  fenêtres  ont  été 
repercées  à  la  fin  du  XVe.  siècle. 


ÉGLISE    SAINT   UIPPOLYTE    DE    CANTELOUP. 

Le  mur  septentrional  de  la  nef  a  été  reconstruit  en  silew 
(1)  Notes  de  M.  Pannier. 


CANTON   DE   LISIEUX,    tr\    SECTION.  117 

On  remarque  de  ce  côté,  à  l'intérieur  de  la  nef,  une 
fenêtre  à  plein-cintre  qui  a  perdu  son  caractère  primitif  et 
qui  probablement  était  romane.  Le  mur  méridional ,  re- 
construit en  grand  appareil,  est  soutenu  par  quatre  contre- 
forts saillants ,  dont  l'un  a  été  refait  en  briques  plates  au 
XVIIIe.  siècle.  Il  est  percé  de  trois  fenêtres  flamboyantes , 
autrefois  divisées  par  un  meneau  ,  lesquelles  s'appuient  sur 
un  cordon  qui  relie  les  contreforts. 

A  l'extrémité  occidentale  de  la  nef  s'élevait  un  clocher  en 
charpente ,  recouvert  en  essente. 

Le  portail ,  jadis  soutenu  par  deux  contreforts  saillants , 
dont  un  seul  a  été  conservé  ,  n'offre  plus  aujourd'hui  qu'un 
pan  de  mur  tapissé  de  lierre. 

Quatre  fenêtres  flamboyantes ,  partagées  en  deux  baies  par 
un  meneau  prismatique  ,  éclairaient  le  chœur  dont  les  murs , 
repris  en  silex  ,  ne  sont  soutenus  par  aucun  contrefort.  Une 
petite  porte  ogivale,  dont  les  bords  sont  taillés  en  chanfrein  , 
s'ouvrait  au  midi.  Le  chœur  se  termine  à  l'orient  par  un  mur 
droit,  reconstruit  en  grand  appareil. 

L'arc  triomphal ,  encore  debout ,  pourrait  bien  remonter 
à  la  fin  du  XIIe.  siècle.  Le  gable  qui  le  surmonte  ,  en  partie 
reconstruit,  offre  un  grossier  blocage  qui  affecte  la  disposition 
en  arêtes  de  poisson. 

Les  murs  latéraux  du  chœur  ,  revêtus  d'un  ancien  enduit , 
étaient  couverts  de  peintures  simulant  un  appareil  régulier. 
Les  joints  étaient  indiqués  par  des  lignes  rouges.  Au  milieu  de 
chaque  appareil  était  peint,  en  lettres  rouges,  le  monogramme 
du  Christ.  Ce  monogramme  ,  ainsi  répété  sur  chaque  pierre  , 
était  d'un  effet  agréable  à  l'œil. 

Largeur   des   lettres 32  centimètres. 

Hauteur 17  — 

Hauteur  de  la  lettre  II,  y  compris  la 
croix 28  — 


118  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

On  voit,  du  côté  de  l'épître ,  une  piscine  ogivale  trilobée, 
dont  le  lobe  supérieur  très-aigu  accuse  la  fin  du  XVe.  siècle 
ou  le  commencement  du  XVIe. 

La  largeur  de  la  nef  est  de  18  pieds  et  sa  longueur  de  28. 

Le  chœur  a  16  pieds  de  largeur  sur  1h  de  longueur. 

Ces  dimensions  sont  prises  à  l'extérieur. 

L'église  de  St.-Hippolyte  de  Canteloup  avait  pour  patron  , 
au  XIVe.  siècle,  Jean  de  Maillot;  aux  XVIe.  et  XVIIIe. 
siècles  ,  le  seigneur  de  la  localité. 

Il  y  avait,  dans  cette  église,  une  chapelle  de  20  livres  de 
revenu ,  laquelle  était  à  la  nomination  du  plus  proche  parent 
du  fondateur. 

Une  partie  de  l'ancienne  commune  de  St.-Hippolyte  de 
Canteloup  a  été  réunie  à  l'Hôtellerie ,  et  l'autre  à  Marolles. 

SAINT-PIERUE  DE  CANTELOUP. 

St. -Pierre  de  Canteloup,  Sanctus  Petrus  de  Cantalupi. 

Cette  église  a  été  entièrement  démolie. 

Le  beau  rétable  à  colonnes  torses,  dans  le  style  Louis  XIV, 
qui  surmontait  le  maître-autel,  décore  aujourd'hui  le  chœur 
de  la  petite  église  de  Beuvillers ,  située  près  de  Lisieux.  Ce 
rétable  avait  été  acheté ,  pour  cette  dernière  église ,  en 
1847  (1).  Le  cadre  qui  entoure  le  tableau  est  travaillé  à  jour 
et  délicatement  sculpté. 

St. -Pierre  de  Canteloup  avait  été  érigé  en  succursale; 
mais  les  habitants  n'ayant  pas  fait  les  réparations  nécessaires 
pour  consolider  l'église  et  le  presbytère ,  la  succursale  fut 
supprimée. 

L'église  de  St. -Pierre  avait  pour  patron,  au  XIVe.  siècle  , 

(1)  Depuis  la  rédaction  de  cet  article,  l'église  de  Beuvillers  a  été 
démolie.  Le  rélable  ci-dessus  a  été  vendu  par  morceaux  à  un  bro- 
canteur. 


CANTON   DE   LIS1EUX  ,    l'e.    SECTION.  119 

G.  de  Fumichon.  Au  XVIe.  siècle  ,  elle  était  placée  sous  le 
patronage  de  l'abbé  de  St.-Laumer  de  Blois.  Au  XVIIIe. 
siècle,  le  seigneur  de  Fumichon  nommait  à  la  cure. 

Il  y  avait  aussi  dans  cette  église  une  chapelle,  de  16  livres 
de  revenu,  à  la  nomination  des  plus  proches  parents  des  fon- 
dateurs. 

St. -Pierre  et  St.-Hippolyle  de  Canteloup  faisaient  l'un  et 
l'autre  partie  de  l'élection  de  Lisieux ,  et  dépendaient  de  la 
sergenterie  de  Moyaux.  Chacune  de  ces  paroisses  comptait 
26  feux. 

La  commune  de  St. -Pierre  a  été  réunie  à  celle  de  Marolles. 

Les  églises  de  St.  -Pierre  et  de  St.  -Hippolyte  étaient.tellement 
voisines  qu'il  ne  fallait  pas  cinq  minutes  pour  aller  de  l'une 
à  l'autre.  Aussi  existe-t-il  une  légende  à  ce  sujet;  la  voici  : 

«  Une  certaine  dame,  nommée  Mme.  de  La  Bercerie,  se 
«  rendait  à  l'église  de  St. -Hippolyte,  qui  était  très-voisine  de 
«  son  château ,  mais  en  était  séparée  par  le  petit  ruisseau  qui 
«  coule  au  fond  de  la  vallée.  Or  ,  en  passant  sur  la  planche 
«  qui  servait  de  pont,  elle  tomba  et  plongea  dans  l'eau  en 
«  chandelle,  dit  la  tradition.  Cette  dame  prit  une  telle 
«  horreur  de  l'eau  après  ce  bain  forcé  que,  pour  n'être  plus 
«  exposée  à  glisser  sur  la  malencontreuse  planche,  elle  fit 
«  bâtir  une  autre  église  en-deçà  du  ruisseau,  près  de  sa 
«  demeure.  » 

Il  faut  convenir  que  le  moyen  n'était  pas  le  plus  éco- 
nomique et  qu'un  pont  solide  eût  coûté  meilleur  marché. 

Antiquités  romaines.  —  Ce  ne  sont  pas  les  églises  qui 
méritent  le  plus  d'attention  à  Canteloup  ,  c'est  remplacement 
très-marqué  d'une  grande  construction  romaine,  dont  on  peut 
reconnaître  encore  le  périmètre  et  même  les  fondations  entre 
les 'deux  églises.  L'ancien  curé  de  Marolles,  après  m'avoir 
signalé  cel  emplacement,  m'écrivait  en  1834:  «  Les  tuiles 


120  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

«  à  rebords  abondent  sur  ce  point  ;  on  y  a  trouvé  des 
«  médailles  romaines  en  bronze.  Les  habitants,  qui  y  ont 
«  extrait  des  pierres  pour  la  construction  de  leurs  maisons , 
«  disent  que  les  murs  de  fondation  avaient  10  pieds 
«  d'épaisseur.  » 

Je  me  suis  transporté  à  St.-HippoIyte  pour  déterminer 
l'étendue  de  cette  villa  gallo-romaine,  et  le  plan  que  voici 
l'indiquera  (Voir  la  page  suivante). 

J'ai  constaté  que  le  sol  renferme  encore  des  murs  romains, 
quoiqu'on  en  ait  beaucoup  détruit  pour  faciliter  les  labours 
profonds  ;  la  terre  est  toujours  couverte  de  tuiles  à  rebords 
et  de  ciment  romain ,  ramené  à  la  surface  par  la  charrue. 
J'y  ai  trouvé  aussi  des  fragments  de  poterie  antique  (1). 

M.  le  Curé  de  Marolles  croyait  que  l'habitation  de  la  dame 
qui  avait  tant  de  peur  de  l'eau  se  trouvait  au  milieu  des 
ruines  romaines,  si  même  les  murs  antiques  n'en  faisaient 
pas  partie;  mais  la  tradition  seule  le  portait  à  le  penser, 
car  depuis  long-temps  l'emplacement  était  livré  à  la  culture 
et  personne  n'a  vu  ce  château. 

La  voie  romaine  de  Lisieux  à  Brionne  (  Breviodurum) 
passait  tout  près  et  au  nord  de  la  grande  route  impériale , 
à  1  kilomètre  de  la  villa  romaine.  L'ancien  curé  de  Marolles 
s'exprimait  ainsi  dans  sa  correspondance  de  1834  :  «  Ce 
«  chemin  est  appelé  Chemin  ferré  dans  les  anciens  titres  ; 
«  le  sentier  qui  le  remplace  s'appelle  encore  le  Vieux- 
«  Chemin  ;  il  est  parfaitement  droit  et  forme  une  ligne 
«  parallèle  à  la  grande  route  moderne.  Le  vieux  chemin  , 
«  qui  était,  dit-on,  assez  large,  aura  été  accordé  comme 
«  indemnité  aux  propriétaires  des  terrains  sur  lesquels  la 
«  route  actuelle  a  été  ouverte.   » 

(1)  M.  le  Curé  de  Marolles  y  a  découvert  un  débris  assez  considé- 
rable d'un  vase  de  poterie  rouge  orné  de  festons  et  de  gladiateurs. 


CANTON    DE    LLSIEUX  ,    lr*.    SECTION. 


121 


M.  le  Curé  de  Marolles,  qui  était  un  excellent  observateur 
et  qui  avait  suivi  assez  loin  les  vestiges  de  la  voie  romaine,  a 


recueilli  une  légende  que  je  vais  reproduire,  car  elle  a  quelque 
importance  au  point  dé  vue  archéologique. 


122  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Ayant  remarqué  que  la  voie  antique  paraissait  avoir  été 
interrompue  dans  quelques  parties ,  M.  le  Curé  interrogea 
les  paysans  qui  lui  dirent  : 

«  Il  y  avait  autrefois  une  grande  dame  qui  faisait  faire 
«  cette  route;  mais  un  jour  elle  vit  sur  la  chaussée  une  pie 
«  qui  était  morte  :  alors,  frappée  de  tristesse  et  pensant  à 
«  l'instabilité  des  choses  humaines  et  à  la  courte  durée  de 
«  la  vie ,  elle  fit  cesser  les  travaux.  Voilà  pourquoi  la  route 
«  offre  des  interruptions.   » 

Ce  qui  fait  l'intérêt  de  ce  naïf  récit ,  c'est  qu'on  trouve 
la  même  tradition  dans  des  localités  fort  éloignées ,  et  qu'elle 
s'applique  entre  autres  à  des  voies  romaines  de  la  Bretagne. 
Cette  tradition  est  encore  consignée  dans  un  poème  du 
XIIIe.  siècle,  publié  il  y  a  quelques  années  par  l'Association 
bretonne. 

L'HOTELLERIE  (1). 

L'Hôtellerie,  Hospitalaria,  Sanclus  JSicolaus  de  Hospùa- 
laria. 

Le  village  de  l'Hôtellerie,  situé  à  la  limite  orientale  du  dé- 
partement du  Calvados,  est  traversé  dans  toute  sa  longueur , 
qui  est  d'un  kilomètre ,  par  la  route  impériale  de  Paris  à 
Cherbourg. 

Cette  commune ,  enclavée  dans  les  paroisses  voisines , 
forme  une  véritable  lisière. 

L'église,  bâtie  sur  le  bord  même  de  la  route,  appartient  à 
la  dernière  période  ogivale. 

La  nef,  soutenue  par  des  contreforts  saillants,  reconstruits 
en  briques  dans  la  seconde  moitié  du  XVIIIe.  siècle ,  est 
éclairée  au  midi  par  deux  fenêtres  ogivales ,  flamboyantes ,  à 

(t)  Noies  par  M.  Arlliêmc  Pannier,  de  la  Société  français»]  d'archéo- 
logie. 


CANTON    DE   L151EUX  ,    1".    SECTION.  123 

deux  baies  trilobées,  séparées  par  un  meneau  prismatique,  et 
par  une  fenêtre  de  même  di- 
mension que  les  précédentes, 
offrant  les  mêmes  moulures, 
mais  qui  a  perdu  sa  tracerie 
et  son  meneau. 

Deux  fenêtres  seulement 
éclairent  la  nef  du  côté  sep- 
tentrional. L'une  de  ces.  fenê- 
tres a  perdu  sa  tracerie. 

Une  corniche  en  pierre , 
formée  d'un  quart  de  rond , 
supporte  la  charpente  du  toit. 

Le  chœur,  faiblement  en 
retraite  sur  la  nef,  se  termine 
par  un  chevet  à  trois  pans , 
avec  contreforts  sur  les  angles. 
L'un  des  pans  coupés  est 
percé  d'une  jolie  fenêtre  flam- 
boyante ,  semblable  à  celles 
qui  éclairent  la  nef.  A  travers 
le  léger  crépi  qui  recouvre  le 
mur  oriental,  on  aperçoit  les  traces  de  l'ancienne  fenêtre  qui 
éclairait  autrefois  le  sanctuaire.  Les  autres  ouvertures,  de 
forme  ogivale,  qui  laissent  pénétrer  le  jour  à  l'intérieur ,  sont 
modernes.  Elles  occupent  la  place  des  anciennes  fenêtres. 

Contre  le  mur  méridional  du  chœur  est  appliquée  une 
ancienne  sacristie  en  bois.  Ce  mur  présente ,  dans  sa  partie 
supérieure  (à  gauche  de  la  sacristie),  plusieurs  assises  de 
pierre  calcaire,  dont  la  structure  poreuse  ressemble  beaucoup 
à  celle  du  tuf  ou  travertin  qu'on  rencontre  dans  un  grand 
nombre  de  constructions  des  XIIe.  cl  XIIIe.  siècles.  Les 
autres   pierres   qui   entrent   dans    la  construction   du   mur 


124  STATISTIQUE   MONUML.YrALE    DU   CALVADOS. 

(pierres  de  taille  et  silex)  sont  moins  anciennes.  Tous  ces 
matériaux  ,  de  nature  différente  ,  ont-ils  été  employés  simul- 
tanément ou  à  des  époques  diverses  ?  INe  pourrait-on  pas 
faire  remonter  l'appareil  primitif  au  XIIIe.  siècle ,  ce  qui 
serait ,  du  reste  ,  conforme  à  la  tradition  locale  ,  qui  attribue 
la  fondation  de  l'église  à  la  reine  Blanche ,  mère  de  saint 
Louis  ?  C'est  une  question  à  étudier. 

La  façade  occidentale ,  qui  se  développe  sur  le  chemin 
communal,  offre  une  porte  entourée  d'une  ogive  en  accolade, 
dont  les  nervures  prismatiques  sont  séparées  par  des  gorges 
étroites  et  profondes.  Cette  porte,  d'une  forme  peu  gracieuse 
et  d'une  exécution  peu  soiguée  ,  est  flanquée  de  deux  petits 
contreforts  prismatiques. 

La  pierre  qui  forme  le  seuil  est  une  ancienne  dalle  funé- 
raire ,  dont  l'inscription  est  effacée. 

Au-dessus  du  gable  s'élève  un  clocher  en  charpente  ,  ter- 
miné par  une  pyramide  en  ardoise,  autrefois  couvert  en 
essente.  La  cloche,  qui  porte  la  date  de  1838,  a  été  fondue 
par  Mahuet  (1). 

La  voûte  de  la  nef,  dont  M.  Bouet  a  fait  un  dessin  ,  est 
construite  en  merrain,  avec  entraits  et  poinçons.  Cette  voûte, 
qui  attire  les  regards  par  sa  forme  gracieuse  et  sa  riche 
décoration  polychrome,  est  dans  le  style  de  la  Renaissance  (V. 
la  page  suivante  ). 

Les  peintures  dont  elle  est  couverte,  quoique  altérées  par 
le  temps ,  sont  encore  apparentes.  Les  nervures  ou  couvre- 
joints  présentent  deux  couleurs  différentes  :  le  milieu  est 
bleu-azur  et  les  bords  rouges  et  vice  versa.  Deux  rangs  de 
trèfles,  exécutés  au  poncis  et  formant  festons,  décorent  les 

(1)  L'intéressante  cloche  du  beffroi  de  Dreux,  qui  datait  du  règne 
de  Charles  IX  (1559),  a  été  refondue,  en  1846,  par  le  même  fondeur. 
Sur  sa  zone  centrale  est  représentée  la  curieuse  procession  des  Flaro- 
bards. 


CANTON    DE    L1SIEUX  ,    lre.    SECTION.  125 

douves.  Une  petite  bande  noire  ou  fdet  sépare  les  trèfles  des 
couvre-joints.  Le  sous-faîte ,  formé  d'une  nervure  longitudi- 
nale peinte  en  bleu  et  bordée  de  rouge ,  est  décorée  de  pen- 
dentifs faits  au  tour.  Les  uns,  garnis  de  consoles,  ressemblent 
à  une  lyre  renversée  ;  les  autres  pendentifs ,  décorés  de  go- 
drons,  ressemblent  à  des  stalactites.  Les  couleurs  de  ces  pen- 
dentifs sont  les  mêmes  que  celles  des  couvre-joints  qui  leur 
correspondent.  Ainsi,  lorsque  la  partie  centrale  du  couvre- 
joint  est  rouge ,  le  pendentif  est  également  rouge  avec  une 
bordure  blanche  à  son  point  d'attache  et  vice  versa.  Des 
écussons  peints,  dont  on  aperçoit  les  traces,  étaient  placés 
entre  les  pendentifs.  Près  de  la  poutre  crucigère,  on  remarque 
un  chapeau  de  cardinal  qui  surmontait  un  écusson,  probable- 
ment celui  du  cardinal  d'Annebault.  Le  milieu  du  sous-faîte 
présente  un  rageur  qui  tire  la  langue,  lequel  servait  à  sus- 


SOIS-FAITB    DR    LA    VOUTE    EN    BOIS    DR    LA    NEK    HE    L'hÔTFLLBW.. 

pendre  un  lustre  ou  une  couronne  de  lumière, 


\'H)  STATISTIQUE    MONUMENTALE  DtJ   CALVADOS. 

Les  sablières,  couvertes  d'imbrications  et  décorées  de  feuil- 
lages et  d'entrelacs,  sont  également  terminées  par  des  rageurs. 
De  curieux  mascarons,  ou  têtes  grimaçantes,  se  montrent  à 
l'extrémité  des  blochets  ou  sabots. 

Les  poinçons  qui  supportent  le  sous-faîte  offrent ,  à  leur 
point  de  jonction  avec  les  entraits ,  des  têtes  grotesques. 

D'énormes  rageurs,  ou  engoulements,  terminent  la  poutre 


crucigère  qui  marque  la  séparation  du  chœur  et  de  la  nef. 
Cette  poutre,  sculptée  sur  toutes  ses  faces,  est  décorée  de 
feuillages. 

La  voûte  du  chœur,  plus  ancienne  que  celle  de  la  nef,  a 
été  badigeonnée.  Le  sous-faîte  est  décoré  de  rosaces  et  de 
croix  fleuronnées.  A  l'une  de  ses  extrémités,  au-dessus  du 
maître-autel,  on  aperçoit  l'écusson  du  cardinal  Leveneur, 
ancien  évêque  et  comte  de  Lisieux. 

Nous  avons  décrit  avec  soin  cette  belle  voûte,  l'une  des  plus 
remarquables  que  nous  connaissions ,  et  indiqué  exactement 
les  couleurs  dont  elle  était  jadis  couverte;  ce  genre  de  pein- 


CANTON    DE    l.ISIÈUX  ,  1".    SECTION.  127 

ture  décorative,  d'un  si  gracieux  effet,  tendant  à  disparaître 
de  jour  en  jour  par  Faction  destructive  du  temps. 


SOUS-FAITE   DE    LA    VOUTE   Dl    CHOEUR. 


On  remarque ,  à  l'entrée  du  chœur ,  deux  bâtons  de  con- 
frérie. L'un  d'eux  supporte  une  petite  niche  ou  chasse,  formée 
par  quatre  colonnettes  cannelées,  ioniques,  décorées,  dans 
leur  tiers  inférieur,  de  feuilles  de  vigne.  L'entablement,  sur- 
monté de  petits  vases  faits  au  tour  ,  supporte  un  fronton  cir- 
culaire ,  au  milieu  duquel  est  représenté  un  cœur  soutenu 
par  deux  palmes.  Les  colonnettes  se  terminent  inférieurement 
par  des  pendentifs,  également  faits  au  tour.  Au  centre  est 
placée  la  statuette  de  saint  Roch ,  patron  de  la  Charité.  Ce 
bâton  de  confrérie  paraît  dater  du  règne  de  Louis  XIV. 

L'autre  bâton,  dans  le  style  Louis  XV,  est  surmonté  d'une 
niche  formée  par  quatre  colonnettes  d'ordre  composite.  Celle 
niche  renferme  une  statuette  de  Vierge,  sculptée  par  un  me- 
nuisier de  village. 

Le  maître-autel  offre  quelques  fragments  d'un  ancien  ré- 


128  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

table  Louis  XIII.  Le  tabernacle  est  décoré  de  colonnes  ac- 
couplées qui  reposent  sur  le  même  stylobate.  Il  est  surmonté 
de  deux  anges  adorateurs. 

A  la  voûte  du  chœur  est  suspendue  une  jolie  lampe  en 
cuivre  repoussé,  dans  le  style  Louis  XIV. 

Les  deux  petits  autels  placés  à  l'extrémité  de  la  nef  datent 
de  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  ou  des  premières  années  du 
règne  de  Louis  XV.  L'entablement ,  supporté  par  deux  co- 
lonnes cannelées  et  rudentées,  d'ordre  composite,  est  surmonté 
de  vases  à  flamme  garnis  de  godrons  et  terminé  par  un  gra- 
cieux couronnement  portant  un  vase  rempli  de  fruits.   Au 


à 


milieu  on  lit  le  monogramme  du  Christ    I    rM   V 

Dans  le  mur  méridional  de  la  nef  est  pratiquée  une  petite 
piscine,  surmontée  d'une  ogive  en  accolade. 

Du  même  côté  est  placée  une  ancienne  statue  de  sainte 
Barbe. 

Les  fonts  baptismaux  datent  du  XVIIe.  siècle.  La  cuve,  de 
forme  elliptique ,  est  ornée  de  godrons  et  supportée  par  un 
pédicule  octogone.  Ces  fonts  proviennent  de  l'ancienne  église 
de  Canteloup. 

On  voit,  dans  un  jardin  situé  à  peu  de  distance  de  l'Hôtel- 
lerie, les  anciens  fonts  baptismaux  de  cette  paroisse.  Ces  fonts, 
sauvés  de  la  destruction  par  M.  Laillier ,  ancien  maire  de 
l'Hôtellerie  et  ancien  membre  de  l'Association  normande,  re- 
montent au  XVIe.  siècle.  Ils  représentent  une  jolie  vasque 
aplatie  et  godronnée  dans  la  partie  inférieure,  laquelle  est  sup- 
portée par  un  gracieux  pédicule.  L'écusson  gravé  sur  la  cuve 
est  celui  du  cardinal  Jacques  d'Annebault,  qui  occupa  le  siège 
épiscopal  de  Lisieux  de  15&3  à  1560.  Il  porte  :  de  gueules  à 
ta  croix  de  vair.  Cet  écusson  est  aujourd'hui  presque  en- 
tièrement fruste  (  V.  la  page  suivante  ). 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    l'\    SECT10Î*. 


1  29 


^^^^^^L 

iff 

L^,^,^,,.^,,, 

Za 

%, 

éÊS     iliitawlillllliiiiiiiiiiiiiiiiii 

ANCIEN   FO.\T    DE    L'HÔTELLERIE. 


Le  cimetière  est  placé  au  midi  de  l'église. 

La  croix,  dont  le  fût  est  brisé,  est  dans  le  style  de  la  Re- 
naissance. La  base  de  la  colonne,  de  forme  octogone,  est  cou- 
verte sur  chacune  de  ses  faces  de  bas-reliefs  que  le  temps  a 
mutilés.  Cette  base  fort  curieuse  ,  dont  M.  Bouet  a  fait  un 
dessin,  offre  alternativement  de  petits  anges  et  des  emblèmes 
ou  ornements  ressemblant  à  des  fleurons.  Sur  l'un  des  angles 
est  appuyé  un  pupitre  en  pierre ,  formé  d'une  console  cou- 
verte de  feuillages  présentant  un  faible  relief.  La  volute  infé- 
rieure qui  retenait  le  livre  a  été  brisée  (1). 

(t)  Les  croix  hosannières,  erux  osunère  (  Snpplémenl  f.e  Carponticr 

0 


<\'M)  STATISTKH'E    M<>\  l'Yll'A  l'AU'    MJ    CALVADOS. 


PIED    DE    LA    CROU    DE    L  HÔTELLERIE. 


CANTON    DE   LIS1EIÎX  ,    lre.    SECTION.  131 

L'église  de  l'Hôtellerie  est  placée  sous  le  vocable  de  saint 
Nicolas.  La  fête  du  Saint  tombe  le  6  décembre.  Ce  jour-là  a 
été  établie,  pour  la  vente  des  bestiaux,  une  foire  qui  attire  un 
grand  nombre  de  cultivateurs  des  environs.  Cette  foire  se 
tient  dans  un  champ  qui  portait  autrefois  le  nom  de  Priorie 
de  St.-Hippolyte. 

Le  patronage  de  la  paroisse  appartenait  à  l'évêque  de  Li- 
sieux. 

Il  existait  autrefois,  sur  le  territoire  de  cette  paroisse,  une 
maladrerie  ou  léproserie  ,  dont  la  chapelle  ,  qui  était  un  bé- 
néfice à  la  nomination  de  l'évêque,  valait  ZiO  livres  au  titulaire. 

Avant  la  Révolution  ,  l'Hôtellerie  faisait  partie  de  l'élection 
de  Lisieux  et  de  la  sergenterie  de  Moyaux.  Sous  le  rapport 
ecclésiastique  ,  cette  paroisse  dépendait  du  doyenné  de 
iMoyaux. 

On  comptait,  à  l'Hôtellerie,  au  XVIIe.  siècle,  32  feux.  La 
population  actuelle  s'élève  à  488  habitants.  Sa  distance  du 
chef-lieu  d'arrondissement  est  de  12  kilomètres. 

Une  loi  du  21  juin  18^1  a  réuni  à  l'Hôtellerie  une  partie 
des  deux  anciennes  paroisses  de  St.  -Pierre  et  de  St.  -Ilippolyte- 
de-Caoteloup. 

A  l'angle  de  la  roule  impériale  et  du  chemin  communal , 
sur  le  bord  duquel  s'aligne  la  façade  occidentale  de  l'église , 
s'élève  une  maison  en  bois,  avec  étage  en  encorbellement,  qui 
date  de  la  fin  du  XVe.  siècle  ou  du  commencement  du  XVP. 

La  façade  principale,  qui  se  développe  sur  la  grande  route, 


au  Glossaire  de  Ducange),  assez  communes  eu  Bretagne  et  en  Vendée, 
sont  très-rares  en  Normandie.  Elles  sont  ainsi  nommées  parce  que  les 
pupitres  garnis  de  bénitiers,  qui  les  accompagnent,  servaient  pour  les 
stations  de  la  procession  des  Rameaux,  pendant  lesquelles  on  chante 
VHosannah.  La  dépouille  mortelle  des  fondateurs  esl  ordinairement 
planV  au  pied  dp  CM  p(  fils  momiiiifuits 


132  STATISTIQUE    MONUMENTALE    1>L*    CALVADOS. 

offre,  au  rez-de-chaussée,  une  petite  fenêtre  surmontée  d'une 
ogive  en  accolade.  Sur  le  poteau  d'huis- 
serie ,  est  sculpté  un  écusson  que 
masque  un  volet.  Nous  avons  lu  sur  cet 
écusson  les  mots  suivants,  en  caractères 
gothiques  : 

t)it>e  le  Hoj) 

Sur  la  même  façade  sont  sculptés 
deux  autres  écussons.  L'un  de  ces  écus- 
sons  représente  un  arbre. 

Une  haute  cheminée  en  brique,  dans 
laquelle  est  incrustée  une  croix  en 
pierre ,  surmonte  le  toit. 

L'Hôtellerie  doit  probablement  son 
origine  à  une  de  ces  maisons  hospi- 
talières, si  répandues  au  moyen-âge, 
dans  lesquelles  les  malades  de  la  contrée  étaient  reçus  et  soi- 
gnés ,  et  où  les  voyageurs  pauvres  et  infirmes  étaient  sûrs 
de  rencontrer  une  généreuse  hospitalité. 

Les  rôles  de  l'Échiquier,  conservés  aux  archives  de  la  Tour 
de  Londres,  font  mention,  en  1195,  d'un  nommé  Guillaume, 
clerc  de  l'Hôtellerie  (clericus  de  Hospùalaria). 

D'après  la  tradition  locale,  la  reine  Blanche,  mère  de  saint 
Louis,  s'étant  rendue  en  Normandie ,  pendant  la  minorité  de 
son  fils,  pour  apaiser  les  troubles  qui  avaient  éclaté  dans  cette 
province,  fut  prise  tout  à  coup  des  douleurs  de  l'enfantement 
et  transportée  dans  une  hôtellerie  qui  se  trouvait  sur  sa  route, 
où  elle  accoucha  d'un  fils  qui  mourut  au  berceau.  En  sou- 
venir de  sa  délivrance  ,  elle  fit  élever ,  près  de  cette  maison  , 
une  chapelle  qui  prit  le  nom  de  l'Hôtellerie.  Telle  serait , 
dit-on,  l'origine  de  ce  ulla^e. 

Avant  la  Révolution,  une  messe  basse  se  célébrait  deux  fois 


CANTON   DE   LISIEUX,    lre.    SECTION.  133 

la  semaine,  à  5  heures  du  matin,  dans  l'église  de  l'Hôtellerie, 
pour  les  marchands  de  bœufs  qui  se  rendaient  au  marché  de 
Poissy.    Voici   l'esquisse  d'un   hangar  qui  existe  encore  et 


qui  servait  à  attacher  les  bœuft 


MAROLLKS  (1). 

Marottes,  ccclesia  de  Maeroliis,  de  Marotlis,  de  Maie- 
rôles. 

L'église  de  Marottes  s'élève  dans  une  plaine,  sur  la  gauche 
et  à  peu  de  distance  de  la  route  impériale  de  Paris  à  Cher- 
bourg. 

Cette  église,  dont  les  vastes  proportions  attestent  l'ancienne 
importance,  était  primitivement  romane. 

Les  murs  latéraux,  couverts  d'un  crépi  ancien  qui  se  dé- 
tache à  plusieurs  endroits,  montrent  un  grossier  blocage  noyé 
dans  un  mortier  très-épais.  L'appareil  roman  en  feuilles  de 
fougère,  peu  caractérisé  au  nord,  est  parfaitement  marqué  du 
côté  méridional.  On  remarque,  de  ce  côté,  une  petite  fenêtre 


l    Notes  de  M.  Pannier. 


134  STATISTIQUE   MONUMENTALE    1)1    CALVADOS. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    lrt.    SECTION.  135 

à  plein-cintre,  en  forme  de  meurtrière  (aujourd'hui  bouchée), 
laquelle  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  l'époque  de  la  con- 
struction de  cette  église,  qui  remonte  au  XIe.  siècle. 

La  première  travée  de  la  nef,  du  côté  du  midi,  a  été  re- 
construite en  grand  appareil  au  XVIe.  siècle.  De  nombreuses 
reprises  en  silex  ont  eu  lieu  à  la  même  époque ,  au  nord  et 
au  midi. 

La  nef  est  éclairée  par  cinq  fenêtres  ogivales  sans  meneau 
(deux  au  nord  et  trois  au  midi  ),  dont  les  moulures  accusent 
la  dernière  période  ogivale. 

Quatre  fenêtres  ogivales  flamboyantes  ,  partagées  en  deux 
baies  par  un  meneau  prismatique ,  éclairent  le  chœur.  L'une 
de  ces  fenêtres  est  moderne  ;  les  trois  autres  sont  anciennes 
et  proviennent  de  l'église  de  Uirfontaine,  dont  la  ruine  pitto- 
resque s'apercevait  à  quelque  distance  de  la  voie  ferrée  de 
Paris  à  Cherbourg  ,  alors  en  construction.  D'après  le  conseil 
éclairé  d'un  archéologue  (M.  le  docteur  Billon) ,  ces  fenêtres 
furent  sauvées  de  la  destruction  et  transportées  avec  beaucoup 
de  soin  à  Marolles.  M.  l'abbé  Férel ,  ancien  desservant  de 
cette  paroisse ,  à  la  mémoire  duquel  nous  rendons  un  sincère 
hommage,  les  fit  restaurer  par  un  ouvrier  habile  et  incruster 
dans  les  murs  latéraux  à  la  place  des  anciennes  ouvertures,  qui 
étaient  sans  caractère.  La  tracerie  des  fenêtres,  formée  de 
jolies  moulures,  offre  une  variété  d'ornements  agréables  à 
l'œil.  Le  lobe  supérieur  des  unes  affecte  la  forme  d'un  cœur  ; 
le  tympan  des  autres  est  percé  d'un  quatre-feuillc  à  pétales 
lancéolées.  Une  jolie  piscine  ogivale ,  trilobée ,  a  été  décou- 
verte du  côté  de  l'épîtrc. 

Le  chœur,  en  retraite  sur  la  nef,  se  termine  par  un  chevet 
droit,  contre  lequel  est  appliquée  une  sacristie  à  pans  coupés, 
awr  chaînages  en  pierre  sur  les  angles* 

Une  belle  tour  quadrangulaire,  dont  la  large  base  était  des- 
tinée à  recevoir  une  haute  pyramide,  s'élève  à  l'angle  nord- 


136          STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

ouest  du  portail  occidental ,  lequel  est  percé  d'une  porte  à 
linteau,  entourée  de  moulures  prismatiques. 


KOUSE    DE    MAROLLES, 


Cette  tour,  soutenue  extérieurement  par  de  puissants  con- 
treforts, s'appuie,  à  l'intérieur  de  l'église,  sur  deux  énormes 
colonnes  monocylindriques  ,  dont  les  chapiteaux ,  d'une  exé- 
cution barbare,  présentent  des  figures  grotesques,  assez  sem- 
blables à  celles  que  l'on  remarque  sur  certains  chapiteaux 
romans.  L'une  de  ces  colonnes  est  surmontée  de  deux  espèces 
de  contreforts  qui  s'emboîtent  l'un  dans  l'autre  ;  disposition 
qui  nous  a  paru  intéressante  à  signaler. 

M.  Boucl  a  fait  un  dessin  de  ces  deux  colonnes,  qui  datent 


CANTON    DE  LISIEUX  .    1".    SECTION.  1 37 


IV)  KIUV.IB    )>'.    L-ÉGMSB    DE    M  AHOILKS. 


138  STATISTIQUE    MONUMENT  AIE    DU    CALVADOS. 

du  même  temps  que  la  tour,  dont  la  construction  remonte 
aux  premières  années  du  XVIe.  siècle. 

L'étage  supérieur  renferme  deux  cloches  dont  nous  avons 
relevé  les  inscriptions.  La  plus  petite  provient  de  l'ancienne 
église  de  Cirfontaine. 

Cloche   de   Marottes. 
Diamètre,  1  mèlre. 

L'AN  4782  IAY  ÉTÉ  BENITE  PAR  MAITRE  LOMS  PATERNE  M  \  LC  ANGE  (,l  RÉ 
DB  CETTE  PAROISSE  ET  NOMMÉE  MARIE  LOUIS::  PAR  MESSIRE  ESPRIT  AU- 
GUSTIN DE  PIPEREY  CHEVALIER  SEIGNEUR  ET  PATRON  HONORAIRE  ALTER- 
NATIF RE  SAINT  MARTIN  DE  MAROLLR  SEIGNEUR  ET  PATRON  DE  SAINT 
H1POLITE  DE  CANTELOUP  ET  AUTRES  LIEUX  El  PAR  NOBLE  DAME  MARIE 
LOUISE  ROSE  DUBOSGH  EPOIZE  DE  MESSII1E  NICOLAS  ETIENNE  DE  BOCTEY 
CUEVAL1ER  SEIGNEUR  ET  PATRON  HONORAIRE  ALTERNATIF  DU  DIT  MAROLLE 
ET    AUTRES    LIEUX. 

Cloche   de    Cirfontaine. 

DinmMrv,  62  cent. 

M,ve    ROBERT    GAILLARD    P,re    C\RÉ    1600. 
f    IRAN    DY    CELIER    Er    Sr   DE    LA  HAVLTE   ROCQVES    E    NOBLE    DAME  AîiRIANE 
DE    BEAVDRY    FEMME    DE     FRANÇOIS     DV    HOVLEY    Er     S1'    ET    PATRON    DE    CO\  R- 
THONNE    ET    NOSTRE    DAME    CIRFONTA;*,E. 

Sur  la  cloche  est  représentée  une  croix  formée  d'arabes- 
ques ,  dont  les  croisillons  sont  terminés  par  des  fleurs  de  lis. 
A  gauche  de  la  cro'x  est  placé  le  monogramme  du  Christ 
IHS  (Jésus);  à  droite,  se  détachent  les  lettres  MA  (Maria). 
Au-dessous  on  lit  : 

g.    colleville  TESORiH   (trésorier). 

Du  côté  opposé,  quatre  fleurs  de  lis  disposées  en  croix. 

La  porte  qui  donne  entrée  dans  la  nef  était  autrefois  pré- 
cédée d'un  porche  en  bois,  dont  on  aperçoit  1rs  traces  sur  le 
mur.  Elle  est  surmontée  d'un  écusson  peint,  presque  entière- 
ment effacé,  qui  probablement  faisait  partie  d'une  litre  fu- 


CANTON   Dtt   LISItUX  ,    llc.    SECTION.  1«5U 

nèbre.  Au-dessus,  s'ouvre  une  fenêtre  ogivale  de  la  dernière 
époque. 

L'arc  triomphal,  qui  sépare  le  chœur  de  la  nef,  date  de  la 
lin  du  XVIe.  siècle  ou  du  commencement  du  XVe.  Cet  arc , 
dont  M.  Bouet  a  fait  un  dessin,  offre  de  curieuses  moulures. 


L'archivolte  principale,  formée  d'un  gros  tore  que  séparent 
deux  gorges  profondes,  s'appuie  sur  des  chapiteaux  d'une 
exécution  peu  soignée,  autour  desquels  s'enroulent  des  ceps 
de  vigne.  Dans  l'angle  formé  par  la  colonne  et  les  pieds- 
droits,  est  placée  une  petite  colonnette. 

La  voûte  de  la  nef  et  celle  du  chœur  sont  en  merrain. 


UO  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Cette  église  possède  deux  magnifiques  autels  avec  rétable, 
dont  nous  allons  donner  la  description. 

Le  rétable  du  maître-autel,  à  fronton  coupé,  dans  le  style 
Louis  XIV,  est  décoré  de  deux  colonnes  torses,  d'ordre  com- 
posite, autour  desquelles  s'enroulent  des  ceps  de  vigne  char- 
gés de  grappes  de  raisin  que  becquettent  des  oiseaux.  Le 
tableau  placé  dans  l'entrecolonnement  représente  Notre-Dame - 
du-Rosaire.  Des  anges,  tenant  des  palmes,  sont  assis  sur  les 
consoles  qui  surmontent  l'entablement.  Le  couronnement  du 
rétable,  surmonté  d'un  fronton  triangulaire,  estflanqué  de  deux 
pilastres  décorés,  dans  la  partie  supérieure,  d'une  tête  d'ange 


soutenue  par  une  console  d'où  pendent  des  fruits.  Au  milieu, 
est  peint  un  Saint-Esprit,  sous  la  forme  d'une  colombe. 

Deux  niches,  terminées  par  un  fronton  trapézoïde  que  sur- 
monte un  gracieux  couronnement  formé  de  légers  rinceaux , 
accompagnent  le  rétable.  L'une  de  ces  niches  ,  placée  du 
côté  de  l'évangile,  renferme  un  groupe  représentant  la  Sainte- 
Trinité  ;  l'autre  niche  contient  la  statue  de  saint  Martin,  pre- 
mier patron  de  l'église. 

Au-dessus  des  portes  qui  donnent  entrée  dans   la  sacristie 


CANTON    DE    MSIEUX  ,    lr%    SECTION.  \h\ 

sont  placés  deux  petits  tableaux  peints  sur  bois,  qui  ne  sont 
pas  sans  intérêt.  L'un  de  ces  tableaux  représente  Marthe , 
exemple  de  la  vie  active ,  préparant  le  dîner  de  son  divin 
Maître ,  tandis  que  sa  sœur  Marie-Madeleine,  symbole  de  la 
vie  contemplative ,  reste  tranquille  ,  écoutant  les  paroles  de 
Jésus-Christ. 

Nous  signalerons  encore  deux  médaillons,  dont  l'un  repré- 
sente saint  Paul.  Le  personnage  religieux  peint  sur  l'autre 
médaillon  tient  un  livre  à  la  main. 

Le  tombeau  du  maître-autel  est  carré  et  décoré  de  jolies 
caryatides.  La  face  principale  offrait  autrefois  un  beau  pare- 
ment en  étoffe. 

L'autel  placé  au  bas  de  la  nef,  sous  la  tour,  provient  de 
l'ancienne  église  de  Girfontaine,  démolie  en  1846,  M.  l'abbé 
Féret,  ancien  desservant  de  Marolles,  attachait  un  grand  prix 
à  cet  autel,  l'un  des  plus  gracieux  spécimens  que  nous  ait  lé- 
gués le  XVIIe.  siècle.  Les  quatre  colonnes  torses ,  garnies  de 
feuilles  de  vigne,  qui  décorent  le  rétable  supportent  un  riche 
entablement.  De  jolis  vases ,  ornés  de  trois  têtes  d'ange  re- 
liées par  une  guirlande  de  fleurs ,  dans  le  genre  des  épis 
émaillés  qui  couronnaient  le  faîte  de  nos  manoirs  normands , 
surmontent  les  colonnes.  La  forme  du  tabernacle  est  celle 
d'un  élégant  pavillon  à  colonnes  torses ,  surmonté  d'une  gra- 
cieuse coupole  couverte  d'imbrications.  Les  rinceaux  qui  dé- 
corent les  gradins  de  l'autel  se  terminent  par  des  têtes 
d'aigle. 

Ce  beau  rétable,  qui  fait  l'admiration  de  tous  les  connais- 
seurs, accompagnait  le  maître-autel  de  l'église  de  Girfontaine  (1  ) . 

A  l'extrémité  de  la  nef  s'élèvent  deux  petits  autels,  dans  le 

(1)  Nous  venons  d'apprendre  que  ce  retable,  qui  a  coûté  une  somme 
énorme,  si  l'on  en  juge  par  la  délicatesse  du  travail ,  a  été  vendu 
400  fr.  u.  un  brocanteur. 


ïkl  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

slyle  Louis  XV.  Celui  de  gauche  est  décoré  de  la  statue  de 
saint  Santin,  évêque.  Cette  statue,  qui  est  ancienne,  est  mi- 
niaturée. 

La  croix  du  cimetière,  malgré  son  exécution  un  peu  bar- 
bare, n'est  pas  dépourvue  d'intérêt.  Elle  offre,  sur  l'une  de 
ses  faces,  au  point  d'intersection  des  croisillons,  une  cou- 
ronne en  fer  forgé.  Le  chapiteau  qui  termine  le  fût  est  dé- 
coré de  feuillages.  Cette  croix,  qui  est  dans  un  état  déplorable, 
date  du  siècle  dernier. 

Près  de  la  croix,  est  placé  le  tombeau  de  VI.  l'abbé  Féret, 
ancien  desservant  de  cette  paroisse.  Sur  la  pierre  qui  recouvre 
sa  dépouille  mortelle,  est  gravée  l'inscription  suivante  : 

M.     NICOLAS    ROLLAND 

FERET ,     PRÊTRE , 
ANCIEN     PROFESSEUR 

DE    DOGME    AU 
COLLÈGE    DE    PONT-A- 
MOUSSON    (mEURTHF.) 

né  a  argences  le 
23  août  1798 

INSTALLÉ    LE   20 

juin  1837 
desservant  de 
cette  paroisse 

OU    IL    EST    DÉCÉDÉ 
LE    22    JUIN    1860. 

Sous  un  tertre  de  gazon,  que  surmonte  une  modeste  croix, 
repose  une  centenaire.  Nous  avons  lu  l'inscription  suivante  , 
remarquable  par  son  laconisme  : 

MARIE-FRANÇOISE  VKSQUE,  NÉE  AU    MBSNIL-CUILLAUME  LE  6    DÉCEMBRE  47A0, 
DÉCÉDÉE    A    MAROLUIS    LE    k     JANVIER    1841. 

Marolles  dépendait,  pour  le  culte,  du  doyenné  de  Moyaux, 
et,  pour  le  civil,  de  la  sergenterie  dudit  lieu. 

Au  XVIIIe.    siècle ,  on    comptait ,    dans  cette   paroisse , 


CANTON    DE   LISIEUX,    lr*.    SECTION.  1AS 

209  feux  (1,000  à  1,100  habitants).  D'après  le  dernier  re- 
censement de  la  population,  le  nombre  d'habitants  est  aujour- 
d'hui réduit  à  789. 

Le  patronage  appartenait  aux  Mathurins  de  Lisieux.  Sui- 
vant un  acte  des  assises  de  Bernay ,  de  l'an  1190,  retrouvé 
par  M.  Charles  Yasseur  dans  les  archives  de  l'Hospice  de 
Lisieux  qu'il  a  compulsées  avec  soin,  «  Jehan  Péril  reconnut 
à  Richard  d'Argences  la  jouissance  du  fief  de  Maroiles  avec 
le  patronage  et  deux  gerbes  de  dîme.  Peu  de  temps  après, 
Jourdain  du  Hommet ,  évêque  de  Lisieux ,  acquit  ce  patro- 
nage et  en  lit  don  aux  pauvres  de  la  Maison- Dieu  ou  plutôt 
aux  religieux  Mathurins ,  auxquels  il  venait  de  confier  la  di- 
rection de  cette  maison.  En  1218,  Robert  de  Piencourt,  ayant 
manifesté  l'intention  de  troubler  les  religieux  dans  la  posses- 
sion de  leur  droit,  fut  désintéressé  par  ces  derniers,  qui 
s'obligèrent  à  lui  payer  une  rente  de  quatre  setiers  de  blé  à 
prendre  sur  leur  grange  de  Maroiles.  En  1733  ,  Roger  d'Ar- 
gences qui,  sans  doute,  avait  succédé  à  Richard  comme  sei- 
gneur du  fief  de  Maroiles,  donna  aux  religieux  une  charte 
de  confirmation  pour  le  patronage.  Une  autre  charte  de  1239 
confirma  également  le  droit,  qui  leur  avait  été  concédé,  de 
prélever  la  tierce-gerbe  sur  toute  la  paroisse.  Depuis  cette 
époque  jusqu'à  la  Révolution  ,  les  religieux  ont  exercé  leurs 
droits  sans  entraves. 

11  existait ,  sur  le  territoire  de  Maroiles,  une  chapelle  dé- 
diée à  saint  Marc.  Au  XVIIIe.  siècle,  cette  chapelle  était 
réunie  au  bénéfice-cure  de  l'Hôtellerie.  C'était  probablement, 
dit  M.  Vasseur  ,  une  ancienne  maladrerie ,  dont  les  biens 
furent  donnés  à  l'hôpital  de  Lisieux  en  1695.  L'édifice  existait 
encore  au  XVIIIe.  siècle.  Une  déclaration  des  administrateurs 
des  pauvres  de  Lisieux,  du  20  avril  1721,  fait  mention  d'une 
pièce  de  terre  en  herbe  sur  laquelle  est  ta  chapelle  St.-Marc, 
bornée  au  septentrion  par  le  arand  chemin  ferré,  etc. 


\Uk  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Le  Val-Richer  possédait  aussi  des  biens  sur  le  territoire  de 
cette  paroisse. 

Château.  —  L'ancien  château  de  Marolles,  situé  à  quelque 
distance  de  l'église,  paraît  dater  de  la  fin  du  XVIe.  siècle.  11  est 
construit  en  bois  avec  briques  inclinées  entre  les  colombages. 

La  corniche  qui  supporte  le  toit  est  décorée  de  nom- 
breuses caryatides  dont  la  partie  supérieure  offre  le  buste  d'un 
homme,  et  la  partie  inférieure  une  queue  de  poisson.  Sur  un 
cartouche  ,  placé  à  l'angle  sud-est  de  la  corniche  ,  on  lit  la 
date  16^6  qui  semble  indiquer  l'époque  de  la  restauration 
d'une  partie  du  château.  Le  toit  brisé  offre  de  grandes  fe- 
nêtres en  forme  de  mansardes  (On  sait  que  ce  genre  d'ou- 
vertures n'a  été  inventé  que  sous  le  règne  de  Louis  XIV  ). 
Les  extrémités  du  faîte  sont  couronnées  de  beaux  épis  en  terre 
cuite  émaillée.  Un  magnifique  escalier  conduit  à  l'étage  supé- 
rieur du  château. 

Ce  château  est  aussi  nommé  le  Mont-Hérault,  Il  a  appartenu 
à  la  famille  de  Piperey.  Jacques  de  Piperey,  contrôleur  des 
monnaies  à  Rouen,  en  1598,  est  le  premier  qui  se  qualifie  de 
seigneur  de  Marolles.  Parmi  ses  descendants,  on  compte  plu- 
sieurs magistrats.  François  de  Piperey,  sieur  de  Marolles,  était 
vicomte  de  Moyaux  en  1666.  Jean-Pierre  de  Piperey,  sieur 
de  Marolles,  St. -Germain  et  Piencourt,  fut  également  vicomte- 
enquesteur  et  commissaire-examinateur  de  la  vicomte  de 
Moyaux,  puis  conseiller  au  Parlement.  On  remarque,  à  l'in- 
térieur du  château,  deux  écussons  accolés. 

La  terre  de  Marolles  a  été  aliénée,  vers  1856,  par  M.  Amédée 
de  Piperey.  Dans  une  cour  dépendant  du  château ,  s'élève 
une  chapelle  en  bois,  surmontée  d'un  petit  clocher  octogone 
couronné  par  un  toit  conique ,  autrefois  couvert  en  essenle. 
Les  murs  de  cette  chapelle,  qui  date  du  même  temps  que  le 
château ,  étaient  revêtus  d'essente.  Le  mur  septentrional  a 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    i,e.    SECTION.  145 

conservé  ce  genre  de  décoration.  La  voûte  en  merrain  est 
peinte  en  bleu  et  semée  d'étoiles.  Les  couvre-joints,  peints  en 
rouge,  sont  bordés  d'un  filet  or.  On  remarque  le  pavage 
émaillédu  sanctuaire,  qui  est  ancien  et  parfaitement  conservé. 

Une  seconde  partie  du  fief  de  Marolles  échut  à  la  famille 
de  Boetey.  Dans  les  Archives  de  la  ville  de  Lisieux,  M.  Vas- 
seur  a  trouvé  le  nom  de  Gabriel  Le  Boetey,  «  escuyer,  sieur 
de  Marolles  et  du  Boulley  (16  juin  1577).  »  La  famille  de 
Boetey  posséda  ce  fief  jusqu'à  la  Révolution.  Messieurs  de 
Boetey  ayant  émigré,  leurs  biens  furent  vendus  par  la  nation. 
Sous  la  Restauration,  ils  rentrèrent  en  possession  de  leur 
terre ,  qui  appartient  aujourd'hui  au  dernier  descendant  de 
cette  famille. 

Le  château  de  Marolles-Boctey  a  été  rebâti  il  y  a  quelques 
années.  Le  moulin  féodal  seul  est  ancien. 

Dans  une  cour  qui  borde  le  chemin  de  Marolles  à  Cirfon- 
taine ,  s'élève  une  ancienne  maison  dont  la  construction  re- 
monte au  XVK  siècle.  Cette  maison  mesure  50  pieds  de 
longueur  sur  20  de  profondeur. 

Le  rez-de-chaussée ,  construit  en  grand  appareil ,  est  sur- 
monté d'un  étage  en  charpente  formant  encorbellement.  Cet 
étage  ,  décoré  de  nombreuses  et  belles  moulures,  est  éclairé 
par  des  fenêtres  cruciformes. 

MKFOMAIXR     1). 

Cirfontaine,  Siro fonte  ,  Cirofonte ,  Cirfontaine. 

Une  ordonnance  royale  du  22  septembre  1824  a  réuni  a 
la  commune  de  Marolles  l'ancienne  paroisse  de  Cirfontaine. 

L'église,  bâtie  au  fond  d'un  vallon,  offre  une  charmante 
ruine.  C'était,  dit  M.  le  docteur  Billon,  qui  a  visité  l'édifice 
eu  18M3,  et  d'après  lequel   nous  avons  rédigé  en    partie  la 

(1)  Notes  de  M.  Pannier.  10 


U6         STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

notice  suivante,  Tune  des  églises  rurales  les  plus  riches  et  les 
mieux  décorées  de  l'ancien  diocèse  de  Lisieux. 

La  nef,  œuvre  d'un  architecte  de 
talent,  date  de  la  fin  du  XVe.  siècle. 
Les  murs,  construits  en  grand  appareil, 
sont  soutenus  par  des  contreforts  sail- 
lants dont  plusieurs  attirent  les  regards 
par  leur  forme  insolite.  Un  magnifique 
slylobale  ,  composé  d'une  large  doucine 
et  d'un  chanfrein ,  suit  les  ondulations 
du  terrain.  La  corniche,  qui  supportait 
le  toit ,  est  également  formée  d'une 
doucine. 

On  remarque  ,  au  midi ,  deux  belles 
fenêtres  à  deux  baies  trilobées  ,  dont  le  V 
tympan  offre  une  jolie  tracerie  flamboyante.  Il  n'existe  au 
nord  qu'une  seule  ouverture ,  semblable  aux  précédentes. 
Dans  l'ébrasement  de  cette  fenêtre ,  on  apercevait  autrefois 
une  curieuse  peinture  représentant  Notre  Seigneur  au  Jardin 
des  Oliviers. 

Trois  contreforts  saillants ,  dont  deux  sont  placés  sur  les 
angles,  soutiennent  le  mur  occidental  que  surmonte  un 
fronton  triangulaire.  Une  fenêtre  ogivale  ,  entourée  de  mou- 
lures en  gorge,  s'ouvre  dans  le  fronton,  un  peu  à  droite. 

Un  clocher  en  charpente ,  recouvert  en  essenle  et  sur- 
monté d'une  pyramide  très -élancée  ,  s'élevait  au-dessus  de  la 
première  travée  de  la  nef. 

La  porte ,  placée  au  midi ,  près  du  mur  occidental ,  est  à 
plein-cintre  et  entourée  de  moulures  prismatiques.  Un  porche 
en  bois,  dont  on  aperçoit  encore  les  traces  sur  le  mur,  pré- 
cédait l'entrée  de  l'église. 

Le  choeur  ,  fortement  en  retraite  sur  la  nef,  est  roman 
et  doit  remonter  au  XIe.  siècle.  Les  murs  en  ruine  pré- 
sentent l'appareil  grossier  en  feuilles  de  fougère. 


CANTON  DE   L1SIEUX  ,    t*\    SECTION.  147 

Il  se  termine  à  l'orient  par  un  chevet  droit  soutenu  par 
deux  contreforts  dont  l'un ,  garni  d'un  double  chaperon , 
date  du  XVIe.  siècle  ;  l'autre  a  été  reconstruit  en  brique.  Une 
haute  fenêtre  ogivale ,  partagée  en  deux  baies  par  un  meneau 
vertical  qui  se  bifurque  dans  la  partie  supérieure ,  éclairait 
autrefois  le  sanctuaire.  Les  moulures  rudimentaires  de  cette 
fenêtre ,  dont  les  angles  sont  taillés  en  biseau  ,  accusent  le 
XIIIe.  siècle.  On  remarque  au  midi  les  vestiges  d'une  fenêtre 
dont  les  moulures  étaient  toriques. 

A  l'intérieur,  l'église  était  entièrement  peinte  à  fresque. 

La  nef  présente  encore  de  nombreux  vestiges  de  ce  genre 
de  peinture. 

A  l'extrémité  de  la  nef,  du  côté  de  l'épître ,  est  placé  un 
autel  en  pierre  qui  date  du  XVIe.  siècle.  Le  mur  formant 
retable  est  couvert  de  peintures  assez  bien  conservées ,  re- 
présentant le  couronnement  de  la  Vierge  :  la  mère  du  Sauveur, 
entourée  d'une  auréole  formée  de  rayons  flamboyants,  a  les 
mains  jointes  et  élevées  vers  le  ciel.  Deux  auges ,  les  ailes 
déployées,  tiennent  au-dessus  de  sa  tête  une  couronne  ducale. 
De  chaque  côté  de  l'autel  on  lisait,  il  y  a  quelques  années, 
celte  inscription,  que  le  temps  a  presque  entièrement  effacée  : 

AYE   MARIA    DOMINI 

MEI    MATER   ALMA 

COELICA    PLENA    GRACIA. 

Deux  petites  crédences ,  l'une  ogivale ,  trilobée  ,  l'autre 
surmontée  d'une  ogive  en  accolade,  sont  pratiquées  dans  les 
murs  latéraux. 

Le  mur  occidental  était  peint  à  fresque.  On  aperçoit  encore 
trois  ovales  formés  de  rinceaux  ,  au  centre  desquels  on  lit , 


A 


en  lettres  rouges  fy|  J^  et  J^î  ^  .  Près  du 
mur ,  à  gauche ,  était  placé  un  escalier  qui  conduisait  a  une 
tribune  réservée  au  seigneur  de  la  localité. 


148  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Un  bel  arc  triomphal,  supporté,  par  deux  colonnes  dont  la 
base  est  formée  d'un  hexagone ,  sépare  le  chœur  de  la  nef. 
L'extrados  est  couvert  de  peintures  simulant  des  imbrications. 

Près  de  la  petite  porte  qui  donne  entrée  dans  le  chœur  est 
placé  un  bénitier,  en  forme  de  coquille,  portant  le  millésime 
1753. 

Le  maître-autel  offrait,  au  XVIe.  siècle,  un  beau  rétable 
en  pierre  qui  a  été  découvert ,  il  y  a  quelques  années ,  en 
creusant  le  sol  de  l'église. 

Ce  retable,  dont  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie 
a  fait  l'acquisition ,  se  compose  de  plusieurs  groupes  exécutés 
en  haut-relief ,  représentant  diverses  scènes  de  la  vie  de  la 
Sainte- Vierge  et  de  l'enfance  de  Jésus  ,  telles  que  l'Annon- 
ciation ;  la  Visitation  ;  la  crèche  et  l'adoration  des  bergers  ; 
la  visite  des  rois  Mages  ;  la  Présentation  de  Notre  Seigneur 
au  temple;  le  massacre  des  Innocents  ;  la  fuite  en  Egypte. 
Un  autre  groupe  représente  la  légende  des  moissonneurs 
coupant  le  blé  sur  le  passage  de  Jésus-Christ. 

Tous  ces  groupes,  autrefois  miniatures  ,  sont  traités  avec 
celte  délicatesse  et  celte  naïveté  charmante  qui  caractérisent 
les  œuvres  de  la  Renaissance. 

Cet  autel  fui  remplacé,  sous  le  règne  de  Louis  XIV  ,  par 
le  grand  rétable  que  nous  avons  décrit  à  l'article  JMarolles. 

Les  deux  petits  autels  furent  décorés,  dans  le  même  temps, 
de  rétables  en  bois  à  colonnes  cannelées  et  rudenlées. 

La  nef  a  environ  35  pieds  de  long  (mesure  ancienne)  dans 
œuvre  sur  21  de  large.  La  longueur  du  chœur  est  de  18 
pieds  et  sa  largeur  de  10  pieds  (1). 

Dans  le  cimetière  s'élève  un  très-bel  if,  qui  a  1  mètre  de 
diamètre  dans  sa  partie  moyenne. 

L'ancienne  paroisse  de  Cirfontaine  offrait  un  territoire  très- 

(lj  Depuis  la  rédaction  de  celle  notice,  l'église  de  Cirfontaine  a  été 
entièrement  démolie. 


CANTON    Dh   L1SIEUX,    M    SECTION  **« 

restreint.  Au  XVIIIe.  siècle,  elle  ne  comptait  que  18  feux. 

Sous  le  rapport  spirituel ,  elle  dépendait  du  doyenné  de 
Moyaux  ;  pour  le  civil ,  de  la  sergenterie  du  même  lieu. 

Cette  paroisse  remonte  à  une  haute  antiquité.  On  trouve 
dans  les  rôles  de  TÉchiquier,  à  la  date  de  1195  ,  le  nom  de 
Willelmus  de  Siro fonte. 

A  la  fin  du  dernier  siècle ,  la  famille  de  Tournebu  possé- 
dait ,  dit-on ,  la  terre  de  Cirfontaine.  Ses  armoiries  étaient  : 
d'argent  à  la  bande  d'azur. 

Au  commencement  du  même  siècle  ,  cette  terre  était  dans 
les  mains  de  la  famille  de  La  Sauvagère.  Guillaume  de  La 
Sauvagère ,  sieur  de  Cirfontaine,  fut  anobli  en  1612  et  main- 
tenu en  1666.  V Armoriai  de  d'Hozier ,  rédigé  dans  les 
dernières  années  du  XVIP.  siècle,  fait  mention  de  Pierre  de 
La  Sauvagère,  sieur  de  Cirfontaine,  et  de  Charlotte  du 
Faguet,  sa  femme.  Ils  eurent  un  fils ,  nommé  Marc-Antoine, 
qui  prenait,  en  1711  ,  le  titre  de  sieur  de  Saint-Laurent,  et 
demeurait  dans  la  paroisse  de  St.-Julien-de-Mailloc. 

Jean  des  Perrois  ,  qui  vivait  en  15^1  ,  prenait  le  titre  de 
seigneur  de  Cirfontaine.  Nous  ignorons  comment  cette  terre 
est  entrée  dans  ses  mains,  et  comment  elle  en  est  sortie. 

La  Haute- Rocque.  —  Outre  le  manoir,  chef-lieu  de  la 
paroisse,  M.  Charles  Vasseur  ne  cite  qu'un  seul  fief  sur  le  ter- 
ritoire de  Cirfontaine,  celui  de  la  llaute-Rocque.  Cet  ancien 
nef  est  situé  un  peu  au-dessous  de  l'église  ,  à  l'entrée  d'un 
vallon  qui  aboutit  à  Courtonnel. 

«  Jean  Le  Tellier  ,  sieur  de  la  Haute-llocque  ,  paroisse  de 
«  Cirfontaine  ,  élection  de  Lisieux ,  l'un  des  douze  associés 
c,  du  Canada,  fut  anobli  par  lettres  de  décembre  1629,  vé- 
«  riliées  en  1638.  Il  eut  un  fils,  appelé  aussi  Jean  Le  Tellier, 
«  sieur  de  la  Haute-Uocque  ,  qui  fut  maintenu  le  V\  février 
-,    1668,  avec  Pierre  Le  Tellier,  son  fils.  Xhevillard  leur 


150  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

«  donne  pour  armoiries  :  De  gueules  à  trois  navettes  à  tisser 
«  d'argent  posées  en  pal,  2  et  \.   » 

Celte  famille  s'est  éteinte  à  l'époque  de  la  Révolution , 
dans  une  fille  qui  avait  épousé  M.  de  Boctey-Marolles. 

C'est  également  à  la  fin  du  XVIIIe.  siècle  que  la  terre  de 
la  Haule-Rocque  vint  en  la  possession  de  M.  Charles  du 
Bois,  qui  appartenait  à  une  très-ancienne  famille  de  Nor- 
mandie, dont  on  peut  suivre  la  filiation  depuis  l'année  1066. 
M.  du  Bois  est  mort  sans  postérité.  Il  a  été  inhumé  dans  le 
cimetière  de  Marolles. 

VIIXERS-SUR-GLOS  (I). 

Villers-sur-Glos,  ecclesia  de  Villaribus ,  de  Villula, 

La  paroisse  de  Villers  ayant  été  supprimée  lors  du  Concordat, 
et  son  territoire  réuni  à  Glos,  l'église  a  été  démolie  il  y  a  une 
vingtaine  d'années. 

La  cloche,  instrument  précieux,  et  les  deux  petits  autels, 
sont  maintenant  dans  l'église  de  Glos.  On  y  avait  également 
transporté  le  maître-autel  ;  mais  comme  il  n'y  avait  point 
d'endroit  propice  pour  le  placer,  il  a  été  dépiécé  :  on  en  voit 
dans  le  clocher  les  morceaux  disloqués.  C'était  un  autel  à 
pilastres  avec  trois  tableaux ,  dont  deux  en  forme  d'ellipse. 
Le  tabernacle  était  surmonté  d'une  exposition,  consistant  en  un 
dôme  quadrangulaire  porté  sur  quatre  colonnes  corinthiennes. 

L'église  de  Villers  devait  dater  des  derniers  temps  de 
l'époque  ogivale.  Le  chœur  faisait  retraite  sur  la  nef,  selon 
l'usage.  Le  clocher  s'élevait  à  l'ouest  :  il  consistait  en  un 
beffroi  carré ,  couvert  d'une  pyramide  quadrangulaire.  Au 
midi  était  le  portail ,  protégé  par  un  porche  en  bois.  Les 
voûtes  étaient  en  merrain ,  avec  charpentes  apparentes. 
Celle   du    chœur  était  peinte  en  bleu-azur  avec  un  semé 

(i)  Notes  de  M,  Ch.  Vasseur. 


CANTON    DE   LISIEUX,    lre.    SECTION.  151 

d'étoiles  d'argent.  Les  fenêtres  avaient  des  vitraux.  M.  le 
docteur  Billon  en  possède  un  médaillon.  Il  occupait  l'oculus 
d'une  fenêtre  géminée  de  la  Renaissance.  Les  fonts  étaient 
ornés  d'arcatures  gothiques. 

Cette  paroisse  était  sous  l'invocation  de  la  Vierge.  Les  pa- 
trons étaient,  au  XIVe.  siècle.,  heredesde  Moia;  au  XVIIIe., 
l'évêque  de  Lisieux. 

Le   fief  principal  de  cette  paroisse  devait  être  la  Motte, 
puisqu'il  avait  le  droit  de  patronage.  Il  est  situé  tout  près  de 
l'ancien  enclos  de  l'église,  qui  formait  enclave  dans  ses  terres. 
Il  se  trouve  assis  sur  le  bord  d'un  petit  ruisseau  qui  emplissait 
autrefois  ses  fossés ,  et  c'est  sans  doute  à  cette  situation  qu'il 
doit  son  nom.  Il  ne  consiste,  du  reste,  actuellement  qu'en 
une  maison  de  bois  peu  considérable,  pouvant  dater  du  règne 
de  Louis  XIV.  Je  ne  crois  pas  qu'il  ait  jamais  existé  de  ma- 
noir féodal  appelé  proprement  Villers ,  et  je  pense  que  ceux 
des  gentilshommes  que  l'on  trouve  avoir  pris  cette  qualification 
étaient  seigneurs  de  la  Motte.  Je  cite  donc  ici,  comme  inté- 
ressant la  Motte,  «  un  mandement  du  17  octobre  U75  du 
lieutenant  du  bailli  d'Évreux  à  l'évêque  de  Lisieux ,  qui  or- 
donne de  conférer  la  cure  de  Notre-Dame-des-Prés,  située 
à  Villers,  à  celui  que  présente  Estienne  Flambart ,  seigneur 
dudit  Villers.  »  (  Archives  du  Calvados.  ) 

On  trouve  ensuite  ce  fief  dans  les  mains  de  la  famille  de 
Boctey.  Je  crois  que  l'on  peut  regarder  celte  famille  comme 
originaire  de  Lisieux,  puisque  plusieurs  de  ses  membres  y 
remplirent  des  charges  d'édilité  dans  les  dernières  années  du 
XVe.  siècle.  En  15^0,  «  Guillaume  Bottey ,  damoiselle  Guil- 
lemelte  Berlhelot ,  sa  mère,  et  damoiselle  Gillette  Bottey, 
leur  cousine,  firent  leurs  preuves  devant  les  élus  de  Lisieux»; 
ils  demeuraient  à  Villers.  Noble  homme  Gilles  Le  Boctey , 
sieur  de  la  Motte ,  figure  dans  un  acte  original  du  30  avril 
1561.  Un  acte  de  163^  parle  des  héritiers  du  sieur  do 
Boctey ,  écuyer ,  sieur  de  la  Motte. 


152  STATISTIQUE    MOMVJENTALh    DU    CALVADOS. 

D'après  l'inscription  de  la  cloche,  François  Lebrun  était 
sieur  de  la  Motte  en  1668.  Il  avait  des  alliances  avec  la  fa- 
mille de  Mailloc. 

D'autres  fiefs  se  trouvaient  sur  le  territoire  de  Notre-Dame 
de  Villers ,  bien  que  sa  superficie  ne  soit  pas  considérable  : 
tels  étaient  Grosmesnil ,  conligu  à  la  Motte  ;  le  Boulley  et 
Blancheporte,  enfin  la  Quaise  qui  offre  un  grand  intérêt. 

En  1540,  Grosmesnil  était  dans  les  mains  de  Marc  de 
Gouvis,  gentilhomme  de  très-ancienne  lignée.  A  la  fin  du 
XVIe.  siècle,  il  était  passé  à  la  famille  de  Boctey.  On  trouve , 
en  1606  et  1614,  noble  et  vénérable  maître  Michel  Le  Boctey, 
piètre ,  seigneur  temporel  du  Grosmesnil ,  prieur  de  Mer- 
villy,  etc.,  puis  curé  de  Notre-Dame-de-Villers. 

Ce  sont  encore  les  de  Boctey  qui  possédaient  le  Boulley. 
Les  registres  de  l'hôtel -de-ville  de  Lisieux  ont  conservé  le 
nom  de  «  maistre  Gabriel  Le  Boctey,  escuier ,  sieur  de  Ma- 
rolles  et  du  Boulley,  procureur  du  roi  en  l'élection  de  Lisieux 
(1552-1577).  Maistre  Michel  Le  Boctey,  sieur  du  Gros- 
mesnil ,  avait  pour  frère  Louis  Le  Boctey  ,  escuier,  sieur  du 
Boulley,  qui  avait  épousé,  le  3  juillet  1597,  Catherine  de 
Franqueville  ,  fille  du  sieur  de  Collandon  ,  dont  la  postérité 
a  possédé  le  même  fief  pendant  plusieurs  générations  (1).   » 

Le  Boulley  est,  je  pense,  la  propriété  de  M.  Aug.  Asselin, 
receveur  des  finances,  membre  de  l'Association  normande.  Il 
est  situé  entre  deux  coteaux  boisés,  dan>  une  situation  char- 
mante. La  maison,  assez  importante,  a  deux  ailes  qui  datent 
du  règne  de  Louis  XIV ,  avec  toit  à  la  Mansard.  Le  centre 
parait  beaucoup  plus  ancien  ,  mais  il  a  été  modernisé  à  un 
tel  point  qu'il  est  impossible  d'en  reconnaître  la  date.  Il  a 
pourtant  conservé  son  toit  élevé  et  une  grande  cheminée  en 

(1)  Il  résulte  d'actes  authentiques  que  cette  terre  du  Boulley  était 
dans  les  mains  de  la  famille  de  Boctey  ;  mais  elle  possédait  en  même 
temps  le  fief  du  Boulley,  beaucoup  plus  important,  situé  à  St.- 
Germain-de-Livet. 


OflBTOfl    DE   LlStEUX,    lre.    SECTION.  153 

briques  ornées  d'arcatûres  simulées  avec  dessins  dans  les 
fonds ,  système  qui  remonte  au  XVIe.  siècle. 

Le  colombier  carré ,  construit  en  briques ,  est  surmonté 
d'un  épi  en  terre  jaune  vernissée  ,  qui  représente  un  pigeon. 

La  famille  de  Boctey  était  encore  en  possession  d'un  autre 
fief  assis  sur  le  territoire  de  la  même  paroisse ,  mais  à  un 
quart  de  lieue  au  moins  vers  le  midi ,  de  l'autre  côté  de  la 
vallée  ;  il  se  nommait  la  Houssaye. 

Noble  homme  Me.  Adrien  Le  Boctey,  sieur  de  la  Houssaye, 
vivait  en  1570  et  1587,  suivant  des  documents  originaux  que 
j'ai  eus  entre  les  mains.  J'ignore  le  nom  de  son  fils.  Un  acte 
du  6  juillet  1641,  fait  mention  de  son  petit-fils,  Anthoine  Le 
Boctey,  écuyer,  aussi  seigneur  de  la  Houssaye.  Il  fournit  ses 
preuves  de  noblesse  en  1666  à  Notre-Dame-de-Villers,  avec- 
Gilles  Le  Boctey,  sieur  de  Glatigny. 

Je  n'ai  trouvé  qu'un  seul  acte  où  il  soit  question  de  la 
Blancheporte  et  de  son  propriétaire,  M".  Pierre  Toustain.  Cet 
acte,  daté  du  1er.  février  1634,  relate  une  vente  de  trois  pièces 
de  terre  situées  à  Glos,  dépendantes  de  la  sieurie  deCirfontaine. 

Le  fief  le  plus  intéressant  pour  l'archéologue ,  bien  qu'il 
n'ait  pas  été  hiérarchiquement  le  plus  important,  c'est  cer- 
tainement la  Quaise  ou  la  Quèze. 

Malgré  les  nombreuses  mutilations  que  cette  maison  a 
subies ,  elle  n'en  reste  pas  moins  un  rare  spécimen  des  con- 
structions domestiques  du  commencement  du  XVIe.  siècle. 
Klle  est  en  bois  :  toutes  ses  poutres  principales  sont  couvertes 
de  sculptures  dans  le  style  du  règne  de  François  Ier.  Les  sa- 
blières qui  séparent  les  étages  sont  sculptées,  à  leurs  extré- 
mités, d'un  nerveux  rageur  qui  engloutit  les  moulures.  Toutes 
les  autres  pièces,  verticales  ou  horizontales,  sont  couvertes  de 
culs-de-lampe,  de  rosaces,  de  losanges,  d'enroulements  et 
autres  motifs  analogues.  Une  jolie  porte  en  accolade  avec  pi- 
nacles, blasons,  feuillages,  s'ouvre  dans  la  façade;  malheu- 
reusement elle  a  souffert. 


15/l  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Les  entrecolombages  sont  remplis  par  des  briques  vernissées 
rouges  et  vertes  ,  formant  des  dessins,  tant  par  la  variété  de 
leur  couleur  que  par  leur  disposition. 

La  face  qui  regarde  le  jardin  n'est  guère  moins  ornée.  La 
base ,  jusqu'au  premier  étage  ,  est  en  échiquier  de  pierres  et 
de  briques.  Sur  une  poutre  centrale  est  sculpté  un  blason 
chargé  d'une  croix  vairée  et  surmonté  d'un  chapeau  de  car- 
dinal avec  les  houppes.  C'est  celui  du  cardinal  Jacques  d'An- 
nebault,  évêque  de  Lisieux,  de  15&3  à  1560;  on  peut  s'en 
servir  comme  de  date  pour  la  maison. 

L'intérieur  n'avait  pas  été  moins  soigné  que  l'extérieur.  La 
principale  chambre  est  pourvue  d'une  vaste  cheminée  dont 
le  manteau  ,  orné  de  moulures ,  est  porté  par  deux  colonnes 
engagées.  Les  sommiers  des  plafonds  sont  sculptés  d'entrelacs 
et  de  rosaces. 

Cette  maison  était  autrefois  couverte  d'un  grand  toit  de 
pavillon  avec  double  épi.  Des  tuiles  vernies  de  différentes 
couleurs  formaient,  sur  ce  grand  comble  des  dessins  ingé- 
nieux. En  1 868 ,  l'amour  de  l'égalité  a  fait  stupidement  ra- 
valer ces  fiers  pignons  au  niveau  des  combles  mesquins  de 
l'époque  moderne.  Cependant,  sans  nul  doute  par  économie, 
on  a  replacé  sur  le  toit  une  partie  des  tuiles  vernies ,  rouges, 
vertes  et  jaunes. 

Les  fenêtres  étaient  carrées  et  étroites,  sans  ornements,  si 
l'on  en  juge  par  celles  que  l'on  voit  encore,  quoique  bouchées, 
dans  certains  endroits.  Les  autres  ont  été  élargies,  il  y  a  en- 
viron vingt  ans. 

Le  colombier  a  été  détruit  en  même  temps  que  le  comble , 
comme  un  vil  instrument  de  la  féodalité.  Il  était  rond,  de 
dimension  fort  ordinaire  et  sans  architecture. 

Je  n'ai  pu  me  renseigner  sur  les  possesseurs  de  ce  fief.  Je 
sais  seulement  qu'en  1540  Silvain  de  Fa tou ville  ,  sieur  de  la 
Ouaise,  produisit  ses  titres  devant  les  élus  de  Lisieux. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    1".    SECTION.  155 

Par  l'acte  de  1634  ,  déjà  cité,  on  connaît  que  Michel  Cos- 
tard,  président  en  l'élection  de  Lisieux,  était  sieur  de  la 
Quèze.  Un  autre  titre  des  Archives  des  hospices,  de  1667, 
m'a  fourni  le  nom  de  «  Me.  Pierre  Costard,  escuyer,  sieur  de 
la  Quaize,  conseiller  du  Roy  ,  trésorier  de  France  au  bureau 
des  finances  de  la  généralité  d'Alençon.  »  Je  ne  sais  depuis 
quand  ni  comment  cette  famille  était  en  possession  de  cette 
terre. 

La  paroisse  de  Villers  dépendait  de  l'élection  de  Lisieux, 
sergenterie  de  Moyaux ,  et  comptait  UO  feux. 

MESNIL-GUILLAUME  (1). 

Mesnil-Guillaume ,  Mesnitlus  Guillelmi. 

L'église  du  Mesnil-Guillaume  n'est  point  orientée  selon 
l'usage  :  son  chevet  est  à  peu  près  en  regard  du  nord-est. 
Elle  est  cependant  fort  ancienne;  on  distingue  parfaitement 
dans  les  murs  l'appareil  en  feuilles  de  fougère ,  entremêlé 
de  ces  longues  briques  que  l'on  a  déjà  vues  à  Fierville,  à 
Ouillie-le-Vicomte  ;  elles  sont  disposées ,  comme  dans  cette 
dernière  église,  par  chaînes  horizontales,  ou  bien  elles 
s'inclinent  pour  former  Xopus  spicatum,  ou  encore  elles  rem- 
placent la  pierre  de  taille,  si  rare  dans  la  contrée,  en  garnis- 
sant les  angles  de  la  nef. 

On  remarque ,  sur  le  plan  ,  qu'il  y  a  absence  complète  de 
contreforts  dans  l'édifice. 

On  ne  retrouve  aucune  ouverture  de  l'époque  primitive  : 
toutes  ont  été  repercées  à  la  fin  du  XVe.  siècle  ,  et  la  plupart 
ont  subi  des  mutilations  postérieurement.  Il  n'en  reste  plus 
que  deux  qui  aient  un  caractère  archilectoiiique  :  ce  sont  les 
deux  grandes  fenêtres  à  meneau  du  côté  de  l'évangile  : 
elles  sont  identiques. 

1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


156  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

La  nef,  qui  avait  primitivement  U5  pieds  de  long,  a  été 
prolongée  d'une  travée  vers  1852  ou  1853.  Cette  adjonction, 


dirigée,  je  crois,  par  un  agent-voyer,  n'a  rien  d'architectural. 
En  1856 ,  on  a  transporté  le  clocher  sur  cette  partie.  Il  se 
trouvait  autrefois  assis  sur  l'arc  triomphal,  ainsi  qu'on  le  con- 
state dans  les  plus  anciennes  églises.  Cette  pérégrination  lui  a 
été  fatale.  Il  datait  du  XVe.  siècle  ;  sa  charpente  était  revêtue 
d'essente,  et  la  base  était  muuie  d'un  double  évent  ou  abat- 
sons  composé  d'une  série  de  petites  ouvertures  trilobées. 
L'ardoise  vulgaire  a  remplacé  l'essente ,  et  les  trilobés  des 
é vents  ont  disparu. 

Le  chœur  fait  retraite  sur  la  nef,  il  est  petit;  son  chevet 
primitif  a  complètement  disparu  par  suite  de  l'érection  d'une 


CANTON   DE   LISIUUX  ,    lr\    SECTION.  157 

sacristie  à  pans  coupés  qui  fait  le  prolongement  des  murs  la- 
téraux. Celte  sacristie  est  antérieure  à  la  Révolution. 

Le  mobilier  est  de  nulle  valeur  artistique.  On  peut  citer 
cependant  une  statue  de  saint  Hildevert,  évêque ,  qui  date  du 
moyen-âge.  Les  autels  sont  encore  enveloppés  de  leurs  pare- 
ments de  vieille  soie. 

La  voûte  en  carène  de  la  nef  a  vu  disparaître  ses  poutres 
apparentes  depuis  la  première  visite  que  j'avais  faite  en  1853  ; 
on  a  toutefois  respecté  sa  forme,  qui  offre  un  profd  harmo- 
nieux et  bien  accentué.  Ses  sablières  sont  appuyées  partie  sur 
les  murs  ,  partie  sur  de  fort  singuliers  corbeaux  en  pierre. 
Quelle  raison  a  pu  engager  à  surmonter  ces  consoles,  si  bien 
moulurées ,  par  la  pierre  brute  qui  se  trouve  immédiate- 
ment sous  la  poutre  ? 

La  voûte  du  chœur  est  recouverte  d'une  épaisse  couche  de 
plâtre. 

L'arc  triomphal  est  ogival,  garni  de  moulures  prismatiques 
qui  viennent  reposer  sur  deux  colonnes  semi-cylindriques. 
Ces  caractères  indiquent  assez  le  XVe.  siècle. 

Dans  le  tympan  d'une  des  deux  fenêtres  dont  nous  avons 
parlé,  se  trouve  ce  blason  : 


Le  pavage  a  conservé  quelques  restes  bien  frustes  de  car- 
reaux émaillés. 


158  STATISTIQUE   MONUMENTALE    l)V   CALVADOS. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  Elle  dépen- 
dait du  doyenné  d'Orbec  et  de  la  sergenterie  de  Moyaux.  Le 
patronage  était  laïque  et  appartenait  au  seigneur  du  lieu. 

La  paroisse  comptait  76  feux  (380  habitants);  elle  en  pos- 
sède actuellement  k  \U\ 

Le  château  est  important  et  remarquable.  Le  dessin  de 
M.   Rouet  fait  voir  la  régularité  de  son  ordonnance  et  son 


VUE  DU    CHATEAU   DE   MESML-ÛUlLLAUfoÉ* 

caractère  archi tectonique.  11  est  situé  à  une  distance  assez 
grande  de  l'église  ,  du  côté  de  la  ville.  Il  est  impossible  d'en 
donner  une  meilleure  description  que  les  lignes  que  lui  a 
consacrées  M.  Raymond  Bordeaux  dans  son  Excursion  ar- 
chéologique dans  la  vallée  d'Orbec  en  1850  : 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    4re.    SECTION.  159 

u  Mesnil-Guillaume,  dit-il,  est  un  château  formé  de  quatre 
corps  de  logis ,  avec  une  cour  carrée  au  milieu  comme  beau- 
coup d'autres  habitations  seigneuriales  de  l'époque  d'Henri  IV 
et  de  Louis  XIII.  L'architecture,  mélangée  de  briques  et  de 
pierres ,  produit  un  effet  harmonieux.  En  entrant  dans  l'in- 
térieur de  la  cour ,  la  façade  du  corps  de  logis  de  gauche  est 
bâtie  en  bois  et  d'un  style  plus  ancien.  Les  colombages  ver- 
ticaux sont  chargés  d'ornements  dans  le  goût  de  ceux  des 
maisons  des  XV\  et  XVIe.  siècles  qu'on  remarque  à  Li- 
sieux  (1). 

«  Chemin  faisant,  dans  les  corridors,  j'apercevais, 

mélangés  aux  vulgaires  pavés  de  nos  jours,  quelques  carreaux 
faïences  qui  avaient  assurément  servi  autrefois  à  composer  de 
brillantes  rosaces  dans  les  chambres  de  ce  château.  Mais,  véri- 
fication faite,  c'étaient  les  mêmes  types  que  nous  avions  déjà 
rencontrés  à  Beuvillers  et  à  Mailloc,  et  cela  me  parut  une 
preuve  que  ces  pavés  avaient  été  décorés  dans  les  fabriques 
de  poteries,  si  nombreuses  aux  environs  de  Lisieux. 

«  La  seigneurie  du  Mesnil-Guillaume  appartenait,  au 
XVIe.  siècle,  à  une  famille  d'origine  kxovienne,  illustrée  par 
de  grandes  alliances  et  par  la  construction  de  monuments 


(1)  Cette  partie  est  tien  certainement  un  reste  d'un  château  anté- 
rieur. Elle  comprend  sept  travées  de  pilastres  d'ordre  classique,  déter- 
minées par  des  pièces  de  bois  d'un  équanissage  beaucoup  plus  consi- 
dérable, sculptées  de  ces  larges  feuillages  à  la  mode  sous  le  règne  de 
François  1er.  Mais,  quand  on  a  refait  le  rez-de-chaussée  qui  est  en 
briques  et  les  autres  corps  de  logis,  on  s'est  etforcé  de  moderniser  cette 
bâtisse  surannée.  Les  fenêtres  ont  été  élargies  et  surélevées  et  on  les  a 
entourées  de  moulures  qui  accusent  le  règne  de  Louis  XIII.  La  grande 
filière  godronnée  qui  séparait  les  deux  ordres  de  pilastres  a  dû  suivre  les 
contours  des  nouvelles  baies,  ce  qui  la  fuit  onduler  comme  un  créne- 
lage.  Enfin,  on  a  mis  sous  la  corniche  de  gros  modifions  en  bois,  dû- 
ment recouverts  de  plâtre* 


160  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

importants.  Nicolas  Le  Vallois ,  seigneur  d'EscoviHe ,  qui  a 
fait  bâtir  à  Caen  ce  magnifique  hôtel  du  XVIe.  siècle,  aujour- 
d'hui la  Bourse  et  le  Tribunal  de  commerce ,  et  qui  possé- 
dait le  château  de  Fontaine-Éloupefour  près  Caen  ,  était  en 
même  temps  seigneur  du  Mesnil-Guillaume.  La  famille  Le 
Vallois  jouait,  à  Caen,  un  très-grand  rôle  au  XVIe.  siècle,  et 
à  Bayeux  au  XVIIe.  Un  mémoire  manuscrit  qui  existe  à  la 
Bibliothèque  de  Caen ,  et  dont  l'auteur  anonyme  passe  mali- 
gnement en  revue  l'extraction  de  toutes  les  familles  caennaises 
qu'on  regardait   alors    comme    nouvelles ,    indique   celle-ci 
comme  issue  d'un  simple  artisan  de  Lisieux ,  enrichi  dans  le 
commerce.  — Quoique  les  assertions  de  ce  mémoire  ne  pa- 
raissent devoir  être  acceptées  qu'avec  beaucoup  de  réserve , 
les  monuments  viennent  cependant  coiîfirmer  ce  fait ,  passé 
sous  silence  par  les  généalogistes,  que  les  Le  Vallois  sont 
réellement  originaires  de   Lisieux.  Mais  ils  avaient  tort  de 
cacher  cette  origine ,  honorable  pour  le  commerce  lexovien , 
car  leur  famille  devait  être  déjà  fort  distinguée  dans  cette 
ville  à  la  fin  du  XVe.  siècle.   Nous  avons ,  en  effet ,  retrouvé 
leur  écusson  sculpté  aux  clefs  de  voûte  de  la  nef  de  l'église 
St. -Jacques,  élevée  vers  1520. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  cherché  en  vain  dans  le  manoir  de 
Mesnil-Guillaume  l'écusson  des  Le  Vallois.  A  l'intérieur  de 
la  cour,  sur  cette  façade  de  charpente  qui  est  d'un  siècle 
environ  plus  ancienne  que  le  reste  des  constructions,  il  y  a, 
à  la  vérité,  des  armoiries;  mais  ce  ne  sont  point  celles  de 
cette  famille.  Pourtant ,  tout  fait  croire  que  c'est  à  elle  que 
le  Mesnil-Guillaume  doit  la  construction  de  ce  château ,  d'un 
si  bon  effet  dans  la  vallée.   » 

J'ajouterai  à  ces  détails  la  description  des  magnifiques  épis 
en  terre  émaillée  qui  terminaient  autrefois  les  tourelles  et  les 
pignons  des  combles.  On  vient  d'en  retrouver  les  nombreuses 
pièces  dans  un  coin  de  grenier  ;  M.  R.  Bordeaux  n'avait  donc 


CANTON    DE   LJSIEUX  ,    \r*.    SECTION.  161 

pu  les  voir.  La  plupart  avaient  au  moins  5  pieds  d'élévation; 
leur  exécution ,  leur  émail  peuvent  les  faire  regarder  comme 
des  plus  remarquables.  On  y  retrouve  les  têtes  à  coquilles , 
les  pentes  de  fruits  et  de  fleurs,  et  ces  grandes  branches  de 
lis  de  jardin  gracieusement  recourbées  dont  se  composent  les 
plus  belles  pièces  connues  de  ce  genre.  Un  dessin  peut  seul 
faire  deviner  leur  importance  et  leur  mérite.  Il  y  avait  aussi 
quelques  pièces  de  fabrication  plus  grossière,  avec  une  simple 
couverte  de  couleur  verte.  On  les  avait  arrachées  des  toits 
pour  satisfaire  au  niveau  égalitaire  républicain,  et  aussi  à 
cause  des  fleurs  de  lis,  symbole  aristocratique. 

A  la  fin  du  XVe.  siècle ,  la  terre  du  Mesnil-Guillaume  ap- 
partenait à  Guillaume  de  Trousseauville,  chevalier,  qui  était 
également  seigneur  de  Giverville  et  de  Morainville,  en  Lieuvin. 

Ensuite,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  on  en  trouve  en  pos- 
session la  famille  Le  Valois.  Nicolas  Le  Valois,  qui  avait 
épousé,  en  1536,  Marie  du  Val,  veuve  de  Nicolas  de  Grandrue, 
étant  mort  en  1561  à  l'âge  de  kl  ans,  de  la  façon  que  raconte 
De  Bras,  ses  biens  furent  partagés  entre  ses  quatre  fils  qui 
firent  tous  branche.  Le  troisième,  nommé  Jean,  fut  seigneur 
du  Mesnil-Guillaume  et  de  Coq.  Sa  postérité  ne  s'éteignit 
qu'au  commencement  du  XVIIe.  siècle ,  dans  la  personne  de 
noble  damoiselle  Marie  Le  Valois,  veuve  de  feu  Charles  Le 
Goys,  vivant  écuyer,  sieur  du  Parc  et  de  Manneville,  dame 
du  fief  noble,  terre  et  sieurie  du  Mesnil-Guillaume,  qui  vi- 
vait encore  en  1613  et  1617,  suivant  des  aveux  et  actes  ori- 
ginaux où  je  l'ai  trouvée  mentionnée. 

En  1709  ,  suivant  d'autres  actes  ,  la  terre  était  passée  à  la 
famille  de  Mailloc  ;  car  on  trouve  «  messire  François  de 
Mailloc,  chevalier,  seigneur  d'Estouteville,  Mesnil-Guillaume 
et  autres  terres  et  seigneuries  ,  demeurant  ordinairement  en 
son  chasteau  du  Mesnil-Guillaume.    » 

Le  Chapitre  de  Lisieux  possédait,  sur  le  territoire  de  cette 

11 


162  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

paroisse,  une  terre  noble,  nommée  le  Fief-aux-Hues,  que  j'ai 
trouvée  mentionnée  dans  un  acte  original  de  1557, 

GLOS(0. 

Glos,  Glocium,  dans  une  charte  de  1284. 

Le  village  de  Glos ,  situé  à  5  kilomètres  de  Lisieux  ,  au 
midi,  est  coquettement  posé  sur  une  éminence  au  pied  de 
laquelle  passe  en  tranchée  le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Cher- 
bourg. Celte  éminence,  presque  entièrement  formée  de  sable, 
sépare  la  riante  vallée  de  I'Orbiquet  du  vallon  sauvage  et 
pittoresque  de  Courtonne-la-JVlenrdrac. 

L'église,  qui  occupe  le  point  culminant  du  coteau,  est  une 
des  plus  anciennes  et  des  plus  intéressantes  des  environs  de 
Lisieux.  Sa  construction  paraît  remonter  aux  premières 
années  du  XIe.  siècle. 

Les  murs  latéraux,  beaucoup  plus  élevés  que  ne  le  sont 
ordinairement  ceux  des  églises  rurales  qui  datent  de  la  même 
époque,  offrent  un  ancien  blocage ,  recouvert  d'un  crépi  qui 
se  détache  à  plusieurs  endroits  et  laisse  voir  l'appareil  gros- 
sier en  feuilles  de  fougère. 

Deux  contreforts  seulement ,  l'un  au  nord  et  l'autre  au 
midi ,  soutiennent  la  nef  dont  les  murs  sont  d'une  grande 
épaisseur.  La  faible  saillie  de  ces  contreforts  qui  atteignent 
presque  le  toit  ;  la  largeur  considérable  des  joints  qui  relient 
les  pierres  ;  le  relief  que  présentent  ces  joints,  dont  les  bords 
sont  taillés  en  biseau  ou  chanfrein  ;  enfin ,  l'arrangement  des 
pierres,  posées  en  délit  et  formant  des  espèces  de  chaînages 
(  cette  disposition  est  surtout  visible  à  l'angle  sud-est  et  à 
l'angle  nord-est  de  la  nef),  sont  autant  d'indices  d'une  haute 
antiquité.  Nous  ferons  observer  que  la  nature  des  pierres  em- 

(1)  Noies  de  M.  Pitnnier. 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    tr<\    SECTION.  163 

ployées  dans  la  construction  des  contreforts  est  différente  : 
les  unes  sont  en  calcaire  oolithique ,  d'un  grain  très-fin  ;  les 
autres  en  calcaire  très-poreux,  ayant  une  grande  ressemblance 
avec  le  tuf  ou  travertin,  qui  était  généralement  en  usage  pen- 
dant la  période  romane. 

Les  murs  latéraux  du  chœur,  fortement  en  retraite  sur  ceux 
de  la  nef  et  également  recrépis  ,  n'étaient  soutenus  primitive- 
ment par  aucun  contrefort.  Les  contreforts  saillants,  à  double 
glacis ,  que  l'on  voit  à  l'extrémité  orientale  de  ces  deux 
murs,  près  du  chevet ,  ont  été  élevés  à  la  fin  du  XVe.  siècle 
ou  au  XVIe.  La  partie  supérieure  de  ces  contreforts  a  été 
refaite  en  briques  plates  dans  le  courant  du  XVIIIe.  siècle. 

Le  mur  droit  qui  termine  le  chœur,  à  l'orient,  est  soutenu 
par  deux  contreforts  saillants ,  en  pierre  ,  à  double  glacis. 
Contre  ce  mur ,  entièrement  recrépi  et  sur  lequel  on  n'aper- 
çoit aucune  trace  de  fenêtres,  est  appliquée  une  sacristie  en 
briques  qui  date  du  siècle  dernier. 

Des  fenêtres  à  plein-cintre  et  à  claveaux  extradossés,  sem- 
blables à  celles  qui  s'ouvraient  dans  la  partie  supérieure  des 
murs  latéraux  du  chœur  et  dont  on  aperçoit  encore  quelques 
vestiges,  éclairaient  primitivement  l'église. 

Cet  édifice  a  été  repercé  à  la  fin  du  XIIe.  siècle ,  ou  dans 
les  premières  années  du  XIIIe.,  ainsi  que  l'atteste  l'étroite 
fenêtre  en  forme  de  lancette  qui  éclaire  le  chœur  du  côté 
septentrional.  Une  lancette  semblable  s'ouvrait  dans  le  mur 
méridional.  Ces  deux  fenêtres  sont  en  partie  inscrites  dans 
les  anciennes  ouvertures,  qui  étaient  romanes  et  placées  un 
peu  plus  haut.  Deux  fenêtres  ogivales  un  peu  plus  larges  ,  du 
même  temps,  laissent  pénétrer  le  jour  à  l'intérieur  de  la  nef, 
l'une  au  nord  et  l'autre  au  midi. 

Le  chœur  est  éclairé  au  midi  par  deux  fenêtres  :  l'une 
sans  caractère ,  l'autre  à  ogive  aiguë ,  très-large.  Cette  der- 
nière fenêtre  était  aul refois  partagée  en  deux  baies  par  un 


16&  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

meneau.  La  moulure  torique,  garnie  d'un  listel,  qui  l'encadre 
accuse  le  XIVe.  siècle. 

Les  deux  larges  ouvertures  en  brique  pratiquées  dans  le 
mur  méridional  de  la  nef  sont  cintrées ,  dans  la  partie  supé- 
rieure. Au-dessus  on  lit  la  date  1780,  qui  indique  une  répa- 
ration faite  à  cette  époque.  L'une  de  ces  fenêtres  offre 
l'inscription  suivante  : 

M  .  FONT 

T  •  CH 

AUGE  EN 

LAN 

1780. 

A  droite  de  l'une  de  ces  ouvertures  est  une  petite  fenêtre 
ogivale,  entourée  d'une  scotie. 

On  remarque  près  du  mur  occidental  les  vestiges  d'une 
porte  à  plein -cintre ,  romane  ,  dont  les  claveaux  extradossés 
sont  formés  de  pierres  calcaires  très-dures.  C'était  la  princi- 
pale entrée  de  l'église. 

Une  petite  porte  cintrée,  sans  caractère,  est  pratiquée  dans 
le  mur  méridional  du  chœur. 

Le  mur  occidental  de  la  nef,  autrefois  soutenu  par  trois 
contreforts  plats,  a  été  reconstruit  en  brique,  sans  aucun 
goût.  Quatre  ignobles  et  massifs  contreforts,  également  en 
brique  et  inclinés  comme  les  étais  d'une  maison  qui  menace 
ruine,  supportent  ce  mur.  La  porte,  cintrée  dans  le  haut , 
est  surmontée  d'un  oculus. 

A  l'extrémité  occidentale  de  la  nef  s'élève  un  clocher  oc- 
togone en  charpente ,  surmonté  d'une  pyramide  élancée.  Le 
larmier ,  correspondant  à  chaque  face ,  est  percé  de  plusieurs 
ouïes  ou  évents  d'une  forme  peu  commune.  Ce  clocher 
renferme  deux  petites  cloches. 

La  plus  grosse,  fondue  en  1842,  a  été  bénite  par  M.  Jean- 
Jacques  Farolet,  doyen  de  St. -Pierre  de  Lisieux. 


CANTON   DE  LISIEUX ,    lre.    SECTION.  165 

UT*       \4 


166  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

La  plus  petite ,  qui  provient  de  l'ancienne  église  de  Vil- 
lers,  porte  l'inscription  suivante  : 

f  1668.  Me.  FRANÇOIS  PECQEVLT  PBIIE  CVRÉ  DE  CE  LIEV  MA  BÉN1STE  ET 
NOMMÉE  MARIE.  Me.  Mc.  SEBASTIAN  DESJARDINS  ET  FRANÇOIS  LE  BRVN  SF* 
DE  LA  MOTTE  Tr  . 

IEUAN  AVBERT  MA  FAICTE. 

La  voûte  de  la  nef  est  construite  en  merrain,  avec  entrait» 
et  poinçons. 

L'arc  triomphal,  d'une  grande  élévation,  est  roman. 

L'intérieur  de  l'église  offre  un  riche  mobilier. 

Contre  les  murs  latéraux  du  chœur  sont  appliquées  de 
belles  boiseries ,  formant  lambris ,  qui  datent  du  règne  de 
Louis  XIV.  Ce  lambris,  qui  sert  de  haut  dossier  aux  stalles, 
est  formé  de  panneaux  encadrés  de  moulures  fortement  élégies 
avec  angles  rentrants  et  concaves.  Les  ressauts  correspon- 
dant aux  pilastres  sont  soutenus  par  des  têtes  d'anges  (  Voir 
la  page  suivante  ). 

Les  boiseries  les  plus  rapprochées  de  l'autel  offrent  de  ri- 
ches encadrements,  en  feuilles  de  chêne,  et  une  élégante  frise 
artislement  sculptée. 

Des  pilastres,  offrant  des  pentes  de  fleurs  et  de  fruits ,  sé- 
parent les  panneaux. 

M.  Bouet  a  fait  un  dessin  de  ces  boiseries,  qui  proviennent 
de  l'ancienne  abbaye  de  Cormeilles. 

Les  stalles,  au  nombre  de  dix  (cinq  de  chaque  côté), 
datent  probablement  du  même  temps.  La  forme  des  accou- 
doirs est  assez  curieuse  et  peu  commune. 

Le  lutrin  est  une  œuvre  très-remarquable.  Il  est  composé  de 
trois  parties.  Le  pied  est  triangulaire.  La  tige ,  formée  d'un 
vase  très-gracieux  couvert  de  jolis  rinceaux,  supporte  un 
globe  sur  lequel  repose  un  aigle  luttant  contre  un  serpent, 


CANTON    DE   LIS1L UX ,    lre.    StCTION. 


167 


amop.is  dans  l'église  de  clos. 


168  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

emblème  du  mal.  Ce  lutrin  ,  qui  est  en  bois  de  chêne  doré  à 
l'eau,  est  dans  le  style  Louis 
XV.  Il  provient  aussi  de  l'ab- 
baye de  Cormeilles. 

Le  rétable  du  maître-autel, 
type  Louis  XV,  est  formé  de 
pilastres  qui  supportent  un 
entablement  circulaire.  Le  ta- 
bleau est  également  cintré 
dans  la  partie  supérieure.  Une 
gloire,  de  grande  dimension  , 
forme  le  couronnement  du 
rétable.  Les  urnes  corres- 
pondant aux  pilastres  sont 
ornées  d'anses,  en  forme  de 
consoles ,  qui  remplacent  les 
draperies  si  communes  sous 
le  règne  précédent.  Le  tom- 
beau et  le  tabernacle  sont  en 
forme  de  doucine. 

A  l'extrémité  de  la  nef,  s'élèvent  deux  petits  autels  avec 
rétable.  Le  tombeau  de  l'un  de  ces  autels ,  dans  le  style 
Louis  XIV,  provient  de  l'abbaye  de  Cormeilles.  Il  est  carré  et 
décoré,  à  ses  extrémités,  de  jolies  pentes  de  fleurs  et  de  fruits. 
Le  devant  du  tombeau  était  autrefois  revêtu  d'un  parement 
en  étoffe. 

Le  rétable,  dans  le  style  Louis  XV,  provient  de  l'ancienne 
église  de  Villers,  près  Glos.  Deux  pilastres  ioniques,  cannelés, 
supportent  l'entablement.  La  statue  qui  décore  le  rétable  est 
ancienne  et  miniaturée. 

Nous  avons  remarqué  au  bas  de  la  nef  un  ancien  et  curieux 
bénitier,  en  cuivre  ou  en  métal  de  cloche,  sur  lequel  on  lit 
l'inscription  suivante,  extraite  de  la  Genèse  : 

f   VOX   DOMINI   SVPER   AQVAS   DEVS. 


CANTON   DE   L1SIEUX ,    lre.    SECTION.  169 

Ce  bénitier ,  qui  servait  autrefois  pour  l'aspersion  de  l'eau 
bénite,  paraît  dater  du  XVIe.  siècle. 

A  l'entrée  du  chœur  étaient  autrefois  placées  deux  belles 
statues  en  pierre,  représentant  des  évangélistes.  Ces  statues , 
qui  provenaient  aussi  de  l'abbaye  de  Cormeilles,  ont  été 
brisées  pendant  la  Révolution. 

M.  l'abbé  Hays ,  desservant  de  cette  paroisse  ,  a  fait  placer 
dans  la  nef  un  très-beau  chemin  de  croix ,  qui  offre  une  série 
de  tableaux  dessinés  et  gravés  par  Pétrark ,  et  coloriés  avec 
soin  d'après  Fuhrich  ,  célèbre  peintre  allemand ,  et  l'un  des 
représentants  de  l'École  de  Dusseldorf ,  dont  la  gravure  re- 
produit et  cherche  à  populariser  les  chefs-d'œuvre. 

Dans  le  clocher  est  relégué  un  joli  tabernacle,  dans  le  style 
Louis  XIII,  décoré  de  nombreuses  colonnettes  faites  au  tour. 
Les  petits  vases  placés  dans  les  niches  sont  également  l'œuvre 
d'un  tourneur  de  l'époque  ,  qui  probablement  habitait  la  loca- 
lité. La  face  principale  du  tabernacle  est  garnie  de  quatre  co- 
lonnettes, d'ordre  composite,  formant  ressaut.  Lesbalustres 
qui  décorent  la  galerie  placée  à  la  base  de  la  coupole  sont  en 
forme  de  fuseau.  Ce  précieux  tabernacle  provient  de  l'ancienne 
église  de  Villers. 

Nous  avons  vu  aussi  dans  le  clocher  une  jolie  lampe  en 
bois  ,  d'une  forme  très-gracieuse.  Cette  lampe ,  qui  est  dans 
le  style  Louis  XV,  est  décorée  de  têtes  d'anges  et  d'entrelacs. 
Elle  provient  de  l'ancienne  abbaye  de  Cormeilles.  Ce  genre 
de  lampes  est  aujourd'hui  fort  rare. 

L'église  de  Glos  a  pour  patron  saint  Laurent. 

On  a  découvert  dernièrement  ,  dans  le  cimetière,  un  frag- 
ment considérable  d'un  ancien  cercueil  en  pierre  calcaire. 
Il  a  été  trouvé  à  1  mètre  environ  de  profondeur. 

A  l'extrémité  méridionale  du  cimetière,  s'élevait  une  cha- 
pelle dédiée  à  saint  Laurent.  Cette  chapelle  a  été  transformée 
en  une  maison,  à  usage  d'auberge,  qui  porte  pour  enseigne  : 

AU   GRAND   SAINT   LAURENT. 


170  STATISTIQUE    MOMjMLISTALE    DU    CALVADOS. 

Château  de  Coq.  —  A  1  kilomètre  environ  du  village  de 
Glos,  au  pied  d'un  coteau  qui  domine  la  rive  gauche  del'Or- 
biquet ,  s'élevait  un  ancien  manoir  auquel ,  dans  le  pays ,  on 
donne  le  nom  de  château.  D'après  la  tradition  locale  ,  ce  châ- 
teau aurait  été  détruit  par  les  Anglais  dans  le  milieu  du 
XVe.  siècle,  après  la  bataille  de  Formigny ,  qui  les  expulsa 
définitivement  du  sol  normand.  On  voyait  encore,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années,  quelques  vestiges  des  murs  de  fondation. 
La  maison  en  pierre  qui  s'élève  à  mi-côte  a  été,  dit-on,  bâtie 
avec  les  pierres  provenant  des  débris  de  cet  ancien  château 
dont  les  communs  s'étendaient  au  nord  jusqu'au  chemin. 

La  découverte  de  nombreuses  monnaies  françaises  (  800 
environ)  qui  a  eu  lieu,  en  1859,  dans  la  cour  de  la  Folletière, 
qui  domine,  au  nord-est,  le  village  de  Glos  ,  atteste  les  luttes 
sanglantes  dont  cette  partie  de  la  Normandie  a  été  autrefois 
le  théâtre.  Le  plus  grand  nombre  de  ces  pièces  ,  qui  sont  en 
cuivre  et  en  alliage  et  de  différents  modules ,  remonte  aux 
règnes  de  Philippe  de  Valois  ,  de  Jean  II,  dit  le  Bon  ,  et  de 
Charles  V.  Quelques-unes,  de  grand  module,  sont  de  Louis  Ier. 
ou  de  Louis  II,  comte  de  Flandre,  qui  prit  parti  pour  Edouard 
III ,  roi  d'Angleterre. 

Dans  une  cour  voisine,  appartenant  au  même  propriétaire, 
se  trouve  une  ancienne  carrière  de  marne,  divisée  en  plu- 
sieurs galeries  dans  lesquelles  on  a  découvert  une  douzaine 
de  boulets  en  pierre.  La  partie  supérieure  de  cette  cour  forme 
un  plateau,  assez  régulier,  qui  commande  plusieurs  vallons 
aboutissant  à  la  vallée  de  l'Orbiquet.  C'était  un  point  straté- 
gique assez  important. 

Glos  possédait  autrefois  un  château-fort  dont  il  ne  reste 
plus  aucun  vestige.  Cassini  n'a  pas  marqué  sur  sa  belle  carte 
de  France,  dressée  de  llhk  à  1793  ,  l'emplacement  de  ce 
château  :  d'où  il  faut  conclure  qu'il  n'existait  plus  à  cette 
époque.  On  aperçoit  à  peu  de  distance  ,  au  sud  de  l'église, 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    lre.    SECTION.  171 

sur  le  bord  de  la  rivière  ,  une  motte  féodale  près  de  laquelle 
s'élevait,  dit-on,  le  château. 

En  1066,  un  seigneur  de  Glos-sur-Lisieux,  prit  part  à  la 
conquête  de  l'Angleterre.  En  1220,  Robert  de  Glos ,  fils  de 
Philippe  donna  à  la  Maison-Dieu  de  Lisieux  plusieurs  rede- 
vances qui  lui  étaient  faites  à  Glos. 

C'est  au  XIIIe.  siècle  que  l'évêque  de  Lisieux  paraît  être 
entré  en  possession  de  la  terre  de  Glos.  Il  existe  au  Trésor 
des  chartes  une  obligation  de  l'évêque  et  du  chapitre  de  Li- 
sieux pour  plusieurs  acres  de  terre  et  divers  droits  aux  pa- 
roisses de  Glos,  Cordebugle  et  autres,  qui  leur  avaient  été 
données  à  ferme  par  le  roi. 

Glos  et  Courtonne  formaient  une  des  sept  baronnies  qui 
composaient  le  comté  de  Lisieux  et  par  conséquent  relevaient 
de  la  juridiction  de  l'évêque.  Les  autres  baronnies  étaient 
Nonant ,  près  Baveux  ;  ïhiber ville  ,  Gacé  ,  Canapville ,  près 
Vimouliers  ;  Bonneville-la-Louvet,  Touques. 

Carrières  de  Glos.  —  La  voie  romaine  de  Lisieux  à  Cham- 
brais traversait  Je  territoire  de  Glos.  C'est  sur  le  bord  de 
cette  ancienne  voie  que  se  trouvent  les  célèbres  carrières  de 
Glos,  dont  les  coquillages  fossiles  ont  été  décrits  avec  soin 
par  MM.  Goubert  et  Zittel ,  dans  leur  Dictionnaire  de  Con- 
chyliologie. 

Le  sable  de  Glos  appartient  au  corallien  supérieur.  «  Il 
«  correspond  par  la  stratigraphie  et  par  plusieurs  de  ses  fos- 
«  siles  aux  grès  à  Triyonia  Bronni,  avec  alternance  de  sables 
<«  de  la  falaise  d'Hennequeville.  » 

Les  espèces  que  contiennent  ces  sables  sont  peu  nom- 
breuses ,  mais  quelques-unes  sont  fort  riches  en  individus. 
La  partie  supérieure  des  bancs  qui  bordent  le  chemin  est 
blanchie  par  de  nombreux  débris  de  coquilles  pourries,  par 
suite  d'infiltrations  postérieures  à  leur  dépôt. 


172  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Aqueduc  romain.  —  Sur  le  penchant  d'un  coteau  escarpé 
qui  domine  à  gauche  la  route  d'Orbec,  au-dessus  d'une  car- 
rière de  sable  située  en-deçà  du  pont,  M.  le  docteur  Billon 
a  découvert,  en  1868,  un  aqueduc  romain,  parfaitement 
conservé  ,  qui  prenait  les  eaux  à  une  source  voisine  et  les 
portait  à  l'ancienne  cité  gallo-romaine  des  Lexovii  (Novio- 
magus  Lexoviorum).  Ce  tronçon  d'aqueduc,  construit  en 
béton  comme  tous  les  travaux  de  ce  genre  que  nous  ont  laissés 
les  Romains ,  a  été  examiné,  l'année  suivante,  par  un  grand 
nombre  de  membres  de  la  Société  française  d'archéologie , 
réunis  à  Lisieux  lors  de  l'Exposition  régionale.  Un  croquis 
très-exact  de  cet  aqueduc  ,  dessiné  par  M.  Bordeaux  ,  a  été 
publié  dans  Y  annuaire  de  l'Association  normande  pour  1852* 

Bruyères  de  Glos.  —  Les  bruyères  de  Glos,  bien  connues 
des  botanistes,  occupent  un  plateau  très-élevé  ,  situé  à  l'ouest 
du  village.  M.  Durand-Duquesnay ,  dans  son  Catalogue  rai- 
sonné des  plantes  vasculaires  de  l'arrondissement  de  Lisieux 
(  Bulletin  des  travaux  de  la  Société  d'Émulation ,  année 
1846),  donne  la  liste  des  plantes  rares  qui  croissent  sur  ces 
bruyères ,  particulièrement  dans  les  parties  tourbeuses.  De 
larges  voies  traversent  aujourd'hui  ce  plateau ,  qui  domine  la 
rive  gauche  de  l'Orbiquet. 

Manoir. — Au  milieu  des  prairies  s'élève  un  ancien  ma- 
noir ,  appelé  la  Vallée,  qui  a  appartenu  à  la  famille  de  Fran- 
queville.  Ce  manoir,  situé  à  peu  de  distance  de  l'église ,  près 
de  la  rivière,  est  une  construction  en  bois  du  XVIe.  siècle. 
Une  des  salles  offre  un  joli  pavage  émaillé ,  dans  un  bon  état 
de  conservation. 

Le  colombier  est  de  forme  circulaire. 

De  l'autre  côté  de  la  rivière ,  à  l'angle  d'un  chemin  qui  se 
dirige  vers  l'église  de  Beuvillers ,  s'élève  une  construction  en 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    1".    SECTION.  173 

bois  d'une  certaine  importance.  L'étage  supérieur  est  bâti  en 
encorbellement.  Une  tourelle  carrée  renferme  l'escalier  A 
l'intérieur,  on  remarque  une  vaste  cheminée  et  une  ancienne 
porte  à  panneaux  plissés.  Cette  construction,  qui  date  de  la  fin 
du  XVe.  siècle,  a  dû  appartenir  à  une  communauté  religieuse. 

BEUVILLERS   (1). 

Beuvillers,  Beuvillare,  Bouvillare  ,  Beuvilliers. 
Sur  le  penchant  d'un  coteau  qui  encadre ,  au  couchant,  la 
riante  vallée  de  l'Orbiquet ,  s'élevait  d'une  manière  pitto- 
resque la  petite  église  de  Beuvillers ,  dont  la  construction , 
très-ancienne ,  remontait  à  la  période  romane.  Cette  église  a 
été  démolie  en  1863. 

Le  chœur  et  la  nef  étaient  placés  sur  la  même  ligne. 

Les  murs  latéraux  de  la  nef,  que  recouvrait  un  crépi 
ancien,  étaient  construits  en  blocage  et  dépourvus  de  contre- 
forts. Le  mur  septentrional  offrait  une  fenêtre  carrée ,  du 
XVIe.  siècle  ,  et  une  fenêtre  sans  caractère. 

La  principale  entrée  était  au  nord.  La  porte,  à  plein- 
cintre  ,  entourée  d'un  tore  du  XVIe.  siècle ,  était  précédée 
d'un  porche  en  bois,  d'une  certaine  importance,  qui  fut 
fermé  et  transformé  en  chapelle  des  fonts  vers  1840. 

Une  petite  statue  en  pierre  ,  représentant  sainte  Cécile , 
était  posée  sur  un  cul-de-lampe ,  au-dessus  de  la  porte ,  à 
l'extérieur  de  l'édifice. 

On  apercevait,  à  gauche  de  cette  porte,  les  vestiges  d'une 
arcade  à  plein-cintre  (probablement  romane)  qui  donnait 
anciennement  accès  dans  la  nef. 

Il  n'y  avait  jamais  eu  d'ouverture  à  l'occident.  La  porte 
qui  donnait  accès  dans  la  nef  était  moderne  :  elle  avait  été 
ouverte  en  1840. 

Vers  l'une  des  extrémités  du  mur  méridional  on  apercevait 

(1)  Notes  de  M.  Pannier, 


174  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

une  très-petite  ouverture  à  plein-cintre,  romane,  presque  aussi 
large  que  haute,  dont  les  bords  étaient  simplement  taillés  en 
chanfrein  ou  biseau.  Elle  était  fermée  par  une  vitre  épaisse  , 
appelée  œil-de-bœuf. 

Le  chœur  ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  ne  faisait  point 
retraite  sur  la  nef.  Le  mur  septentrional ,  construit  en  blo- 
cage ,  paraissait  dater  du  XIIIe.  siècle.  L'un  des  contreforts, 
engagé  en  partie  dans  le  mur  de  la  sacristie ,  avait  été  élevé 
à  la  même  époque.  Un  autre  contrefort ,  placé  à  l'extrémité 
occidentale,  datait,  comme  ceux  du  chevet,  du  XVe.  siècle. 
Une  ouverture  en  forme  de  lancette  était  pratiquée  dans  ce 
mur.  Cette  fenêtre ,  qui  était  ébrasée  à  l'intérieur ,  mesurait 
90  centimètres  de  hauteur  sur  20  de  largeur.  Le  mur  méri- 
dional avait  été  reconstruit  entièrement  au  XVe.  siècle.  Près 
de  l'angle  s'élevait  un  contrefort.  Les  deux  fenêtres  qui  éclai- 
raient le  chœur  de  ce  côté  affectaient  la  forme  ogivale  ;  elles 
étaient,  du  reste,  dépourvues  de  tout  caractère  architectural. 

Des  contreforts  du  XVe.  siècle  soutenaient ,  comme  nous 
l'avons  dit,  le  chevet  qui  était  droit, 

Un  petit  clocher  en  charpente  s'élevait  au-dessus  du  gable 
occidental.  La  croix  en  fer  qui  couronnait  la  pyramide 
paraissait  ancienne.  Les  croisillons  se  terminaient  par  des 
fleurs  de  lis.  Ce  clocher  contenait  une  cloche  qui  offre  l'in- 
scription suivante  : 

f  j'AY  ÉTÉ  BÉNIE  PAR  Me.  CHARLES-JACQUES  BOUSSELIN  CURÉ  DE  BEUVIL- 
LEBS  ET  NOMMÉE  MARIE  Se-CÉCILE  PAR  Mr.  PIERRE  BRUNOT  EMMANUEL 
ESTIÈVRE  MARQUIS  DE  TRÉMAUV1LLE  ET  MADAME  MARIE  CLAUDE  DE  GRIEU, 
SON  ÉPOUSC,  DEMEURANTS  A  PARIS  EN  LEUR  HÔTEL  PLACE  DU  PALAIS  BOURBON 
N°.  85  A  PARIS,  ANCIENS  SEIGNEURS  DE  BEUVILLERS.  M".  JEAN  BAPTISTE  LE 
CERF,  MAIRE,  ALEXANDRE  LIQUAIRE  SURNOMMÉ  DU  LONGPRÉ,  ADJOINT,  JEAN 
FRANÇOIS  PETIT  ET  De  ROSE  FOCET,  SON  ÉPOUSE,  JEAN  BAPTISTE  NICOLAS 
GUERBETTE  TOUS  PROPRIÉTAIRES  ET  MAMBRE  DU  CONSEIL  MUNICIPAL. 
LA   VILLETTE  DE  LISIEUX  m'a  FAITE    1816. 

La  charpente  de  la  voûte,  en  forme  de  berceau,  paraissait 


CANTON    DE    LISIEUX ,    lre.    SECTION.  175 

ancienne.  Afin  d'éviter  la  poussée  sur  le  sommet  des  murs, 
on  l'avait  établie  sur  blochets  ou  sabots,  les  chevrons  portant 
ferme.  Cette  voûte,  sans  entraits,  était  lambrissée  en  douves 
de  sapin. 

A  l'intérieur  comme  à  l'extérieur  de  l'édifice,  les  murs 
avaient  conservé  leur  litre  funèbre  couverte  d'écussons.  Ces 
blasons,  relevés  avec  soin  par  M.  Charles  Vasseur ,  étaient 
ceux  de  la  famille  de  Franqueville. 

Le  maître-autel ,  qui  était  l'un  des  plus  riches  de  l'an- 
cien diocèse  de  Lisieux,  attirait  les  regards  des  connais- 
seurs. 

Le  rétable  provenait  de  l'ancienne  église  de  St.-Pierre-de- 
Canteloup.  Il  avait  été  acheté  en  1847  pour  l'église  de  Beu- 
villers.  Ce  magnifique  rétable,  décoré  de  deux  colonnes  torses 
autour  desquelles  s'enroulaient  des  ceps  de  vigne  chargés  de 
grappes  de  raisin  ,  datait  du  règne  de  Louis  XIV.  Le  cadre 
qui  entourait  le  tableau  était  travaillé  à  jour  et  délicatement 
sculpté. 

Le  tabernacle,  œuvre  de  patience  et  de  goût,  avait  appar- 
tenu à  l'abbaye  de  St. -Désir  de  Lisieux.  Il  avait  été  donné 
à  l'ancienne  église  de  St. -Désir  (  démolie  pendant  la  Révo- 
lution), par  Marie  de  Raveton  de  Chauvigny ,  abbesse  du 
monastère  des  Bénédictines  (1599-1634). 

Ce  tabernacle,  de  forme  hexagone,  offrait  deux  étages.  Le 
premier  étage  était  décoré  de  cinq  niches,  séparées  par  de 
légères  colonnettes  accouplées,  détachées  du  pavillon  et  pla- 
cées sur  les  angles.  Les  statuettes  renfermées  dans  ces  niches 
étaient  :  le  Sauveur  du  monde,  saint  Pierre,  saint  Paul,  saint 
Benoît  et  sainte  Scholastique.  Le  second  étage,  formant  cou- 
ronnement ,  présentait  un  dôme  imbriqué,  surmonté  d'un 
lanternon  à  jour,  sur  le  sommet  duquel  était  posée  une  sta- 
tuette représentant  le  Christ  tenant  une  croix  de  Résurrec- 
tion. Ce  genre  d'amortissement  est   assez  rare.    Les  taberna- 


176  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

des  de  cette  époque  se  terminent  ordinairement  par  une  croix 
faite  au  tour,  appelée  avellane. 

Les  deux  gradins  étaient  couverts  d'arabesques  en  relief, 
interrompues  par  un  blason  placé  au-dessous  du  tabernacle. 
Cet  écusson  était  celui  de  l'abbesse  qui  avait  fait  exécuter  ce 
beau  travail. 

Le  tabernacle  que  nous  venons  de  décrire  avait  pour  com- 
plément une  jolie  garniture  de  candélabres  en  bois  tourné, 
avec  torchères. 

Nous  aurions  vu  avec  plaisir  ce  tabernacle  replacé  dans 
la  nouvelle  église ,  dont  il  aurait  été  le  plus  bel  ornement. 
.  Le  tombeau ,  de  forme  carrée  ,  était  garni  autrefois  d'un 
parement  en  étoffe. 

De  chaque  côté  du  maître-autel  étaient  placées  deux  an- 
ciennes statues.  L'une,  en  pierre ,  représentant  sainte  Cécile, 
paraissait  dater  du  XVe.  siècle  ;  l'autre ,  en  bois ,  de  sainte 
Radégonde  ,  artistement  sculptée  ,  datait  du  règne  de 
Louis  XIII. 

Cinq  pierres  tombales  se  voyaient  dans  le  chœur.  Une 
seule  avait  conservé  ,  en  partie  ,  son  inscription  gothique  : 

.   .   .  GDsmont    eit    son    muant   seigneur    î>e    iïlaltcorne  ,    $eufuiller  , 

Jtlillouct-le~i3as   et  Sainct-dÊermain    be  JUaroles  qui  ùkèùa  le  X§2 

^'octobre  mil  cinq  cens  ££3 

Les  squelettes  de  ce  seigneurel  de  sa  femme  étaient  re- 
présentés et  gravés  au  trait  sur  la  pierre.  Dans  les  angles 
supérieurs  étaient  placés  leurs  blasons  :  d'Osmont  ;  de  gueules 
au  vol  d'hermines. 

Au  milieu  du  chœur  apparaissait  une  pierre  tumulaire , 
dont  la  face  principale  était  tournée  contre  terre.  La  grande 
épaisseur  de  cette  pierre ,  qui  était  en  schiste  noir  imitant 
le  marbre ,  nous  porte  à  croire  qu'elle  était  ornée  de  l'effigie 


CANTON   DE  LIS1EUX,    lre.    SECTION.  177 

en  haut-relief  du  personnage  qu'elle  recouvrait,  et  qu'elle 
aura  été  retournée. 

Le  chœur  était  fermé  par  deux  petits  autels  sans  rétable. 

Celui  de  droite  (côté  de  l'épître)  était  surmonté  d'une 
ancienne  statue  en  pierre,  dorée  et  miniaturée,  représentant 
sainte  Anne. 

L'autel  placé  du  côté  de  l'évangile  était  couronné  d'une 
statue,  également  miniaturée,  représentant  la  Sainte-Vierge. 
Ces  deux  statues ,  que  nous  avons  remarquées  au  milieu  des 
décombres ,  lorsqu'on  a  démoli  la  vieille  église ,  nous  ont 
paru  d'une  bonne  exécution. 

Ces  deux  petits  autels ,  placés  de  chaque  côté  de  l'arc 
triomphal,  n'avaient  qu'un  gradin,  sur  lequel  étaient  posées 
les  statues  dont  nous  venons  de  parler.  Sur  le  milieu  d'un 
de  ces  gradins,  ornés  de  petits  tableaux  en  forme  de  médaillon, 
on  lisait  : 

CB   SACRAIRE    A    ESTÉ   DONNÉ    PAR 

MATSTRE    NICOLLAS    SCOT    PBRE    CVRÉ 

DE    CHA(m)PSERIS    ET    RACLETTE 

MALAIS   SA    MÈRE.    1640. 

A  côté  de  l'un  de  ces  autels  était  placé  un  petit  chandelier 
en  cuivre  ,  de  20  centimètres  environ  de  hauteur ,  qui  offre 
une  grande  ressemblance  avec  un  chandelier  de  même  métal, 
gallo-romain  ,  découvert ,  il  y  a  quelques  années  ,  à  Lisieux  , 
dans  les  fondations  d'une  maison  appartenant  à  la  commu- 
nauté de  la  Providence.  Près  de  ce  dernier  chandelier ,  dont 
l'origine  ne  saurait  être  contestée,  on  a  trouvé  plusieurs 
fragments  de  briques  romaines.  Le  chandelier  de  Beuvillers 
ne  paraît  pas  remonter  au-delà  du  XIIe.  siècle. 

Entre  ces  deux  autels  s'élevait ,  comme  nous  l'avons  dit , 
l'arc  triomphal ,  qui  était  en  bois  peint. 

Cet  arc  ,  qui  datait  du  même  temps  que  les  autels ,  était 

12 


178         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

surmonté  de  l'effigie  du  Christ,  qu'accompagnaient  les  sta- 
tues de  saint  Jean  et  de  la  Sainte- Vierge.  Deux  urnes, 
de  même  style ,  répondaient  aux  piliers  sur  lesquels  il 
reposait. 

Tout  cet  ensemble ,  plein  d'harmonie ,  qui  rappelait  la  dis- 
position des  anciens  jubés,  était  très-religieux  et  d'un  effet 
saisissant. 

Sous  le  porche,  qui  avait  été  converti,  comme  nous  l'avons 
dit,  en  chapelle,  on  remarquait  les  fonts  de  l'ancienne  église 
de  St.-Hippolyte-du-Bout-des-Prés,  qui  a  été  démolie  en 
1832  ou  1833. 

On  voyait  aussi  dans  la  même  chapelle  deux  statues  en 
bois  (saint  Jean  et  la  Sainte- Vierge )  qui  provenaient  de  la 
chapelle  du  château  de  St.-Hippolyte. 

La  nouvelle  église,  placée  un  peu  plus  bas  que  l'ancienne, 
ne  présente  aucun  intérêt  à  l'archéologue. 

L'église  de  Beuvillers  était  placée  sous  l'invocation  de 
sainte  Cécile. 

Le  patronage  appartenait  au  Chapitre  de  la  cathédrale. 

Beuvillers  faisait  partie  de  l'élection  de  Lisieux  et  comptait 
quarante  feux. 

Château.  —  Il  ne  reste  plus  de  l'ancien  manoir  féodal  de 
Beuvillers,  qui  s'élevait  au  fond  de  la  vallée,  qu'une  poterne 
flanquée  de  deux  tourelles,  d'un  effet  très-pittoresque. 

Cette  délicieuse  tête  de  pont,  dont  M.  Bouet,  membre  de 
la  Société  française  d'archéologie,  a  fait  un  charmant  dessin, 
est  accompagnée  d'un  pan  de  mur  en  brique  percé  de  meur- 
trières. 

«  Le  rez-de-chaussée,  dit  M.   Raymond  Bordeaux   (1), 

(1)  Compte-rendu  d'une  excursion  faite  dans  la  vallée  d'Orbec  en 
1850. 


CANTON   DE   L1SIEUX,    lre.    SECTION.  179 

«  auquel  nous  empruntons  les  lignes  suivantes ,  est  bâti  en 
«  damier  de  pierres  et  de  briques  alternativement  rouges  et 


«  vertes;  le  premier  étage  est  en  bois,  recouvert  d'essen tes 
<•  disposées  en  dessins  variés.  Un  escalier  à  vis,  contenu 
«  dans  l'une  des  tourelles ,  mène  dans  une  chambre  haute 
«  placée  au-dessus  de  la  porte  ,  où  existe ,  à  peu  près  com- 
«  plet,  un  superbe  pavage  en  carreaux  de  terre  cuite,  dont 
((  l'émail  jaune  et  vert  est  d'une  rare  fraîcheur  encore.  Des 
«  fleurons  de  la  Renaissance  décorent  chacun  de  ces  pavés , 
«  tous  semblables  de  dessins,  mais  tantôt  bruns  avec  des 
«  fleurons  verts,  tantôt  rouges  avec  des  fleurons  jaunes.  Ces 
«  pavés  sont  disposés  quatre  par  quatre  pour  composer  des 
«  rosaces ,  et  les  rosaces  alternent  de  manière  que  le  plan- 
«  cher  de  la  chambre  présente  un  échiquier  rouge  et  vert , 
«  couleurs  qui  se  remarquent  aussi  dans  l'appareil  de  lt 
«  maçonnerie. 

«  Ce  beau  pavage  ,  ajoute  M.  Bordeaux ,  dans  ce  langage 


180  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

«  pittoresque  et  coloré  qui  donne  un  si  grand  charme  au 
«  récit ,  est  couvert  de  décombres  et  la  chambre  est  ouverte 
«  à  tous  venants.  Le  grand  toit  du  pavillon  s'effondre  triste- 
«  ment;  les  flèches  coniques  des  tourelles  laissent  déjà  entre- 
«  voir  leurs  chevrons  noircis  par  la  pluie.  » 

Nous  ajouterons,  pour  compléter  le  tableau,  que  la 
lucarne  qui  surmonte  le  toit  de  la  poterne  était  couronnée 
d'un  bel  épi  vernissé  en  terre  du  Pré-d'Auge.  Les  jolis  pavés 
émaillés  décrits  par  M.  Bordeaux  provenaient  de  la  même 
fabrique,  dont  nous  parlerons  à  l'article  Pré-d'Auge. 

Le  fief  de  Beuvillers  relevait  du  comté  de  Lisieux. 

On  trouve  dans  les  Rôles  de  l'Échiquier  de  Normandie  : 
Wido  de  Boviler,  en  1180  ;  Robert  de  Busviler,  en  1195; 
Robert  Cardon  de  Bueviler  ,  même  année. 

Nous  ignorons  les  noms  de  ceux  qui  possédèrent  ce  fief 
aux  XIIIe.,  XIVe.  et  XVe.  siècles. 

Au  XVIe.  siècle  ,  le  fief  de  Beuvillers  appartenait  à  la 
famille  d'Osmont. 

«  Le  premier  qu'on  trouve  en  possession  de  ce  fief ,  dit 
«  M.  Charles  Vasseur,  est  Robert  d'Osmont,  seigneur  de 
«  Beuvilliers  en  partie  et  de  Creully ,  qui  épousa  Alix  de 
<«  Bures.  Il  transmit  cette  terre  à  ses  descendants ,  qui  la 
«  conservèrent  pendant  plus  de  cent  ans.  Le  dernier  qui  la 
«  posséda  est  Guillaume  d'Osmont ,  chevalier ,  seigneur 
«  d'Aubry-le-Pantou  et  du  Mesnil-Froger,  qui  l'échangea, 
«  suivant  contrat  du  2  février  1640,  avec  Jean  Le  Michault, 
«  lequel  obtint,  cinq  ans  plus  tard,  des  lettres  de  noblesse  et 
«  le  titre  d'écuyer.  Il  avait  épousé,  en  1615,  Marguerite 
«  Parfait ,  fille  d'un  greffier  en  chef  de  l'élection  de  Paris. 
«  De  cette  union  naquirent  dix-huit  enfants ,  ainsi  que  le 
«  constate  une  généalogie  manuscrite.  L'aîné  des  garçons , 
«  Guillaume,  né  le  18  février  1621,  fut  seigneur  de  Beuvil- 
«  lers,   le  Val-Durand  et  Douville.    Malgré  sa    nombreuse 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    Ie.    SECTION.  181 

«  parenté,  il  n'eut  pour  héritière  que  Françoise  Le  Michaut, 
«  sa  sœur,  née  le  27  septembre  1630,  laquelle  avait  épousé, 
(•  en  1653,  Jacques  de  Franqueville,  écuyer,  sieur  de  La 
«  Vallée ,  fief  situé  à  Glos.   » 

La  famille  de  Franqueville  a  possédé  la  terre  de  Beu- 
villers  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe.  siècle.  Claude-Jean-Baptiste 
de  Franqueville  n'ayant  eu  qu'une  fille,  nommée  Marie- 
Françoise-Julie,  cette  terre  passa,  avec  la  baronnie  de  Mo- 
rainville,  le  Mesnil-sur-Blangy ,  Livet  et  La  Couyère,  dans 
les  mains  de  M.  Joseph  Laurens  de  Grieu  ,  chevalier  de 
l'ordre  royal  et  militaire  de  St. -Louis,  dont  la  fille,  Mine. 
Marie-Claude  de  Grieu,  épouse  de  M.  de  Frémauville,  est 
mentionnée  sur  la  cloche  dont  nous  avons  donné  l'inscription. 

A  une  certaine  époque,  le  fief  de  Beuvillers  avait  été  divisé. 
On  voit,  dans  un  acte  de  vente  du  28  mars  1589,  figurer  le 
nom  de  noble  homme  Nicolas  Filleul,  sieur  du  hauli  Bœuf- 
viller ,  demeurant  en  la  paroisse  du  dit  Bœufviller. 

Outre  le  Val-Durand  et  Douville ,  fiefs  déjà  mentionnés, 
qui  étaient  situés  sur  Beuvillers ,  M.  Vasseur  cite  encore  la 
Pinquelière  ou  Pigneterie.  Ce  fief  était  situé  au  fond  d'un 
petit  vallon  qui  aboutit  à  la  vallée  de  la  Touques,  en  face  le 
manoir  de  St.-Hippolyte. 

En  1666,  Guillaume  Labbé  était  seigneur  de  la  Pinque- 
lière. Il  fut  qualifié  ancien  noble  par  les  Commissaires. 

Au  fond  du  vallon  que  domine  l'église  s'élève  une  filature 
de  fil  et  un  établissement  de  lissage  à  la  mécanique  qui 
occupent  un  grand  nombre  d'ouvriers  et  animent  celte  riche 
et  pittoresque  vallée. 


182  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CANTON  DE    LISIEUX   (2e.  SECTION). 


LISIEUX  (t). 

Noviomagus  Lexoviorum  ,  Lixovium ,  Lixuvium,  Licso- 
vinum,  Lisovium,  Lisieux. 

La  ville  de  Lisieux ,  dont  nous  nous  proposons  de  décrire 
les  principaux  monuments ,  est  bâtie  au  confluent  de  la 
Touques  et  de  l'Orbiquet ,  dans  une  charmante  vallée  en- 
cadrée à  l'orient  et  au  couchant  par  de  riantes  collines. 

Époque  gauloise,  —  L'origine  de  cette  ville  remonte  à  une 
haute  antiquité.  Lisieux  doit,  comme  on  le  sait,  son  nom  à 
une  puissante  peuplade  gauloise  dont  parle  plusieurs  fois 
Jules-César  dans  ses  Commentaires.  Comme  toutes  les  cités 
de  la  Gaule,  elle  avait  son  sénat  et  son  chef  ou  magistrat  su- 
prême, nommé  vergobret.  Parmi  le  petit  nombre  de  monnaies 
en  bronze  que  nous  a  léguées  ce  peuple,  quelques-unes, 
frappées  au  type  de  Cisiambos  Cattos  vercobreto,  sont  fort 
rares.  L'une  de  ces  dernières  pièces,  remarquable  par  sa 
belle  conservation,  fait  partie  de  la  collection  de  M.  de 
Saulcy,  sénateur.  Elle  a  été  trouvée  dans  la  commune  de 
Gouy,  près  Pont-de- l'Arche,  en  1837.  Elle  porte,  d'un  côté  : 
simissos  publicos  lixovio  autour  d'une  roue  formée  de 
grenetis.  Au  revers  se  montre  un  aigle  éployé  avec  la  lé- 
gende :  cisiambos  cattos  vercobbeto.  Deux  autres  pièces 
semblables,  de  même  métal  et  de  même  module,  ont  été 
trouvées  en  18A2  ,  l'une  à  Vieux ,  près  de  Caen,  l'autre  aux 

(1)  Notes  par  M.   Pan  nier. 


CANTON    DE   LISIEUX,    2e.    SECTION.  183 

environs  de  St. -Pierre-sur-Dive  (probablement  à  Jort).  Les 
autres  pièces  ont  été  découvertes  à  Berthouville  (Eure),  il  y 
a  une  trentaine  d'années,  et  dans  les  dernières  fouilles  faites 
dans  cette  localité ,  au  mois  de  septembre  1861  ,  sous  la  di- 
rection de  M.  Le  Métayer- Masselin ,  membre  de  la  Société 
française  d'archéologie.  Aucune  médaille  au  type  de  Ci- 
siambos  Cattos,  ou  de  tout  autre  chef  lexovien,  n'a  été  trouvée 
à  Lisieux  ni  sur  le  plaleau  qui  domine  cette  ville  au  nord- 
ouest.  La  seule  pièce  découverte,  à  notre  connaissance,  aux 
environs  de  cette  ville ,  entre  Hermival  et  Fauguernon  ,  est 
un  quart  de  statère  d'or  de  l'époque  que  M.  Lambert ,  de 
Bayeux,  désigne  sous  le  nom  de  gallo-grecque.  Cette  pièce 
anépigraphe  ,  dit  le  savant  numismate  auquel  elle  a  été  sou- 
mise, offre  sur  le  droit  la  tête  d'Apollon-Bélénus  ;  sur  le  re- 
vers ,  le  bige  dirigé  par  un  aurige  tenant  de  la  main  droite  le 
stimulus  ou  fouet,  et  de  la  gauche  un  symbole  en  forme  de 
bonnet  hémisphérique  ;  à  l'exergue ,  un  méandre.  Cette  belle 
pièce  ,  qui  remonte  à  une  époque  bien  antérieure  à  la  con- 
quête des  Gaules ,  a  dû  être  frappée ,  ajoute  M.  Lambert , 
vers  l'an  200  avant  Jésus-Christ. 

Toutes  ces  découvertes,  qui  intéressent  à  un  haut  degré 
l'histoire  de  Lisieux,  trouvent  ici  naturellement  leur  place. 

On  ne  peut  déterminer  d'une  manière  certaine  la  position 
qu'occupait  l'ancienne  capitale  des  Lexovii  (Noviomagus 
Lexoviorum).  Le  conquérant  des  Gaules,  dans  ses  Commen- 
taires ,  s'est  borné  à  mentionner  l'existence  d'une  ville  im- 
portante qu'il  place  au  nombre  des  cités  armoriques,  c'est-à- 
dire  maritimes.  Il  nous  apprend  seulement  que  cette  ville 
était  ceinte  de  murs  et  gouvernée  par  un  sénat  (1).  La  phrase 
de  Strabon  ,  l'un  des  géographes  les  plus  célèbres  de  l'an- 
tiquité ,  n'est  pas  plus  explicite. 

(1)  Les  Lexovii,  comme  les  Éburovices,  égorgèrent  leurs  sénateurs, 


184  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Tout  le  pays  entre  la  Dive  et  la  Risle,  habité  par  les 
Lexovii,  fut  soumis,  l'an  56  avant  Jésus-Christ,  par  un 
des  lieutenants  de  Jules-César.  Quatre  ans  après ,  la  Gaule 
entière  se  souleva  contre  les  Romains  et  tenta  un  effort 
suprême,  afin  de  reconquérir  son  indépendance.  La  capitale 
des  Lexovii  s'unit  aux  cités  voisines  et  fournit  à  Vercingé- 
torix  un  contingent  de  trois  mille  hommes.  La  prise  d'Alise 
mit  fin  à  cette  lutte  nationale. 

Époque  gallo-romaine.  —  Lors  de  la  division  de  la  Gaule 
en  quatre  provinces ,  sous  le  règne  d'Auguste ,  le  territoire 
occupé  par  les  Lexovii  fut  compris  dans  la  province  Lyon- 
naise. L'an  12  avant  Jésus-Christ,  Noviomagus  fit  partie  des 
soixante  cités  qui  élevèrent  en  commun  le  fameux  autel  de 
Lyon  en  l'honneur  de  Rome  et  de  l'empereur  Auguste. 

Sous  Dioclétien,  la  province  Lyonnaise  ayant  été  divisée  en 
deux  parties,  Noviomagus  fut  compris  dans  la  seconde 
Lyonnaise,  dont  Rouen  (Rothomagus)  devint  la  métropole. 

Vers  le  IVe.  siècle  après  Jésus-Christ ,  Lisieux ,  comme  les 
autres  villes  de  la  Gaule,  perdit  son  ancien  nom.  Dans  la 
Notice  des  provinces  de  l'Empire,  rédigée  sous  le  règne 
d'Honorius,  elle  est  appelée  Civitas  Lexoviorum. 

On  ne  peut  assigner  une  date  précise  à  la  destruction  de 
cette  ancienne  cité.  Il  est  probable  qu'elle  fut  entièrement 
détruite  vers  la  fin  du  IVe.  siècle,  lors  de  la  dernière  invasion 
des  Saxons ,  en  383.  Les  médailles  les  moins  anciennes  qui 
ont  été  recueillies  portent  l'effigie  de  l'empereur  Gratien  (1). 


qui  avaient  refusé  de  seconder  le  mouvement  national,  et  fermèrent  les 
portes  de  leur  ville  :  senatu  suo  interfecto,  portas  clauserunt. 

(i)  La  cité  des  Lexovii  n'est  pas  indiquée  dans  la  fameuse  Table  to- 
pographique de  l'Empire  romain,  connue  sous  le  nom  de  Carte  de  Peu- 
tinger. 


CANTON    DE    LISiEUX  ,    2e,    SECTION.  185 

Roules  stratégiques.  —  Sous  la  domination  romaine  ,  Li- 
sieux  était  une  ville  considérable.  Plusieurs  chaussées  ou 
routes  stratégiques  partaient  de  son  enceinte  et  rayonnaient 
dans  toutes  les  directions.  L'une  de  ces  routes  se  dirigeait 
sur  Lillebonne  (Juliobona) ,  dont  les  belles  ruines  romaines 
attestent  l'ancienne  importance  ,  et  traversait  Brionne  ( Bre- 
viodurum).  Une  autre  chaussée  ,  moins  large  et  secondaire  , 
conduisait  à  la  même  ville  par  Hermival  (  Hermis-Valtum) 
et  Pont-Audemer.  Une  troisième  route  stratégique ,  dont 
parle  l'Itinéraire  d'Antonin,  se  dirigeait  sur  Condate  (Condé- 
sur-Ilon  ). 

Camp  romain  du  Casteltier.  —  Un  vaste  camp,  nommé 
le  Casteltier,  dont  il  reste  encore  quelques  retranchements 
bien  accusés ,  occupait  un  large  plateau  ,  situé  à  3  kilomètres 
au  sud-ouest  de  la  ville  actuelle.  Ce  camp,  dont  un  plan 
exact  a  été  publié  (1),  domine  plusieurs  vallons.  Il  était  des- 
tiné ,  soit  à  surveiller  la  ville  nouvellement  conquise  et  à 
tenir  en  respect  les  habitants,  toujours  prêts  à  se  soulever, 
ou  bien  à  servir  de  refuge  pendant  l'hiver  aux  légions  ro- 
maines (2).  L'enceinte  de  ce  camp  porte  encore  le  nom  de 
CasieUicr ,  et  une  ferme  voisine  est  désignée  sur  la  Carte  de 
Cassini  sous  la  dénomination  de  Porte-du-Castcllier. 

Danville  plaçait  à  Lisieux  même  le  JSoviomagus  Lexoviomm. 
Les  nombreuses  antiquités  romaines  découvertes ,  depuis 
plusieurs  années,  sur  différents  points  de  la  ville  (briques  et 
tuiles  à  rebords,  marbres,  fragments  de  colonnes  ,  poteries 
et  statuettes  en  terre  cuite,  médailles,  etc.)  nous  portent  à 
admettre ,  en  la  modifiant ,  l'opinion  émise  par  le  célèbre 

(1)  Cours  d'antiquités  monumentales,  t.  II,  p.  322. 

(2)  •  Caesar  exercilum  reduxit  et  in  Aulercis  Lexoviisque,  re- 

liquis  item  civitalibus  quie  proxime  bellum  fecerant  in  hibernis  coJlo- 
cavit.  »  (Lib.  III.) 


1  80  STATISTIQUE   MON  L  Ai  ENTA  \M  DU   CALVADOS. 

géographe.  La  cité  romaine,  dont  M.  Hubert,  ingénieur  des 
ponls-et-chaussées,  a  découvert,  en  1770,  d'importants  vestiges 
à  2  kilomètres  au  nord-ouest  de  Lisieux ,  s'étendait  jusque 
dans  la  vallée  et  sur  le  versant  oriental,  La  ville  du  moyen-âge 
est  assise  sur  des  ruines  romaines.  La  découverte  d'un  vaste 
cimetière  gallo-romain  (1) ,  au  nord  de  la  ville,  sur  le  bord 
d'une  ancienne  chaussée  ou  voie  romaine  qui  a  transmis  son 
nom  à  une  rue  voisine,  donne  un  grand  poids  à  notre  asser- 
tion. Ce  cimetière,  placé  dans  la  vallée,  s'étendait  jusque  sur 
le  versant  du  coteau  qui  domine  à  l'orient  le  Grand-Jardin  (2). 
Une  large  tranchée  pratiquée  en  1861 ,  pour  l'ouverture 
d'une  rue,  a  mis  à  découvert  un  cippe  gallo-romain  bien 
conservé  (  Voir  la  page  187  ),  ainsi  que  de  nombreux  vases, 
dont  trois  ,  ornés  de  rinceaux  ,  ont  conservé  en  partie 
leur  couverte  métallique  (Voir  les  pages  188, 189  et  190)  ; 
des  agrafes  ou  fibules  ,  etc. ,  etc.  (3). 

Le  cadre  restreint  de  la  Statistique  ne  nous  permet  pas 
d'entrer  dans  de  longs  détails  sur  les  importantes  découvertes 
qui  eurent  lieu  en  1770.  On  pourra  consulter  le  Mémoire  de 
M.  Mongez,  membre  de  l'Institut,  publié  dans  Y  Histoire  de 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Leur  es,  t.  V,  p.  73  , 
et  V Histoire  de  Lisieux  par  M.  Louis  Dubois  (  Ier.  volume , 
pages  58  et  suivantes  ).  Un  plan  accompagne  le  texte.  Nous 
dirons  seulement  que  les  fouilles  ont  mis  à  découvert  les  ves- 

(1)  Les  urnes  funéraires  provenant  des  fouilles  faites,  en  1846,  dans 
le  Grand-Jardin,  sous  la  direction  de  M.  Fauque,  préposé  en  chef  de 
l'Octroi,  sont  déposées  au  musée  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Nor- 
mandie. 

(2)  On  peut  consulter,  sur  cette  découverte,  une  notice  publiée 
dans  le  Bulletin  monumental ,  t.  VIII,  p.  201  et  suivantes.  Cette 
notice  est  accompagnée  de  nombreux  dessins. 

(3)  Les  principaux  objets  provenant  de  cette  découverte  sont  déposés 
au  musée  de  la  Société  française  d'archéologie. 


4^ 


^ 


P^, 


188  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


CH.DIETRiCH 


CANTON  DE  LIST  EUX  ,    T.    SECTION. 


189 


190  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CANTON   DE  I.1SÎEUX,   T.    SECTION.  191 

tiges  d'un  vaste  édifice  qui ,  d'après  les  marbres  précieux 
dont  il  était  orné  ,  devait  être  consacré  au  culte  ou  à  la  rési- 
dence des  magistrats.  Cet  édifice  était  situé  au  centre  d'une 
grande  place  à  laquelle  aboutissaient  plusieurs  rues,  de  10  à 
1 5  mètres  de  largeur. 

La  ferme  des  Tour  eues  t  près  de  laquelle  les  fouilles  dont 
nous  venons  de  parler  ont  été  faites ,  a  pris  son  nom ,  d'après 
Danville,  d'un  pilier  qui  était  encore  debout  en  1770  (1).  Ce 
pilier  avait  U  mètres  de  hauteur  et  3  mètres  de  largeur  sur 
chaque  face;  il  était  construit  en  caillou  et  revêtu  en  brique. 
M,  Hubert  a  découvert  les  fondations  d'un  autre  pilier,  placé 
à  U  mètres  du  premier. 

Le  champ  Fenèbre  ou  funèbre ,  que  nous  ne  faisons  que 
mentionner,  a  un  nom  très-significatif. 

En  1818,  M.  Louis  Dubois  a  découvert,  en-deçà  des 
ruines  mentionnées  ci-dessus ,  un  théâtre  romain  dont  la 
forme  est  parfaitement  accusée.  On  voit  encore  la  place 
qu'occupaient  les  gradins,  aujourd'hui  couverts  de  gazon, 
l'emplacement  de  la  scène  et  l'entrée  principale,  qui  était  si- 
tuée au  nord-ouest.  Il  existe  encore,  au  nord-est,  au  fond 
d'un  ravin  ,  plusieurs  parts  de  murs  construits  en  petit  appa- 
reil régulier,  avec  chaînes  horizontales  de  larges  briques 
(  Voir  la  page  suivante  ). 

Une  jolie  petite  main ,  en  marbre  blanc ,  tenant  un  frag- 
ment d'arc,  a  été  trouvée,  en  1822,  dans  le  Champ-Loquet. 
Cette  main  faisait  probablement  partie  d'une  ancienne  statue 
de  Diane  ou  d'Apollon.  M.  Louis  Dubois  a  recueilli ,  dans  le 
même  champ,  un  morceau  de  marbre  blanc  de  Carrare  très- 

(1)  Selon  M.  Louis  Dubois,  ce  nom  de  Toureties  viendrait  d'anciens 
débris  de  tours  ou  de  fortifications  qui  auraient  survécu  à  la  destruc- 
tion du  Neomagus.  Nous  ne  pouvons  admettre  cette  dernière  élymo- 
logie.  Il  n'est  pas  probable  qu'une  enceinte  aussi  considérable  que 
celle  de  Noviomagus  fût  protégée  par  des  murs. 


192  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


CANTON    DE    LISILUX ,    2e.    SECTION.  193 

bien  doré,  détaché  dune  draperie  de  statue.  C'est,  du  reste, 
dans  le  Champ-Loquet  que  les  découvertes  les  plus  intéres- 
santes ont  été  faites.  Outre  les  médailles  en  or,  en  ar- 
gent et  en  bronze ,  appartenant  au  Haut-Empire ,  que  le  sol 
recelait ,  on  a  trouvé  un  grand  nombre  de  morceaux  de 
marbres  précieux  ,  du  porphyre ,  de  l'ophite ,  provenant  de 
l'Egypte  ou  de  la  Grèce,  des  fragments  de  corniche  en  grès 
rose  micacé,  etc. ,  etc. 

La  roule  du  Prédauge  traverse  l'emplacement  de  l'an- 
cienne cité  des  Lexovii ,  découvert  par  l'ingénieur  Hubert. 
En  ouvrant  celte  nouvelle  voie  de  communication  ,  on  a  mis 
à  découvert  plusieurs  aires  d'habitations  en  ciment  et  des 
fragments  de  colonnes  qui  ont  été  dessinés  par  i\J.  Bouet, 
membre  de  la  Société  française  d'archéologie  (1);  on  a  aussi 
trouvé  plusieurs  médailles  romaines,  entr'aulres  un  grand- 
bronze  de  Posthume. 

Parmi  les  découvertes  les  plus  récentes ,  nous  citerons  une 
belle  statuette  en  bronze,  malheureusement  mutilée,  repré- 
sentant Atlas  portant  le  ciel  sur  ses  épaules.  Cette  statuette  , 
dont  la  tête,  parfaitement  conservée,  rappelle  le  type  des  em- 
pereurs romains,  mesure  46  centimètres  de  hauteur.  Elle  a 
été  trouvée  en  creusant  un  fossé  destiné  à  amener  les  eaux 
d'un  canal  de  décharge,  qui  joint  les  deux  rivières  d'Orbec 
et  de  Touques ,  dans  un  réservoir  placé  près  de  la  pompe  à 
feu  d'un  de  ces  nombreux  établissements  industriels  qui 
s'élèvent  au  midi  de  la  ville  moderne. 

Les  nombreux  fragments  de  poterie  rouge ,  couverts  de 
dessins  variés ,  que  l'on  a  retirés  de  la  rivière  à  l'ouest  de  la 
ville,  atteslenl  le  degré  de  perfection  qu'avait  atteint  l'arl  cé- 
ramique chez  les  Gallo-Romains.  Plusieurs  fragments  en 
terre  samienne,  qui  composait  la  poterie  de   luxe  d'alors, 

(1)  Voir  le  BuUelin  monumental. 

13 


194  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

portent  la  marque  de  quelques  potiers,  entr'aulres  celle  de 
cosaxtis,  que  nous  ne  trouvons  sur  aucune  des  listes  pu- 
bliées jusqu'à  ce  jour.  Sur  la  panse  d'un  de  ces  vases  ,  on  lit 
le  nom  lisovii(ensis)  ,  qui  indique  une  industrie  locale  (1). 
Le  potier  qui  a  façonné  ce  vase,  d'une  grande  richesse  de 
dessin,  était  probablement  natif  de  Noviomagus ,  ou  bien  il 
avait  dans  cette  cité  son  principal  établissement. 

Nous  avons  cru  devoir  rappeler  toutes  ces  découvertes , 
qui  attestent  l'importance  de  l'ancien  Lisieux  ,  qui  occupait , 
comme  on  sait,  un  rang  distingué  parmi  les  cités  de  la  Gaule. 

Époque  franque.  —  L'histoire  locale  est  à  peu  près  muette 
sur  cette  époque.  Les  seuls  monuments  qui  nous  restent  sont 
les  monnaies.  Il  existe  deux  exemplaires  seulement  d'une 
pièce  en  or  appartenant  à  l'époque  mérovingienne,  laquelle 
porte  pour  légende  :  lixvvios,  et  au  revers  :  dvtta  moneta. 
Cette  pièce ,  dont  le  profil  est  à  demi  barbare,  fait  partie  de 
la  collection  de  M.  le  vicomte  Damecourt.  L'autre  exem- 
plaire figure  dans  le  catalogue  des  monnaies  françaises  de  la 
collection  Rousseau  ,  publié  en  1861. 

Sous  le  règne  de  Charles-le-Chauve  (840-877)  le  nombre 
des  ateliers  monétaires  s'élevait  à  cent  vingt  environ.  Les  de- 
niers d'argent  frappés  à  Lisieux  portent  :  lixovivs  ci  (vis). 

La  collection  Rousseau  offrait  un  très-beau  denier  d'ar- 
gent ,  également  au  type  de  Charles-le-Chauve ,  avec  la  lé- 
gende :  LICSOVINI  CIVIT. 

Jusqu'au  temps  des  incursions  des  Normands  (IXe.  siècle), 


(d)  Il  existe  au  Prédauge,  près  de  Lisieux,  depuis  un  temps  immé- 
morial, une  fabrique  de  poterie,  aujourd'hui  bien  dégénérée,  dont  les 
produits,  très-recherchés  aux  XVIe.  et  XVIIe.  siècles,  rivalisaient,  par 
l'éclat  du  coloris  et  la  composition  gracieuse,  avec  les  magnifiques 
faïences  de  Bernard  Palissy. 


CANTON    DE   MSI  EUX  ,    T.    SECTION.  195 

les  événements  qui  se  sont  accomplis  dans  notre  contrée  pré- 
sentent peu  d'intérêt.  Les  faits  postérieurs  à  la  conquête  de 
cette  partie  de  la  Neustrie  qui,  depuis,  porta  le  nom  de  Nor- 
mandie ,  étant  du  domaine  de  l'histoire  proprement  dite  et 
ne  pouvant,  par  conséquent,  entrer  dans  la  Statistique  mo- 
numentale, nous  les  passerons  sous  silence. 

FORTIFICATIONS. 

Tout  porte  à  croire  que,  pour  résister  aux  invasions  bar- 
bares, les  habitants  gallo-romains  de  Lisieux  s'étaient  bâti  un 
castrum  dans  quelque  partie  de  leur  vaste  cité.  Mais,  moins 
heureuse  que  Rouen,  Évreux,  Le  Mans  et  tant  d'autres  loca- 
lités de  la  Gaule ,  dont  on  peut  suivre  encore  et  reconstituer 
les  anciennes  enceintes ,  notre  ville  n'a  pas  conservé  un  seul 
vestige  propre  à  servir  de  point  de  départ  pour  une  telle 
étude.  Il  paraît  logique,  cependant,  de  chercher  cette  pre- 
mière fortification  dans  les  quartiers  anciens  de  la  ville  ac- 
tuelle, et  j'ai  essayé  de  le  démontrer  par  un  mémoire  publié, 
en  1860,  dans  le  Bulletin  monumental. 

Peu  à  peu  cette  première  enceinte  s'est  dilatée  ,  enclavant 
à  chaque  siècle  des  terrains  nouveaux,  et,  au  moyen-âge,  Li- 
sieux était  une  place  de  guerre  d'une  certaine  importance. 
Peut-être  sa  force  consistait- elle  plutôt  dans  son  assiette,  au 
confluent  de  deux  cours  d'eau,  que  dans  les  travaux  d'art, 
dont  on  ne  retrouve  aucun  reste. 

L'évêque  Herbert,  qui  occupa  le  siège  épiscopal  de  Lisieux 
de  1026  à  1050  ,  avait  fait  abattre  une  partie  des  murailles 
pour  construire  la  cathédrale.  Environ  soixante  ans  après , 
Jean  Ier.  fit  faire  une  nouvelle  enceinte.  Elle  était  nécessaire, 
car,  le  29  septembre  1136,  Geoffroy  d'Anjou  assiégeait  notre 
ville.  Orderic  Vital  a  raconté  en  détail  cet  événement,  dont  le 
résultat  fut  l'incendie  de  la  ville,  qui ,  toutefois,  ne  put  être 


196  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

prise  (1).  Ce  fut  seulement  en  11 41  qu'elle  fit  sa  soumission 
au  duc  d'Anjou. 

L'histoire  reste  muette  pendant  près  d'un  siècle. 

Philippe-Auguste ,  roi  de  France ,  entra  à  Lisieux  sans 
coup-férir  en  1203.  Après  un  nouveau  calme  de  cent  ans , 
les  invasions  anglaises  firent  retentir  le  clairon  dans  la  paci- 
fique cité  épiscopale.  Caen  pris,  en  1346,  le  roi  Edouard  oc- 
cupa la  ville  de  Lisieux  ,  abandonnée  par  tous  ses  habitants; 
mais  il  ne  la  conserva  pas.  Dix  ans  après,  la  guerre  prenant 
une  nouvelle  intensité,  Guillaume  Guittard,  alors  évêque,  se 
mit  sur  la  défensive  et  fit  la  plus  grande  diligence  pour  clore 
la  ville,  restée  probablement  démantelée  depuis  la  retraite  du 
roi  d'Angleterre.  Celte  fois  le  duc  de  Lancastre  commandait 
les  troupes  ennemies.  Il  tomba  sur  Lisieux  le  28  juin  1356 , 
et  la  garnison  ne  put  tenir.  Le  lendemain ,  le  général  anglais 
partait  pour  dégager  Pont-Audemer,  place  appartenant  au 
roi  de  Navarre ,  allié ,  comme  on  sait ,  des  ennemis  de  la 
France. 

Le  cardinal  Adhémar  Robert  obtint  de  Charles  V  une  sub- 
vention pour  réparer  les  fortifications  de  sa  ville  épiscopale. 
Ces  lettres-patentes,  datées  du  6  décembre  1374,  font  partie 
de  la  collection  Gaignières. 

Personne  n'ignore  combien  fut  désastreux  le  règne  de 
Charles  VI.  Lisieux  eut  sa  part  de  tribulations,  et,  en  1392, 
son  évoque  était  forcé  de  fuir  devant  les  fureurs  de  la  guerre. 

En  1407,  il  fut  permis  aux  habitants  d'avoir  une  garde 
dans  la  ville  pendant  qu'on  en  réparait  les  murs. 

Ces  travaux  aux  fortifications  n'empêchèrent  pas  la  place 
de  tomber  au  pouvoir  d'Henri  V  en  1417.  Les  Anglais  la 
conservèrent  jusqu'au  17  août  1449,  jour  auquel  les  géné- 

(1)  V.  l'édition  de  MM.  Le  Prévost  et  Léopold  Delîsle.  Paris,  4855. 
T.  V,  p.  09  et  70. 


CANTON   DE   LISIEUX,    2e.    SECTION.  197 

raux  de  Charles  VII  y  firent  leur  entrée,  à  la  suite  d'une  capi- 
tulation ménagée  par  Thomas  Basin.  «  Lisieux  n'avait  encore 
pour  défense  que  de  chétives  murailles,  sans  boulevards, 
presque  sans  fossés  (1).  » 

La  Ligue  du  bien  public  amena  encore  une  fois  des  ar- 
mées devant  Lisieux.  C'étaient  celles  de  Louis  XI,  qui,  après 
avoir  concédé  à  son  frère  le  duché  de  Normandie ,  courait 
derrière  lui  le  reprendre.  Il  intervint  encore  une  capitula- 
tion, signée  le  8  octobre  1665. 

Pendant  les  guerres  de  Religion,  Lisieux  fut  dans  une  agi- 
tation perpétuelle,  penchant  tantôt  pour  la  Ligue,  tantôt 
pour  les  Huguenots,  suivant  qu'elle  avait  pour  gouverneur  le 
maréchal  de  Fervaques  ou  le  sieur  de  Fumichon.  Durant  ce 
siècle  ,  des  travaux  continuels  furent  entrepris  aux  fortifica- 
tions ;  il  faudrait  un  volume  pour  en  donner  le  détail.  Ce- 
pendant Henri  IV,  qui  se  préparait  à  en  faire  vigoureusement 
le  siège,  resta  fort  étonné  de  voir  les  habitants  venir  lui  de- 
mander une  capitulation  trois  jours  après  son  arrivée  (janvier 
1590).  Et  pourtant,  si  Ton  en  croit  une  de  ses  lettres,  il 
n'avait  fait  s  tirer  le  canon  que  par  moquerie.  »  C'était  la 
plus  forte  place  tombée  en  son  pouvoir,  écrivait-il  à  la  com- 
tesse de  Grammont ,  du  camp  même  de  Lisieux  (2). 

Depuis  lors  notre  ville  n'eut  plus  besoin  de  déployer  son 
appareil  militaire.  Néanmoins  elle  a  conservé  ses  fortifications 
jusqu'au  commencement  de  ce  siècle. 

Les  murs  étaient  flanqués  de  dix-sept  tours  ,  sans  compter 
quatre  portes  :  la  porte  de  Paris  et  la  porte  d'Orbec,  démo- 
lies en  1808;  la  porte  de  la  Chaussée,  dont  la  destruction 
date  de  1797  ;  enfin  la  porte  de  Caen,  détruite  en  1798. 


(1)  Jules  Quichcrat,  Uist.  du   régne  de  Chartes  VU,  par  Thomas 
Basin,  t.  Ier.,  p.  xix. 

(2)  Berger  de  Xivrey,  Lettres  d'Henri  IV,  l.  III,  p.  122. 


198  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Les  remparts  ont  été  généralement  rasés  ou  réduits  à  la 
hauteur  d'un  mur  de  clôture  et  reparementés.  Cinq  tours 
existent  encore  :  quatre  sont  construites  en  moellon  et  en 
pierre  de  marne,  avec  ouvertures  carrées  et  meurtrières; 
elles  n'ont  ni  créneaux  ni  mâchicoulis  ;  des  hourds  de  hois 
devaient  leur  servir  de  couronnement.  Elles  datent  du  XVIe. 
siècle,  et  leur  caractère  architectonique  n'offre  rien  de  parti- 
culier. La  cinquième  est  un  édifice  vraiment  remarquable  : 
sa  construction  est  due  à  l'habile  maître-maçon  qui  nous  a 
laissé  St. -Jacques.  Commencée  en  H91  ,  les  voûtes  en  fu- 
rent faites  en  1510;  mais  les  assauts  qu'elle  a  subis  depuis 
ont  forcé  de  rétablir  le  parement  extérieur  à  une  époque  plus 
voisine  de  nous ,  ainsi  que  le  constate  l'inscription  suivante, 
placée  sous  la  corniche  : 

L'AN    •     4587    •     LE    •     8    •     DE CESTE   •     TOUR    •     A    •     ESTE  • 

COMMENCÉE    •     A     •     REFAIRE    .     ET     •     ENSUIVIE    •     A    •     LA    •     DILIGENCE» 

DE    .   HONESTES    .   HOM    .    IACQUES    •   MAUDUICT    •   Sr    •    DE    •    LA    •    ROZIERE  • 

LOUIS     •     LE    •     MARQUANT     •     JEHAN     •     DE     •     PAGNY     •     ET     •     NICOLAS* 

PIERRE   •  COSEILLERS    .  RORERT    •  ERMENOULT   •  ET    •  NICOLAS    •  LEFERURE  • 

MESNAGERS   • 

1587   • 

L'intérieur,  qui  fait  partie  de  l'œuvre  première,  est  divisé 
en  deux  étages  voûtés  (  Voir  la  page  suivante  ) ,  avec  an  s 
ogives ,  formerels  et  clefs  or- 
nées de  blasons.  L'un  de  ces 
blasons  porte  la  bande  chargée 
de  trois  sautoirs  du  cardinal 
Le  Veneur ,  qui  occupa  le 
siège  épiscopal  de  Lisieux  de 
1505  à  15^3.  Le  dessin  ci- 
joint  de  M.  Bouet  peut,  mieux 
qu'une  description ,  donner 
une  idée  de  l'ordonnance  de 


CANTON    PE   L1S1EUX,   2e.    SECTION. 


199 


200  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

cette    belle  tour  ,   autrefois  l'ornement  du    boulevard,  par 
malheur  actuellement  cachée  en  partie  par  une  usine. 

MONUMENTS   RELIGIEUX. 

Cathédrale.  —  On  ne  peut  préciser  l'époque  de  la  fon- 
dation de  l'évêché  de  Lisieux ,  qui  probablement  était  aussi 
ancien  que  les  autres  évêchés  normands.  Selon  le  P.  Longueval 
et  les  savants  auteurs  du  Gallia  christiana  ,  l'établissement 
de  cet  évêché  remonterait  au  IIIe.  ou  au  IVe.  siècle  (1).  L'an 
314,  saint  Lithare,  qualifié  évoque  de  Lisieux,  assistait  au 
concile  d'Arles. 

Selon  d'autres  historiens,  l'évêché  de  Lisieux  daterait  seu 
lement  du  VIe.  siècle.  L'an  511  ,  Litharède,  évêque  de 
Lisieux ,  prenait  part  au  premier  concile  d'Orléans.  D'après 
le  rituel  de  1661  ,  le  premier  prélat  qui  figure  dans  un  acte 
public  est  Theuodobald  ou  Thibaud ,  qui ,  en  538 ,  assista  au 
troisième  concile  d'Orléans. 

Les  nombreuses  invasions  de  barbares  ,  qui  eurent  lieu 
entre  les  années  314  et  511  ,  expliquent  la  lacune  qui  existe 
entre  ces  deux  dates. 

L'histoire  de  l'évêché  de  Lisieux,  qui  n'entre  pas,  comme  on 
sait,  dans  le  plan  de  cet  ouvrage,  se  lie  d'une  manière  intime 
avec  les  événements  politiques  qui  se  sont  accomplis  durant 
la  longue  période  qui  s'est  écoulée  jusqu'à  la  Révolution. 
Après  la  constitution  du  duché  de  Normandie,  en  912, 
Rollon  investit  l'évêque  de  Lisieux  de  l'autorité  temporelle, 
avec  le  titre  de  comte ,  transmissible  à  ses  successeurs  : 
a  C'est  l'époque,  »  dit  l'auteur  d'une  notice  sur  Lisieux,  pu- 

(1)  Lexoviensis  enim  religio  ïlbotomagensi  antiquitate  cur  cederel? 
Mirum  videri  non  débet  quod  episcopis  per  CCC  aut  C(XC  annos 
vacua  sil  sedes. 


GASTON   DE    USIEUX,    2e.    SECTION.  201  . 

bliée  dans  Y  Histoire  des  villes  de  France  ,  par  M.  Aristide 
Guilbert(L  V,  p.  574),  «  où  se  place  naturellement  cette 
invasion  du  spirituel  sur  le  temporel.  »  D'autres  historiens 
pensent  que  ce  titre,  qui,  du  reste,  est  fort  ancien  ,  fut  dé- 
cerné à  Herbert  par  Guillaume-le-Conquérant. 

C'est  ici  que  nous  placerons  une  ancienne  et  curieuse 
cérémonie  lout-à-fait  locale,  qui  avait  lieu  chaque  année,  le 
11  juin,  et  qui  fut  supprimée  à  l'époque  de  la  Révolution.  La 
veille  et  le  jour  de  la  fête  saint  Ursin  ,  l'évêque  de  Lisieux 
abandonnait  à  deux  chanoines  de  la  cathédrale  sa  juridiction 
temporelle.  Ces  deux  chanoines,  élus  par  le  Chapitre  et  re- 
vêtus d'un  surplis  avec  bouquets  de  fleurs  en  bandoulière  , 
allaient  à  cheval ,  précédés  de  vingt-cinq  hommes  bardés  de 
fer  et  armés  de  toutes  pièces ,  prendre  possession  des  portes 
de  la  ville.  Pendant  ces  deux  jours,  la  justice  criminelle  et 
civile ,  la  concession  des  bénéfices,  etc. ,  leur  appartenaient , 
à  la  condition  qu'ils  donneraient  à  chacun  de  leurs  con- 
frères un  pain  et  deux  pots  de  vin. 

On  a  découvert,  il  y  a  quelques  années,  dans  les  greniers 
de  l'Hôtel-de- Ville,  avec  deux  canons  en  fer  forgé  ,  les  plus 
anciens  et  les  plus  curieux  de  France  (aujourd'hui  placés 
au  musée  de  Rouen  )  ,  de  nombreux  débris  d'armures  parmi 
lesquels  on  remarquait  des  casques  couverts  de  gracieux 
rinceaux  de  la  Renaissance. 

La  première  église  élevée,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus 
haut,  à  la  fin  du  IIIe.  siècle  ou  dans  les  premières  années  du 
IVe.,  fut,  dit-on,  dédiée  à  la  Sainte- Vierge. 

Herbert,  qui  occupa  le  siège  épiscopal  de  Lisieux  depuis 
l'an  1022  jusqu'à  l'année  1049  ,  jeta  les  fondements  d'une 
vaste  cathédrale  (1),  qui  fut  terminée  par  Hugues  d'Eu,  son 

(i)  Ecclesiam  Sancti  Pétri  Lexoviensis  cœpi'  ardificarc,  sed  non  poluit 
consumraare  (G allia  christ.,  t.  XI ,  p.  766  ). 


'202  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

successeur,  et  consacrée  sous  le  titre  de  saint  Pierre,  prince  des 
Apôtres  (1).  Cette  antique  basilique,  dont  il  reste  encore 
quelques  vestiges  qui  attestent  son  importance ,  fut  détruite 
en  1136  par  un  incendie  qui  consuma  la  ville  entière. 

La  cathédrale  actuelle ,  que  nous  nous  proposons  de  dé- 
crire, fut  construite  en  grande  partie  par  les  soins  d'Arnoult, 
qui  occupa  le  siège  épiscopal  pendant  quarante  et  un  ans 
(1141-1182)  (2).  Elle  fut  agrandie  et  terminée  par  Jourdain 
du  Hommet ,  évêque  de  Lisieux,  qui  mourut  en  1218  (3). 

En  1226  ,  sous  Tépiscopat  de  Guillaume  du  Pont-de- 
l'Arche,  un  incendie  faillit  détruire  la  cathédrale  ou  du  moins 
compromettre  sa  solidité.  La  charpente  des  combles  fut 
seule  atteinte  par  les  flammes,  lesquelles  épargnèrent  l'édifice 
qui  était  très-solidement  construit.  Guillaume  du  Pont-de- 
l'Arche  entreprit  de  grands  travaux  pour  réparer  ce  dé- 
sastre (4).  Les  deux  chapelles  latérales  de  l'abside  sont  l'œuvre 
de  cet  évêque  ,  ainsi  que  l'atteste  la  différence  de  style 
entre  cette  partie  du  chœur  et  le  reste  de  l'édifice.  La  cha- 
pelle absidale ,  qui  termine  le  collatéral  sud ,  était ,  dans 
l'origine,  dédiée  à  saint  Ursin,  l'apôtre  des  Gaules,  qui 
devint  le  second  patron  du  diocèse.  Dans  les  fouilles  que  né- 
cessitèrent ces  travaux j  on  découvrit,  en  1233,  derrière  le 
maître-autel ,  les  ossements  de  ce  saint  avec  ceux  de  saint 
Patrice  et  de  saint  Bertivin.  Sur  une  petite  tablette,  en  marbre 
rouge  de  Vieux ,  était  gravée  une  inscription  L'auteur  des 
Vies  des  sain' s  patrons  du  diocèse  de  Lisieux,  l'abbé  Le- 
prevost,  nous  apprend  qu'on  renferma  ces  ossements  dans  une 
belle  châsse  en  argent  qui  fut  placée,  au  haut  du  chœur,  sur 
quatre  colonnes  en  bois  doré. 

(\)   Gatlia  christ.,  p.  768. 

(2)  Orderic  Vital ,  t.  IV. 

(3)  Gallia  christ,, kt.  XI,  p.  782. 
(A)  ld,,  p.  782. 


CANTON    Dli   LIS1EUX  ,    2e.    SECTION.  205 

Ce  fut  probablement  Guillaume  du  Pou t-de -l'Arche  qui 
fit  élever  les  deux  tours  qui  surmontent  le  portail  occidental. 
La  tour  méridionale  ,  à  l'exception  de  la  base  qui  est  an- 
cienne, fut  rebâtie  en  1579,  ainsi  que  l'atteste  une  inscrip- 
tion. 

En  1233,  sept  ans  après  l'incendie  dont  nous  avons  parlé, 
l'édifice  était  entièrement  construit.  Les  additions  posté- 
rieures ne  faisant  pas  partie  du  plan  primitif,  nous  les  pas- 
sons pour  le  moment  sous  silence. 

L'église  St. -Pierre,  classée  en  1860  au  nombre  des  monu- 
ments historiques,  d'après  les  plans  et  dessins  de  l'architecte 
Piel  (1) ,  et  grâce  à  la  puissante  intervention  de  M.  Guizot, 
alors  ministre  de  l'intérieur,  est  un  des  édifices  les  plus  re- 
marquables et  les  plus  complets  que  nous  ait  légués  l'époque 
de  transition  (XIIe.  siècle,  deuxième  moitié).  L'ogive,  encore 
vague  et  indécise ,  se  montre  dans  les  arcatures  du  triforium 
de  la  nef,  du  transept  et  des  deux  premières  travées  du 
chœur ,  et  dans  les  fenêtres  du  clérestory  ;  les  colonnes  , 
sveltes  et  élancées  ,  se  terminent  par  des  chapiteaux  garnis 
de  larges  feuilles  recourbées  en  volutes  ,  dont  l'ampleur  rap- 
pelle le  style  roman. 

Le  nom  de  l'architecte  qui  a  élevé  ce  magnifique  édifice 
n'est  pas  connu.  La  similitude  de  caractères  qui  existe  entre 
certaines  parties  de  l'église  St. -Pierre  et  les  cathédrales  de 
Sens  et  de  Cantorbéry  (Angleterre),  construites  vers  le  même 
temps  par  Guillaume  de  Sens ,  nous  portent  à  attribuer  à  cet 

(i)  Louis-Alexandre  Piel,  né  à  Lisieux  en  1807  ,  mort  au  couvent 
de  Bosco  (Piémont  )  en  1838,  est  un  des  premiers  architectes  qni  sa- 
luèrent avec  joie  la  renaissance  de  l'art  catholique  et  prirent  une  pmt 
active  au  mouvement  archéologique  qui  s'opéra  en  faveur  du  style 
ogival.  Il  venait  de  concourir  d'une  manière  brillante  pour  la  con- 
struction de  l'église  Sl.-Nicolas  de  Nantes  lorsqu'il  s'engagea  sous  la 
bannière  du  P.  Lucordaire,  dont  il  devint  un  des  plus  fervents  disciples. 


20&  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

habile  architecte  une  large  part  dans  la  construction  de  notre 
cathédrale. 

Comme  toutes  les  grandes  basiliques  qui  couvrent  encore 
la  surface  de  la  France  ,  l'église  St. -Pierre  de  Lisieux  pré- 
sente la  forme  d'une  croix  latine.  Elle  se  compose,  à  l'inté- 
rieur ,  d'une  longue  nef  avec  bas-côtés  accompagnés  de  cha- 
pelles, d'un  vaste  transept  dont  chaque  bras  est  flanqué,  à 
l'orient,  d'un  collatéral  ;  enfin,  d'un  chœur  avec  déambula- 
toire, autour  duquel  rayonnent  plusieurs  chapelles. 

La  longueur  totale  du  vaisseau ,  dans  œuvre ,  depuis  la 
porte  occidentale  jusqu'à  l'extrémité  de  la  chapelle  de  la 
Vierge,  est  de  110  mètres;  l'élévation  des  voûtes  princi- 
pales est  de  20  mètres  (la  hauteur  primitive  de  la  nef,  sous 
clef  de  voûte,  était  de  20  mètres  50  centimètres);  celle 
de  la  lanterne  qui  surmonte  Y inter transept  est  de  30  mètres  ; 
la  voûte  des  bas-côtés  s'élève  à  9  mètres  au-dessus  du  niveau 
du  sol. 

La  largeur  totale  de  l'édifice,  d'un  mur  à  l'autre,  non 
compris  les  chapelles ,  est  de  27  mètres  67  centimètres. 

La  nef  principale ,  du  centre  d'une  colonne  à  l'autre ,  me- 
sure 7  mètres. 

La  longueur  du  transept  est  de  38  mètres  78  centimètres  , 
et  sa  largeur  de  8  mètres  83  centimètres. 

Nef.  —  La  nef,  composée  de  huit  travées,  est  construite  d'un 
seul  jet.  C'est ,  selon  nous,  le  type  le  plus  pur  et  le  plus  gra- 
cieux de  cette  architecture  nouvelle  qui  marque  d'une  manière 
sensible  la  transition  du  plein-cintre  à  l'ogive,  du  style 
roman  au  style  gothique.  Elle  présente  à  la  fois  ce  double 
caractère  de  force  et  de  légèreté ,  de  simplicité  et  d'élégance 
qui  distingue  les  œuvres  de  cette  époque.  Elle  se  fait 
surtout  remarquer  par  l'harmonie  des  proportions ,  la  pureté 
des  lignes  architecturales  et  l'unité  de  style. 


CANTON   DE   MSI  EUX  ,    2".    SECTION.  205 

Des  arcades  en  tiers-point ,  portées  sur  des  colonnes  mo- 
nocylindriques ,  séparent  la  nef  des  bas-côtés.  La  plupart 
des  chapiteaux  sur  lesquels  s'appuient  ces  arcades  sont  d'une 
grande  simplicité  ;  ils  sont  décorés  de  larges  feuilles,  légère- 
ment recourbées  à  leur  extrémité  supérieure.  Ces  chapi- 
teaux ,  qui  paraissent  seulement  épannelés ,  étaient  probable- 
ment destinés  à  recevoir  une  décoration  plus  soignée.  Plusieurs 
sont  garnis  de  crossettes  végétales  ;  quelques-uns  présentent 
une  riche  et  élégante  corbeille  qui  rappelle  le  chapiteau  co- 
rinthien. Le  tailloir,  décoré  de  moulures  très-simples,  est  à 
pans  coupés.  Le  fût  de  la  colonne,  en  calcaire  coquillier  d'un 
grain  très-gros,  ressemblant  au  tuf  ou  travertin,  est  formé  de 
nombreuses  et  larges  assises.  La  base ,  en  calcaire  plus  dur 
provenant  de  la  même  carrière,  mais  d'un  lit  différent,  offre 
deux  tores  séparés  par  une  gorge  profonde.  Une  large  patte 
ou  agrafe,  appliquée  sur  le  tore  inférieur,  qui  est  aplati,  relie 
la  base  au  socle  ou  piédestal,  presque  entièrement  enfoui  par 
suite  de  l'exhaussement  du  sol  de  la  nef,  qui  a  été  élevé  en 
1687  au  niveau  de  celui  du  chœur,  sous  l'épiscopatdeLéonor 
de  Matignon  (1). 

Du  tailloir  s'élancent  trois  légères  colon  net  tes ,  divisées,  à 
différentes  hauteurs,  par  des  anneaux.  Ces  colonnettes  reçoi- 
vent l'arc  doubleau  et  les  arceaux  d'une  voûte  d'arête  re- 
construite en  partie  au  XVIe.  siècle,  ainsi  que  l'attestent  les 
quatre  clefs  de  voûte  les  plus  rapprochées  de  la  tribune,  dont 
le  style  accuse  la  Renaissance. 

Le  triforium  qui  surmonte  les  arcades  de  la  nef  est  formé 
d'arcatures  géminées,  entourées  d'une  seule  archivolte  qui  re- 
pose, de  chaque  côté,  sur  une  colonnette  dont  le  chapiteau, 

(1)  L'élévation  du  sol  de  la  nef  nécessita  l'enlèvement  et  amena  la 
destruction  d'un  grand  nombre  de  tombeaux  en  pierre  et  en  bronze 
(  ancien  manuscrit  attribué  à  un  cbanoine  de  la  calbédrale  et  rédigé 
mire  les  années  1676  et  1 7 J 7  ). 


206         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

largement  développé,  est  décoré  de  feuillages  et  de  crossettes 
végétales.  Plusieurs  chapiteaux  présentent  une  riche  corbeille 
composée  de  feuillages  variés ,  d'une  grande  finesse  d'exé- 
cution ,  parmi  lesquels  on  distingue  des  feuilles  de  chêne. 
Cette  galerie,  fermée  aujourd'hui  par  une  faible  cloison  qu'il 
serait  facile  d'enlever,  servait  à  éclairer  la  tribune  qui  règne 
au-dessus  des  bas-côtés,  laquelle  n'a  jamais  été  voûtée  et 
laissait  entrevoir  la  charpente  du  toit.  La  colonnelte  cen- 
trale, engagée  dans  la  maçonnerie  provisoire,  est  flanquée 
de  petites  colonnettes. 

Un  célèbre  archéologue  anglais,  M.  John  Parker,  d'Oxford, 
qui  a  visité  notre  cathédrale  ,  il  y  a  quelques  années ,  a  été 
frappé  de  l'analogie  que  présente  cette  galerie  avec  le  tri- 
forium  de  l'arrière-chœur  de  la  cathédrale  de  Cantorbéry , 
également  formé  d'arcatures  géminées  (1).  La  seule  différence, 
c'est  qu'à  Cantorbéry  l'archivolte  est  double  et  repose  de 
chaque  côté  sur  deux  colonnettes  ,  tandis  qu'à  St. -Pierre  de 
Lisieux  il  est  simple.  A  St. -Pierre,  la  partie  supérieure  du 
tympan,  ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Bouet,  était  à  jour  comme 
à  Cantorbéry. 

Des  extrémités  du  cordon  qui  sépare  les  arcades  de  la  nef 
du  triforium ,  partent  de  légères  colonnettes  annelées ,  qui 
reçoivent  l'arc  formeret.  Cet  arc  sert  d'encadrement  à  la 
galerie  ainsi  qu'à  l'étage  supérieur. 

Le  clèrestory  offre  des  fenêtres  à  une  seule  baie  très-peu 
ébrasées.  L'archivolte  qui  entoure  ces  fenêtres ,  dont  l'ogive 
est  peu  accusée,  porte  sur  des  colonnettes  annelées.  La  même 
décoration  se  remarque  à  l'extérieur  de  l'édifice.  Toutes  ces 

(1)  A  considérable  part  of  Ihe  calhedral  of  Lisieux,  in  Normandy, 
is  of  very  similar  character  to  Sens  and  Canterbury  ,  and  quite  as 
much  advanced  in  style,  with  pointed  arches  and  transitional  moul- 
dîngs  (An  Introduction  to  the  study  of  gothic  architecture,  by  John 
Henry  Parker). 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  207 

fenêtres  étaient  anciennement  garnies  de  belles  verrières  qui 
ont  été  détruites  en  1688,  sous  l'épiscopat  de  Léonor  de 
Matignon  ,  et  remplacées  par  du  verre  blanc ,  afin  de  rendre 
la  nef  plus  claire.  Ce  fut  vers  la  même  époque ,  époque 
néfaste  pour  notre  cathédrale ,  comme  nous  le  verrons  plus 
tard  en  parlant  du  chœur,  que  le  sol  de  la  nef  fut  exhaussé 
et  mis  au  niveau  de  l'aire  du  transept. 

Les  murs  de  la  nef  sont  soutenus  extérieurement  par  des 
arcs-boutants  dont  l'extrémité  supérieure  porte  sur  des  co- 
lonnes engagées  dans  la  maçonnerie.  Les  chapiteaux  qui  ter- 
minent le  fût  sont  décorés  ,  comme  ceux  des  colonnes  de  la 
nef,  de  larges  feuilles  recourbées  en'  volutes.  L'extrémité 
inférieure  de  l'arc  s'appuie  sur  de  gracieux  contreforts  ,  sur- 
montés de  pinacles  qui  ont  été  refaits  dans  le  style  des  an- 
ciens. 

Une  corniche ,  décorée  de  curieux  modillons ,  dont  la 
plupart  représentent  des  têtes  grotesques ,  supporte  le  toit. 

La  charpente  de  la  nef,  refaite  en  partie ,  est  formée  de 
chevrons  portant  fermes.  Celle  des  collatéraux  est  moderne 
et ,  par  conséquent ,  sans  intérêt. 

Les  bas-côtés  dépourvus ,  dans  l'origine ,  de  chapelles , 
étaient  éclairés  par  des  fenêtres  à  une  seule  baie  ,  semblables 
aux  deux  ouvertures ,  aujourd'hui  bouchées ,  qu'on  aperçoit 
à  l'entrée  du  bas-côté  septentrional ,  près  de  la  tribune. 
Les  murs  latéraux  de  l'ancienne  église  collégiale  de  Mortain , 
percés  de  fenêtres  sans  meneau,  dont  les  archivoltes  reposent 
sur  de  légères  colonnettes,  donnent  une  idée  exacte  de  la 
physionomie  primitive  que  présentaient  les  bas-côtés  de  la 
nef  de  notre  antique  cathédrale. 

Les  chapelles  qui  bordent  les  collatéraux ,  à  l'exception 
de  deux  qui  sont  modernes  et  sans  caractère ,  ont  été  élevées 
dans  les  premières  années  du  XIVe.  siècle.  Toutes  les  fe- 
nêtres qui  éclairent  le  bas-côté  septentrional  ont   conservé 


208  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

leur  forme  primitive.  Elles  sont  divisées  en  quatre  baies  ogi- 
vales ,  trilobées ,  par  des  meneaux  garnis  de  minces  colon- 
nettes.  Trois  seulement  ont  conservé  leur  tracerie  rayonnante. 
Le  tympan ,  décoré  de  rosaces  et  de  quatre-feuilles ,  offre  de 
nombreux  fragments  de  vitraux.  Les  autres  fenêtres  ont  subi 
de  fréquentes  retouches  dans  les  siècles  postérieurs. 

Les  fenêtres  placées  au  midi  (à  l'exception  d'une  seule, 
qui  a  perdu  ses  meneaux  et  sa  tracerie)  ont  été  élargies 
dans  la  seconde  moitié  du  XVe.  siècle  ;  leurs  meneaux  sont 
prismatiques.  Le  tympan ,  formé  de  compartiments  flam- 
boyants, présente  encore  de  beaux  fragments  de  vitraux. 
Toutes  les  chapelles  de  ce  côté  ont  conservé  leur  décoration 
primitive.  De  jolies  piscines  ogivales  trilobées ,  à  double  cu- 
vette, dont  les  archivoltes  retombent  sur  des  colonnettes 
terminées  par  des  chapiteaux  feuillages ,  sont  pratiquées  dans 
le  mur  méridional.  Le  mur  oriental  est  décoré  d'une 
arcade  sous  laquelle  était  placé  l'autel  primitif.  Sous  l'une 
de  ces  arcades ,  on  a  placé  un  autel  en  argent  repoussé  au 
marteau  ,  dans  le  style  roman  fleuri  du  XIIe.  siècle ,  lequel 
a  été  exécuté  à  Paris  d'après  les  dessins  de  M.  Danjoy , 
ancien  architecte  de  notre  cathédrale ,  que  la  mort  a  enlevé 
prématurément  aux  beaux-arts  (1). 

Toutes  les  arcades  du  côté  nord ,  contre  lesquelles  sont 
appliqués  les  autels  ,  sont  modernes  ;  elles  ont  été  agrandies 
lorsqu'on  a  placé  les  tableaux  qui  décorent  les  chapelles. 

Les  deux  dernières  chapelles  du  collatéral  sud,  placées 
près  du  transept ,  occupent  l'emplacement  de  l'ancienne  salle 


(1)  M.  Danjoy,  né  à  Avenzac  (Gers)  en  1806,  avait  éïé  élève  de 
l'École  des  Beaux-Arts.  Attaché  à  la  Commission  des  monuments  histo- 
riques depuis  4  840 ,  il  fut  chargé  de  la  restauration  des  cathédrales  de 
Lisieux,  de  Meaux,  de  Bordeaux  et  de  Coutances,  dont  il  s'acquitta 
avec  lalent. 


CANTON   DE  LISIEUX ,   2«.    SECTION.  209 

capitulaire ,  laquelle  s'étendait  dans  le  jardin  contigu  à 
l'église  et  datait,  comme  la  nef,  de  la  seconde  moitié  du 
XIIe.  siècle.  Au  centre  s'élevait  une  colonne  sur  laquelle  ve- 
naient se  réunir,  comme  les  branches  d'un  éventail,  les 
arceaux  d'une  voûte  d'arête.  La  porte,  décorée  de  belles 
moulures  toriques,  s'ouvrait  du  côté  du  transept. 

A  droite  de  cette  porte  se  montre  un  magnifique  bas- 
relief  dans  le  style  gothique  fleuri.  Ce  bas-relief  offre  une 
ogive  trilobée,  flanquée  de  deux  contreforts  et  surmontée 
d'une  accolade  dont  les  rampants  sont  décorés  de  feuilles  de 
chou  frisé.  Une  élégante  tracerie  formant  couronnement  relie 
les  contreforts.  Le  groupe  mutilé  placé  sous  l'ogive  repré- 
sente la  Sainte-Vierge  tenant  dans  ses  bras  l'enfant  Jésus.  A 
ses  pieds  est  prosterné  un  personnage  qui  implore  son  inter- 
cession. A  gauche,  on  aperçoit  un  saint  attaché  à  un  arbre 
(saint  Sébastien).  Dans  le  lobe  supérieur  est  sculpté  un 
ange  qui  tient  devant  lui  un  peiit  enfant,  image  de  l'âme  du 
défunt.  Une  inscription  obituaire  ,  gravée  sur  une  plaque  de 
marbre,  était  placée  au-dessous  de  ce  bas-relief. 

Les  faisceaux  de  colonnettes  annelées  qui  correspondent 
aux  colonnes  de  la  nef  reçoivent,  comme  ces  dernières ,  la 
retombée  de  la  voûte  des  bas-côtés.  Le  fût  de  ces  colon- 
nettes ,  détaché  du  mur,  se  relie  à  ce  dernier  par  des  an- 
neaux. 

Au  bas  de  la  nef  s'élève  un  porche  en  pierre  qui  supporte 
la  tribune  où  était  placé  le  grand  orgue,  (le  porche  intérieur 
date ,  dans  son  ensemble,  de  la  fin  du  XIIe.  siècle.  L'arcade 
principale,  entourée  de  trois  archivoltes,  s'appuie  sur  des 
colonnettes  annelées  dont  le  fût  se  détache  du  mur.  La  cor- 
beille des  chapiteaux  est  composée  de  feuillages  d'une  exé- 
cution remarquable.  Sur  l'un  de  ces  chapiteaux  ,  qui  a  été 
dessiné  par  M.  Sauvageot,  se  détachent  en  haut-reiief  des 
(êtes  très-petites ,  artistement  sculptées.    L'abaque  qui  ter- 


210         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

mine  les  colonnes  est  décoré  de  gracieux  rinceaux,  dont  l'exé- 
cution fine  et  délicate  révèle  le  ciseau  habile  et  le  faire  des 
artistes  du  XIIe.  siècle  (  2e.  moitié  ).  Le  cordon  supérieur 
qui  encadre  les  archivoltes  se  termine  inférieurement  par 
deux  têtes  couronnées,  représentant  un  roi  et  une  reine. 
Les  minces  colonnettes  placées  en  retraite  complètent  l'or- 
nementation de  ce  porche ,  qui  fait  l'admiration  de  tous  les 
archéologues.  On  remarque  surtout  la  savante  disposition 
des   colonnes  ,  lesquelles  sont  groupées  avec  beaucoup  d'art. 

Les  deux  arcades  latérales  qui  mettent  le  rez-de-chaussée 
de  chaque  tour  en  communication  avec  ce  porche  sont  d'une 
grande  simplicité  et  très-élancées.  Elles  s'appuient ,  d'un 
côté ,  sur  un  pilier  carré  dont  la  partie  supérieure ,  dans  le 
style  du  XIIIe.  siècle ,  est  décorée  de  larges  feuilles  galbées 
qui  remplacent  le  chapiteau  ;  de  l'autre ,  sur  un  pilier  qui 
faisait  partie  de  la  construction  primitive  (XIe.  siècle).  La 
partie  supérieure  de  ce  pilier,  sur  lequel  repose  la  tour,  offre 
des  moulures  très-simples. 

M.  Parker  a  remarqué  que  ce  dernier  pilier  présente  de 
larges  joints  remplis  d'un  mortier  siliceux  très-dur.  C'est  un 
précieux  vestige  de  l'antique  basilique  bâtie  par  Herbert. 
Sur  l'une  des  pierres ,  à  droite  en  entrant  par  la  porte  du 
milieu ,  l'on  voit  encore  la  croix  de  consécration  de  cet  édi- 
fice ,  dont  la  dédicace  eut  lieu  en  l'année  1055. 

La  voûte  du  porche ,  soutenue  par  des  arceaux  toriques ,  a 
été  reconstruite  au  XVIe.  siècle ,  après  la  chute  de  la  tour 
méridionale  (probablement  dans  le  style  de  l'ancienne).  A 
leur  point  de  jonction  sont  sculptées  les  armoiries  du  Cha- 
pitre de  la  cathédrale  :  deux  clefs  en  sautoir,  cantonnées  de 
quatre  étoiles. 

La  large  fenêtre  ogivale  qui  éclaire  la  tribune  date,  comme 
le  portail,  du  XIIIe.  siècle.  Elle  est  partagée  en  trois  baies 
par  des  meneaux  garnis  de  colonnettes,  lesquels  se  bifurquent 


CANTON    DE   LISIEUX,2e.   SECTION.  211 

dans  la  partie  supérieure.  Ces  baies  ,  d'une  forme  peu  gra- 
cieuse, offrent  de  jolies  grisailles  modernes  qui  tempèrent 
l'éclat  trop  vif  de  la  lumière. 

L'ancien  pavage  de  la  nef,  qu'on  a  retrouvé  en  plaçant 
la  chaire  ,  était  en  terre  cuite. 

Transept.  —Le  transept,  construit  dans  de  vastes  et  gra- 
cieuses proportions,  date,  comme  la  nef,  de  la  seconde  moitié 
du  XIIe.  siècle.  Il  est  accompagné  à  l'orient,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  de  bas-côtés,  formant  chapelles,  disposition  qui 
se  rencontre  dans  quelques  grandes  églises  de  France  et 
d'Angleterre  (ancienne  église  abbatiale  de  Conques  ;  église 
de  Longues;  cathédrale  de  Salisbury).  Nous  ferons  observer 
que  la  construction  de  celte  dernière  église  est  postérieure 
à  celle  du  transept  de  St. -Pierre. 

Dans  la  partie  inférieure  du  mur  septentrional  du  transept, 
dont  la  base,  construite  en  blocage,  paraît  remonter  au  XIe. 
siècle,  s'ouvrent  deux  larges  arcades  à  plein-cintre,  du  XIP. 
siècle,  qui  abritaient  des  tombeaux. 

Le  bas-relief  qui  décore  le  fond  de  l'arcade  placée  à  gauche 
du  spectateur  offre  deux  statues  mutilées.  L'un  des  person- 
nages, revêtu  d'une  tunique,  tient  de  la  main  droite  une 
palme  (1).  Le  devant  du  tombeau  est  décoré  de  médaillons 
ornés  de  figures  en  haut-relief,  affreusement  mutilées.  Ces 
médaillons,  entourés  d'une  riche  bordure,  rappellent,  à  s'y 
méprendre  ,  la  statuaire  antique.  Le  célèbre  dessinateur  et 
graveur  anglais,  Cotmann,  les  a  reproduits  avec  exactitude. 

Sur  le  tympan  de  l'autre  arcade  sont  sculptés  deux  anges  , 
humblement  prosternés,  tenant  les  extrémités  d'un  voile  ou 
linceul  sur  lequel  était  posée  l'âme  du  défunt,  qu'on  repré- 
sentait ordinairement,  au  moyen -âge,  sous  l'image  d'un  petit 

(\)  Os  personnages  ont  été  dessinés  p;ir  Willcmin. 


212         STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

enfant  sans  sexe.  Les  longues  tuniques  qui  enveloppent  les 
anges  forment  de  nombreux  plis.  Dans  la  partie  inférieure 
du  tympan  sont  représentés  assis  six  anges  ,  placés  en  regard 
l'un  de  l'autre.  Leur  tête  est  ceinte  d'une  couronne.  Les 
uns  tiennent  des  palmes ,  les  autres  des  phylactères. 

La  statue  couchée  ,  placée  sous  une  de  ces  arcades,  faisait 
partie  d'un  autre  tombeau  ;  cette  statue  a  été  découverte  en 
18&7  dans  la  cour  de  la  mairie  et  replacée  dans  la  cathédrale 
par  les  soins  de  M.  le  docteur  Billon,  membre  de  l'Institut 
des  provinces.  Elle  représente  un  évêque  et  paraît  dater  du 
XIe.  ou  XIIe.  siècle.  M.  Billon  en  a  donné  une  description 
dans  le  Bulletin  monumental. 

Au-dessus  de  ces  deux  arcades  s'ouvrent  deux  belles 
fenêtres  accolées ,  dont  les  archivoltes  ,  au  nombre  de  trois , 
reposent  sur  des  colonnettes  annelées  de  différentes  gros- 
seurs. Le  cordon  supérieur,  décoré  de  violettes,  se  termine 
inférieurement  par  de  petites  têtes.  Les  chapiteaux  garnis  de 
feuillages  sont  très-soignés.  A  l'extérieur ,  ces  fenêtres  affec- 
tent une  décoration  plus  sévère  :  elles  offrent  deux  archi- 
voltes au  lieu  de  trois. 

Entre  ces  ouvertures  et  l'étage  supérieur  existe  une  galerie 
étroite,  éclairée  par  des  arcalures  percées,  pour  la  plupart, 
de  baies  carrées.  Les  trois  arcatures  qui  occupent  la  partie 
centrale  de  la  galerie  sont  entourées  d'un  tore  qui  repose  sur 
de  grosses  colonnettes,  flanquées  de  colonnettes  plus  petites. 
La  voûte  en  berceau  qui  surmonte  cette  galerie  est  formée 
d'un  blocage  très-ancien ,  qui  paraît  dater  du  XIe.  siècle. 
Une  galerie  semblable ,  pratiquée  dans  le  mur  occidental  et 
dans  le  mur  méridional ,  met  chacun  des  bras  du  transept 
en  communication  avec  le  triforium  de  la  nef.  Le  tailloir  qui 
termine  les  chapiteaux ,  formé  de  fines  moulures  ,  se  profile 
avec  grâce  sur  le  mur  et  relie  entr'elles  toutes  ces  arcalures. 

L'étage  supérieur  offre  trois  fenêtres ,  très-élancées  (celle 


CANTON   DE   LISIEUX ,   2\    SECTION.  213 

du  milieu  plus  haute  que  les  deux  autres).  Les  archivoltes , 
au  nombre  de  trois  ,  qui  les  encadrent  reposent  sur  des  co- 
lonnettes  annelées.  La  décoration  de  ces  fenêtres  est  la 
même  que  celle  de  l'étage  inférieur.  A  l'extérieur ,  elles 
affectent  une  grande  simplicité.  Le  bord  de  chaque  baie  est 
taillé  en  chanfrein. 

Le  mur  occidental  du  même  croisillon  est  composé  égale- 
ment de  deux  étages  de  fenêtres.  Ces  cinq  fenêtres  ,  remar- 
quables par  leurs  gracieuses  proportions  ,  affectent  entr'elles 
la  même  forme.  Elles  sont  garnies,  à  l'intérieur  comme  à 
l'extérieur  du  monument,  de  deux  archivoltes  qui  reposent 
sur  des  colonnettes  annelées. 

Des  fenêtres  semblables  sont  percées  dans  le  mur  occi- 
dental du  croisillon  sud,  dans  la  partie  supérieure  seulement. 

Les  bas-côtés ,  qui  accompagnent  à  l'orient  le  transept , 
forment  chacun  deux  travées  ,  semblables  à  celles  de  la  nef. 
Les  colonnes  monocylindriques  qui  séparent  ces  travées  offrent 
de  vigoureux  chapiteaux,  décorés  de  larges  feuilles  recourbées 
en  volutes. 

Trois  fenêtres,  deux  à  l'orient  et  une  seule  au  nord,  éclai- 
rent le  bas-côté  parallèle  au  croisillon  septentrional.  L'une 
de  ces  ouvertures  est  masquée  par  le  rétable  de  l'autel  dédié 
à  Notre-Dame-du-Rosaire.  Ce  rétable  était  autrefois  décoré 
d'une  ancienne  statue  en  pierre,  provenant  de  l'ancien  cou- 
vent des  Jacobins.  Le  mur  oriental  contre  lequel  s'appuie 
cet  autel  offre  ,  à  l'extérieur ,  une  corniche  très-ancienne  et 
fort  curieuse  formée  d'arcatures  géminées,  terminées  par  des 
têtes  grotesques  et  des  animaux  parmi  lesquels  on  distingue 
un  singe  tenant  sa  tête  entre  ses  deux  pattes  de  devant. 

Le  bas-côté  qui  fait  face  au  croisillon  méridional  était 
éclairé  par  trois  fenêtres  semblables  aux  précédentes.  Deux 
de  ces  ouvertures  ont  été  bouchées  lorsqu'on  a  élevé  la  sa- 
cristie.   La  fenêtre  du  sud  ,  percée  au  XIVe.  siècle,  a  été 


2U  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

divisée,  au  XVIe. ,  par  un  meneau  qui  se  bifurque  dans  la 
partie  supérieure.  Au-dessous  de  cette  fenêtre  est  placé  un 
tombeau  du  XIIIe.  siècle,  formé  de  deux  arcatures  ogivales 
dont  les  archivoltes  reposent  sur  des  colonnettes  terminées 
par  un  abaque  circulaire.  Trois  jolis  médaillons ,  sculptés  en 
haut-relief,  décorent  les  angles  supérieurs  formés  par  la 
jonction  des  arcatures.  Le  médaillon  du  milieu  représente 
le  buste  d'un  moine.  Les  deux  autres  sont  formés  de  ro- 
saces artistement  découpées.  Ce  tombeau  offre  une  voûte  en 
arête  dont  les  arceaux  retombent  sur  des  colonnettes  qui  ta- 
pissent le  mur. 

Dans  la  première  travée,  transformée  en  chapelle,  est  placé 
un  autel  moderne  en  chêne  ,  dans  le  style  de  l'église  ,  qui  a 
valu  à  M.  Léonard ,  sculpteur  à  Lisieux ,  une  médaille  en  ar- 
gent, lors  du  concours  régional  qui  a  eu  lieu  dans  cette  ville, 
en  18^9. 

Le  transept  est  éclairé,  au  midi,  par  trois  fenêtres  moins 
élancées  que  celles  du  nord.  Les  archivoltes  portent ,  de 
chaque  côté,  sur  des  colonnettes.  Au-dessous  de  ces  fe- 
nêtres existe  une  série  d'arcatures  géminées. 

La  voûte,  en  arête  ,  du  transept  est  construite  en  blocage 
et  formée  d'arceaux  toriques.  La  charpente  du  toit  est  an- 
cienne et  parfaitement  conservée;  elle  est  composée  de  che- 
vrons portant  ferme  et  date  du  XIIIe.  siècle. 

Façade  méridionale. — Le  portail  méridional,  qui  fait  face 
à  la  rue  du  Paradis ,  est  un  précieux  spécimen  de  l'architec- 
ture de  transition  (seconde  moitié  du  XIIe.  siècle). 

Ce  portail,  d'une  grande  élévation,  est  percé  aurez-de- 
chaussée  d'une  belle  porte  entourée  de  trois  archivoltes, 
formées  de  moulures  toriques,  qui  reposent  de  chaque  côté 
sur  trois  colonnes  détachées  du  mur  et  sur  trois  colonnettes 
placées  en  retraite,  dont  les  chapiteaux  sont  garnis  de  deux 


CAKTOiN    DK    LlSlliUX  ,    2r.    SECTION.  215 

rangs  de  crossettes  végétales.  La  base ,  composée  de  deux 
tores  séparés  par  une  gorge,  est  reliée  au  piédestal  par  une 
agrafe. 

Au-dessus  de  la  porte  règne  un  double  rang  d'arcaturcs 
superposées. 

Le  rang  inférieur  est  formé  d'arcaturcs  géminées,  dont  les 
archivoltes  reposent  sur  de  légères  colonnettes.  Le  cordon 
qui  entoure  chaque  archivolte  est  décoré  de  ces  espèces  de 
fleurs  auxquelles  les  Anglais  ont  donné  le  nom  de  tooih  or- 
nament ,  et  terminé  à  ses  extrémités  par  de  petites  têtes. 

Le  rang  supérieur  est  composé  d'arcatures  beaucoup  plus 
petites,  dont  l'archivolte  unique,  décorée  de  rinceaux,  porte 
sur  un  pilastre  accompagné  de  deux  colonnettes  terminées 
par  des  chapiteaux  feuillages. 

Le  cordon  décoré  de  palmeltes  qui  sépare  ces  arcatures  de 
l'étage  éclairé  est  entièrement  neuf. 

Au-dessus  s'ouvrent  trois  belles  fenêtres  à  ogive  obtuse; 
celle  du  milieu  plus  élancée  que  les  deux  autres.  Les  trois 
archivoltes  qui  entourent  ces  fenêtres  s'appuient  sur  de  lé- 
gères colonnettes,  dont  l'intervalle  est  rempli  par  le  tooih 
ornament  que  les  architectes  anglais ,  au  XIIIe.  siècle ,  ont 
emprunté  à  l'architecture  française.  Le  cordon  extérieur, 
décoré  de  rinceaux ,  se  termine  inférieurement  par  de  petites 
têtes  grimaçantes. 

Le  grand  arc  de  décharge  qui  surmonte  ces  fenêtres  et 
relie  les  contreforts  date  du  XVIe.  siècle. 

La  galerie  supérieure,  placée  à  la  base  du  gable,  est  formée 
de  cinq  arcatures  dont  les  archivoltes  reposent,  de  chaque 
côté,  sur  un  faisceau  de  colonnettes  terminé  par  des  chapi- 
teaux feuillages,  dans  le  style  du  XVe.  siècle.  Une  balus- 
trade à  jour ,  formée  de  quatre-feuilles  ,  protège  cette  galerie 
qui  a  été  reconstruite.  On  voit  encore  les  amorces  de  la 
galerie  primitive  qui  était  placée  en  retraite. 


216  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

Les  deux  clochetons  octogones  qui  surmontent  le  portail 
datent,  sauf  quelques  retouches  postérieures,  de  la  seconde 
moitié  du  XIIe.  siècle.  La  base  est  décorée,  sur  chacune  de 
ses  faces,  d'arcatures  trilobées.  La  pyramide  est  revêtue 
d'imbrications.  Sur  l'arête  qui  sépare  les  pans  est  appliqué 
un  tore. 

La  pyramide  qui  couronne  le  clocheton  occidental  offre 
des  pans  concaves,  à  angles  rentrants.  Nous  ferons  observer 
que  ces  deux  clochetons ,  dont  la  partie  supérieure  a  été 
reconstruite ,  ne  sont  pas  placés  dans  le  même  axe.  Les  deux 
clochetons  qui  terminent  le  gable  septentrional  présentent 
la  même  forme.  La  base  de  ces  clochetons ,  d'un  aspect  très- 
sévère  ,  est  décorée  de  longues  arcatures  dépourvues  de  co- 
lon nettes. 

Deux  larges  éperons  en  pierre  s'élèvent  jusqu'à  la  hauteur 
de  la  galerie  dont  nous  avons  parlé.  Ces  énormes  contreforts 
ont  été  construits  pour  consolider  le  portail  qui  menaçait 
ruine.  Sur  la  face  principale  de  l'un  de  ces  contreforts  se 
détache  un  cadran  solaire  de  l'époque  gothique. 

Au  point  d'intersection  des  quatre  bras  du  transept  s'élève 
une  large  tour  quadrangulaire,  que  surmonte  un  toit  à  quatre 
pans  en  charpente  couvert  en  ardoise.  Celte  tour ,  ou  lan- 
terne, qui  date  du  XIIIe.  siècle ,  est  percée  sur  chacune  de 
ses  faces  de  deux  fenêtres  avec  doubie  archivolte.  De  petites 
arcatures  ogivales  géminées  ,  dont  quelques-unes ,  percées 
de  baies  carrées  trilobées ,  éclairent  à  l'intérieur  une  étroite 
galerie ,  décorent  la  partie  inférieure  de  la  lanterne.  L'an- 
cienne pyramide  en  charpente  couverte  en  plomb  ,  qui  for- 
mait le  couronnement  de  la  tour,  aura  été  détruite  par  un 
incendie  (1). 

(1)  Des  réparations  ont  été  faites  à  Pextérieur  de  cette  tour  par 
Thomas  Bazin,  évêque  de  Lisieux,  en  1452. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,   2e.    SECTION.  217 

Nous  ferons  observer  que  cette  disposition  des  tours 
centrales ,  dont  la  partie  supérieure  reçoit  le  jour  par  de 
nombreuses  fenêtres,  est  propre  à  la  Normandie.  Les  tours 
normandes  ont  servi  de  modèles  à  quelques  églises  d'An- 
gleterre. La  tour  centrale  de  la  cathédrale  d'Ély  nous  en  offre 
un  exemple. 

A  l'extrémité  du  croisillon  méridional  du  transept  s'élevait 
une  élégante  tribune  en  chêne  ,  dans  le  style  Louis  XIII.  Le 
plafond ,  divisé  en  nombreux  compartiments ,  reliés  entr'eux 
par  des  lignes  habilement  combinées ,  offrait  un  gracieux 
tracé  géométrique.  Ce  plafond  était  décoré  de  caissons  garnis 
de  têtes  d'anges ,  de  cartels  ,  de  rosaces  et  de  curieux  pen- 
dentifs sculptés  à  jour  et  couverts  de  peintures  en  décor  ; 
le  tout  encadré  par  de  légers  rinceaux  et  par  de  capricieux 
enroulements  dans  le  style  du  temps.  L'un  de  ces  panneaux 
représente  sainte  Cécile  jouant  de  l'orgue.  Un  autre  offre 
l'effigie  du  roi  David  qui  pince  de  la  harpe. 

Deux  belles  colonnes  corinthiennes  cannelées ,  dont  la 
partie  supérieure  est  décorée  de  cartouches  et  le  tiers  in- 
férieur de  feuilles  de  lierre ,  supportaient  ce  magnifique 
plafond. 

La  frise  de  l'entablement  était  formée  de  panneaux  entourés 
de  rinceaux  et  d'arabesques ,  parmi  lesquels  on  distinguait 
des  Renommées.  Des  pilastres ,  ornés  de  têtes  de  fantaisie  et 
de  trophées  de  musique,  séparaient  ces  panneaux. 

La  destruction  de  cette  tribune  ,  qui  faisait  l'admiration 
de  tous  les  étrangers ,  est  très-regrettable.  M.  Raymond 
Bordeaux,  dans  une  réunion  de  savants  à  Paris  ,  a  sévère- 
ment blâmé  cet  acte  de  vandalisme  (1).  Nous  faisons  des 
vœux  ardents  pour  que  cette  tribune  soit  rétablie. 

Dans  l'angle  sud-ouest  du  transept  existe  un  escalier  qui 

(1)  Voir  le  Bulletin  monumental. 


218  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

conduisait  à   la  bibliothèque,   placée  sur  la   salle  capitulaire 
dont  nous  avons  parlé. 

Au-dessus  du  linteau  de  la  porte,  on  lit  l'inscription  sui- 
vante en  lettres  d'or,  gravée  sur  une  plaque  de  marbre  : 

BIBLIOTHÈQUE 

CURAVIMUS    VOLENTIBUS    LEGERE 

2    MACH.    2. 

Les  six  grands  tableaux  appliqués  contre  les  murs  latéraux 
du  transept  étaient  autrefois  placés  dans  le  chœur.  Ils  avaient 
été  commandés  par  un  chanoine,  pour  orner  le  chœur  de  la 
cathédrale.  Ces  tableaux  sont  l'œuvre  d'un  artiste  rouennais, 
qui  jouissait  à  cette  époque  d'une  grande  réputation  que  le 
temps  n'a  fait  que  confirmer.  Au  bas  de  l'une  de  ces  toiles,  on 
lit  :  Lemonnier  1776. 

Ces  tableaux  représentent,  dans  l'ordre  suivant,  les  princi- 
pales scènes  de  la  vie  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul. 

Croisillon  méridional,  à  droite  en  entrant  : 

1°.   Prédication  de  saint  Paul  ; 

2°.  Saint  Pierre  guérissant  les  paralytiques. 

En  face  : 

3°.   Conversion  de  saint  Paul. 

Croisillon  septentrional,  à  droite  : 

1°.  Saint  Pierre  ressuscitant  ïhabite  ;    . 

2G.   Saint  Pierre  ès-liens. 

En  face  : 

3°.  Saint  Paul  prêchant  devant  l'Aréopage. 

Tous  ces  tableaux  se  recommandent  par  la  grandeur  de  la 
composition,  l'heureux  agencement  des  groupes,  l'expression 
des  figures,  une  bonne  entente  de  la  couleur  et  de  la  perspec- 
tive. Le  dessin  est  pur  et  correct  et  tous  les  détails  rendus 
avec  une  grande  exactitude.  L'architecture  et  les  draperies 
sont  parfaitement  traitées  et  révèlent  une  touche  large  et  vi- 


C/liNTON   DE  LISIEUX,    2e.    SECTION.  219 

goureuse.  Les  deux  toiles  représentant ,  l'une ,  saint  Pierre 
guérissant  les  paralytiques,  l'autre,  la  résurrection  de  Tha- 
bite,  attirent  surtout  les  regards. 

Chœur.  —  Quinze  colonnes  entourent  le  chœur  et  le  sépa- 
rent du  déambulatoire. 

Le  chœur  proprement  dit ,  composé  de  quatre  travées  ,  se 
termine  à  l'orient  par  une  abside  circulaire  qui  décrit  une 
courbe  très-gracieuse.  Ce  magnifique  rond-point  offre ,  du 
bas  de  la  nef,  une  perspective  charmante  que  l'œil  ne  se 
lasse   pas  de  contempler. 

Les  deux  premières  travées,  semblables  à  celles  de  la  nef, 
appartiennent  à  la  construction  primitive  et  datent ,  comme 
celte  dernière,  de  la  seconde  moitié  du  XIIe.  siècle. 

Des  faisceaux  de  colonnettes  divisées  par  plusieurs  anneaux 
supportent  la  voûte  en  arête  des  deux  premières  travées, 
dont  les  compartiments  sont  formés  d'un  grossier  blocage  re- 
couvert d'un  crépi. 

La  fenêtre  percée  dans  le  mur  septentrional ,  correspon- 
dant à  la  deuxième  travée  du  chœur  ,  est  garnie  de  deux  ar- 
chivoltes reposant  sur  des  colonnettes  annelées  (1). 

Une  fenêtre  semblable,  aujourd'hui  bouchée,  s'ouvrait  dans 
le  mur  opposé.  La  porte  ogivale  à  moulures  prismatiques 
placée  au-dessous  de  cette  fenêtre  donnait  accès  dans  une 
sacristie  gothique,  qui  a  été  démolie  au  commencement  de 
ce  siècle. 

Le  chœur ,  dans  l'origine ,  était  composé  seulement  de 
deux  travées.  La  courbe  de  l'abside  commençait  à  la  deuxième 
colonne ,   ainsi  que  semble   l'attester  l'inclinaison   d'un   des 


(1)  Une  pelile  porte,  aujourd'hui  bouchée,  s'ouvrait  dans  ce  mur  et 
donnait  accès  dans  le  cimetière  des  officiers  douze  livres,  ainsi  nommés 
parce  qu'ils  recevaient  une  gratification  annuelle  de  12  livres. 


220  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

chapiteaux.  Une  piscine  placée  à  droite  ,  entre  la  première  et 
la  seconde  colonne,  indique  la  position  qu'occupait  l'autel 
primitif.  Cette  piscine,  masquée  par  un  des  bancs  du  bas-côté 
méridional,  recevait  l'eau  provenant  des  ablutions. 

Les  deux  dernières  travées  du  chœur ,  ainsi  que  l'ab- 
side,  construites  en  pierre  des  Loges,  ont  été  élevées, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  dans  la  première  moitié 
du  XIIIe.  siècle.  Les  colonnes  qui  supportent  les  deux 
arcades  qui  précèdent  le  sanctuaire  offrent  le  même  dia- 
mètre que  les  précédentes.  L'un  des  chapiteaux  présente 
une  élégante  corbeille  composée  de  larges  feuilles,  profondé- 
ment découpées ,  ressemblant  aux  feuilles  de  berce  (  Hera- 
cleum  spondylium),  si  communes  dans  nos  prairies.  Les 
feuilles  qui  décorent  un  autre  chapiteau  ,  au  lieu  de  se  re- 
courber en  volute ,  se  relèvent  et  retombent  avec  grâce  sur 
le  tailloir. 

Le  triforium  est  formé  d'arcatures  géminées,  semblables  à 
celles  qui  décorent  les  deux  premières  travées  du  chœur; 
l'ogive  seulement  est  plus  accentuée.  Le  tympan  est  percé 
d'un  trèfle. 

Nous  ferons  observer  que  les  colonnettes  qui  partent  du 
tailloir  des  colonnes,  et  vont  recevoir  la  retombée  de  la  voûte, 
ne  sont  plus  annelées. 

La  partie  des  collatéraux  qui  correspond  aux  deux  der- 
nières travées  que  nous  venons  de  décrire  offre  un  double 
mur  percé  de  fenêtres  accolées,  dont  l'archivolte  repose,  de 
chaque  côté  ,  sur  des  colonnettes  sans  anneaux,  détachées  du 
mur.  Un  simple  tore  entoure  la  baie.  L'une  de  ces  ouver- 
tures ,  placée  au  midi,  offre  de  curieux  fragments  de  vitraux, 
du  XVIe.  siècle ,  représentant  des  camées.  La  partie  supé- 
rieure du  mur  est  décorée  d'une  belle  rosace  polylobée  ar- 
tistement  fouillée.  Le  faisceau  de  colonnettes  qui  sépare  les 
fenêtres  reçoit  l'arc  formeret  et  les  arceaux  de  la  voûte 


CANTON   DE   LÏSIEUX  ,    2e.    SECTION,  221 

d'arête  dc9  bas-côtés.  Les  chapiteaux ,  décorés  de  crossettes 
végétales,  se  terminent  par  un  abaque  circulaire. 

Une  série  d'arcatures  décore  la  partie  inférieure  des 
murs.  L'archivolte ,  formée  d'un  tore ,  repose  sur  des  co- 
lonnettes  dont  les  chapiteaux  ,  ornés  de  crossettes  et  de 
feuillages  variés,  se  terminent  également  par  un  abaque  cir- 
culaire. Parmi  ces  feuillages  on  distingue  le  trèfle  d'eau  (Me- 
nyanthes  trifoiiata) ,  des  feuilles  d'arum  ,  de  nénuphar.  Le 
fût  des  colonnettes  a  été  maladroitement  coupé  lorsqu'on  a 
appliqué  les  bancs  contre  les  murs.  La  porte  à  cintre  sur- 
baissé qui  donne  accès  dans  la  sacristie  a  été  percée  au  XIVe. 
siècle.  Les  colonnettes  à  chapiteaux  feuillages  qui  accompa- 
gnent cette  porte  sont  moins  anciennes  que  celles  qui  reçoi- 
vent les  arcatures.  Le  cordon  supérieur ,  décoré  de  grappes 
de  raisin,  est  terminé,  à  l'une  de  ses  extrémités  par  un  lion, 
et  à  l'autre  par  un  animal  chimérique.  Dans  l'un  des  angles 
du  mur,  on  aperçoit  une  tête  grotesque  qui  servait  de  support 
à  l'une  des  archivoltes  de  cette  porte ,  qui  occupe  la  place 
d'une  ancienne  arcature. 

Abside. — Les  sept  arcades  ogivales  qui  dessinent  le  rond- 
point,  l'un  des  plus  remarquables  du  XIIIe.  siècle  ,  reposent 
sur  des  colonnes  accouplées  dont  les  chapiteaux  ,  décorés 
de  crossettes ,  se  terminent  par  un  tailloir  à  pans  coupés. 
L'intrados  est  décoré  de  nombreux  tores,  séparés  par  une 
gorge  étroite  et  profonde.  Des  grilles  en  fer  forgé  ,  dont  on 
voit  encore  les  scellements  dans  les  colonnes,  fermaient  au- 
trefois le  sanctuaire. 

La  galerie  pratiquée  dans  le  double  mur  qui  surmonte  les 
arcades  captive  les  regards  par  sa  légèreté.  Les  arcatures 
géminées  qui  forment  cette  galerie  reposent  sur  des  colon- 
nettes, dont  les  chapiteaux  sont  garnis  de  deux  rangs  de  cros- 
settes végétales.   Le  tympan  est  percé  d'un  quatre-feuillcs. 


222  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Les  fenêtres  du  clérestory ,  d'une  forme  gracieuse ,  pa- 
raissent ,  d'après  l'opinion  d'un  savant  autiquaire  ,  avoir  été 
tracées  au  moyen  de  la  cycloïde.  Les  trois  principales  fenêtres 
sont  garnies  de  vitraux  modernes,  exécutés  à  Paris  dans  les 
ateliers  de  M.  Lusson.  Ces  verrières  représentent  le  Sauveur 
du  monde,  saint  Pierre  et  saint  Paul. 

Du  tailloir  qui  termine  les  colonnes  du  rond-point  s'élance 
une  légère  colonnette  qui  s'arrête  à  la  naissance  des  fenêtres 
et  va  recevoir  l'un  des  nombreux  arceaux  d'une  jolie  voûte 
d'arête  construite  en  petit  appareil  taillé  régulièrement.  Tous 
cesarceaux  convergent  vers  la  clef  d'un  puissant  arc-doubleau, 
qui  paraît  avoir  été  refaite  au  XVIe.  siècle.  Sur  cette  clef  se 
détachent  en  relief  les  armoiries  du  Chapitre. 

Les  deux  murs  qui  s'élèvent  entre  les  chapelles  absidales 
sont  percés  de  fenêtres  accolées,  autrefois  garnies  de  riches 
verrières,  qui  formaient  autour  du  sanctuaire  une  briUante 
couronne,  composée  de  rubis,  de  topazes  et  d'émeraudes  re- 
présentanl  la  Jérusalem  céleste.  L'une  de  ces  fenêtres,  placée 
à  gauche  de  la  chapelle  de  la  Vierge,  est  décorée  d'un  beau 
médaillon  du  XIIIe.  siècle.  Les  grisailles  que  l'on  aperçoit 
au-dessus  dessinent  de  curieux  rinceaux  dans  le  style  du 
XIIe.  siècle.  C'est  le  plus  ancien  fragment  de  vitrail  que 
possède  la  cathédrale.  A  ce  seul  titre,  il  mériterait  d'être  con- 
servé avec  soin. 

Le  dais  qui  décore  la  partie  supérieure  de  la  fenêtre  la  plus 
rapprochée  de  la  chapelle  de  la  Vierge  date  seulement  du 
XVe.  siècle,  ainsi  que  l'atteste  l'écusson  de  Pierre  Cauchon, 
peint  sur  cette  vitre,  lequel  porte  d'azur  à  une  fasce  d'ar- 
gent, accompagnée  de  3  coquilles  d'or. 
^  Les  chapelles  latérales  de  l'abside,  de  forme  circulaire,  da- 
tent du  XIIIe.  siècle. 

Ces  deux  jolies  chapelles,  dont  la  construction  est  attribuée, 
ainsi  que  nous  l'avons  vu,  à  Guillaume  du  Pont-dc-l'Arche, 


CANTON   DE   LISIEUX ,    2e.    SECTION.  223 

évêque  de  Lisieux ,  sont  éclairées  par  trois  fenêtres  ogivales 
pratiquées  dans  l'épaisseur  du  double  mur.  Les  deux  ar- 
chivoltes qui  les  entourent  s'appuient ,  de  chaque  côté  ,  sur 
de  légères  colonnettes.  Une  simple  moulure  torique  encadre 
la  baie. 

On  remarque,  à  gauche  de  l'autel ,  une  petite  armoire  ou 
sacrarium,  à  deux  compartiments  ,  laquelle  était  fermée  par 
une  porte  en  fer.  Du  côté  opposé  existe  une  piscine  qui  af- 
fecte la  même  forme. 

Le  rétable  de  la  chapelle  située  à  l'extrémité  du  collatéral 
sud  est  décoré  d'un  magnifique  tableau  ,  peint  à  l'huile  ,  re- 
présentant le  martyre  de  saint  Sébastien.  On  admire  la  pose 
du  corps  et  un  effet  de  raccourci  des  plus  heureux  dans  l'un 
des  bras.  La  tête  est  fort  belle.  Ce  tableau  qui  a,  dit-on,  une 
grande  valeur,  ornait,  avant  la  Révolution,  une  des  salles  de 
l'ancien  palais  épiscopal  (1). 

La  fenêtre  du  fond  de  cette  chapelle ,  en  grande  partie 
masquée  par  le  rétable ,  présente  de  beaux  fragments  de  vi- 
traux. Le  médaillon  supérieur  représente  la  Sainte-Vierge. 
Celui  du  milieu  offre  l'effigie  d'un  évêque  (probablement  saint 
Ursin ,  auquel  était  anciennement  dédiée  cette  chapelle).  Les 
armatures  des  fenêtres  datent  du  même  temps  que  la  cha- 
pelle. Il  y  avait  dans  cette  chapelle ,  avant  la  Révolution  , 
un  ancien  tableau  représentant  la  translation  des  reliques  de 
saint  Ursin.  Cette  toile,  dont  M.  Charles  Vasseur  donnera 
la  description ,  est  aujourd'hui  placée  dans  une  chapelle  de 
l'église  St. -Jacques. 

De  chaque  côté  du  chœur  et  près  du  sanctuaire  s'élèvent, 
à  l'extérieur ,  deux  petites  tours  quadrangulaires ,  terminées 


(1)  Dans  un  ancien  inventaire,  dressé  en  4  760  après  la  mort  de 
M.  Ignace  de  Brancas  ,  ce  tableau  est  estimé  5,000  livres,  somme 
considérable   pour  l'époque. 


224         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

par  un  toit  en  pierre  couvert  d'imbrications.  Elles  renferment 
un  escalier  qui  conduit  aux  galeries  supérieures  dont  nous 
avons  parlé  Cette  disposition  de  tours  qui  accompagnent 
l'abside  est,  selon  M.  Violet-le-Duc,  tout-à-fait  propre  aux 
cathédrales  normandes. 

Les  arcs-boutants  cintrés  qui  soutiennent  le  chevet  ont 
été  refaits  au  XVIe.  siècle. 

Chapelle  de  la  Vierge.  —  La  chapelle  de  la  Vierge,  placée 
derrière  le  chœur,  attire  les  regards  par  ses  vastes  pro- 
portions et  par  son  élégante  architecture.  Elle  a  été  élevée , 
comme  on  sait,  dans  la  première  moitié  du  XVe.  siècle ,  par 
Pierre  Cauchon ,  évêque  de  Lisieux  et  ancien  évêque  de 
Beauvais,  en  expiation  de  la  sentence  inique  qu'il  avait  pro- 
noncée contre  l'infortunée  Jeanne-d' Arc,  la  libératrice  de  la 
France. 

Cette  chapelle  marque  le  passage  du  XIVe.  au  XVe.  siècle. 
Les  moulures  qui  entourent  les  fenêtres  et  dessinent  le  tym- 
pan, qui  déjà  affecte  la  forme  flamboyante,  sont  composées 
de  tores  et  garnies  d'un  listel.  Les  meneaux  qui  partagent 
les  baies  sont  ornés  de  colonnettes.  La  forme  prismatique 
apparaît  seulement  dans   la  seconde  moitié  du  XVe.  siècle. 

Le  plan  de  la  cathédrale ,  dressé  avec  soin  par  M.  Charles 
Vasseur ,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie , 
donne  les  dimensions  de  cette  chapelle  ,  qui  mesure  dans 
œuvre  17  mètres  20  cent,  de  longueur  sur  6  mètres  88  cent, 
de  large.  Elle  se  termine,  à  l'orient,  par  trois  pans  coupés 
et  est  éclairée  par  neuf  grandes  fenêtres  flamboyantes,  par- 
tagées en  quatre  baies  par  un  meneau  central  et  quatre  me- 
neaux secondaires.  Le  tympan  offre  une  élégante  tracerie 
dont  les  compartiments  variés  sont  décorés  de  nombreux 
fragments  de  vitraux  qui  paraissent  dater  seulement  du  XVIe. 
siècle.   Les   trois  fenêtres  du    fond  sont   garnies  de   vitraux 


CANTON    DE   L1SJELX,    2e.    SECTION.  225 

modernes ,  exécutés  par  M.  Lusson.  Ces  tableaux  transpa- 
rents ,  remarquables  par  la  netteté  et  la  perfection  du  dessin, 
l'éclat  du  coloris  et  la  délicatesse  des  nuances ,  ressemblent 
plus,  selon  nous,  à  des  chromolithographies  ou  à  ces  brillantes 
miniatures  qui  décorent  les  vieux  manuscrits ,  qu'aux  ver- 
rières que  nous  a  léguées  le  moyen-âge,  dont  les  tons  chauds 
et  vigoureux  et  les  teintes  harmonieuses  excitent  encore 
aujourd'hui  l'admiration  des  artistes.  L'une  de  ces  verrières, 
celle  de  gauche,  a  figuré  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 
Les  sujets  qu'elles  représentent  sont  relatifs  à  la  vie  glorieuse 
et  douloureuse  de  la  mère  du  Sauveur. 

Les  faisceaux  de  colonnettes  appliqués  contre  le  trumeau 
des  fenêtres  reçoivent  les  arceaux  d'une  voûte  d'arête , 
formée  de  fines  moulures.  La  clef  de  voûte  qui  surmonte  le 
sanctuaire  offre  l'écusson  de  Pierre  Cauchon ,  fondateur  de 
celle  chapelle.  L'écusson  placé  en-deçà  du  sanctuaire  repré- 
sente les  armoiries  du  Chapitre.  L'un  des  faisceaux  de  co- 
lonnettes est  interrompu  par  une  niche  qui  abritait  ancien- 
nement une  statue  de  la  Sainte- Vierge,  à  laquelle  cette 
chapelle  est  dédiée. 

L'autel  en  pierre  qui  décore  le  sanctuaire  a  été  exécuté 
d'après  les  dessins  de  M.  Bouet.  C'est  une  des  compositions 
les  plus  savantes  et  les  plus  gracieuses  de  cet  artiste ,  aussi 
distingué  que  modeste,  dont  loutes  les  œuvres  portent  l'em- 
preinte du  talent  et  du  bon  goût. 

Cet  autel,  dont  nous  avons  donné  en  1852  une  description 
complète  qui  nous  dispense  de  le  décrire ,  représente  les 
mystères  joyeux  et  douloureux  de  la  Sainte-Vierge  (1). 

Les  belles  boiseries,  dans  le  style  Louis  XV,  qui  sont  ap- 
pliquées contre  les    murs   latéraux    fermaient   autrefois   les 

(1)  Voir  les  journaux  de  Lfcieax,  <!«  8*7  novembre  et  h  décembre 
4  852. 

15 


226  STATISTIQUE   MONtJMf  NT  AL«   DU   CALVADOS. 

trois  travées  du  chœur  les  plus  rapprochées  du  transept. 
Elles  servaient  à  la  fois  de  haut-dossier  aux  stalles  hautes,  oc- 
cupées par  les  chanoines  ,  et  de  support  aux  grands  tableaux 
dont  nous  avons  parlé. 

Ces  boiseries  masquent  une  série  d'arcatures  reposant  sur 
des  colonnettes  à  chapiteaux  feuillages ,  entre  lesquelles  sont 
placés  des  bas-reliefs.  La  plupart  de  ces  bas-reliefs ,  dont  la 
forme  se  rapproche  de  celui  que  nous  avons  décrit  plus  haut, 
répondent  aux  pierres  tombales  qui  recouvrent  le  sol  de  la 
chapelle. 

Les  deux  groupes  placés  près  du  sanctuaire  (côté  de  l'évan- 
gile) représentent  le  crucifiement  et  l'ensevelissement  de 
Notre-Seigneur.  M.  Billon  pense,  avec  raison  ,  que  ces  bas- 
reliefs,  qui  sont  plus  anciens  que  les  autres  et  paraissent  dater 
du  XIVe.  siècle,  faisaient  partie  de  l'ancien  jubé  en  pierre  qui 
s'élevait  à  l'entrée  du  chœur  et  fut  détruit,  en  1689,  par  les 
ordres  de  Léonor  II  de  Matignon.  Ce  magnifique  jubé,  qui 
était  construit  en  pierre  des  Loges,  avait  coûté  6,000  livres, 
somme  énorme  pour  l'époque.  Les  sujets  variés  qu'il  offrait 
avaient  trait  a  la  vie  de  Notre-Seigneur  et  à  sa  Passion  glo- 
rieuse (1).  Il  fut  remplacé  par  un  jubé  en  bois,  dans  le  goût 
du  temps,  qui  probablement  était  loin  de  le  valoir.  Ce  jubé, 
exécuté  à  Caen  par  un  sieur  Bramu,  «  maître  sculpteur  •>  , 
avait  coûté  1,800  livres  (2). 

La  construction  du  nouveau  jubé,  qui  s'avançait  dans  le 
chœur,  entraîna  la  démolition  de  la  magnifique  chaire  épisco- 
pale,  «  qui  était  en  pierre  de  Vernon  et  d'un  très- beau  tra- 
vail (3).  »   Cette  chaire  avait  été  donnée  par  M.  le  cardinal 

(1)  Manuscrit  rédigé  enlre   les  années  1676  et  4717.  Ce  manuscrit 
est  attribué  à  un  chanoine. 
(2i  Manuscrit. 
L»)   M. 


CANTON    ttE    MSII-l  X,  2*.    SECTION.  227 

Leveneur ,  évêque  de  Lisieux.  Elle  avait  coûté  aussi  6,000 
livres. 

L'année  1689,  comme  les  deux  précédentes,  fut  véritable- 
ment désastreuse  pour  notre  cathédrale.  Les  changements 
imposés  par  la  mode,  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  firent 
commettre  de  nombreux  actes  de  vandalisme  qu'on  ne  saurait 
trop  déplorer  ;  car  ils  nous  ont  privés  de  véritables  chefs- 
d'œuvre  qui  seraient  aujourd'hui  le  plus  bel  ornement  de 
cette  église.  Les  tombeaux  ne  furent  même  pas  épargnés. 

Les  trois  tombeaux  qui  ont  été  détruits  étaient  placés  près 
du  maître-autel. 

On  a  retrouvé,  il  y  a  quelques  années,  un  fragment  en 
marbre  de  Carrare,  détaché  du  tombeau  de  Mgr.  d'Estoute- 
ville,  qui  a  occupé  le  siège  épiscopal  de  Lisieux  depuis  1382 
jusqu'en  1M5. 

Ce  précieux  fragment,  qui  peut  donner  une  idée  de  la  ri- 
chesse de  ce  tombeau  dont  le  faire  révèle  le  ciseau  d'un  des 
artistes  italiens  les  plus  en  renom  à  celte  époque,  a  été  dessiné 
par  M.  Rouet.  L'écusson  du  cardinal,  tenu  par  un  ange,  est 
renfermé  dans  un  délicieux  quatre-feuilles  à  pétales  lancéo- 
lés, formé  de  jolies  moulures  toriques.  Il  occupait  la  partie 
centrale  d'une  des  faces  du  tombeau,  qui  était  sculpté  à  jour 
et  surmonté  d'une  statue  en  marbre.  Les  deux  autres  tom- 
beaux étaient  ceux  de  Mgr.  Fouques-d' Astin ,  évêque  de 
Lisieux  (1250-1267)  et  de  ]\Igr.  Guy  d'Harcourt  (1303- 
1 336).  Le  premier  était  en  bronze  ;  le  second,  couvert  d'une 
grande  table  de  marbre  noir,  n'offrait  aucune  effigie.  Ce 
tombeau,  dont  nous  avons  retrouvé  un  fragment ,  offrait  sur 
chaque  face  une  série  d'arcatures  reposant  sur  des  colon- 
nettes  dont  les  bases  ont  été   conservées. 

La  pierre  tombale  (pie  l'on  voit  à  l'entrée  du  sanctuaire, 
en  face  le  maître-autel,  consacre  la  mémoire  de  l'évêque  qui 
a  fait   tous  ces  changements  <i  dépouillé  notre  cathédrale  de 


228  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

ce  qu'elle  avait  de  plus  précieux.  Kilo  offre  l'inscription  sui- 
vante, que  nous  reproduisons  en  entier  : 

D.  O.  M. 

HIC 

QUIESCIT 

BEATAM    EXPECTANS    RESURRECTIONBM 

LEONORIUS    DE    MATIGNON 

LEXOVIENSIS    EPISCOPUS    NOMINE    SECUKDUS 

ANT1QUAM    AVORUM    GLORIAM 

PROPRIA    V1RTUTE    ILLUSTRAVIT 

PKtfXESSORUM    LAUDEM 

FIDE ,    PIETATE,    CHARITATE  ,    VIGIMNT1A 

UNUS    OMNIUM    COMPLEXUS    EST. 

GREGI    PASTOR    BONUS 

NOVITATUM    OSOR, 

DOCTOR    ECCLESI.E    ET    DISCIPLLUS, 

CLERO    MAGNUM    EXEMPLUM 

PALPER UM    AMORE,    DIVITIARUM    USU. 

QUjF.RIS    PRflSSULIS    EXIMII    MONUMENTUM. 

URRS    TOTA    MONUMENTUM    EST, 

ERECTIS    PASSIM    ET    DOTATIS 

SEMINARIIS  ,    NOSOCOMIIS    PTOCHOTROPHIIS. 

PAU  PERES    HjEREDES    RELIQUIT, 

NE    QUOS    VIVENS    ALUERAT    MORIENS    DESERERET 

QUANTUM     DILEXERIT    DECOREM    DOMUS    DEI  , 

HOC    TEMPI-UM,    H^EC    ARA,    TESTANTUR. 

OBI1T 

ANNO    M    DCCXIIII    DIE    XIV    JULII 

V.TATIS   ANNO    LXXIIII    EPISCOPATUS    XXXVII. 

VIRTUTES     IMITARE. 

REQUIESCIT    IN    PACE. 

Derrière  e  maître-autel  étaient  placées,  dans  de  riches 
châsses  gothiques ,  les  reliques  de  la  cathédrale  qui  furent 
profanées  ,  en  1562  ,  par  les  Calvinistes. 

Le  5  juillet  1731,  JMgr.  Henri-Ignace  de  Brancas  fit  placer 
ces  reliques  dans  deux  nouvelles  châsses,  de  chaque  côté  du 


CANTON    DE    LlSti-LX  ,    2e.    SECTION.  2*29 

grand  et  magnifique  autel  élevé  aux  frais  de  son  prédécesseur, 
Léonor  II  de  Matignon.  Ces  reliquaires ,  exposés  à  la  véné- 
ration des  fidèles,  étaient  portés  par  deux  anges  (1). 

La  chaire  en  bois  de  chêne  sculpté,  qu'on  voyait  encore  il 
y  a  quelques  années  dans  la  nef,  a  également  disparu. 

Cette  chaire  avait  une  certaine  valeur  artistique  et  offrait  un 
véritable  intérêt  historique.  La  tribune,  qui  seule  avait  été 
conservée,  avait  plus  d'une  fois  retenti  des  accents  mâles  et 
de  la  parole  éloquente  de  plusieurs  évêques  et  d'un  grand 
nombre  de  prédicateurs  distingués.  Le  souvenir  de  Bossuet, 
le  plus  grand  orateur  chrétien  des  temps  modernes,  qui 
s'attache  à  celte  chaire  ,  aurait  dû  la  sauver  de  la  de- 
struction. 

Trois  parties  tout-à-fait  distinctes  composaient  la  tribune 
que  nous  allons  décrire  en  quelques  mots:  1°.  un  soubasse- 
ment, orné  de  moulures  ;  42°.  un  étage  intermédiaire  à  claire- 
voie,  garni  de  balustres  d'une  forme  curieuse,  dont  les  angles 
étaient  décorés  d'anges  caryatides  enveloppés  de  draperies  , 
d'une  exécution  remarquable;  3°.  la  tribune. 

Les  panneaux  qui  composaient  les  quatre  faces  de  la  tri- 
bune étaient  ornés  d'encadrements  à  angles  rent:  nts,  garnis 
de  jolies  moulures  tarabiscotées.  Aux  extrémitéb  t.  •  chaque 
panneau,  dont  la  surface  unie  était  probablement  des,; née  à 
recevoir  des  peintures  en  camaïeu,  se  détachait  une  colonne 
corinthienne  de  fantaisie,  dont  le  tiers  inférieur  était  couvert 
de  feuilles  de  vigne.  Il  eût  été  facile  de  compléter  celte  belle 
chaire  et  de  l'orner  d'une  manière  convenable.  La  chaire  de 
Prêtreville,  près  de  Lisieux,  et  celle  de  Préaux,  près  d'Orbec, 
datent  de  la  même  époque.  La  première  a  conservé  son  cou- 
ronnement. 

De  tout  ce  riche  mobilier  il  ne  reste  plus  aujourd'hui  que 

(*)  Manuscrit 


TM)  STATISTIQUE    MOMMILMAU:    DU    CALVADOS. 

les  stalles  du  chœur,  qui  datent  des  premières  années  du 
XIVe.  siècle. 

Ces  stalles,  les  plus  curieuses  et  les  plus  riches  que  nous 
ait  léguées  cette  période  de  l'architecture  gothique,  étaient 
au  nombre  de  soixante-douze  (  trente-six  de  chaque  côté),  et 
disposées  sur  deux  rangs.  Elles  ont  été  dessinées  par  MM.  Dar- 
cel  et  Sauvageot. 

Les  personnages  qui  décorent  les  poupées  sont  placés,  deux 
par  deux,  sous  des  arcatures  géminées,  trilobées,  dont  le 
tympan  est  décoré  d'un  quatre-feuilles.  Parmi  ces  person- 
nages ,  dont  les  figures  sont  affreusement  mutilées,  on  dis- 
tingue plusieurs  apôtres  (  saint  Pierre ,  saint  Paul ,  saint 
André);  deux  diacres  (saint  Etienne  et  saint  Laurent),  re- 
vêtus de  leur  dalmatique  à  larges  manches  ;  un  évêque  bé- 
nissant (probablement  saint  Ursin)  ;  deux  anges  terrassant  un 
dragon,  image  de  la  lutte  du  bien  contre  le  mal  (  l'archange 
saint  Michel  et  l'ange  Gabriel  (1)  )  ;  une  femme  voilée,  tenant 
un  livre  à  fermoir  ;  enfin  ,  deux  personnages  tenant  à  leur 
main  une  escarcelle  et  paraissant  faire  l'aumône  à  un  men- 
diant dont  la  jambe  en  écharpe  est  soutenue  par  une  béquille. 
Les  draperies  qui  les  enveloppent  sont  admirablement  traitées 
et  d'une  grande  finesse  d'exécution.  Les  angles  supérieurs  de 
chaque  poupée  sont  décorés  de  têtes  de  lion,  d'aigle,  etc.,  ar- 
tistement  sculptées. 

Une  seule  de  ces  poupées  a  conservé  son  couronnement 
primitif,  formé  de  larges  volutes  garnies  de  feuilles  de  vigne 
parfaitement  découpées.  Le  couronnement  des  autres  stalles 
a  été  refait  au  XVIe.  siècle.  Les  feuilles  de  vigne  qui  décorent 


(1)  On  lit,  dans  la  Charité  de  Tlnberville,  que  l'archange  saint  Michel 
vint  au  secours  de  l'ange  sainl  Gabriel  qui  avait  reçu  la  mission  de 
combattre  le  démon,  lequel  s'opposait  au  retour  des  Israélites  à  Jéru- 
salem. 


CANTON    DE    LJS1ELX,    2e.    SECTION.  231 

les  volutes  et  l'intervalle  qui  les  sépare  sont  d'une  exécution 
plus  molle  et  moins  soignée. 

La  plupart  des  miséricordes  sont  décorées  de  têtes  d'ani- 
maux. 

Les  accoudoirs  des  parcloses  sont  formés  de  crossettes  et 
garnis  de  colonnettes  à  pans  coupés,  qui  supportent  les  mu- 
seaux (sellarum  brachia  ).  Les  moulures,  formées  de  tores 
garnis  d'un  listel,  caractérisent  la  transition  du  XIIIe.  siècle 
au  XIVe.  Ces  stalles ,  d'une  haute  valeur  archéologique , 
mériteraient  une  description  complète. 

Façade  occidentale.  — La  façade  principale,  précédée  d'un 
large  perron,  s'élève  à  l'angle  nord-ouest  d'une  vaste  place 
entourée  d'arbres. 

Cette  façade ,  d'un  style  sévère  qui  n'exclut  pas  une  cer- 
taine élégance  et  une  certaine  richesse  dans  les  détails,  date, 
dans  son  ensemble,  du  XIIIe.  siècle.  Elle  est  en  grande  partie 
l'œuvre  de  Jourdain  du  Hommet,  évêque  de  Lisieux,  auquel 
on  doit,  ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  la  construction  des 
deux  dernières  travées  du  chœur  et  celle  de  l'abside.  Une 
partie  des  ravalements  de  cette  façade  a  été  faite  sous  les  suc- 
cesseurs de  cet  évêque. 

Quatre  contreforts ,  terminés  par  un  fronton  ©rué  d'une 
rosace  et  décorés  dans  leur  partie  inférieure  de  trois  arca- 
lures  ogivales ,  formant  niches ,  placées ,  l'une  sur  la  face 
principale ,  les  deux  autres  en  retour  d  equerre  ,  dessinent 
les  grandes  divisions  du  portail.  Ces  niches  sont  couronnées 
de  dais  qui  probablement  abritaient  les  statues  des  douze 
apôtres. 

Trois  portes  correspondant,  celle  du  milieu  à  la  nef  prin- 
cipale, les  deux  autres  aux  bas-côtés,  s'ouvrent  dans  la  partie 
inférieure  de  la  façade ,  laquelle  est  surmontée  de  deux  tours 
d'inégale  hauteur. 


232         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Le  porlail  proprement  dit,  complètement  défiguré,  datait, 
comme  la  nef,  du  XIIe.  siècle  (deuxième  moitié).  L'ancienne 
porte,  dont  il  ne  reste  plus  que  de  faibles  vestiges ,  était  à 
claire-voie ,  comme  les  portes  latérales  auxquelles  elle  a  dû 
servir  de  modèie.  Il  n'y  a  jamais  eu  de  statues  dans  les 
ébrasures  du  grand  portail,  ainsi  que  l'atteste  un  ancien  devis 
des  travaux,  portant  la  date  du  26  février  178^  :  «  Nous 
«  avons  remarqué  qu'il  manque  au  grand  portail  huit  co- 
«  lonnes  de  pierre  avec  leurs  bases,  dont  quatre  de  7  pouces 
&  de  diamètre  sur  8  pieds  de  haut ,  non  compris  les  cha- 
«  piteaux.  Les  qualre  autres  de  lx  pouces  de  diamètre.  » 
La  porte  était  partagée  en  deux  baies  par  un  trumeau  sym- 
bolique contre  lequel  était  appuyée  une  statue ,  de  grandeur 
naturelle ,  représentant  le  Sauveur  du  monde.  Les  voussures 
étaient  garnies  de  feuillages,  empruntés  probablement  à  la 
flore  locale.  Un  bas-relief  décorait  le  tympan,  qui  était 
trilobé  et  placé  plus  bas  que  le  tympan  actuel. 

La  base  des  colonnes  et  le  piédestal  ont  seuls  été  con- 
servés et  peuvent  donner  une  idée  de  la  riche  décoration  de 
celte  partie  de  la  façade,  qui  constituait  le  portail  propre- 
ment dit.  La  base  est  composée  de  deux  tores  séparés  par 
une  scotie.  Une  agrafe ,  appliquée  sur  le  tore  inférieur  qui 
est  aplati,  rattache  cette  base  au  piédestal. 

Les  piédestaux  des  colonnes,  formant  ressaut,  sont  décorés, 
sur  la  face  principale  et  sur  le  côté  qui  est  libre,  d'une  ar- 
cature  trilobée.  L'ornement  placé  sous  cette  arcature ,  com- 
posé de  trois  feuilles  dont  les  extrémités  sont  recourbées  en 
volutes,  affecte  la  forme  de  la  fleur  de  lis.  La  partie  inférieure 
du  piédestal,  faisant  saillie  ,  est  ornée  de  cannelures.  De  gra- 
cieux rinceaux  ou  enroulements  formés  de  feuilles  de  vigne 
et  de  raisins,  offrant  une  grande  ressemblance  avec  ceux 
qui  recouvrent  le  tailloir  des  colonnes  du  porche  intérieur, 
décorent  la  partie  supérieure  du  piédestal.  Nous  ferons  re- 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  233 

marquer  que  l'ornementation  de  cette  porte  présente  une 
grande  analogie  avec  celle  du  portail  occidental  de  la  cathé- 
drale de  Sens. 

On  aperçoit  distinctement ,  dans  les  ébrasures  de  la  porte, 
les  soudures  qui  rattachent  l'ancien  portail  du  XIIe.  siècle  à 
la  façade  actuelle  que  nous  allons  décrire. 

L'étage  supérieur ,  d'une  grande  richesse  d'ornementa- 
tion ,  est  percé  d'une  grande  fenêtre  ogivale  dont  les  ar- 
chivoltes ,  au  nombre  de  trois  ,  reposent  de  chaque  côté 
sur  de  légères  colonneltes.  L'intervalle  qui  sépare  ces  co- 
lonnettes  est  orné  de  feuilles  de  vigne.  La  voussure  du  milieu 
est  sculptée  à  jour.  Une  série  de  quatre- feuilles ,  gravés  en 
creux ,  entoure  l'extrados  de  cette  fenêtre.  Deux  meneaux , 
qui  se  bifurquent  dans  la  partie  supérieure,  la  partagent 
en  trois  baies  d'une  forme  peu  gracieuse.  Ces  meneaux  , 
entièrement  sculptés  à  jour ,  sont  décorés  de  larges  feuilles  , 
artistement  découpées,  qui  ressemblent  aux  feuilles  de  berce. 
Des  rosaces,  sculptées  en  creux  dans  les  tympans,  complètent 
l'ornementation  de  celte  riche  fenêtre  qui  a  été  complètement 
restaurée  il  y  a  quelques  années. 

La  galerie  (Gloria,  laus)  (1)  placée  à  la  base  du  gable  ou 
fronton  contraste  par  sa  simplicité  avec  la  fenêtre  précédente. 
Lne  série  d'arcatures  ogivales,  dont  les  archivoltes  reposent 
sur  des  colonneltes  ,  décore  le  fond  de  cette  galerie  qui  relie 
les  deux  tours.  La  balustrade  à  jour  qui  protège  celte  galerie 
est  formée  d'arcatures  trilobées. 

Deux  gargouilles,  représentant  des  animaux  chimériques, 
placées  vers  les  extrémités,  semblent  se  détacher  de  cette  ga- 
lerie et  déverser  l'eau  sur  le  parvis.  Sous  le  ventre  de  ces 
animaux  ,  on  aperçoit  deux  têtes  humaines  qui  produisent 
un  effet  bizarre. 

(1)  La  cérémonie  du  Gloria,  laus  a  été  rétablie  dans  noire  cathédrale 
en  1856. 


T6k  STATISTIQUE   MOlNUMUXTALE    DU    CALVADOS. 

Un  ange  dans  le  style  du  portail,  jouant  de  l'oliphant  et 
annonçant  le  Jugement  dernier ,  forme  l'amortissement  du 
fronton. 

Toute  cette  partie  de  la  façade  a  été  restaurée  et  presque 
entièrement  refaite  à  neuf.  Elle  offre  ,  par  conséquent ,  à 
l'exception  des  piédestaux  des  colonnes  du  portail ,  un  mé- 
diocre intérêt. 

La  porte  méridionale ,  d'une  architecture  élégante ,  a  été 
dessinée  par  M.  Bouet  et  publiée. 

Cette  porte,  également  à  claire-voie,  est  entourée  de  trois 
archivoltes  qui  s'appuient ,  de  chaque  côté ,  sur  des  colon- 
nettes  sveltes  et  élancées ,  détachées  du  mur.  La  voussure 
du  milieu ,  parfaitement  évidée  ,  offre  deux  rangs  de  larges 
feuilles  opposées  dont  les  extrémités,  légèrement  recourbées 
en  volutes,  viennent  se  joindre.  Le  cordon  qui  entoure  l'ex- 
trados et  retombe  sur  le  pied-droit  du  mur ,  offre  une  série 
de  quatre-feuilles  gravés  en  creux. 

Trois  colonnettes,  placées  en  retraite  contre  le  mur, 
alternent  avec  les  colonnes.  Les  archivoltes ,  formées  d'un 
gros  tore  et  d'un  tore  plus  petit ,  séparés  par  une  gorge  pro- 
fonde, s'entrecroisent  en  dessinant  des  ogives  et  retombent 
sur  des  chapiteaux  garnis  de  crosseltes  végétales.  La  partie 
du  mur  comprise  enlre  ces  arcatures  et  les  chapiteaux  qui 
terminent  les  colonnes  principales  est  semée  de  nombreux 
quatre-feuilles.  Celte  espèce  de  tapisserie,  d'un  effet  agréable 
à  l'œil,  se  continue  au-dessus  de  la  baie  qui  donne  accès  sous 
le  porche  intérieur,  placé  en   avant  du  collatéral. 

Un  bas-relief,  dont  il  ne  reste  plus  qu'un  faible  vestige  , 
décorait  le  tympan  ,  qui  est  trilobé. 

Deux  grandes  rosaces ,  accompagnées  de  rosaces  plus  pe- 
tites ,  de  quatre-feuilles  et  de  trèfles  ,  garnissent  la  partie 
supérieure  du  mur  formant  le  couronnement  de  cette  porte  , 


CAiMON    DR    LISIEUX  .    2*.    SFCTION.  235 

l'un  des  plus  gracieux  spécimens  de  l'architecture  du  XIIIe. 
siècle  (1). 

La  porte  septentrionale  ,  qui  présente  le  même  système  de 
décoration  ,  a  été  restaurée  ou  plutôt  reconstruite  il  y  a 
quelques  aimées.  L'ornementation  de  cette  porte  ,  qui  est 
amsi  à  claire-voie,  diffère  peu  de  la  précédente.  La  large 
voussure  qui  occupe  la  partie  centrale  de  l'ogive  est  sculptée 
à  jour  et  dicorée  de  feuilles  de  vigne  et  de  grappes  de  raisin. 
Les  arcatures  qui  tapissent  le  mur ,  plus  élancées  que  les 
précédentes,  s'appuient  sur  des  colonnettes ,  dont  les  cha- 
piteaux sont  ornés  de  crossettes  végétales  et  de  feuillages. 

Les  bases  des  colonnes  principales,  détachées  du  mur,  sont 
ornées  de  larges  feuilles  aplaties  et  disposées  en  diagonale, 
de  manière  à  ménager  des  espaces  triangulaires,  concaves  , 
pour  l'écoulement  des  eaux.  Cette  disposition  ingénieuse  se 
remarque  aussi  au  portail  de  l'ancienne  abbaye  d'Ardennes, 
près  Caen. 

Le  rez-de-chaussée  des  deux  tours ,  formant  porche  à 
l'intérieur ,  en  avant  des  collatéraux  ,  présentait  une  jolie 
voûte  d'arête  dont  les  arceaux,  presque  entièrement  détruits, 
sont  formés  de  tores ,  garnis  d'un  listel ,  lesquels  retombent 
sur  des  faisceaux  de  colonnelles  extrêmement  légères,  placés 
dans  les  angles.  Les  chapiteaux  garnis  de  feuillages  qui 
terminent  ces  colonneltes  ont  leur  abaque  circulaire.  Les 
deux  colonnes  placées  dans  un  d'-s  angles,  à  gauche  de  l'ar- 
cade qui  précède  le  collatéral  sud  ,  sont  plus  anciennes  et 
datent  du  même  temps  que  la  nef.  Ces  colonnes ,  dont  les 
chapiteaux  sont  ornés  de  feuilles  galbées ,  servent  d'appui  à 
deux    colonnettes  a   chapiteaux  feuillages   qui    reçoivent  la 

(1)  Une  galerie  voûtée  en  arêle,  pratiquée  dans  le  mur  méridional 
de  la  tour,  donnait  accès  aux  ofliciers  subalternes  que  leur  service 
matinal  appelait  à  la  cathédrale.  La  porte  extérieure  de  cette  galerie 
présente  une  certaine  élégance. 


336  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

retombée  de  la  voûte  et  datent ,  comme  celle-ci ,  du  XIIIe. 
siècle. 

Les  deux  arcades,  très-élancées ,  qui  communiquent  avec 
les  bas-côtés  de  la  nef  datent  du  XIII".  siècle.  Les  pieds- 
droits  sur  lesquels  elles  s'appuient  sont  décorés,  dans  la 
partie  supérieure,  de  feuillages  délicatement  fouillés. 

L'étage  intermédiaire  de  chaque  tour  offre ,  sur  toutes  ses 
faces ,  de  longues  arcatures  ogivales  géminées ,  dont  les 
archivoltes,  formées  d'un  simple  tore,  portent  sur  de  minces 
colonnettes.  Une  rosace  sculptée  en  relief  décore  le  tympan. 

Le  clocher  septentrional,  dont  la  base  carrée  forme  un 
plan  incliné  couvert  d'imbrications,  offre  sur  chaque  face  deux 
fenêtres  ogivales  géminées,  très-élancées,  dont  les  archivoltes 
reposent  sur  des  colonnettes.  Chacune  de  ces  fenêtres  est 
divisée  en  deux  longues  baies  par  un  meneau. 

Un  toit  en  charpente  à  quatre  pans,  couvert  en  tuiles, 
surmonte  le  clocher  qui  probablement  était  destiné  à  rece- 
voir une  pyramide  en  pierre. 

Le  clocher  du  midi,  composé  de  trois  étages,  a  été  élevé 
vers  la  fin  du  XVIe.  siècle  ,  ainsi  que  l'atteste  la  date 
gravée  sur  la  face  principale  de  la  tour.  Ce  clocher,  qui  porte 
tous  les  caractères  du  style  de  la  Renaissance  à  son  déclin, 
présente  de  loin  une  masse  sévère  et  imposante,  qui  rappelle 
l'ampleur  des  tours  romanes.  Il  est  percé  à  chaque  étage  de 
deux  fenêtres  à  plein-cintre ,  géminées ,  d'une  exécution 
grossière ,  dont  l'archivolte  unique  repose  ,  de  chaque  côté, 
sur  une  colonnette.  Ces  fenêtres  sont  subdivisées  en  deux 
baies  ogivales  ,  formées  par  l'intersection  des  cercles.  Des 
arcatures  aveugles ,  mal  dessinées  décorent  les  angles  de 
chaque  mur. 

Une  galerie,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  d'Armoiries, 
est  placée  à  la  base  de  la  pyramide.  Cette  galerie  est  pro- 
tégée par  une  balustrade  crénelée,  en  pierre,  en  partie  pleine 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  237 

et  en  partie  à  jour ,  à  laquelle  on  suspendait,  dans  les  fêtes 
civiles  et  religieuses,  des  drapeaux  et  des  oriflammes  couverts 
d'écussons. 

La  flèche  en  pierre,  de  forme  octogone,  qui  couronne  le 
clocher  date  seulement  du  XVIIe.  siècle.  Chacune  des  quatre 
faces,  qui  correspondent  aux  angles  de  la  tour,  est  garnie 
d'un  clocheton  d'une  forme  peu  gracieuse  et  d'un  style  un 
peu  lourd.  Les  pans  de  la  pyramide,  couverts  d'imbrications, 
sont  séparés  par  des  arêtes  garnies  de  crochets. 

Ce  clocher  renfermait,  avant  la  Révolution,  une  belle  son- 
nerie composée  de  huit  cloches.  La  plus  grosse  de  ces  cloches, 
qui  avait  échappé  à  la  tourmente  révolutionnaire,  fut  refon- 
due en  1818,  aux  frais  de  la  Fabrique  et  fit  partie  d'une  nou- 
velle combinaison  campanaire.  Cette  ancienne  cloche,  qui  por- 
tait les  deux  dates  de  1205  et  1690,  offrait  l'inscription  sui- 
vante ,  en  caractères  gothiques ,  relevée  avec  soin  par 
M.  d'Ingremont ,  ancien  secrétaire  de  la  Mairie ,  qui  a  fait 
de  nombreuses  et  utiles  recherches  sur  l'histoire  locale,  con- 
signées en  grande  partie  dans  des  notices  pleines  d'intérêt 
pour  notre  ville  : 

-j-  3tnno   •    Xîm  •    mn,°  •    bucftM0  •    quitu  •   (&v\bo  •    (&marbù\\  •    bat    . 

cuîus   •    ôonus    •   ara   ■   vtbvmbat    . 

etus    •    sytrnmeit    • 

puce   •    qutescat    . 

3tmm. 

Jtucta    •    tut   •    bt   •    bonis    •    ytc   •     recor&acars   •     <0>u'tllt   •    Irx    . 

quonî»   •    çsults   •    bigmssum   •    anno   •    Bnt   •    mo°    •    quûï>rtngrnmo    • 

nonagfsimo   •    ttit10    •    junti. 

Deux  bourdons,  qui  s'harmonisaient  avec  les  huit  cloches, 
étaient  placés  dans  la  tour  septentrionale. 

M.   Billon,  dans  une  savante  notice  sur  les  cloches  et  sur 


238  STATISTIQUE    MOMJMENTALb    M   CALVADOS. 

l'épigraphie  campanaire  insérée  dans  le  Bulletin  monumen- 
tal, donne  quelques  détails  intéressants  sur  celte  importante 
sonnerie  qui  faisait  l'admiration  de  tous  les  connaisseurs. 

La  sonnerie  actuelle,  composée  de  cinq  cloches  formant 
une  quinte  puissante  et  harmonieuse,  a  été  fondue  au  Mans 
dans  les  ateliers  de  M.  Ernest  Bollée. 

Nous  terminerons  celte  notice  par  rémunération  des  objets 
les  plus  précieux  qui  composaient  le  trésor  de  la  cathédrale. 

Nous  signalerons  :  1°  la  vaste  châsse  en  argent  massif 
qui  contenait  les  reliques  de  saint  Ursin  ,  de  saint  Bertivin, 
de  saint  Cande  et  de  saint  Patrice.  «  C'est ,  »  dit  Guillaume 
d'Estouteville,  évêque  de  Lisieux,  qui  en  a  fait  la  description 
(14  avril  1399)  ,  «  une  châsse  d'environ  six  pieds  de  long, 
a  de  deux  pieds  de  large  et  de  deux  pieds  de  haut,  sans  y 
«  comprendre  la  couverture  en  forme  de  toit,  qui  est  aussi 
«  à  peu  près  de  deux  pieds;  elle  est  couverte  d'argent  de 
«  tous  cotez,  dorée  sur  la  couverture  ei  enrichie  d'ailleurs 
«  de  pierres  précieuses  et  de  différentes  figures  ou  images, 
«  sçavoir  est  à  un  bout  du  côté  droit,  de  l'image  de  N.  S. , 
«  représenté  assis  donnant  d'une  main  la  bénédiction  et  tenant 
<(  un  livre  de  la  main  gauche;  à  l'autre  bout,  de  l'image  de 
o  notre  B.  Patron  S.  Pierre,  aussi  représenté  assis  et  tenant 
a  des  clefs  et  un  livre;  au  milieu  du  côté  de  l'autel,  de  l'image 
«  de  la  S.  Vierge  portant  son  Fils  sur  son  sein ,  et  au  milieu 
«  de  l'autre  côté,  de  l'image  de  notre  Pasteur  S.  TJrsin  en 
a  habits  pontifaux.  etc.   (1).  » 

2°.  Un  riche  dais,  donné  par  Mgr.  de  Cheylus,  évêque  de 
Baveux ,  ancien  haut-doyen  de  la  cathédrale  de  Lisieux  , 
nommé  vicaire-général  du  diocèse  après  la  mort  de  Mgr. 
Ignace  de  Brancas  (1760).  Ce  dais  avait  coulé  20,000  livres. 

3°.  Un  magnifique  ornement  en   or,  brodé  en  bosse  sur 

(I     Vies  des  saints  Patrons  du  diocèse  de.  Lisieux. 


EàtfrôN   Dii   [ÎSIHïX,   2e.    SECTIOÏS.  239 

fond  de  velours  rouge,  donné  par  les  Matignon  et  appelé  le 
Gros-Matignon  à  cause  de  sa  richesse  et  de  son  poids,  qui 
était  énorme. 

Parmi  les  objets  précieux  qui  composaient  le  trésor  de  la 
cathédrale ,  pillé  par  les  huguenots  en  1 562 ,  nous  signale- 
rons : 

1°.   Une  statue  de  la  Sainte- Vierge  en  argent  doré  ; 

2°.  Un  tabernacle  ou  custode  ,  également  en  argent  doré 
et  en  forme  de  pyramide,  qui  surmontait  le  maître- autel  et 
où  l'on  exposait  la  sainte  Hostie  ; 

3°.  Deux  croix  en  argent  doré,  dont  l'une,  fort  pesante  , 
était  enrichie  de  pierres  précieuses  ; 

4°.  La  mitre  «  du  chef  du  grand  sainct  Ursin,  d'argent 
«  doré  ,  fort  enrichye  de  rubis ,  diamans  ,  et  aultres  pierres 
«  précieuses,  estimé  à  200  écus  »  ; 

5°.    Un  grand  calice  en  argent  doré  ; 

6°.  Une  crosse  <■  de  grande  estoffe  ,  d'argent  doré ,  en- 
«  richye  de  pierres  précieuses  ,  estimée  à  1,500  livres  ,  non 
«  compris  la  mître  de  drap  d'or,  enrichye  de  rubis,  diamans, 
«  perles  et  aultres  pierres  de  bonne  valeur  servant  à  l'évesque 
«  lorsqu'il  disait  la  grand'messe  '  ; 

7°.  Deux  livres  contenant  «  les  épistres  et  évangiles  , 
«  reliez  d'ais ,  couverts  de  lames  d'argent  doré  ,  enrichys  de 
«  pierres,  appelez  Majestez  (1).  » 

Palais  épiscopal.  — L'ancien  palais  épiscopal ,  aujourd'hui 
affecté  à  divers  services,  s'élève  au  nord -ouest  de  la  cathé- 
drale. Il  occupe  remplacement  de  l'ancien  château  féodal  des 
évêques  de  Lisieux  dont  il  ne  reste  plus  que  de  faibles  vestiges. 


(1)  Extrait  du  Procez  verbal  des  vols  et  pilleries  commis  dans 
l'esglise  cathédrale  Sainct  Pierre  de  Lisieux  par  les  huguenots  en 
1562. 


240  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Le  palais  épiscopal  a  partagé  les  mêmes  vicissitudes  que  la 
cathédrale. 

Jean  I",  qui  occupa  le  siège  épiscopal  de  Lisieux  entre  les 
années  1107  et  1141,  est  le  premier  de  nos  évêques  qui, 
d'après  le  Gallia  chrisliana,  agrandit  et  embellit  l'antique 
demeure  habitée  par  ses  prédécesseurs  (1). 

En  1136,  notre  ville  fut  entièrement  détruite  par  un  incen- 
die. Les  principaux  édifices,  construits  avec  plus  de  soin  et 
avec  des  matériaux  plus  solides  que  les  maisons  occupées  par 
les  bourgeois,  ne  purent  résister  à  la  violence  de  l'élément 
destructeur.  La  cathédrale  et  le  palais  épiscopal  devinrent  la 
proie  des  flammes. 

L'évêque  Arnoult,  qui  succéda  à  Jean  Hardouin  en  1141, 
s'occupa  avec  un  zèle  digne  des  plus  grands  éloges  à  relever 
de  ses  ruines  la  cathédrale  et  le  palais  épiscopal,  ainsi  que 
l'atteste  une  lettre  qu'il  écrivit  en  1143  au  pape  Célestin  II 
pour  le  complimenter  sur  son  élection.  Dans  celte  lettre,  il 
exprime  au  prélat  le  vif  regret  qu'il  éprouve  de  ne  pouvoir 
se  rendre  en  personne  à  Rome,  parce  qu'il  cherchait  à  s'affer- 
mir dans  les  bonnes  grâces  du  nouveau  prince  (Henri  II,  roi 
d'Angleterre),  et  qu'il  était  très-occupé  à  rétablir  les  ruines 
de  son  église  et  de  sa  maison  (2). 

Le  palais  que  fît  élever  Arnoult  était  d'une  grande  magni- 
ficence, ainsi  qu'on  peut  le  voir  par  les  lignes  suivantes, 
extraites  de  l'ouvrage  d'un  auteur  contemporain,  Robert  de 
Thorigny,  abbé  du  Mont-St-Michel  :  «  Arnulphus,  lexoviensis 


(1)  Hic   (ut  habenl  Chronica  Normanniae,  p.  979)    multum  episco- 
palem  sedem  aediticiis  et  ornameutis  accrevit. 

(2)  Quod  in  asserendà  sibi  recenti  novi  principis  gratia,  resarciendis 

ecclesiae  et  domus  sua?  ruinis occupatus  perse  non  poluit,  perepis- 

tolam  Celestinura  II  post  Innocentera  electum  summum  Pontificera 
convenit.  (  Gallia  christiana,  t.  XI,  p.  775.) 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTION.  2M 

episcopus,  cum  per  annos  eamdem  ecclesiam  rexisset,  in  aedi- 
ficando  ecclesiam  et  pulcherrimas  domos  laborasset,  renun- 
tiavil  episcopatui  »  (1). 

En  1226,  sous  l'épiscopat  de  Guillaume  du  Pont-de-l' Arche, 
un  incendie  considérable  faillit  réduire  en  cendres  la  cathé- 
drale. Le  palais  épiscopal  fut  heureusement  épargné. 

Dans  les  siècles  suivants,  le  palais  de  nos  évêques  subit 
quelques  modifications.  De  nouvelles  constructions  vinrent 
se  joindre  aux  bâtiments  primitifs. 

Au  XIVe  siècle,  le  palais  épiscopal  formait  une  vaste 
enceinte.  «  Ses  murs  épais,  ses  tours  garnies  de  mâchicoulis, 
«  ses  fossés  profonds  donnaient  à  cette  demeure  l'aspect  d'un 
«  château  féodal.  »  Les  habitants  de  Lisieux  étant  restés 
redevables  d'une  certaine  somme  pour  la  rançon  du  roi  Jean, 
fait  prisonnier  par  les  Anglais  après  la  bu  taille  de  Poitiers 
(18  septembre  1356),  le  Dauphin,  qui  devint  roi  sous  le  nom 
de  Charles  V,  leur  fit  une  remise  annuelle  de  deux  deniers  sur 
douze.  Cette  remise  avait  pour  but,  dit  iVl.  Guilmeth,  d'ai- 
der l'évêque  et  les  habitants  de  Lisieux  à  réparer  les  forti- 
fications du  château  féodal  et  d'accélérer  la  construction  des 
murailles  (2). 

Enfin ,  au  XVIIe  siècle ,  le  vieux  palais  construit  par 
Arnoult  fut  démoli.  Sur  son  emplacement  s'éleva  un  nou- 
veau palais,  dont  la  façade  principale,  construite  en  brique  et 
pierre,  dans  le  style  Louis  XIII  ,  fait  l'ornement  de  la  plus 
belle  de  nos  places  publiques. 

En  1680,  Mgr  Léonor  de  Matignon  fit  «  démolir  le  vieil 
a  bâtiment  qui  prenait  directement  au  bout  du  grand  qui 
«  fait  face  sur  la  cour  du  palais  et  allait  rendre  sur  la  muraille. 
«  Il  ne  consistait  qu'en  écuries,  bûchers  et  greniers  à  foin, 

(d)  G'allia  christiana,   t.  XI,  p.  778. 
/2)  Histoire  de  Lisieux,  p.  131 ,  en  note. 

16 


2^2  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

«  et  c'esl  en  ce  lieu  que  mon  dit  soigneur  a  fait  faire  le  beau 
«  bâtiment  que  l'on  voit  à  présent,  et  qui  fait  face  sur  la 
«  prairie  ;  le  côté  devers  la  chapelle  était  bâti  à  l'antique , 
a  mais  il  l'a  fait  mettre  à  la  mode  comme  on  le  voit  aujour- 
«  d'hui  »  (1). 

Le  bâtiment  qui  s'élevait  sur  la  terrasse  et  faisait  face  au 
jardin  a  été  démoli  au  commencement  de  ce  siècle,  vers  1808. 
L'autre  partie,  qui  subsiste  encore,  a  èiè  mise  à  la  mode,  ainsi 
que  nous  l'apprend  le  manuscrit  ci-dessus,  La  façade  actuelle 
semble,  en  effet,  greffée  sur  l'ancien  édifice  construit  par 
Arnoult.  Le  mur  oriental  qui  fait  face  à  la  cour,  sur  l'un  des 
côtés  de  laquelle  s'élevait  l'antique  chapelle  St-Paul,  démolie 
en  1835,  offre  les  vestiges  de  deux  fenêtres  ogivales  dont  la 
forme  accuse  la  fin  du  XIIe  siècle. 

En  1681,  Mgr  l'évêque  de  Lisieux  «  a  fait  acquest  de  tous 
«  les  jardins  appartenant  à  divers  particuliers  et  à  M.  le 
«  doyen,  pour  augmenter  le  jardin  de  son  palais  »  (2). 

Ce  fut  à  cette  époque  que  fut  détruit  le  rempart,  qui  arrêtait 
les  rayons  du  soleil  et  empêchait  l'air  de  pénétrer  dans  les 
cours  du  vieux  palais,  qui  était  très-sombre.  Le  rempart  fut 
transformé  en  une  magnifique  terrasse  destinée  à  relier  les 
nouvelles  constructions  avec  les  jardins  dont  le  dessin  fut, 
dit-on,  confié  au  célèbre  Le  Nôtre. 

A  Lisieux,  comme  dans  les  plus  anciennes  villes  de  France, 
le  palais  épiscopal  était  assis  sur  des  ruines  gallo  romaines  et 
placé  près  des  fortifications,  auxquelles  il  empruntait  sa  prin- 
cipale force.  Vers  la  fin  du  VIe  siècle  ,  les  évêques  étaient 
«  les  chefs  naturels  des  villes  qu'ils  administraient  ;  ils  repré- 
«  sentaient  le  peuple  auprès  des  barbares;  ils  étaient  ses 
«  magistrats   au   dedans,  ses   protecteurs  au  dehors»  (3). 

(1)  Manuscrit  déjà  cité. 

(2)  Même  manuscrit. 

'v3)   Guizot.  Histoire  de  la  civilisation  en  France,  VIII*  leçon. 


CANTON   DE   LISIEUX ,    2e   SECTION.  2^3 

Nous  avons  vu  que  les  évêques  de  Lisieux  portaient  le  titre 
de  comtes ,  et  que  ce  titre  remontait  à  une  époque  très- 
ancienne. 

Le  long  bâtiment  qui  encadre  au  couchant  la  cour  prin- 
cipale du  palais  a  été  élevé  seulement  dans  la  première  moi- 
tié du  XVIIIe  siècle,  sous  le  règne  de  Louis  XV.  Nous  lisons, 
dans  un  mémoire  imprimé  en  1763,  que  les  écuries  de 
l'évêché  furent  incendiées  par  le  feu  du  ciel  le  1k  août  1723  et 
reconstruites  en  1726. 

Description  du  palaù.  — Les  divers  bâtiments  que  nous 
allons  décrire  occupent  les  trois  côtés  d'une  vaste  cour 
carrée,  aujourd'hui  divisée  en  deux  parties  à  peu  près  égales 
par  un  mur  en  brique  qui  ne  permet  pas  d'en  saisir  toute 
l'étendue. 

L'édifice  le  plus  ancien,  bâti,  comme  nous  l'avons  dit,  sous 
le  règne  de  Louis  XIII,  par  les  soins  de  Philippe  Cospéan, 
ou  Cospeau,  évoque  de  Lisieux  (1),  offre  tous  les  caractères 
archilectoniques  des  constructions  civiles  élevées  dans  la  pre- 
mière moitié  du  XVIIe  siècle.  Il  est  construit  en  briques  et 
pierres  formant  bossages  et  couronné  de  belles  lucarnes  en 
pierre,  les  unes  véritables,  les  autres  simulées,  terminées  alter- 
nativement par  un  fronton  circulaire  et  triangulaire  se  déta- 
chant sur  le  toit. 

La  façade  principale,  d'une  architecture  élégante  et  sévère, 
mesure  120  pieds  de  longueur;  sa  largeur  est  de  21  pieds  9 
pouces.  La  hauteur,  jusqu'à  la  corniche,  est  de  29  pieds.  Elle 
estdhisée  en  deux  parties  égales  et  symétriques  par  un  pavillon 
élégant,  percé  au  rez-de-chaussée  d'une  porte  à  deux  vantaux 


(1)  Une  notice  biographique  sur  cet  évoque,  qui  est  né  à  Mons 
(Belgique),  a  été  publiée,  il  )  a  quelques  années,  duns  V Iconographie 
montohe.  Elle  est  accompagnée  d'un  portrait  aullienlique  de  l'illustre 
prélat  . 


2kk  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS, 

qui  donne  accès  dans  la  cour  principale  du  palais.  Cette  porte, 
qui  mesure  7  pieds  et  demi  de  haut  sur  5  pieds  de  large,  a 
conservé  sa  décoration  primitive:  «  les  vantaux  sont  composés 
«  de  deux  panneaux  d'assemblage  avec  bossage  en  croix  par 
«  derrière  et  guichet  ouvrant  dans  un  des  vantaux.  »  Le 
tympan  à  jour  est  garni  de  barreaux  de  bois  faits  au  tour, 
d'une  forme  curieuse.  Deux  pilastres  doriques  accompagnent 
celte  porte.  L'étage  supérieur,  décoré  de  deux  pilastres 
d'ordre  ionique,  offre  une  haute  fenêtre  à  arc  surbaissé, 
accompagnée  de  deux  niches  cintrées  que  surmonte  un  vase 
à  fleurs  autour  duquel  s'enroule  une  draperie.  Une  grande 
lucarne  cintrée,  en  pierre,  coupe  la  frise,  décorée  de  gracieux 
rinceaux,  et  fait  saillie  sur  le  toit  qui  est  très-incliné. 

Le  bâtiment  dont  nous  faisons  la  description  présente,  de 
chaque  côté  du  pavillon,  un  rez-de-chaussée  très-élevé  qui 
était  éclairé  à  gauche  seulement,  dans  la  partie  supérieure,  par 
des  fenêtres  carrées  laissant  pénétrer  le  jour  dans  une  galerie 
qui  occupait  primitivement  toute  la  largeur  de  l'édifice  et 
servait  de  promenoir  à  l'évêque.  Les  fenêtres  que  l'on  voit  du 
côté  du  parvis  sont  simulées. 

L'étage  supérieur  était  éclairé  par  douze  fenêtres,  y  com- 
pris celle  du  pavillon  central.  Ces  fenêtres,  dont  les  vantaux  en 
bois  étaient  cruciformes,  sont  plus  hautes  que  larges  et  d'une 
forme  gracieuse. 

La  corniche,  supportée  par  de  belles  consoles ,  est  inter- 
rompue, ainsi  que  nous  l'avons  dit,  par  des  lucarnes  en  pierre. 
Un  comble  en  charpente  à  double  égout,  dont  le  faîte  était 
garni  de  plomb,  couronne  l'édifice. 

La  façade  opposée,  d'un  aspect  plus  sévère,  se  développe 
sur  la  cour  principale  du  palais. 

De  chaque  côté  de  la  porte  règne  une  galerie  qui  occupait 
dans  l'origine,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  toute  la  largeur  du 
bâtiment.  Cette  galerie  est  décorée  d'arcades  cintrées,  d'ordre 


CANTON   DE  LISIEUX  ,    2e   SECTION.  2ft5 

toscan,  reposant  sur  des  piliers  de  forme  circulaire,  ornés 
de  pilastres  garnis  de  bossages. 

La  galerie  placée  à  droite  de  la  porte  d'entrée  était  sur- 
montée d'une  grande  pièce  qui  contenait  la  bibliothèque  de 
l'évêque.  Celte  bibliothèque  formait  une  longue  galerie, 
éclairée  par  treize  fenêtres  ou  croisées  «  ouvrantes  à  deux 
vantaux  avec  imposte  vitré  »,  six  du  côté  de  la  place  et  sept 
sur  la  cour  d'honneur.  Des  armoires  grillées,  contenant  les 
livres,  étaient  appliquées  contre  les  trumeaux.  Le  plancher 
supérieur  était  apparent  ;  il  était  soutenu  par  neuf  poutres 
saillantes,  ou  sommiers,  et  garni  de  nombreuses  poutrelles  ou 
solives.  Le  plancher  inférieur  était  recouvert  de  petits  car- 
reaux ou  pavés  en  terre  cuite  émaillée. 

Le  long  bâtiment  (aujourd'hui  à  usage  de  prison)  qui 
s'élève  à  l'ouest,  en  retour  d'équerre,  se  termine  à  Tune  de 
ses  extrémités,  du  côté  de  la  place,  par  un  pavillon  en  pierre, 
couronné  d'un  fronton,  lequel  est  bâti  sur  l'emplacement  d'un 
pavillon  plus  ancien  qui  complétait  de  ce  côté  la  façade  que 
nous  venons  de  décrire.  Au-dessous  du  cadran  solaire  appliqué 
contre  le  mur  on  lit  l'inscription  suivante  : 


SOL   AUDET 
DICERE    FALSUM. 


Ce  bâtiment,  qui  mesure  138  pieds  de  long  sur  20  pieds  de 
large,  servait  de  communs. 

La  façade  principale,  qui  regarde  la  cour,  est  construite 
en  brique  et  pierre,  dans  le  style  du  XVIIIe  siècle.  Les 
fenêtres  sont  à  cintre  surbaissé.  La  façade  opposée,  construite 
en  grand  appareil,  se  développait  sur  l'ancienne  rue  Cardin- 
Martin  qui  formait  un  impasse.  On  voit  encore  la  trace  de 
quelques-unes  des  fenêtres  supérieures  qui  éclairaient  cette 
façade.  Un  comble  en  mansarde,  couvert  en  ardoise,  avec 
croupe  à  chaque  extrémité,  termine  ce  bâtiment. 


246  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

L'édifice  qui  s'élève  à  droite  de  la  cour  principale  du 
palais  a  élé  construit,  comme  nous  l'avons  dit,  par  Léonor 
II  de  Matignon  en  1680,  ainsi  que  l'atteste  un  manuscrit  du 
temps  que  nous  avons  consulté,  et  non  en  1697,  comme  l'a 
écrit  M.  Guilmeth  dans  son  Histoire  de  Lisieux  (1). 

La  façade  principale,  bâtie  en  brique  et  pierre,  dans  le 
goût  de  l'époque ,  est  greffée  sur  l'ancien  palais  du  XIIe 
siècle  dont  les  gros  murs  ont  été  conservés,  ainsi  que  l'attes- 
tent les  ogives  en  forme  de  lancettes,  incrustées  dans  le  mur 
oriental,  que  j'ai  signalées  au  commencement  de  celte  notice. 

Cette  façade  se  compose  :  1°.  d'un  rez-de-chaussée  très- 
élevé  qui  a  été  modernisé  ;  une  partie  de  ce  rez-de-chaussée 
formait  le  soubassement  de  l'ancien  corps-de -logis  de  l'évêque, 
dont  la  façade  regardait  le  jardin  ;  2°.  d'un  étage  au-dessus 
éclairé  par  de  hautes  fenêtres  carrées;  3°.  enfin,  par  un  der- 
nier étage,  très-bas,  placé  sous  les  combles,  formant  une 
espèce  d'attique,  percé  de  fenêtres  en  brique  à  cintre  sur- 
baissé. Ces  fenêtres  remplacent  probablement  de  grandes 
lucarnes  en  maçonnerie  qui  devaient  faire  saillie  sur  le  toit. 

Les  trumeaux  qui  séparent  les  fenêtres  de  l'étage  prin- 
cipal sont  décorés  de  grands  panneaux  en  pierre,  à  angles 
rentrants,  terminés  par  un  cintre  à  chacune  de  leurs  extré- 
mités. D'autres  panneaux  plus  petits,  séparés  par  des  têtes 
de  lion  exécutées  en  haut-relief,  ornent  la  partie  du  mur 
comprise  entre  le  premier  étage  et  l'étage  supérieur. 

Un  escalier  monumental  en  pierre,  d'une  seule  volée  et 
d'une  grande  hardiesse  d'exécution,  conduit  au  premier  étage, 
formé  de  plusieurs  belles  pièces,  dont  nous  parlerons  bientôt. 
La  rampe  en  fer  forgé  et  embouti,  œuvre  remarquable  de  la 
serrurerie  du  XVIIe  siècle,  offre,  dans  la  partie  supérieure,  les 
lettres  L  et  M  entrelacées, 

(1)  Histoire  de  Lisieux,  p.  164. 


GANTOIS    DE   LIS1EUX  ,    2K   SECTION.  2a 7 

Cet  escalier,  autrefois  placé  dans  l'angle  formé  par  les  deux 
corps  de  bâtiments  qui  constituaient  le  logis  de  l'évêque,  mesure 
30  pieds  de  large  sur  32  pieds  de  long.  Il  est  éclairé,  du  côté  de  la 
petite  cour ,  par  deux  grandes  fenêtres  cintrées ,  géminées , 
qui  se  divisent  chacune  en  deux  baies,  également  à.  plein- 
cintre  ,  surmontées  d'un  large  tympan  d'une  forme  peu  com- 
mune. 

Une  grande  lanterne  octogone,  couverte  en  tuile,  surmon- 
tait l'escalier.  Cette  lanterne,  qui  a  été  démolie  en  1808  et 
remplacée  par  un  simple  plafond,  était  construite  en  colombage 
et  percée  de  «  seize  croisées,  cintrées  dans  la  partie  supé- 
«  Heure,  ayant  chacune  six  pieds  de  haut  sur  deux  pieds  de 
«  large.  Elle  offrait,  en  outre,  huit  grandes  ouvertures  carrées 
«  de  U  pieds  de  large  sur  6  de  hauteur  ».  Le  plafond,  en  forme 
de  dôme,  était  peint  à  fresque.  Les  parois  offraient  quatre 
tableaux  allégoriques ,  représentant  les  quatre  saisons  de 
l'année.  Ces  peintures  largement  exécutées,  produisaient, 
dit-on ,  un  grand  effet.  La  couverture  de  la  lanterne  mesurait 
38  toises  superficielles  (228  pieds). 

L'escalier  que  nous  venons  de  décrire  conduisait  seulement 
au  premier  étage  du  bâtiment  qui  donnait  sur  la  cour  ;  le 
palier  supérieur,  de  niveau  avec  la  terrasse,  fore  lit  le  rez- 
de-chaussée  de  la  façade  qui  regardait  le  jardin. 

Salle  du  Synode.  —  L'ancienne  salle  d'assemblée  ou  du 
Synode  (aujourd'hui  la  salle  d'audience  du  tribunal  civil), 
placée  au  haut  de  l'escalier  à  gauche,  est  éclairée,  du  côté  de  la 
cour  principale ,  par  quatre  grandes  croisées  avec  imposte 
et  par  une  fenêtre  semblable  donnant  sur  la  basse-cour. 

Cette  vaste  salle,  dans  laquelle  on  accède  par  une  porte 
à  deux  vantaux  donnant  sur  l'escalier,  mesure  kk  pieds  de 
long  sur  20  pieds  de  large.  Elle  était  parquetée  et  «  plafon- 
née en  impériale  ».  Le  mur  qui  fait  face  aux  fenêtres  était 
revêtu  d'un  lambris  en  chêne,   à  hauteur  d'appui,  et  couvert 


248  STATISTIQUE   MONUMENTALE    F)U   CALVADOS. 

d'une  belle  tapisserie  représentant  les  chasses  de  François  Ier. 
Le  trumeau  des  fenêtres  était  garni  de  cuir  gaufré  et  doré. 
Un  grand  portrait  équestre  de  Louis  XIV  occupait  le  fond  de 
la  salle,  dont  la  décoration  sévère  était  parfaitement  appropriée 
à  sa  destination. 

La  voûte  en  charpente  delà  grande  salle  du  Synode  était  en 
contre-bas  du  plancher  supérieur  d'environ  un  pied  au-dessous 
des  sommiers.  Le  plancher  du  grenier,  placé  au-dessus  de 
cette  voûte ,  est  supporté  par  six  sommiers.  Sur  quatre  de 
ces  sommiers  sont  assemblées  les  fermes  de  la  charpente. 

Entre  la  salle  du  Synode  et  l'ancienne  chambre  dorée, 
placée  à  l'extrémité  du  bâtiment  près  de  la  cathédrale,  était 
la  chambre  rouge  (aujourd'hui  chambre  du  Conseil). 

Cette  chambre  ,  jadis  éclairée  par  deux  fenêtres  du  côté  de 
la  cour  principale  (l'une  de  ces  fenêtres  a  été  bouchée) , 
était  ornée  d'un  grand  tableau  peint  à  l'huile,  représentant 
Jupiter  allaité  par  la  chèvre  Amalthée.  Les  murs  étaient 
revêtus  de  tapisseries  de  haute-lice.  La  principale  tapisserie 
représentait  l'histoire  de  Troie  ;  l'autre  tapisserie,  la  suite  des 
chasses  de  François  Ier. 

Chambre  dorée. — L'ancienne  chambre  dorée  (aujour- 
d'hui appelée  salle  dorée)  rivalisait,  parla  richesse  de  sa  déco- 
ration et  le  luxe  de  son  ameublement,  avec  les  appartements 
les  plus  somptueux  des  palais  de  nos  rois.  Cette  chambre 
était  réservée  aux  princes  et  aux  personnages  de  distinction 
qui  descendaient  à  l'évêché  (1).  Quatre  grandes  portes  à  deux 
vantaux,  avec  chambranle  doré,  donnaient  accès  dans  cette 
pièce,  éclairée  par  deux  croisées,  l'une  sur  la  grande  cour, 
l'autre  sur  la  basse-cour.  Deux  de  ces  portes  sont  aujourd'hui 
condamnées. 


(1)  Le  18  mai  1151 ,  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  épousa,  à  Lisieux» 
Éléonore  de  Guyenne,  que  Loui&-!e- Jeune  avait  répudiée. 


CANTON    DE   LISIEUX*,    2e   SECTION.  2M) 

Le  plafond  à  caissons  est  couvert  de  peintures  polychromes 
et  en  camaïeu,  exécutées  par  les  meilleurs  artistes  de  l'époque. 
Au  centre  est  un  grand  médaillon  quadrilobé,  entouré  d'une 
guirlande  de  feuilles  de  chêne.  Des  anges,  tenant  dans  leurs 
mains  les  divers  attributs  de  l'épiscopat,  occupent  le  fond  du 
tableau.  L'un  de  ces  anges  supporte  l'écusson  de  Léonor  II 
de  Matignon. 

De  chaque  côté  de  ce  tableau  se  développe  un  grand  pan- 
neau qui  renferme  un  médaillon  en  grisaille,  de  forme  ovale, 
représentant  un  groupe  de  personnages  de  l'antiquité.  Au 
bas  de  ces  panneaux  sont  nonchalamment  étendues  deux 
espèces  de  sirènes,  la  poitrine  entièrement  découverte.  La 
partie  inférieure  représente  le  corps  d'une  panthère. 

Deux  grands  panneaux  carrés,  à  angles  rentrants,  décorent 
chacune  des  extrémités  du  plafond.  Ces  quatre  panneaux 
offrent  chacun  un  médaillon  circulaire,  exécuté  en  grisaille  , 
lequel  forme  ,  avec  les  deux  médaillons  précédents ,  une 
série  de  petits  tableaux  représentant  des  sacrifices.  Les  per- 
sonnages qui  composent  les  groupes  sont  vêtus  de  longues 
robes  ou  tuniques,  qui  rappellent  la  peinture  antique.  De 
curieux  mascarons,  munis  d'une  large  collerette,  se  relient  à 
ces  médaillons. 

L'intervalle  qui  sépare  ces  panneaux  est  rempli  par  des 
ornements  en  forme  de  cuirs  et  décoré  de  têtes  de  lion  en  haut- 
relief,  dans  la  gueule  desquelles  est  passe  un  anneau  qui  servait 
à  suspendre  un  lustre  ou  une  couronne  de  lumière. 

Les  autres  panneaux  qui  décorent  le  plafond  sont  couverts 
de  rinceaux  et  de  feuillages  entrelacés,  exécutés  en  camaïeu, 
les  uns  sur  fond  rouge,  les  autres  sur  fond  d'azur. 

Un  tableau  représentant,  dit-on,  la  découverte  du  feu 
décore  le  manteau  de  la  cheminée.  Ce  tableau  remplace  une 
toile  plus  ancienne  sur  laquelle  était  peint  un  obélisque.  Sur 
les  côtés  de   la  cheminée  sont  représentés  deux  magnifiques 


250  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

vases  à  fleurs,  d'une  grande  richesse  de  dessin  et  d'une  forme 
très-gracieuse. 

Un  lit  en  damas  vert  galonné  d'or,  surmonté  «  d'une  impé- 
riale »  portée  sur  des  colonnes  tournées,  était  placé  en  face 
la  cheminée.  On  voyait  encore  dernièrement,  dans  la  partie 
supérieure  du  mur  contre  lequel  il  était  adossé,  les  anneaux 
qui  servaient  à  retenir  les  pentes  ou  rideaux. 

Les  murs,  revêtus  d'un  lambris  peint  et  doré  à  hauteur 
d'appui,  étaient  couverts  de  belles  tapisseries.  L'une  de  ces 
tapisseries  représentait  la  première  partie  de  l'histoire  de 
Troie;  l'autre,  la  suite  des  chasses  de  François  Ier.  Des  têtes 
de  lion  en  grisaille,  se  détachant  sur  un  fond  rouge,  déco- 
rent la  frise  couverte  de  légers  rinceaux.  Deux  petits  anges, 
tenant  les  lettres  entrelacées  L.  M.,  ornent  Ja  partie  de  la  frise 
qui  surmontait  le  lit. 

Les  portes  sont  entourées  d'une  magnifique  guirlande  de 
feuilles  de  chêne.  Les  vantaux  offrent  des  compartiments,  à 
angles  rentrants,  couverts  de  peintures  à  fond  d'or  simulant 
des  imbrications.  Différents  sujets  empruntés  à  l'histoire  de 
l'Ancien-Testament  (  le  fils  de  ïobie,  conduit  par  l'archange 
Raphaël;  le  faux  prophète  Balaam;  les  Hébreux  dans  le 
désert  recueillant  la  manne)  décorent  les-dessus  de  porte. 

Les  deux  fenêtres  ou  croisées  qui  éclairent  cette  salle  sont 
revêtues  de  volets,  dont  les  panneaux  sont  couverts  de  feuil- 
lages, largement  exécutés,  faits  pour  produire  de  l'effet  au 
dehors. 

Cette  magnifique  salle,  qui  mesure  26  pieds  3  pouces  de 
longueur  sur  28  pieds  7  pouces  de  large,  vient  d'être  res- 
taurée aux  frais  du  département.  Des  cuirs  gaufrés  et  dorés, 
remplacent  les  anciennes  tapisseries  de  haute-lice.  Les  carya- 
tides qui  supportent  le  manteau  de  la  cheminée  sont  mo- 
dernes. On  aperçoit  encore  au  fond  de  cette  cheminée  l'an- 
cienne  plaque  armoriée. 


CA.\TO>    i>fc    LlSiLUX,    2e   SECTION.  251 

Le  grand  corps-de-logis  qui  formait  retour  sur  la  terrasse, 
et  faisait  face  au  parterre  ou  jardin  principal,  a  été  démoli, 
comme  nous  l'avons  dit,  en  1808.  Il  mesurait  24  toises  de 
longueur  (144  pieds)  sur  30  pieds  de  haut,  à  partir  de  la  ter- 
rasse jusqu'à  la  corniche  de  l'entablement  qui  se  raccordait 
avec  celle  du  bâtiment  dont  la  façade  regarde  la  grande  cour. 

Cet  édifice,  qui  était  construit  en  brique  et  pierre,  était 
composé  de  trois  étages,  y  compris  le  rez-de-chaussée  ou 
soubassement  qui  était  de  niveau  avec  celui  du  bâtiment  que 
je  viens  de  décrire.  Le  rez-de-chaussée  renfermait  la  cuisine, 
de  forme  irrégulière,  la  cave  et  le  cellier.  L'étage  au-dessus 
formait  le  rez-de-chaussée  du  côté  de  la  terrasse. 

La  façade  principale,  qui  regardait  le  parterre,  était  éclairée 
à  chaque  étage  par  douze  croisées  ou  ouvertures,  non  compris 
celles  du  pavillon  central. 

Au  centre  du  bâtiment  s'élevait  en  avant-corps  un  grand 
pavillon,  précédé  d'un  perron  qui  avait  34  pieds  de  long  sur 
15  de  large.  Ce  pavillon  était  couronné  d'un  fronton  orné  de 
statues  en  terre  cuite  provenant  de  la  fabrique  du  Prédauge, 
qui  jouissait  au  XVIP  siècle  d'une  grande  célébrité.  Il  était 
surmonté  d'un  comble  en  charpente  «  en  impériale»,  au- 
dessus  duquel  apparaissait  le  grand  dôme  qui  surmontait 
l'escalier. 

Ce  rez-de-chaussée  offrait  plusieurs  belles  pièces,  enlr'au- 
tres  une  grande  salle  à  manger,  placée  au  milieu  de  la  façade 
et  dont  l'entrée  principale  était  sur  le  palier  du  grand  escalier. 
Cette  salle,  pavée  en  grands  carreaux  de  pierre  de  Caen  et 
en  petits  carreaux  de  marbre  rouge,  contenait  29  pieds  de 
long  sur  24  de  large.  Elle  était  éclairée  par  deux  grandes 
fenêtres  cintrées  et  deux  petites  fenêtres  carrées.  Une  porte 
vitrée  donnait  sur  le  jardin. 

A  droite  de  la  salle  à  manger  se  développait  une  grande 
pièce,  éclairée  par  six  croisées,  du  côté  de  la  terrasse. 


252  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Un  grand  salon  de  réception,  appelé  le  cabinet  d'assemblée, 
était  placé  à  l'extrémité  occidentale  de  la  façade.  Il  était 
éclairé  par  s  quatre  grandes  croisées  à  glace,  »  dont  deux 
s'ouvraient  sur  la  grande  cour  et  les  deux  autres  sur  la  ter- 
rasse. Cette  pièce,  meublée  avec  un  certain  luxe,  était  par- 
quetée et  entourée  d'un  lambris  en  chêne  à  hauteur  d'appui, 
orné  de  pilastres  dans  les  angles.  La  corniche  était  dorée.  Le 
plafond  était  orné  d'un  cul-de-lampe  ou  pendentif  auquel 
était  suspendu  un  lustre.  Contre  les  murs  étaient  appliqués 
de  nombreux  tableaux,  offrant  pour  la  plupart  des  sujets 
religieux,  parmi  lesquels  on  remarquait  un  saint  Sébastien, 
estimé  dans  un  inventaire  5,000  livres,  somme  énorme  pour 
le  temps.  Ce  tableau,  qui  fait  l'admiration  des  connaisseurs, 
est  aujourd'hui  placé  dans  l'église  St-Pierre. 

A  l'extrémité  opposée  était  un  grand  cabinet,  appelé  le 
cabinet  des  colonnes.  Deux  colonnes  isolées,  placées  dans  le 
fond,  décoraient  celte  pièce,  k  côté  était  la  chambre  à  coucher 
de  l'évêque. 

L'étage  au-dessus  de  l'entre-sol  était  composé  de  cinq 
grandes  chambres,  séparées  par  un  large  vestibule  qui  était 
placé  sur  la  salle  à  manger.  Ce  vestibule  était  éclairé  par  trois 
grandes  croisées  donnant  sur  le  jardin  et  par  quatre  oculus, 
ou  œils-de-bœuf,  percés  dans  la  voûte  en  forme  de  dôme.  Il 
était  pavé  en  grands  carreaux  de  terre  cuite. 

Cet  étage  était  surmonté  de  mansardes. 

Une  grande  pièce  placée  au-dessus  du  cabinet  d'assemblée 
servait  de  garde -meubles.  Celte  pièce,  qui  était  éclairée  par 
deux  lucarnes  sur  le  jardin  et  deux  autres  sur  la  cour,  conte- 
nait 27  pieds  de  long  sur  20  de  large. 

La  galerie  qui  surmontait  le  vestibule  communiquait 
avec  un  autre  garde- meubles,  de  18  pieds  de  large  sur  20 
pieds  de  long,  lequel  était  éclairé  du  côté  du  jardin  par  deux 
lucarnes  semblables  aux  précédentes. 


CANTON  T)E  L1SIEUX  ,    2e  SECTION.  253 

Quatre  chambres,  dont  la  plus  grande  mesurait  20  pieds 
de  long  sur  9  pieds  6  pouces  de  large,  occupaient  l'espace 
compris  entre  ces  deux  pièces. 

Ce  bâtiment  était  couvert  en  ardoise  du  côté  du  jardin.  Le 
dôme  qui  surmontait  le  pavillon  central,  faisant  saillie  sur  la 
terrasse,  était  aussi  revêtu  d'ardoises  simulant  des  écailles 
de  poisson.  Les  mansardes  et  «  le  brè.zit  •>  au-dessus,  du  côté 
opposé  au  jardin,  étaient  couverts  en  tuiles  (1). 

L'édifice  actuel,  bâti  sur  l'emplacement  de  cette  somp- 
tueuse demeure,  renferme  le  musée  (2)  et  la  bibliothèque.  Le 
rez-de-chaussée,  élevé  en  1808,  est  affecté  aux  différents  ser- 
vices du  Tribunal  de  commerce. 

Jardins.  — Les  jardins  de  l'évêché,  dessinés,  dit-on,  par 
Le  Nôtre,  étaient  magnifiques. 

Ces  jardins,  ornés  de  bassins,  de  fontaines  et  de  statues,  se 
divisaient  en  trois  parties  distinctes:  le  Parterre;  le  jardin 
supérieur  ou  Jardin  des  cascades,  et  le  jardin  inférieur  appelé 
la  Couronne. 

Le  Parterre,  ou  jardin  principal,  se  développait  devant  la 
façade  du  palais.  Il  était  précédé  d'une  double  terrasse,  avec 
glacis  en  gazon,  coupée  au  milieu  par  deux  grands  escaliers 
en  pierre,  composés  chacun  de  huit  marches.  Ces  deux  esca- 
liers, qui  reliaient  la  terrasse  principale  au  parterre,  étaient 

(1)  Il  existe  un  ancien  dessin,  à  l'aquarelle  ou  a  la  gouache,  de  la 
façade  du  principal  corps-de-logi*  et  d'une  partie  des  jardins,  par 
M.  Fontaine,  architecte. 

(2)  Ce  musée,  créé  en  1837,  possède  plusieurs  bonnes  toiles,  en- 
tr'autres  un  magnifique  tableau  d'Hippolyte  Flandrin,  représentant 
Jésus-Christ  bénissant,  les  petits  enfants;  Tubie  ensevelissant  les  morts, 
par  Dubufe;  Jean  Le  Hinnuyer ,  évoque  de  Lisieux,  sauvant  les  pro- 
testants du  massacre  de  la  St- Barthélémy,  par  Gosse;  deux  anciennes 
toiles,  par  Bon  Boullongne  ,  etc.;  le  modèle  en  plâtre  du  lion  de 
Barye ,  etc. 


25U  STATISTIQUE    MONUMENTALE    OU   CALVADOS. 

décorés  de  statues  eu  plomb  ei  de  lions.  Les  statues,  posées 
sur  un  piédestal   en  pierre,  représentaient  des  sirènes. 

Vers  l'extrémité  du  parterre  s'étendait  un  bassin,  de  forme 
quadrangulaire,  d'où  jaillissaient  trois  jets  d'eau  qui  entrete- 
naient la  fraîcheur  au  sein  de  cette  délicieuse  promenade. 
Cette  pièce  contenait  16  toises  de  largeur  (96  pieds)  sur  23 
toises  2  pieds  de  long  (\k0  pieds).  «  Elle  était  revêtue,  dans 
«  son  pourtour,  de  murs  avec  tablette  en  pierre  par  dessus  ». 
(  Inventaire  déjà  cité.  ) 

Sur  les  côtés  du  jardin  se  développaient  deux  belles  pelouses, 
décorées  de  quatre  statues  en  pierre  placées  sur  un  piédestal. 

Deux  grandes  allées  de  tilleuls  s'alignaient  sur  les  côtés  dn 
parterre,  fermé  au  nord  par  un  grand  mur  en  terrasse  qui 
faisait  partie  des  fortifications  de  la  ville.  La  partie  centrale 
de  ce  mur  faisait  saillie  sur  le  chemin  de  ronde ,  au-delà 
duquel  s'étendait  la  riche  et  plantureuse  vallée  de  Touques. 

Le  jardin  supérieur  ou  des  cascades,  formé  de  nombreuses 
terrasses  et  de  parterres  bordés  de  charmilles,  s'étendait  au 
nord  et  à  l'est  jusqu'aux  anciens  murs  de  la  ville.  Il  était 
fermé  au  midi,  du  côté  de  la  cathédrale,  par  un  mur  en  ter- 
rasse qui  s'étendait  jusqu'au  mur  de  clôture  du  doyenné. 

A  l'extrémité  d'une  des  terrasses  s'élevait  un  pavillon  octo- 
gone, appelé  le  Belvédère.  Ce  pavillon,  construit  en  pierre, 
était  surmonté  d'un  dôme  en  impériale,  revêtu  d'ardoises.  Il 
était  éclairé  par  six  croisées  «  ouvrantes  à  coulisses  et  voûté 
en  calotte».  Le  mur  qui  soutenait  la  terrasse  était  bâti  sur 
remplacement  d'une  ancienne  tour,  qui  faisait  partie  des 
fortifications  de  la  ville. 

L'escalier  en  pierre  par  lequel  on  accédait  au  belvédère 
était  séparé  en  deux  parties  par  un  palier  de  repos  On  comptait 
seize  marches  pour  la  première  hauleur  et  six  marches  pour 
la  seconde  hauteur ,  avant  d'atteindre  la  terrasse  supérieure. 

La  cascade  principale  était  garnie    «  de  quatre  jets  d'eau, 


CANTON  DE  L1S1EUX,    2e   SECTION.  255 

«  une  gerbe  et  cinq  masques  avec  deux  chutes  supérieures, 
«  supportées  par  deux  massifs  de  maçonnerie  avec  pierre  de 
«  taille  formant  bastion,  colonnes  et  avant-corps,  garnies  de 
«  nappes  de  plomb  ». 

La  première  contenait  18  pieds  et  demi  de  long  sur  10 
pieds  de  large,  y  compris  l'emplacement  de  la  seconde  chute 
qui  offrait  9  pieds  de  long  sur  4  pieds  de  large. 

a  Au  bas  était  un  bassin  formant  miroir,  de  2U  pieds  de 
«  long  sur  15  pieds  et  demi  de  saillie  dans  le  milieu,  au- 
k  devant  de  la  cascade  ».  Ce  bassin  était  revêtu  de  pierres  de 
taille. 

La  première  cascade  avait  5  pieds  k  pouces  de  haut;  la 
seconde,  h  pieds  9  pouces.  Une  coquille  en  plomb,  placée  dans 
la  grande  cour  d'entrée  du  palais,  recevait  les  eaux  de  décharge 
de  cette  cascade. 

Le  mur  de  clôture,  formant  terrasse,  qui  s'élevait  à  l'extré- 
mité du  bâtiment  servant  de  communs ,  du  côté  de  l'ancien 
impasse  «  Cardin- Martin,  »  était  construit  en  caillou  et 
moellon. 

L'escalier  placé  près  de  ce  mur  permettait  de  descendre 
dans  le  jardin  inférieur,  nommé  la  Couronne.  Cet  escalier 
était  composé  de  30  marches  en  pierre  avec  un  palier  de  repos 
au  milieu,  sur  lequel  était  établie  une  charpente  qui  soute- 
nait une  porte  à  claire-voie  garnie  de  barreaux  de  bois  tour- 
nés. Cette  porte,  qui  fermait  le  jardin,  était  surmontée  d'un 
toit  couvert  en  tuiles 

La  grande  pièce  d'eau  qui  ornait  le  jardin  de  la  Couronne 
contenait  31  toises  (186  pieds)  de  long  sur  26  toises  (156 
pieds  )  de  large  à  une  extrémité,  et  6  toises  (36  pieds)  à 
l'autre  bout.  De  cette  pièce  jaillissaient  neuf  jets  d'eau. 

Les  murs  qui  entouraient  ce  jardin  étaient  garnis  d'espa- 
liers. L'un  de  ces  murs,  construit  en  moellon  et  silex  avec 
parement  en  brique,  faisait  partie  de  l'enceinte  de  la  ville. 


256  STATISTIQUE   iMONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Le  mur  de  clôture',  du  côté  de  l'ancienne  place  de  la  porte 
de  la  Chaussée,  était  construit  en  brique.  Dans  ce  mur  était 
pratiquée  une  porte  à  deux  vantaux. 

Le  jardin  actuel,  qui  occupe  l'emplacement  de  l'ancien 
parterre,  a  été  livré  au  public  en  1837. 

Ce  magnifique  jardin,  dessiné  à  la  française,  présente  deux 
vastes  pelouses  entourées  de  plates-bandes  symétriques  et  sé- 
parées par  un  bassin  circulaire  muni  d'un  jet  d'eau.  Sur  les 
côtés  s'alignent  plusieurs  allées  de  marronniers. 

Au  midi  se  développe  une  belle  terrasse  au  centre  de 
laquelle  s'élève  le  nouveau  musée,  que  domine  la  mas»e  sévère 
et  imposante  de  la  cathédrale. 

Officialité.  — Le  bâtiment  de  l'Officialité  s'élevait  sur  la 
grande  place,  en  face  la  cathédrale. 

Ce  bâtiment,  construit  partie  en  maçonnerie,  recevant  un 
colombage,  était  couronné  d'un  comble  en  charpente  cou- 
vert en  tuile.  H  contenait  7  toises  4  pieds  de  long  (46  pieds) 
sur  18  pieds  de  large  dans  œuvre. 

Le  petit  bâtiment  qui  était  placé  en  retour  servait  de  cha- 
pelle. 

Le  Doyenné. — Le  beau  bâtiment,  dans  le  style  fleuri  de 
la  seconde  moitié  du  XVIIIe  siècle,  qui  était  habité  par 
le  haut-doyen  de  la  cathédrale,  dominait,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut ,  l'ancien  jardin  supérieur  ou  des  Cas- 
cades. 

Cet  édifice,  qui  est  encore  debout,  était  entouré  d'un  beau 
jardin  dessiné  à  la  française.  Il  sera  décrit  dans  la  partie  de 
la  Statistique  consacrée  à  l'architecture  civile  et  domestique. 

Chapelle  de  l'ancien  palais  cpiscopal  (1).  —  Cette  chapelle, 
(i)  La  description  de  cette  chapelle  est  de  M.  le  docteur  Billon. 


CANTON  DE   LISIEUX  ,   2e.    SECTION.  257 

dédiée  à  saint  Paul,  s'élevait  au  nord  de  la  cathédrale  et  vers 
l'extrémité  orientale  du  grand  édifice  construit  par  Matignon  II 
en  1080,  sur  la  terrasse  qui  dominait  les  magnifiques  jardins. 
Klle  avait  l'orientation  liturgique,  si  favorable  à  la  perspec- 
tive des  édifices  gothiques.  Des  divers  points  du  vaste  jardin 
et  de  la  riche  vallée  de  Touques ,  on  apercevait  la  blanche 
silhouette  de  son  abside  se  dessiner  sur  la  façade  rembrunie 
du  transept  de  la  cathédrale. 

Elle  eut  pour  fondateur  Guillaume  d'Asnières,  qui  gouverna 
l'églisede  Lisieux  depuis  1285  jusqu'à  1298  (1).  C'était  l'épo- 
que la  plus  brillante  de  l'incomparable  architecture  du  XIIIe. 
siècle.  L'élégance  et  la  grâce  produite  par  la  pureté  des  lignes 
se  mariaient  à  une  riche  ornementation  architecturale.  Nous 
en  avons  eu  la  preuve  dans  un  chapiteau  dont  nous  avons 
fait  un  dessin  et  que  nous  avons  sauvé  de  la  destruction. 

Nous  avons  eu  le  bonheur  de  contempler  bien  des  fois  ce 
charmant  sanctuaire,  à  une  époque  où  les  reflets  de  son  glo- 
rieux passé  resplendissaient  encore  d'un  vif  éclat.  L'aveugle 
cl  stupide  vandalisme,  qui  l'a  si  inutilement  renversé,  s'exer- 
çait à  l'aurore  de  cette  grande  réaction  réparatrice  qui  a  con- 
servé à  la  France  tant  de  monuments  précieux.  Notre  pays 
doit  être  fier  d'avoir  été  le  berceau  de  cette  croisade  intelli- 
gente contre  l'ignorance  et  la  barbarie  des  derniers  siècles,  dont 
MM.  de  Caumont  et  A.  Piel  ont  été  les  plus  ardents  promo- 
teurs. 

Cet  édifice  présentait  en  plan  un  long  parallélogramme,  ter- 
miné à  l'orient  par  trois  pans.  Sa  longueur  dans  œuvre  était 
de  H  toises  (06  pieds)  ;  sa  largeur,  de  20  pieds  0  pouces. 
Cette  largeur  était  à  peu  près  le  tiers  de  la  longueur  totale,  et 

(1)  Struxit  capellam  S.  Pauli  in  aedibua  episcopalibus,  quorum  in 
principali   \iiro  effigies  pjus  et   slemma  deninguntnr   [Gàtlia  c/im- 

17 


258  STATISTIQUE   MONUMENTALE   OU   CALVADOS. 

trois  fois  cette  largeur  devaient  donner  la  hauteur  de  l'édifice 
sous  clef  de  voûte. 


Comme  la  plupart  des  palais  épiscopaux  élevés  dans  les  villes 
romaines,  celle  chapelle  était  bâtie  sur  d'anciennes  fortifica- 
tions. Elle  se  composait  de  deux  étages.  L'étage  inférieur, 
haut  d'environ  5  mètres,  servait  à  la  fin  du  dernier  siècle  de 
magasin.  Cet  étage  était  séparé  de  la  chapelle  supérieure  par 
un  plancher  en  charpente  formé  de  neuf  travées  et  soutenu 
par  des  sommiers  reposant,  vers  le  milieu,  sur  des  poteaux  en 


CANTON    DE   LfSIElX  ,    *>p.    SECTION.  259 

bois  surmontés  de  potences  destinés  à  augmenter  leur  solidité. 
Le  plancher  était,  à  l'intérieur  de  la  chapelle,  recouvert  d'un 
grand  parquet  d'assemblage.  Cette  espèce  de  rez-de-chaussée 
s'ouvrait  sur  une  cour  sombre  et  humide. 

On  accédait  à  la  chapelle  par  un  vestibule  qui  s'ouvrait 
sur  le  grand  palier  de  l'escalier  d'honneur.  Ce  vestibule 
était  pratiqué  dans  un  bâtiment  long  d'environ  50  pieds, 
lequel  était  situé  entre  la  cage  de  l'escalier  et  la  chapelle.  Il 
était  éclairé  par  quatre  fenêtres  qui  regardaient  la  cathédrale. 
De  là ,  on  montait  dans  la  chapelle  par  neuf  marches  en 
pierre. 

Les  murs  latéraux  étaient  chacun  percés  primitivement  de 
sept  fenêtres.    Le  chevet  offrait  trois   ouvertures.    Du  côté 
septentrional,  quatre   fenêtres   avaient  été  bouchées  par  la 
grande  construction  dont  nous  avons  parlé,  trois  seulement  re- 
cevaientla  lumière  Ces  fenêtres,  très-élancées,  étaient  partagées 
par  un  meneau.  Le  tympan  était  décoré  de  trèfles  et  de  qualre- 
feuilles.  Les  archivoltes,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  étaient 
entourées  de  nombreux  tores  reposant  sur  des  colonnettes 
dont  les  chapiteaux  étaient  habilement  fouilles.  Ces  chapiteaux 
étaient  composés  de  deux  rangs   de  feuillages   dont   la  tige 
devenait  cordiforme.    La  largeur  de  ces  fenêtres  était  de  U 
pieds.  Nous  en  avons  trouvé  la  preuve  dans  un  ancien  devis. 
Des  vitraux  de  couleur  décoraient  les  fenêtres,  sur  lesquelles 
était  représentée  l'effigie  du  donateur,  ainsi  que  son  blason. 
Les  murs,  très-épais,  étaient  construits  en  blocage  avec  pare- 
ment de  pierre  de  taille.    Ils  étaient  privés  de  contreforts,  ce 
qui  s'explique  par  l'absence  de  voûte   en   pierre  ;  quelques 
contreforts  réparés  avec  de  la  brique  épaulaient  seulement  le 
rez-de-chaussée.  Cette  chapelle,   primitivement  couverte  en 
tuiles,   fut  revêtue  d'ardoises  en  1(381  par  Matignon  11.   La 
charpente   était    formée  de  chevrons   portant  ferme.    Trois 
entraitsavec  poinçons  soutenaient  le  so;is-faîte  et  des  arceaux 


260  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

de  bardeau  et  couvre-joints  formaient  une  voûte  ogivale.  Cette 
voûte  était  peinte  en  bleu  et  semée  d'étoiles.  Le  sous-faîte 
était  garni  de  culs-de-lampe.  Le  poinçon  placé  à  la  croupe 
de  l'édifice  devait  être  surmonté  d'un  épi  ou  d'une   statue. 

A  l'intérieur,  le  mur  méridional  était  décoré ,  au-dessous 
des  fenêtres,  d'arcatures  de  2  pieds  et  demi  de  hauteur  sur 
une  longueur  de  9  pieds. 

L'ameublement  primitif  avait  été  remplacé  sous  le  règne  de 
Louis  XIV. 

u  Le  sanctuaire  était  élevé  de  six  marches  en  parquet.  Le 
«■   marche-pied  de  même. 

«  L'autel  et  le  conire-rétable  en  menuiserie  étaient  isolés, 
a  de  la  longueur  d'un  cul-de-lampe  ,  pour  former  sacristie 
«  derrière  avec  deux  portes. 

«  Au-dessus  du  tabernacle  est  un  grand  tableau  représen- 
«  tant  la  Nativité.  Aux  deux  côtés,  sur  les  portes,  sont  deux 
«  autres  tableaux  représentant  deux  évangélistes. 

u  L'autel  est  orné  de  quatre  colonnes  avec  corniche,  le 
«  tout  peint  et  doré  (1).  » 

Des  blasons  étaient  peints  sur  les  fenêtres  de  cet  édifice,  qui 
a  été  détruit  en  1835  (2). 

Sur  remplacement  de  cette  chapelle  on  a  bâti,  contraire- 
ment à  toutes  les  lois  de  l'hygiène,  une  caserne  de  gendar- 
merie, qu'il  est  question  d'abandonner. 

Su -Germain  (3). — Lisieux  possédait  trois  églises  paroissiales. 
La  principale  n'existe  plus  :  elle  a  été  démolie  en  1798  pour 
faire  une  place.  Elle  était  située  au  centre  de  la  ville,  devant 

(1)  Manuscrit  cité. 

(2)  Le  30  juin,  le  clergé  de  l'église  cathédrale  se  rendait  procession- 
nellement  à  cette  chapelle  où  Ton  chantait  la  messe  du  jour  en  mu- 
sique (Vies  des  saints  Patrons  du  diocèse  de  Lisieux,  p.  72). 

{3)  Notes  de  M.  Charles  Vasseur. 


CANTON  DE  LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  261 

le  parvis  de  la  cathédrale  et  était  consacrée  à  saint  Germain. 
Sa  fondation  devait  remonter  à  une  époque  reculée  ;  mais  , 
reconstruite  en  majeure  partie  au  XVe.  siècle ,  sa  dédicace 
fut  célébrée  le  2  juin  1540.  Les  souvenirs  auxquels  j'ai  fait 
appel  sont  trop  vagues  pour  permettre  de  reconstituer  son 
ordonnance  et  de  décrire  son  ornementation.  Il  en  résulte 
seulement  qu'elle  avait  une  grande  richesse  de  décoration  , 
des  vitraux ,  des  galeries  sculptées  et  un  portail  superbe  ,  à 
l'extrémité  de  son  transept  sud,  sur  la  grande  rue. 

Quatre  des  stalles  de  St. -Germain  sont  maintenant  dans 
l'église  de  St.-Mards-de-Fresne.  Elles  datent  du  règne  de 
Louis  XIV. 

La  clôture  du  chœur  se  composait  de  légères  colonneltes 
corinthiennes,  à  cannelures,  reliées,  sans  doute,  par  un  en- 
tablement classique.  Le  rétable  du  maître-autel  consistait  en 
six  colonnes  corinthiennes  de  10  pieds  de  hauteur,  doublées 
de  pilastres ,  qui  portaient  un  entablement  semi-circulaire 
avec  baldaquin. 

La  croix  du  cimetière  datait  de  l'époque  gothique.  On  y 
faisait  une  station  à  la  procession  générale  du  dimanche  des 
Rameaux. 

Les  fonts  baptismaux  en  pierre,  de  forme  octogone  et  d'un 
diamètre  considérable,  gisent  au  milieu  d'une  cour  de  la  ban- 
lieue, où  ils  servent  pour  abreuver  le  bétail.  Quatre  chapi- 
teaux sculptés,  adhérents  à  la  vasque,  font  reconnaître  qu'elle 
était  soutenue  par  quatre  colonneltes,  indépendamment  du 
pied  central,  nécessaire  pour  l'écoulement  de  l'eau. 

Quatre  belles  tapisseries  de  haute-lice ,  représentant  la 
parabole  de  l' Enfant-Prodigue ,  ornaient  le  chœur  aux  fêtes 
solennelles. 

St. -Jacques  possède  deux  petits  reliquaires  en  bois  doré  , 
du  XVIIIe.  siècle  ,  que  l'on  dit  provenir  de  St. -Germain.  Ils 
auraient  été  faits  en  1717  pour  contenir  les  reliques  de  saint 


2    2  STATISTIQUE    MOMJMKM'ALli    DU    CALVADOS. 

Victor  et  saint  Constant,  sainte  Fructuose  et  sainte  Jocoude, 
rapportées  de  Rome  ,  dans  cette  année-là  ,  par  un  habitant 
de  Lisieux ,  nommé  Trouplin. 

La  tour  de  St. -Germain,  située  à  l'angle  nord-ouest  de 
la  construction ,  contenait  une  sonnerie  remarquable ,  dont 
M.  le  docteur  Billon  a  retrouvé  deux  ou  trois  cloches  égarées 
dans  des  clochers  de  campagne,  et  dont  il  a  esquissé  l'histoire 
dans  ses  intéressantes  Notices  sur  l'art  campanaire. 

Le  patronage  de  cette  église  appartenait  au  chanoine  pré- 
bende du  titre.  Le  clergé  était  nombreux. 

St. -Jacques.  -  Plus  heureuse  que  la  précédente  ,  l'église 
St. -Jacques  a  échappé  à  la  démolition  ;  elle  a  même  conservé 
une  partie  de  son  ancienne  splendeur.  D'abord  simple  cha- 
pelle,  agrandie  en  1132,  elle  fut  reconstruite  de  fond  en 
comble  à  la  fin  du  XVe.  siècle.  La  première  pierre  en  fut 
posée,  en  1496,  par  le  curé  et  les  trésoriers  en  charge;  cinq 
ans  suffirent  pour  son  achèvement,  car  tous  les  vitraux  du 
chœur  sont  datés  de  1501.  Cependant  elle  ne  fut  dédiée  so- 
lennellement que  le  1er.  juin  1540.  Elle  eut  pour  architecte 
Guillemot  de  Samaison  ,  bourgeois  de  Lisieux.  Bien  qu'il 
n'ait  jamais  pris  d'autre  qualification  que  celle  de  maître 
maçon,  c'était  néanmoins  un  homme  de  talent:  St.-Jacques 
et  les  autres  monuments  qu'il  a  élevés  à  Lisieux  sont  là  pour 
l'attester. 

Il  ne  faut  point  chercher  dans  cette  église  la  profusion  , 
souvent  fatigante ,  de  sculptures  qui  envahit,  à  l'extérieur 
comme  à  l'intérieur ,  la  plupart  des  monuments  de  la  der- 
nière époque  ogivale  :  des  pinacles  collés  sur  les  faces  trian- 
gulaires des  contreforts,  des  clochetons  carrés  dont  la  pyra- 
mide est  garnie  de  feuilles  frisées,  voilà  le  luxe  d'ornementation 
qui  se  voit  à  l'extérieur.  Les  portes  latérales  n'ont  que  des 
moulures.   Le  portail  principal  est  trop  mutilé   pour  qu'on 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  263 

puisse  soupçonner  son  ordonnance.  Les  amorces  qui  subsis- 
tent encore  semblent  indiquer  qu'il  y  avait  des  statues  dans 
les  ébrasures ,  et  une  série  de  statuettes  dans  les  archivoltes. 
La  tour  est  restée  inachevée.  Il  a  été  question  dernièrement 
de  lui  donner  un  couronnement.  M.  Bouet  avait  fait  un  joli 
projet,  que  n'aurait  pas  désavoué  Guillemot  de  Sa  maison  ; 
jusqu'à  présent  M.  le  Curé  n'a  pas  jugé  à  propos  d'y  donner 
suite. 

Le  plan  de  St. -Jacques  est  simple  et  les  proportions  har- 
monieuses. C'est  un  parallélogramme,  divisé  en  trois  nefs 
accompagnées  de  chapelles.  Un  chevet  à  pans  coupés,  à  deux 
étages  de  fenêtres,  termine  le  chœur.  Les  bas-côtés  sont 
fermés,  au  uiveau  du  sanctuaire ,  par  un  mur  droit.  Toutes 
les  fenêtres  sont  flamboyantes ,  à  nombreux  meneaux.  Des 
ares-boutants  soutiennent  la  poussée  des  grandes  voûtes  et 
servent  en  même  temps  d'ornement  à  l'extérieur.  Une  galerie 
de  pierre  à  compartiments  flamboyants  évidés  à  jour  règne 
entre  les  contreforts,  au-dessus  des  bas-côtés  et  au  chevet  du 
chœur.  Des  gargouilles  sculptées  déversent  l'eau  des  chenaux 
loin  du  pied  de  l'édifice. 

A  l'intérieur,  les  piliers  des  arcades  de  communication 
sont  cylindriques,  avec  bases  octogones.  Les  ogives  sont 
garnies  de  moulures  en  pénétration.  Sous  le  clérestory  existe 
une  série  d'arcalures  trilobées,  encadrées  dans  des  moulures 
prismatiques  qui  forment  le  triforium.  Une  galerie  règne  au 
chevet;  une  balustrade  flamboyante  en  pierre  sert  d'appui. 

Les  claveaux  extérieurs  des  fenêtres  du  clérestory  servent 
de  formeret  à  la  voûte  :  de  sorte  qu'il  n'y  a  aucun  plein  dans 
les  parties  supérieures,  si  ce  n'est  les  piles  des  arcs-dou- 
bleaux.  Cette  disposition  donne  une  grande  légèreté  à  l'en- 
semble. Les  clefs  de  voûte  sont,  la  plupart,  chargées  de  bla- 
sons des  notables  bourgeois  de  Lisieux  qui  avaient  contribue 
par  leurs  largesses  a  la  construction  de  l'édifice.   M.    Ka\- 


266  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

moud  Bordeaux  en  a  signalé  un  dans  ses  Etudes  héraldiques 
sur  les  monuments  de  Caen;  nous  le  reproduisons  ici. 


Cette  église,  aussi  bien  que  la  cathédrale ,  mériterait  une 
monographie.  Dans  le  cadre  restreint  qu'impose  le  plan  de 
cet  ouvrage  ,  il  est  impossible  d'entrer  dans  les  détails. 

St. -Jacques  a  conservé  de  précieux  restes  de  son  riche 
mobilier.  Presque  toutes  ses  fenêtres  sont  encore  garnies  de 
fragments  de  verrières  dont  beaucoup  pourraient  être  com- 
plétées à  coup  sûr.  Deux  sont  encore  entières  :  celle  de  la 
chapelle  de  la  Charité,  au  bas  du  collatéral  méridional,  et 
celle  de  la  première  fenêtre  de  la  nef  au  nord.  Cette  der- 
nière est  une  des  pages  les  plus  splendides  qu'aient  composé 
les  artistes  de  la  Renaissance  :  elle  représente  une  scène  de 
l'Apocalypse,  la  grande  prostituée  de  Babylone.  Elle  aurait 
besoin  d'être  consolidée ,  et  il  est  surprenant  que  M.  Jardin , 
curé  actuel ,  qui  a  déjà  fait  tant  de  travaux  utiles  dans  son 
église ,  n'y  ait  pas  songé.  L'autre  a  été  remise  en  plomb  avec 
beaucoup  de  soin  il  y  a  peu  de  temps.  Elle  représente  un 
miracle  de  saint  Jacques  d'après  la  Légende  dorée.  Les  six 
fenêtres  du  chevet  sont  garnies  de  verrières  modernes  exé- 
cutées par  MM.  Marette  et  Duhamel ,  d'Évreux,  à  l'exception 
du  Crucifiement,  qui  est  en  grande  partie  ancien. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,  2e.    SECTION.  265 

Les  stalles  pourraient  faire  l'objet  d'un  travail  spécial  ; 
elles  sont  au  nombre  de  soixante-dix.  Les  stalles  basses 
viennent  de  l'abbaye  du  Val-Richer  ;  elles  sont  d'une  très- 
bonne  exécution  et  datent  du  règne  de  Louis  XIV.  Les 
stalles  hautes,  au  nombre  de  quarante,  remontent  à  la 
Renaissance,  et  leurs  miséricordes  sont  sculptées  suivant  le 
goût  de  l'époque  avec  l'imagination  la  plus  capricieuse. 

De  beaux  lambris,  des  règnes  de  François  Ier.  ou  de 
Henri  II,  les  garnissent  à  l'extérieur. 

On  a  trouvé  sous  le  badigeon,  à  divers  endroits,  des  pein- 
tures qui  font  supposer  qu'une  décoration  polychrome  avait 
été  donnée  à  toute  l'église.  Le  Bulletin  monumental  en  a 
parlé  en  1853.  Cependant  il  est  bon  de  répéter  ici  deux  in- 
scriptions obituaires  qui  ont  été  trouvées  à  peu  près  com- 
plètes : 

CY  •  DLL  AT  •  SONT  .  INHUMES  .  ET  .  GISENT  •  LES  •  CORPS  •  DE  • 
VEN1''.     PERSONNE    .     Me.    GU1LLE    •     TIREL    •     EN    .     SON    .     VIUANT 

PBRE    •    ET    •    CURE    .     DE    •     SAINCT    •    JOHAN    •    DE    '    FAMILLY    •     ET    •    DE  . 

JEHANNB    .    FEME    •   DE    •    JOHAN    •    TIREL    •    MÈRE    •    DUD.     •    CURE    •    LESQLZ  • 

TRESPASSERENT    •  SCAUOIR    •    EST    .   LAD.     .   JRHANNE    •   LE    •  VE»li     •    XXIIIJe  • 

JOUR    •    DE    •      SEPTEMBBE    •    LAN    •    MIL    •     Ve    •    XVIJ    •     ET    .     LED.     •    CURE  • 

LE    •    MQUEDI    •    PENULTME.   JO«.    DE    .    JUIN    •     LAN    •    MIL  '•     Ve.    LX    •    ET  • 

DE    .    JOHAN    •    TIREL    •    LAISNE    •     QUI    •     TRESPASSA    •    LE    •    MARDY    •    XMK  • 

JOLR    .     DE    •     DECEMBRE     •    LAN     •     MIL     ■    V.    XXJ  (?)    PRIE       •     DIEU     •    PB  • 
EULX    •    PATER  NR    •  AVE    •    M. 

PRES    •    CE    .    PILIER    •    AINCY    •    QUE      •    ME    •    SOUVIENS    • 

....     ET    •    DORMET    •     EN    •    TERRE    •    PLUS IS  • 

....    QURLZ    •    NE AS     .    MY ( .:.    • 

CAR    •    LEURS    •    AMYS    •    EN    .    ONT    •     EU    •    SOI  VENANCE    • 
DONCQUFZ    •    LES    .    NOMS    •     RM    •    CEST    •    KSCRIPT    •     FASUIUK.r    • 
PRIONS    •    JESUS    •     QIKN    •     PAR\DIS    •    ILS    •    VIDENT    • 
LE    •    PREMIER    •    EST    •    ROGER    •     GOUPIL    •    COURTOYS    • 
BONE9TE    •     HOMME    •     ET    •     DE    •     LISIEUX    •     BOURGOYS    . 
QUI    •    DECEDA    .    AINCY    .    QUE    •    ME    •    REMEMBRE    . 


266  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

LE    .    DIMENCE    •     VINGT    •    ET    •    DEUX    •    DE    •    DECEMBRE    • 

EN    •    LAN    .    DE    .    GRACE    •    VOIRE    .   MILLE    •    ET    •    CINQ    •    CENS    • 

ET    .    OLIUIER    •    SON    •    FILS    •    COMe.   JENTENS    • 

LE     •    DIMECE    •     PMIER    .    JOUR        DE    .    JUILLET    • 

CINQ    •     CEIVS    •      XXIJ    •     DOULX    •       COM    •    VNS    ♦    AIGNELET    • 

DAMOISELLE    .     MARIE    •     LE    •     CARPENT1KR    • 

Une  troisième,  également  rimée,  mais  fort  incomplète, 
fait  mention  de  la  sépulture  de  maistre  Loys  Toustain , 
pbre.  Vis-à-vis  de  la  chaire,  on  a  découvert  un  sujet  assez 
bien  conservé  et  que  l'on  restaurerait  facilement  :  il  a  6  pieds 
de  hauteur  et  représente  une  Trinité  avec  des  personnages  en 
prière  ;  il  devait  y  avoir  au-dessous  une  inscription  tumulaire  , 
mais  on  ne  l'a  point  découverte.  Il  est  impossible  de  décrire 
toutes  les  statues  du  moyen-âge,  les  reliquaires  du  XVIIe. 
siècle ,  et  les  deux  petits  autels  à  colonnes  torses ,  qui ,  à 
défaut  de  sujets  plus  importants ,  mériteraient  d'attirer  l'at- 
tention. Cependant  on  ne  doit  point  passer  sous  silence  un 
tableau  fort  curieux  placé  jadis  dans  la  chapelle  St. -Ursin  de 
la  cathédrale,  et  nous  ne  pou\ons  mieux  faire,  pour  en 
donner  une  idée ,  que  de  laisser  la  parole  à  maître  Jean  Le 
Prévost,  chanoine  du  diocèse  de  Lisieux,  qui,  dans  son  rare 
et  curieux  petit  livre  intitulé  :  Les  Vies  des  SS.  Patrons 
du  diocèse  de  Lisieux  (Lisieux,  I.-A.  Du  Ronceray,  1750), 
en  a  donné  la  description  suivante  : 

«  On  y  voit  un  tableau  en   long  divisé  en  quatre 

quarrés,  au  dessus  des  quels  ont  lit  ces  mots  :  Comment  Les 
Reliques  de  Monsieur  S.  Vrsin  fuirent  apportées  par  mi- 
racle en  cette  Eglise  iaii  1055,  par  les  soins  de  Hugo 
Evêque  de  Lisieux  ,  et  au  dessous  ceux-ci  :  Ce  Tableau  a  été 
refait  sur  l'Original  vieil  en  l'année  1681  aux  dépens  de  la 
Fabrique.  Dans  un  de  ces  quarrés  S.  Ursin  est  représenté 
avec  N.  S.  sous  un  Figuier,  suivant  l'opinion  dans  laquelle 
on  éloit  alors,  à  Bourges  comme  à    Lisieux,   que  S.  Ursin 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  267 

étoit  véritablement  Nathanaël  à  qui  Jésus-Christ  dit:  Je  vous 
ay  vu  avant  que  Philippe  vous  eut  appelé,  lorsque  vous  étiez 
sous  le  Figuier.  Dans  un  autre  de  ces  quarrés  S.  Ursin  est 
représenté  faisant  la  lecture  à  la  Cène  de  N.  S.  avec  ses 
Disciples,  suivant  qu'on  le  lisoit  alors,  à  Bourges  comme  à 
Lisieux  ,  dans  les  leçons  de  son  Office  en  ces  termes  :  B. 
Ursinus  Dominicis  plenissimè  imbulus  Sacramentis  inter 
ipsa  sacrœ  Cœnœ  convivia  legendi  ofjlcio  a  Domino  dépu- 
tants est.  Dans  le  troisième  de  ces  quarrés  on  voit  le  clergé 
de  la  ville  de  Lisieux  marchant  processionnellemcnt  dans  le 
chemin  qui  conduit  de  la  Ville  vers  la  Forcst-Rathouin,  et 
après  le  clergé  la  chasse  de  S.  Ursin  sur  un  chariot  attelé  de 
chevaux  blancs ,  aux  deux  côtés  duquel  sont  plusieurs  per- 
sonnes à  cheval,  qu'on  suppose  être  d'un  côté  les  habitants  de 
Bourges,  dont  on  a  parlé,  et  de  l'autre  côté  autant  d'habitants 
de  Lisieux  destinés  à  reconduire  la  chasse  de  S.  Ursin  jusqu'à 
Bourges.  Enfin  dans  le  quatrième  quarré  on  voit  la  chasse 
de  S.  Ursin  sur  un  chariot  attelé  d'une  génisse,  qui  seule  , 
après  le  miracle  dont  on  a  parlé  ,  ramène  le  chariot  de  la 
Forcst-Rathouin  à  Lisieux  ,  où  le  clergé  et  le  peuple  retour- 
nent processionnellemcnt, iprès la  chasse »  (P.  183  et  186.) 

La  sonnerie  de  St. -Jacques  se  compose  de  trois  cloches, 
la  plus  grosse  est  ancienne ,  elle  a  été  fondue  en  1712  par 
Jean  Aubcrt  de  Lisieux  ,  célèbre  fondeur.  Les  deux  autres 
datent  seulement  de  1832.  Avant  la  Révolution,  il  y  avait 
onze  cloches. 

Le  patronage  de  St. -Jacques  appartenait  au  chanoine  pré- 
bende de  ce  titre.  Au  XVIIe.  siècle,  cette  prébende  fut  af- 
fectée spécialement  au  théologal. 

Cinq  autres  prébendes  avaient  leur  chef-lieu  sur  le  terri- 
toire rural  de  la  paroisse,  on  les  nommait  :  Les  Chcs'ies,  ou 
(ihesnes-Thouroude;  Les  Loges;  Pesnel  ;  Le  Val-Rohais  ; 
Feins. 


268  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

St.  -Désir ,  la  troisième  paroisse  de  la  ville ,  est  située  a 
l'extrémité  du  faubourg.  Avant  de  nous  en  occuper,  nous 
allons  passer  en  revue  tous  les  édifices  renfermés  dans  l'an- 
cienne enceinte  de  la  ville. 

Chapelle  St.-Aignan.  —  A  quelques  pas  seulement  de 
St. -Germain  et  de  la  cathédrale,  à  l'entrée  de  la  rue  Pont- 
Mortain  ,  se  trouvait  une  très-ancienne  chapelle  dédiée  à 
saint  Aignan.  La  tradition  populaire,  qui  n'est  jamais  sans 
fondement,  en  fait  la  plus  vieille  de  toutes  les  églises  delà 
ville.  L'office  canonial  s'y  faisait,  dit-on,  pendant  la  con- 
struction de  la  cathédrale ,  au  XIe.  siècle. 

D'après  les  souvenirs ,  elle  pouvait  dater  en  partie  de  cette 
époque  reculée.  En  1367,  Adhémar  Robert,  évêque  de 
Lisieux  ,  y  fit  faire  des  réparations.  Elle  a  été  rasée  à  la  Ré- 
volution. Le  clergé  de  la  cathédrale  s'y  rendait  tous  les  ans  , 
en  procession,  le  17  novembre,  jour  de  la  fête  du  saint, 
pour  y  chanter  les  premières  vêpres,  et  le  lendemain  ,  pour 
la  grand' messe. 

Hôtel-Dieu.  —  L'Hôtel-Dieu  remontait  à  la  fin  du  XIP. 
siècle.  Les  archives  du  Calvados  et  celles  de  l'Hospice  actuel 
contiennent  de  nombreuses  chartes  avec  lesquelles  on  pourrait 
en  faire  l'histoire.  Il  eut  pour  fondateur  un  simple  bourgeois, 
nommé  Laurent  Aini  ,  et  pour  principaux  bienfaiteurs , 
Arnoul ,  évêque  de  Lisieux  ,  constructeur  de  la  chapelle  ,  et 
Jourdain  du  Hommet ,  qui  appela  les  Pères  Mathurins  pour 
veiller  à  son  administration. 

Cet  établissement  a  été  rasé  en  1861  ,  malgré  une  forte 
opposition.  Les  bâtiments  avaient  été  reconstruits ,  pour  la 
plupart,  en  1770,  après  un  incendie  terrible,  qui  faillit 
s'étendre  à  toute  la  ville.  La  chapelle  datait  du  temps  d'Ar- 
noul ,  c'était  un  fort  joli  spécimen  du  style  de  transition. 
Pendant  sa  démolition ,   M.  Raymond  Bordeaux  en  a  fait  un 


CANTON    DI    LISIEUX,    T.    SECTION. 


269 


270  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

dessin  dont  voici  la  gravure.  Elle  était  dédiée  à  saint  Thomas 
de  Canlorbéry,  qui  lui  imposa  son  nom  ,  en  visitant  les  tra- 
vaux ,  quelques  jours  avant  son  martyre.  Ce  prélat  persécuté 
a  célébré  les  saints  mystères  dans  l'Hôtel-Dieu  de  Lisieux , 
et  l'on  conserve  à  l'Hospice,  dans  des  reliquaires,  avec  toutes 
les  preuves  d'authenticité  ,  les  ornements  dont  il  fit  usage. 
La  description  en  a  été  faite  dans  le  Bulletin  monumental , 
par  M.  le  docteur  Billon  ,  en  18^9  (p.  260  ). 

MAISONS. 

La  ville  de  Lisieux  est  trop  riche  en  vieilles  et  curieuses 
maisons  pour  qu'il  soit  possible  de  les  décrire  toutes.  Faire 
un  choix,  en  laissant  de  côté  les  moins  intéressantes,  serait 
peut-être  un  grave  inconvénient.  L'antiquaire  ,  l'artiste  ne 
trouvent  pas  seulement  des  sujets  d'étude  dans  les  monuments 
complets  et  d'une  valeur  hors  ligne,  un  détail  isolé  intéresse 
souvent  davantage  :  les  procédés  de  l'art  y  sont  mieux  saisis. 
Nous  avons  donc  pris  le  parti  de  donner  une  liste  de  toutes 
les  maisons  méritant,  sous  quelque  rapport,  d'attirer  l'atten- 
tion, en  les  groupant  par  époque,  par  style  et  école,  autant 
(pie  possible,  car  la  variété  des  détails  est  infinie. 

Nous  avons  en  vain  essayé  de  nous  procurer  des  rensei- 
gnements historiques  sur  ces  vieilles  maisons  :  nos  recherches 
n'ont  point  été  couronnées  de  succès.  Les  titres  mêmes  des 
propriétaires  remontent  rarement  plus  haut  que  le  XVIIe. 
siècle.  Jl  nous  est  bien  tombé  dans  les  mains  quelques  papiers 
intéressants;  mais  comment  retrouver  les  maisons  qu'ils  con- 
cernent? Où  chercher  ce  grand  manoir  de  La  Reue,  partagé 
en  15GA  entre  noble  homme  maistre  Robert  Thirel,  lieute- 
nant du  bailly  de  Rouen  en  la  vicomte  d'Auge  ;  damoiselle 
Ysabeau  de  La  Reue,  veuve  de  maistre  Robert  Le  Percher, 
escuier,   procureur  du  Roi  en  la  vicomte  d'Auge;   maistre 


CANTON   DE   L1SIEUX  ,    2*.    SECTION.  271 

Loys  de  La  Reue,  sieur  de  St.  -Martin  ;  Jean  de  La  Reue,  curé 
de  Farvaques;  Jacques  ,  Robert  et  Charles  de  La  Reue?  Le 
nom  de  la  rue  n'est  pas  même  indiqué. 

Laquelle  des  maisons  de  la  rue  de  la  Paix  se  nommait  le 
manoir  de  Cormeilles?  Ce  manoir  avait  été  donné  par  testa- 
ment en  1697,  par  Anthoine  de  Semilly,  écuyer,  sieur  du 
Ouesnay,  à  Jean  Olivier  de  Semilly,  tué  le  12  mai  1707  à 
l'armée  d' Espagne,  où  il  servait  dans  le  régiment  de  Courte- 
bo  u  rue-  dragons. 

Où  était,  dans  la  même  rue,  le  manoir  du  sieur  d'Hermi- 
val  ;  et,  dans  la  rue  au  Char,  la  maison  de  mai  sire  Pierre 
Thiron,  advoeat  au  Conseil  ?  De  cette  dernière,  nous  aurions 
pu  rétablir  le  devis  de  construction,  en  pierre  dure ,  bois, 
essente ,  ferrures,  peinture  et  pavey  plombé  de  rouge  ei 
vert  grâce  au  curieux  Registre  du  jurisconsulte,  dans  lequel 
sont  escripies  les  principales  affaires  de  sa  maison.  Toujours 
nos  documents  n'ont  pu  trouver  leur  «application ,  et  les 
maisons  les  plus  remarquables  sont  restées  sans  révéler  le  nom 
de  leur  auteur. 

La  maison  que  l'on  peut,  à  bon  -droit,  regarder  comme  la 
plus  ancienne  de  Lisieux  est  la  tour  de  pierre  ci-contre. 

Les  baies  primitives  ont  disparu;  mais  l'ordonnance  géné- 
rale des  lignes,  la  nature  des  matériaux,  les  détails  permet- 
tent de  lixer  sa  construction  au  commencement  du  XIVe. 
siècle.  Une  tourelle  carrée,  contenant  l'escalier,  flanque  la 
face  qui  regarde  le  couchant,  du  côté  de  la  cour,  sise  à 
l'angle  du  Friche-aux-Chanoines  et  de  la  rue  de  la  Chaussée. 
C'est  un  ancien  manoir  canonial. 

Nous  classerons  à  la  suite  une  maison  de  la  rue  aux 
Febvres  (a°.  U\),  dont  M.  Boucla  fait  la  façade.  Au  X\T. 
siècle,  on  la  nommait  le  manoir  Formeville,  du  nom  d'une 
des  plus  notables  familles  de  Lisieux.  Moins  brillante  que  la 
fameuse    maison,  dont    la    renommée    est   universelle,    elle 


272  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2e.    SECTION.  273 

nous  paraît  cependant  offrir  un  fort  grand  intérêt.  Elle  est 
unique  par  sa  construction.  C'est  le  système  d'empilage, 
regardé  par  M.  Viollet-le-Duc,  dans  son  Dictionnaire,  comme 
l'un  des  modes  primitifs  de  l'emploi  du  bois.  A  en  juger  par 
les  exemples  que  nous  trouvons  dans  son  livre,  si  l'habile 
architecte  l'avait  trouvée  dans  l'Ile-de-France,  il  lui  aurait 
peut-être  donné  pour  date  le  XIIIe.  ou  même  la  fin  du  XIIe. 
siècle  (Voir  t.  VI,  p.  221;  t.  VII,  p.  39).  Mais,  nous  ne 
pouvons  l'oublier,  Lisieux  n'a  jamais  fait  partie  du  domaine 
royal  :  en  conséquence,  nous  regardons  cette  maison  comme 
ne  pouvant  pas  remonter  au-delà  de  la  fin  du  XIVe.  siècle. 
D'ailleurs,  à  cette  époque,  les  fossés  des  fortifications  de  la 
ville  occupaient  l'emplacement  sur  lequel  elle  est  fondée. 
Deux  baies  anciennes  subsistent  encore.  Elles  étaient  grandes 
et  partagées  par  des  croisées  de  bois.  Aucune  moulure,  ni 
sculpture  ne  s'y  voit;  l'angle  était  simplement  chanfreiné. 
On  remarquera  la  courbure  naturelle  des  liens  qui  maintien- 
nent les  colombages,  (l'est  évidemment  un  caractère  d'anti- 
quité, que  nous  ne  retrouverons,  ni  au  XVIe.  ni  au  XVe. 
siècle. 

On  voit  encore  cependant  de  ces  liens  courbes  dans  la 
maison,  n°.  50  de  la  Grand'Rue  (Voir  la  page  suivante). 
C'est  une  construction  fort  remarquable.  Son  vaste  pignon 
prend  la  forme  d'une  ogive  profonde,  appuyée,  de  chaque 
côté,  sur  un  blochet  que  soutiennent  deux  consoles  sculptées 
de  têtes  de  plein-relief.  Dans  l'angle  du  pignon  ,  au-dessus 
de  ce  grand  arc,  est  un  quatre-feuilles  entouré  d'une  mou- 
lure torique.  Il  y  avait ,  dans  la  hauteur  de  la  façade ,  deux 
rangs  de  petites  fenêtres.  Les  liens  destinés  à  maintenir  le 
devers  des  poteaux  d  huisserie  sont  courbes.  Toutes  les  mou- 
lures des  cordons  coupant  horizontalement  le  pan  de  bois 
sont  toriques,  excepté  celle  de  l'appui  des  fenêtres.  Le  dé- 
veloppement longitudinal ,  sur  la   rue  du  Paradis,  offre  aussi 

18 


Y]l\  STATISTIQUE    MONUMENTALE    m   CALVADOS. 


I       I 

ME    DE    LA    MAISON,    GHAND'iU'E,     N°    50. 


CANTON    DE    LISILUX  ,    2e   SECTION.  275 

un  caractère  tout  particulier.  L'étage  unique  est  porté  sui- 
des potences  assez  saillantes,  rendues  rigides  à  leur  extré- 
mité par  des  filières  élégies  d'une  moulure  concave. 

La  lucarne,  posée  de  manière  à  plonger  la  vue  sur  la 
Grand'Rue,  est  portée  sur  deux  sablières  biseautées.  La  baie 
consiste  en  une  double  petite  fenêtre,  dont  le  contour  est 
également  biseauté.  Sauf  la  moulure  de  l'appui  des  fenêtres, 
qui  est  bien  du  XVe.  siècle  ,  mais  qui  règne  sur  une  pièce 
indépendante  de  la  construction,  tous  les  caractères  de  cette 
maison  se  rapportent  au  XIVe.  siècle.  Nous  n'osons  cependant 
pas  soutenir  qu'elle  remonte  a  une  date  aussi  reculée. 

Au  XVI".  siècle,  on  a  fait  quelques  modifications  aux  par- 
ties basses  de  la  maison.  La  petite  tourelle  de  bois  octogone, 
en  saillie  sur  la  rue  du  Paradis,  date  de  cette  époque,  comme 
la  fenêtre  voisine.  Celte  fenêtre  est  protégée  par  une  merveil- 
leuse grille  en  fer  rond,  annelée  en  différents  sens,  vrai  chef- 
d'œuvre  de  forge  et  problème  inexplicable  pour  nos  ouvriers 
actuels.  Cette  grille  est  scellée  dans  des  montants  sculptés  de 
potelets  en  forme  de  contreforts,  portant  deux  blasons  contour- 
nés, dont  le  champ  contient  des  chiffres  enlacés.  Sous  l'appui, 
où  court  une  vigne  avalée  par  deux  rageurs ,  règne  une 
série  de  petits  potelets  trapus,  imbriqués  avec  la  plus  grande 
variété. 

La  maison  marquée  des  n\  35-87-39,  vis-à-vis  delà  pré- 
cédente, est  Construite  d'après  le  même  système.  Potences 
très-saillantes,  portant  le  premier  étage.  Série  de  fenêtres  dans 
toute  la  superficie  de  la  façade.  Naturellement,  ces  baies  pri- 
mitives ont  été  modifiées;  mais,  à  deux  endroits  différents, 
on  retrouve  leurs  linteaux  dont  le  profil  serait  du  XIIIe. 
siècle  dans  une  construction  de  pierre.  Cependant  il  faut  bien 
le  dire,  la  belle  cave  voûtée  à  ilciw  nefs  qui  se  trouve  sous 
une  partie  de  cette  maison  ne  paraît  pas  remonter  au-delà  du 
XVe.  siècle,  nonobstant  i  ro:nau  employé  comme 


276  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

base  à  l'une  des  colonnes  (1).  Les  petits  potelets  carrés  qui 
ornent  les  colombages  accusent  cette  même  époque. 

Il  y  a  deux  particularités  à  signaler.  La  première ,  c'est  la 
présence  d'un  entre-sol  dans  une  maison  du  moyen-âge.  Ici, 
cette  disposition  se  trouve  nécessitée  par  la  pente  assez  raide 
de  la  rue.  Le  rez-de-chaussée  étant  destiné  à  des  boutiques 
dont  on  voit  encore  le  point  de  départ  des  arcades,  cet  entre-sol 
servait  probablement  de  magasin  accessoire  aux  marchands. 

La  seconde  remarque,  que  nous  aurons  occasion  de  faire 
encore  ailleurs,  c'est  la  combinaison  du  comble  longitudinal 
et  du  pignon.  Tandis  qu'une  partie  du  toit  s'égoulte  sur  la 
rue,  à  l'extrémité  surgit  un  gable  important,  impossible  à 
confondre  avec  une  simple  lucarne.  On  attachait  donc  quel- 
qu'importance  à  avoir  pignon  sur  rue. 

La  maison  suivante,  nos.  M-&3,  est  encore  un  exemple  du 
même  système.  Elle  a  deux  étages.  Les  fenêtres,  rangées  aussi 
par  série,  ont  leurs  appuis  soulagés  par  des  croix  de  saint  André. 
Le  pignon  retourne  sur  la  rue  des  Boucheries.  Rien,  du  reste, 
n'indique  une  date  antérieure  au  XVe.  siècle.  La  lucarne  pri- 
mitive, sur  laquelle  on  a  accolé  postérieurement  divers  appen- 
dices, a  conservé  son  gable  ogival  surmonté,  sans  doute,  pri- 
mitivement par  un  trèfle  à  jour. 

La  maison  qui  porte  le  n°.  3,  sur  le  friche  aux  Chanoines, 
a  aussi  certains  caractères  propres  aux  constructions  du  XIVe. 
siècle,  principalement  dans  ses  lucarnes.  Son  rez-de-chaussée 
est  en  pierre  ;  la  porte  cintrée,  garnie  de  moulures  toriques, 


(1)  On  connaît  deux  autres  caves  bâties  avec  ce  luxe  architectural, 
ce  qui  les  fuit  passer  vulgairement  pour  des  chapelles  souterraines  des 
premiers  temps  du  christianisme,  bien  qu'elles  ne  datent  que  du  XVe. 
siècle.  L'une  se  trouve  à  l'angle  de  la  rue  du  Paradis,  sous  une  maison 
neuve;  l'autre  est  dans  la  rue  des  Boucheries,  sous  une  maison  de  bois, 
au  n".  21 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2*    SECTION.  277 

paraît  ne  dater  que  du  XVIe.   siècle.  L'étage  supérieur ,  en 
bois,  n'a  conservé  aucune  trace   des  ouvertures  primitives. 

En  suivant  l'ordre  des  dates,  nous  classons,  à  la  suite  de 
ces  maisons,  uu  grand  nombre  de  constructions  répandues 
dans  toute  la  ville  et  élevées  dans  le  cours  du  XVe.  siècle.  Le 
type  de  ce  genre  se  trouve  à  l'angle  de  la  rue  de  la  Paix  et 
de  la  Grand'Rue  (  nos.  8  et  10  de  la  première  rue.  )  Les 
deux  faces  ont  un  aspect  sévère  et  rustique  en  même  temps. 
Deux  étages  sous  le  comble,  chacun  d'eux  éclairé  par  une 
série  de  fenêtres,  faisaient  du  mur  un  panneau  de  verre  inter- 
rompu seulement  par  les  colombages,  où  l'on  voit  des  rai- 
nures, sans  doute  destinées  à  contenir  les  vitraux  dormants. 
Il  ne  restait  de  plein  que  le  tiers  inférieur,  à  partir  des  plan- 
chers, où  se  trouvent  des  croix  de  saint  André.  On  se  plaint 
de  l'obscurité  des  vieilles  maisons  ;  c'est  une  accusation  bien 
mal  fondée.  L'examen  des  maisons  de  Lisieux  fournit  à  chaque 
pas  la  preuve  que  nos  ancêtres  introduisaient,  au  contraire, 
la  lumière  à  profusion  dans  leurs  demeures.  On  ne  payait 
point  alors  d'impôt  pour  jouir  de  l'air  et  du  soleil.  Les 
colombages  sont  garnis,  au  premier  étage,  de  petits  potelets 
semblables,  à  peu  près,  à  ceux  mentionnés  tout  à  l'heure 
au  n°.  35  de  la  Grand'Rue. 

Le  pignon  sur  la  Grand'Rue  a  une  proportion  vraiment 
imposante,  et  il  devait  être  tout  à-fait  grandiose  avec  ses 
rangées  de  fenêtres  superposées,  aux  vitraux  multicolores, 
quand  ses  bois  étaient  peints  d'un  ton  harmonieux,  quand 
son  grand  gable  saillant  faisait  un  cadre  dentelé  sous  le  com- 
ble aigu.  Une  boutique,  dont  on  voit  encore  l'arcade  en  acco- 
lade, occupait  le  rez-de-chaussée.  La  maison,  rue  d'Orbiquet, 
n°.  1,  n'est  pas  beaucoup  inférieure,  à  celles  que  nous  venons 
de  décrire. 

Appartiennent  au  même  système  de  construction,  le  n°.   3 


278  STATISTIQUE   MONUMtNTALE   DU   CALVADOS. 

de  la  Grand'Rue,  sauf  la  lucarne,  et  lesnra  57,  65  et  99  (1); 

Dans  la  rue  au  Char,  les  nos.  2k  et  28  ; 

Dans  la  rue  St. -Jacques,  le  n°.  U; 

Dans  la  Boucherie,  les  nos.  5,  49,  51  et  53  ; 

Dans  la  rue  Pont-Mortain,  les  nos.  1  et  U. 

Cette  dernière  a  trois  étages,  disposition  unique  dans  les 
maisons  de  celte  époque.  On  la  nomme  la  maison  de  la 
Fleur-de-Lis;  c'était,  je  pense,  une  hôtellerie.  On  pourrait 
êire  induit  en  erreur  sur  sa  date  par  un  cartouche,  placé  au 
milieu  de  la  façade,  sur  lequel  on  lit:  159/*  entre  les  chiffres 
D.  N.  et  I.  G.  Ce  cartouche  est  rapporté. 

Dans  la  rue  de  Caen,  les  nos.  56  et  101. 

Nous  attribuons  aux  dernières  années  du  XVe.  siècle  plu- 
sieurs maisons,  partie  en  pierre,  partie  en  bois,  toutes  d'une 
certaine  importance,  ayant  dû  servir  de  résidence  à  de  riches 
bourgeois.  Telles  sont,  dans  la  rue  au  Char,  le  n°.  19  ;  dans 
la  rue  de  la  Paix,  le  n°.  25  ;  dans  la  Grand'Rue,  les  nos.  155, 
67  et  57  (dans  le  fond  des  cours).  Le  n°.  57,  nommé  le 
M  a  noir- Chopin,  est  traité  d'une  manière  fort  remarquable. 
Le  rez-de-chaussée  et  le  premier  étage  sont  en  pierre;  le 
second  étage  en  bois.  La  partie  en  pierre  s'éclaire  par  des 
fenêtres  cruciformes.  Les  sablières  inférieures  du  second 
étage  sont  sculptées  de  rageurs. 

L'intérieur  contient,  au  1er.  étage,  une  magnifique  pièce 
dont  le  plafond,  que  l'on  prétend  être  en  châtaignier,  possède 
une  décoration  usitée  seulement  dans  les  plus  riches  manoirs. 


(1)  Cette  dernière  se  nomme  le  Manoir-de-l'Image.  Il  appartenait 
depuis  1552  aux  prêtres  de  St. -Germain,  par  suite  de  la  donation  à  eux 
faite  par  le  généreux  Nicolas  Le  Valois.  On  remarquera,  sans  doute,  la 
ressemblance  de  ces  constructions  avec  l'hôtel  de  Quatrans,  à  Caen, 
que  l'on  attribue  à  la  fin  du  XIVe.  siècle.  Cette  date  nous  parait  trop 
reculée. 


CANTON    DE   LISÏEUX  ,    2*   SECTION.  279 

Les  sommiers  sont  garnis,  sur  leurs  angles,  d'un  gros  câble. 
Les  poutrelles  alternent,  de  quatre  en  quatre,  imbriquées  ou 
ornées  de  torsades.  La  vaste  cheminée,  du  temps,  est  très- 
bien  conservée.  On  y  voit  un  blason,  malheureusement  sans 
trace  de  pièces  héraldiques. 

Le  n°.  67  n'a ,  en  pierre,  que  son  rez-de-chaussée.  Deux 
grandes  fenêtres  carrées  à  moulures  prismatiques,  munies 
de  belles  grilles  annelées  en  fer  rond,  l'éclairent.  Le  premier 
étage  est  en  bois.  Dans  l'angle  sud  se  trouve  une  tourelle 
semi-hexagonale,  renfermant  l'escalier.  Elle  pourrait  bien 
être  postérieure  au  corps  principal.  Une  de  ces  ouvertures 
supérieures  est  fermée  par  un  volet  sculpté,  de  la  Renaissance, 
où  l'on  voit,  dans  un  médaillon  entouré  d'un  cadre  saillant, 
une  tête  en  bas-relief.  Les  fleurons  qui  garnissent  les  angles 
du  carré  rappellent  le  règne  de  François  1er.  Les  apparte- 
ments sont  vastes,  éclairés  et  aérés  convenablement.  Les  som- 
miers sont  sans  ornements.  Il  n'existe  plus  de  cheminées 
primitives.  Sur  le  poteau  d'huisserie  d'une  des  portes  du 
premier  étage  est  un  blason  dont  le  champ,  chargé  d'un  bour- 
don et  d'un  bâton  écoté  mis  en  sautoir  et  cantonnés  de 
quatre  vannets,  nous  paraît  un  simple  emblème  de  pèleri- 
nage. 

La  maison,  n°.  155,  a  les  plus  grands  rapports  avec  la  pré- 
cédente. Celle  de  la  rue  au  Char  (n°.  19)  offre  maintenant 
peu  d'intérêt,  par  suite  des  mutilations  qu'elles  a  subies  au 
XVIIe.  siècle. 

Les  maisons  bâties  sous  l'influence  du  style  de  la  Renais- 
sance offrent  une  variété  infinie.  Leur  nombre  est  fort  con- 
sidérable, et  plusieurs  jouissent  (l'un  renom  universel.  Il  faut 
mettre  en  première  ligne  ces  deux  célèbres  maisons  de  la  rue 
aux  Fcbvres  (n°\  17  et  19)  dessinées  par  une  foule  d'ama- 
teurs, notamment  par  M.  Challamelet  M.  Verdier.  Elles  appar- 
tiennent au  règne  de  François  1er.  ;  mais  le  gothique  y  domine 


280  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

encore.  Des  singes  ou  Sauvages  en  ronde- bosse  sont  sculptés 
sur  les  poteaux  des  deux  étages,  prouvant  combien  les  récits 
des  premiers  explorateurs  de  l'Amérique  avaient  frappé  nos 
ancêtres.  Les  dessins  bien  connus  cités  tout  à  l'heure  dispensent 
d'entrer  dans  de  plus  longs  développements.  Qu'il  y  aurait  de 
choses  à  dire,  dans  une  monographie,  sur  ces  mille  accessoires, 
ferrures,  grilles,  volets*  panneaux,  qui  jusqu'à  présent,  heu- 
reusement n'ont  pas  quitté  leur  place! 

Une  maison,  rue  de  la  Paix,  n°.  9,  fort  simple  à  son  étage 
supérieur,  offre  aussi  deux  Sauvages  armés  de  massues,  sur 
les  pieds-droits  d'une  grande  arcade  en  accolade  dont  la  des- 
tination ne  paraît  pas  facile  à  déterminer  ;  mais  elle  est  un  peu 
antérieure  aux  précédentes,  car  on  y  voit  l'écusson  de  l'évê- 
que  Blosset  de  Carrouges,  qui  occupa  le  siège  épiscopal,  de 
1482  à  1505. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTION.  281 


GALKUIE    DE    LA    Kl  E    u'oiSBlQUET,     N°    10. 


282  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

La  charmante  galerie  de  la  rue  d'Orbiquel  (  n°.  1 0,  dans  la 
cour)  appartient  encore,  par  son  style,  à  ce  beau  dernier 
gothique.  Nous  aurions  bien  voulu  connaître  quel  fut  l'homme 
de  goût,  ordonnateur  et  possesseur  de  ce  délicieux  appendice. 
Tout  ce  que  nous  avons  pu  savoir,  c'est  qu'en  1727,  cette 
maison  appartenait  à  dame  Cécile  Brunon,dame  et  patronne 
d'Esquainville,  veuve  de  messire  François  Le  Doyen,  cheva- 
lier, seigneur  et  patron  d'Ablon,  la  Chapelle-Sr.-Clur,  Able- 
ville,  Aubeuf,  etc.,  laquelle  la  tenait  d'un  sieur  Duval,  son 
oncle,  bourgeois  de  Lisieux.  Il  paraîtrait  qu'à  la  fin  du 
XVIII-.  siècle  c'était  une  hôtellerie,  ayant  pour  enseigne:  Le 
Sauvage,  où  MM.  les  officiers  de  la  garnison  prenaient  leurs 
logements. 

Cinq  autres  maisons,  de  même  style ,  ont  conservé  plus  ou 
moins  de  vestiges  de  leur  ancienne  splendeur.  Dans  la  rue  de 
la  Paix,  les  ncs.  18  et  1h  offrent,  l'un  et  l'autre,  de  jolies 
portes  en  accolades,  avec  feuilles  frisées,  panaches,  clochetons 
imbriqués,  etc. 

Dans  la  Grand'Rue,  n°.  135,  on  trouve  encore  la  moitié 
d'une  porte  semblable  ,  assez  bien  conservée.  L'encorbelle- 
ment qui  la  surmonte  est  très-saillant,  et  occupe  par  trois 
sablières  superposées,  ornées  de  moulures  et  de  rageurs;  mais 
ces  sablières  ne  sont  que  des  planches  appliquées  après  coup 
enire  deux  fortes  potences,  et  Ton  peut  supposer  que  la 
grosse  construction  est  plus  ancienne. 

Dans  la  rue  au  Char,  la  maison  n°.  3,  à  deux  étages  sur 
une  longue  façade,  montre  des  sablières  à  rageurs  couver- 
tes de  ceps  de  vigne.  Potelets  imbriqués ,  blasons  ornent  les 
colombages  ;  des  briques  inclinées  remplissent  les  intervalles  ; 
mais  nulle  trace  n'apparaît  de  fenêtres  primitives.  Le  rez- 
de-chaussée  a  été  refait  au  XVIIIe.  siècle. 

La  maison  qui  porte  les  n0s.  59-61,  dans  la  Grand'Rue  , 
est  l'ancien  hôtel  Le  Vallois ,  résidence  du.  riche  et  généreux 


CANTON    DE    LJSIEUX,     2e  SECTION.  283 

bienfaiteur  de  St. -Jacques  et  de  St. -Germain.  Elle  a  sur 
la  rue  une  façade  étroite,  mais  fort  jolie.  Les  colombages, 
très-rapproohés,  sont  couverts  par  des  potelels  à  imbrications 
variées,  d'une  grande  délicatesse.  On  ne  retrouve  aucun  indice 
des  fenêtres  anciennes. 

Le  second  corps-de-logis,  en  face,  dans  la  première  cour, 
a  aussi  des  potelels.  On  y  voit,  en  outre,  une  belle  fenêtre 
bouchée ,  dont  les  pieds-droits  et  la  croix  portent  trois 
petits  médaillons  encadrant  des  têtes,  de  la  Renaissance. 
C'est  une  modification  postérieure  à  l'ensemble  de  la  con- 
struction. 

L'autre  façade  de  ce  même  corps-de-logis,  dans  la  cour  du 
fond,  montre  des  statuettes  taillées  dans  les  poteaux  corniers; 
ce  sont,  sans  doute,  les  patrons  des  maîtres  du  logis,  car  on 
y  reconnaît  la  Vierge,  et  des  blasons  ornent  les  culs-de-lampe. 
Il  y  a  des  rageurs  aux  sablières.  Des  girouettes  en  terre 
émaillée  sont  encore  sur  les  combles.  Un  mur  sépare  cette 
maison  du  Manoir-Chopin ,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut. 

Une  autre  maison  du  règne  de  François  Ier. ,  à  en  juger 
par  la  Salamandre  de  sa  lucarne  (rue  du  Marché-aux-Che- 
vaux,  n°.  21  ),  avait  aussi  des  statuettes  religieuses,  comme 
principal  motif  de  décoration.  Elles  ont  été  bûchées,  il  y  a 
environ  quarante  ans,  ainsi  que  toutes  les  sculptures  en  saillie 
sur  les  sablières  et  les  colombages.  La  lucarne  a  seule  conservé 
son  ornementation. 

En  même  temps  qu'on  employait  ces  délicates  et  fines  cise- 
lures, on  donnait  à  d'autres  maisons  une  décoration  plus  ner- 
veuse ,  mais  non  moins  remarquable.  Un  exemple  de  ce  genre 
est  le  grand  hôtel  de  Grieu,  au  n°.  2  de  la  rue  d'Ouville.  Il  se 
compose  de  trois  corps  de  bâtiments,  disposés  de  manière  à 
laisser  entre  eux  une  cour  carrée.  Assis  à  l'angle  de  deux 
rues,  il  présente  un  pignon  sur  chaque  rue  :  celle  disposition 


284  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

donne  du  mouvement  et  rompt  la  monotonie  des  lignes  des 
combles.  Toute  la  sculpture  se  trouve  concentrée  sur  les 
sablières,  et  elle  est  traitée  de  main  de  maître.  Chaque  tra- 
vée offre  une  nouvelle  variété  de  motifs,  de  la  combinaison  la 
plus  heureuse  :  entrelacs,  chevrons  brisés,  godrons,  oves,  fleu- 
rons, enfin  tout  ce  que  l'imagination  des  artistes  du  règne  de 
François  Ier.  a  pu  inventer  de  mieux  entendu.  Comme  cette 
maison  était  le  manoir  d'un  gentilhomme,  elle  était  peu 
ajourée  à  l'extérieur  ;  il  n'existait  pas  une  seule  ouver- 
ture au  rez-de-chaussée,  sauf  la  porte.  Ce  rez-de-chaussée 
est  en  moellon.  A  l'étage  supérieur,  les  fenêtres  étaient 
petites  et  sans  cadre  orné.  Quant  à  l'intérieur  ,  dans  les  par- 
ties que  nous  connaissons,  nous  n'avons  remarqué  aucune 
fenêtre  ancienne. 

Nous  trouvons  des  maisons  dont  les  sablières  rappellent 
celles  de  cet  hôtel  dans  la  même  rue,  au  n°.  13  (et  leur 
travail  n'est  pas  inférieur),  aux  ri08.  28,  U5  et  90  des  Bou- 
cheries; dans  la  Grand'Rue,  n°.  22;  enfin  au  faubourg 
St. -Désir,   dans  la  rue  de  Caen  ,  n°.  87. 

Le  n°.  45  des  Boucheries  mérite  encore  à  d'autres  titres 
d'attirer  l'attention  ;  il  est  malheureusement  à  moitié  recou- 
vert d'une  cuirasse  d'ardoise.  Cependant  on  voit  encore,  sur 
un  de  ses  poteaux  corniers,  une  jolie  accolade  garnie  de 
feuillages,  d'un  ciseau  habile.  La  porte  de  l'allée  est  garnie 
de  quatre  panneaux  à  traceries  flamboyantes,  également  fort 
délicats.  Cette  maison  se  nomme  le  manoir  des  Douze- Livres. 
Les  Douze-Livres  étaient  des  officiers  du  chœur  de  la  cathé- 
drale, ainsi  nommés  du  revenu  de  leur  prébende,  dont  la 
fondation  remontait  à  une  haute  antiquilé. 

L'une  des  maisons  de  la  rue  des  Boucheries  (n°.  26) 
présente  une  anomalie  assez  curieuse  à  étudier.  Envisagée 
dans  son  ensemble,  elle  devrait  être  classée  avec  les  maisons 
nos.  8  et  10  de  la  rue  de  la  Paix  et  les  autres  semblables.  Son 


CANTON    DE   EISIEUX  ,    2e    SECTION.  285 

pignon  est  dessiné  par  un  gable  ogival  ;  son  étage  supérieur 
est  de  tout  point  conforme  aux  caractères  gothiques  ;  au  rez- 
de-chaussée,  il  reste  une  porte  en  accolade.  Mais  entre  ces 
deux  parties,  au  premier  étage,  on  trouve  une  décoration  de 
ia  Renaissance  très-accentuée.  C'est  évidemment  une  reprise 
en  sous-œuvre,  et  rien  n'est  si  facile  à  exécuter  dans  les 
constructions  de  bois.  Le  fait  nous  a  paru  néanmoins  devoir 
être  signalé.  Cette  ornementation,  de  style  nouveau,  est  fort 
bien  entendue  :  elle  se  compose  de  pentes  de  fruits  sur  les 
poteaux  corniers,  de  consoles  feuillagées,  de  pilastres  à  chapi- 
teaux de  fantaisie.  Malheureusement  il  ne  reste  aucune  trace 
des  fenêtres  primitives. 

Les  nos.  64  et  68  de  la  même  ligne  sont  de  ce  style,  peut- 
être  de  la  main  du  même  ouvrier.  Les  façades  sont  plates  et 
sans  encorbellements.  On  a  évité  toute  saillie,  sans  doute  pour 
se  conformer  à  l'ordonnance  d'Orléans  de  1560.  Les  sablières 
sont  déguisées  en  entablement.  Toutefois  à  leurs  extrémités 
apparaissent  encore  les  rageurs,  transformés  en  rinceaux.  Les 
colombages  sont  taillés  en  forme  de  pilastres  ioniques.  Au 
centre  du  comble  s'élève  une  grande  lucarne  dentelée.  Le 
n°.  64  n'a  plus  rien  d'ancien  au  rez-de-chaussée;  le  n°.  68 
a  conservé  une  porte  affectant  encore  la  forme  en  accolade 
avec  feuillages  presque  gothiques  ;  mais  les  pieds-droits  sont 
deux  pilastres  ioniques. 

Bientôt  tout  vestige  de  l'ancien  système  ne  tarda  pas  à 
disparaître,  et  pour  le  bois,  comme  pour  la  pierre,  on  adopta 
franchement  l'architecture  classique.  Deux  superbes  manoirs, 
dont  l'un  fait  suite  presque  immédiatement  à  la  dernière  des 
maisons  dont  nous  venons  de  parler,  méritent,  dans  ce  genre , 
une  attention  spéciale.  Le  vaste  développement  de  la  façade, 
la  hauteur  sous  sommiers  des  deux  étages  indiquent  un  pro- 
priétaire opulent.^  Des  têtes  grimaçantes  sont  découpées  au 
bout  des  six  sommiers  du  rez-de-chaussée.    Sur  ces  sommiers 


286  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

montent  des  poteaux  verticaux,  sculptés  de  consoles  à  feuillages. 
Les  colombages  représentent  des  pilastres,  et  la  gradation  des 
ordres  est  observée  suivant  les  prescriptions  des  maîtres. 
L'ordre  ionique  garnit  le  premier  étage  ;  au  deuxième 
règne  l'ordre  corinthien.  Des  briques  vernissées  remplissent 
rentre-colombage.  Deux  beaux  épis  émaillés  surmontent  les 
lucarnes. 

Les  deux  manoirs  auxquels  cette  description  est  commune 
sont  situés,  l'un  rue  des  Boucheries  (n°.  52),  l'autre  place  du 
Marché-aux -Bœufs  (n°.  12).  On  dirait  deux  exemplaires  d'une 
même  matrice.  L'un  et  l'autre  même,  chose  surprenante! 
possèdent  encore  leurs  épis.  Des  boutiques  sont  actuellement 
pratiquées  dans  le  bas,  cependant  on  retrouve  encore  au  der- 
nier la  disposition  d'une  fenêtre  du  rez-de-chaussée,  ce  qui 
est  fort  rare.  L'autre  a  sa  porte  surmontée  de  deux  oculus 
saillants,  richement  moulurés,  séparés  par  une  console  sculptée 
de  pentes  de  fruits. 

Un  troisième  manoir,  presque  identique,  existait  dans  la 
rue  de  la  Chaussée,  n°.  1,  On  l'a  plâtré  en  1858,  croyant  lui 
donner  meilleur  air,  pour  y  installer  un  pensionnat  de  jeunes 
demoiselles. 

Moins  importante,  la  maison  n°.  2  de  la  rue  au  Char 
reproduisait  l'ordonnance  de  cette  classe  de  maisons.  Nous  en 
donnons  un  dessin  à  la  page  suivante,  elle  n'existe  plus;  et 
c'est,  hélas!  l'administration  municipale  qui  l'a  fait  jeter  bas 
pour  construire  un  magasin  à  pompes. 

Dans  la  rue  du  Bouteiller  (n°.  32)  on  trouvera  encore  un 
exemple  du  même  genre  de  construction.  Les  lucarnes  surtout 
(  Voir  la  page  288  ) ,  avec  les  têtes  découpées  qui  composent 
leur  dentelure  ,  rappellent  bien  le  caprice  des  artistes  de  ce 
temps.  Celte  maison  a  été  construite  pour  W  Pierre  Lambert, 
conseiller  au  présidial  d'Evreux ,  qui  se  distingua  par  son 
humeur  ligueuse  dans  les  guerres  de  la  fin  du  XVI'*.  siècle. 


CANTON   DE   EIS1EUX,    2e   SECTION. 


287 


MAISON,    Rt 


B    U     CHAR,    N°    2. 


288         STATISTIQUE   MOHUMfiNTAlÉ   DU   CALVADOS. 

Aussi,  lorsque  Henri  IV  prélova   une  contribution  de  guerre 


LUCAKNE   D'UNE   MAISON,    RUE   DU   BOUTEILLER 


sur  la  ville,  après  sa  soumission  en  1590  ,  M*.  Lambert  fut-il 
taxé  à  la  plus  grosse  somme,  750  livres. 

Contemporaines,  mais  beaucoup  plus  riches  d'ornementa- 
tion, sont  les  maisons  portant  les  n°s.  63  de  la  Grand'Rue, 
M  de  la  rue  Pont-Mortain,  dans  la  cour,  12  delà  Petite- 
Couture.  Leur  caractère  distinctif  est  la  disposition  de  leurs 
pilastres  en  forme  de  gaîne,  chargés  d'entrelacs  et  de  fleurons. 


CANTON   DE   MSIEUX,   2e  SECTION.  289 

Le  manoir  Hauvel,  détruit  en   18/i2,  en  même  temps  que 


B.  Bordeaux  del. 


MANOIR   HAUVF.L. 


('Hôtel-Dieu  dont  il  dépendait,  appartenait  à  cette  catégorie. 

19 


290  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Le  n°./il,  surtout,  est  fort  remarquable.  C'est  une  très- 
riche  galerie,  parfaitement  conservée,  garnie  de  pilastres, 
d'entrelacs,  de  godrons,  de  cannelures,  de  têtes  grimaçantes.  Il 
n'y  a  pas  une  pièce  de  bois  qui  ne  soit  couverte  de  ciselures, 
du  travail  le  plus  fin  et  du  tracé  le  plus  vigoureux.  Le  rez- 
de-chaussée  de  ces  constructions  était  ouvert  :  on  le  constate 
encore  parfaitement  au  n°  12  ,  Petite-Coulure,  situé  dans  la 
Cour- Vigneron.  Un  autre  portique  de  colonnes  corinthiennes 
cannelées,  de  même  style,  existe  dans  la  cour  de  là  curieuse 
maison  que  nous  avons  décrite  la  première  (Friche-aux-Cha- 
noines,  n°  13). 

La  lucarne  du  manoir,  Grand'Rue,  n°  3&,  dont  voici  un 
dessin,  donnera  une  idée  de  la  décoration  que  nous  avons 
essayé  de  décrire.  k 

On  peut  encore  faire  rentrer  dans  la  catégorie  des  galeries 
autrefois  ouvertes,  la  maison  qui  occupe  l'angle  de  la  rue  aux 
Febvres  et  de  la  rue  des  Boucheries. 

Trois  ordres  superposés  de  colonnes  cannelées,  portées  sur 
des  têtes  de  plein-relief,  ou  des  vases,  en  composent  l'ordon- 
nance. Il  y  a  quatre  colonnes  à  chaque  étage.  Leurs  chapi- 
teaux sont  ioniques,  sauf  un,  à  l'angle  du  premier  rang,  qui 
rappelle  les  chapiteaux  à  crossettes  du  XIIIfi  siècle.  Les 
sablières  sont  moulurées  en  forme  de  corniches  classiques, 
sans  aucun  encorbellement.  On  ne  voit,  dans  les  pans  de  bois 
intermédiaires,  ni  trace  de  fenêtres  primitives,  ni  liens  pour 
éviter  le  roulement,  ni  ornement  d'aucune  sorte  :  ce  qui  nous 
a  fait  regarder  ces  trois  étages  comme  ayant  été  des  galeries 
ouvertes,  dont  nous  serions  fort  embarrassé,  du  reste,  d'in- 
diquer la  destination. 

Une  autre  variété  des  maisons  de  celte  dernière  période  de 
la  Renaissance  est  celle  où  les  pilastres  sont  remplacés  par 
des  caryatides.  Nous  en  connaissons  deux  exemples  à  Lisieux. 
Le  premier  se  trouvait  à  une  maison,  maintenant  démolie, 


CANTON    DE   USIEUX  ,     T  SECTION. 


291 


MUSOX   RCE    PONT-tlOBTATN,    \"    !\\. 


292  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

qui  occupait  l'angle  d'une  ligne  de  constructions  au  centre  de 
la  place  St-Pierre,  dans  l'axe  de  la  rue  du  Pont-Mortain.  La 
porte  de  cette  maison,  d'ailleurs  peu  considérable,  avait  ses 
pieds-droits  sculptés  de  deux  personnages  presque  de  gran- 
deur naturelle,  et  d'une  bonne  exécution,  dont  la  tête  suppor- 
tait le  linteau  au-dessus  duquel,  comme  amortissement,  se 
trouvaient  deux  vases  ou  plutôt  deux  corbeilles  de  fruits  bien 
composées.  Au  centre  était  un  écusson  chargé  de  trois  héris- 
sons allongés,  avec  une  fasce  portant  un  croissant  accosté  des 
deux  lettres  X.  H.  Ce  blason  nous  a  fait  connaître  le  nom  du 
bourgeois  possesseur  de  cette  demeure,  Christophe  Le  Héri- 
chon,  fort  dévoué,  comme  Lambert,  à  la  Sainte-Ligue.  Ses 
descendants  obtinrent  des  lettres  de  noblesse.  Dans  les  parties 
hautes  se  trouvait  une  autre  caryatide,  qui  devait  décorer  une 
fenêtre. 

Ces  pièces  remarquables  avaient  été  conservées  lors  de  la 
démolition,  par  les  démarches  de  M.  le  docteur  Billon  :  on 
les  avait  déposées  à    la   Mairie.    Elles  ont  disparu  depuis. 

La  seconde  maison  à  caryatides  se  trouve  presque  en  regard 
de  celle-ci  (Grand'Rue,  n°  97).  Le  bas,  transformé  en  bou- 
tique, n'a  plus  rien  de  sa  disposition  primitive.  Les  figures 
en  haut-relief,  au  nombre  de  quatre,  alternent  avec  des 
pilastres  en  forme  de  gaîne  couverts  des  entrelacs  les  mieux 
combinés. 

Nous  faisons  dater  encore  du  règne  de  Henri  III  une 
maison  située  à  l'extrémité  de  la  Grand'Rue ,  dans  l'intérieur 
de  la  cour,  n°  201.  Elle  est  de  peu  d'importance.  Ses  entre- 
toises  sont  garnies  d'oves  etdegodrons,  et  ses  colombages  sont 
taillés  en  pilastres  ioniques.  Une  fenêtre  a  conservé  ses 
volets. 

Nous  allons  terminer  par  une  liste  des  maisons  qui  semblent 
d'un  ordre  secondaire,  dont  il  reste  seulement  des  fragments, 
et  que  certaines  particularités  nous  ont  empêché  de  classer 
dans  les  catégories  précédentes. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTION.  293 

Rue  St-Jacques ,  n°  8 ,  un  clocheton  de  porte  du  XVe 
siècle,  en  pierre. 

Rue  de  la  Paix,  n°  27.  Façade  de  la  Renaissance  avancée, 
essentée  au  XVIIe  siècle.  Quelques  sculptures  seulement  res- 
tent visibles. 

Rue  des  Boucheries,  n°  30.  Belle  porte  à  pilastres  du 
règne  de  François  Ier,  avec  deux  curieuses  enseignes  en  bas- 
relief  dessinées  par  M.  Bouet  et  décrites  par  M.  de  La  Quérière, 
dans  son  mémoire  sur  les  Enseignes  des  maisons  particu- 
lières. 

N°  61  de  la  même  rue,  dans  la  cour,  pilastres  ioniques, 
sablières  à  rageurs;  un  blason  à  une  fasce  accompagnée  de  six 
fleurs  de  lis. 

Grand'Rue,  n°  174,  frise  godronnée,  du  règne  d'Henri  II. 
Les  deux  lucarnes  ont,  sur  leurs  pieds-droits,  des  colonnettes 
qui  rappellent  presque  le  XIIIe  siècle.  Du  reste ,  elles  sont 
couvertes  en  capucine ,  disposition  qui  n'est  pas  antérieure  au 
XVIIe  siècle.  La  maison  tout  entière  a  subi  de  grandes  modi- 
fications à  cette  époque. 

Nous  avons  omis  de  mentionner  une  maison  de  la  rue  de 
la  Paix  (n°  21),  évidemment  ancienne,  d'un  caractère  fort 
sévère ,  mais  qui  n'offre  rien  de  remarquable.  Toutes  ses 
baies  ont  été  modernisées,  excepté  la  porte  d'entrée  taillée  dans 
la  pierre  en  forme  d'arc  surbaissé  dont  l'angle  est  biseauté. 
Les  vantaux  sont  à  panneaux  plissés.  M.  le  docteur  Billon 
nous  apprend  que  cette  maison  possède  une  cave  fort  remar- 
quable, voûtée  en  ogive ,  qu'il  regarde  comme  datant  du 
XIIIe  siècle  ou  du  commencement  du  XIVe.  Personne  ne 
contestera  les  appréciations  de  cet  archéologue  consommé. 

Lisieux  possède  peu  de  maisons  du  règne  de  Louis  XIV. 
On  peut  seulement  citer  celles  qui  portent  les  nos  Ul  de  la 
rue  du  Pont-Mortain  et  ZU  de  la  Grand'Rue,  construites  en 
briques  avec  chaînages  de  pierre  taillés  en  bossage,  et  la  mai- 


294  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

sondes  Daniesde  la  Miséricorde  (Friche-aux-Chanoines,  nr  11) 
sur  la  porte  de  laquelle  on  lit  cette  curieuse  inscription  , 
dont  nous  avons  essayé  ailleurs  de  donner  l'interprétation  : 

ETIAM  NIGER  IN  PVR1TATE 
CONSTANS  CORONATVR 

1GNOMIMA    SACERDOTIS 

PROPRIIS   STVDERE 

DIV1TIIS    HIERO.     A.    NERO. 

Citons  encore  le  presbytère  de  St-Pierre  et  le  logis  qui  en 
fait  la  suite,  avec  leurs  fenêtres  à  fronton  alternativement  cir- 
culaire et  triangulaire,  saillant  sur  le  toit.  Le  rez-de-chaussée, 
en  blocage,  est  certainement  d'une  époque  beaucoup  plus 
ancienne.  Nous  ne  pouvons  oublier  de  mentionner  non  plus 
sa  curieuse  cave  ogivale ,  du  XIIIe  siècle.  Nous  terminerons 
cette  liste  par  l'Hôtel -de-Ville,  bâti  en  1713  par  1V1.  Charles 
Le  Bas,  receveur  des  tailles,  pour  sa  résidence,  et  le  doyenné, 
construit  seulement  en  1769,  par  un  autre  membre  de  la 
famille  Le  Bas.  Ce  sont  des  œuvres  remarquables. 

Peu  de  villes  peuvent  se  vanter,  comme  Lisieux,  d'offrir  à 
l'artiste,  à  l'archéologue  plus  de  soixante-dix  maisons  dignes  de 
fixer  leur  attention  :  encore  esl-il  possible  que  nous  en  ayons 
oublié. 

FONTAINES. 

La  ville  de  Lisieux  possède  de  nombreuses  fonlaines  ; 
une  seule  a  un  aspect  monumental,  celle  de  la  rue  du  Bou- 
teiller.  Sa  construction  ne  remonte  qu'à  178-'i  ;  mais,  comme 
elle  a  une  valeur  historique,  il  est  bon  d'en  dire  quelques 
mots. 

Mgr  Ferron  de  La  Ferronnays  ,  dernier  évoque  de  Lisieux, 
venait  d'être  nommé  à  ce  siège  épiscopal.  La  renommée  de 


CANTON   DE   LISIEUX,    2e   SECTION.  295 

ses  vertus  avait  précédé  son  arrivée,  et  les  habitants  de  son 
nouveau  diocèse  voulurent  lui  préparer  une  réception  bril- 
lante. Une  somme  importante  fut  votée  par  la  municipalité. 
Mais  sa  bonté  lui  fit  dédaigner  des  honneurs  qui  se  seraient 
évaporés  en  fumée  et  en  artifices,  et  il  demanda  que  la 
somme  destinée  aux  fêtes  fût  plutôt  employée  à  quelque 
travail  d'utilité  publique.  On  éleva  la  fontaine  dont  nous  par- 
lons ;  on  y  grava  ses  armoiries  et  diverses  inscriptions.  Une 
seule  subsiste  encore  :  la  Révolution  a  arraché  les  autres. 
Elle  mentionne  les  noms  des  magistrats  en  charge  lors  de  sa 
construction. 

Celte  fontaine  a  été  menacée  de  destruction,  il  y  a  quelques 
années,  pour  faciliter  un  alignement  des  bâtiments  de  la  Pro- 
vidence. Ce  malheur  a  été  conjuré  pour  le  moment 

FAUBOURG  Sl-DÉSIR. 

Le  faubourg  St-Désir ,  dont  il  nous  reste  à  parler ,  est 
situé  à  l'ouest  de  la  ville  et  en  est  séparé  par  la  Touque.  Il 
tire  son  origine  et  son  importance  de  l'abbaye  des  Bénédic- 
tines qui  y  fut  fondée  en  1050.  Cette  fondation  est  due  à  Guil- 
laume d'Eu  et  à  Lesceline,  sa  femme.  Ils  avaient  d'abord  fait 
cet  établissement  dans  leur  domaine  de  St-Pierre-sur-Dives; 
mais  ,  à  la  prière  de  leur  fils  ,  Hugues  d'Eu  ,  évèque  de  Li- 
sieux,  ils  le  transférèrent  où  nous  le  voyons  encore  aujour- 
d'hui. 

Guillaume  était  de  la  famille  des  ducs  de  Normandie:  il 
obtint  facilement  du  Conquérant  une  charte  de  confirmation, 
conservée  encore  précieusement,  dit-on,  par  les  Religieuses. 
De  nombreuses  possessions  leur  furent  assurées  et  par  leurs 
illustres  patrons,  et  par  beaucoup  de  seigneurs  que  leur  piété 
ou  leur  métier  de  courtisans  portèrent  a  imiter  leurs  maîtres 
La  pieuse  solitude  se  trouva  bientôt  peuplée  par  les  filles  des 
plus  nobles  familles  normandes. 


296  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

II  ne  reste  rien  des  édifices  primitifs;  les  plus  anciens  des 
bâtiments  claustraux  remontent  seulement  au  XVIe  siècle 
ou  à  la  fin  du  XVe.  Ils  sont  construits  en  bois.  Les  lieux 
réguliers  et  le  cloître  furent  rebâtis  par  Mme  Charlotte  de 
Matignon,  vingt-neuvième  abbesse,  qui  fit  aussi  démolir  la 
vieille  église  romane  pour  faire  une  chapelle  d'un  goût  plus 
moderne.  Ces  constructions  ne  se  distinguent  par  aucun 
caractère  architeelonique  ,  bien  qu'elles  appartiennent  au 
règne  de  Louis  XIV.  Il  faut  excepter  toutefois  le  logis  abba- 
tial ,  charmant  pavillon  d'un  plan  fort  original,  dont  un 
dessin  peut  seul  bien  faire  comprendre  la  disposition  et  l'effet 

Le  parloir  de  l'abbesse,  placé  dans  une  partie  du  rez-de- 
chaussée  ,  était  orné  ,  au  plafond  ,  de  peintures  avec  blason  , 
rappelant  celles  de  la  chambre  dorée  de  l'évêché.  Comme 
elles  avaient  besoin  de  quelques  restaurations,  on  vient  de 
les  faire  disparaître  sous  un   grossier  badigeon. 

Il  faut  encore  signaler  le  grand  bâtiment  du  Pensionnat , 
dont  la  façade  se  développe  sur  la  rue.  Bien  que  de  la  fin 
du  XVIIIe  siècle ,  c'est  une  construction  remarquable.  Le 
plan  en  a  été  donné,  dit-on,  par  frère  Guillaume  de  La 
Tremblaye,  moine  du  Bec ,  auteur  de  diverses  constructions 
monastiques  qui  ont  établi  sa  réputation  comme  architecte. 
Il  eût  été  à  souhaiter  que  les  travaux  entrepris  depuis  par  les 
Dames  bénédictines  ne  se  fussent  point  trouvés  trop  en  dé- 
saccord avec  ce  bâtiment.  Leur  chapelle,  surtout,  est  ce  que 
Ton  peut  voir  de  plus  laid. 

Leur  ancienne  église  sert  maintenant  d'église  paroissiale , 
celle-ci  ayant  été  démolie  à  la  Révolution  (1).  Ce  n'est  point 
celle  dont  les  fondations  furent  jetées  en  1680  ,  par  Mme  de 

(1)  Il  n'en  subsiste  qu'une  fenêtre,  acco!ée  au  pavillon  de  l'abbesse. 
Les  moulures  qui  l'entourent  indiquent  la  dernière  période  ogivale.  A 
en  juger  par  l'orientation,  cette  baie  devait  s'ouvrir  au  chevet  de  l'église 
paroissiale. 


CANTON    DE   US1LIX,   2e  SECTION. 


297 


PILASTRE   D ANGLE    m     j.oc.ls   ABBATIAL. 


298  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVAIX)S. 

Matignon.  Bien  qu'elle  ait  coûté  plus  de  50,000  écus ,  elle 
n'eut  pas  cinquante  ans  d'existence  :  elle  s'écroula  ,  et  il 
fallut  recommencer.  L'édifice  qui  nous  occupe  date  seule- 
ment de  1758.  L'extérieur  ne  peut  attirer  l'attention  ,  si  ce 
n'est  le  portail ,  fort  original  dans  sa  simplicité  ,  et  d'un 
grand  effet. 

L'intérieur  est  assez  harmonieux.  L'ordonnance  consiste 
en  trois  nefs  communiquant  par  des  arcades  cintrées,  portées 
sur  des  pilastres  d'ordre  ionique. 

Le  chœur  se  termine  par  un  rond-point  du  fond  duquel  se 
détache  un  ange,  sculpture  de  plein-relief,  d'une  grande  ex- 
pression et  d'un  vrai  mérite.  Cet  ange,  suspendu  et  comme 
planant  au-dessus  de  l'autel,  tient  dans  ses  mains  une  bande- 
role sur  laquelle  sont  gravés  les  mots  :  Gloria  in  excelsjs 
Deo.  L'autel,  dans  le  style  Louis  XV,  a  également  du  mérite. 
Le  bas-relief  du  centre  du  tombeau  est  finement  travaillé; 
malheureusement,  il  est  empâté  par  de  nombreuses  couches 
de  peinture  et  de  dorure.  La  croix  du  tabernacle  est  en  bois, 
et  la  sculpture  ne  paraît  pas  non  plus  sans  valeur;  elle  est 
signée  Pavlet.  Il  est  à  présumer  que  l'ensemble  de  cette 
décoration  est  dû  au  même  artiste. 

Il  existe  à  St-Désir  une  confrérie  de  charité,  fondée  en 
1436,  qui  possède  un  petit  trésor  d'une  véritable  valeur  ar- 
chéologique. Ce  sont  d'abord  des  jetons  ou  méreaux  d'assis- 
tance, dont  M.  R.  Bordeaux  a  donné  des  dessins  et  une 
description  en  1852.  Ensuite  une  croix  de  procession  en 
argent  massif  qui  date  du  règne  de  Louis  XV,  et  une  paix  en 
argent  où  sont  figurés ,  avec  la  Vierge,  deux  évêques  ,  saint 
Désir  et  saint  Eutrope,  patrons  de  la  Confrérie.  Au  fronton 
se  voient  la  hache  et  le  glaive  en  sautoir,  instruments  du 
martyre  des  deux  Saints  et  principales  pièces  du  blason  de 
la  Charité.  Sur  la  base  on  lit: 

A  la  Charité  f  de  f  St.  f  Désir  f  de  f  Lizieux 
P.  f  Cailbry  f  I.  Masse  lin  f  1758. 


CANTON    DE   LLS1EUX  ,    2*   SECTION.  299 

Mais  la  pièce  vraiment  précieuse  est  la  Majesté,  «  coutenant 
les  Épitres  et  Évangilles  des  festes  solennelles  de  Tannée  sur 
vélin  relié  d'aisserie  couvers  d'une  lame  dargent  gravée  et 
ornée  de  vermeil  doré  où  sont  relevées  en  bosse  d'un  costé 
les  images  du  Crucifix,  de  Notre-Dame  et  de  St.  Jean, et  de 
l'autre  celles  de  la  Saincte 
Vierge,  de  St.  Désir  et  de  St. 
Eutrope  ,  jcelle  Majesté  fer- 
mante à  crochets  d'argent  » 
Ainsi  s'exprime  un  Inventaire 
dressé  en  1730.  Nous  n'au- 
rions pu  donner  une  descrip- 
tion plus  complète  (1). 

Outre  l'abbaye  ,  deux  éta- 
blissements religieux  se  trou- 
vaient dans  le  faubourg  St.- 
Désir:  le  couvent  des  Domi- 
nicains, maintenant  la  sous- 
préfecture  ,  où  il  ne  reste 
rien  à  mentionner ,  et  la  lé- 
proserie de  St-Clair,  dont  on 
voit  encore  un  pan  de  mur 
et  un  contrefort  roman  ,  in- 
dice de  l'antiquité  de  sa  fon- 
dation. Le  Bulletin  monu- 
mental contient  une  notice 
historique  sur  ce  dernier  éta- 
blissement (t.  XXVIII,  p. 
13^).  Voici  la  statue  du  saint, 
que  l'on  voit  dansunenichesur 
remplacement  de  la  chapelle. 


(1)  Il  paraît  que  celîe  antique  confrérie  vient  dYlrc  supprimée. 


300  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Deux  chanoines  du  chapitre  de  Lisieux  y  avaient  aussi 
leur  prébende,  Assemont  et  Bourguignolles. 

BANLIEUE. 

Les  Pavements.  —La  banlieue  de  Lisieux  renferme  quelques 
constructions  qui  méritent  d'être  signalées.  Il  faut  mettre  en 
première  ligne  les  Pavements,  situés  à  un  petit  quart  de  lieue 
de  la  ville,  sur  la  route  d'Orbec.  Voici  la  description  qu'en 
donnait  M.  Raymond  Bordeaux,  dans  son  Excursion  archéo- 
logique dans  La  vallée  d'Orbec ,  en  1851.  Depuis  lors,  il  y 
a  peu  de  changements  à  constater  : 

«  A  peine  avions-nous  quitté  Lisieux,  que  déjà  nous  des- 
cendions de  voilure  pour  visiter  Les  Pavements  ,  pittoresque 
construction  du  XVIe  siècle,  qui  borde  la  route  à  gauche.  Je 
ne  sais  quel  titre  donner  à  cet  édifice  :  ce  n'est  point  un  châ- 
teau, ce  n'est  guère  un  manoir,  c'est  plus  qu'une  maison  de 
ferme.  L'habitation  principale  présente,  en  dehors  de  l'enclos, 
un  premier  étage  en  bois,  jeté  en  encorbellement  sur  un 
rez-de  chaussée  de  pierres  blanches;  des  poutres  énormes, 
décorées  de  têtes  fantastiques,  qui  semblent  vouloir  engloutir 
dans  leur  énorme  gueule  l'extrémité  des  corniches  à  moulures 
de  la  Renaissance,  forment  l'encorbellement.  Puis,  au-dessus, 
un  toit  en  forme  d'auvent  s'avance  entre  le  premier  étage  et 
le  rez-de-chaussée,  pour  abriter  ces  sculptures.  De  vastes 
lucarnes  dépassent  les  toitures,  déjà  très-saillantes.  Des  tuiles 
rouges,  clouées  comme  de  l'essente,  revêtent  en  certains 
endroits  la  façade.  Ces  poutres  travaillées,  ces  têtes  fantasti- 
ques qui  saisissent  entre  leurs  dents  crochues  l'extrémité  des 
faisceaux  de  moulures,  les  lucarnes  immenses,  les  ravalements 
en  tuile  :  tout  cela  forme  le  caractère  commun  de  la  plupart 
des  maisons  anciennes  de  Lisieux   et  des  châteaux  du  Pays- 


CANTON   DE  USIEUX  ,    2e  SECTION.  301 

d'Auge;  mais,  aux  Pavements,  la  physionomie  des  constructions 
locales  nous  a  paru  plus  fortement  accentuée  qu'ailleurs.  Cette 
habitation,  semi-féodale  et  semi-rustique,  doit  à  l'ampleur  de 
ses  toitures  beaucoup  de   l'apparence  d'un  chalet  suisse. 

«  Pendant  qu'une  partie  de  notre  compagnie  examinait 
l'extérieur  de  cette  vieille  demeure,  le  reste  de  l'escouade 
envahissait  la  cour.  La  façade  intérieure  est  moins  sévère  ;  le 
rez-de-chaussée,  de  ce  côté,  est  en  bois  comme  le  premier 
étage,  et  on  y  a  percé  plus  hardiment  des  ouvertures.  Toute- 
fois, les  fenêtres  portent  encore  les  traces  des  grilles  à  barreaux 
croisés  qui  les  garnissaient  primitivement.  Les  deux  portes 
qui  donnent  accès  dans  la  rfiaison  ont  de  beaux  chambranles 
à  sculptures  gothiques.  Leur  arc  surbaissé  est  garni  de  feuilles 
de  chardon  et  d'un  de  ces  bouquets,  ou  crosses  végétales,  que 
les  archéologues  anglais  nomment  finiats.  Tandis  que  M. 
Bouet  dessinait  ces  sculptures,  un  peu  grossières,  mais  hardi- 
ment taillées  dans  le  bois,  je  prenais,  pour  ma  part,  un  cro- 
quis de  deux  écussons  sculptés  dans  le  couronnement  de  ces 
portes. 

«  L'un  porte  une  roue  comme  pièce  principale,  avec  peut- 
être  la  date  de  1561  en  chef.  L'autre  paraît  avoir  été  armo- 
rié d'un  chevron  et  d'un  chef  chargé  d'un  T  accosté  de  deux 
roues  (1).  » 

Le  premier  va  nous  donner  le  nom  de  celui  à  qui  l'on 
doit  cette  construction.  La  roue  d'or  à  huit  raies  sur 
champ  d'azur  appartient  à  la  famille  de  La  Reue,  laquelle 
comme  on  l'a  vu  plus  haut,  concourut  avec  les  Le  Valois  à 
l'édification  de  l'église  St-Jacques.  Celte  famille,  d'origine 
lexovienne ,  s'illustra  par  des  charges  de  magistrature:  on 
trouve   sa  généalogie  dans  le   Dictionnaire  de   Lachesnaye 

(1)  Excursion  archéologique  dans  la  vallée  d'Orbec,  comptes-rondin 
par  M.  Raymond  Bordeaux.  Caen,  Delos,  1851,  in-8°,  p.  k  et  5, 


302  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Des  Bois  (t.  XTI,  p.  71  ).  En  rapprochant  des  dates  le  style 
du  monument,  on  peut,  sans  témérité,  en  attribuer  la  con- 
struction à  Thomas  de  La  Rcue,  conseiller  en  court  taie  et 
lieutenant-général  du  bailli  d'Évreux. 

Les  Pavements  méritent  bien  être  dessinés  :  aussi  i'ont-ils 
été  plusieurs  fois,  entr'autres  par  M.  F.  Thorigny,  dans  son 
Calvados  pittoresque. 

Celte  maison  appartient  à  M.  Paul  Target,  membre  de 
l'Association  normande  :  on  peut  donc  la  regarder  comme 
étant  à  l'abri  des  mutilations. 

Malicorvc.  —  Sur  le  chemin  de  St-Julien-le-Faucon, 
presque  à  l'extrémité  du  territoire  de  St. -Désir,  est  un  manoir 
décoré  par  le  vulgaire  du  titre  pompeux  de  château  de  Mali- 
corne.  Il  remonte  au  XVe  siècle.  Bâti  sur  une  motte,  à  la 
jonction  de  deux  ruisseaux  dont  les  eaux  remplissaient  ses 
fossés,  il  a  pu  avoir  une  certaine  force  de  résistance. 

Il  consiste  actuellement  en  une  maison  de  bois  avec  encor- 
bellements moulurés.  Aucune  porte,  aucune  fenêtre  ancienne. 
Il  a  subi  des  transformations  radicales  vers  le  règne  de  Louis 
XIV.  L'escalier  est  placé  dans  une  tourelle  hexagonale,  en 
saillie  au  centre  de  la  face  orientale.  Cette  tourelle,  en  bois 
comme  le  reste,  a  été  tronquée  à  sa  partie  supérieure.  Elle 
devait  se  terminer  par  un  toit  pyramidal,  détaché  du  grand 
comble. 

A  l'intérieur ,  on  voit  encore  deux  cheminées  au  large 
manteau  de  pierre  :  elles  n'ont  aucune  moulure  caractéristique  ; 
mais  au  centre  de  l'une  se  trouve  une  petite  niche  ogivale 
subtrilobée,  destinée ,  sans  doute,  à  une  statue  de  saint  ;  sur 
l'autre  figure  un  blason  meublé  de  deux  ailes  d'oiseau,  réunies 
par  le  bas. 

Comme  aux  Pavements,  nous  pourrons  avec  cet  indice 
retrouver  le  nom  du  constructeur.  La  famille  d'Osmont  porte 
pour  armoiries  de  gueules  au  vol  a" hermine.  En  1/i63,  Louis 


CANTON    DE   LIS1EUX  9    2*   SECTION.  303 

d'Osmont  fournit  ses  preuves  à  Montfaut  sur  la  paroisse 
St-Désir.  Six  ans  plus  tard,  il  se  rendait  avec  son  frère,  Jehan, 
seigneur  de  Beuvillers,  aux  montres  de  la  noblesse  du  bail- 
liage d'Évreux.  Louis  d'Osmont  épousa  Marguerite  du  Mcsnil, 
veuve,  en  premières  noces  de  Jehan  de  Trihan.  Il  en  eut  un 
fils  nommé  François,  qualifié  seigneur  de  Malicorne,  Millouet 
et  Beuvillers,  marié  en  1^97  à  Uobine  Fortin.  C'est  à  l'un  ou 
à  l'autre  de  ces  deux  personnages  que  parait  devoir  être  attri- 
buée la  construction  du  manoir  dont  nous  nous  occupons. 

Pendant  les  guerres  de  religion,  le  seigneur  de  Malicorne 
fut  capitaine  de  la  compagnie  bourgeoise  chargée  de  la 
défense  du  faubourg  St-Désir.  Il  rendit  des  services  à  la 
ville. 

Un  autre  membre  de  la  famille  d'Osmont  était  également 
à  la  tête  de  la  compagnie  de  St-Désir,  l'une  des  quatre  de 
la  ville,  en  167(5,  lors  de  la  prise  de  possession  de  M.  de 
Matignon  II. 

L'illustralion  de  la  famille  d'Osmont  est  connue.  Elle  a 
formé  deux  branches  principales  :  celle  des  marquis  d'Osmont 
à  laquelle  appartenaient  les  seigneurs  de  Malicorne,  et  celle 
des  comtes  de  Boitron.  Les  Bouquetot,  les  llautemer,  les 
Médavy  ont  recherché  son  alliance. 

Le  Castellier.  —  Le  Castellier,  charmante  habitation  dont 
le  parc  longe  la  route  de  Caen,  était  aussi  un  fief;  mais  le 
pavillon  confortable  que  l'on  voit  actuellement,  caché  à  demi 
au  milieu  de  belles  plantations,  ne  remonte  qu'à  la  fin  du 
siècle  dernier.  Le  vieux  manoir  dont  il  usurpe  le  nom  était 
situé  loin  de  là,  dans  l'enclos  môme  du  camp  romain  d'où  il 
tire  sa  dénomination.  Détaché  du  corps  du  fief  et  devenu 
simple  ferme  dès  1/428,  il  nous  a  été  impossible  de  le  retrou- 
ver. 

Au  XIVe  siècle,  le  Castellier  appartenait  à  la  famille  d'Os- 
mont. Au  XVI%  il  est  en  possession  delà  famille  de  La  Porte. 


304  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Des  documents  authentiques,  que  j'ai  eus  dans  les  mains, 
m'ont  fourni  les  noms  de: 

Noble  homme  t>le  Pierre  de  La  Porte,  licencié  ès-droicts, 
bailly  vicomtal  de  Lisieux,  seigneur  du  fief,  terre  et  sieurie 
du  Castellier,  1570; 

Maistre  Adrian  de  La  Porte,  licencié  ès-droicts ,  lieutenant 
général  au  bailliage  vicomtal  de  Lisieux  et  sr  du  Castellier, 
1598-1613; 

Noble  homme  M*  Jehan  de  La  Porte,  conseiller  du  roi  en 
sa  Cour  des  Aides  de  Normandie.  Il  laissa  une  fille  unique, 
damoiselle  Marie  de  La  Porte,  se  disant  en  1641  ,  veuve  du 
sieur  d'Armonville; 

Adrien-Georges  de  La  Porte,  sieur  du  Castellier,  bourgeois 
de  Lisieux,  1761. 

La  construction  du  pavillon  est  due  à  M.  Lefebvre  du 
Hazeray.  Depuis,  M.  le  marquis  de  Rely  et  M.  de  Vigan  l'ont 
successivement  possédé.  M.  Halphen,  de  Paris,  qui  l'habite 
actuellement ,  l'a  acquis  il  y  a  quelques  années,  de  j\lme  de 
Vigan. 

te  Lieu-Binei. —  Dès  le  XVIe  siècle,  les  bourgeois  se 
bâtirent  des  maisons  de  campagne  où  ils  allaient  se  délasser 
des  préoccupations  du  négoce  et  parfois  des  luttes  municipales. 
Les  environs  des  grandes  villes  en  sont  remplis.  On  les  appe- 
lait Folies,  nom  que  l'on  retrouve  notamment  aux  environs 
de  Paris  et  d'Évreux.  C'était  ce  que  l'on  a  travesti  de  nos 
jours  en  villa,  mot  plus  guindé ,  mais  moins  français.  Ces 
retraites,  autour  de  Lisieux,  portaient  le  nom  générique  de 
Lieu,  auquel  on  ajoutait  celui  du  bourgeois  à  qui  elles  appar- 
tenaient. Tel  est  le  Lieu-Binet. 

Situé  à  la  porte  de  la  ville,  sur  la  roule  de  Livarot,  un 
chemin  étroit  le  sépare  de  l'ancienne  enceinte  du  château  des 
Loges,  splendide  maison  de  campagne  des  évêques,  dont  il  ne 
reste  que  le  souvenir. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2e  SECTION.  305 

C'est  un  long  bâtiment  à  mi-côte.  Le  rez-de-chaussée  est 
construit  en  briques  avec  chaînes  de  pierre.  L'étage  supérieur 
est  en  bois  sans  sculptures.  Il  n'y  a  point  d'encorbellements. 
Ces  caractères  suffiraient  pour  faire  fixer  sa  construction  au 
XVIIe  siècle,  quand  même  on  ne  trouverait  pas  la  date  1666 
gravée  sur  une  de  ses  façades. 

Au  centre  de  la  façade  extérieure,  à  peu  près,  s'ouvre  une 
porte  protégée  par  un  auvent  couvert  de  tuiles;  elle  conduit 
dans  une  grande  salle  munie  d'une  vaste  cheminée  en  pierre, 
au  manteau  soutenu  par  deux  consoles,  dont  la  partie  supé- 
rieure  imite  le  chapiteau  ionique.  Un  vieux  bahut  de  chêne, 
de  la  Renaissance,  était  oublié  dans  un  coin  de  celte  salle, 
lorsque  je  la  visitai. 

Deux  autres  salles  occupent  le  rez-de-chaussée.  A  celle  qui 
est  voisine  du  coteau,  outre  les  communications  intérieures, 
on  accède  par  un  escalier  extérieur  en  pierre  protégé  d'un 
toit.  Cet  escalier  mouvementé  heureusement  la  façade,  unie 
et  un  peu  froide. 

Dans  l'angle  de  la  troisième  pièce,  vers  la  route,  est  une 
tourelle  contenant  un  escalier  de  service.  Les  chambres  de 
l'étage  supérieur  ne  présentent  aucune  particularité  à  si- 
gnaler. 

Je  n'ai  pu  me  procurer  aucun  détail  sur  la  famille,  sans 
doute  Lexovienne,  qui  a  laissé  son  nom  à  ce  lieu. 

LA  POMMER  A  YE. 

La  Pommeraye  ,  Pomme?  ia. 

L'église  de  La  Pommeraye  n'a  jamais  eu  d'autre  rang  que 
celui  de  succursale  ou  chapclle-anncxe ,  sans  territoire  bien 
déterminé.  Elle  était,  comme  elle  est  encore  ,  comprise  dans 
les  limites  de  la  paroisse  de  St-I)ésir.  Elle  ne  paraît,  dans  les 
touillés,  qu'à  partir  du  XVIe  siècle.    Le  bénéfice  était  à  la 

20 


306         STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

nomination  du  chanoine  prébende  de  St-Pierre-Azif,  à  raison 
de  son  fief,  avec  haute-justice ,  situé  sur  son  territoire  ;  mais 
il  fut  souvent  troublé  dans  son  droit  par  le  prébende  de  la 
Pommeraye.  La  relation  de  ces  procès  n'offre ,  du  reste , 
aucun  intérêt. 

Malgré  son  peu  de  valeur  architectonique  ,  cette  église  tire 
de  sa  situation  un  attrait  particulier.  La  grande  mare  pleine 
de  roseaux  qui  se  trouve 
devant  le  portail ,  les  arbres 
serrés  qui  l'environnent  et  la 
cachent,  les  chemins  défoncés 
qui  y  conduisent,  les  lichens  de 
ses  murs,  prédisposent  l'esprit 
à  la  rêverie. 

L'ensemble  de  la  construc- 
tion est  de  l'époque  romane, 
et  peut-être,  à  cause  de  cette 
disposition  d'esprit  toute  par- 
ticulière dont  je  viens  de 
parler ,  je  serais  porté  à  lui 
attribuer  une  antiquité  très- 
reculée.  Les  murs  sont  en 
blocage  grossier  :  ceux  du 
midi  restent  mieux  caracté- 
risés, les  mortiers  très-blancs 
se  trouvent  mélangés  de  par- 
celles de  charbon  ,  et  les 
moellons  sont  en  général  po- 
reux, quelques-uns  teintés  de 


y — y 


rose  ou  de  brun,  ce  qui  leur  donne  un  aspect  de  terre  cuite 
ou  de  pierre  calcinée  par  le  feu.  Ils  sortent  des  carrières  du 
pays,  qui  toutes  fournissent  le  calcaire  oolithique. 

Les  deux  fenêtres  centrales  de  la  nef,  petites  et  cintrées , 


GASTON    DE    USIELX,    2e   SECTION.  307 

doivent  avoir  une  origine  romane,  malgré  les  retouches  qui 
les  ont  défigurées.  Les  autres  ouvertures  sont  la  plupart  mo- 
dernes, quelques-unes  du  XVIe  siècle.  Le  portail  tout  en- 
tier, avec  sa  fenêtre  ogivale,  et  les  parties  attenantes  des  deux 
murs  latéraux  ,  appartiennent  aussi  à  cette  dernière  époque. 

Le  chœur  a  été  refait  à  une  époque  toute  moderne.  Sans 
aucun  doute ,  il  était  étroit  et  resserré  comme  ceux  de  St- 
Martin-de-la-Lieue  et  de  St-Jean-de-Livet ,  églises  fort  an- 
ciennes dont  on  lira  plus  loin  la  description. 

Rien  dans  le  mobilier  n'a  une  valeur  artistique.  Les  trois 
autels  sont  du  dernier  siècle;  mais  ils  ont  encore  des  pare- 
ments d'étoffes  au  devant  du  tombeau,  ornement  qui  tend  à 
disparaître  partout,  malgré  le  parti  qu'on  en  peut  tirer ,  et 
aussi  malgré  les  prescriptions  liturgiques.  Le  parement  qui 
enveloppe  le  petit  autel  du  midi  est  en  jais,  dessinant  de  larges 
rinceaux  d'or  sur  un  fond  blanc  mat.  Il  est  malheureusement 
en  mauvais  état,  mais  on  y  attache  de  l'intérêt  et  on  a  raison. 

La  statue  de  saint  Laurent ,  patron  de  l'église  ,  sur  l'autel 
du  nord ,  est  gothique  ;  elle  peut  remonter  au  XVe  siècle. 

Parmi  les  quelques  tableaux  suspendus  aux  murs,  se  trouve 
une  des  premières  études  de  Duval-Lecamus  :  une  tête  de 
Madeleine. 

La  chaire  paraît  remonter  au  règne  d'Henri  IV.  Elle  est 
de  forme  hexagonale,  et  de  la  hauteur  d'une  simple  tribune. 
La  menuiserie  en  est  bonne.  A  un  autre  point  de  vue,  elle  mé- 
rite l'attention  des  liturgistes  ,  car  c'est  certainement  une  des 
plus  anciennes  chaires  d'église  rurale  que  l'on  puisse  rencontrer. 

La  cloche  date  de  1823  et  son  inscription  n'offre  aucun 
intérêt.  Avant  la  Révolution,  il  y  avait  deux  cloches.  On 
trouve ,  dans  les  registres  conservés  aux  archives  de  la  com- 
mune de  St-Désir,  que,  le  24  juillet  1707  ,  il  fut  délibéré 
par  les  habitants  de  faire  refondre  et  augmenter  la  plus 
petite  ,  qui  était  cassée. 


308  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

Le  24  octobre  1791,  inventaire  fut  dressé  par  la  munici- 
palité de  St-Désir,  du  mobilier  de  la  chapelle  succursale  de 
St-Laurenl  de  la  Pomeraye. 

Voici  un  extrait  de  cet  inventaire  ,  qui  pourra  donner  une 
idée  de  la  pompe  qui  présidait  aux  cérémonies  du  culte  dans 
cet  humble  oratoire  : 

Une  croix  en  cuivre  avec  son  bâton  en  bois  ; 

Six  candélabres  en  bois  et  leurs  cierges  sur  l'autel  de  la 
Vierge  ; 

Quatre  candélabres  seulement  sur  l'autel  de  St-Hildevert , 
devenu  maintenant  l'autel  St-Laurent  ; 

Un  bénitier  en  cuivre  ; 

Un  encensoir  et  une  navette  en  cuivre  ; 

Sur  le  maître-autel,  huit  candélabres:  deux  en  cuivre  et 
les  autres  en  bois  ; 

Une  chape,  huit  chasubles  et  leurs  étoles  \ 

Un  saint-ciboire,  une  patène  et  un  soleil  ; 

Deux  plats  à  quêter,  un  d'étain,  l'autre  d'airain. 

Au  midi  de  l'église ,  est  un  ancien  manoir  sans  grand  ca- 
ractère architectonique,  mais  dont  le  toit  était  surmonté  de 
deux  beaux  épis  en  terre  vernissée.  Malheureusement  ces 
épis  ont  été  déplacés  et  emportés  par  le  propriétaire.  Ce 
manoir  était  probablement  le  presbytère. 

COMMUNES    RURALES. 

Les  communes  rurales  de  la  seconde  section  de  Lisieux 
sont  les  suivantes  : 

La  Boissière.  St-Jean-de-Livet. 

St-Germain-de-Livet.  Lessard-le-Chêne. 

La  Houblonnière.  St-Martin-de-la-Lieue. 


CANTON   DE   LISIEUX,    2e  SECTION.  309 

Le  Mesnil-Eudes.  Le  Prédauge. 

Le  Mesnil-Simon.  St-Hippolyte-du-Bout-des- 

Les  Monceaux.  Prés. 

La  Moite.  Prêtreville. 

St-Pierre-des-Ifs. 

Nous  en  commencerons   la   revue   par    St-Martin-de-Ia- 
Lieue. 

SAINT-OIARTIX-DE-LA-UEUE. 

St-Martin-de-la-Lieue  ,  S.  Martinus  de  Leuca. 

L'église  St-Martin-de-Ia-Lieue ,  sur  le  bord  de  la  route  de 


•  PLAN    DE    L  EGLISE    DE    S  A1NT-MARTIN-DE-LA-LIEUE. 

Fcrvaques ,    appartient    au  style  roman;  le   chœur,    assez 
court ,  est  en  retrait  sur  la  nef.  Elle  a  conservé  son  petit 


310  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

appareil  régulier ,  remplacé  dans  quelques  parties  par  des 


1111. 


GECTEo   Set/ 


XI/ 


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WliiM  p— t , 


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^Â     ^  A  ÇA      ^\ 


pierres  disposées  en  arêtes  ;  il  reste  encore  plusieurs  fenêtres 
primitives  dans  les  murs  de 
la  nef. 

Le  chœur  est  voûté  en 
wagon  ,  sans  nervures  ;  mais 
le  badigeon  ne  permet  guère 
de  se  prononcer  absolument 
sur  l'âge  de  cette  voûte ,  qui 
doit  néanmoins  être  ancienne. 
Ce  chœur  est  fort  bas  et  très- 
petit.  L'église ,  elle-même ,  de 
petite  dimension  et  presque 
sans  moulures  ,  paraît  appar- 
tenir à  peu  près  à  la  même 


CANTON  DE   LISIEUX  ,   2"  SECTION.  311 

époque  que  celle  d'Ouillie-le- Vicomte ,  que  nous  décrivions 
précédemment.  La  brique  n'a  pas  été  employée  dans  les 
appareils  à  l'église  de  St-Martin,  comme  à  l'église  d'Ouillie; 
mais  les  deux  églises  peuvent  être  contemporaines. 

La  façade  occidentale  a  été  relevée  au  XVe  siècle.  Sur  le 
tympan  de  la  porte  on  distingue  deux  écussons,  probablement 
ceux  des  seigneurs  qui  l'ont  fait  construire. 

Le  clocher ,  carré ,  en  charpente  ,  est  établi  sur  le  chœur. 

On  voit ,  à  la  partie  supérieure  du  gable  de  l'église  St- 
Martin ,  des  ouvertures  triangulaires  formées  de  deux  pierres 


■  QtQDiQf 


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inclinées  Tune  vers  l'autre.  Un  petit  nombre  d'églises  an- 
ciennes offrent  de  pareilles  ouvertures ,  et  cette  disposition 
se  voit  dans  l'église  de  Savenières-sur-Loire.  M.  le  comte  de 
Soultrait  l'a ,  de  son  côté ,  signalée  dans  les  églises  les  plus 
anciennes  du  Nivernais. 

Le  seigneur  temporel  nommait  à  la  cure  de  St-Martin  ; 
mais,  au  XVIIIe  siècle,  ce  patronage  était  passé  au  Roi, 
d'après  le  pouillé  du  diocèse. 


312         STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 


SAINT-HIPPOLYTE-DU-BOUT-DES-PRÉS  (i). 

St-Hippolyte-du-Bout-dcs-Prés  ,  Sanctus  Ypolithus  ,  St- 
Ypolite  du  boidi  des  Preys. 

Cette  paroisse,  comprise  dans  la  banlieue  de  Lisieux  au 
spirituel  et  au  civil,  avait  un  territoire  très-restreint  ;  sa  po- 
pulation se  composait  de  18  feux,  environ  90  habitants. 

L'église  correspondait,  par  ses  petites  dimensions,  à  ces 
besoins  modérés.  Elle  se  composait  seulement  d'un  chœur  et 
d'une  nef.  Le  chœur  était  en  retraite  sur  la  nef.  Le  clocher 
s'élevait  à  l'extrémité  orientale  de  la  nef,  près  de  l'arc 
triomphal.  Cette  disposition  ,  fondée  sur  les  lois  liturgiques, 
que  l'on  tend  à  supprimer  de  nos  jours  partout  où  on 
la  rencontre  ,  indique  généralement  une  haute  antiquité. 
L'intérieur ,  malgré  son  état  de  délabrement  ,  avait  con- 
servé un  certain  prestige ,  grâce  à  ses  voûtes  de  merrain 
peintes  en  azur  avec  des  étoiles  blanches  ,  et  aux  grands 
écussons  d'argent  à  la  bande  d'azur  ,  qui  tranchaient  sur 
les  murs  au  milieu  de  la  ligne  noire  de  la  litre  funèbre. 

Malgré  son  peu  d'importance  ,  St-Hippolyle  subsista  avec 
le  titre  de  commune  jusqu'en  1834.  Alors  une  ordonnance 
royale  l'annexa  à  St-Martin-de-la-Lieue.  Ce  fut  le  signal  de 
la  destruction  de  l'église,  dont  le  petit  clocher  d'ardoise  ani- 
mait le  paysage,  et  se  découpait  sur  le  coteau  qui  borde  la 
rive  gauche  de  la  Touque. 

Le  mobilier  fut  partagé  comme  une  dépouille  opime.  Beu- 
viîliers  recueillit  les  fonts  baptismaux  :  ils  dataient  seulement 
du  dernier  siècle.  La  chaire  se  trouve  à  l'église  de  Lessard,  et 

Ci;  Notes  de  M.  Charles  Vasseur. 


•         CANTON   DE  LISIEUX  ,    2e  SECTION.  313 

la  ck)chetle  surmontait  encore  ,  il  n'y  a  pas  long-temps,  le 
comble  du   presbytère  de  St-Martin-de-Ia-Lieue. 

Le  patronage  appartenait  à  i'évêque  de  Lisieux.  Le  dcrmer 
curé  fut  l'abbé  Pierre-Louis  Blanchard,  qui  émigra  pendant 
la  Révolution  en  Angleterre  ,  où  il  écrivit  son  Histoire  du 
pontificat  de  Pie  VI  (Londres,  1800).  Ce  livre  est  curieux 
et  véridique. 

L'abbé  Blanchard  fut  l'auteur  du  schisme  que  l'on  a  appelé 

la  Petite-Église. 

Manoir.—  Le  manoir  de  St-Hippolyte,  ou  mieux  de  Pont- 
Mauvoisin,  dont  voici  une  vue,  est  assis  sur  la  rive  gauche  de 


VIE   DU    MANOIR    DE    Sl-HIPPOLTfTE-DU-BOUT-DBS-PHB5. 

la  Touque  ,  à  l'orient ,  et  à  peu   de  distance  de  l'enclos  où 


3U         STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS.    ' 

s'élevait  l'église.  Il  appartient  à  une  classe  de  constructions 
féodales  plus  particulière  aux  environs  de  Lisieux  qu'aux 
autres  parties  de  la  Normandie.  C'est  un  groupe  de  bâ- 
timents d'exploitation  disséminés  dans  une  vaste  enceinte 
dessinée  par  des  fossés  et  par  la  rivière  ,  au  milieu  des- 
quels s'élève,  sur  une  terrasse  ,  la  demeure  du  maître. 

Une  tête  de  pont  à  tourelles  défendait  autrefois  l'entrée 
sur  la  rivière. 

Les  bâtiments  d'exploitation,  la  plupart  en  bois,  sont  sans 
valeur  architecturale,  à  l'exception  du  colombier. 

Ce  colombier  est  placé  à  l'angle  sud-est  de  l'enceinte.  Il 
est  de  petite  dimension,  de  forme  hexagonale  et  construit  en 
bois.  Les  entrecolombages  sont  remplis  par  des  briques  in- 
clinées. Sur  chacun  des  colombages  est  sculpté  un  fort  joli 
potelet,  en  forme  de  contrefort,  terminé  par  un  petit  pinacle 
garni  de  feuilles  frisées.  La  baie  de  la  porte,  carrée,  entourée 
d'une  torsade,  est  surmontée  d'une  accolade  que  terminait 
un  large  panache  de  feuillage.  Cette  accolade  s'appuie  sur 
deux  contreforts  accompagnantla  porte,  se  terminant,  comme 
les  potelets  des  colombages,  par  des  pinacles  avec  feuillages 
frisés,  Sur  chacun,  comme  au  centre  de  l'accolade,  était  posé 
un  écusson  bûché  au  vif  par  la  doloire  républicaine.  On  voit 
par  celte  description  que  ce  colombier  date  du  XVIe 
siècle. 

Le  corps  de  logis  principal  est  construit  en  pierre  de 
taille,  avec  des  chaînes  de  briques  horizontales  régulière- 
ment espacées.  Il  date  de  la  fin  du  XVe  siècle  ou  du  com- 
mencement du  XVIe.  En  plan ,  c'est  un  carré  long  flanqué 
par  derrière  ,  au  centre  ,  d'une  tourelle  carrée  qui  renferme 
l'escalier ,  et  près  de  chaque  angle,  d'une  autre  petite  tourelle 
carrée. 

La  tourelle  centrale,  couverte  d'un  toit  en  ardoise,  se  ter- 


CANTON  DE  LISIEUX,    2e    SECTION. 


315 


mine  ,  au  niveau  de  la  corniche  du  corps  principal ,  par  un 
hourd  de  bois  qui  donne  du  mouvement  à  l'ensemble. 

Cette  partie  du  bâtiment,  qui  donnait  sur  le  fossé,  est  très- 
peu  ajourée.  Les  principales  fenêtres  sont  protégées  par  de 
fortes  grilles  annelées. 


HANOI B    DR    SAINT-HIPPOLlTE-DU-BOLT-DES-PUbS 

Vu  par   derrière. 


La  façade  qui  regarde  la  vallée  est  éclairée ,  au  premier 
étage,  par  cinq  fenêtres  carrées,  entourées  de  moulures  pris- 
matiques et  divisées  autrefois  par  une  croisée  de  pierre , 
également  moulurée.  Les  deux  baies  des  extrémités  sont 
beaucoup  plus  étroites  et  grillées. 


316         STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

Les  ouvertures  sont  identiques  au  rez-de-chaussée,  sauf 
que  la  fenêtre  du  centre  est  remplacée  par  une  porte  en  ac- 
colade, sans  aucune  sculpture,  entourée  seulement  d'un  gros 
tore.  Il  est  probable  que,  primitivement ,  deux  lucarnes  de 
pierre  plus  ou  moins  sculptées  coupaient  le  comble  de  cette 
façade  ;  il  est  permis  de  tirer  cette  conclusion  de  l'arrange- 
ment des  deux  fenêtres  intermédiaires.  Aujourd'hui,  deux 
grandes  lucarnes  de  bois  mouvementent  le  toit.  Elles  sont 
contemporaines  du  colombier,  par  conséquent  un  peu  posté- 
rieures au  reste  de  la  construction.  Des  potelets  sculptés  dé- 
corent les  colombages,  et  aux  poteaux  corniers  sont  des  bla- 
sons, au  nombre  de  six,  dont  deux  seulement  portent  encore 
la  bande  des  Tournebu.  Les  salamandres  qui  décorent  les 
poinçons  fixent  pour  date  de  ce  remaniement  le  règne  de 
François  Ier. 

L'intérieur  a  été  successivement  modifié  et  mis  en  rapport 
avec  le  goût  de  chaque  siècle.  Une  perte  à  panneaux  plissés, 
une  vaste  cheminée  dont  la  hotte  repose  sur  des  colonnes  à 
chapiteaux  gothiques,  quelques  pavés  émaillés,  sont  les  seuls 
vestiges  de  l'époque  primitive. 

La  terre  de  St-Hippolyte  appartient  à  Mme  la  comtesse  de 
Foucault ,  chaooinesse  de  SlP-Ànne  de  Munich  ,  et  à  M1Ie  de 
Foucault,  sa  sœur.  Ces  dames  la  tiennent,  par  héritage,  de  la 
famille  de  Tournebu,  qui  s'est  éteinte  en  1810  dans  la  per- 
sonne de  noble  dame  Mme  Marie-Pierre  de  Tournebu,  ba- 
ronne de  Tournebu  ,  dame  de  Moulines,  Fontaine-Halbout , 
Caumont,  St-Germain-de-Livet,  le  Mesnil-Eudes  ,  St-Hip- 
polyte et  autres  lieux,  veuve,  en  premières  noces,  de  messire 
Pierre-François-Jean-Bapliste  de  Bernières ,  chevalier  de 
l'ordre  royal  et  militaire  de  St-Louis ,  seigneur  et  patron  de 
Mondrainville,  Gavrns,  Tourville,  Baron,  Tournauville,  etc., 
et,  en  secondes  noces,  de  M.  Louis -François-Pierre  Louvelde 


CANTON  DE  LISIEUX  ,    2e    SECTION.  317 

Janville-,  président  à  la  Chambre  des  comptes ,  aides  et  fi- 
nances de  Normandie. 

Afin  de  ne  pas  nous  répéter,  nous  renvoyons  tout  ce  qui 
concerne  la  famille  de  Tournebu  à  l'article  de  St-Germain- 
de-Livet.  C'est  là  qu'étaient  le  centre  de  leurs  possessions  et 
leur  résidence  habituelle  :  il  semble  logique  d'y  concentrer 
les  notes  qui  les  concernent. 

Le  Pont-Mauvoisin  est  entré  dans  la  famille  de  Tournebu 
dans  la  première  moitié  du  XVIe  siècle,  par  suite  du  mariage 
de  Jacques  de  Tournebu  avec  Geneviève  Pillois  de  Monligny, 

fille  et  héritière  de Pillois  de  Montigny,  sieur  de  la  Pre- 

vosterie  et  du  Pont- Mau voisin.  J'ignore  depuis  combien  de 
temps  et  comment  celui-ci  en  avait  la  possession. 


SAINT-JEAN-DE  LIVET  (1). 

St-Jean-de-Livet,  Sanctus  Joannes  de  Liveto. 

Cette  paroisse  était  certainement  une  des  moins  impor- 
tantes du  doyenné  de  Livarot.  Sa  population  a  toujours  été 
très-peu  considérable,  les  dimensions  de  l'église  sont  là  pour 
l'attester.  Maintenant  qu'on  veut  être  au  large  et  surtout 
rivaliser  avec  les  paroisses  voisines,  sans  égard  pour  les  con- 
venances réciproques,  il  est  bien  à  craindre  que  l'église  de 
St-Jean-de-Livet  ne  tombe  quelque  jour  sous  la  sape. 

Cet  édifice  n'est  pas  moins  ancien  que  St-Martin-de-la- 
Lieue,  qui  l'avoisine.  Le  plan ,  les  proportions  sont  iden- 
tiques ;  l'appareil  est  aussi  semblable  :  moellon  affectant  la 
position  du  petit  appareil  romain  et  la  disposition  en  feuilles 
de  fougère.  C'est  ce  que  l'on  peut  constater  au  nord  et  à 

(1)  Noies  de  M.  Charles  Vasscur. 


318  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

l'ouest;  car  au  midi  un  enduit  impénétrable  cache  sous  son 
épaisseur  tout  caractère  utile.  Il  y  a  absence  complète  de 
contreforts,  et  l'on  retrouve  au  chevet  et  au  pignon  occi- 
dental ces  trous  triangulaires,  déjà  vus  à  St-Martin ,   qui 


À/U'c 

OQOQQV 


K*m£ 


FKONTON    OCCIDENTAL   DE    L'ÉGLISE    SAINT-JEAN-DE-LIYET. 


existent  aussi  à  Reuilly,  dans  le  département  de  l'Eure  ;  église 
que  l'on  peut  considérer  comme  antérieure  au  XIe  siècle. 

Malheureusement  aucune  des  ouvertures  primitives  n'a  été 
épargnée  :  toutes  les  fenêtres  sont  modernes.  La  seule  porte 
qui  s'ouvre  dans  le  mur  méridional  delà  nef  est  romane , 
garnie  de  deux  tores  ;  les  chapiteaux  des  colonnes  sont  sans 
sculptures  ;  un  porche  de  charpente  la  protège.  Dans  le 
chevet  était  une  étroite  lancette  ogivale,  maintenant  bouchée  ; 
une  autre  se  voit  dans  le  mur  du  nord  de  la  nef. 

Le  clocher,  placé  sur  le  pignon  occidental,  consiste  en  une 
pyramide  octogone  assez  élancée,  couverte  d'ardoises. 

L'intérieur  n'offre  aucun  intérêt;  la  voûte  est  cintrée;  les 
autels  datent  du  dernier  siècle.  Deux  statues  d'évêques,  saint 


CANTON   DE   LIS1EUX  ,    2e  SECTION.  319 

Firmin  et  saint  Lubin,  peuvent  remonter  au  moyen-âge.  La 
chaire,  les  fonts,  le  bénitier  sont  modernes. 

La  cloche  est  ancienne  et  son  inscription  mérite  être  trans- 
crite : 

f  IAY  ETE  BENIE  PAR  Mc  ROBERT  PI'.OVOST  CURE  DE  CE  LIED  ET  NOMMÉE 
MARIE  IEANNE  PAR  MONSIEUR  IEAN  BAPTISTE  DAVY  BOIS  LAURANS  SEIGNEUR 
ET  PATRON  HONORAIRE  DE  CETTE  PAROISSE  ET  DES  FIEFS  DE  QUERVILLE 
LA  RIVIERE  DAUGE  DOUVILLE  ET  PATRON  PRESENTATEUR  DE  LA  CHAPELLE 
DE  S,e  BARBE  DES  BOIS  ET  NOBLE  DAME  MARIE  ANGÉLIQUE  DE  MAUDUIT 
DE  BOIS    LAURANS  '.    IACQUES    LE   FEVRE    TRESORIER. 

1781. 

Le  patronage  appartenait  au  Chapitre  de  Lisieux,  par  suite 
de  la  donation  qui  lui  avait  été  faite  par  Guillaume  de  Quer- 
ville ,  prêtre,  ratifiée,  en  1204,  par  Guillaume  de  Mailloc, 
suzerain  de  Livet. 

La  chapelle  de  Ste-Barbe-des-Bois  ,  mentionnée  dans  l'in- 
scription de  la  cloche ,  existe  encore.  Elle  est  située  sur  les 
bruyères  de  Glos ,  à  l'extrémité  de  la  paroisse.  Construite 
en  blocage  avec  angles  en  pierre ,  et  mesurant  environ  30 
pieds  de  long  sur  15  de  large,  elle  date  tout  au  plus  de  la 
fin  du  XVIe  siècle.  Les  ouvertures  ont  été  refaites  sous  le 
règne  de  Louis  XV.  Le  chevet  est  penlagonal.  A  usage 
d'étable  ,  il  ne  reste  rien  du  mobilier.  La  voûte  est  en 
merrain.  Le  clocher  n'existe  plus. 

Avant  la  Révolution,  on  y  disait  la  messe  tous  les  diman- 
ches ,  et  il  se  tenait  une  sorte  de  marché  sur  une  vaste 
friche  qui  borde  son  enclos. 

Il  est  bon  d'observer  qu'elle  est  tout  près  de  l'ancien  che- 
min de  Lisieux  au  Sap. 

Manoir.  —  Le  manoir  de  St-Jean ,  situé  au-dessous  de 
l'église ,  dans   la  vallée  ,  appartenait  à  la  même  classe  que 


320        STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

celui  de  Sl-Hippolyte  ,  mais  n'en  eut  jamais  l'importance.  La 
maison  manable  est  détruite.  Le  colombier  existe  encore  ;  il 
est  hexagonal ,  en  bois ,  et  son  toit  est  surmonté  d'un  reste 
d'épi  en  terre  cuite. 

En  1&63,  la  terre  de  St-Jean-de-Livet  appartenait  à 
Jacques  Labbey  ,  seigneur  d'Écots  ,  Auvillers,  BeaufTy,  Hé- 
roussart  et  St-Jean-de-Livet;  il  était  petit-fils  de  l'écuyer 
du  connétable  Du  Guesclin.  Il  comparut,  en  1469,  aux 
montres  de  la  noblesse  du  bailliage  d'Évreux.  En  1540,  la 
famille  Labbey  possédait  encore  cette  terre. 

Au  commencement  du  XVIIIe  siècle,  elle  était  passée  à 
une  autre  famille.  Les  registres  de  l'église  de  la  Pouimeraye 
nous  apprennent  qu'on  y  inhuma,  le  29  août  1724,  noble 
homme  messire  Gabriel  de  Couslin  ,  sieur  de  Beaurepos  et 
seigneur  de  St-Jean-de-Livet,  âgé  de  36  ans  environ.  Je 
n'ai  retrouvé  ce  nom  nulle  part  ailleurs. 

La  cloche  nous  parle,  à  son  tour,  de  Jean-Baptiste  Davy  de 
Boislaurans.  De  plus  amples  détails  seront  donnés  sur  cette 
famille,  à  l'occasion  du  fief  de  Querville  ,  situé  à  Prêtreville. 

St-Jean-de-Livet  faisait  partie  de  l'élection  de  Lisieux , 
sergenterie  de  Moyaux  ;  on  y  comptait  39  feux,  c'est-à-dire 
195  habitants.  La  population  a  peu  varié  :  on  compte  encore 
181  habitants. 

SWNT-GERMAIN-DE-LIVET  (1). 

St- Germain- de -Livet,  Sancius  Germanus  de  Livcto  , 
Livei-le- Baudouin ,  Livet-Tournebu. 

11  y  a  six  ans,  Livet  était  une  des  localités  les  plus  inté- 
ressantes à  visiter  de  l'arrondissement  de  Lisieux  ;  aujour- 
d'hui tout  est  changé.  Que  les  amis  de  l'histoire  et  du  beau 

(4)  Noies  de  M.  CI).  Vasseur. 


CANTON   DE   LISIEUX,    T   SECTION.  321 

se  gardent  bien  d'aller  à  Livet,  s'ils  ne  veulent  avoir  le  cœur 
navré. 

Je  me  vois  donc  forcé  de  parler  au  passé. 

Admirablement  situés  au  milieu  d'une  masse  de  verdure, 
à  l'entrée  d'un  petit  vallon  rafraîchi  par  l'eau  pure  d'un 
ruisseau,  apparaissaient  pressés  l'un  contre  l'autre  un  clocher 
élancé  et  les  tourelles  au  toit  aigu  d'un  vieux  château.  Les 
puissantes  familles  qui  avaient  possédé  ce  fief  y  avaient  laissé 
des  monuments  dignes  d'elles. 

L'église  était  romane  et  mieux  construite  que  la  plupart  de 
celles  que  nous  possédons  encore  de  cet  âge.  A  son  plan  primitif 


ffiMl" 


P!  AN    DF.    lYgLISF.    DR    S\1\T   T.  - T.MAÎNDF.-LIVET. 


21 


322  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

(un  chœur,  une  nef),  était  venue  s'ajouter,  au  XVIe  siècle,  une 
belle  chapelle  seigneuriale ,  accolée  au  côté  méridional  du 
chœur  et  égale  en  étendue. 

Quand  on  sortait  du  chemin  creux  et  ombragé,  c'était  la 
nef  qui  se  présentait  d'abord  à  la  vue.  Tous  ses  murs  por- 
taient incontestablement  les  caractères  du  XIe  siècle.  Les 
contreforts  sont  très-plats,  et  ceux  de  l'angle  emboîtent  la 
construction  ;  sur  quelques-uns  d'entre  eux  on  remarque  des 
croix  de  consécration  dont  nous  donnons  un  croquis  ;  dis- 


position peu  commune.  Malheureusement  les  ouvertures 
primitives  avaient  été  remplacées.  Une  porte  percée  au 
XVIIe  siècle,  dans  le  pignon  de  l'ouest ,  et  protégée  par  un 
large  porche,  avait  été  substituée  à  la  porte  romane,  placée 
au  midi,  dont  le  profil  subsiste  encore.  (V.  la  page  suivante.) 
Le  mur  du  nord ,  sobrement  éclairé  dans  l'origine  par 
deux  petites  fenêtres  cintrées,  hautes  de  3  pieds  sur  9  pouces 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2*   SECTION.  323 

de  largeur ,  a  été  repercé  d'abord  au  XVIe  siècle ,  puis  à 
l'époque  moderne.  Trois  fenêtres,  de  la  fin  du  XVIe  siècle, 
prenaient  le  jour  au  midi.  Le  chœur,  aussi  bien  caractérisé, 
était  en  retraite  sur  la  nef.  On  y  voyait,  dans  le  mur  du  nord, 
une  petite  porte  cintrée,  la  porte  du  Prêtre.  L'unique  fenêtre 


était  moderne,  car  une  baie  ogivale  à  traceries  Renaissance, 
qui  avait  été  pratiquée  dans  le  chevet,  se  trouvait  bouchée. 

En  tournant  ainsi  autour  de  l'édifice ,  nous  voici  arrivé  à 
la  chapelle.  Rien  dans  son  style  ne  rappelle  le  gothique  :  sa 
construction  tout  entière  est  dans  le  style  classique.  Son 
chevet,  cependant,  est  soutenu  par  un  contrefort  qui  annonce 
un  reste  d'édifice  plus  ancien.  La  grande  fenêtre  qui  prenait 
le  jour  de  l'Orient,  datée  de  1579  (V.  la  page  326  )  ,  était 
garnie  d'une  voussure  à  bossages  ;  sa  tracerie  se  compose 
de  compartiments  ovoïdes,  et  les  meneaux  qui  la  portent  sont 
de  petits  pilastres  carrés  d'ordre  ionique. 


324  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


FENÊTRE    DE   LA    CHAPELLE   DE  SAINT-GERMAIN-DE-LIVET, 


CANTON    DE    LIStEUX,    T   SECTION.  325 

Le  mur  méridional  était  construit  en  échiquier  de  pierres 
et  de  briques,  percé  de  trois  fenêtres  cintrées  de  médiocre 
grandeur.  Des  pilastres  peu  saillants  avec  chapiteaux  ioni- 
ques allaient  soutenir  la  corniche ,  composée  d'une  série  de 
petites  conscles. 

Le  mur  de  l'ouest  présentait  la  même  ordonnance  et  le 
même  appareil.  Dans  le  pignon  s'ouvrait  un  oculas.  La  porte 
était  cintrée,  à  chambranle  vermiculé.  Sur  l'atlique  on  lisait 
la  date  1578  (V.  la  page  326),  et  dans  un  cartouche  au- 
dessous,  cette  devise  : 


SOLI   DEO   KOX- 
OR  ET   GLORIA. 


Du  reste,  le  joli  dessin  qu'a  pu  en  faire  M.  Bouet  dispense 
de  toute  description. 

Dans  l'intérieur,  on  ne  trouvait  point  un  mobilier  artistique  ; 
néanmoins  un  certain  attrait  vous  y  saisissait. 

L'autel  du  chœur,  avec  quatre  colonnes  corinthiennes, 
était  primitivement  orné  d'un  assez  bon  tableau  représentant 
la  naissance  du  Sauveur,  avec  cette  particularité  que  saint 
Germain,  le  patron  de  la  paroisse,  y  figurait  parmi  les  as- 
sistants, dans  son  costume  épiscopal.  Cet  anachronisme,  qui 
avait  un  parfum  trop  moyen-âge,  avait  déplu;  et  le  tableau, 
quand  j'ai  visité  l'église  une  première  fois,  en  1853,  avait 
fait  place  à  un  méchant  groupe  en  bois  qui  figurait  le  même 
sujet,  moins  saint  Germain. 

Celte  contretable  ,  commencée  à  la  Chandeleur  de  l'année 
1745  ,  fut  achevée  le  7  décembre  suivant.  La  bénédiction  en 
fut  faite,  quatre  jours  après,  le  11  ,  par  M.  Jean  Rohays  , 
curé  du  lieu.  C'était  l'œuvre  de  Robert  Armenout,  sculp- 
teur, qui  reçut  400  liv.  pour  la  façon,  plus  150  liv.  poul- 
ies statues  de  saint  Germain  et  de  sainte  Geneviève.  J'ai 
trouvé  cette  note  dans  les  papiers  du  sieur  Charles  Har- 


326         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


FAÇADE    DE   LA    CHAPELLE    DE    SA1NÏ-GEHMAIX. 


CANTON   Dli   LISILUX,    2e    SECTION. 


327 


Boiit-t  dcl 


PORTE    DE    LA    CHAPELLE   DE   SAINT-GERMAIN-DE-LIVET. 


328  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

douin  ,  trésorier  comptable,  qui  eut,  en  cette  qualité,  l'hon- 
neur de  chasser  une  cheville  de  ladite  contretable. 

Lors  du  grand  remaniement  de  l'église,  au  XVIe  siècle, 
on  avait  orné  les  fenêtres  de  vitraux.  Il  en  était  resté  les 
deux  inscriptions  suivantes: 

Me    IEHAN   •     LE    FRANC     •    A 

DONNE   CE   PANEAV 

DE   VERRE   PRIES 

DIEV    POVR   LUI. 

1580. 

Me    LE   BOVRGOIS 

(armu) rier  a  donne 

(ce  pa)NEAV    DE    VERRE 

(pries)  diev  povr  ldy. 
1580. 

Ce  dernier  est  de  la  famille,  peut-être  le  père  et  le  maître 
de  Marin  Bourgeois,  l'inventeur  du  fusil  à  vent,  le  peintre, 
sculpteur,  etc. ,  du  roi  Louis  XIII.  Je  me  réserve  de  le  dé- 
montrer ailleurs. 

La  chapelle  seigneuriale  ouvrait  sur  le  chœur  par  trois 
arcades  cintrées,  soutenues  sur  des  colonnes  cylindriques  à 
chapiteaux  sculptés.  Les  feuillages  de  l'un  d'eux  étaient  roulés 
en  crossettes,  de  manière  à  rappeler  les  chapiteaux  du  XIIIe 
siècle. 

La  voûte  était  en  merrain  avec  charpente  apparente,  et  les 
sablières  qui  lui  servaient  d'appui  étaient  sculptées  de  rageurs 
d'où  partaient  des  guirlandes  d'oves,  d'entrelacs  et  autres  or- 
nements particuliers  au  XVIe  siècle. 

Mais  ce  qui  arrêtait  surtout  les  regards,  c'étaient  les  trois 
belles  statues  agenouillées  sur  les  tombeaux  des  fondateurs  de 
la  chapelle  et  de  leur  fils.  Sous  l'enfeu ,  près  du  mur  du 
sud,  se  trouvaient  les  deux  que  voici  :  on  voit ,  par  leur  cos- 


CANTON  DE  USIEUX  ,   2e  SECTION. 


329 


A.T»iou£T  tmmm^. 

STATUE   TOMBALE    b'iN   SIRE   DE    TOURNEBU,    A    SAINT-GERMAIN-DE-LlVET. 


330  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


AT. 


STATUE  TOMBALE  D'UNE  DAME  DE  TOURNEBU  ,  A  SA1NT-3ERMAIN-DE-LIVET. 


tume  ,  qu'elles  datent  bien  de  la  fin  du  XVIe  siècle.  La  troi- 
sième était  sous  une  arcade  près  de  la  grille  du  chœur  ;  elle 
est  d'une  date  un  peu  plus  récente.  Les  blasons  qui  accom- 


CANTON   DE   L1SIEUX  ,    T  SECTION. 


331 


STATUE    TOMBALE    u'iN    SIRE   DE    TOIRNEDU,   A    SAINT-GERM  UN-DE-LIVET. 


332  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

pagnaient  ces  statues  indiquent  qu'elles  représentaient  des 
membres  de  la  famille  de  Tournebu  ,  car  aucune  inscription 
ne  se  lisait  sur  les  tombeaux.  Voilà  ce  qu'était  l'église  de 
St-Germain-de-Livet.  Avant  de  courir  au  château,  dont  l'as- 
pect séduisant  (je  parle  toujours  de  1853  )  nous  promet  tant 
d'émotions,  nous  allons  nous  arrêter  sous  le  porche  pour  lire 
une  affiche,  la  plus  ancienne  certainement  de  toutes  les  af- 
fiches actuellement  existantes.  C'est  un  Arrêté  de  la  Com- 
mission intermédiaire  de  VassembU'e  provinciale  de  la 
Haute-Normandie,  du  3  septembre  1789. 

Le  lecteur  désire  savoir,  sans  doute,  pourquoi  cette  église 
n'existe  plus  et  quel  est  le  monument  qui  la  remplace. 
Pourquoi?  C'est  qu'il  s'est  trouvé  quelqu'un  qui  s'est  ima- 
giné un  matin,  en  s'éveillant,  avoir  plus  d'esprit  que  les  hauts 
et  puissants  barons  de  Tournebu,  présidents  au  Parlement  de 
Normandie,  etc.  ,  etc.  Ce  quelqu'un  a  fait  venir  un  agent- 
voyer,  sur  le  refus  de  l'architecte,  pour  mettre  à  exécution 
son  rêve  ;  l'autorité  ecclésiastique,  qui  aurait  dû  conserver,  a 
laissé  faire  ;  l'autorité  administrative  a  approuvé ,  bien  qu'il 
n'y  eût  pas  le  moindre  prétexte  à  changement.  On  a  jeté  les 
statues  à  la  voirie ,  on  a  rasé  l'église.  Et  qu'a-t-on  fait  à  la 
place  ?  Le  nom  n'est  pas  encore  inventé.  Ce  n'est  pas  une 
grange,  je  ne  dis  pas  une  grange  gothique  (elles  sont  géné- 
ralement fort  belles),  pas  même  une  de  ces  granges  vulgaires 
comme  j'en  ai  vu  en  Belgique  et  ailleurs. 

Château.  -Nous  voici  devant  le  château.  Lui  aussi  a  subi 
des  mutilations  regrettables;  mais  il  faut  nous  incliner  devant 
la  volonté  du  maître.  C'est  une  propriété  privée ,  et  chacun 
doit  être  libre  de  traiter  son  bien  comme  il  l'entend. 

Situé  vis-à-vis  du  portail  occidental  de  l'église,  ce  château  se 
compose  de  deux  enceintes.  On  entre  dans  la  première  par  une 
grande  porte  cintrée,  accompagnée  d'une  poterne  en  accolade 


CANTON    DE  LISIEUX  ,    2e  SECTION.  333 

pratiquée  dans  un  mur  de  pierres  et  de  briques  vertes  ver- 
nissées, disposées  de  manière  à  former  échiquier.  C'est,  à 
proprement  parler,  une  basse-cour,  qui  ne  renferme  que  des 
bâtiments  d'exploitation  rurale  et  le  colombier.  On  ne  voit 
autour  aucune  trace  de  fossés. 

Tous  ces  bâtiments  sont  en  bois;  un  seul  a  conservé  quelque 
cachet:  il  remonte  au  XVIe  siècle.  Le  colombier,  construit 
à  l'angle  sud-est  de  l'enceinte,  est  dans  de  grandes  proportions. 
Il  est  octogone,  construit  en  bois,  avec  briques  inclinées  entre 
les  colombages.  Les  poteaux  corniers  portent,  à  leur  partie 
supérieure ,  des  blasons  rendus  frustes  par  les  années ,  mais 
dont  on  peut  encore  distinguer  les  pièces  principales.  Tous 
sont  partis ,  et  la  première  partition  est  de  ïournebu  :  d'ar- 
gent à  la  bande  d'azur.  A  la  seconde  partition ,  on  trouve 
sur  l'un  les  trois  maillets  de  Mailloc;  sur  un  autre,  une  croix 
accompagnée  de  quatre  pièces  qu'il  est  impossible  de  recon- 
naître. Un  toit  rapide,  pyramidal,  avec  une  petite  lanterne  au 
sommet,  couvre  ce  colombier. 

Au  fond  de  la  première  enceinte  s'élève  le  château  ,  en- 
touré de  larges  fossés  remplis  d'eau  vive.  Son  plan  est  un 
pentagone  irrégulier.  Le  pavillon  d'entrée,  qui  regarde  l'Orient, 
est  bâti  en  échiquier  de  pierres  et  de  briques  vernissées,  alter- 
nativement rouges  et  vertes.  Deux  sveltes  tourelles  à  toit 
conique  flanquent  ses  angles.  La  porte ,  accompagnée  d'un 
portique  d'ordre  corinthien  ,  porte  la  date  de  1584.  Une  fe- 
nêtre à  fronton  triangulaire,  accostée  de  niches  pour  des 
statues,  éclaire  la  salle  supérieure.  Le  toit  rapide  en  ar- 
doise est  coupé  par  une  lucarne  en  pierre.  Du  reste,  le  dessin 
de  M.  Bouet  est  d'une  dimension  suffisante  pour  donner  une 
idée  complète  de  l'ordonnance. 

Un  grand  bâtiment  de  construction  identique  fait  suite  au 
pavillon  ,  vers  le  midi ,  remplissant  le  second  côté  du  penta- 
gone. Le  rez-de-chaussée,  consacré  a  des  magasins,  ne  reçoit 


33^  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


ENTRÉE   DU    CHATEAU   DE   LIVET. 


la  lumière  que  par  trois  petites  ouvertures  circulaires.  L'étage 
supérieur  est  percé  de  trois  belles  fenêtres  semblables  à  celles 
des  tourelles  du  pavillon,  qui  alternent  avec  des  niches,  dont 
les  statues  ont  disparu  à  la  Révolution.   La  toiture  est  en 


CANTON    DE  LIS1EUX ,   2'  SECTION.  335 

tuiles,  mais  en  tuiles  de  couleurs  variées,  qui  devaient  former 
primitivement  des  dessins  par  leur  disposition. 

A  l'extrémité  de  ce  bâtiment ,  s'élève  une  tour  construite 
toujours  avec  les  mêmes  matériaux ,  revêtue  de  la  même  or- 
nementation. Sa  corniche  est  garnie  de  mâchicoulis. 

Les  deux  côtés  suivanlsdu  pentagone  étaient  formés  de  con- 
structions affectant  la  même  ordonnance ,  mais  moins  ornées 
parce  qu'elles  étaient  moins  en  vue.  On  vient  de  les  raser,  en 
grande  partie,  pour  ménager  une  vue.  Comme  le  château  est 
dans  un  vallon  fort  étroit  et  peu  pittoresque,  la  perspective 
procurée  à  ce  prix  consiste  en  trois  saules  au  milieu  d'un  pré 
à  faucher. 

Les  bâtiments  de  la  cinquième  façade  sont  en  bois ,  sans 
sculptures;  ils  accusent  le  XVe  siècle,  et  vraisemblablement 
ils  sont  antérieurs  aux  belles  constructions  que  nous  venons 
de  passer  en  revue.  Une  cour  intérieure  occupe  le  centre 
du  château.  Ce  qu'elle  a  de  caractéristique,  c'est  la  galerie 
de  quatre  arcades,  portées  sur  des  piliers  toscans  vermiculés, 
qui  forme  une  sorte  de  cloître  sous  le  bâtiment  faisant  suite 
à  la  porte.  L'étage  supérieur  répèle  l'ordonnance  extérieure. 
La  corniche,  richement  sculptée,  porte  sur  sa  frise  l'inscrip- 
tion suivante  : 

FINIS   LAVDAT  OPVS 

et  plus  bas ,  dans  un  cartel  : 

1588. 

Il  ne  faut  pas  négliger  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  porte 
en  accolade  qui  se  trouve  à  droite  en  entrant:  elle  est  garnie 
de  clous  ornés,  fort  curieux,  dessinés  et  décrits  dans  le  savant 
ouvrage  sur  la  Serrurerie  du  moyen-âge  publié  par  M.  Ray- 
mond Bordeaux,  en  1858. 

Celte  porte  conduit  à  une  grande  salle  à  vaste  cheminée , 


336  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

dont  les  murs  étaient  autrefois  couverts  de  peintures  repré- 
sentant, dit-on  ,  la  bataille  de  Pavie.  Dans  l'angle ,  près  de  la 
cheminée,  une  tourelle  renferme  un  escalier  de  service  qui 
conduit  à  la  salle  supérieure,  laquelle  possédait  aussi  une  belle 
cheminée  dont  la  hotte  était  couverte  de  compartiments  flam- 
boyants. Je  doute  qu'on  en  trouve  un  second  exemple  dans 
les  environs  de  Lisieux.  Plus  loin ,  une  cheminée  plus  mo- 
derne était  garnie  d'une  plaque  en  fonte  où  figuraient  deux 
écussons  accolés,  sommés  chacun  d'un  casque  à  lambrequins. 
Sur  le  champ  du  premier  sont  posées  trois  gerbes,  sur  l'autre 
la  bande  d'azur  des  Tournebu.  Des  pavés  émaillés  aux  types 
les  plus  variés,  des  plombs  aux  fenêtres,  voilà  ce  que  l'on 
trouvait  à  chaque  pas,  avant  la  restauration  du  château.  De 
celte  restauration  nous  ne  dirons  rien. 

Trois  familles  ont  possédé  successivement  la  baronnie  de 
Livet.  $À  première  en  date  est  la  famille  Tyrrel.  Elle  était 
puissante  dans  la  contrée  dès  le  commencement  du  XIFIe 
siècle.  En  1206,  Guillaume  Tyrrel ,  écuyer  de  Livet-le-Bau- 
douin,  faisait  un  accord  avec  l'abbaye  d'Ardennes,  au  sujet 
d'une  vavassorie  du  nom  de  Fresne-Chargie ,  située  dans  la- 
dite paroisse ,  et  que  son  oncle,  Richard  Tyrrel,  chevalier, 
avait  donnée  aux  religieux. 

Après  cette  famille,  les  Livet  se  trouvent  en  possession  de 
cette  terre ,  qui  entra  dans  la  maison  de  Tournebu  par  le 
mariage  de  Jeanne  de  Livet  avec  Pierre  de  Tournebu ,  en 
1^62.  Pierre  possédait  déjà ,  de  son  chef,  les  seigneuries  de 
la  Vacherie,  Fresnay  et  Sauqueuse.  Après  le  décès  de  Guil- 
lebert  Louvet  et  de  Marie  de  Mailloc,  père  et  mère  de  Jeanne, 
sa  femme,  il  fit  partage  de  leurs  biens  et  choisit  la  seigneurie 
de  Livet  et  les  fiefs  de  St-Vast  et  d'Estrées,  à  charge  de  payer 
à  Jeanne  de  Vaux ,  femme  de  Jean  Louvet ,  500  livres  que 
lui  avait  données  en  mariage  son  oncle  Pascal  de  Vaux, 
évèqtie  de  Lisieux. 


CANTON    DE  LISIEUX  ,    2e    SECTION.  337 

Pierre  de  Tournebu  eut  six  fils,  dont  l'aîné,  Jean,  fut  sei- 
gneur de  Livet  après  son  père.  Jacques ,  fils  de  Jean ,  aussi 
seigneur  de  Livet,  augmenta  ses  domaines  déjà  considérables 
des  terres  de  la  Prevostière  et  du  Pont-Mauvoisin  que  lui  ap- 
porta Geneviève  Pillois  de  Montigny,  sa  femme,  comme  on 
l'a  vu  à  l'article  de  S'-Hippolyte. 

C'est  à  Robert,  son  petit-fils,  qu'il  faut  attribuer  la  con- 
struction du  château  et  de  la  belle  chapelle  seigneuriale  dont 
nous  avons  regretté  la  perte.  Ce  sont  les  statues  de  Robert  et 
de  Madeleine  de  Seguise,  sa  femme,  et  d'Anne  de  Tournebu, 
leur  fils  aîné ,  qui  ont  été  réduites  en  moellons  après  avoir 
subi  des  outrages  que  la  Révolution  de  1793  leur  avait  épar- 
gnés. 

Robert  de  Tournebu  avait  reçu  une  éducation  moins  guer- 
rière que  ses  prédécesseurs.  Marie  de  Croixmare ,  sa  mère  , 
appartenait  à  une  famille  parlementaire.  Le  contact  des  gens 
lettrés,  les  voyages  qu'il  dut  faire  dans  la  capitale  de  la  Nor- 
mandie, tournèrent  son  esprit  vers  les  beaux-arts.  C'est  à 
cette  influence  que  nous  devons  les  belles  constructions  que 
nous  avons  décrites. 

Anne  de  Tournebu ,  devenu  seigneur  de  Livet  après  son 
père ,  suivit  la  carrière  de  la  magistrature  et  devint  président 
aux  requêtes  au  Parlement  de  Rouen. 

Robert  de  Tournebu ,  son  fils,  sieur  de  St-Germain-dc- 
Livet,  du  Pont-Mauvoisin,  sieur  et  patron  du  Mesnil-Eudes, 
suivit  la  Cour  et  obtint  la  charge  de  gentilhomme  ordinaire  de 
la  chambre  de  la  Reine-Mère. 

Jusqu'à  la  Révolution,  la  famille  de  Tournebu  posséda  les 
terres  de  Livet,  Mesnil-Eudes  et  le  Pont-Mauvoisin;  mais 
c'est  le  château  de  St- Germain  qui  lui  servit  toujours  de  ré- 
sidence. Après  la  tourmente,  le  dernier  rejeton  de  la  maison, 
Mme  Marie- Pierre  de  Tournebu  ,  qui  avait  épousé  en  pre- 
mières noces  M.   de  Mondrainvillc ,  et   en   secondes  noces 

22 


338         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

M.  deJanville,  put  rentrer  en  possession  des  épaves  de  ces 
terres,  que  ses  héritiers,  MM.  de  Foucault,  se  sont  partagées 
et  que  leurs  représentants  possèdent  encore  aujourd'hui. 

Le  hasard  m'a  fait  passer  par  les  mains  un  grand  nombre 
d'aveux  rendus  aux  seigneurs  de  Livet.  Ils  présentent  une  énu- 
méralion  à  peu  près  complète  des  diverses  redevances  féodales 
en  usage  dans  notre  pays;  mais,  tout  calculé,  les  charges  étaient 
moins  lourdes  que  celles  qui  pèsent  actuellement  sur  les  cam- 
pagnes :  je  pourrais  le  démontrer ,  pièces  en  main. 

Les  vassaux  de  la  seigneurie  de  Livet  devaient  à  leurs 
seigneurs  : 

Des  rentes  en  argent  (1/4  deniers  par  acre,  en  moyenne); 

Des  chapons  à  Noël  ; 

Des  œufs  à  Pâques  ; 

Foy,  hommage,  reliefs  et  treizièmes  ; 

Réseantise  ; 

Obéissance  de  court  et  usage; 

Aides  coutumières  ; 

Service  de  prévosté  ;  _. 

Regard  de  mariage  ; 

Abattre  et  cueillir  les  fruits,  tant  pommes  que  poires,  et 
les  porter  aux  greniers  ; 

Les  piller,  sildrer  et  enthonner  ; 

Chaumer  les  chaumes,  quérir  les  hards  pour  iceulx  lier  ; 

Faner,  botteler,  charier  et  tasser  les  foings  ; 

Prière  de  charrues  et  de  herche  deux  fois  par  an  «  pour- 
veu  qu'il  y  ait  bêles  tirantes  à  harnois  et  regesantes  sur  le 
fief; —  et  devons  avoir  un  respeus  vne  foys  le  jour  pour  les 
personnes  et  bestes,  et  deux  deniers  au  soir  pour  charrue  ou 
grande  herche  et  vn  denier  pour  la  petite  herche  »  ; 

Baon  du  moulin  ; 

«  Aider  à  amener  les  meules  et  le  tournant  d'iceluy  mou- 
lin dentre  les  quatre  portes  de  Normandie  ;  » 


CANTOiN    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTtOiN.  339 

Aider  à  tenir  les  écluses  en  bon  état  ; 

«  Subjects  aussy  à  gerbe  et  nolel  au  preuost  et  meusnier 
de  mondict  sieur....  »  ; 

Aider  à  curer  les  mottes  d'allenlour  dudict  manoir  de  trois 
ans  en  trois  ans  et  faire  le  hérichon. 

Enfin,  voici  une  singularité:  L'aînesse  de  la  Quesnelière, 
qui  contenait  9  acres,  devait  un  déniera  Noël  «  pour  porter 
à  l'offrande  de  la  messe  de  minuict.   » 

Il  a  existé  une  maladrerie  à  Livet  :  il  en  est  fait  mention 
dans  un  acte  du  6  avril  1456,  comme  bornant  des  terres 
situées  «  sur  le  quemin  tendant  de  la  chapelle  de  Noiremare 
au  moustier  de  Livet. 

Quatre  fiefs,  outre  celui  que  possédaient  les  barons  de 
Tournebu,  se  trouvaient  dans  les  limites  de  la  paroisse  de 
Livet  : 

1°  Le  fief  de  Belleau,  mentionné  dans  un  acte  de  1456. 
Il  bornait  la  maladrerie  de  Noiremare  ;  par  conséquent ,  il  se 
trouvait  toul-à-fait  à  l'extrémité  de  la  paroisse.  Il  était  pos- 
sédé en  1412  par  damoiselle  Marguerite  d'Ouville,  femme  de 
Durand  d'Auge.  Les  fiefs  d'Auge  étaient  situés  sur  St-Jean- 
de-Livet; 

2°  Le  fief  du  Coulant; 

3°  Le  fief  du  Coudra  y. 

Ces  deux  fiefs  appartenaient  au  haut-doyen  de  Lisieux  , 
à  cause  de  sa  dignité, 

4°  Le  fief  du  Bouley. 

Guillebert  Bardou  était  seigneur  du  Bouley  en  la  paroisse 
de  Livet,  en  1456. 

Laurent  Bardou,  qui  fut  imposé  par  iMontfaut  en  1463, 
devait  être  possesseur  du  même  fief. 

Guillaume  Bardou  était  seigneur  du  Bouley  lors  de  la  re- 
cherche des  élus  de  Lisieux,  en  1523-24. 

A  la  fin  du  XVIe  siècle,  le  fief  du  Bouley  appartenait  à  a 
famille  de  Boctev. 


3/»0  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Gabriel  Le  Boctey ,  seigneur  du  Bouley ,  et  damoiselle 
Julienne  Patrice,  sa  femme,  donnèrent  le  jour  à  deux  enfants  : 
Michel,  qui  entra  dans  les  Ordres ,  et  Louis  Le  Boctey,  son 
frère,  escuier,  sieur  du  Bouley.  Louis  épousa,  le  3  juillet 
1597,  Catherine  de  Franqueville,  cinquième  enfant  de  Jean, 
seigneur  de  Collandon,  et  d'Hélène  de  Fedebry.  De  cette 
union  sortirent  trois  enfants:  Charles,  Renée   et  Hélène  (1). 

Charles  Le  Boctey ,  seigneur  du  Bouley  ,  après  son  père , 
eut  un  fils  nommé  Jacques,  qui  se  maria  deux  fois  :  la  pre- 
mière, avec  une  demoiselle  de  La  Noë  ;  la  seconde,  avec 
Magdelaine  de  Fresnel,  qui  lui  donna  quatre  enfants  encore 
sous-âge  lorsque  leur  père  mourut.  Voici  leurs  noms: 

Claude,  seigneur  du  Bouley,  mort  garçon  le  23  décembre 
1702; 

Guillaume,  seigneur  de  Villers  et  ensuite  du  Bouley,  sui- 
vant aveu  du  26  décembre  1705; 

Jacques,  mort  garçon  au  service  ; 

Et  Marie,  morte  fille. 

A  la  fin  du  XVIIIe  siècle ,  le  Bouley  appartenait  à  une 
branche  de  la  famille  Thillaye,  originaire  de  Lisieux,  où  di- 
vers de  ses  membres  remplirent  des  charges  d'édilité. 

Cette  terre  appartient  encore  à  la  même  famille. 

La  population  de  St-Germain-de-Livet  est  de  815  habi- 
tants. Malgré  l'accroissement  qu'elle  doit  aux  usines  établies 
sur  son  territoire,  elle  ne  se  trouve  pas  supérieure  à  ce  qu'elle 
était  il  y  a  cent  ans;  on  comptait  alors  3  feux  privilégiés  et 

(1)  J'ai  écrit  dans  une  notice  sur  le  prieuré  de  Mervilly,  près  Orbec, 
que  Michel  et  Louis  Le  Boctey  étaient  fils  de  Michel  Le  Boctey  ,  sieur 
du  Buisson.  C'est  à  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville  que  je  dois  de 
pouvoir  réparer  cette  erreur.  Il  a  bien  voulu  mettre  à  ma  disposition 
les  renseignements  qu'il  possède  sur  Sl-Germain-de-Livel,  et  j'en  ai 
usé  dans  les  lignes  qui  précèdent. 


CANTON   DE   L1SIEUX  ,    2e   SECTION.  Zk\ 

160  feux  taillables,  c'est-à-dire  au  moins  815  habitants.  Cette 
identité  de  chiffre  est  singulière. 

Celte  paroisse  était  comprise  dans  l'élection  de  Pont- 
l'Evêque,  sergenlerie  de  St-Julien-le-Faucon,  et  se  qualifiait 
de  bourg.  Au  spirituel,  elle  dépendait  de  la  chrétienté  de 
Lisieux  ;  le  patronage  appartenait  au  doyen  du  Chapitre. 

PRÈTREVILLE  (I). 


Prèlreville  ,  Woylleium,  Presbyterivilla ,  Prcstreville. 

L'église  de  Prêtreville  n'est  pas  sans  importance',,  mais  elle 
a  perdu  tout  son  intérêt  par  suite  des  changements  qu'on  lui 
a  fait  subir  depuis  une  vingtaine  d'années.  Elle  est  sous  l'in- 
vocation de  saint  Pierre  :  elle  élait  comprise  dans  le  doyenné 
de  Livarot.  Les  pouillés  du  XVIe  siècle  attribuent  le  patro- 
nage au  Chapitre.  C'est  probablement  une  erreur ,  car  avant 
et  après  on  trouve  indiqué  comme  patron  le  seigneur  du  lieu. 

Comme  le  fait  voir  le  plan,  cette  église  ne  comprend  qu'un 
chœur  et  une  nef,  mais  dans  d'assez  vastes  proportions. 
Les  parties  les  plus  anciennes  me  paraissent  remonter  au 
XIIIe  siècle.  Les  murs  sont  en  blocage  et  en  partie  re- 
crépis. L'irrégularité  des  membres  principaux  de  l'architec- 
ture prouve  que  des  retouches  nombreuses  ont  été  successi- 
vement exécutées.  Ainsi ,  à  la  nef,  on  ne  trouve  pas  de  con- 
treforts du  côté  du  midi  ;  au  nord,  il  y  en  avait  quatre.  Les 
deux  du  centre  ont  été  arrachés  ,  on  en  trouve  encore 
les  amorces.  Celui  qui  est  près  de  l'angle  occidental  me  paraît 
du  XIIIe  siècle.  L'autre,  au  contraire  ,  refait  en  brique 
dans  sa  majeure  partie  ,  ne  devait  remonter  qu'au  XVI' 
siècle. 

(1)  Notes  de  M.  Charles  Vasseur. 


342         STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


La  même  irrégularité  se 
retrouve  dans  les  ouvertures. 
La  porte  ,  pratiquée  main- 
tenant à  l'ouest,  et  le  mur 
du  pignon  tout  entier  ne  da- 
tent que  du  commencement 
de  ce  siècle.  La  porte  primi- 
tive était  percée  dans  le  mur 
du  sud  ;  on  L'a  transformée 
en  fenêtre.  C'est  une  ogive 
sans  caractère  ;  la  partie  de 
mur  qui  l'entoure  n'accuse 
non  plus  aucune  époque.  Le 
reste  de  ce  mur  du  sud  date 
du  XVP  siècle  ,  et  se  trouve 
éclairé  par  deux  belles  fe- 
nêtres ogivales  à  tracerie  flam- 
boyante avec  un  meneau. 

Au  nord,  on  ne  voit  qu'une 
seule  fenêtre  primitive ,  et  il 
ne  paraît  pas  qu'il  y  en  ait 
eu  d'autres  supprimées  pos- 
térieurement. Cette  fenêtre, 
placée  tout-à-fait  à  l'orient , 
est  une  lancette  du  XIII3 
siècle ,  de  18  pouces  seu- 
lement d'ouverture  ;  elle  a 
subi  des  retouches. 

La  grande  ogive  qui   oc-  ^ ,,.*...-,  /«.« 

cupe  le  centre  est  moderne  ; 
elle  est  d'une  exécution  passable. 

Le  chœur,  un  peu  long  pour  sa  largeur,  est  en  retraite 
sur  la  nef,   suivant  l'usage.  Il  n'a  de  contreforts  que  près 


CANTON    DE   LISIEUX  ,     2*   SECTION.  343 

des  angles,  deux  contre  le  mur  droit  du  chevet,  et  deux  en 
retour  :  un  au  nord,  l'autre  au  sud.  Ces  contreforts  datent 
du  XIIIe  siècle,  et  il  doit  en  être  de  même  des  murs,  qui 
sont  en  blocage,  tout  entiers  recrépis.  Vue  sacristie  cache  le 
chevet.  Six  fenêtres  sont  percées  dans  les  murs  latéraux. 
Trois  sont  du  XVIIIe  siècle  ;  une,  au  midi,  est  du  XVe  , 
comme  celles  de  la  nef  de  ce  même  côté;  enfin,  près  de 
l'autel  sont  deux  petites  lancettes  conservées  de  la  disposition 
primitive. 

A  l'intérieur,  le  plâtre  règne  sans  partage.  Les  murs  sont 
plâtrés ,  les  voûtes  sont  plâtrées.  A  la  place  de  l'arc  triom- 
phal ,  qui  n'existe  plus,  on  voit  un  cintre  en  plâtre,  garni  de 
petites  têtes  bouffies,  et  deux  colonnes  corinthiennes  moulées 
en  plâtre  ,  qui  ne  portent  rien.  Une  corniche  en  plâtre  court 
au  pourtour.  Les  voûtes  étaient  en  merrain  avec  charpentes 
apparentes;  on  a  coupé  ces  charpentes,  et,  pour  éviter  l'é- 
cartement  qui  suit  ordinairement  cette  opération,  on  a  mis, 
de  place  en  place,  des  tirants  de  fer. 

Les  trois  autels  étaient  d'une  bonne  exécution. 

L'un  d'eux,  celui  du  sud,  provenait  d'une  chapelle  dédiée 
à  sainte  Anne,  qui  se  trouvait  à  quelques  pas  de  l'église,  au 
levant.  Je  crois  qu'on  peut  le  faire  remonter  jusqu'au  règne 
de  Louis  XIII.  Les  colonnes  torses,  ou  plutôt  tordues  en 
vis,  étaient  garnies  au  tiers  inférieur  de  rinceaux  qu'arrêtait 
une  couronne  fleurdelisée  ;  les  chapiteaux  étaient  un  com- 
promis entre  le  corinthien  et  le  roman  du  moyen-âge.  Sur 
la  corniche  se  trouvait  un  fronton  coupé,  avec  une  niche 
centrale  couronnée  par  deux  petits  anges  soutenant  un  car- 
louche  cordiforme,  qui  pourrait  bien  avoir  porté  des  armoi-* 
ries.  Le  tableau  représentant  sainte  Anne  enseignant  la  Vierge, 
était  sans  valeur.  Le  tombeau  était  droit  avec  parement 
d'étoffe. 

Le  petit  autel  du  nord,  dédié  à  la  Vierge,  datait  du  règne 


366  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

de  Louis  XIV.  Deux  colonnes  torses,  à  chapiteau  composite , 
autour  desquelles  s'enroulent  des  guirlandes  de  roses,  por- 
tent un  entablement  surmonté  d'un  fronton  coupé  sur  le- 
quel sont  assis  deux  anges.  Le  tableau,  qui  n'était  pas  sans 
valeur,  représentait  la  Vierge  soutenant  son  Fils  sur  ses  ge- 
noux, après  la  descente  de  Croix. 

On  a  d'abord  remplacé  les  tableaux  par  des  statues  de 
plâtre  ;  puis,  plus  récemment,  comme  par  suite  de  la  destruc- 
tion de  l'arc  triomphal  les  autels  faisaient  une  légère  saillie 
sur  le  chœur,  on  les  a  rétrécis  au  moyen  de  la  scie  et  du 
rabot,  sans  avoir  égard  à  la  difformité  qui  en  résulterait, 
puisque  toutes  les  proportions  sont  changées. 

L'autel  de  Ste-Anne  a  souffert  encore  davantage  :  on  a 
enveloppé  ses  colonnes  dans  des  douves  de  barriques  en  bois 
blanc.  Enfin,  pour  compléter  l'harmonie  du  travail,  les  tom- 
beaux ,  qui  avec  leurs  étoffes  pouvaient  produire  un  effet 
grandiose,  ont  été  revêtus  de  découpures  figurant  une  série 
d'arcades  en  ogives  impossibles.  Le  maître-autel  datait  aussi 
du  règne  de  Louis  XIV.  Les  premiers  changements  qu'on  lui 
a  fait  subir  remontent  à  1836.  Ils  consistèrent  dans  la  sup- 
pression du  tabernacle  hexagonal  et  de  quelques  accessoires , 
entr'autres  un  cartel  qui  surmontait  l'entablement,  et  sur 
lequel  on  lisait  : 

EX   DONC    D. DE   LA    CAUVIMERE    C'. 

1704. 

Il  offre  un  type  bien  des  fois  décrit.  Des  colonnes  torses 
entourées  de  ceps  de  vigne,  au  milieu  desquels  jouent  des 
oiseaux,  des  escargots,  etc.,  portent  un  entablement  surélevé  en 
forme  de  trapèze.  Des  vases  surmontent  les  colonnes.  Pour 
accompagnement,  deux  niches,  au-dessous  desquelles  s'ou- 
vrent des  portes  qui  conduisent  à  la  sacristie.  Le  tableau, 
avec  cadre  sculpté  de  feuilles  de  chêne,  représente  l'Ascension. 


CANTON    DE    LIS1EUX  ,    2*   SECTION.  3^5 

La  fenêtre  ogivale  du  chœur  a  conservé  des  restes  de 
vitraux  :  un  Christ  en  croix  avec  la  Vierge  et  saint  Jean  en 
grisaille,  et  un  blason  de  gueules  à  la  bande  d'or,  accom- 
pagnée de  six  merlettes  de  même  posées  en  orle.  La  chaire 
à  prêcher,  de  grande  dimension ,  date  de  Louis  XV.  Sa  base 
forme  confessionnal ,  ce  qui  lui   donne  un  aspect  singulier. 

La  cloche  avait  une  inscription  assez  intéressante  pour  être 
transcrite  ici  : 

f  JE  SUIS  NOMMÉE  LEONTINE  PAR  MESSIRE  ASTOLPHE  LOUIS  LEONORE 
MARQUIS  DE  CUSTINE  ASSISTÉ  DE  NOBLE  DAME  AIMÉE  LEONTINB  DE  S* 
SIMON  DE  COURTOMER  MARQUISE  DE  CUSTINE  ET  BENITE  EN  PRESENCE  DE 
»lr*  JEAN  BAPTISTE  MARIN  BORDEAUX  MAIRE  DE  PRÊTREVILLE  ET  JEAN 
LE  FRERE    CAISSIER. 

JEAN  BAPTISTE  ANTOINE  DROl  ET  MA  APPORTÉE  A  LAVILLETTE  DE 
LISIEUX    QUI    MA  FAITE    EN    1821. 

Cette  cloche,  s'étant  cassée,  vient  d'être  refondue;  on  n'a 
pas  jugé  à  propos  de  reproduire  cette  inscription. 

J'ai  déjà  mentionné  la  chapelle  Ste-Anne.  Elle  a  été  dé- 
molie il  y  a  une  vingtaine  d'années.  Je  n'ai  pu  me  procurer 
de  renseignements  positifs  sur  sa  structure  et  ses  dimen- 
sions. La  place  qu'elle  occupait  est  indiquée  par  un  petit 
oratoire,   qui  sert  d'abri  à  une  statue  de  la  Patronne. 

Quatre  fiefs  se  partageaient  le  territoire  de  Prêtreville  : 
Querville,  le  Coudray,  Poix  et  Prêtreville. 

Querville  est  le  seul  dont  les  constructions  ornent  quel- 
qu'intérêt.  Il  est  situé  à  la  naissance  d'un  petit  vallon  au 
milieu  duquel  serpente  un  ruisseau.  Les  sources  de  ce  ruis- 
seau étaient  dirigées  de  manière  à  remplir  les  fossés  du 
manoir,  dont  les  bâtiments  sont  disposés  en  carré  à  peuples 
régulier,  avec  cour  au  centre. 

L'entrée  est   pratiquée   dans   un    pavillon,    construit   en 


3^6  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

échiquier  de  pierres  et  briques,  élevé  d'un  étage,  avec  toit 
surmonté  de  deux  épis  en  terre  émaillée.  Les  tuiles  sont 
aussi  vernissées  de  différentes  couleurs.  Une  sorte  de  petite 
tourelle,  qui  contient  l'escalier,  donne  du  mouvement  à  la 
partie  haute,  sans  faire  de  saillie  sur  le  mur  de  façade.  La 
porte  est  cintrée,  accompagnée  d'une  poterne  carrée.  Le 
reste  de  la  façade  et  les  deux  côtés  sont  composés  de  bâti- 
ments, partie  en  échiquier,  partie  en  bois,  sans  aucun 
intérêt. 

Le  corps-de-logis  fait  face  à  l'entrée.  C'est  une  grosse  maison, 
construite  au  rez-de-chaussée  en  chaînages  de  brique  et  de 
pierre,  dont  les  parties  hautes,  en  bois,  n'offrent  ni  sculp- 
tures ni  moulures  caractéristiques.  La  cheminée  est  ornée 
d'arcatures  cintrées. 

La  porte  est  accompagnée  de  pilastres  qui  portent  un 
fronton  cintré. 

La  face  qui  donnait  autrefois  sur  le  fossé  est  plus  ornée 
et  mieux  caractérisée.  On  peut  la  diviser  verticalement  en 
deux  sections ,  d'époques  distinctes.  La  première,  en  pierre  de 
taille  au  rez-de-chaussée,  est ,  au  premier  étage,  bâtie  en 
bois  avec  encorbellements.  Les  colombages  sont  garnis  de 
potelets.  Les  ouvertures  consistent  en  deux  fenêtres  :  l'une , 
largement  ouverte,  accompagnée  de  pilastres  avec  chapiteaux 
de  fantaisie;  l'autre,  plus  étroite ,  en  accolade  avec  choux 
frisés,  panaches  et  pinacles.  Le  poteau  cornier  est  sculpté 
d'une  grosse  tête  grimaçante  se  perdant  dans  des  feuillages; 
les  sablières  de  l'encorbellement  ont  des  rageurs.  Ces  détails 
indiquent  le  commencement  du  XVIe  siècle.  La  seconde 
partie  est  plus  moderne  et  n'accuse  guère  que  le  règne  de 
Louis  XIII.  Elle  est  éclairée  de  deux  grandes  fenêtres  cruci- 
formes. 

Il  n'y  a  point  d'ouverture  au  rez-de-chaussée. 

L'intérieur,    depuis  longtemps  habité  par  des  fermiers, 


CANTON   DE   L1SIEUX  ,    T  SECTION.  347 

ne  donne  à  mentionner  que  quelques  pavés  émaillés.  Cepen- 
dant la  chambre  haute  du  pavillon  d'entrée  a  conservé ,  sur 
ses  murs,  quelques  traces  de  peinture  qui  ne  paraissent  pas 
bien  anciennes.  On  prétend  que  cet  appartement  était  une 
chapelle  :  la  cheminée  qui  s'y  trouve  et  le  reste  de  ses 
dispositions  doivent  faire  repousser  cette  attribution. 

Le  colombier  se  trouve  dans  la  première  cour ,  en  dehors 
de  l'enceinte;  il  est  octogone,  d'un  diamètre  considérable  et 
remonte  aussi  au  XVIe  siècle.  Il  a  malheureusement  subi  des 
réparations  maladroites. 

Le  manoir  de  Querviïle  tire  son  nom  d'une  famille  an- 
cienne ,  qui  n'a  pas  été  sans  importance  au  moyen-âge. 

Montfaut  inscrit  dans  sa  Recherche  :  Henri  et  Richard  de 
Querviïle. 

Le  premier  possédait  le  fief  dont  nous  nous  occupons  ;  le 
second  était  seigneur  du  Coudray. 

En  1540 ,  Hector  de  Querviïle  et  ses  frères  puînés,  Guil- 
laume et  Pierre,  produisirent  devant  les  élus  de  Lisieux. 

Hector  joua  un  certain  rôle  dans  les  guerres  civiles  de  la 
fin  du  XVIe  siècle;  il  fut  lieutenant  du  gouverneur  de 
Lisieux. 

En  1616,  Querviïle  appartenait  à  noble  homme  Jehan  de 
Querviïle,  sieur  du  lieu,  la  Rivière,  les  fiefs  d'Auge  et 
Douville.  Il  fut,  je  pense,  le  dernier  mâle  de  sa  famille; 
car  un  rôle  de  taille,  de  1683,  mentionne  parmi  les 
exempts  damoiselle  Anne  de  Quierville.  En  1747,  tous  ces 
fiefs  étaient  passés  aux  mains  de  haut  et  puissant  seigneur 
messire  Louis-Marc  Antoine  de  Fauteveau,  et,  en  1779, 
dans  celles  de  M.  Jean-Baptiste  Davy  de  Boislaurens.  Après 
lui,  la  terre  est  échue  à  l'une  de  ses  filles,  Mm*  de  Vauvert. 
dont  la  fille  unique,  mariée  à  M.  de  Marguerye,  l'a  vendue 
il  y  a  quelques  années. 

Il  y   a   dans  les   limites  du  fief  de  Querviïle  une  aulre 


348  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

construction  qui  mérite  une  mention.  C'est  le  Lieu-Seney , 
dont  voici  le  dessin.   On  ne  peut  fixer  sa  date  au-delà  du 


LIEU-SENEY. 


règne  de  Louis  XIIÏ.  C'était  la  maison  de  campagne  d'un  Élu 
de  Lisieux. 

La  population  de  Prêtreville  est  de  531  habitants.  Au 
XVIIIe  siècle,  elle  était  de  895  habitants,  179  feux,  et  à  la 
fin  du  XVIIe,  de  165  feux  ou  825  habitants.  Cette  paroisse 
était  comprise  dans  l'élection  de  Lisieux,,  sergenterie  de 
Moyaux. 


CANTOX   DE   L1S1EUX,    V   SECTION.  3/»9 


LE  MESNIL-EUDES  (I). 

Le  Mesnil-Eudes ,  Mesnillus  Odonis. 

Situé  au  fond  d'un  vallon  sauvage  et  boisé,  le  Mesnil-Eudes 
a  été  fondé  par  Odon  Stigand,  le  chef  de  la  maison  de  Tan- 
carville,  le  seigneur  de  L'Honneur,  d'Écajeul  et  de  Mézidon, 
le  constructeur  de  Stc-Barbe ,  qui  lui  a  laissé  son  nom.  On 
y  compte  2%  habitants;  au  XVIIIe  siècle,  il  y  avait  3  feux 
privilégiés  et  59  feux  taillables ,  c'est-à-dire  310  habitants 
environ.  On  voit  que  la  population  n'a  jamais  été  considé- 
rable ,  bien  que  par  sa  superficie  cette  commune  doive  être 
classée  parmi  les  grandes  paroisses  de  ce  canton. 

Elle  était  comprise  dans  l'élection  de  Pont-1'Évêque ,  ser- 
genterie  de  St-Julien-le-Faucon,  et  pour  le  spirituel,  dans 
le  doyenné  de  Livarot. 

L'église,  sous  l'invocation  de  Notre-Dame,  offre  un  certain 
intérêt.  Elle  est  du  petit  nombre  de  celles  qui  n'ont  subi  que 
peu  de  mutilations,  dans  ce  canton ,  où  les  curés  sont  cou- 
pables de  nombreux  faits  de  ce  genre.  Elle  remonte  jusqu'à 
l'époque  romane.  La  partie  conservée  de  cette  construction 
primitive  est  le  mur  septentrional  du  chœur,  ou  l'on  voit 
encore  le  cintre  d'une  porte  bouchée.  Les  autres  murs,  dans 
leur  ensemble,  paraissent  seulement  du  XVIe  siècle.  Les 
contreforts  qui  les  buttent ,  les  fenêtres ,  soit  ogivales ,  soit 
cintrées,  à  moulures  prismatiques,  qui  y  sont  pratiquées, 
accusent  bien  cette  époque.  La  porte  est  précédée  d'un  porche 
en  charpente. 

Le  clocher  date  aussi  du  XVIe   siècle  ;  il  est  en  charpente 


(I)  Notes  de  M.  Charles  Yasscur. 


350  STATISTIQUE   MONCMENTALF    OU  CALVADOS. 


PLAN    DE   L  EGLISE   DU   MESNIL-EIDES. 


revêtu  d'ardoise ,  avec  quatre  petites  lucarnes  posées  sur  les 
angles. 

L'intérieur  offre  une  foule  d'objets  sur  lesquels  doit  se  porter 
l'attention.  En  entrant ,  un  vieux  banc  à  panneaux  flam- 
boyants, du  règne  de  Louis  XII;  deux  bancs  à  balustres 
tournées,  du  commencement  du  XVIIe  siècle  ,  frappent 
d'abord  les  regards. 

La  voûte  de  la  nef,  parfaite  de  forme  et  construite  avec  des 


CANTON    DE    LISÎEUX  ,    2«   SECTION. 


351 


352  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

matériaux  choisis,  est  maintenue  par  quatre  fermes  complètes 
bien  équarries.  Des  festons  sont  gravés  en  noir  sur  ses 
douvettes  de  merrain.  L'œil  se  porte  ensuite  sur  Tare- 
triomphal  roman ,  bien  caractérisé ,  qu'accompagnent  deux 
petits  autels,  du  règne  de  Louis  XÏV  ,  formant  avec  le 
maître-autel  un  tout  complet  et  harmonieux.  Le  maître-autel 
est  vraiment  curieux  et  remarquable.  Ses  quatre  colonnes 
torses  sont  évidées  à  jour  au  tiers  inférieur  et  au  tiers 
supérieur  ;  le  centre  seul  est  resté  plein.  Les  pampres  de 
vigne  qui  entourent  ces  colonnes  servent  de  refuge  à  mille 
oiseaux  qui  s'y  jouent  ou  becquettent  les  grappes.  Des  pentes 
de  fruits  remplissent  le  nu  des  piédestaux.  Dans  les  niches 
sont  deux  statues  :  la  Vierge  et  saint  Sébastien.  Au  centre  est 
un  tableau.  Le  tabernacle ,  en  forme  de  pavillon  semi- 
hexagonal  ,  a  un  groupe  de  trois  colonneltes  à  chacun  de 
ses  angles.  Ces  autels,  encore  nombreux  dans  le  Pays-d'Auge, 
sont  généralement  dus  à  des  artistes  de  talent;  mais  ils  sont 
passés  de  mode:  leur  ampleur  offusque  nos  idées  étroites, 
et  on  les  jette  bas  partout.  Une  publication ,  qui  en  re- 
produirait les  principales  variétés  avec  leur  polychromie , 
serait  certainement  très-recherchée  par  les  artistes  et  par 
l'étranger.  Six  candélabres  en  bois,  peints  et  dorés,  com- 
plétaient généralement  ces  autels.  Au  Mesnil-Eudes,  il  en 
reste  deux  qui  méritent  aussi  l'attention. 

La  voûle  du  chœur  est  couverte  de  rinceaux  de  couleurs 
variées,  jetés  sur  les  douvettes  ,  dont  la  composition  est  fort 
curieuse.  Malheureusement  on  a  coupé  l'entrait  central , 
qui  maintenait  l'équilibre  de  la  construction  ,  de  sorte 
que  les  murs  latéraux  poussent  au  vide  et  que  le  chevet 
est  lézardé.  Mais  ce  sera  une  occasion  de  rebâtir 
l'église  dans  un  genre  plus  moderne.  Cette  mutilation  des 
charpentes  est  fort  à  la  mode  dans  le  canton,  et  son  elïet  im- 
médiat est  toujours  le  même. 


CANTON    DR    LISIEUX  ,    2*   SECTION.  353 

Voici  l'inscription  de  la  cloche  :  elle  me  paraît  se  composer 
d'une  inscription  plus  ancienne  qu'on  a  reproduite  lors  de  la 
refonte,  et  d'une  ligne  de  hiéroglyphes ,  dont  j'avoue  ne  pas 
avoir  la  clef. 

f  A.  M.  D.  G.  J'AI  ETE  NOMMÉE  MARIE  PAR  Mr  GUI  DUVAL  DE 
BONNEVAL  ANCIEN  PRÉSIDENT  A  MORTIER  DU  PARLEMENT  DE  NORMANDIE 
RT  Mme  MARIE  PIERRE  DE  TOURNEBU  DAME  DU  MESML-EUDES,  DELIVET, 
S1  HYPOLITE  ETC  ,  ET  BENITE  PAR  Mr  BARDOU  CURE  DU  MESNIL-EUDES  LAN 
1845.  LE  TERRIER  O  DL.  L.  BL.  LG  BBB.  SEDVMLFG  LFGL  SVMAM. 
LOUIS     SAUDEBREUIL     TRÉSORIER. 

F.     BAILLI    FILS     AINE    FONDEUR     A    BERNAY. 

L'if  du  cimetière  a  environ  8  pieds  1/2  de  circonférence. 

La  croix  date  du  règne  de  Louis  XIV.  Le  fût  est  une 
colonne  d'ordre  composite  assez  bien  proportionnée  ;  sur  la 
base  ,  on  lit  les  dix  commandements  de  Dieu ,  qui  occupent 
deux  des  faces.  Sur  les  deux  autres  sont  les  inscriptions  sui- 
vantes : 

CETTE    CROIX    A    ESTÉ 

DONNEE    PAR    LA    CHA 

RITE    DE    CEA»S    LAN 

1G54. 

ECCE    CRVCEM    DM 

IN    QVA    SALVS    MVNDI 

PEPENDIT  ,    IN    QVA 

CHRISTVS    TRIVMPHAVIT 

ET    MORS    MORTEM    SVPE 

RAVIT    IN    >F.TERNVM 


ADVIS    AU    MONDAIN. 

JESUS    CHRIST     TA    MONSTRE 

LE    CHEMIN    DE    LA    CROIX 

LE    MONDE    TE  RETIENT    EN    CELUY 

DES    DELICES 

23 


35/*  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

JUGE    BIEN    ET    MEDISTE    QUEL 

SUIVRE    TU    DOIS    :    LUN     TE    CON 

DUICT    AU    CIEL    ET    LAUTRE 

AU    PRESIP1CE. 

Cette  croix  a  été  replacée  le  22  juillet  1808.  Prœs.  T. 
J.  Bertaume. 

Le  patronage  de  l'église  du  Mesnil-Eudes  paraît  avoir  été 
alternatif  entre  le  chapitre  de  Lisieux  et  le  seigneur  du  lieu. 

On  trouve  dans  les  rôles  de  l'Échiquier,  à  la  date  de  1195, 
Bernardus  de  Mesnillo-Odonis. 

Au  XIVe  siècle,  Jean  de  Courcy  était  seigneur  du  Mesnil- 
Eudes.  En  1^63,  Montfaut  enregistre  Jean  de  Heudreville, 
sur  la  paroisse  du  Mesnil-Eudes. 

Plus  tard,  la  famille  de  Tournebu  joignit  ce  fief  à  ses 
nombreux  domaines  ,  et  le  conserva  jusqu'au  commencement 
de  ce  siècle. 


LESSARD-LE  CHÊNE  (1). 

Lessard-le-Chêne ,  Ecclesia  de  Essartis  Evrardi ,  de 
Essarlis. 

L'église  de  Lessard  ,  placée  sous  l'invocation  de  Notre- 
Dame  ,  est  bâtie  sur  le  penchant  d'un  coteau ,  près  d'un 
plateau  couvert  de  bruyères ,  d'où  l'œil  embrasse  un  ma- 
gnifique panorama  :  à  l'ouest  et  au  sud-ouest  se  déroule  une 
vaste  étendue  de  pays  qui  se  prolonge  au-delà  de  Falaise  et 
de  Caen  ;  au  midi ,  la  vue  plane  sur  la  profonde  et  pitto- 
resque vallée  du  Mesnil-Durand. 

(1)  Noies  de  M.  Pannicr. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTION.  355 

Cette  église ,  primitivement  romane ,  a  été  réparée  et 
repercée  au  XVIe  siècle. 

Le  portail  occidental ,  soutenu  par  quatre  contreforts  avec 
glacis  très-inclinés ,  offre  une  porte  ogivale  à  nervures,  dont 
le  tympan  est  orné  d'un  cul-de-lampe  qui  supportait  au- 
trefois une  statue.  Le  linteau  est  formé  d'une  ogive  en 
accolade.  Ce  portail ,  resté  inachevé  ,  a  reçu  une  couverture 
surmontée  d'un  clocher  construit  en  charpente  et  recouvert 
en  ardoise.  Nous  donnons  l'inscription  des  deux  cloches  que 
renferme  ce  clocher.  La  plus  petite,  fondue  en  1713  ,  a 
pour  diamètre   72  centimètres  : 

1713.  BÉNITE  PAR  Msre  FRANÇOIS  DE  BIGARD  CVRÉ  DE  CE  LIEV.  NOMMEE 
PAR  M,re  EMAR  ROBERT  DE  PRYE ,  FILS  DE  NOBLE  SEIGT  M,re  EMAR  AN- 
THOINE  DE  PRYE  CHcr  BARON  HAVLT  1VSTIC1ER  DE  PLANES  ET  DE  CHAN- 
FRAY  ET  DE  NOBLE  DAME  IAGQVELINE  DE  SERRE  DAME  ET  BARONNE  DE 
COCQVA1NY1LLIERS  DV  CHESNE  ET  LESSART  ,  ET  PAR  NOBLE  DAME  MARIE  DE 
PLANTEROSE  VEVe  DE  FEV  MONSIEVR  HÉBERT  CONer  DV  ROI  MAISTP.E  DES 
COMPTES    A    ROUEN. 

IEAN    AUBERT    m'a    FAITE. 


l'an  1846  j'ai  été  nommée  Henriette  sophie  par  m.  henri  Anatole 
frémin  d'lessart  et  dame  sophie  margueritte  de  courtheil  ,  née  de 
votne  bénite  par  m.  pierre  louis  marescot  ,  curé  de  lessard  et  le 
chêne  en  présence  de  mm.  pierre  petit  maire,  jn  le  villain  ,  tré- 
SOR IKR. 

BAILLY,  FRÈRES,  FONDEURS  A  CAEN,  BERNAY  ET  ALENÇON. 


Le  mur  méridional  de  la  nef,  soutenu  par  quatre  con- 
treforts à  double  glacis,  est  construit  en  grand  appareil.  Il 
est  percé  de  trois  fenêtres  carrées ,  dont  deux  à  nervures 
accusent  le  XVIe  siècle  ;  celle  du  milieu  a  été  considérable- 
ment élargie. 

Une  partie  du  mur,  qui   se  trouve  en  retraite   près  du 


355  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

chœur  et  qui  n'offre  aucun  contrefort ,  dépendait  de  l'an- 
cienne nef  qui  était  romane.  La  fendre  cintrée  que  l'on 
voit  date  seulement  du  XVIIIe  siècle.  Du  côté  du  nord ,  il 
n'existe  aucune  ouverture. 

Le  mur  septentrional ,  flanqué  de  trois  contreforts  du 
XVIe  siècle  ,  est  percé  de  deux  fenêtres  carrées ,  très-laides , 
qui  remplacent  deux  autres  fenêtres  étroites  à  plein-cintre , 
du  XVIe  siècle  ,  semblables  à  une  ouverture  bordée  d'un 
simple  chanfrein  que  l'on  voit  de  ce  côté. 

Le  chœur,  construit  en  retraite  sur  l'ancienne  nef,  offre 
des  murs  romans  en  cailloutis.  Il  est  éclairé,',  au  nord,  par 
deux  fenêtres  carrées  munies  de  leur  ancienne  résille  en 
plomb.  L'une  de  ces  fenêtres  remonte  au  XVIe  siècle  ; 
l'autre  a  été  refaite.  Les  deux  fenêtres  carrées  en  brique  , 
que  Ton  voit  du  côté  du  midi ,  avaient  été  aussi  percées  au 
XVIe  siècle  ;  elles  ont  également  conservé  leurs  anciens 
plombs. 
La  voûte  du  chœur  et  celle  de  la  nef  sont  en  merrain. 
A  droite  du  maître-autel  est  une  piscine  ogivale  ,  à  double 
cuvette  ,  ornée  d'un  simple  chanfrein. 

Le  tabernacle  du  maître-autel ,  dans  le  style  Louis  XIII , 
est  décoré  de  trois  statuettes  et  garni  sur  les  angles  de  co- 
lonnettes  dont  la  base  est  formée  de  feuilles  galbées.  Les 
parties  latérales  du  tabernacle  sont  ornées  de  deux  mé- 
daillons ,  peints  sur  bois ,  représentant  Jésus-Christ  et  la 
Sainte-Vierge. 

Deux  beaux  chandeliers  en  bois ,  dans  le  style  Louis  XV, 
sont  placés  sur  le  maître-autel.  Le  milieu  de  la  tige  repré- 
sente un  vase ,  garni  sur  les  angles  de  plusieurs  anses.  Le 
pied  est  également  orné  d'anses  sur  les  angles. 

Le  lutrin  ,  de  même  style  que  les  chandeliers,  représente 
un  aigle  tenant  dans  ses  serres  un  serpent.  Cet  aigle  repose 
sur  un  joli   pied  déccré  de  feuilles  galbées ,  renflé  vers  le 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    2e   SECTION.  557 

milieu.  Il  se  termine  dans  sa  partie  supérieure  par  un  cha- 
piteau ionique  de  fantaisie,  orné  de  guirlandes  de  fleurs. 
La  base  est  formée  de  trois  consoles  terminées  par  des 
griffes. 

A  l'extrémité  de  la  nef,  près  du  chœur,  s'élèvent  deux 
petits  autels.  Celui  de  droite  est  dédié  à  saint  Joseph.  On 
y  retrouve  le  couronnement  du  tabernacle  du  maître-autel , 
dont  les  pans  sont  percés  de  baies ,  découpées  dans  leur 
partie  supérieure  en  forme  d'éventail. 

Le  parement  de  cet  autel  est  en  bois  peint ,  dans  le  style 
Louis  XIV.  Au  centre ,  dans  un  médaillon  formé  de  feuilles 
de  chêne ,  est  représenté  Jésus-Christ  portant  sa  croix.  Aux 
extrémités  sont  peints  des  vases  de  fleurs. 

Le  parement  de  l'autel  de  la  Vierge  offre  également  des 
peintures  sur  bois.  Dans  un  médaillon  de  forme  ovale,  est 
représenté  le  martyre  de  saint  Sébastien.  De  chaque  côté 
s'épanouissent  de  jolies  fleurs. 

La  chaire  ,  dans  le  style  Louis  XV  ,  provient  de  l'ancienne 
église  de  Sl-Hippolyte-du-Bout-des-Prés. 

Entre  le  chœur  et  la  nef  est  placée  la  trabs  ou  poutre 
crucigère.  On  voit  ,  de  chaque  côté  de  la  croix ,  les  statues 
miniaturées  de  la  Sainte- Vierge  et  de  saint  Jean- Baptiste  qui 
paraissent  dater  du  XVIIe  siècle.  Saint  Jean  est  représenté 
avec  une  robe  rouge  ,  recouverte  d'un  manteau  bleu.  La 
robe  de  la  Vierge  est  également  rouge  et  son  manteau  bleu. 

Une  ancienne  statue  en  pierre  du  XVe  ou  XVIe  siècle , 
représentant  saint  Firmin  ,  second  patron  de  l'église ,  est 
placée  dans  le  chœur,  du  côté  de  l'épître.  L'évêque  porte 
une  chasuble  en  pointe,  relevée  sur  les  épaules.  Sa  mître  est 
basse. 

On  voit  du  côté  de  l'évangile  la  statue  de  saint  Hildebert , 
évèque  ,  en  grande  vénération  dans  le  pays ,  et  que  Ton  im- 
plore pour  faire  cesser  les  coliques.  Cette  statue  date  du 
même  temps  que  la  précédente. 


358  STATISTIQUE   MONUMENTALE    OU   CALVADOS. 

On  remarque  dans  la  nef  une  belle  statue  miniaturée  de 
la  Sainte-Vierge,  également  gothique.  La  mère  du  Sauveur 
porte  une  robe  verte.  Par-dessus  est  un  manteau  d'or  avec 
doublure  blanche  semée  d'hermines.  La  tète  de  la  Vierge 
est  surmontée  d'une  couronne  ducale.  L'enfant  Jésus  ,  en- 
veloppé d'une  tunique  rouge  avec  frange  d'or ,  tient  à  la 
main   une  grappe  de  raisin. 

Dans  la  nef  sont  placées  deux  autres  statues ,  du  moyen- 
âge.  L'une  de  ces  statues  représente  saint  Bonaventure  ; 
l'autre  ,  jadis  miniaturée  ,  est  celle  de  saint  Richer. 

L'église  de  Lessard  était  placée ,  au  XIVe  siècle ,  sous  le 
patronage  du  duc  de  Normandie.  Au  XVIe,  le  roi  était  patron 
de  cette  paroisse;  au  XVIIIe,  le  roi  et  le  seigneur  alter- 
nativement. 

Lessard  comptait ,  avant  la  Révolution ,  3  feux  privilégiés 
et  34  feux  taillables.  La  population  a  notablement  diminué. 

Le  Chesne. — L'ancienne  paroisse  du  Chesne,  aujourd'hui 
réunie  à  Lessard  ,  faisait  partie ,  comme  cette  dernière ,  de 
l'élection  de  Pont-1'Évêque.  Il  y  avait  k  feux  privilégiés 
et  28  feux  taillables. 

Le  patronage  de  celte  paroisse  appartenait,  au  XIVe  siècle, 
au  duc  de  Normandie  ;  au  XVIe ,  au  chapitre  de  Cléry. 

L'église  a  élé  démolie.  Elle  avait  été  dédiée  en  l/i94  par 
dom  Guillaume  Chevron,  évoque  de  Porphyre,  moine  de 
Ste-Barbe.  Celte  dédicace  était  mentionnée  sur  la  voûte ,  qui 
datait  de  cette  époque.  Il  est  probable  que  les  murs  étaient 
plus  anciens. 

L'église  du  Chesne  (ecctesia  de  Quercu)  avait  pour  pa- 
tron saint  Pierre. 

Sur  l'emplacement  de  l'ancien  cimetière  ,  qui  entourait 
cette  église ,  s'élève  un  if  magnifique  qui  étend  au  loin  ses 
rameaux. 


CANTON    DE   USIEUX  .    2'   SECTION  359 

Les  seigneuries  du  Ghesne  et  de  Lessard  ont  presque  tou- 
jours été  dans  les  mêmes  mains.  On  peut  donc  ici  les  réunir. 

M.  Charles  Vasscur  nous  apprend  que  Pierre  Le  Sauvage, 
anobli  en  1522  ,  devint  peu  de  temps  après  seigneur  du 
Ghesne  : 

n  II  eut  un  fils ,  nommé  aussi  Pierre ,  qui  lui  succéda* 
«  Bien  qu'il  paraisse  avoir  eu  plusieurs  enfants ,  sa  fille ,  de- 
«  moiselle  RoberteLe  Sauvage ,  fut  son  héritière  et  porta  ses 
«  biens  à  Mathieu  de  Serres  ,  ou  plutôt  elle  les  partagea  par 
«  avancement  d'hoirie  entre  nobles  hommes  Charles  et 
((  Jacques ,  dits  de  Serres  ,  sieurs  de  IMontforl  et  de  Mons- 
«   tereul ,  ses  enfants. 

«  Charles  fut  seigneur  du  Ghesne  où  il  établit  sa  rési- 
«  dence.  Il  épousa  noble  damoiselle  Suzanne  de  Boucquetot, 
«  dame  de  Coquainvilliers ,  comme  héritière  de  Jacques  de 
«  Boucquetot ,  son  frère. 

«  A  Charles  succéda  noble  seigneur  Jean  de  Serres  , 
«  escuier,  seigneur  et  patron  des  paroisses  de  Coquain- 
«  villiers ,  le  Ghesne  et  Lessard  ,  demeurant  en  son  manoir 
«  seigneurial  de  Coquainvilliers.  De  sa  femme,  Cécile  Iluault, 
«  il  n'eut  qu'une  fille,  Jacqueline  de  Serres,  mariée  en 
«  1667  à  Aimar-Antoine  de  Prie,  seigneur  et  baron  de 
«  Plasnes,  seigneur  de  Coquainvilliers,  le  Ghesne  et  Ma- 
rc rigny  (1).  Elle  mourut  en  1688  et  fut  enterrée  dans 
«  l'église  de  Coquainvilliers.  Son  mari  lui  survécut.  Il  ne 
«  décéda  qu'en  1714,  à  l'âge  de  quatre-vingt-quatre  ans. 

«  De  leur  union  sortirent  huit  enfants.  C'est  le  cinquième, 
«  François-Louis-Léonard,  qui  obtint  la  possession  des  terres 
(i  de  Coquainvilliers ,  le  Ghesne  et  Lessard  ,  auxquelles  il 
«  ajouta,  après  la  mort  de  son  frère  aîné,  le  marquisat  de 

(1)  Le  nom  de  ce  seigneur  figure  sur  la  petite  cloche  de  Lessard, 
dont  nous  avons  donné  l'inscription. 


360  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

«  Plasnes  et  Courbépine.  Il  mourut  dans  ses  terres,  le  9 
«  novembre  1772  ,  âgé  de  90  ans.  Il  avait  épousé,  le  27 
«  septembre  1731  ,  Marie-Madeleine-Geneviève  Coquet  de 
«  Tolleville ,  qui  lui  donna  un  fils ,  nommé  Louis ,  né  le 
«  25  février  1734,  qui  s'unit,  le  24  novembre  1754,  à 
«  Louise-Camille-Victoire  de  Villette.  L'ayant  perdue ,  il  se 
«  maria  en  secondes  noces  à  Madeleine  de  Manville  et  Ward, 
«  veuve  de  lord  Guillaume  Schirley.  Il  ne  mourut  qu'à  l'âge 
«  de  quatre-vingt-deux  ans.  Il  avait,  dès  sa  jeunesse,  dissipé 
((  sa  fortune.  » 


SAINT-PI  ERRE-DES-1FS  (I). 

St-Pierre-des-Ifs  ,  Sanctus  Petrus  de  Mesnillo-Guerodi  9 
Iz,  Sanctus  Petrus  ad  Hays,  Sanctus  Petrus  de  Ys9  Sanctus 
P.  ad  Ifs. 

Soumise  au  patronage  du  prieur  de  Ste-Barbe-en-Auge , 
l'église  de  Sl-Pierre-des-Ifs  offre  une  construction  régulière 
qui  date  en  majeure  partie  du  XIIIe  siècle.  Cependant ,  par 
un  procédé  en  usage  au  moyen-âge  et  qui  avait  sa  raison 
d'être,  on  a  conservé,  lors  de  cette  construction ,  le  mur  du 
nord  de  la  nef,  qui  remonte  au  XIIe  siècle ,  peut-être  même 
au  XIe  On  y  a  seulement  appliqué  des  contreforts. 

Son  plan  consiste  simplement  dans  un  chœur  et  une  nef, 
auxquels  on  a  ajouté  récemment  une  tour  de  brique  en 
avant-corps,  ce  qui  est  regrettable. 

Le  chœur,  de  36  pieds  sur  15  en  œuvre,  est  d'une  régu- 
larité parfaite.  Son  chevet  droit ,  soutenu  par  deux  contre- 
forts, se  trouve  éclairé  par  une  large  fenêtre  ogivale  rayon- 
nante, subdivisée  par  deux  meneaux  en  trois  baies  de  hauteur 

(1)  Notes  de  M.  Charles  Vasseur. 


CANTON   DE   MSIEUX,    2e  SECTION.  361 


PLAN    DE    L  ÉGLISE    DE   SAJNT-PIERRE-DES-IFS, 


362  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

inégale.  Le  travail  en  est  grossier;  mais  il  faut  attribuer  cette 
imperfection  à  la  mauvaise  qualité  de  la  pierre  et  non  à  l'igno- 
rance des  ouvriers.  Rien  ne  permet  de  supposer  que  ce  soit 
une  reprise.  Les  deux  murs  latéraux  sont  partagés  en  trois 
travées  à  peu  près  régulières.  Une  lancette  bien  galbée  s'ou- 
vrait des  deux  côtés  de  chacune  de  ces  travées  ;  il  n'en  sub- 
siste plus  que  trois  :  les  deux  de  la  première  travée  et  celle 
qui  prend  la  lumière  au  nord  de  la  dernière  travée.  Les  trois 
autres  ouvertures  ont  été  retravaillées  aux  XVIe,  XVIIe  et 
XVIIIe  siècles.  La  porte  date  aussi  de  cette  dernière  époque. 

Les  murs  sont  en  moellon ,  les  contreforts  en  pierre  de 
taille  avec  une  retraite  à  moitié  de  leur  hauteur.  La  nef  est 
très-fortement  en  saillie  sur  le  chœur;  elle  a  &5  pieds  de  long 
sur  la  moitié  juste  de  largeur  dans  œuvre.  Elle  se  subdivise, 
comme  le  chœur,  en  trois  travées  qui  donnent,  dans  leurs 
dimensions ,  une  proportion  décroissante  de  l'orient  à  l'occi- 
dent. Il  y  a  évidemment  là  une  intention.  Les  murs  et  les 
contreforts  du  midi  paraissent  des  mêmes  matériaux  et  de 
même  époque  que  le  chœur.  Les  fenêtres  ne  sont  point  an- 
ciennes :  deux  sont  du  XVIIe  siècle,  bien  qu'ogivales  ;  l'autre 
est  récente,  on  le  voit  assez  à  sa  laideur. 

Un  trou  semblable  est  placé  en  correspondance  dans  le 
mur  du  nord;  il  est  accompagné  de  deux  étroites  fenêtres 
cintrées,  vitrées  à  ras  du  mur  et  fortement  ébrasées  à  l'in- 
térieur, qui  accusent  l'époque  romane.  En  effet  ,  le  mur  de 
ce  côté,  beaucoup  plus  épais  que  son  correspondant,  montre 
quelques  traces  de  feuilles  de  fougère  :  il  est  donc  roman. 
Les  trois  contreforts  seuls  sont  du  XIIIe  siècle. 

Si  l'on  en  juge  par  certaines  traces  qui  se  remarquent  sous 
la  fenêtre ,  à  la  première  travée  ,  la  porte  primitive  s'ouvrait 
aussi  de  ce  côté  ;  au  XIIIe  siècle ,  elle  fut  reportée  dans  le 
pignon  occidental,  et  on  l'a  mutilée  pour  faire  une  communi- 
cation plus  large  à  la  base  de  la  tour  qui  forme  porche.  Cette 


CANTON    DE   LIS1EUX  ,    2e   SECTION.  363 

tour  est  laide;  c'est  être  indulgent  que  de  la  qualifier  ainsi. 
Le  portail  qu'elle  obstrue  avait  de  la  valeur.  Dans  le  pignon , 
au-dessus  de  la  porte ,  s'ouvrait  une  fenêtre  ogivale  avec  un 
meneau  bifurqué.  Une  croix  antéfixe  surmontait  le  gable , 
chargée  sur  sa  face  d'un  blason  aux  deux  clefs  en  sautoir. 
Une  niche  abritait  une  statue  de  sainte  Barbe,  en  pierre,  da- 
tant du  XVIe  siècle. 

L'intérieur  a  été  ravagé.  Les  voûtes  sont  plâtrées,  l'arc 
triomphal  démoli ,  le  mobilier  sans  valeur.  Le  seul  objet  qui 
puisse  fixer  l'attention  est  une  grande  statue  en  pierre  de 
saint  Pierre ,  avec  un  manteau  du  moyen-âge  garni  de  riches 
orfrois. 

Le  clocher  a  hérité  de  la  cloche  de  la  Motte,  dont  l'inscrip- 
tion est  intéressante,  et  que  voici  : 

f  JE  FVS  FAICTE  LAN  1607  DOM  IEHAN  LF  PIPERNIER  Sr  PRIEVR  DE  CE 
LIBV  ,  PIERRE  DREARD  ESCWER  ET  DAMOISELLE  CATHERINE  DE  GRIEV  SA 
MÈRE, 

HONNESTE    HOMME    GVILLe    DE  SA    MAISON   THESAVRIER. 
IEHAN    AVBERT    MA    FAICTE. 

Le  cimetière  est  vaste;  on  n'y  voit  point  d'ifs,  comme 
le  surnom  de  la  paroisse  pourrait  le  faire  supposer  et  comme 
on  en  voit  fréquemment.  Cette  paroisse  dépendait ,  au  spi- 
rituel, du  doyenné  du  Mesnil-Mauger,  et  au  civil,  de  l'élection 
de  Ponl-l'Évêque ,  sergenterie  de  Sl-Julien-le-Eaucon.  Elle 
renfermait  2  feux  privilégiés  et  3^i  taillables,  environ  180  ha- 
bitants. La  Motie,  qui  s'y  trouve  réunie  ,  en  comptait  130, 
en  tout  310.  Le  dernier  recensement  en  accuse  354. 

S,e-Barbe  avait  reçu  la  terre  de  St-Pierre-des-Ifs  et  le 
patronage  de  l'église  de  Rabel  le  Chambellan  de  Tancarville, 
qui  était  seigneur  de  tout  le  pays  entre  Mézidon  et  le  Mesnil- 
Eudes. 

Je  ne  pense  pas  qu'il  existe  de  manoir  ayant  appartenu 


364  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

aux  moines:  ils  avaient  fait  leur  principal  établissement  à  la 
Motte. 

Divers  gentilshommes  ont  habité  dans  les  limites  de  la  pa- 
roisse de  St-Pierre-des-Ifs. 

Louis  du  Vivier,  escuier,  sieur  des  Vastines,  garde-du- 
corps  de  S.  A.  R.  Monsieur  le  Duc  d'Orléans,  frère  unique  du 
Roi  (1679). 

Le  Vivier  est  indiqué  sur  la  Carte  de  Cassini ,  ainsi  que 
St-Mars. 

St-Mars  est  un  fief  que  je  trouve ,  au  XVIIe  siècle  et  jus- 
qu'à la  fin  du  XVIIIe ,  dans  les  mains  d'une  branche  de  la 
famille  Lambert  d'Herbigny. 

Suivant  traité  de  mariage  du  19  décembre  16£i5,  messire 
Pierre  Lambert,  chevalier ,  seigneur  de  Si-Mars ,  fils  de  feu 
Monsieur  Me  François  Lambert,  écuyer,  vivant  conseiller  du 
Roi  en  ses  conseils  et  lieutenant  ci v'i  1  et  criminel  de  Monsieur 
le  bailli  de  Rouen  en  la  vicomte  d'Auge ,  et  de  feue  noble 
dame  Jeanne  Amidieu,  épousa  damoiselle  Angélique  de  Mont- 
gommery,  fille  de  feu  haut  et  puissant  seigneur,  messire  Ga- 
briel, comte  de  Montgommery  ,  chevalier  des  ordres  du  Roi, 
et  de  haute  et  puissante  dame  Aimée  de  Chastenay,  dame  et 
comtesse  de  Montgommery  et  de  Bourgeauville. 

J'ai  eu  dans  les  mains  des  lettres  de  cette  dame,  dont  le 
cachet  était  écartelé  avec  trois  fleurs  de  lis  dans  chaque 
quartier. 

Trois  enfants  sortirent  de  cette  union.  Le  second ,  Gabriel 
Lambert,  écuyer,  sieur  de  Si-Mars,  épousa,  suivant  con- 
trat du  2Zi  septembre  1683 ,  damoiselle  Françoise  de  Borel, 
fille  de  feu  Monsieur  Me  Jean  de  Borel ,  vivant  écuyer , 
sieur  de  Manerbe,  conseiller  du  Roi ,  lieutenant-général  civil 
et  criminel  de  31.  le  bailli  de  Rouen  en  la  vicomte  d'Auge. 

Je  trouve  encore  Pierre  Lanlbert,  écuyer,  sieur  de  St- 
Mars,  qui  était,  je  pense,  le  fils  des  deux  précédents.  Il  eut 


CANTON    DE   LiSlEUX  ,    2'   SECTION.  365 

pour  femme  noble  dame  Marie-Benoiste  Gouhier,  veuve  en 
1772,  suivant  des  pièces  de  procédure  dirigée  par  elle  contre 
M.  de  Bardouïl  de  Soyeuse,  son  beau-frère. 

LE  PRËDAUGE    (1). 


L'église  du  Prédauge ,  placée  sous  le  vocable  de  saint 
Ouen,  s'élève  sur  le  penchant  d'un  coteau  couronné  d'arbres 
verts,  au  pied  duquel  coule  une  source  limpide  dédiée  à 
saint  Méen. 

Cette  église  appartient  à  la  dernière  période  ogivale.  Une 


plan  de  l'église  du  prkoauge. 
Ci)  Notes  de  M.  Pannier. 


360  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

longue  nef  et  deux  chapelles  latérales  impriment  à  l'édifice  la 
forme  d'une  croix  latine. 

Le  portail  occidental ,  précédé  d'un  porche  en  bois  du 
XVIe  siècle  ,  est  soutenu  par  deux  contreforts  saillants  placés 
sur  les  angles.  La  porte  à  plein-cintre  est  entourée  de  mou- 
lures toriques,  séparées  par  une  gorge  ou  scotie.  De  chaque 
côté  s'ouvrent  deux  petites  fenêtres  à  une  seule  baie ,  termi- 
nées par  une  ogive  en  accolade.  Une  fenêtre  semblable  de 
forme ,  mais  plus  haute  et  plus  large,  est  pratiquée  dans  la 
partie  inférieure  du  gable,  au-dessus  du  porche.  Les  vantaux 
de  la  porte  qui  donne  accès  dans  la  nef  sont  formés  de  pan- 
neaux plissés. 

Le  clocher  s'appuie,  à  l'intérieur  de  l'église,  sur  une  forte 
charpente.  Sur  le  poteau  ,  à  droite  de  la  porte,  en  entrant, 
on  lit  la  date  suivante  : 

LA.  1761. 

Un  clocher  carré ,  en  charpente ,  terminé  par  une  lourde 
pyramide  octogone,  dont  les  arêtes  correspondent  aux  quatre 
faces  de  la  base,  surmonte  le  gable.  La  cloche  porte  l'inscrip- 
tion suivante  : 

f  L'AN  1838  CRTTE  CLOCHE  A  ÉTÉ  NOMMÉE  MARIE-ANTOINETTE  PAR 
M.  F.  H.  F.  CONTRE-AMIRAL,  MARQUIS  l)E  THAN ,  ET  PAR  NOBLE  DAME 
MARIE-ANTOINETTE  DE  THAN,  COMTESSE  DE  LA  RIVlÈRE-PRÉDAUGE ,  BÉNITE 
PAR  M.  P.-A.  GRUSSE-d'aGNEAIX  ,  CURÉ  DU  LIEU,  EN  PRÉSENCE  DE 
MM.  J.  AL.  LEROY,  MAIRE;  C.  JOURDAIN,  ADJOINT,  ET  DE  MM.  LES  MAR- 
GUILLIERS  EN  ACTIVITÉ  î  P.  AUBERT  ,  PRÉSIDENT;  J.  LEPINEY,  TRÉSORIER; 
P.    LEROUX ,    SECRÉTAIRE  ;    V.    NICOLAS ,    L.    VESQUE. 

J.    BAILLY    PÈRE    ET    FILS    FONDEURS    A    CAEN. 

Le  mur  méridional  de  la  nef,  construit  en  silex  taillé  irré- 
gulièrement ,  montre  une  fenêtre  carrée ,  sans  caractère  ,  et 
une  fenêtre  cintrée  entourée  d'une  moulure  du  XVIe  siècle. 


CANTON    DE    LISIEUX ,    2*   SECTION.  367 

Trois  contreforts  saillants  soutiennent  le  mur  septentrional, 
construit  en  blocage.  Ce  mur  est  percé  d'une  fenêtre  sans 
caractère  et  d'une  large  fenêtre  cintrée  du  XVIe  siècle. 

La  voûte  de  la  nef,  maintenue  par  trois  entraits  sans  poin- 
çons, est  en  merrain  et  en  forme  de  berceau. 

La  chapelle  qui  s'élève  au  midi ,  entre  chœur  et  nef,  est 
éclairée  à  l'ouest  par  une  large  fenêtre  flamboyante  à  deux 
baies  ogivales  trilobées.  Une  fenêtre  semblable,  mais  plus 
haute  et  plus  élancée ,  dont  le  meneau  a  été  détruit ,  éclaire 
la  chapelle  au  midi.  Le  mur  occidental  est  construit  en 
échiquier.  Le  mur  méridional,  également  construit  en  damier, 
est  soutenu  par  deux  contreforts  saillants  appliqués  sur  les 
angles  et  surmonté  d'un  pignon  en  charpente. 

La  voûte,  en  berceau  ogival ,  est  construite  en  merrain  ;  le 
sous- faîte  est  décoré  de  petits  pendentifs. 

La  chapelle  placée  au  nord  est  construite  en  grand  ap- 
pareil ,  avec  contreforts  sur  les  angles.  Une  fenêtre  flam- 
boyante,  dont  le  tympan  est  orné  d'un  quatre -feuilles, 
s'ouvre  dans  le  mur  occidental. 

Le  gable  oriental  est  en  colombage,  comme  les  deux  pignons 
du  transept. 

Le  chœur,  en  retraite  sur  la  nef,  se  termine  à  l'orient  par 
un  chevet  droit  contre  lequel  est  appliquée  la  sacristie  ,  qui 
est  à  pans  coupés  et  construite  en  briques  plates. 

Le  mur  méridional,  construit  en  blocage,  est  percé  de 
deux  fenêtres  ogivales  sans  caractère. 

Deux  fenêtres  ogivales,  l'une  du  XVIe  siècle,  l'autre  rudi- 
mentaire,  s'ouvrent  dans  le  mur  septentrional. 

La  voûte ,  en  forme  de  carène  ,  est  en  merrain ,  sans  en- 
trails. 

A  l'entrée  du  chœur,  est  placée  une  grande  pierre  tombale, 
gravée  au  trait,  avec  incrustations  de  marbre  blanc.  Cette 
pierre,  très-délériorée,  offre  l'effigie  de  deux  personnages. 
L'inscription  placée  au  bas  est  difficile  à  lire. 


368  STATISTIQUE    MOXUMEXTAjLE    DU    CALVADOS. 

Deux  grandes  dalles  de  marbre  blanc  recouvrent  les  sépul- 
tures de  deux  membres  de  la  famille  de  La  Rivière.  Les  in- 
scriptions, gravées  sur  deux  plaques  de  marbre  noir  incrus- 
tées dans  les  murs  latéraux,  sont  surmontées  des  armes  de  la 
famille,  timbrées  d'une  couronne  de  comte  avec  la  devise  : 

FONS   IGNOTUS,    VIRTUS   COGMTA. 

Inscriptions  : 

ICI    REPOSE 

MESSIRE    ALEXANDRE    FRANÇOIS 

COMTE    DE    LA    RIVIÈRE-PRÉDAUGE, 

ANCIEN    OFFICIER    AU    RÉGIMENT 

DU    ROI,     COLONEL    COMMANDANT 

DES    GARDES   NATIONALES   DE 

l'arrondissement  DE  LISIEUX, 

CHEVALIER    DE    L'ORDRE    ROYAL 

ET    MILITAIRE    DE   s'-LOUS, 

MEMBRE    DU    CONSEIL    GÉNÉRAL 

DU    DÉPARTEMENT    DU    CALVADOS, 

NÉ    LE    16    AOUT    1769    AU    CHATEAU 

DE    MATHIEU    PRÈS    CAEN,    DÉCÉDÉ 

EN    CELUI    DU    PRÉDAUGE    LE    16 

DÉCEMBRE    1823. 


MARCHANT    SUR    LES    TRACES    DE 

SES    ANCÊTRES,    COMME    EUX 

IL    COMBATTIT    VAILLAMMENT. 

TOUJOURS   FUT    DÉVOUÉ    ET    FIDÈLE 

A    SA    FOI,    A    L'HONNEUR,    A    LA    PATRIE. 

BEATI    QUI    HABITANT   IN    DOMO    TUA, 

DOMINE,    IN    SECULA    SECULORUM 

I.AUDABUNT    TE. 

PS.    83,    V.    5. 
DE    PROFCNDIS. 


CANTON  DE   MSÏEUX  ,    2e    SECTION.  369 


ICI    REPOSE 
MARIE    ATHÉNAÏS    DE   LA    RIVlÈRE- 

PRÉDAUGE,    FILLE    DU    COMTE 

ALEXANDRE    FRANÇOIS    DE    CE    NOM 

ET    DE    SON    ÉPOUSE    NOBLE    DAME 

MARIE   ANTOINETTE    DE    THAN, 

NÉE    AU    CHATEAU    DE    THAN    LE 

8    JUILLET    1808,    DÉCÉDÉE    A    CELUI 

DU    PRÉDAUGE    LE    2    OCTOBRE    18M. 


ELLE    EST    TOMBEE    COMME 

UNE    ROSE    NAISSANTE, 

MAIS    SEIGNEUR    C'EST    DE    LA    BOUCHE 

DES    ENFANTS    QUE    VOUS    AVEZ    TIRÉ 

LA    LOUANGE  LA    PLUS   PARFAITE. 

ILS    ACCOMPAGNENT    L' AGNEAU 

PARTOUT    OU    IL    \'<\. 


L'ameublement  du  chœur,  d'un  effet  gracieux ,  est  dans  le 
style  Louis  XV. 

Le  maître-autel  offre  un  joli  rétable,  décoré  de  deux  pi- 
lastres cannelées  et  rudentés ,  d'ordre  corinthien.  Le  cadre , 
cintré  dans  la  partie  supérieure ,  renferme  un  tableau  mo- 
derne représentant  le  martyre  de  saint  Sébastien,  second  pa- 
tron de  la  paroisse.  Cette  toile,  donnée  par  M.  Guizot,  oc- 
cupe la  place  d'honneur  du  sanctuaire,  toujours  réservée  aux 
principales  scènes  de  la  Passion  ou  à  l'Assomption  de  la 
Sainte-Vierge.  Le  fronton  cintré  qui  couronne  l'entablement 
est  surmonté  d'une  gloire.  Sur  la  partie  du  cintre  corres- 
pondant à  chaque  pilastre  est  placé  un  vase  à  flammes. 

Le  tabernacle,  convexe  sur  toutes  ses  faces  et  orné  de 
deux  caryatides  à  léle  d'ange ,  et  surmonté  d'une  exposition 
couverte  d'ornements  en  style  rocaille. 

Le  tombeau  est  en  forme  de  doucine.  Cet  autel  offre  un 

24 


371)         STATlSTJQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

type  complet  du  style  Louis  XV,  appliqué  à  l'ameublement  et 
à  la  décoration  des  églises  rurales. 

L'autel  placé  dans  la  chapelle  méridionale  est  dédié  à 
saint  Méen.  Il  date  du  règne  de  Louis  XIV.  Deux  colonnes 
corinthiennes,  cannelées  et  rudenlées,  supportent  un  fronton 
trapézoïde.  De  gracieux  enroulements,  en  forme  de  consoles, 
dessinent  les  accompagnements  du  tabernacle.  Les  parties 
plates  ou  unies  du  rétable  offrent  de  jolies  peintures  sur  bois 
en  décor,  présentant  des  rinceaux  et  des  fleurs. 

De  chaque  côté  de  l'autel  est  placée  une  statue  ;  celle  de 
gauche  représente  saint  iMéen.  Cet  évoque,  que  l'on  invoque 
pour  les  maladies  de  la  peau,  attire  dans  cette  église  un  grand 
nombre  de  pèlerins. 

Sous  le  tombeau  gisent  les  débris  d'une  ancienne  statue 
en  terre  cuite  émaillée,  de  la  fabrique  du  Prédauge.  Celte 
curieuse  statue,  qui  a  été  mutilée  à  l'époque  de  la  Révolution, 
représentait  saint  Ouen  ,  premier  patron  de  cette  paroisse. 

Le  retable  de  l'autel  qui  orne  la  chapelle  septentrionale 
est  décoré  d'un  ancien  tableau  ,  représentant  le  Rosaire.  Le 
marchepied  de  l'autel  est  composé  d'un  pavage  émaillé,  qui 
paraît  dater  du  règne  de  Louis  XIV.  Les  carreaux,  dont 
l'émail  est  parfaitement  conservé,  offrent  un  fond  alternative- 
ment blanc  et  bleu  ,  décoré  de  losanges  garnis  de  quatre- 
feuilles.  Lorsque  le  fond  est  bleu ,  les  pétales  formant  les 
quatre-feuiiles  sont  jaunes  ;  sur  le  fond  blanc,  les  pétales  sont 
bleus.  Dans  les  angles  inférieurs  se  dessinent  des  fleurs  de 
lis.  Tous  ces  pavés  sont  des  produits  de  l'industrie  locale. 

A  l'entrée  du  cimetière  se  dressent  deux  ifs  pleins  de  vigueur. 

La  croix  est  en  granit  et  ornée  de  grosses  têtes  de  clou  , 
dont  le  nombre  symbolique  rappelle  les  douze  apôtres.  La 
hampe,  de  forme  octogone,  repose  sur  une  base  carrée,  plus 
étroite  dans  le  haut  que  dans  le  bas,  et  sur  les  faces  de  la- 
quelle est  gravée  en  haut-relief  l'inscription  suivante  : 


CANTON   DE   LISÎEUX  ,   2e  SECTION.  37l 

VIVE  JÉSUS 

VIVE 

SA    CROIX. 

2OT© 

O    CRUX    AVE 

SPES    l'NICA 

AUGE    PUS 

JUSTITIAM 

REISQOE 

DONA 
VENU  M. 

Au  pied  du  coteau  sur  lequel  est  bâtie  l'église  s'élève  une 
fontaine,  en  forme  de  pyramide,  d'où  s'échappe  une  eau  froide 
et  limpide  employée  avec  efficacité  dans  certaines  maladies 
de  la  peau,  auxquelles  on  a  donné  le  nom  vulgaire  de  mal 
Saint-Mcen. 

Cette  source  attire,  comme  nous  l'avons  dit,  un  grand 
nombre  de  pèlerins  de  tous  les  points  de  la  Normandie. 

Près  de  celte  fontaine  miraculeuse  se  dresse  un  vieux 
chêne,  dont  le  tronc,  creusé  par  l'action  incessante  et  corro- 
sive  du  temps,  renferme  une  ancienne  statue  en  pierre,  mi- 
niaturée,  de  saint  Méen.  De  nombreux  chapelets,  garnis  de 
médailles  et  plusieurs  béquilles  sont  suspendus  à  la  grille  en 
fer  qui  protège  le  Saint. 

Avant  la  dévolution,  le  Prédauge  faisait  partie  du  diocèse 
de  Bayeux.  Il  était  compris  dans  l'exemption  de  Cambremer. 

Le  patronage  appartenait  à  l'abbaye  du  Val-Richcr. 

Le  célèbre  Dominique  Georges,  avant  d"ètre  abbé  régulier 
du  Val-Richer,  desservit  cette  paroisse  pendant  plusieurs 
années.  C'est  là  qu'il  institua  les  conférences  ecclésiastiques, 
qui  se  sont  multipliées  depuis  et  ont  servi  de  modèle  dans 


372         STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

d'autres  diocèses.  Il  mourut  en  odeur  de  sainteté  en  1693, 
âgé  de  80  ans  (Expilly). 

Sous  le  rapport  administratif,  le  Prédauge  dépendait  de 
l'élection  de  Pont-1'Évêque.  11  comptait  3  feux  privilégiés  et 
100  feux  taillables. 

Il  y  avait  plusieurs  chapelles  dans  cette  paroisse. 

Chapelle  de  t'Épée.  —  Cette  chapelle ,  dont  il  ne  reste 
plus  aucun  vestige,  était  bâtie  sur  un  terrain  qui  appartient 
aujourd'hui  à  M.  Lefrançois  Olivier,  membre  de  l'Association 
normande. 

Le  1er  juin  1650,  Joachim  Vatier  vend  à  Marin  Vatier  sept 
pièces  de  terre  situées  au  Prédauge  ,  lesquelles  pièces  étaient 
tenues  de  la  sieurie  de  l'Espée,  appartenant  à  «  Antoine  de 
La  Rivière ,  escuier ,  par  rente  seigneuriale,  avec  foy ,  hom- 
mage, reliefs,  treizièmes,  etc.   » 

Par  un  autre  acte  de  vente,  du  19  février  1706  ,  Guy  de 
Lespée,  escuyer,  sieur  de  Cantepie,  demeurant  à  Cambremer, 
devient  propriétaire  d'une  pièce  de  terre  nommée  le  Costil- 
Falaise,  dépendant  de  la  seigneurie  du  Prédauge. 

Comme  on  le  voit  par  ce  dernier  acte ,  la  terre  du  Pré- 
dauge était  divisée  en  deux  seigneuries. 

Une  pièce  de  terre  située  sur  celte  commune  porte  en- 
core de  nos  jours  le  nom  de  Clos-Seigneur. 

Château.  —  Le  château ,  bâti  près  de  l'église ,  s'élève  sur 
le  sommet  du  coteau,  au  milieu  d'un  joli  parc  dessiné  à  l'an- 
glaise. Ce  château ,  dont  la  construction  n'est  pas  ancienne , 
ne  présente  aucun  intérêt. 

Sur  le  fronton  qui  couronne  la  façade  orientale,  on  lit  : 

FONS   IGNOTUS    VIOTUS   COGNITA. 
1066 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2*   SECTION.  373 

Sur  la  façade  occidentale  est  appliqué  un  cadran  schire, 
avec  cette  inscription  : 

*  AN    •   DOM   •  1779 

ME   SOL    REGIT. 

VOS    UMB1U. 

Manoir.  —  Le  manoir  du  Prédauge ,  qui  a  été  démoli  il  y 
a  quelques  années,  datait  du  XVIe  siècle. 

Ce  manoir ,  dont  la  base  ou  soubassement  était  en  pierre , 
offrait  un  étage  en  bois  construit  en  encorbellement.  Bâti  sur 
l'escarpement  d'un  coteau ,  il  présentait  une  masse  irrégu- 
lière d'un  effet  assez  pittoresque. 

On  remarquait ,  à  l'intérieur ,  plusieurs  variétés  de  pavés 
émaillés. 

Nous  allons  faire  connaître  les  principaux  seigneurs  qui  ont 
possédé  la  terre  du  Prédauge ,  à  partir  de  la  seconde  moitié 
du  XVe  siècle. 

Robert  de  La  Rivière  était  seigneur  du  Prédauge  en 
1463  (1). 

En  1540,  lors  de  la  Recherche  des  Élus  de  Lisieux,  le  sei- 
gneur était  Charles  de  La  Rivière. 

En  1615,  nous  trouvons...  «  de  Bonenfant,  damoiselle  du 
Prédauge  et  de  Fenèbre.   » 

Il  existait  dans  celle  paroisse  une  aînesse ,  nommée  le  fief 
Tropey  ou  Trouppé,  ainsi  que  l'attestent  :  1°  une  transaction 
passée  le  7  août  1622  entre  «  Guillaume  Maurrey  et  messire 
François  de  La  Rivière  »  ;  2°  deux  aveux,  le  premier,  en 
date  du  20  juillet  1656,  à  noble  dame  Marie  Descorchcs, 
veuve  de  «  messire  Charles  de  La  Rivière,  chevalier,  seigneur 
des  terre  et  sieurie  du  Prêdaulge,  d'Ouillie  et  autres  terres  »  ; 
le  second  rendu,  le  30  mars  1685,  à  «  noble  seigneur  messire 

(1)  Montfaut,  p.  25. 


374         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Robert  de  La  Rivière,  chevalier,  seigneur  de  L'Honneur,  terre 
et  seigneurie  du  Prédauge,  Tmhermais  et  autres  lieux  (1)  ». 
par  Nicolas  Lemarchand,  bourgeois  de  Lisicux. 

Une  autre  aînesse ,  nommée  la  grande  et  la  petite  Escan- 
tonnerie  ou  fief  ès-cantons,  existait  aussi  dans  la  même 
paroisse.  Cette  aînesse  dépendait  de  «  la  sieurie  de  Lespée.  » 

Le  13  mars  1731  ,  un  aveu  est  rendu  à  «  noble  homme 
«  messire  Charles  Jacques  de  La  Rivière,  chevalier,  seigneur 
«  du  Frédauge,  Lespez  et  autres  lieux,  par  damoiselle  Marie- 
«  Madeleine  Collet,  \c  de  feu  Gaspard  Bordeaux,  représen- 
«  tant  Anne  Lemarchand,  épouse  de  feu  Guy  de  Lespez, 
«  écuyer,  sieur  de  Cantepie,  et  Louis  Le  Belhomme  pour  le 
«  fief  de  la  Bieurez,  contenant  quinze  acres,  situé  au  Pré- 
<(  dauge.  » 

Les  redevances  étaient  :  «  15  sols  à  la  S'-Michel  et  15  sols 
à  Noël ,  avec  foy,  hommage ,  etc. ,  baon  du  moulin  Croisel  » 
et  obligation  de  «  charrier  les  meules  d'iceluy  entre  les  quatre 
«  portz  de  Normandie  à  leur  propre  coût  et  dépens.   » 

Dans  un  acte.de  vente  portant  la  date  du  6novembre  1777, 
la  paroisse  dont  nous  faisons  l'historique  est  désignée  sous  le 
double  nom  de  la  Rîvière-Prédauge. 

La  Boqueterie.  — Ce  hameau,  que  traverse  la  route  im- 
périale de  Paris  à  Cherbourg ,  offrait,  il  y  a  quelques  années, 
aux  regards  du  voyageur  une  maison  de  modeste  apparenre, 
composée  d'un  simple  rez-de-chaussée  et  d'un  grenier.  La 
façade  de  cette  habitation ,  qui  était  désignée  sous  le  nom  de 
Maison  de  faïence ,  était  revêtue  de  carreaux  en  terre  cuite 
émaillée  provenant  de  l'ancienne  fabrique  du  Prédauge.  Ces 
carreaux,  qui  occupaient  l'intervalle  compris  entre  les  co- 

(1)  D'Hozier  a  inscrit  dans  son  Armoriai  Robert  de  La  Rivière,  sei- 
gneur du  Prédauge,  dont  le  b!ason  est  :  de  gueules  à  deux  poùsons 
d'argent. 


CANTON    DE   LISILUX  ,    2e   bECTlON.  375 

lombages ,  appartenaient  à  six  ou  sept  variétés  :  les  uns 
étaient  à  palmes  (quatre  composaient  une  rosace);  d'autres 
offraient  des  fleurs  avec  une  large  bordure  chinée  (  bleu  et 
blanc);  sur  l'un  de  ces  carreaux  se  dessinait  une  croix  en 
sautoir,  etc.,  etc. 

Tous  ces  carreaux  dataient  de  la  fin  du  XVIIe  siècle.  Ils 
provenaient  ,  d'après  les  renseignements  fournis  par  un 
vieillard  de  la  contrée,  d'un  four  qui  ne  s'est  éteint  que  vers 
la  fin  du  règne  de  Louis  XV. 

Le  hameau  de  la  Boqueterie,  appelé  dans  les  anciens  titres 
la  Boquetière  ,  fait  partie  de  la  commune  du  Prédauge,  qui 
était  renommée  pour  ses  poteries. 

Le  vieillard  dont  nous  avons  parlé  possédait  un  plat 
émaillé,  qui  était  une  imitation  grossière  des  anciennes 
faïences  de  Bernai  d  Palissy. 

Nous  avons  vu,  dans  une  ferme  située  à  la  Pommeraye 
(aujourd'hui  réunie  à  la  commune  St-Désir  de  Lisieux), 
un  autre  plat  provenant  de  la  même  fabrique  ,  mais  d'une 
exécution  tellement  soignée  qu'on  aurait  pu  très-bien  le 
prendre  pour  un  vrai  Palissy.  Ce  plat,  dont  l'émail  est  par- 
faitement conservé  ,  représente  Vénus  sortant  du  bain.  La 
déesse,  étendue  dans  une  espèce  de  baignoire  nattée  ,  garnie 
de  feuilles  de  \igne  ,  est  entourée  d'Amours.  L'un  de  ces 
Amours  lui  tient  les  pieds  ;  un  autre  lui  présente  une  coupe 
contenant  une  liqueur  bienfaisante.  Plusieurs  offrent  à  la 
déesse  des  raisins.  Une  ceinture  de  marguerites  (  Bcllis 
perennis )  entoure  le   plat,  dont  les  bords  sont  festonnés. 

Aux  XVIe  et  XVIIe  siècles ,  le  Prédauge  était  le  centre 
d'une  fabrique  importante  de  poteries,  dont  les  produits  re- 
marquables étaient  recherchés  dans  toute  la  Normandie.  Tout 
le  monde  connaît  ces  brillants  épis,  en  terre  cuite  émaillée, 
qui  couronnaient  le  faîte  de  nos  manoirs  et  les  lucarnes  de 
nos  maisons  bourgeoises.  Ces  épis  rivalisaient,  par  l'originalité 


376         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

de  la  composition  et  l'éclat  du  coloris,  avec  les  magnifiques 
faïences  de  Bernard  Palissy.  Gabriel  Dumoulin  ,  curé  de 
Menneval ,  les  comparait ,  dans  son  enthousiasme  ,  aux 
produits  du  même  genre  de  l'industrieuse  Venise,  cette  an- 
cienne reine  de  l'Adriatique  :  «  On  fait  à  Manerbe ,  près 
«  Lysieux  (commune  voisine  du  Prédauge) ,  des  vaisselles 
«  de  terre  qui  ne  cèdent  en  beauté  et  en  artifice  à  celles 
«  qu'on  nous  apporte  de  Venise.  »  L'opinion  de  l'auteur  de 
Y  Histoire  de  Normandie  se  trouve  corroborée  par  les  lignes 
suivantes,  de  M.  Pottier ,  conservateur  de  la  bibliothèque  et 
du  musée  d'antiquités  de  Rouen ,  membre  de  l'Institut  des 
provinces  : 

«  Tout  plat  décoré  dans  le  genre  de  Palissy ,  fût-il  digne 
«  par  sa  finesse  et  sa  réussite  de  passer  pour  une  des  œuvres 
«  excellentes  de  ce  maître ,  s'il  a  été  rencontré  dans  notre 
«  contrée  avant  tout  déplacement  ,  doit  être  suspect  au 
a  premier  chef  d'être  un  produit  de  la  fabrique  lexovienne. 
«  Les  artistes ,  ajoute  ce  savant ,  qui  créèrent  et  exécu- 
«  tèrent  ces  épis  avaient'certes  assez  de  talent  et  d'habileté 
«  pour  imiter,  même  à  s'y  méprendre,  les  œuvres  du  maître 
«  Saintongeois ,  et  pour  en  inventer  au  besoin  de  nou- 
«  velles  (1).  » 

L'un  des  plus  beaux  épis  sortis  de  la  fabrique  du  Pré- 
dauge couronnait  l'ancien  manoir  de  la  Vigannerie,  à  Pontfol 
(Calvados) ,  et  il  a  été  figuré  dans  l'article  consacré  à  cette 
paroisse  (tome  IV  de  la  Statistique). 

Un  amortissement  dans  le  même  genre  surmonte  le  co- 
lombier d'un  manoir  situé  près  de  Livarot. 

Tous  ces  épis  ,  dont  la  décoration  était  très-variée ,  se 
composaient  de  trois  parties  : 

1°  D'une  base  offrant  trois  faces.  Les  deux  faces  anté- 

(1)  Bulletin  monumental,  t.  IX  ,  p.  729. 


CANTON   DE   LISIEUX  ,    2r  SECTION.  377 

Heures  étaient  décorées  d'une  jolie  tête  d'ange  en  haut- 
relief,  dont  le  cou  était  muni  d'une  large  collerette.  La  partie 
postérieure ,  qui  s'adaptait  à  la  croupe  d'un  toit  ou  à  celle 
d'une  lucarne  ,  était  fendue  ; 

2°  D'un  vase ,  de  forme  ovoïde ,  dont  la  panse  était  ornée 
de  têtes  d'anges,  reliées  entr'elles  par  des  draperies  alternant 
souvent  avec  des  têtes  de  bélier.  Du  goulot  du  vase  sortait , 
en  s'épanouissant ,  un  gracieux  bouquet ,  composé  de  fleurs 
et  de  fruits  du  pays ,  parmi  lesquels  on  distinguait  le  lis  de 
nos  jardins  (Lilium  candîdum) ,  des  poires  et  des  pommes, 
couvertes  d'un  brillant  incarnat  ; 

3°  D'un  pigeon  ou  d'un  pélican  ,  posé  sur  une  boule  que 
supporte  un  léger  pédicule. 

Un  grand  nombre  de  vases  formant ,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  la  partie  intermédiaire  de  l'épi,  présentaient  une 
double  courbe;  la  partie  inférieure  étant  convexe  et  la  partie 
supérieure  concave. 
Quelques-uns  affectaient  la  forme  d'une  poire  renversée. 
Les  couleurs  dominantes  de  la  couverte  métallique  étaient 
le  blanc,  le  jaune,  le  vert,  le  bleu  foncé,  le  violet  et  le 
brun. 

Les  épis  émaillés  furent  remplacés,  au  XVIIIe  siècle,  par 
des  amortissements  simplement  vernis  au  plomb.  Par  leur 
composition  moins  riche  et  moins  élégante  et  leur  exécution 
grossière,  ces  nouveaux  épis  annonçaient  une  époque  de 
décadence;  ils  n'étaient  pas  cependant  dépourvus  d'art.  Leur 
forme  se  rapprochait  de  celle  des  épis  émaillés  que  nous 
avons  décrits.  La  base ,  décorée  de  mascarons  ou  d'animaux 
fantastiques,  servait  de  support  à  un  vase  à  plusieurs  anses, 
surmonté  d'un  pigeon. 

Quelques-uns  de   ces    amortissements  représentaient  de 
petits  personnages  tirant  de  l'arc. 

Cest  à   cette  époque  de  décadence  que   remontent   ces 


378  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

nombreuses  fontaines-lavabo  ,  émaillées  au  plomb  ,  qui  con- 
stituaient une  branche  importante  de  commerce.  Ces  fon- 
taines, dont  la  panse  est  ordinairement  couverte  de  fleurs 
de  lis  en  relief,  sont  garnies  sur  les  côtés  d'anses  contournées. 
Un  pigeon  ,  posé  sur  une  boule,  forme  l'amortissement. 

L'une  de  ces  pièces  est  signée  :  Vincent  du  Prédauge. 
Nous  avons  retrouvé  ce  nom  sur  un  encrier  en  terre  cuite  , 
de  la  même  époque. 

La  terre  employée  par  les  potiers  du  Prédauge  ,  pour  la 
fabrication  de  leurs  vases,  est  une  argile  plastique  supérieure 
à  la  craie,  qui  a  été  signalée  dans  la  Topographie  ycognos- 
tique  du  Calvados. 

La  fabrique  du  Prédauge,  aujourd'hui  bien  dégénérée, 
comptait  encore ,  au  commencement  de  ce  siècle ,  une 
vingtaine  de  fours.  Le  nombre  actuel  des  potiers  qui  fa- 
çonnent ces  vases  grossiers  que  nous  voyons  exposés  sur  nos 
marchés  est  réduit  à  huit. 

M.  IMorière  ,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Caen, 
membre  de  l'Institut  des  provinces,  a  publié,  en  1850  ,  dans 
Y  Annuaire  normand ,  une  notice  intéressante  sur  l'industrie 
potière  dans  le  département  du  Calvados. 

Cette  industrie,  toute  locale  ,  remonte  à  une  haute  anti- 
quité. Les  quatre  beaux  vases  funéraires  en  terre  cuite 
émaillée,  d'un  blanc-jaunâtre,  découverts  à  Lisieux  en  1861, 
et  dont  l'origine  gallo-romaine  ne  saurait  être  contestée , 
sont  évidemment  des  produits  de  la  fabrique  lexovienne , 
ainsi  que  les  nombreux  fragments  d'amphores,  et  autres 
vases  à  usage  domestique ,  retirés  de  la  rivière  qui  traverse 
la  ville. 

Parmi  les  nombreux  fragments  de  cette  belle  poterie 
rouge  en  terre  samienne,  dite  sigillée,  que  les  Romains 
faisaient  venir  de  très- loin  et  que  nous  avons  également 
recueillis ,  se  trouvent  plusieurs  marques  ou  estampilles  de 


CANTON   DE    L1S1EUX  ,    2e   SECTION.  379 

potiers  gallo-romains.  Sur  l'un  de  ces  fragments  que  nous 
avons  'déjà  signalé,  on  lit  le  Lisovtl  (enSIS;  le  nom  du 
potier  manque  )  indiquant  le  nom  de  la  cité  ou  de  la  contrée 
où  ce  beau  vase  a  été  fabriqué. 

Au  moyen-âge,  la  fabrique  lexovienne  jouissait  encore 
d'une  certaine  célébrité.  Nous  possédons  un  fragment  bien 
conservé  d'une  petite  patère  en  terre  cuite  ,  d'un  blanc- 
grisâtre ,  qui  a  gardé  sa  couverte  métallique  (oxyde  de 
plomb).  Cette  petite  patère,  que  nous  faisons  remonter  au 
XIIIe  siècle,  est  décorée  d'étoiles  et  entourée  d'une  légende 
religieuse  en  caractères  gothiques  du  temps  qui  commence 

par  ces  mots  :  mater  dei indiquant  sa  provenance  ; 

elle  était  placée  dans  une  église  et  servait  au  culte.  Nous 
pourrions  signaler  encore  quelques  curieux  fragments  de 
poteries,  offrant  une  pâte  identique  ,  mais  d'une  époque 
postérieure  (XVe  siècle).  L'un  de  ces  fragments,  dont  le 
vernis  est  presque  entièrement  disparu ,  est  couvert  de  lettres 
gothiques  de  grande  dimension. 

Mais  l'époque  la  plus  brillante  de  celte  industrie  dans 
notre  contrée  était,  comme  nous  l'avons  dit,  le  XVIe  et  le 
XVIIe  siècle.  C'est  à  celte  dernière  époque  qu'il  faut  reporter 
l'exécution  des  statues  en  terre  cuite  émailléc  qui  décoraient 
le  fronton  du  pavillon  central  du  principal  corps-de-logis  de 
l'ancien  palais  épiscopal,  donnant  sur  la  terrasse,  ainsi  que 
les  nombreuses  statues  qui  ornaient  les  magnifiques  jardins 
au  milieu  desquels  s'élevait  le  château  des  Loges,  rési- 
dence d'été  des  derniers  évoques  de  Lisieux  ,  située  à  peu 
de  distance  de  Lisieux  ,  au  midi. 

M.  Raymond  Bordeaux ,  dans  une  séance  tenue  a  Bernay 
au  mois  de  juillet  1868,  est  le  premier  qui  ait  appelé 
l'attention  des  savants  sur  l'ancienne  fabrique  de  poterie  de 
Manerbe  et  du  Prédauge,  à  laquelle  la  Géographie  Bla- 
vienne  a  consacré  quelques  lignes  d'éloges.  Les  brocanteurs, 


380  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

dont  le  nombre  s'est  considérablement  augmenté  de  nos 
jours,  faisaient  déjà  passer  les  figurines  et  les  vases  du  Pré- 
dauge  pour  des  faïences. 

LA   BOISSIÈRE  (l). 

La  -Boissière ,  Buxeria. 

Le  village  de  la  Boissière  ,  situé  à  8  kilomètres  de  Lisieux, 
est  traverse  par  la  route  impériale  de  Paris  à  Cherbourg. 

L'église  ,  dont  la  construction  remonte  à  la  période  ro- 
mane ,  s'élève  à  peu  de  distance  ,  sur  la  gauche  de  la  route. 

Les  murs  latéraux ,  construits  en  grossier  blocage  et  re- 
crépis ,  sont  soutenus  par  des  contreforts  plats. 

Toutes  les  fenêtres  sont  modernes  et  sans  caractère. 

Le  portail  occidental  est  surmonté  d'un  petit  clocher  en 
charpente ,  recouvert  en  essente ,  supportant  une  pyramide 
hexagone.  La  cloche ,  dont  le  diamètre  est  de  61  centi- 
mètres ,  offre  l'inscription  suivante  : 

1713  Mc  EDMOND  DAQVIN  TBRe  CVRÉ  DE  CE  LIEV  MA  BENITE.  IAY  ESTÉ 
NOMMÉE  MARIE  CATHERINttE  PAR  NOBLE  DAME  CATHERINHE  DE  MERDRAC 
ET  NOBLE  HOMME  LOV1S  VALENTIN  COSTART  ESCr.  SGr.  HONORERE  DE  CETTE 
PAROISSE    DE    LA  BOISSIÈRE  II    ET    F. 

1EAN    AVBERT 
DE    LISIEVX 
MA    FAITE 

Derrière  le  chevet ,  qui  est  droit ,  s'élève  une  sacristie 
éclairée  par  deux  petites  fenêtres  carrées  avec  vitrage  en 
plomb  protégé,  à  l'extérieur,  par  de  curieux  étançons. 
Cette  sacristie  paraît  dater  du  XVIe  siècle. 

On  remarque  ,  à  l'intérieur  de  l'église ,  le  tabernacle  du 

(1)  Notes  par  M.  Pannier. 


CANTON    DE  LISIEUX  ,    2e   SECTION.  381 

maître-autel.  Ce  tabernacle,  qui  date  du  règne  de  Louis XIV, 
est  enveloppé  d'un  riche  manteau  dont  les  draperies,  retenues 
par  une  torsade ,  retombent  avec  grâce  en  larges  plis  on- 
doyants. 

Les  voûtes  sont  en  m  erra  in. 

On  conserve  avec  soin  une  ancienne  chasuble  à  person- 
nages, malheureusement  incomplète,  qui  date  du  XVe  siècle 
ou  du  XVIe,  ainsi  qu'une  jolie  chasuble,  style  Louis  XV,  dont 
les  orfrois  sont  semés  de  fleurs  (roses,  pensées,  etc.) 
brochées  sur  soie  blanche. 

L'église  de  la  Boissière  est  placée  sous  l'invocation  de 
Notre-Dame.  Le  patronage  avait  été  donné  en  1218  aux  re- 
ligieux de  Ste-Barbe  par  Baudouin  Rastel,  qui  vraisembla- 
blement était  seigneur  du  lieu. 

Sous  le  rapport  administratif,  la  Boissière  faisait  partie 
de  l'élection  de  Pont-1'Evêquc.  Celte  paroisse  comptait,  avant 
la  Révolution,  U  feux  privilégiés  et  15  feux  laillables. 

En  1713,  suivant  l'inscription  de  la  cloche  que  nous 
avons  donnée ,  <•  noble  homme  Louis-Valentin  Costart  , 
escuier  »,  était  seigneur  de  la  Boissière. 

On  trouve  ensuite  en  possession  de  la  même  seigneurie , 
ou  seulement  du  même  titre:  1°  Jean-Baptiste-Pierre  Labbey, 
seigneur  de  la  Boissière  et  de  la  Rocquc-Baignard,  conseiller 
au  Parlement  de  Normandie,  qui  épousa,  le  18  avril  1752, 
Louise-Gabrielle-Jeanne  Filleul,  fille  du  seigneur  des  Chesnels  ; 
2°  messire  Nicolas-Paul  de  Grieu  d'Estimanville  ,  chevalier, 
seigneur  de  la  Boissière,  plaidant,  en  1782  et  1783,  au 
bailliage  de  Pont-1'Évêque. 

Ferme  de  Rome.  —  Le  nom  significatif  de  cette  ferme 
rappelle  l'invasion  des  Romains  dans  notre  contrée  :  «  ce 
«  nom  ,  dit  M.  Guilmelh  ,  est  un  souvenir  de  la  ville  éter- 
«  nellc ,  appliqué  par  quelque  riche  colon  romain  à  la  villa 


382  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

«  qui  était,  dans  celte  partie  des  Gaules,  le  centre  de  son  ex- 
«  pioitalion  agricole  ou  forestière.  » 

LA   BGUBLONXIÈRË  (t). 

La  Houblonnière,  Uombionneria,  Houbtonneria. 

Cette  paroisse  dépendait  de  l'élection  de  Pont-1'Évêque , 
sergenterie  de  St-Julien-le-Faucon  ;  on  y  comptait  k  feux 
privilégiés,  56  feux  tailiables  ou  300  habitants;  aujourd'hui  on 
en  compte  279  seulement. 

L'église  et  le  château  de  la  Houblonnière  forment  un 
groupe  pittoresque  que  ne  manquent  pas  de  remarquer ,  à  la 
sortie  du  tunnel  de  la  Molle,  les  voyageurs  qui  fuient  de  Lisieux 
vers  Caen. 

L'ensemble  de  l'église  date  du  XIIIe  siècle,  cependant  le 
mur  septentrional  de  la  nef,  avec  ses  trois  contreforts  plats, 
sa  corniche  à  modillons  grimaçants  et  son  blocage  disposé  en 
arêtes  de  poisson  ,  remonte  évidemment  jusqu'à  l'époque  ro- 
mane. Le  mur  du  midi  indique  le  XIIIe  siècle  par  ses  ca- 
ractères généraux  ;  il  est,  comme  celui  du  nord,  flanqué  par 
trois  contreforts.  On  n'y  voit  qu'une  seule  des  fenêtres  pri- 
mitives ,  étroite  lancette  dont  les  compagnes  ont  été  rem- 
placées, au  XVe  siècle,  par  deux  grandes  ogives  flamboyantes. 
Une  seule  lancette  se  voit  aussi  du  côté  du  nord.  Les  deux 
autres  ouvertures  sont  modernes.  Le  pignon  occidental  date 
du  XIIIe  siècle.  Trois  contreforts  le  buttaient  :  un  au  centre, 
deux  aux  extrémités  ;  uue  croix  antéfixe  termine  le  pignon. 
Au  XVe  siècle,  on  a  supprimé  le  contrefort  central  pour  pra- 
tiquer une  porte  en  remplacement  de  la  porte  primitive, 
dont  on  voit  l'archivolte  garnie  de  moulures  toriques  au  bas 
du  mur  méridional. 

(1)  Notes  de  M.  Charles  Vasseur. 


CA.INTOx\   DE   LtSIEUX,   2e   SECTION.  383 

Cette  nouvelle  porte  est  précédée  d'un  porche  en  bois , 
probablement  du  XVe  siècle  ;  les  vantaux  sont  à  panneaux 
plissés.  Le  chœur  est  tout  entier  du  XIIIe  siècle,  partagé 
en  deux  travées  par  de  larges  contreforts.  On  y  retrouve  la 
corniche  à  modillons  qui  orne  les  deux  murs  latéraux  de  la 
nef.  On  n'y  voit  aucune  fenêtre  primitive.  Toutes  les  ouver- 
tures sont  modernes,  sauf,  au  midi,  une  petite  baie  subtri- 
lobée  qui  paraît  être  du  XVe  siècle. 

Le  chevet  est  droit,  avec  deux  contreforts;  il  est  caché  par 
une  sacristie  penlagonale  du  XVIIIe  siècle. 

La  tour  est  placée  entre  chœur  et  nef,  en  avant-corps,  du 
côté  du  midi.  Sa  base  est  construite  en  pierre  de  moyen  ap- 
pareil avec  joints  fort  larges  ;  elle  pourrait,  par  conséquent, 
remonter  jusqu'au  XIe  siècle.  Elle  n'a  aucune  ouverture 
caractéristique.  Sa  hauteur  n'est  pas  considérable.  Au-dessus 
de  la  corniche,  pour  l'exhausser,  on  avait  fait  un  corps  carié 
eu  charpente  revêtu  de  bardeau  ,  qui  portail  une  pyramide 
assez  élancée  à  pans  coupés.  La  croix  était  richement  tra- 
vaillée. Tout  récemment,  on  a  changé  cette  disposition.  On  a 
surélevé  la  tour  en  maçonnerie  d'une  manière  peu  propor- 
tionnée au  volume  de  sa  base ,  de  sorte  qu'elle  ne  manque 
pas  de  ressemblance  avec  une  cheminée  d'usine. 

Au  nord,  au  point  de  jonction  du  chœur  avec  la  nef,  se 
trouvait  une  construction  en  maçonnerie  qui  remontait  au 
XVe  siècle.  C'était  la  cage  d'un  escalier  descendant,  (Fune 
galerie  couverte  jetée  au-dessus  du  cimetière,  au  banc  sei- 
gneurial placé  au  côté  de  l'évangile,  à  l'intérieur.  Au  moyen 
de  cette  galerie ,  dont  l'établissement  était  peu  conforme  aux 
lois  ecclésiastiques,  le  seigneur  pouvait  se  rendre,  à  couvert, 
de  ses  appartements  à  1  église;  car  l'un  des  corps-de-logis  du 
château  longeait  le  cimetière.  On  a  supprimé  cet  état  de 
choses,  il  y  a  quelques  années. 

L'intérieur  a  conservé  de  l'intérêt.  Les  fonts  baptismaux, 


38k  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

qui  se  présentent  d'abord  aux  regards  ,  datent  du  XVe  siècle. 
C'est  une  cuve  octogone  en  pierre  ,  sculptée  sur  chaque  face 
d'une  accolade. 

La  nef  est  recouverte  par  une  belle  voûte  en  carène  avec 
charpente  apparente.  Le  sous-faîte  est  orné  de  rosaces  dé- 
coupées à  jour,  et  les  douvettes  de  merrain  sont  chargées  de 
dessins.  Sur  les  sablières  sont  des  écussons,  malheureusement 
mutilés.  Sur  l'un,  cependant,  j'ai  cru  reconnaître  unfascé; 
l'autre  ,  vis-à-vis ,  était  parii  :  le  premier  fascé ,  le  second 
chargé  d'un  lion.  Dans  une  fenêtre,  au  sud,  restent  quelques 
fragments  de  vitraux  de  la  dernière  époque  gothique,  une 
résurrection  des  morts  en  grisaille. 

Les  deux  petits  autels  sont  sans  intérêt.  Les  piscines  qui 
les  accompagnent  méritent  l'attention.  Celle  du  nord  est 
ogivale,  avec  moulures  toriques  ;  sa  base  fait  saillie  sur  le  mur. 
Celle  du  sud  est  en  accolade.  Sa  cuvette  a  la  forme  d'un  pen- 
tagone sur  lequel  court  une  guirlande  de  feuilles  frisées,  au 
milieu  desquelles  est  jeté  un  écusson  où  j'ai  cru  distinguer 
le  contour  d'un  lion. 

L'arc  triomphal  date  du  XIIIe  siècle.  Son  archivolte  ex- 
térieure est  garnie  de  tores  qui  reposent  sur  des  colonnettes. 
La  voussure  intérieure  retombe  sur  un  pied-droit  dans  le- 
quel, du  côté  du  nord,  est  incrustée  l'inscription  suivante: 

Cj>    îieuant  gisent  vénérables  et 

ctrcumsyectes  personnes  maître  3eijan 

Jpoulain  lequel  trépassa  lan  mil  o,c 

xxim  le  xxoe  ïiauril  et  mistre  Seljan 

ifatscene  ittetia  lan  mil  »cc  et  xx  le  xxve 

'  he  tutllet  en  ler  muant  pbrs  curres  et  recte 

urs  fce  eeans.  ftequiescant  tn  yace ,  amen. 

Les  deux  travées  du  chœur  sont  voûtées  en  pierre  avec 


CANTON    DE   LISIEUX,    2*   SECTION.  383 

arcs-doubleaux  cl  arceaux  croisés,  dont  les  retombées  portent 
sur  des  faisceaux  de  colonnettes  que  l'on  a  stupidement 
coupées  au-dessous  des  chapiteaux.  Os  chapiteaux  sont  sculptés 
de  feuillages  et  de  crossettes ,  comme  on  en  trouve  à  la  pre- 
mière époque  ogivale.  Un  cordon  torique  se  profile  sur  le  nu 
des  murs,  au  niveau  des  tailloirs  des  chapiteaux.  Il  servait 
sans  doute  d'appui  aux  fenêtres  primitives.  L'autel,  en  marbre, 
date  de  la  fin  du  dernier  siècle.  La  lampe  peut  remonter  au 
règne  de  Louis  XIII.  Une  statue  de  saint  Firmin  appartient 
au  moyen-âge,  comme  un  bas-relief  en  pierre,  de  18  pouces 
de  haut,  qui  représente  saint  Christophe.  L'exécution  en  est 
naïve  et  les  détails  curieux  :  l'enfant ,  assis  sur  l'épaule  du 
Saint ,  a  saisi  d'une  main  une  touffe  de  cheveux  de  son 
porteur. 

Les  deux  cloches  portent  des  inscriptions  qui  méritent  être 
transcrites.  On  remarquera  la  date  de  la  plus  grosse  :  bien 
peu,  certainement,  furent  fondues  cette  année-là  : 


LAN  1790  M.  GUY  DUVAL  DE  BONNF.VAL  ,  PRÉSIDENT  A  MORTIER  AL 
PARLEMENT  DE  ROUEN  ASSISTÉ  DE  DAME  CECILE  FRANÇOISE  MARGUERITE 
HENRIETTE   DUMONCFL    SA     MÈRE    VEUVE    DE  GUI    CLAUDE    NICOLLAS    DUVAL   DE 

BONNEVAL   AUSI  PRESIDENT  A    MORTIER    AU   PARLEMENT   DE    ROUEN  EN   SON 

VIVANT  SEIGNEUR  ET  PATRON  DE  CETTE  PAROISSE  ET  AUTRES  LIEUX  MONT 
NOMMEE  MARIE  CECILLE.  M.  NICOLLAS  FRANÇOIS  LOUIS  —  LFCOQ  Cl  RE  DE 
CETTE  PAROISSE  MA  BENIE  EN  PRESENCE  DE  THOMAS  LE  SUFFLEUR  MAIRE, 
LOUIS  GRANVAL  IOSEPH  DUVIEU  OFFICIERS —  L.  BRUNIER  Pre  DE  LA  COM- 
MUNE ET    IEAX    CASTEL     TRESORIER. 

LAVILLETTE    DK    LISIEVX    MA    FAITE. 

LAN  1841  Mr  GUY  CHARLES  OSCAR  DUVAL  COMTE  DE  BONNEVAL  ASSISTE 
DE  M\RAME  LA  COMTESSE  DE  BONNEVAL  NEE  HABIB  ANTOINETTE  CHARLOTTE 
LAI  RE  DE  SÉGUR  MONT  NOMMEE  MARTE  ,  Mr  J  '  JULIEN  PROSPER  DROUEN 
CL  RE  DE  CETTE  PAROISSE  MA  BENIE  EN  PRESENCE  DE  MM.  THOMAS  RLAISE 
MAIRE  J  BAPTISTE  ROC4GB  ET  LES  AUTRES  MEMBRES  DE  LA  FARRIQUE. 
F.    BAILLY    PERE    ET    FILS    FONDEIRS    A    CAEN. 

*J5 


386  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

La  croix  du  cimetière,  en  bois,  du  XVIIIe  siècle,  est 
d'une  forme  assez  gracieuse. 

L'if  mesure  environ  2  pieds  et  demi  de  diamètre. 

Comme  on  a  pu  le  voir  par  l'inscription  tumulaire  trans- 
crite plus  haut ,  la  cure  de  Nolre-Dame-de-la-Houblonnière 
était  divisée  en  deux  portions  à  la  présentation  du  seigneur 
du  lieu.  Elle  était  comprise  dans  le  doyenné  du  Mesnil- 
Mauger. 

Château. — Le  château  est  attenant  à  l'église,  que  ses  bâ- 
timents enclavent  de  deux  côtés. 

Ces  bâtiments  sont  disposés  de  manière  à  former  deux 
cours. 

La  première  a  la  forme  d'un  carré  long  à  peu  près  régulier. 
On  y  accède  par  une  porte  et  une  poterne  ornées  de  sculp- 
tures qui  indiquent  la  fin  du  XVe  siècle  ou  le  XVIe.  On  en 
peut  juger  par  la  vue  que  nous  présentons.  A  gauche  de  celte 
entrée,  s'élève  une  belle  tour  dont  la  construction  est  soignée, 
dont  les  murs  sont  épais  de  plus  de  3  pieds,  dont  la  situa- 
tion a  quelque  chose  d'imposant ,  et  qui  néanmoins  paraît 
avoir  été  faite  simplement  pour  servir  de  colombier.  Elle  n'a 
plus  sa  toiture.  Elle  pourrait  être  un  peu  moins  ancienne  que 
la  porte  qu'elle  accompagne.  Toutes  les  autres  constructions 
de  cette  cour,  en  pierre,  avec  fenêtres  à  moulures  prismatiques, 
indiquent  le  XVIe  siècle.  C'est  le   manoir  proprement  dit. 

Dans  la  seconde  cour ,  il  n'y  a  qu'un  seul  côté  garni  de 
bâtiments.  Ils  sont  en  bois.  La  salamandre  sculptée  sur  une 
des  lucarnes  et  les  autres  caractères  de  l'ornementation  in- 
diquent le  règne  de  François  Ier.  Comme  partout,  l'intérieur 
a  été  retravaillé  sous  Louis  XIV  ou  sous  Louis  XV.  On  n'y 
voyait  rien  de  particulier.  Il  y  avait  une  chapelle. 

On  prétend  que  ce  château  a  appartenu  aux  Templiers. 
Les  riches  archives  qui  y  sont  conservées  pourraient ,  sans 


CANTON  DE  LISIEUX  ,   2e  SECTION. 


387 


388  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

doute,  donner  des  éclaircissements  sur  ce  point.  Je  n'ai  trouve 
que  très-peu  de  documents  sur  cette  terre. 

On  trouve  dans  Montfaut ,  Jean  Guérin,  qui  vivait  no- 
blement à  la  Houblonnière,  en  H63. 

Dans  les  premières  années  du  XVIIe  siècle,  noble  homme 
Jehan  de  Cardiglard  se  qualifiait  seigneur  de  Serre,  la  Boë 
et  la  Houblonnière. 

Au  XVIIIe  siècle ,  la  famille  du  Val  de  Bonneval  la  pos- 
sédait, ainsi  que  diverses  autres  paroisses  environnantes.  Elle 
en  reprit  possession  après  la  Révolution.  Enfin,  le  16  janvier 
1860,  le  château  et  la  terre  ont  été  vendus  par  M.  le  comte 
de  Bonneval  à  M.  Malliéné*  de  Gambremer,  qui,  voulant  en 
faire  son  habitation,  va  exécuté  des  travaux  importants. 

LA  iMOTTE-EX-AUGE  (I). 

La  paroisse  de  La  Motte  est  réunie  à  celle  de  St-Pierre- 
des-Ifs.  L'église,  entièrement  détruite,  avait  rang  de  prieuré 
et  était  à  la  nomination  du  prieur  de  Ste-Barbe.  Elle  avait 
pour  patron  saint  Michel  et  se  trouvait  comprise  dans  le 
doyenné  de  Mesnil-Mauger,  le  plus  considérable  de  tout 
l'évêché  de  Lisieux.  Sa  population  n'était  pas  nombreuse  : 
au  XVIIIe  siècle,  elle  ne  se  composait  que  de  26  feux,  dont 
1  privilégié:  environ  130  habitants. 

La  seigneurie  de  La  Motte ,  qui  fut  même  qualifiée  de 
baronnie,  appartenait  dès  le  XIIe  siècle  aux  religieux  de 
Ste-Barbe. 

Cependant  on  trouve,  au  XVIIIe  siècle,  plusieurs  membres 
de  la  famille  Bréard  prenant  le  titre  de  seigneurs  de  la 
Motte.  Le  nom  de  l'un  d'eux  ,  Pierre  Bréard,  figure  sur  la 
cloche  de  l'église,  datée  de    1607,  transportée  à  St-Pierre- 

(4)  Notes  de  M.  Charles  Vasscuv. 


CANTON   DE    LISIEUX  ,    2*   SECTION.  389 

des-Ifs.  Son  fils  ou  petit-fils,  Jacques  Bréard ,  escuycr,  sei- 
gneur de  la  Motte,  est  mentionné  dans  une  sentence  du 
vicomte  d'Auge,  du  18  juillet  1667.  Celte  famille  paraît 
être  originaire  de  la  Basse-Normandie.  Pierre  et  Guillaume 
Bréard  furent  trouvés  par  Montfaut,  en  1/U33,  à  Foucar- 
ville,  sergenterie   de  StP- M  ère- Église,  élection  de  Carentan. 

LES  MONCEAUX  (1). 

Les  Monceaux ,  Monceaidx. 

La  commune  des  Monceaux  est  réunie,  pour  le  culte,  à  celle 
de  la  Houblonnière.  Elle  tire  son  nom  de  la  configuration  du 
sol,  qui  est  très-accidenté  et  formé  d'un  grand  nombre  de 
petits  monts. 

L'église  ,  bâtie  sur  un  monticule  marneux  ,  appartient  au 
roman  de  transition. 

Le  mur  méridional  de  la  nef,  soutenu  par  trois  contreforts 
plats ,  présente  l'appareil  en  feuilles  de  fougère.  Il  est  percé 
de  deux  fenêtres  ogivales  trilobées  ,  avec  moulures  prisma- 
tiques,  du  XVIe  siècle,  et  d'une  fenêtre  à  arc  surbaissé 
du  XVIIP. 

On  remarque,  de  ce  côté,  les  vestiges  d'une  porte  à  ogive 
de  transition  qui  donnait  accès  dans  la  nef. 

Le  mur  septentrional,  primitivement  roman,  a  été  re- 
construit. Il  offre  un  seul  conlreforl  plat,  vers  l'extrémité 
occidentale.  Une  fenêtre  ogivale  trilobée  a  été  pratiquée 
dans  ce  mur  au  XVIe  siècle  (1557).  Il  n'y  avait  dans  l'ori- 
gine aucune  ouverture  de  ce  côté. 

La  façade  occidentale  ,  soutenue  par  deux  contrôlons  plats, 
présente  l'appareil  roman  en  arêtes  de  poisson. 

(1)   Notes  (îc  M.  Pannier. 


390  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

La  porte  à  plein-cintre,  précédée  d'un  porche  en  bois, 
date  seulement  du  siècle  dernier. 

Deux  fenêtres  ogivales,  accolées,  garnies  d'un  gros  tore 
que  l'on  peut  voir  à  l'intérieur  du  clocher,  s'ouvraient  dans 
le  gable. 

Le  clocher ,  de  forme  carrée  ,  est  construit  en  charpente 
et  couvert  en  essente ,  ainsi  que  la  pyramide  octogone  qui 
le  surmonte.  La  date  de  sa  construction  est  gravée  au  trait 
sur  une  des  poutres  qui  le  supportent  ,  à  l'intérieur  de 
l'église  : 

HJEC    FIDEL1UM    CHARITATIS    OPE    TURRIS    EXSURGEBAT    AN.   D.    I.     1736. 

Le  chœur ,  construit  en  retraite  sur  la  nef ,  est  également 
roman.  II  est  éclairé  au  nord  par  une  fenêtre  primitive , 
étroite  à  l'extérieur,  et  très-ébrasée  à  l'intérieur  de  l'édi- 
fice. Une  petite  fenêtre  ogivale,  avec  moulures  en  chanfrein, 
du  XVIe  siècle ,  et  une  fenêtre  à  arc  surbaissé ,  du  siècle 
dernier ,  s'ouvrent  dans  le  mur  méridional.  Le  chevet  est 
droit  et,  en  grande  partie,  masqué  par  la  sacristie.  Un  cordon 
sur  lequel  s'appuyaient  les  fenêtres  primitives  règne  autour 
du  chœur. 

Sur  les  murs  latéraux  se  montrent  les  vestiges  de  deux  ar- 
cades à  plein-cintre,  qui  se  correspondent  et  qui  probable- 
ment supportaient  la  tour  primitive,  placée  sur  le  chœur. 

Une  jolie  piscine  romane,  à  deux  baies  trilobées,  séparées 
par  une  colonnette  dont  le  chapiteau  est  orné  de  crosse  ttes, 
existe  à  l'intérieur,  du  côté  de  l'épître. 

La  voûte  du  chœur  et  celle  de  la  nef  sont  en  bois. 

L'arc  triomphal  est  de  la  dernière  époque  de  l'ogive. 

A  l'extrémité  de  la  nef  sont  placés  deux  petits  autels. 
L'un  d'eux  est  décoré  d'une  statue  représentant  l'ange 
Gabriel.  Cette  statue,  qui  paraît  remonter  au  XVe  siècle , 
est  très-bien  minialurée.   La  robe ,  d'un  bleu  d'azur ,  est 


CANTON  DE   LISIEUX,    2e  SECTION.  391 

semée  de  fleurons  blancs  ;  par-dessus  est  un  manteau  rouge 
couvert  de  gemmes  affectant  la  forme  de  quatre-feuilles.  Ce 
manteau  est  retenu  par  une  agrafe.  Les  ailes  de  l'ange  , 
entièrement  déployées,  ont  leurs  pennes  alternativement 
peintes  en  rouge  et  en  bleu.  L'ange  Gabriel  tient  dans  ses 
mains  un  volumen  sur  lequel  on  lit  l'inscription  suivante, 
en  lettres  modernes  : 


AVE 
MARIA 
GRATIA 
PLENA. 


L'autre  autel  est  consacré  à  Marie.  La  Vierge-Mère  porte 
un  manteau  doublé  d'hermine.  Sa  tête  est  surmontée  d'une 
couronne  ducale.  Cette  statue  date  du  XVe  siècle,  comme  la 
précédente. 

Près  de  cet  autel,  dans  une  niche  creusée  dans  l'angle 
de  la  fenêtre  ,  est  placée  une  petite  statue ,  représentant 
la  Sainte-Vierge  foulant  aux  pieds  un  animal  qui  ressemble 
à  un  lion.  Sa  robe  bleue  ,  semée  de  gemmes ,  est  retenue 
par  une  cordelière.  Son  manteau  rouge  est  doublé  de  blanc. 
Celle  statuette  et  celle  de  l'ange  Gabriel  ont  dû  être  réunies 
autrefois,  pour  former  le  groupe  de  l'Annonciation. 

Dans  le  mur  méridional  de  la  nef  est  creusée  une  piscine 
trilobée,  avec  moulures  en  chanfrein,  dont  nous  ne  pouvons 
préciser  l'époque. 

L'église  des  Monceaux  est  sous  l'invocation  de  saint  Michel, 
S.  Michael. 

Au  XVIe  siècle  et  au  XVIIIe ,  le  patronage  de  cette  pa- 
roisse appartenait  au  prieur  de  Ste-Barbe. 

Les  Monceaux  dépendaient ,  avant  la  Révolution ,  de 
l'élection  de  Pont-l'Évêque. 

Sous  le  rapport  ecclésiastique,  cette  paroisse  ,  qui  comptait 


392        STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

\  feu  privilégié  et"  30  feux  taillables  ,  dépendait  du  doyenné 
de  Mesnil-Maugcr. 

Au  nord  de  l'église  s'ouvrent,  dans  la  marne  ,  plusieurs 
grottes  tapissées  de  lierre,  d'un  effet  pittoresque. 

LE  MESXIL-SIMON    (!). 

Le  Mesnil-Simon  ,  Mesnillum  Symonis. 

L'église  Notre-Dame  du  Mesnil-Simon  s'élève  sur  le  pen- 
chant d'une  colline  qui  domine  un  charmant  vallon  ,  tra- 
versé par  le  chemin  de  grande  communication  de  Lisieux 
à  St-Pierre-sur-Dive. 

La  partie  la  plus  ancienne  de  cette  église  est  la  nef,  qui 
appartient  au  style  roman.  Le  mur  méridional  est  flanqué , 
vers  l'extrémité  orientale,  de  deux  contreforts  plats  ;  à  l'ex- 
trémité opposée  s'élèvent  deux  contreforts  saillants  qui  da- 
tent du  XVe  ou  XVIe  siècle.  On  remarque,  de  ce  côté,  une 
petite  fenêtre  romane  sans  moulures  qui  a  été  bouchée. 

Une  fenêtre  en  forme  de  lancette  ,  à  moulures  rudi- 
mentaires,  du  XIIIe  ou  XIVe  siècle,  et  une  autre  fenêtre 
sans  caractère  éclairent  la  nef. 

Le  mur  septentrional  ne  présente  qu'un  seul  contrefort 
plat.  Deux  autres  contreforts ,  du  XVe  ou  XVIe  siècle  ,  sont 
placés  vers  l'extrémité  occidentale.  Ce  mur  est  percé  de 
deux  fenêtres  sans  caractère.  Il  n'y  avait  primitivement 
aucune  ouverture  de  ce  côté. 

Un  porche  en  bois,  du  XVIe  siècle,  précède  le  portail 
occidental,  soutenu  par  quatre  contreforts  dont  les  glacis 
sont  très-inclinés.  La  porte  qui  donne  accès  dans  la  nef 
présente    une  ogive  obtuse   formée    d'une   moulure  torique 

(1)  Notes  de  M,  Pannicr. 


CANTON    DE   LISIEUX  ,    2e   SECTION.  393 

reposant  sur  une  colonnette  ,  dont  le  chapiteau  simplement 
épannelé  et  la  base  indiquent  les  premières  années  du  XVe 
siècle.  Celle  porte  est  surmontée  d'un  oculus  du  même 
temps. 

Au-dessus  du  gable  s'élève  un  clocher  en  charpente  ,  re- 
couvert en  essenle.  Ce  clocher  renferme  une  cloche  qui  porte 
la  date  de  1805.  Voici  son  inscription  : 

L'AN    4  805     IAI    ÉTÉ     BENITE     PAR     Mr      FRANÇOIS      HUE    DESSERVANT     DU 
MESNIL-SIMON  ,      NOMMÉE     LOUISE     AIMÉE    PAR     Mr    IEAN     FRANÇOIS     AMABLE 
BARDEL    LANOS    ET     Me    LOUISE     MABGUe     SEVESTRE    PIERRE    AMABLE      DUVAL 
FRANÇOIS    THERIOT    FONDECR. 

Les  murs  de  Ja  nef  offrent  les  vestiges  d'une  litre  funèbre. 

Le  chœur  est  faiblement  en  retraite  sur  la  nef.  Deux  con- 
treforts saillants ,  du  XVe  ou  XVIe  siècle ,  soutiennent  le 
mur  méridional  qui  est  percé  de  deux  fenêtres  ogivales  dont 
l'une  affecte  la  forme  d'une  lancette.  Celle  fenêtre ,  étroite 
par  rapport  à  sa  hauteur,  a  probablement  remplacé  une 
autre  fenêtre  ,  du  XIIIe  siècle,  ou  peut-être  cette  dernière 
aura-t-elle  été  seulement  retouchée.  L'autre  ouverture  date 
de  la  dernière  période  ogivale. 

Au  mur  septentrional  du  chœur  est  accolée  une  chapelle 
seigneuriale,  dont  la  construction  remonte  au  XVIIe  ou 
XVIIIe  siècle.  Plusieurs  pierres,  formant  saillie, portent  les 
traces  d'un  écusson  armorié  appartenant  au  seigneur  qui  a 
fait  ériger  celte  chapelle.  Le  mur  septentrional  est  percé  de 
deux  fenêtres  cintrées.  On  remarque  à  l'intérieur  de  cette 
chapelle,  qui  sert  actuellement  de  sacristie,  une  fenêtre 
carrée  à  tracerie  flamboyante  qui  éclairait  autrefois  le  chœur. 

Le  chevet  est  droit  et  percé  d'une  fenêtre  ogivale  tri- 
lobée, du  XVe  ou  XVIe  siècle.  Deux  contreforts  du  même 
temps  sont  placés  aux  extrémités. 


394         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

L'arc  triomphal  qui  sépare ,  à  l'intérieur,  le  chœur  de  la 
nef  est  dans  le  style  ogival  tertiaire. 
Les  voûtes  sont  en  merrain. 

On  remarque  dans  le  chœur  ,  du  côté  de  l'épîlre,  une  pis- 
cine surmontée  d'une  accolade',  qui  date  de  la  dernière 
période  de  l'ogive, 

Le  maître-autel  est  accompagné  d'un  beau  rétable  et  d'un 
élégant  tabernacle  dans  le  style  Louis  XIII. 

A  l'entrée  du  chœur  s'élèvent  deux  petits  autels  dans  le 
style  Louis  XIV. 

Nous  signalerons  aussi  une  belle  lampe ,  du  XVIIe  siècle 
(  lre  moitié  )  ; 

Et  parmi  les  vases  sacrés,  un  calice  en  argent  massif,  du 
siècle  dernier. 

On  a  relégué  dans  la  sacristie  un  très-beau  siège  seigneurial 
à  haut  dossier ,  qui  date  de  la  fin  du  XVe  siècle  ou  des  pre- 
mières années  du  XVIe.  Le  dossier  est  formé  de  deux  pan- 
neaux ornés  de  dessins  flamboyants.  Les  montants  du  fauteuil 
se  terminent  par  des  espèces  de  clochetons. 

Le  patronage  de  l'église  appartenait,  au  XIVe  siècle,  à 
l'abbé  du  Bec  (abbas  de  Becco). 

Sous  le  rapport  administratif,  le  Mesnil-Simon  faisait 
partie,  avant  la  Révolution,  de  l'élection  de  Pont-1'Évêque. 
On  y  comptait  U  feux  privilégiés  et  L\1  feux  taillables. 

La  terre  ainsi  que  le  patronage  de  l'église  appartenaient 
à  l'abbaye  du  Bec,  qui  en  avait  été  gratifiée  par  Foulques 
d'Aulney  ( .  .  .  .  Ex  dono  Fulconis  de  Alneto  et  hominum 
suorum  ,  manerium  de  Mesnilto  Simonis  cwn  ecclesia  et 
omnibus  ecclesiœ  et  manerii  pertinentiis  ).  Aussi,  pendant 
tout  le  cours  du  moyen-age,  ne  trouve-t-on  aucun  seigneur 
du  Mesnil-Simon. 

Les  moines  finirent  par  aliéner,  au  moins  en  partie,  leur 
domaine. 


CANTON  DE  L1S1EUX,    2e  SECTION.  395 

«  Au  commencement  du  XVIIe  siècle,  la  terre  du  Mesnil- 
«  Simon  était  possédée  par  le  baron  de  La  Luthumière,  qui  la 
«  vendit ,  par  contrat  passé  devant  les  notaires  de  Valognes , 
«  le  28  novembre  1606,  à  M.  Le  Sens  de  Rucquevilie. 
«  Celui-ci  n'en  jouit  pas  un  an.  Par  contrat  du  25  novembre 
«  1607,  il  la  revendit  à  Jacques  Dunot ,  seigneur  de  Cam- 
«  pigny-Berville.  On  ne  voit  point  dans  la  généalogie  de 
<(  cette  famille ,  ajoute  M.  Charles  Vasseur,  qu'il  l'ait  trans- 
«  mise  à  ses  enfants. 

«  Vers  le  milieu  du  XVIIIe  siècle,  continue  M.  Vasseur, 
«  Charles  de  Margeot  était  seigneur  de  St-Ouen-le-Hoult  et 
«  du  Mesnil-Simon.  Il  avait  pour  femme  Françoise  Le 
«  Normand  ,  la  septième  des  enfants  de  Gabriel  Le  Nor- 
«  mand  ,  sieur  du  Buchet ,  et  de  Marie  du  Pommeret. 

«  Quelques  années  après,  Gabriel-Auguste  de  Lyée  prenait 
«  le  titre  de  seigneur  de  Belleau,  du  Mesnil-Simon,  Cropus 
«  et  la  Crétinière.  Il  épousa  en  secondes  noces,  le  18  sep- 
a  tembre  17Zi9  ,  Marie-Charlotte  Labbey  de  La  Rocque ,  qui 
«  lui  donna  quatre  enfants.  L'aîné,  seul  fds,  Jean^Baptisle- 
«  Louis-Auguste  de  Lyée,  chevalier  mousquetaire  du  roi,  fut 
«  seigneur  de  Belleau  ,  Mesnil-Simon,  la  Crétinière  et  autres 
«  lieux.  Il  habitait  ordinairement  son  château  de  Courson.  » 

Maison  des  Douaires.  —  Tout  près  de  la  route  de  St- 
Julien  s'élève  une  maison ,  appelée  dans  le  pays  la  Maison 
des  Douaires, 

La  façade  principale  ,  qui  regarde  l'orient ,  est  construite 
en  pierre  et  brique  et  date  de  la  fin  du  XVIIP  siècle.  Elle 
est  flanquée,  à  l'une  de  ses  extrémités,  d'un  pavillon  carré. 
Les  arêtes  du  toit  sont  couvertes  de  cornicrsémaillés,  jaunes 
et  verts.  L'autre  pavillon  a  été  détruit. 

La  façade  occidentale ,  construite  en  bois ,  paraît  plus 
ancienne. 


396  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

M.  Charles  Vasseur  ne  pense  pas  que  la  maison  des 
Douaires  ait  été  un  fief  noble.  Elle  a  appartenu  à  des  per- 
sonnages assez  notables. 

Les  registres  de  la  paroisse  de  Lécaude  font  mention  de 
«  honorable  homme  Jehan  Mallet ,  sieur  des  Douayres  »  ,  à 
la  date  du  20  décembre  1586.  11  était  procureur  fiscal  au 
bailliage  vicomtal  de  Lisieux  ,  ce  qui  lui  valut  plus  tard  des 
lettres  de  noblesse. 

«  Il  paraît ,  dit  M.  Charles  Vasseur,  avoir  laissé  trois  fils , 
c  dont  l'aîné,  nommé  Jean  comme  son  père ,  fut  aussi  sieur 
«  des  Douaires.  Le  second  fut  sieur  de  Neufville  et  s'allia 
«  à  la  famille  de  La  Reue;  le  troisième  entra  dans  les  ordres 
«  et  devint  chanoine  de  Lisieux. 

«  Jean  Mallet  eut  un  fils,  nommé  Jean-Baptiste- Adrien  , 
«  qualifié  escuyer,  sieur  des  Douaires,  dans  les  actes  de  1685. 

«  Au  XVIIIe  siècle  ,  la  maison  des  Douaires  passa  en  la 
«  possession  de  la  famille  Jamot.  Jean  Jamot ,  sieur  des 
«  Douaires,  vivait  entre  1745  et  1750.  On  ne  le  voit  nulle 
«  part  qualifié  de  noble  homme  ou  écuyer.   » 

L'Armoriai  manuscrit  de  d'Ilozier  mentionne  le  nom 
«  d'Adrian  Fréard,  écuyer,  sieur  des  Douaires.  »  Il  des- 
cendait probablement  de  Pierre  Fréard  ,  receveur  des  tailles 
au  Pont-l'Évêque ,  anobli  en  1597. 

Ferme  de  la  Varanne.  —  Au  fond  d'un  étroit  vallon  que 
domine  la  route  de  Lisieux  à  St-Julien,  est  située  l'ancienne 
ferme  féodale  de  la  Varanne.  Cette  ferme  appartenait,  lorsque 
nous  l'avons  visitée,  à  M.  Deshayes,  alors  conseiller  à  la  Cour 
impériale  de  Caen. 

La  maison ,  construite  en  bois  avec  encorbellement ,  re- 
monte au  XVIe  siècle. 

A  l'entrée  de  la  cour  s'élève  un  très-beau  colombier  en 
pierre ,  dont  le  toit  offre  trois  jolies  lucarnes  décorées  de 
sculptures  variées. 


CANTON    DE    LISIEUX  ,    2*   SECTION.  397 

A  peu  de  distance  de  la  maison  se  développe  un  magni- 
fique étang.  L'eau  qui  s'échappe  de  cet  étang  forme  plusieurs 
cascades  et  fait  mouvoir ,  un  peu  plus  loin  ,  la  roue  d'un 
moulin  qui  dépend  aussi  de  la  ferme. 

Maladrerie.  —  Le  Mesnil-Simon  possédait  une  maladrerie 
qui  fut  réunie,  en  1698,  à  l'hôpital  général  de  Lisieux.  La 
chapelle  était  sous  l'invocation  de  saint  Jean  et  de  saint 
Laurent.  D'après  un  acte  de  1721  ,  elle  n'existait  déjà  plus 
alors. 

Le  terrain  sur  lequel  cette  chapelle  était  bâtie ,  après 
être  resté  long-temps  en  friche ,  fui  fieffé,  le  \U  août  1756, 
à  un  sieur  Martin,  laboureur,  moyennant  12  liv.  de  rente 
perpétuelle,  outre  les  charges  féodales  parmi  lesquelles  figure 
celle  de  réparer  les  mottes  du  château  de  St-Julien  une 
fois  pendant  la  vie  du  seigneur,  après  qu'il  en  aura  fait  faire 
la  première  perche. 


398 


STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 


CANTON  DE  MEZTDON. 


Le  canton  de  Mézidon  comprend  les  communes  suivantes 


St-Aubin-sur-Algot. 

Les  Authieux-Papion. 

Biéville-en-Auge. 

Bissières. 

Le  Breuil. 

Canon. 

Castillon. 

Coupesarte. 

St-Crespin. 

Crèvecœur. 

Croissanville. 

Doux-Marais. 

Écajeul. 

Grandchamp. 

St- J  ulien-Ie-Faucon. 


St-Laurent-du-Mont. 

Lécaude. 

St-Loup-de-Fribois. 

St-Maclou. 

Magny-le-FreuIle. 

Ste-Marie-aux-Ang!ais. 

Méry-Corbon. 

Mesnil-Mauger. 

Mézidon  (chef-lieu). 

Mon  teille. 

Nolre-Dame-de-  Livaye. 

St-Pair-du-Mont. 

Percy. 

Querville. 

Quetiéville. 


Nous  commencerons  la  revue  monumentale  de  ces  com- 
munes par  celle  de  Lécaude,  et  nous  examinerons  ensuite 
celles  qui  sont  situées  du  côté  droit  de  la  rivière  de  Vie  en 
allant  vers  le  nord. 

LÉCAUDE. 


Lécaude ,  Calida  ,  Sancia  Maria  Calida. 
L'église  de  Lécaude  est  une  construction  d'une  certaine 
importance  pour  la  contrée  ;  elle  se  compose  d'un  chœur  à 


CANTON    DE   MÉZ1DON.  399 

chevet  rectangulaire  en  retrait  sur  la  nef,  ayant  deux  travées  ; 
la  nef  en  a  trois. 

Si  l'on  fait  abstraction  d'abord  de  la  façade  occidentale  qui 
est  moderne,  de  différentes  reprises  et  des  fenêtres  dont 
nous  allons  indiquer  approximativement  les  dates,  l'ensemble 
de  cette  église  me  paraît  du  XIIe  siècle.  On  y  voit  des  appa- 
reils en  arêtes  de  poisson  ;  les  contreforts  sont  plats ,  au 
nombre  de  quatre  de  chaque  côté  des  murs  latéraux  de  la 
nef,  et  de  trois  dans  ceux  du  chœur.  Les  murs  n'ont  pas  de 
corniche  ou  d'entablement.  J'ai  remarqué  divers  morceaux 
de  travertin  dans  les  appareils. 

Je  disais  que  le  mur  occidental  est  moderne,  ainsi  que  la 
grande  porte  actuelle;  il  est  évident  pour  moi  qu'une  porte 
romane  existait  avant  cette  reconstruction ,  car  on  voit  des 
moulures  qui  me  paraissent  en  provenir  parmi  les  moellons 
employés  dans  la  construction  du  mur  actuel. 

Il  existe  encore  trois  des  fenêtres  primitives  :  deux  au  nord 
et  une  au  sud  ;  ce  sont  des  ouvertures  en  forme  de  meur- 
trières ,  arrondies  au  sommet.  Les  autres  fenêtres  appartien- 
nent au  style  flamboyant  et  sont  divisées  en  deux  baies. 

Le  chœur  montre  d'abord  au  nord  et  au  sud  de  la  pre- 
mière travée  deux  petites  portes  assez  élégantes ,  ornées  de 
moulures  de  transition  ;  puis ,  du  côté  du  nord ,  deux  fe- 
nêtres qui  paraissent  du  XIIIe  siècle  :  l'une  dans  la  première 
travée,  près  d'une  des  portes  que  nous  venons  de  citer,  se 
compose  d'une  seule  baie  en  forme  de  lancette;  l'autre,  à 
deux  baies ,  éclaire  le  sanctuaire.  L'une  et  l'autre  sont  pro- 
tégées d'une  grille  en  fer. 

Un  anléfixe  couronne  le  gable  qui  sépare  le  chœur  de  la 
nef. 

La  tour,  en  bois,  conforme  aux  tours  de  la  région,  c'est-à- 
dire  offrant  un  carré  surmonté  d'une  aiguille  à  huit  pans , 
couverte  d'ardoises  ou  d'essente ,   correspond  à  la  première 


400  STATISTIQUE   MOiNUMEMALE   DU   CALVADOS. 

travée  de  la  nef  et  renferme  une  cloche  dont  l'inscription  a 
été  lue  ainsi  par  M.  Bouet: 

f  1657.   Révérend  PERE  clavde  ciien  o  i  dk  s,c  barbe  en  auge  ma  be.mste 

DOMP  PIERRE  FORTIN    PRIEVR  DE  CE    LIKV  MSr  IACQVES 

@p^    DVVAL  ESCr  SGr    DE  LESCAVDE  BONNEVAL  b'-CRESPIN    CALLIGNY ET 

AUTRES  CONer  DV  ROY  EN  SON    PARLEMENT  DR 

@J^    NORMENDIE  ET    DAME  IEANXE  DE  BEAVREPAIRE    FEMME    DK  MSr  PIERRE 

DK  CAUVIGNY    SGr  DV  BREVIL  MONT    NOMMÉE    THOMAS    DVVAL  Tr. 

JEHAN    AVBEBT 

MA    FAICTE. 

Au  haut  de  la  cloche  est  un  écusson  à  la  fasce  vivrée. 

La  flèche  repose,  à  l'intérieur  de  la  nef,  sur  une  char- 
pente portant  la  date  de  1738.  Sur  les  poutres  verticales  qui 
la  supportent  ou  distingue,  sous  le  badigeon,  les  traces  d'une 
litre  à  deux  écussons:  le  premier,  de  gueules  à  la  fasce  vivrée 
d'or;  le  second,  plus  effacé,  d'or  au  cœur  de  gueules, 
surmonté  d'un  chef  dont  je  n'ai  pu  distinguer  les  pièces. 

Intérieur.  —  Le  chœur  est  subdivisé  en  deux  travées  voû- 
tées en  pierre.  Les  arceaux  croisés  se  composent  de  trois 
grosses  moulures  toriques.  L'arc-doubleau  est  un  cinire  sans 
moulures ,  et  il  retombe  sur  deux  pilastres  surmontés  seule- 
ment d'un  tailloir,  commun  aux  chapiteaux  des  colonnettes 
sur  lesquelles  reposent  les  arceaux  et  qui  cantonnent  le  pi- 
lastre. Sur  ces  chapiteaux  on  voit  des  godrons ,  des  entrelacs, 
des  têtes  de  lion  ,  etc. 

La  piscine  construite  dans  le  mur  méridional  du  chœur  est 
ogivale ,  à  deux  cuvettes.  On  n'y  voit  aucune  moulure. 

Les  deux  piscines  des  autels  de  la  nef  sont  seulement  du 
XVIe  siècle.  Celle  du  nord  est  en  saillie  sur  le  mur,  riche- 
ment sculptée  de  feuilles  de  chou  frisées  et  posée  sur  une 
colonnelte. 


CANTON   DE    MÊZIDON.  401 

La  nef  n'est  point  voûtée;  elle  n'a  qu'un  plafond  posé  sur 
les  entrails  de  la  charpente.  Une  inscription  ,  creusée  sur 
l'un  des  montants  qui  supportent  le  clocher,  porte  à  croire 
que  cet  état  de  choses  date  seulement  de  1738.  Sans  doute, 
auparavant,  la  nef  était  couverte,  comme  le  chœur,  par 
une  voûte  en  pierre  qui  se  sera  écroulée.  On  voit  encore  les 
piliers  carrés  d'un  arc-doubleau  avec  son  chapiteau  godronné. 

Du  côté  de  la  nef,  l'arc  triompha]  a  reçu ,  probablement 
sous  le  règne  de  Louis  XIV,  une  addition  assez  gracieuse.  C'est 
une  corniche  légèrement  cintrée,  soutenue  par  une  série  de 
petites  consoles  délicatement  moulurées.  Deux  vases  à  flammes 
amortissent  les  extrémités  de  la  corniche. 

(Je  travail  en  pierre  relie,  en  quelque  sorte,  les  deux  petits 
autels  placés  à  droite  et  à  gauche.  Ces  autels  sont  également 
en  pierre.  Leur  rétable,  à  fronton  brisé  ,  est  soutenu  par  des 
colonnes  torses  autour  desquelles  s'enroule  une  vigne.  Dans  le 
chœur,  du  côtédu  nord,  on  lit  l'inscription  lumulaire  suivante: 

CY    DEVANT 

REPOSE    LE    CORPS   DE    Mre    LÉON 

THOMAS   CHlc9    DIVAL 

DE    LvSCAL'DE   CHIer    CONer   AU 

PARLEMENT    SEANT    A    ROURN 

DECEDE    LE 

JAN0r    1765    AGE    DE 

32    ANS    3    MOJS 

Priez  Dieu  pour  luy. 

Quelques  statues  anciennes  méritent  d'être  signalées  :  un 
saint  Nicolas,  un  saint  Jacques,  une  sainte  Barbe  miniaturée 
et  un  saint  évèque  revêtu  de  la  chasuble  antique.  L'orfroi 
antérieur  est  formé  de  trois  médaillons  servant  de  cadres  à  des 
personnages  en  bustes.  Les  deux  premiers  sont  des  chevaliers 
armés  de  toutes  pièces;  l'autre  parait  être  une  femme.  Faut-il 
voir  dans  ces  trois  figures  celles  des  donateurs  de  la  statue? 

L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.   Elle  faisait 

20 


402  5TATISTIQDB   MONUMENTALE    f)U   CALVADOS, 

partie  du  doyenné  de  Mesnil-Maugor.  Le  patronage  apparte- 
nait au  prieuré  de  StP-Barbe  ;  le  curé  avait  la  qualification  de 
prieur.  Il  est  présumable  que  ce  patronage  avait  été  donné 
aux  religieux  en  même  temps  que  les  dîmes ,  c'est-à-dire  en 
1180,  par  Adam  Fitz-Thomas ,  chanoine  de  Lisieux ,  et 
Robert  Fitz-Faucon,  son  neveu. 

On  remarque  des  traces  de  litre  à  l'extérieur  de  l'église. 

Un  très-bel  if  existe  dans  le  cimetière,  à  la  hauteur  du 
chœur,  au  sud. 

Lécaude  dépendait  de  l'élection  de  Pont-l'Évêque  ,  sergcn- 
terie  de  St-Julien-le-Faucon  ;  on  y  comptait  3  feux  privilé- 
giés et  76  feux  taillables  :  595  habitants,  tandis  qu'il  n'y  en  a 
plus  que  269. 

Croix  byzantine  et  ancienne  chasuble.  —  M.  Billon  avait 
signalé  l'existence,  dans  la  sacristie  de  Lécaude,  d'une  chasuble 
ancienne  et  d'une  curieuse  croix  romane.  Cette  croix  est  en 
cuivre,  avec  émaux  et  pierreries;  elle  a  34  centimètres  de 
largeur  sur  50  de  hauteur,  sans  compter  la  douille  qui  est 
moderne.  On  y  distingue  le  Christ,  couronne  en  tête,  entre  la 
Sainte-Vierge  et  saint  Jean  à  mi-corps.  Au  revers ,  on  voit 
encore  les  symboles  de  deux  Évangélisles.  Le  médaillon  cen- 
tral manque. 

Quant  à  la  chasuble,  elle  est  à  personnages  en  broderie  de 
soie  et  d'or;  le  dessin  est  très  large  et  la  broderie  en  a  bien 
conservé  l'esprit.  Ce  dessin  se  compose  d'une  série  de  niches 
contenant  chacune  un  saint  nimbé,  et  derrière  lui,  un  person- 
nage à  robe  longue  et  chaperon.  La  chasuble  et  la  croix  de 
Lécaude  doivent  avoir  été  achetées  par  la  Société  des  Anti- 
quaires de  Normandie  et  se  trouver  dans  la  collection  qu'elle 
a  formée. 

Manoir  et  fief.  —  Le  fief  de  Lécaude  a  été  successivement 
possédé   par  les  Thabarye ,    les   Bouleiller  et    les  Duval  de 


CAINTON    DE    MÊZIDON.  UO?) 

Bonneval,  dont  une  branche»  emprunta  le  nom  de  Lescaude. 
Un 'grand  nombre  de  gentilshommes  ou  de  bourgeois, 
vivant  noblement,  habitaient  aussi  sur  cette  paroisse  ;  on  peut 
citer  les  Filleul  de  Saint- Martin  ,  Lambert  du  Val  ,  un  des 
cent  gentilshommes  de  la  maison  du  roi  ;  Lambert  de  La 
Chapelle,    de    Lespée. 

Le  fief  de   (ireveuil  était  aussi  sur  Lécaude. 
«  Néanmoins,  dit  \I.   Ch.  Vasseur,  je  ne  connais  qu'une 
seule  maison  intéressante  au  point  de  vue  archéologique,  on 
la  nomme  les  Demaines. 

«  Elle  fut  bâtie  au  XVIe  siècle  ,  au  milieu  d'une  terre  de 
60  acres,  probablement  par  Louis  Thabarye,  sr  des  Demaines, 
dont  les  descendants  la  possédaient  encore  au  XVIIe  siècle. 
a  Elle  est  située  sur  un  coteau  ,  construite  en  bois,  et  sa 
façade  présente  une  assez  grande  étendue.  Le  comble  est 
éclairé  par  trois  lucarnes  essentées.  Les  fenêtres  du  premier 
étage  ont  leurs  angles  supérieurs  légèrement  arrondis.  Les 
sablières  en  encorbellement  sont,  suivant  l'usage,  sculptées 
d'imbrications,  de  chevrons,  d'oves,  etc.  Le  rez-de-chaussée 
a  été  repercé ,  mais  on  y  voit  toujours  la  porte  primitive  en 
accolade  avec  pinacles  et  feuilles  frisées.  Au  tiers  à  peu  près 
de  la  façade  se  trouve  un  porche  en  avant-corps;  mais  il  paraît 
être  une  addition. 

«  La  façade  postérieure,  regardant  le  jardin  disposé  en  ter- 
rasse sur  la  déclivité  de  la  côte  ,  n'est  pas  moins  soignée  que 
la  façade  principale.  Une  tourelle  contient  l'escalier. 

«  A  l'intérieur,  on  rencontre  encore  dans  toutes  les  pièces 
des  vestiges  de  carrelages  émaillés  ;  les  cheminées  ont  con- 
servé leurs  vastes  manteaux.  L'une  d'elles  est  un  véritable 
monument  et  mériterait  un  dessin.  Elle  se  trouve  dans  la 
grande  salle,  au  rez-de-chaussée.  Deux  colonnes  cylindriques, 
avec  leurs  bases  et  leurs  chapiteaux  bien  profilés  ,  soutiennent 
la  hotte   décorée  ,  sur  son  bord  inférieur  ,  de  moulures  gra- 


k®U         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

cieusement  courbées ,  qui  se  réunissent  en  accolade  au 
centre.  Une  large  corniche  soutient  le  plafond.  La  frise  in- 
termédiaire était  occupée  par  des  peintures,  encore  assez 
visibles.  Elles  se  partageaient  en  deux  sujets.  De  l'un  on  re- 
trouve des  arbres,  un  personnage  et  quelques  accessoires; 
mais  il  est  impossible  de  saisir  la  signification  de  la  scène 
figurée.  L'autre  représente  l'Annonciation.  Dans  les  creux 
des  moulures  courent  des  rinceaux  capricieux,  dans  les  feuil- 
lages desquels  se  jouent  de  petits  personnages  dont  les  poses 
et  les  costumes,  qui  sentent  la  Renaissance,  sont  peu  d'accord 
avec  le  sujet  religieux  au-dessous  duquel  ils  sont  placés. 

u  L'ornementation  générale  de  la  salle  correspondait  à  la 
richesse  de  la  cheminée.  Les  sommiers  et  les  poutrelles  du 
plafond  étaient  peints  de  rinceaux  et  de  cartouches.  On 
remarque  aussi  sur  les  murs  quelques  traces  de  décoratfon 
polychrome.  » 

SAINT-CRESP1N. 

St-Crespin,  Sancius  Stephanus  de  Laillier  (1). 

L'église  de  St-Crespin  est  une  des  plus  insignifiantes  de  la 
contrée.  Elle  se  Compose  d'une  nef  rectangulaire  et  d'un 
chœur  terminé  en  demi-cercle. 

La  nef  paraîtrait  la  partie  la  plus  ancienne  ,  à  en  juger  par 
l'appareil  et  les  contreforts  ;  mais  toutes  les  fenêtres  sont  carrées 
et  refaites.  Le  mur  de  l'ouest  paraît  être  du  XVIIe  siècle,  aussi 
bien  que  la  porte  arrondie  et  sans  style  qui  s'ouvre  au  centre. 

Le  chœur,  bâti  en  brique  avec  chaînages  en  pierre ,  paraît 
dater  du  XVIIe  siècle.  Plusieurs  pierres  tombales  existent 
dans  le  sanctuaire. 

La  tour,  en  bois ,  conforme  à  toutes  celles  que  nous  avons 

(1)  V.  le  pouillé  du  diocèse  de  Lisieux,  publié  par  MM.  Le  Prévost 
et  de  Formevilie. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  605 

déjà  décrites,  couronne  l'extrémité  occidentale  de  la  nef.  Elle 
renferme  une  cloche  dont  l'inscription,  que  voici,  a  été  relevée 
par  M.  Pépin  : 

j'Ai  ÉTÉ  BÉNITE  PAR  Me  JEAN  HENRY  DU  CELLIER  ET  NOMMÉE  PAR  Me  LÉON 
THOMAS  CHARLES  DU  VAL  DE  LÉCAUDE,  SGr  ET  PATRON  DE  S1  CRESPIN,  HODF.NY 
ET  AUTRES  LIEUX,  ANCIEN  MAIRE  DE  LA  VILLE  DE  ROUEN,  ET  PAR  HAUTE  ET 
PUISSANTE  DAME  MADAME  CÉCILE  HENRIETTE  DUMESN1L,  FEMME  DE  HAUT  ET 
PUISSANT  SEIGNEUR  GUY  CLAUDE  NICOLAS  DUVAL  DE  BONNEVAL  ,  CHATELAIN 
SSr  ET  PATRON  DE  LA  HOULLONNlÈRE  ET  AUTRES  LIEUX,  PRÉSIDENT  A  MORTIER 
AU  PARLEMENT  SÉANT  A  ROUEN.     1763. 

Avant  la  Révolution,  l'église  était  sous  l'invocation  de  saint 
Etienne  ;  l'abbé  du  Bec  nommait  à  la  cure. 

CERQUEUX. 

Cerqueux,  Sarcophugi. 

l/église  de  Cerqueux  a  été  complètement  démolie  ;  elle 
était  située  près  d'un  manoir ,  bâti  sur  une  éminence  au 
pied  de  laquelle  passe  le  chemin  de  fer  de  Caen  à  Paris  et 
qui  n'offre  rien  de  remarquable.  On  distingue  encore  l'em- 
placement du  cimetière.  Le  nom  latin  de  cette  commune , 
Sarcophagi,  semblerait  annoncer  qu'on  y  a  trouvé  des  cer- 
cueils en  pierre. 

MOUTEILLES. 

Mouteilles,  Monticellœ,  ecclesiade  Moniicellis,  de  Moutellis. 

L'église  de  Mouteilles  plaît  par  son  ensemble  et  par  ses 
proportions  modestes,  mais  harmonieuses. 

Elle  appartient,  en  grande  partie,  au  style  roman  de  la  fin 
du  XIIe  siècle  ou  de  transition;  elle  a  conservé,  presque 
intacte ,  sa  corniche  garnie  de  modifions  à  figures. 

Ses  fenêtres  étaient  primitivement  très-étroites  et  cintrées; 
il  n'en  reste  plus  qu'une,  qui  montre  ce  qu'étaient  les  autres. 
Aujourd'hui,  presque  toutes  les  ouvertures  appartiennent  au 
style  flamboyant. 


IM  STATISTIQUE   MOUMLNTALE    DH    CALVADOS. 

Une  fenêtre  de  ce  style ,  beaucoup  plus  large  que  les 
autres  et  divisée  en  plusieurs  baies,  a  été  ouverte  à  l'extré- 
mité de  la  nef,  du  côté  du  nord,  pour  éclairer  un  des  petits 
autels  qui  accompagnent  l'arc  triomphal  ;  c'est  la  plus  re- 
marquable par  ses  grandes  dimensions,  mais  ce  n'est  pas 
la  plus  élégante. 

Le  chœur  et  la  nef  sont  de  la  même  largeur;  six  contre- 
forts garnissent,  de  chaque  côté,  les  murs  latéraux. 

Le  portail  occidental  a  été  refait  et  n'est  pas  ancien;  il  est 
précédé  d'un  porche  en  bois  ;  on  y  voit  les  traces  d'une  litre 
ornée  de  deux  écussons  coloriés. 

La  tour,  en  bois,  de  forme  carrée  avec  toit  pyramidal  octo- 
gone, surmonte  l'extrémité  occidentale  de  la  nef;  elle  est, 
comme  dans  beaucoup  d'autres  églises  du  pays,  portée  sur 
une  charpente  dont  les  poteaux  sont  apparents  à  l'intérieur 
de  l'église.  Elle  renferme  deux  cloches  :  l'une  fondue  en 
1804,  par  Lavilletle,  de  Lisieux,  Louis  Turquetil  étant 
maire  de  la  commune;  l'autre  fondue  en  1854. 

La  voûte  en  bois  de  cette  nef  est  parfaitement  conservée  et 
dune  grande  élégance.  Les  douves  qui  forment  le  contour 
apparent  de  la  voûte  ont  reçu  ,  près  des  lignes  de  jonction, 
des  peintures  noires  exécutées,  selon  toute  apparence,  à  l'aide 
d'un  canon  ou  planchette  découpée,  comme  on  le  fait  encore 
aujourd'hui  pour  certains  dessins.  Les  lignes  de  jonction  ont 
été  dissimulées  par  des  tringles  sculptées.  J'ai  expliqué  ce 
système  de  décoration  dans  mon  Abécédaire  d'archéologie , 
p.  657  de  la  /ie  édition.  Dans  l'église  de  Mouleillcs,  les  tirants 
ou  poutres  traversières  qui  portent  les  poinçons  ont  été  re- 
vêtus de  planches  qui  donnent  à  la  poutre  une  forme  plus  ré- 
gulière ;  ils  sont  décorés  de  caissons  dans  le  style  de  la 
deuxième  Renaissance. 

Ce  système  de  voûtes  en  bois  ivest  nulle  part  mieux  conservé 
qu'à  Mouteilles;  dans  le  chœur,  on  les  a  malheureusement 
peintes  en  blanc. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  607 

11  paraît  que  la  Fabrique  est  aussi  dans  l'intention  de  faire 
disparaître  les  beaux  lambris  de  la  nef,  pour  leur  substituer 
une  voûte  en  plâtre.  Ce  serait  un  acte  de  vandalisme  et  de 
mauvais  goût,  contre  lequel  je  me  suis  élevé  très-vivement; 
mais  il  est  probable  que  la  chose  se  fera  plus  tard ,  car  on 
m'a  affirmé  que  le  défaut  d'argent  a  seul  arrêté  jusqu'ici. 

On  doit  désirer  que  les  Fabriques  restent  toujours  dans  la 
plus  grande  pauvreté,  quand  on  voit  comment  elles  emploient 
partout  leurs  richesses.  Je  désire,  pour  le  salut  des  lambris 
de  Mouteilles,  que  les  coffres  du  trésor  restent  toujours  vides 

Un  autel  moderne,  à  colonnes,  garnit  le  fond  du  sanctuaire 
et  produit  un  bon  effet.  Une  fenêtre  a  été  bouchée,  par  suite 
de  l'établissement  de  cet  autel  à  grand  rétable  ;  elle  se  trouve 
d'ailleurs  cachée  par  la  sacristie ,  qui  est  appliquée  sur  le 
chevet;  deux  petits  autels  existent  à  l'extrémité  de  la  nef, 
des  deux  côtés  de  l'arc  triompha', 

L'église  de  Mouleilles  est  sous  l'invocation  de  saint  Ouen;  le 
seigneur  nommait  à  la  cure.  Une  famille  de  Malnouri  a  été 
en  possession  de  ce  privilège,  du  XIVe  au  XVIe  siècle  et  pro- 
bablement plus  tard. 

11  existe  dans  le  cimetière  un  certain  nombre  d'inscriptions 
tumulaires ,  qui  toutes  ont  été  relevées  par  M.  le  docteur 
Pépin.  La  plupart  se  rapportent  à  des  membres  de  la  famille 
de  Tesson,  à  la  famille  Palcrelle  de  Touvoye  et  aux  curés  qui 
ont  desservi  la  paroisse. 

Château  de  M  ont-à-la- Vigne.  —  Ce  château  s'élève  sur 
une  éminence  arrondie,  au  milieu  des  prairies  qui  occupent 
la  vallée  de  la  Vie.  Il  n'a  plus  sa  sévérité  d'autrefois.  Une 
tourelle  et  quelques  détails  montrent  seulement  ce  qu'il  fut, 
et  les  annales  des  guerres  de  religion  attestent  qu'il  a  joué 
un  rôle  au  XVIe  siècle. 


Ù08         STATISTIQIE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CANTON    DE   MÉZiDON  U09 

Le  plan  ci-joint  (Voir  la  page  précédente)  montre  la  dispo- 
sition des  bâtiments  autour  de  la  cour  actuelle,  les  fossés, 
les  tours  qui  défendaient  l'enceinte  ;  la  plupart  doivent 
dater  du  XVIe  siècle  ou  du  XVe. 


^!*,i^ 


AT. 
UNE  FENÊTRE  DU  CHATEAU  DE  MONT-A-LA-VIGNE. 

Ce  château  appartient,  depuis  long-temps  déjà,  à  la  famille 
de  Tesson. 


LIVAYE. 


Livaye  ,  ecclesia  de  Lxveya. 

L'église  de  Livaye,  bâtie  sur  le  coteau  qui  domine  la  route 
de  Crèvecœur  à  Lisieux,  par  la  Iloublormière  et  la  Boissière, 
se  compose  d'une  nef  et  d'un  chœur  en  retrait  sur  la  nef, 
avec  chevet  rectangulaire. 

La  maçonnerie  de  cette  église  n'offre  pas  de  caractères 
suffisants  pour  que  j'en  indique  absolument  la  date  ,  et  il  est 


410  STAT1STIQCE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

probable  que  l'édifiée  a  été  en  grande  partie  refait ,  car  on 
distingue  dans  le  mur  nord  de  la  nef  quelques  portions  qui 
paraissent  d'une  époque  plus  ancienne  que  tout  le  reste. 

Les  fenêtres  ont  d'ailleurs  été  percées  ou  agrandies  à 
diverses  époques.  On  en  voit  une  à  deux  baies  avec  compar- 
timents flamboyants  au  sommet  dans  le  mur  latéral  du  nord, 
et  dans  le  même  mur  deux  autres  fenêtres  modernes. 

Du  côté  du  sud,  plusieurs  fenêtres  paraissent  de  la  fin 
du  XVIe  siècle;  une  autre  est  moderne. 

Un  cadran  solaire  incrusté  dans  la  partie  supérieure  du 
mur,  à  son  extrémité  orientale  ,  et  décoré  de  quelques  mou- 
lures ,  me  paraît  du  XVIIe  siècle  :  il  porte  un  millésime 
dont  deux  chiffres  ont  été  endommagés  ;  on  distingue  très- 
bien  25,   et  je  suppose  qu'il  y  avait  1G25. 

La  façade  occidentale  de  l'église  est  du  siècle  dernier  et 
n'a  pas  encore  cent  ans,  ainsi  que  le  prouve  l'inscription 
suivante,  gravée  sur  une  pierre  placée  dans  la  partie  supé- 
rieure du  fronton  : 


J  AI     ETE      HEFMTE 

PAR    LES 

CORBLINS 

EN    MIL   SEPT 

CENT    SOIXANTE 

SIX 


La  porte  qui  s'ouvre  dans  cette  façade  est  en  cintre  sur- 
baissé et  surmontée  d'un  oculus. 

L'intérieur  de  l'église  de  Livaye  offre  une  particularité 
que  je  dois  signaler  :  c'est  que  la  charpente  de  la  nef  et 
du  chœur  est  portée  sur  des  poteaux  apparents  à  l'intérieur 
et  détachés  des  murs.  Ces  poteaux  supportent  les  sablières 
et  les  tirants,  de  telle  sorte  que  c'est  à  peine  si  les  murs  ont 
à  porter  l'extrémité  des  chevrons.  Ce  système  a-t-ilété  adopté 


CANTON    DE   MÊZIDON.  Ml 

en  même  temps  que  l'on  a  bâti  les  murs ,  ou  bien  a-t-il  été 
introduit  après  coup  ?  C'est  ce  que  j'ignore. 

Deux  petits  autels  existent  entre  chœur  et  nef.  Le  maître- 
autel  occupe  le  fond  du  chœur,  et  son  rétable  tapisse  le  mur 
du  chevet.  On  lit  sous  un  tableau,  à  droite  du  maître -ou  tel  : 

JACQUES  LE  HÉRICHER  ET  ANNE  DE  LA  CROIX,  SA  FEMME,  ONT  DONNÉ  CE 
TABLEAU.    PRIEZ    DIEU    POUR    EULX.    1670. 

Une  tour  en  bois ,  quadrangulaire  à  sa  base  ,  garnie  d'ar- 
doise et  surmontée  d'une  flèche  comme  presque  toutes  celles 
de  la  contrée,  s'élève  entre  le  chœur  et  la  nef. 

L'église  de  Livaye  était  sous  l'invocation  de  Notre-Dame. 
Le  seigneur  nommait  à  la  cure.  Au  XIVe  siècle,  le  présen- 
tateur était  Louis  de  ïhibouville;  au  XVIe,  c'était  le  seigneur 
de  Thury  et  de  Dangu. 


ST-AUBIK-SUR-ALGOT. 

St-Aubiu-sur-Algot  ,  Sanctus  Albinus  super  Algot. 

L'église  de  St-Aubin-sur-Algol ,  qui  offre  divers  sujets 
d'étude  ,  avait  été  l'objet  d'une  description  de  M.  Billon  , 
qui  se  retrouvera  peut-être  dans  ses  notes.  J'avais  visité 
cette  église  avec  lui ,  à  l'époque  où  l'on  reconstruisait  la  tour 
(1853).  Cette  tour,  que  l'on  distingue  parfaitement  du 
chemin  de  fer  ,  se  compose  d'un  corps  carré  en  pierre  ,  élevé 
sur  le  mur  occidental  ;  elle  se  termine  par  une  pyramide  en 
charpente  couverte  d'ardoises  ;  on  a  allongé  l'église  d'une 
travée  pour  asseoir  celte  tour,  et  l'on  a  ouvert  dans  le  mur 
occidental  une  porte  garnie  de  colonneltes  à  chapiteaux  dans 
le  style  du  XIIIe  siècle  (1). 

La  partie  ancienne  de  l'église  se  compose  donc  du  chœur 

(1;  M.  Nicolas,  architecte,  membre  de  la  Société  française  d\u- 
chéologie ,  est  l'auteur  de  celle  addition. 


M2  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

et  de  la  nef,  abstraction  faite  de  la  travée  qui  porte  le  clo- 
cher. Les  murs  de  toute  cette  partie  offrent  l'appareil  en 
arêtes  de  poisson  ,  au  moins  jusqu'à  une  certaine  hauteur  ; 
ils  sont  couronnés  d'une  corniche  avec  modillons  à  figures  ; 
les  contreforts  sont  peu  saillants.  Ces  caractères  sembleraient 
annoncer  que  l'église  appartient  au  style  roman  ,  et  pourtant 
les  fenêtres  les  plus  anciennes  que  l'on  y  voit  aujourd'hui  sont 
des  lancettes  très-étroites  qui,  peut-être,  ne  datent  que  du  com- 
mencement du  XIIIe  siècle.  Elles  sont  encore  au  nombre  de 
deux  dans  le  mur  septentrional  de  la  nef  ;  une  autre  existe 
dans  le  mur  méridional.  Toutes  les  autres  fenêtres  ont  été 
repercées.  Ainsi ,  on  en  voit  deux  dans  le  mur  méridional  de 
la  nef,  qui  sont  subdivisées  par  un  meneau  et  dont  le  sommet 
est  orné  d'un  quatre-feuilles  ;  elles  doivent  appartenir  à  la 
fin  du  XIVe  siècle  ou,  peut-être,  au  commencement  du  XVe. 

Des  fenêtres  moins  anciennes  et  de  proportions  très-mau- 
vaises éclairent  le  chœur,  qui  est  plus  élevé  que  la  nef  et 
terminé  par  un  chevet  droit. 

Plusieurs  crédences  existent  à  l'intérieur  de  l'église:  l'une 
géminée  dans  le  chœur;  deux  autres  trilobées  au  sommet ,  à 
l'extrémité  de  la  nef,  près  de  l'arc  triomphal  :  ce  qui  prouve 
que  le  placement  des  petits  autels  qu'on  voit  de  chaque  côté 
remonte  à  une  époque  ancienne ,  et  que  l'usage  d'accoster  cet 
arc  de  deux  autels  n'est  pas  nouveau. 

J'ai  remarqué  dans  le  chœur  un  lutrin  du  XVIe  siècle,  en 
bois,  dont  le  support  est  découpé  à  jour.  L'autel  offre  un 
grand  rétable  ,  décoré  de  deux  colonnes  corinthiennes  et  de 
deux  pilastres. 

Le  patronage  de  l'église  de  St-Àubin  appartenait  à  l'abbaye 
de  St-Pierre-sur-Dive  ;  mais  il  y  avait  dans  l'église  une 
chapellenie  érigée  en  bénéfice,  à  la  collation  du  plus  proche 
parent  du  fondateur. 

St-Aubin  était  compris  dans  le  doyenné  de  Mesn  il  -Manger, 
et  pour  le  civil  dans  l'élection  de  Pont-1'Évêque ,  sergenterie 


CANTON    DE   MÊZIDON.  M  3 

de  St-Julien-Ie-Faucon.  On  y  comptait  1  feu  privilégié  et 
60  feux  laillables  :  300  habitants.  Le  dernier  recensement 
en  a  trouvé  319. 

Un  if  ancien  existe  dans  le  cimetière  de  Si-Aubin  ;  c'est 
un  des  monuments  végétaux  les  plus  remarquables  du  dépar- 
tement. Le  tronc  ,  aujourd'hui  séparé  en  deux  parties  ,  offri- 
rait peut-être  9  à  10  pieds  de  diamètre,  si  la  partie  cen- 
trale était  conservée.  Il  mérite  d'être  signalé  à  l'attention  des 
touristes. 

Antiquités  romaines.  —  Le  territoire  de  Sl-Aubin-sur- 
Algot  renferme  des  tuiles  à  rebords  et  des  vestiges  d'habita- 
tions gallo-romaines  qui  ont  été  reconnues,  à  plusieurs  re- 
prises et  sur  plusieurs  points  différents,  par  M.  Delamare, 
membre  de  l'Association  normande. 

SAINT-PAIR-DU-MOST. 

L'église  de  Si-Pair ,  située  à  1  kilomètre  environ  de  l'an- 
cienne roule  royale  de  Paris  à  Cherbourg,  est  bâtie  à  l'extré- 
mité d'un  plateau  très-élevé  qui  domine  une  immense  étendue 
de  pays. 

La  construction  de  l'église  de  St-Pair  remonte  au  XIIIe 
siècle.  Le  chœur,  plus  élevé  que  la  nef,  était  éclairé  de 
chaque  côté  par  des  fenêtres  en  lancettes  dont  une  seule  a 
conservé  sa  forme  primitive.  Il  se  termine,  à  l'orient,  par  un 
chevet  droit,  percé  de  trois  lancettes  ;  la  Fabrique  de  St-Pair 
a  fait  rouvrir  ces  fenêtres,  qui  étaient  bouchées.  La  nef,  dont 
les  murs  ont  été  repercés  aux  XVIe  et  XVI  r"  siècles  ,  n'offre 
aujourd'hui  aucun  intérêt.  Le  clocher ,  en  charpente ,  qui 
surmonte  le  portail ,  renferme  une  cloche  provenant  de 
l'ancienne  église  de  St-Laurent-du-Mont ,  démolie  pendant 
la  Révolution;  elle  porte  la  date  de  1780  et  avait  pour 
parrain  «  haut  et  puissant  seigneur  Ilcnri-Ihomas-Iiobei  t 
d'Angenille ,   seigneur  et    patron    de  St-l.ouet-sur-Loson, 


h\h  STATISTIQlg   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


~E!(W>  S 


CANTON    DE    MÈZIDON.  l\\  5 

du  tàesnil-Lfury  ,  Hubertan-le-Vieox ,   Hubert  an  -le-Jeum», 

Colleville,  Chanteloup-sur-Feugère  et  autres  iieux;  »  et  pour 
marraine  «  haute  et  puissante  demoiselle  Marie-Françoise- 
Julie  de  Francqueville ,  baronne  de  Morainville ,  dame  et 
patronne  du  Mesnil-sur-Blangy ,  Livet  et  la  Couyère ,  dame 
et  patronne  honoraire  de  Beuviiliers.  » 

Parmi  les  œuvres  d'art  que  possédait  l'église  St-Laurent , 
on  remarquait  une  magnifique  exposition  dans  le  style 
Louis  XIV,  dont  la  forme  gracieuse  et  la  riche  ornementation 
faisaient  l'admiration  de  tous  les  connaisseurs.  Celte  œuvre , 
reléguée  pendant  long  temps  dans  un  coin  obscur  de  la  sa- 
cristie de  St-Pair,  a  été  habilement  restaurée  par  M.  Léonard 
et  placée  dernièrement  dans  le  chœur. 

L'autel  a  été  composé  et  exécuté  par  M.  Léonard.  Sur 
la  face  principale  est  représenté  le  Christ  au  tombeau. 

M.  Le  Vardois  a  décrit,  dans  le  Bulletin  monumental ,  le 
vitrail  qui  occupait  une  fenêtre  du  chœur  et  qui  a  disparu  , 
par  suite  de  travaux  faits  il  y  a  quelques  années  (V.  la  page 
suivante). 

Cette  verrière  a  ait  une  date  ;  elle  était,  en  outre,  remar- 
quable par  le  sei  é  $  hermines  et  de  fers  à-cheval  d'or, 
pièces  principales  des  armoiries  de  la  famille  de  Ferrières. 
Un  témoignage  ir.  écusable  se  trouvait  dans  l'inscription  du 


nom  de  cette  famille,  luxe  vu   1  tins  ^;«  tliit^es  au  1  as  de  la 


k\ 6  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

verrière.  Au  centre  de  la  vitre ,  on  avait  peint  des  corniches 
et  frontons  dont  quelques  restes  seulement  subsistent.   Ces 


ornements  servaient  d'encadremeûl  à  un  tableau.  Le  tout 
était  entouré  d'une  bordure  hardiment  exécutée.   Les  sujets 


CANTON    DE   MÉZIDON.  M  7 

ressortent  en  gris  sur  fond  jaune  d'or.  De  la  bouche  de 
l'ange  placé  au  sommet  descend ,  de  chaque  côté  ,  une  guir- 
lande de  fleurs  et  de  fruits  accostés  par  des  oiseaux  dont  la 
queue  se  termine  par  des  fleurons  recourbés; elle  forme  ainsi 
le  plus  élégant  cordon  d'arabesques  que  l'on  puisse  imaginer. 

La  réouverture  des  trois  fenêtres  à  lancettes  du  chevet  est 
une  heureuse  compensation  des  pertes  éprouvées,  pour 
l'archéologie ,  par  la  destruction  de  ce  vitrail. 

L'église  de  St-Pair  est  sous  l'invocation  de  saint  Paterne. 
Le  seigneur  nommait  à  la  cure;  le  curé  percevait  les  dîmes. 
Cette  paroisse  faisait  partie  de  l'exemption  de  Cambremer , 
et  conséquemment  du  diocèse  de  Baveux. 

ST-LOUP-DE-FRIBOIS  ET  CREVECŒUR. 

L'église  de  St-Loup-de-Fribois  est  celle  du  petit  bourg  de 
Crèvecœur.  L'église  de  St-Vigor  a  été|démolie.  Cette  église  (St- 
Loup)  offrait,  il  y  a  peu  d'années ,  dans  sa  partie  centrale  des 
détails  romans,  notamment,  du  côté  du  sud,  une  porte  garnie 
dezig-zag.  La  nef  paraissait  moins  ancienne  et  peu  caractérisée. 

Sur  la  porte  occidentale ,  qui  était  du  XVI*  siècle ,  on 
lisait  l'inscription  suivante  : 


INTROIBO   IN    DOMUM   TUAM 
DOMINE    ADORABO    AD    TEMPLUM 


SANCTUM    TUl'M    ET    CON 
FITEBOR    NOMINI    Tl*0. 


On  voyait  les  deux  écussons  suivants  dans  la  partie  supé- 
rieure. 


27 


418         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Des  travaux  considérables  d'agrandissement,  devenus  né- 
cessaires, ont  modifié  l'aspect  de  cette  église.  Elle  se  com- 
pose à  présent  d'une  nef,  de  deux  chapelles  allongées  formant 
transept  et  d'une  abside  semi-circulaire.  Les  murs  de  la 
précédente  église  ne  se  voient  plus  que  dans  quelques  parties 
de  la  nef,  à  l'extérieur.  Toutes  ces  additions  ont  été  faites 
en  briques  et  en  pierres.  On  a  imité  le  style  roman  pour  les 
détails  d'ornement.  Les  voûtes ,  en  plâtre ,  ont  des  arceaux 
que  supportent  des  colonnes  engagées  à  chapiteaux  romans  ; 
les  dispositions  sont  bien  entendues  pour  l'accès.  On  entre 
par  une  porte  principale  à  l'ouest  et  par  deux  autres  portes, 
ouvertes  l'une  et  l'autre  dans  le  mur  occidental  des  cha- 
pelles du  transept. 

On  lit  l'inscription  suivante  sur  une  plaque  de  marbre 
blanc  incrustée  dans  le  mur ,  à  gauche  en  entrant  dans 
la  nef  : 

SOUVENIR  DE  RECONNAISSANCE 

ÉDIFICE    AGRANDI    ET    RESTAURÉ    EN    1860    SOUS 

LA    DIRECTION    ET    PAR    LES    SOINS    DE    M. 

L'AÉRÉ    LEGUAY    ANCIEN    VICAIRE    GÉNÉRAL 

DE    L'ÉVÊCHÉ    DE    PERPIGNAN    CHANOINE 

HONORAIRE    DES    ÉVÊCHÉS    DE    BAYKIX    ET    DE 

VERSAILLES    NÉ    A     CREVECOEUR    LE    7 

AVRIL    1794. 

Le  clocher,  couvert  en  ardoise,  surmonte  la  partie  occi- 
dentale de  la  nef. 

Voici  les  inscriptions  des  deux  cloches  de  St-Loup-de- 
Fribois  ,   telles  que  les  a  transcrites  M.   le  docteur  Pépin. 

1700   j'AY     ESTÉ   BENITE    PAR     Mr   JACQVES    HVEERT     PBRE     CVRE    DE     CE 

LÏEV    ET    NOMMÉE    PAR    Mre DE  OLENSON    CHEVALIER   ET   SEIGNEYR 

MARQV1S   DE    COVRCY. 

JEAN    AVBERT    MA    FAITS. 


CANTON  De  mêzidon.  M 9 

Entre  chaque  mot  se  trouve  une  fleur  de  lis,  ou  une  fleur 
ornée  de  feuilles. 

Voici  l'inscription  de  la  seconde  cloche ,  qui  est  beaucoup 
moins  ancienne  : 

l'an  1834  j'ai  été  fondue  et  la  confrérie  pe  la  charité  de 
s*  loup  de  fribois  se   réunit  pour  me  paver 

j*ai  été  bénite  par  m.  jean  b  langlois  curé  de  fribois. 

Les  inscriptions  suivantes  se  lisent  sur  des  tombes,  dans 
le  cimetière  : 

CT    GIT 

LE    CORPS   DE 

MONSIEUR    THOMAS 

MANCHON    DE    LÉP1NEY 

DÉCÉDÉ    LE    \k    JUILLET    1808 

ÂGÉ    DE    85    ANS. 

CY    GIT 

LE    CORPS    DE 

MADAME    AÎSNE    OLIVE    FOUQUES    DORALLE 

ÉPOUSE    DE    MONSIEUR 

THOMAS   MANCHON 

DE    LÉPINEY    DÉCÉDÉE    EN    1805 

AGEE    DE    54    ANS. 

CY  GIT  LE  CORPS  DR  Mr  JEAN  BAPTISTE  LE  DARD,  ANCIEN  PROFESSKUR 
U  l'lmVKHSITÉ  DR  CAEN  ET  CURÉ  DE  S1  LOUP  DE  FRII1019  DÉCÉDÉ  LE 
28    JANVIER  1815  ,     ÂGÉ    DE     55     ANS. 

L'église,  dédiée  à  saint  Vigor ,  était  du  diocèse  de  Baveux 
et  comprise  dans  l'exemption  de  Cambremer,  élection  de  Pont- 
l'Évèque ,  sergenterie  de  Cambremer.  On  y  comptait  2  feux 
privilégiés  et  50  feux  taillablcs  ,  soit  250  habitants.  Aujour- 
d'hui on  en  compte  346. 


420  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

Bourg. —  Le  bourg  de  Crèvecœur,  qui  renferme  la  po- 
pulation agglomérée  de  la  commune ,  se  compose  d'une  rue 
assez  bien  bâtie,  au  centre  de  laquelle  est  la  halle  et  la 
mairie.  Le  marché  de  Crèvecœur  a  lieu  chaque  semaine. 
Je  n'ai  pas  trouvé  de  documents  sur  l'origine  de  ce  marché 
aux  Archives  du  Calvados  ;  mais  il  est  probable  qu'il  a  été 
très-anciennement  établi  par  les  seigneurs  de  Crèvecœur , 
dont  le  château  se  trouve  à  1  kilomètre  du  bourg. 

C'est  à  Crèvecœur,  et  aux  environs,  que  l'on  élève  les  re- 
marquables volailles  (poules  de  Crèvecœur)  qui  ont  tant  de 
réputation  en  France. 

Il  existe  à  l'extrémité  méridionale  du  bourg  de  Crèvecœur 
un  manoir  assez  remarquable,  bâti  en  bois  et  en  briques,  dont 
voici  l'esquisse  (  Voir  la  page  suivante). 

Prieuré  de  Fribois.  —  Pierre  de  Tilly,  ayant  pris  le  parti 
de  Philippe-Auguste  contre  Jean-Sans-Terre  ,  fut  comblé  de 
biens  par  ce  prince  ,  après  la  conquête  de  la  Normandie  en 
1204.  Philippe- Auguste  confisqua  les  terres  de  ceux  qui 
étaient  restés  fidèles  à  Jean-Sans-Terre  ,  et  les  donna  à  ses 
partisans ,  tantôt  gratuitement ,  tantôt  à  charge  de  rentes  à 
son  domaine.  Pierre  de  Tilly  en  obtint  plusieurs,  entr'autres 
celle  de  St-Loup-de-Fribois,  appartenant  à  Robert  de  Fribois, 
et  celle  de  Mesnil-Mauger. 

Ce  fut  alors  qu'il  fonda  le  prieuré  de  Notre-Dame-de- 
Fribois  et  le  donna  à  l'abbaye  de  Ste-Barbe-en-Auge. 

D'autres  seigneurs  augmentèrent  la  fondation  de  Pierre 
de  Tilly.  On  remarque  parmi  eux,  en  1209,  Robert  Mar- 
mion  ,  seigneur  de  Fontenay-le-Marmion  et  de  Brelteville- 
sur-Laize  ;  Robert,  seigneur  de  Vendeuvre  (1217);  Guillaume, 
archidiacre  d'Angers ,  et  principalement  Richard  fils  Henry, 
qui  donna  au  prieuré  le  patronage  de  Hérouville  ;  enfin  Odon 
de  Fribois ,  parent  de  Robert ,  passé  en    Angleterre  et  qui 


CANTON    DE   MÉZIDON, 


ft2l 


k'22  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

était  resté  propriétaire  d'une  partie  de  la  terre  de  St  Loup  , 
ratifia  toutes  les  donations  faites  au  prieuré,  en  ce  qui  con- 
cerne les  héritages  mouvant  de  son  fief. 

Château.  —  Le  château  de  Crèvecœur  se  compose  de  deux 
enceintes  entourées  de  fossés  profonds,  très-apparents  encore. 
Dans  la  première  enceinte,  est  une  chapelle  qui  paraît  dater 
des  premiers  temps  de  l'ère  ogivale  et  doit  conséquemment  re- 
monter à  la  fin  du  XIIe  siècle  ou  au  commencement  du  XIIIe  ; 
c'est  ce  qu'il  y  a  de  plus  ancien  dans  le  château.  Dans  la  se- 
conde enceinte,  qui  était  séparée  de  la  première  par  un  fossé 
particulier,  se  trouve  le  château  proprement  dit  ou  l'habitation 
seigneuriale;  c'est  un  corps-de -logis  allongé,  orienté  à  l'est  et 
adossé  aux  fossés  qui  entourent  la  place  du  côté  de  l'ouest. 
La  maçonnerie  peut  être  ancienne  dans  quelques  parties, 
mais  sans  offrir  de  caractères.  Des  changements  considérables 
paraissent,  d'ailleurs,  avoir  été  faits  à  diverses  époques.  A  l'ex- 
trémité de  ce  bâtiment,  vers  le  sud,  existe  une  tour  carrée  que 
l'on  appelle  le  donjon  et  qui  ne  paraît  pas  très-ancienne  :  nous 
en  avons  reproduit  une  esquisse ,  dans  notre  Abécédaire 
a" archéologie ,  d'après  le  croquis  de  M.  Bouet. 

En  somme ,  le  château  de  Crèvecœur  donne  encore  l'idée 
d'une  véritable  place-forte  du  moyen-âge  et  mérite  d'être 
visité.  Il  appartient  à  présent  à  M.  Lemasquerier,  négociant, 
membre  de  l'Association  normande  (1). 

La  famille  à  laquelle  ce  château  appartenait  au  moyen- 
âge  était  fort  ancienne. 


(1)  Depuis  que  cet  article  a  élé  écrit,  M.  Demiau  de  Crouzilhac, 
conseiller  à  la  Cour  impériale  de  Caen,  a  publié  un  article  très-inté- 
ressant sur  le  cbâteau  de  Crèvecœur.  Ce  mémoire  a  été  lu  dans  une 
des  séances  publiques  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  £23 

Jean  de  Crèvecœur  figure  dans  les  Rôles  de  l'Échiquier  de 
Normandie,  à  la  date  de  1195. 

Hugues  et  Guillaume  de  Crèvecœur  sont  mentionnés  dans 
des  chartes  de  la  fin  du  XIIe  siècle ,  intéressant  l'abbaye 
de  Troarn  (1). 

Après  la  conquête  de  la  Normandie  par  Philippe-Auguste , 
un  Jehan  de  Crèvecœur  fut  mandé  pour  se  rendre  à  l'ost  du 
Roi  en  1236. 

Occupé  par  les  Anglais  pendant  la  guerre  de  Cent- Ans, 
le  château  de  Crèvecœur  fut  reconquis  sur  eux  par  Dunois 
et  les  comtes  de  Clermont  et  de  Nevers  en  lkUS,  Dans  le 
siècle  suivant,  ce  château  servit  de  prison  à  Claude  de  Sainctes, 
évêque  d'Évreux ,  qui  avait  suivi  avec  trop  d'ardeur  le  parti 
de  la  Ligue.  Il  avait  été  pris  par  Henri  IV,  dans  la  ville  de 
Louviers,le  6 juin  1591. 

Alors  ,  comme  au  XVIIe  siècle  et  jusqu'à  la  Révolution  , 
la  seigneurie  de  Crèvecœur  appartenait  aux  Montmorency- 
Luxembourg. 

BIÉ  VILLE. 

Biéville  ,  Buyvilla ,  Boevilla,  Buevilta  ,  Buievilla. 

L'église  de  Biéville  est  moderne ,  éclairée  par  de  grandes 
fenêtres  sans  caractère  ,  et  elle  n'offre  aucun  intérêt  archéo- 
logique. 

Le  clocher  s'élève  au-dessus  du  portail  et  renferme  trois 
cloches  qui  ne  sont  pas  anciennes.  La  paroisse  de  Querville 
a  été  réunie  à  Biéville.  L'église  a  été  démolie  ;  la  cloche 
refondue  est  réunie  a  celles  de  Biéville. 


(1)  Voir  le   tome  IIe  de  la  Statistique  monumentale  du  Calvados 
p.  9/». 


U2U  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Dans  le  chœur  ,  du  côté  de  l'évangile  ,  on  lit  l'inscription 
suivante  sur  une  table  de  marbre  noir  portant  un  blason. 

CY    GIT 

TRES    HAUTE    ET    TRES    PUISSANTE 

DAME,    MADAME   ANNE    FRANÇOISE 

DE    LA    LONDE    DHIB8RVILLE 

DÉCÉDÉE   A   SON    CUATEAU    DE 

RUPIERRE    LE    20    OCTOBRE 

MDCCLXVII 

VEUVE    DE    TRES    HAUT    ET    TRES 

PUISSANT   SEIGNEUR    MESSIRE 

THOMAS    CHARLES   COMTE 

DE    MORANT 

MARÉCHAL    DES    CAMPS    KT   AIMÉES 

DU    ROI,    MORT    A    SON    CHATEAU 

DE    BRÉQUIGNT    PRÈS    RENNES    LE 

20    OCTOBRE    MDCCLXIII 

VERTUEUSE   SENSIBLE    ET    CHARITABLE 

ELLE    FUT    LE    BONHEUR    ET    L'EXEMPLE    DE    TOUS    CEUX 

QUI    VÉCURENT    AVEC    ELLE 

FAISANT    JOUIR    SON    ÉPOUX    DES   FRUITS    D'UNE    SAGESSE 

DONT    LES    LEÇONS  INSTRUISAIENT    SES  ENFANTS     (1). 

L'église  de  Biéville  est  sous  l'invocation  de  saint  Germain. 
Le  seigneur  nommait  à  la  cure.  Biéville  faisait  partie  de 
l'élection  de  Lisieux  :  on  y  comptait  30  feux,  environ  150 
habitants. 

Château.  —  Le  château  de  Biéville ,  sur  le  bord  de  la 
route  impériale  de  Caen  à  Lisieux,  ne  consiste  plus  que  dans 

(1)  Je  dois  la  transcription  de  cette  inscription  à  M.  le  docteur  Pépin. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  425 

un  pavillon  et  des  bâtiments  disposés  symétriquement  autour 
d'une  cour  carrée.  Les  piliers  de  clôture  bordant  la  route  se 
composent  d'assises  alternatives  de  briques  et  de  pierres.  La 
brique  a  été  employée  également  dans  la  construction  des 
bâtiments  dont  nous  venons  de  parler.  Un  vaste  jardin  existe 
derrière  le  château. 

L'inscription  que  nous  avons  citée  prouve  qu'au  XV1IP 
siècle  ce  château  appartenait  à  la  famille  de  Morant  ;  ce  qui 
existe  est  occupé  par  un  fermier,  et  le  domaine  a  passé  par 
succession  à  M.  le  marquis  du  Plessis-d'Argentré ,  membre 
de  l'Institut  des  provinces  de  France ,  mort  il  y  a  quelques 
années.  Ses  héritiers  possèdent  encore  la  terre  de  Biéville.  On 
sait  que  la  famille  Duplessis-d'Argenlré  est  une  des  plus 
illustres  de  la  Bretagne. 

M.  le  docteur  Pépin  annonce  qu'il  existe  à  Biéville  un 
champ,  nommé  le  champ  de  la  Bataille,  dans  lequel  on  a 
trouvé  des  armes  et  des  ossements,  et  qu'à  peu  de  distance 
il  a  existé  une  chapelle  qui  a  été  démolie.  Sont-ce  là  des 
indices  du  campement  de  Louis  d'Outremer,  lors  de  la  bataille 
de  Groissanville  ?  Nous  n'osons  rien  conjecturer  à  ce  sujet. 

QUEKV1LLE. 


Querville  ,  ecclesia  de  Caprea  de  QuerviUa. 

L'ancienne  paroisse  de  Querville  ,  réunie  à  Biéville  ,  était 
de  l'élection  de  Falaise  ,  sergenlerie  de  St-Pierre-sur-Dive  , 
et  comptait  76  feux  ,  environ  380   habitants. 

Les  deux  paroisses  réunies  n'en  possèdent  plus  que 
276. 

C'était  au  fief  de  Vaux ,  situé  sur  le  territoire  de  Quer- 
ville ,  qu'appartenait  le  patronage. 

L' Armoriai   de  d'Hozier  nous  fait  connaître  le   nom  de 


426  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Jacques  de   La  Lande ,   seigneur  de    Ouerville.   Il   portait 
d'argent  au  sautoir  de  gueules. 

Au  XVIIIe  siècle ,  Querville  appartenait  à  la  famille  de 
Fergant,  comme  beaucoup  d'autres  terres  des  environs  (1). 

Q17LTIÉ  VILLE. 

Quetiéville  ,  Quetevilla,  Quetienvilla. 

L'église  de  Quetiéville,  dans  la  maçonnerie  de  laquelle 
on  remarque  quelques  pierres  disposées  en  arêtes  de  poisson, 
appartient  pourtant  au  style  ogival  primitif.  Au  chevet  sont 
trois  ouvertures  en  lancettes;  celle  du  centre  aiguë  et  plus 
élevée  que  les  deux  autres  qui  ,  comme  à  Vieux-Fumé  et 
dans  quelques  autres  églises,  sont  arrondies  extérieurement 
et  tréflées  à  l'intérieur. 

Les  fenêtres  latérales  du  chœur  étaient  vraisemblablement 
pareilles  à  ces  dernières,  car  on  en  voit  une  semblable  du 
côté  du  nord  ;  mais  on  a  percé  des  fenêtres  plus  larges ,  de 
forme  ogivale ,  sans  caractère.  On  a  toutefois  ménagé  la 
corniche  primitive ,  très-élégante  et  composée  d'arca- 
tures  portant ,  de  deux  en  deux,  sur  des  têtes  grimaçantes 
dont  Tune  est  sculptée  de  trois  quarts  et  regarde  de  côté. 
Celte  corniche  à  modillons  se  rencontre  encore  très-souvent 
dans  les  monuments  de  style  ogival,  dans  nos  campagnes  du 
Calvados  à  l'époque  de  transition  (fin  du  XIIe  siècle  ou 
commencement  du  XIIIe). 

La  nef  n'offre  d'intéressant  que  la  porte  latérale  ,  au  sud, 
dont  l'archivolte  à  plein-cintre  est  garnie  de  fleurs  cruci- 
fères. Une  arcature  trilobée  orne  le  tympan. 

(1)  Voir  les  noies  historiques  de  M.  Ch.  Viseur  sur  l'arrondissement 
de  Lisieux. 


CANTON    DE   MÊZIDOS.  V27 

Le  côté  sud  est  percé  de  fenêtres  ogivales  peu  anciennes , 
qui  ont  été  substituées  aux  fenêtres  primitives. 

Le  mur  latéral  du  nord  est  sensiblement  penché  et  ap- 
puyé par  des  contreforts  en  briques,  vraisemblablement  peu 
anciens;  le  mur  occidental  a  été  refait. 

La  tour ,  en  essente,  occupe  l'extrémité  du  toit  de  la  nef, 
comme  dans  beaucoup  d'autres  églises  du  diocèse  de  Lisieux. 

La  sacristie  est  une  addition  moderne  placée  au  nord  du 
sanctuaire. 

Nous  ne  dirons  rien  des  décorations  en  plâtie  faites  à 
l'extérieur  de  l'église  :  elles  sont  d'assez  mauvais  goût  pour 
être  passées  sous  silence. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Martin.  Au  XVIe  siècle, 
l'abbaye  de  Cléry  nommait  à  la  cure  ;  mais  ,  au  XVIIIe ,  le 
seigneur  était  en  possession  du  patronage. 

On  voit,  dans  le  cimetière,  plusieurs  épitaphes  appartenant 
à  la  famille  de  Montbrun  ,  notamment  celles  de  M.  Le 
Maistre  de  Montbrun,  membre  de  l'Association  normande,  et 
celle  de  son  épouse,  née  Fergant  de  Vaux,  décédée  en  1860. 

Château,  —  Il  y  avait  au  XIVe  siècle,  à  Quetiéville,  un 
château-fort  bâti  par  la  famille  de  Bonenfanl ,  dont  il  sera 
amplement  question  à  l'article  de  Magny-le-Fkelle.  En  1 363, 
dit  M.  l'abbé  De  La  Rue  dans  ses  notes  manuscrites,  tirées 
du  volume  V,  p.  121  ,  de  la  Collection  de  Dom  Lenoir,  les 
Anglais  l'assiégèrent  et  ne  purent  le  prendre;  mais  Guillaume 
du  Merle ,  gouverneur  de  la  Basse-Normandie ,  et  le  bailli 
de  Caen  le  firent  raser ,  afin  que  les  Anglais,  déjà  maîtres  de 
Livarot ,  ne  pussent  s'en  emparer  et  s'y  fortifier. 

Ce  château  se  trouvait ,  à  ce  qu'il  paraît,  sur  la  terre  ha- 
bitée par  M.  Ernest  de  Montbrun  ,  à  Quetiéville. 


428  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS, 


MAGNY-LE-FREULE. 

Magny-le-Freule ,  Magneium. 

Magny-le-Freule  faisait  partie  du  diocèse  de  Bayeux  et  du 
doyenné  de  Vaucelles.  L'église  appartient  au  style  de  tran- 
sition ,  dont  nous  trouvons  tant  d'exemples  dans  l'arron- 
dissement de  Lisieux.  Le  chœur,  en  retrait  sur  la  nef,  se 
compose  de  deux  travées  ;  il  est  éclairé  par  des  fenêtres  en 
forme  de  lancettes  ,  avec  chevet  droit  percé  de  deux  fenêtres 
de  même  forme  ;  la  corniche  extérieure  est  supportée  par  des 
modillons  à  figures.  Du  côté  du  sud ,  une  porte  à  plein- 
cintre,  garnie  de  zig-zag,  donnait  accès  au  chœur.  A  l'in- 
térieur ,  les  chapiteaux  des  colonnettes  destinées  à  supporter 
les  arceaux  de  la  voûte  offrent  le  type  du  XIIIe  siècle  ;  la 
voûte  actuelle,  en  plâtre,  a  été  refaite  il  y  a  quelques  années; 
vers  la  même  époque ,  on  a  repavé  le  sanctuaire  et  fait  dis- 
paraître ,  malgré  mes  recommandations  ,  plusieurs  pierres 
tombales  recouvrant  des  Bonenfant ,  seigneurs  de  la  pa- 
roisse (1).  Sur  une  de  ces  tombes ,  du  côté  de  l'évangile  , 
j'avais  lu  : 

HOMME     CHARLES     DE     BONENFANT     SEIGNEUR     ET     PATRON     OE 

MAGNY-LE-FREULE,   LE    BREUIL,    LA    BRETHF-HARENVILLIF.R,    LEQUEL    DÉCÉDA 
LE    11    FEBVRIER  L'AN    1639.    PRIEZ    DIEU    POUR    SON    AME.    AMEN. 

Sur  une  autre  tombe  ,  du  même  côté  (côté  de  l'évangile), 
on  lisait  : 

CY    GIST     MESSIBE    PHILIPPE    DÉ    BONENFANT,    CHEVALIER,     SEIGNEUR     DE 

(1)  La  mère  de  Mme  de  Caumont,  née  de  Bonenfant,  étant  la  der- 
nière de  celte  famille,  j'avais  fait  des  recommandations  auxquelles  on 
avait  prorais  de  se  conformer,  mais  qui  ont  été  complètement  oubliées. 


CANTON   DE   MÊZIDON. 


429 


MAGNY-LE-FREULE  ,  LA  BRETTE-HARENYILLIER  ,  LA  MORICIKRE,  VILLERS  ET 
AUTRES  SEIGNEURIES,  DÉCÉDÉ  LE  12e  DE  MAY  1672.  PRIEZ  DIEU  POUR  LE 
REPOS    DE   SON    AME. 

Il  y  avait  encore  d'autres 
tombes  dans  le  sanctuaire 
et  dans  le  chœur  ;  elles 
ont  disparu,  comme  lesdeux 
précédentes.  Mais  on  voit 
toujours  dans  le  mur  ,  du 
côté  de  l'épître,  l'encadre- 
ment dont  voici  l'esquisse. 
La  table  de  marbre  qui 
était  au  centre  de  ce  cadre 
a  été  détachée,  probable- 
ment pendant  la  Révolution; 
mais  elle  a  été  retrouvée  au 
château  par  M.  le  docteur 
Pépin.  Voici  le  texte  de  l'in- 
scription qui  la  recouvre  : 

SUR   LE  TRÉPAS  D?.  NOBLE  Dlle  JEANNE  DE 

BONNHNFANT    FILLE    DE   Mro    PHLLIPPES    DE    BOXNENFANT 

CHEVALIER,   SKlC   ET  PATRON  DE   MAGNY-LE-FREULE, 


Sonnet. 

BELLE,  JEUNE,  CHARMANTE  ET  DE  CORPS   ET  d'eSPRIT 
AU    PRINTEMPS  DE  MES  JOURS  JAY   PARU  SANS  SECONDE 
JAY  VEU  SANS  LES  GOUSTER  LES  VANITÉS  DU  MONDE 
ET    LEUR    ÉCLAT    TROMPEUR    JAMAIS    NE    ME    SURPRIT 
PRESQUE  DES  LE  BERCEAU  MON  AME    COMBATTIT 
CONTRE  TOIS  LES  DÉFAUTS  DONT   NOTRE    SEXE  ABONDE 
DU    MONARQUE  DU  CIEL  LA  SAGESSE  PROFONDE 
VIERGE  ME   MIST  SIR  TERRE  ET  VIEI1GE   MY    REPRÎT 
VOLS  DE  QUI  LA   BEAUTÉ   REND  LE  MONDE   IDOLATRE 
SURPASSÉS  EN  ATTRAITS  HELEYNE  ET  CLEOPATRE 


^30         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

a  l'empire  des  coeurs  réglés  tous  vos  désirs 
belle%  ayez  les  dons  de  toute  la  nature 
malgré  tous  les  thrésors  qui  charment  les  humains 
vous  irez  comme  moy  dedans  la  sépulture 
obiit  20  aprilis  anno  1661  ^tatis  16. 

On  voit  du  même  côté ,  près  de  l'autel ,  une  ancienne 
crédence  de  forme  ogivale. 

Une  sacristie  a  été  construite  derrière  le  chevet. 

La  nef,  plus  large  et  plus  longue  que  le  chœur,  était 
éclairée  par  trois  fenêtres  au  sud  et  au  nord  ;  elles  sont  cin- 
trées et  garnies  d'un  tore  sans  colonnes  ,  ce  qui  ne  me  paraît 
pas  annoncer  une  époque  plus  ancienne  que  le  chœur  ;  elles 
sont  à  peu  près  intactes  du  côté  du  sud  ;  deux  ont  été  re- 
faites du  côté  du  nord  ,  l'une  à  une  époque  peu  ancienne  , 
l'autre  très-anciennement,  car  elle  est  subdivisée  en  deux 
baies  tréflées  avec  rose  au  sommet. 

La  porte  d'entrée  se  trouvait  évidemment  dans  le  mur 
méridional  ;  elle  a  dû  être  supprimée  quand  on  a  pratiqué , 
dans  le  pignon  occidental ,  la  porte  moderne  qu'on  y  voit 
aujourd'hui.  Ce  changement  a  nécessité  des  reprises  dont  on 
distingue  encore  les  traces  dans  les  murs. 

Cette  porte  occidentale,  moderne  ,  est  accompagnée  de 
deux  fenêtres  étroites  s'élevant  à  une  certaine  hauteur  et 
terminées  par  un  linteau  horizontal,  comme  des  meurtrières. 
Au-dessus  du  pignon  est  établie  une  tour  quadrangulaire  et 
peu  élevée,  en  bois,  garnie  d'essente.  Entre  chœur  et  nef 
on  voit ,  au  sommet  du  gable  qui  encadre  l'arc  triomphal  , 
une  petite  arcade  qui,  très-certainement,  renfermait  une 
cloche  et  qui,  vraisemblablement  dans  l'origine,  remplaçait 
le  clocher. 

La  nef  est  voûtée  en  bois  avec  tirants  et  poinçons  visibles  ; 
toute  cette  boiserie  a  été  refaite  il  y  a  peu  d'années. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Germain.  La  cure 


CANTON   DE  MÊZIDON.  ^31 

se  divisait  en  deux  portions  ,  dont  la  première  était  à  la  no- 
mination des  Bonenfant.  Richard  de  Bonefant  armiger  est 
ainsi  désigné  dans  le  Livre  Peint  de  Bayeux.  Jean  de  Tilly 
nommait,  à  la  même  époque ,  à  la  2e  portion. 

Château.  —  Le  château  ,  situé  tout  près  et  au  nord-est 
de  l'église,  est  moderne  et  n'a  rien  de  remarquable.  Nous  en 
donnons  pourtant  une  esquisse,  d'après  le  dessin  qu'en  a  fait 


VUE   DU    CHATEAU    DE    MAGNY-LE-FRBULE. 

M.  le  docteur  Pépin,  parce   qu'il   remplace   celui;  que   la 

famille   de  Bonenfant  habitait  dans  le   XIVe 

siècle  ,  et  probablement  avant  cette  époque. 

Il  se  trouve  dans  une  île  formée  par  la  Dive. 

Les  bâtiments  qui   entourent  les  cours,   en 

dehors  de  l'île ,   sont  assez  vastes.  Celui  qui 

dot  cette  cour ,  à  l'ouest  ,  paraît  de  l'époque 

de  Louis  XIII  (Voir  la  lucarne  suivante). 


432  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS. 

M.  le  comte  G.  de  Soultrait,  qui  a  dépouillé  dans  les 
archives  du  château  de  Magny  un  certain  nombre  de  chartes 
ou  aveux  ,  y  a  constaté  les  faits  suivants  : 

De  1315  à  1316  ,  Etienne  de  Bonenfant  était  seigneur 
de  Magny-le-Freule  ; 

De  1351  à  1387  ,  Raoul  de  Bonenfant  était  seigneur  de 
Magny-le-Freule  et  du  Breuil; 

De  1387  à  1392,  Jehan  de  Bonenfant  (1)  était  seigneur 
des  mêmes  paroisses  ; 

Le  10  mai  1418,  Jean  de  Bonenfant,  fils  d'un  autre  Jean 
de  Bonenfant ,  fut  réintégré  par  le  roi  d'Angleterre  dans  la 
terre  de  Magny-le-Freule. 

On  trouve  ensuite,  de  1455  à  1458,  Geoffroy  de  Bonen- 
fant (2)  ; 

De  1484  à  1/j99,  Jehan  de  Bonenfant; 

En  1509  ,  Pierre  de  Bonenfant  ; 

En  1517  ,  Philippe  de  Bonenfant; 

En  1548 ,  Loys  de  Bonenfant ,  conseiller  du  roi  ; 

En  1570  ,  Jehan  de  Bonenfant,  qui  avait  pour  femme 
Anne  Le  Prévost. 

(1)  Nous  avons  vu,  en  parlant  du  château  de  Bonneville-sur-Touque, 
qu'en  1417,  Jehan  de  Bonenfant  était  le  lieutenant  du  capitaine 
commandant  la  place,  et  nous  avons  publié  le  texte  de  la  capitulation 
qu'il  fit.  Nous  pensons  que  ce  Jehan  de  Bonenfant  est  celui  dont  font 
mention  les  pièces  trouvées  dans  les  archives  de  Magny-le-Freule  par 
M.  G.  de  Soultrait. 

(2)  M.  Quicherat  a  publié,  dans  le  4e  volume  des  OEuvres  de  Thomas 
Bazin  ,  un  aveu  rendu  par  Guieflroy  Bonenfant  à  cet  évêque  ,  pour  le 
fief  de  Magny-le-Freule  ,  mouvant  du  comté  de  Lisieux.  Cet  acte  est 
daté  du  2  juin  1653. 

Un  autre  aveu  rendu  par  le  même,  le  3  mai  1457,  nous  apprend  que 
la  terre  de  Magny  se  composait  de  manoir,  cour,  jardins,  moulin  et 
four  à  ban  ,  pêcherie ,  colombier ,  et  droit  de  présenter  à  la  grande 
portion  de  l'église  dudit  Magny.  {Note  de  M.  Vasseur.) 


CANTON  DE  MÉZIDON.  433 

De  1606  à  1639,  Charles  de  Bonenfant,  seigneur  et  patron 
de  Magny-le-Freule ,  du  Breuil ,  de  la  Morinière  et  de  Bié- 
ville ,  gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  roi.  (  Nous 
avions  relevé  l'inscription  de  sa  tombe  dans  le  sanctuaire 
avant  le  pavage  qui  l'a  fait  disparaître.  Voir  la  page  428.  )  Il 
eut  pour  fds  et  successeur  Philippe  de  Bonenfant,  dont  j'ai 
donné  aussi  l'inscription  tombale  et  qui  mourut  en  1672. 

Son  fils,  François  de  Bonenfant,  prenait  les  titres  de 
seigneur  et  patron  de  Magny-le-Freule,  marquis  de  la  Per- 
rière, sieur  de  la  Brette,de  la  Morinière,  de  Hauville  , 
d'Ouésy,  de  Biéville,  de  Quetiéville,  et  en  partie  de  Mesnil- 
Villers;  il  figure  dans  des  actes  de  1678.  Antoinette  de 
Gaurault  du  Mont,  sa  veuve,  vivait  encore  en  1747  (1). 
Leur  fille  aînée,  Bénigne  de  Bonenfant,  épousa  le  marquis 
de  Chenault ,  dont  la  fille ,  Hyacinthe-Isabelle  de  Chenault , 
fut  mariée  au  vicomte  de  Courcy.  De  ce  mariage  naquirent 

(1,  Parmi  les  documents  que  j'ai  examinés  dans  le  chartrier  de 
Magny-le-Freule,  et  qui  font  partie  de  mes  archives  de  famille,  j'ai 
trouvé  un  petit  nombre  de  sceaux  passablement  conservés  :  l'un,  de 
Jehan  de  Bonenfant,  appendu  à  une  charte  de  1392,  est  en  cire 
verte  et  porte  un  écusson  à  six  roses ,  3 ,  2  et  1. 

Le  sceau  d'un  autre  Jehan  de  Bonenfant,  attenant  à  une  charle  de 
1484,  est  de  même  en  cire  verte,  comme  le  précédent. 

Parmi  les  pièces  ,  j'ai  trouvé  le  sceau  d'un  Thiébaut,  prêtre,  repré- 
sentant le  seigneur. 

La  charte  commence  ainsi  : 

•  C'est  ce  que  avoue  tenir  Estienne  Lomme  par  foy  et  par  hom- 
mage de  Jehan  Boneffant ,  escuyer  seigneur  de  Magny-le-Freulle ,  à 
cause  de  son  franc  fieu  ,  c'est  à  savoir  un  hébergement  en  la  paroise 

du  Breuil ,  etc.,  etc »  La  charte  finit  ainsi  :  a  A  la  requeste 

du  dit  Estienne,  ce  présent  adveu  a  esté  scellé  du  scel  Symon  Tiébaut, 
preslre,  pour  le  seigneur  du  dit  lieu  tenant  les  plez  que  furent  le  2l« 
jour  d'avril   1384. 

(Note  de  M.  le  comte  G.  de  Soutirait,  de  VInstitut  des  provinces.** 

28 


/|34         STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

plusieurs  enfants ,  parmi  lesquels  Hyacinthe  de  Courcy  ,  qui 
porta  la  terre  de  Magny  au  marquis  de  La  Rivière-Prédauge, 
père  de  Mme  de  Saint-Léger. 

Une  branche  de  Bonenfant ,  peut-être  une  branche  ca- 
dette, habitait  à  quelques  pas  de  là,  sur  les  confins  de  Méry- 
Corbon  ,  le  fief  de  Montfreide ,  qui  louche  à  Magny:  je 
vais  décrire  cette  localité  en  parlant  de  la  commune  de  Méry- 
Corbon  dont  elle  fait  partie. 

La  terre  et  le  château  de  Magny-le  Freule  appartenaient,  il 
y  a  quelques  années,  à  Mme  de  Saint-Léger,  née  de  La  Rivière- 
Prédauge,  mère  de  Mme  la  comtesse  de  Soultrait ,  épouse  de 
JM.  de  Soultrait,  receveur-général  à  Lyon  ,  et  mère  de  mon 
ami  le  comte  Georges  de  Soultrait ,  membre  de  l'Institut  des 
provinces.  Mml  de  Soultrait  a  vendu  ce  domaine  il  y  a  cinq 
ans;  il  a  été  depuis  revendu  en  détail;  mais  le  château  fait 
partie  d'un  des  lots  et  existe  tel  que  nous  l'avons  figuré. 

Il  y  avait  dans  ce  château  des  tableaux  représentant  plusieurs 
Bonenfant.  Les  meilleurs  ont  été  emportés  par  M.  Georges 
de  Soultrait  et  placés  dans  son  château  deToury,  dépar- 
tement de  la  Nièvre;  ils  sont  là  un  peu  loin  de  leur  pays  natal, 
mais  bien  traités  et  conservés  par  celui  qui  leur  donne  asile 
et  qui  descend,  par  sa  mère  ,  de  la  famille  de  Bonenfant. 


Bissières ,  Bisseriœ  ,  ecclesia  de  Bisseriis. 

L'église  de  cette  commune ,  située  entre  la  Dive  et  le 
Laizon ,  près  de  Croissanville  ,  au  sud  de  la  route  impériale 
de  Caen  à  Paris,  est  moderne. 

Une  tour,  en  forme  de  dôme,  surmonte  la  façade 
occidentale.  Tout  annonce,  dans  l'ordonnance  de  l'édifice, 
Une  construction  du  XVIIIe  siècle. 


CANTON    DE    MÉZ1DON.  455 

Deux  vases  en  pierre  garnissent  la  base  du  rampant  de 
la  façade ,  comme  à  Vimont ,  autre  église  du  même  style 
décrite  dans  le  t.  II  de  la  Statistique  monumentale. 

L'église  de  Bissières  faisait  partie  du  diocèse  de  Baveux  et  du 
doyenné  de  Vaucelles  ;  l'abbaye  de  Stc-Barbe  nommait  à  la  cure. 
Quoique  supprimée,  cette  église  est  entretenue  et  en  bon  état. 

Rous  en  donnons  un  dessin,  que  nous  devons  à  M.  Pépin. 


ÉGLISE    DE    BISSIÈKES. 

Au  siècle  dernier ,  on  comptait  36  feux  à  Bissières,  qui 
faisait  partie  de  la  sergenterie  d'Argences. 

Aujourd'hui ,  la  population  de  la  commune  est  de  près  de 
200  habitants. 

Depuis  quelques  années  ,  les  terrains  communaux  de  Bis- 
sières ont  été  partagés  et  cultivés. 

MER  Y-COR  BON. 


Méry-Gorbon ,  Mereinm. 

La  paroisse  de  Méry-Gorbon  dépendait ,  comme  les  précé- 


U6         STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

dentés  ,  du  doyenné  de  Vaucelles  et  du  diocèse  de  Bayeux. 
C'est  une  paroisse  dont  le  territoire'  est  limité  par  la  Dive,  du 
côté  de  l'est ,  et  dont  on  vient  de  distraire  une  partie  pour 
la  réunir  à  Croissanville. 

L'église   se  compose  d'une  nef  et  d'un   chœur   roman 


ÉGLISE    DE  MERY-eORBON. 


à  chevet  droit,  moins  élevé  que  la  nef,  et  composé  de 
trois  travées.  Les  fenêtres,  à  plein- cintre ,  sont  ornées  de 
moulures  de  transition;  on  en  voit  deux  assez  bien  conservées 


CANTON   DE   MÉZIDON.  437 

au  chevet  et  une  du  côté  sud  ;  les  autres  ont  été  refaites  à 
diverses  époques. 

La  nef  ancienne  est  aujourd'hui  accompagnée  de  deux  bas- 
côtés,  refaits  et  couverts  par  la  toiture  centrale,  qui  descend 
jusque  sur  les  murs  latéraux  de  ces  bas-côtés  ;  la  façade  oc- 
cidentale a  aussi  été  reconstruite  quand  on  a  édifié  la  petite 
tour  en  pierre  et  en  forme  de  dôme  (Voir  le  dessin,  p.  436). 
La  porte  d'entrée  est  décorée  d'un  fronton. 

Mais,  sous  cette  enveloppe  moderne,  on  trouve  à  l'intérieur 
les  murs  de  la  nef  centrale  percés  de  trois  arcades  fort  an- 
ciennes ,  sans  moulures  ,  portées  sur  des  piliers  carrés  et 
qui  paraissent  du  XIe  siècle.  Elles  n'ont,  en  effet,  pour  chapi- 
teaux qu'un  tailloir  extrêmement  simple.  Les  claveaux  des  ar- 
cades sont  séparés  les  uns  des  autres  par  un  ciment  épais  que 
l'on  trouve  aussi  entre  les  pièces  de  moyen  appareil  dont  les 
piliers  et  les  murs  sont  formés. 

Des  ouvertures  cintrées,  sans  moulures,  et  appareillées 
comme  les  arcades  ,  surmontent  chacune  de  ces  dernières  ; 
elles  sont  aujourd'hui  sous  le  toit ,  et  l'on  se  demande  com- 
ment elles  ont  pu  être  éclairées  dans  l'origine ,  à  moins  que  le 
toit  n'ait  été  plat  ou  qu'il  ne  fût  percé  de  lucarnes,  [car  elles 
touchent  à  l'extrados  des  arcades  inférieures. 

On  lit  l'inscription  suivante  sur  un  marbre  noir  fixé  à  la 
muraille  du  bas-côté  méridional;  elle  a  été  composée  par 
M.  l'abbé  De  La  Rue  : 

MEMORI.U    CLAUDII    LEONORII    DE    MATH AN 

QUI    OBIIT    DIE    17"    DECEMBRIS    1812 

JETATIS   ANNOR    lli  î 

ET   SORORIS    EJUS   MARIE   JOHfiC  GABRIBLIS 

DE    MATH AN 

QU.E    OUIIT    DIE   21a  MAII    1816 

-ETA  TIS    ANNOR    81    M  EN    5 

AMBO 


638  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

ANTIQUO    ATAVORUM    NOB1LITATE 

INSIGNES, 

DEO,    REGI,    PAUPERIBUSQUE    VIXERUNT 

INSIGNIORES 

EOQUE    MAGIS   DEFLENDI , 

QUOD    ANT1QUA    MORUM    TEMPORA 

VIRTUTÏBUS    REPR.ESENTAHUNT 

DILF.CTIS    AGNATIS   POSLIT    GEOHGIUS   MAKCHIO    DE    MATH  AN 

PAR    FRANCISE    ETC.    ETC. 

La  tour,  dont  nous  venons  de  produire  la  figure  et  qui 
occupe  l'extrémité  occidentale  de  la  nef,  renferme  deux 
cloches  dont  voici  les  inscriptions  : 

L'AN    1821     IAI    ÉTÉ     BÉNIE    ET    NOMMÉE      AUGUST1NE    PAR     NOBLE     DAME 
AUGUSTINE  ELEONORE   DE  MONCABEL    DE  MANNOURY  ET    PAR    MESSIRE  ROBERT 
CHARLES    MANNOURY    DE    LA    BRUNETIERE    CHEVALIER   DE  L'OISDRB    ROYAL  ET 
MILITAIRE    DE    S1  LOUIS    MAIRE     DE    LA  COMMUNE    DE   MÉRY-CORBON. 
F.  BAILLY  FONDEUR    A    CAEN. 

L'AN  1821  IAI  ÉTÉ  BÉNIE  ET  NOMMÉE  IACQUELINE  PAR  NOBLE  DAME 
JACQUELINE  BRUNET  DE  MANNETOT  MARQUISE  DE  LA  GOUPILLIERE  ET  PAR 
MESSIRE     ALEXANDRE    MARQUIS    DE    DOLON. 

F.     BAILLY    FONDEUR    A    CAEN. 

L'église  de  Méry-Corbon  est  sous  l'invocation  de  saint 
Martin.  L'abbaye  de  Bonne -Nouvelle  de  Rouen  en  avait  le 
patronage  avant  la  Révolution;  le  curé  percevait  un  tiers  des 
dîmes  ;  le  reste  se  partageait  entre  la  collégiale  de  Croissan- 
ville  ,  l'abbaye  de  Troarn  et  le  collège  de  maître  Gervais. 

Le  Livre  pelut  et  le  pouillé  de  Rouen  attribuent  le  patro- 
nage de  Méry-Corbon  à  l'abbaye  du  Bec  :  elle  en  jouissait 
effectivement ,  mais  c'était  au  droit  du  monastère  de  Bonne- 
Nouvelle,  qui  dépendait  de  cette  abbaye 

On  trouvait,  dans  les  chartriersdu  prieuré  de  Bonne-Nou- 
velle ,  des  lettres  de  l'évêque  de  Bayeux  qui  confirment  le 


CANTON    DE   MÉZIDON.  439 

patronage  et  les  dîmes  de  Méry;  ces  lettres  n'ont  pas  de  date, 
mais  un  acte  de  justice  de  l'an  1223  porte  que  celte  dona- 
tion est  véritable  (1). 

Montfreule.  — Propriétaire  du  fief  de  Montfreule,  situé  à 
l'extrémité  méridionale  de  la  commune  de  Méry-Corbon , 
vers  Magny  (2)  ,  je  crois  devoir  présenter  une  esquisse  de 
l'ancien  manoir,  établi  sur  une  motte  arrondie  entourée  d'eau 
(Voir  la  page  suivante). 

Cette  maison  ,  dont  la  majeure  partie  est  en  bois  ,  remonte 
au  XVIe  siècle,  et  les  grandes  cheminées  qui  surmontent 
les  deux  bouts  rabattus  du  toit  sont  construites  en  pierres 
et  en  briques,  disposées  en  damier  (Voir  la  page  441), 
système  de  construction  très-usité  à  cette  époque. 

Le  manteau  de  ces  cheminées  est  porté  sur  des  colonnettes 
dont  les  bases  et  les  chapiteaux  sont  assez  caractéristiques  de 
la  première  moitié  du  XVIe  siècle  [  Voir  la  planche ,  fig.  À  ). 

Ce  fief  de  Montfreule  était ,  à  cette  époque,  en  la  posses- 
sion de  la  maison  de  Bonenfant  ,  qui  se  divisait  peut-être  en 
plusieurs  branches. 

C'était  un  quart  de  fief  de  haubert ,  relevant  du  roi ,  à 
cause  de  la  vicomte  de  St-Sylvain. 

Suivant  un  procès-verbal  du  1er  juin  1688,  il  consistait 
en  «  haulte  et  basse  court,  un  corps  de  logis  manable,  qui 
«  consiste  en  une  salle  et  cuisine  ,  quatre  chambres  en  deux 
«  estages,  une  cave  et  deux  aménagements  avec  les  greniers 
«  de  dessus;  le  tout  couuert  de  ihuillc,  environnée  de  mu- 


(1)  V.  le  Pouillé  du  diocèse  de  Bayeux ,  par  Lamare,  et  VHistoirc 
de  la  ville  de  Rouen  ,  I.  V ,  p.  A 61  ,  édition  de  1738. 

(2)  Le  fief  de  Montfreule  appartenait  a  la  mère  deM,nc  de  Caumont, 
issue  du  dernier  des  Bonenfant.  Voilà  comment  j'en  suis  aujourd'hui 
propriétaire, 


UkO  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS, 

I 


CANTON    DE   MÉZIDON. 


hUl 


UNE    OKS    GRANDES^CHEMINKES^DK    HO.VTI  1WI  I.F. 


UU2  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

«  railles  et  collombages  avec  quatre  petites  galleries  au  bout 
«  desquelles  il  y  a  quatre  petits  cabinets  couuerts  dessentes  ; 
«  le  tout  joint  audit  corps  de  logis.  » 

Deux  autres  bâtiments  rejoignaient  «  la  porte  de  laditte 
((  basse  court  sur  laquelle  il  y  a  une  chambre  couuerte  de 
«  thuille,  »  Il  y  avait  aussi  «  une  chapelle  à  dire  la  messe  ;  le 
«  tout  enclos  de  fosses.  » 

Le  seigneur  se  nommait  alors  François  de  Bonenfant.  Il 
en  avait  acquis  la  pleine  propriété  en  constituant  des  rentes 
au  profit  de  ses  deux  sœurs,  Anne-Suzanne  et  Catherine. 
Leur  père,  Pierre  de  Bonenfant,  avait  été  aussi  seigneur  de 
Montfreule. 

On  ne  pourrait,  à  l'heure  qu'il  est ,  retrouver  toutes  les 
pièces  indiquées  dans  le  procès-verbal  du  1er  juin  1688.  La 
chapelle  est  démolie  depuis  longtemps  et  se  trouvait,  d'après 
la  tradition,  entre  le  pressoir  et  la  route  impériale,  dans 
l'herbage  voisin. 

J'ai  fait  démolir  un  grand  bâtiment  du  XVIe  siècle,  con- 
struit en  briques  et  en  bois,  qui  fermait  la  basse-cour  du  côté 
de  la  route  ;  il  ne  reste  plus  de  caractérisé  que  le  pavillon 
entouré  d'eau  dont  j'ai  présenté  le  dessin. 

On  voit  dans  la  salle  du  rez-de-chaussée  une  tapisserie 
d'Aubusson,  très-bien  conservée  et  dont  un  des  panneaux  a 
été  dessinç  par  M.  le  docteur  Pépin  (Y.  la  page  suivante). 

Ces  tapisseries,  très-communes  autrefois,  deviennent  de 
plus  en  plus  rares;  elles  méritent  pourtant  d'être  conservées. 
Je  pense  que  celle-ci  date  du  XVIIe  siècle. 

Fiefs  de  Mannetot  et  de  Mathan.  —Lé  fief  de  Mannetot, 
au  nord  de  celui  de  Montfreule  ,  appartient  à  M.  le  comte 
Titaire  de  Glatigny,  membre  de  l'Association  normande, 
héritier  par  sa  femme  de  M.  le  marquis  de  Dollon ,  ancien 
député  de  la  Sarthe  ,  et  de  M.  le  marquis  de  Goupillières. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  Uli'è 

Le  fief  de   Mathan   est  au   nord    du  précédent  ;    l'ancien 
propriétaire,  mort  sans  postérité,  était  un  parent  de  la  famille 


P   pin   dl 


UN   PANNEAU    DE    LA    TAPISSERIE    DU    MANOIR    l)K    MONT1  I5EI  LE. 


de  Mathan ,  de  Cambes  et  de  Longvilliers  ;  nous  avons  donné 
l'inscription  lumulaire  érigée  à  sa  mémoire  par  feu  le  marquis 
de  Mathan  ,  pair  de  France. 

Jo  n'ai  pas  fait  de  recherches  sur  ces  deux  fiofs. 


kkk  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

CROISSANVILLE. 

Croissanville  ,  Cressenvilla,  ecclesia  de  Cressenvilla. 

L'église  de  Croissanville  doit  appartenir  au  XVe  siècle 
pour  les  parties  anciennes  ,  ou  tout  au  plus  à  la  fin  du  XIVe. 

Le  chœur  présente  une  abside  à  cinq  pans  :  chaque  pan 
est  éclairé  par  une  fenêtre  à  deux  baies  subtrilobées  au 
sommet  et  surmontées  d'une  rose  à  cinq  lobes.  Quoique 
cette  disposition  se  rencontre  au  XIVe  siècle,  je  ne  crois 
pas  l'église  antérieure  au  XVe  :  la  corniche  en  biseau  , 
l'appareil  et  quelques  autres  caractères  me  paraissent  indi- 
quer cette  date. 

Des  reprises  considérables  ont  été  faites  dans  le  mur  la- 
téral du  sud  ;  de  ce  côté  se  trouve  la  sacristie,  dont  le  millé- 
sime (1756),  gravé  sur  le  linteau  d'une  porte,  indique  la  date. 
La  façade  occidentale  a  été  reconstruite,  de  fond  en  comble, 
à  une  époque  qui  doit  être  assez  rapprochée  de  nous.  Les 
contreforts  qui  existent  dans  les  murs  latéraux  de  la  nef  me 
paraissent  de  la  même  époque  que  ceux  du  sanctuaire, 
quoiqu'une  partie  des  murs  ait  été  refaite.  Du  côté  du  nord , 
une  porte,  bouchée  aujourd'hui,  accédait  sur  la  route. 

La  tour  renferme  deux  cloches ,  dont  voici  les  inscrip- 
tions : 

m-^3*  l'aN  1826  IAI  ÉTÉ  NOMMÉE  MARIE  PAR  M.  JEAN  DAPTISTE  Frg 
JUMELLES    CURÉ   DE    ST  DESIR 

$J§P*  DE  LISIElX  ,  CHANOINE  ET  VICAIRE  GÉNÉRAL  DE  BAYEUX  ET  PAR 
DAME  LUCE  ÉLISABETTE  : 

$iW^  DE  NEUVILLE  EP.  DE  Mr  ALEXANDRE  FOUBKRT  DE  PALLIERES  PRÉSI- 
DENT  DU    TRIBUNAL    DE    COMERCE 

&J3F'  ET  ADMINISTRATEUR  DES  HOSPICES  DE  LISIEUX  MM  F™  LESUEUR  MAIRE 
CH  VICTOR 

$J^   LENOIR    ADIOINT    DE  CE  LIEU. 


CANTON   DE  MÉZIDON.  UU5 


L'AN    1826    IAI    ÉTÉ    NOMMÉE    ISADELLE    PAR    M   EUSTACHE    DE  CnEQUI 
ANCIEN    ABBÉ   DE    ST    MAl'R    CHANOINE 
(&J^  ET     VICAIRE    GÉNÉRAL     DE     BAVELX     ET    PAR    MADAME     LA    COMTESSE 
DE   VANEMBRAS    MARIE    ISABELLE    NÉE   DE 

CHEUX    DE    BONNEYTLLE    EP.    DE    FEU    M    DE    VANEMBRAS    ANCIEN    OFFI- 
CIER   AU    RÉGIMENT    D'AUVERGNE  ,    CHEVALIER 

DE    ST     LOUIS,     BENITE    PAR    M    PIERRE    BRARD    CHANOINE     RÉGULIER 
DE    L'ORDRE    DE    PRÉMONTRÉ    CURÉ    DE 

CROISSANVILLE     MM     F"    LESUEUB    MAIRE    ET    CH    VICTOR    ADIOINT    DU 
DI    LIEU. 

F.    BA1LLY    FONDEUR    A    CAEN. 


11  n'y  a  rien  à  citer  à  l'intérieur  de  l'église  ;  des  boiseries 
du  temps  de  Louis  XV  tapissent  les  murs  du  chœur. 

Voie  romaine.  —  La  voie  romaine  que  j'ai  signalée  à  Fre- 
nouville  et  à  Moult  se  retrouve,  vraisemblablement,  dans 
l'ancien  chemin  de  Caen  à  Paris  qui  passe  au  milieu  du 
bourg  de  Croissanville  et  entre  l'église  et  la  fdature.  Ce 
chemin  conserve  ses  caractères  et  se  prolonge  au  sud  de  la 
roule  actuelle  jusqu'à  ma  terre  de  Monlfreule,  où  la  route 
impériale  reprend  l'ancien  tracé  avant  de  passer  le  pont  de 
Dives.  Cette  partie  de  l'ancien  chemin  que  la  route  moderne 
n'a  pas  suivie,  j'ignore  pour  quelle  cause,  est  encore  assez 
intéressante  à  examiner.  On  a  trouvé,  tout  près  de  Croissanville, 
en  réparant  le  même  chemin  ,  des  monnaies  romaines  qui 
ont  été  recueillies  par  M.  le  docteur  Pépin. 

Collégiale,  —  Le  pape  Clément  VI  érigea  un  collège  de 
six  chanoines  dans  l'église  de  Croissanville  :  la  bulle  est  datée 
du  28  février  1352.  La  fondation  de  cette  collégiale  avait 
été  faite  par  Jean  de  Pont-Audemcr ,  seigneur  de  Croissait- 


km  STATISTIQUE   MONU MENTALE   DU    CALVADOS. 

ville  et  d'Avenay.  L'évoque  de  Baveux  ratifia  ces  donations 
en  1355.  Les  revenus  de  la  maison  se  divisaient  en  sept  pré- 
bendes et  demie  :  le  trésorier  avait  deux  prébendes,  le  chantre 
une  prébende  et  demie,  et  les  quatre  autres  chanoines  chacun 
une  prébende.  On  assignait  une  portion  congrue  à  chacun  des 
vicaires  perpétuels,  chargés  des  fonctions  curiales  de  Crois- 
sanville et  d'Avenay. 

La  présentation  à  tous  ces  bénéfices  appartenait  au  fonda- 
teur. 

Château.  —  Le  Château  de  Croissanville  existait  au  nord 
de  la  route  impériale  de  Caen  à  Paris  ,  à  l'extrémité  d'une 
avenue  qui  accédait  à  la  route  ;  il  a  été  démoli  depuis  quel- 
ques années.  Heureusement  M.  le  docteur  Pépin  en  avait 
fait  une  esquisse.  Comme  on  le  voit,  page  suivante,  l'ensemble 
de  cette  construction  devait  appartenir  au  XVIIe  siècle. 

J'ignore  comment  la  seigneurie  de  Croissanville  et  les 
droits  de  présentation  aux  prébendes  de  la  collégiale  passèrent 
de  la  famille  de  Pont-Audemer  à  celle  de  Bailleul  ;  mais  il 
résulte  des  aveux  rendus  au  roî ,  et  que  M.  de  Beau- 
repaire  ,  archiviste  de  la  Seine-Inférieure ,  a  bien  voulu  me 
communiquer,  qu'en  1610  Ives  de  Bailleul  possédait  la 
seigneurie  et  tous  les  droits  qui  y  étaient  attachés.  Les 
archives  de  Rouen  renferment  un  autre  aveu  de  1659, 
rendu  par  Jacques  de  Bailleul;  enfin  on  voit,  par  un 
autre  aveu  du  28  juin  1691  ,  que  ce  fief  avait  été  érigé 
en  marquisat  :  «  il  se  composait  des  fiefs  du  Quesnay ,  Gla- 
«  ligny,  le  Perreux  dit  Breteuil,  du  plein-fief  de  haubert 
«  et  seigneurie  de  Méry,  du  fief  de  Bissières,  du  fief  et 
«  branche  de  la  sergenterie  d'Argences  pour  le  haut  de  la 
'<  butte.  » 

Il  y  avait  fourche  patibulaire  à  Croissanville;  on  y  tenait 
des   foires  la  veille    St-Jcan-Baptistc,   les  jours  St-Landry 


GANTOIS   DE  MÊZ1DON.  kkl 

!|;,l|;i|;C::i 


ktâ  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU  CALVADOS, 

et  St-Eutrope ,  et  marché  le  vendredi  de  chaque  semaine  (1). 
D'après  les  recherches  de  M.  de  Beau  repaire ,  archiviste 
de  la  Seine-Inférieure,  auquel  j'adresse  mes  remercîments 
pour  l'obligeance  avec  laquelle  il  m'a  communiqué  ses  notes, 
le  Mémorial  de  la  Chambre  des  Comptes  (f°  10  v°),  renferme 
les  lettres  d'union  de  plusieurs  fiefs  et  érection  d'iceux  en 
marquisat  sous  le  nom  de  marquisat  de  Cressanville,  obtenues 
par  Jacques  de  Bailleul  (2). 

(1)  Voici  le  passage  des  lettres  du  roi  qui  autorisent  la  famille  Bailleul 
à  établir  les  deux  dernières  foires  : 

«  Nous  avons  de  notre  mesme  grâce  et  authorité  que  dessus 
«  érigé  et  estably ,  érigeons  et  establissons  deux  foires  par  chacun  an 
«  outre  celles  qui  y  sont  de  présent  pour  estre  icelles  tenues  audit 
«  Cressanville  :  Tune  le  dernier  avril,  jour  des.  Eutrope,|et  la  deuxième 
«  le  dixième  jour  de  juin,  jour  de  S.  Landry,  ausquels  jours  nous 
«  voulons  que  tous  marchands  puissent  aller,  venir  et  séjourner,  dé- 
a  biler  et  eschanger  toutes  sortes  de  marchandises  licittes  et  permises 
«  sous  les  privilieges  franchises  exemptions  des  autres  foires  de  lad. 
«  province,  permettant  audit  sieur  de  Bailleul  de  faire  baslir  halles 
«  bans  et  eschoppes  pour  la  seurelé  et  commodité  des  marchands  et 
«  de  leurs  marchandises  et  de  percevoir  les  droits  pour  ce  deubs  sui- 
«  vant  les  us  et  coutumes,  pourveu  toutes  fois  qu'à  quatre  lieues  a  la 
«  ronde  il  ny  ayt  ausd.  jours  autres  foires  ausquelles  ces  présentes 
«  puissent  préjudicier  et  qu'elles  n'escheent  aux  jours  de  dimanche  et 
«  festes  solennelles,  auquel  cas  elles  seront  remises  au  lendemain,  sans 
«  pouvoir  prétendre  aucune  exemption  préjudiciable  à  nos  droits.  » 

(2)  Nous  croyons  devoir  donner  un  extrait  de  ces  lettres: 

«  Nous  avons  mis  en  considération  ceux  que  l'illustre  et  ancienne 

«  famille  de  Bailleul  en  nostre  province  de  Normandie  descendue  de 
«  Jean  et  Edouard  de  Bailleul  roys  d'Escosse  a  rendus  à  nos  prédé- 
«  cesseurs  soit  par  leurs  personnes  soit  dans  nos  armées  en  plusieurs 
«  occasions  considérables  entre  autres  par  Anguerand  de  Bailleul 
«  admirai  de  France  soubs  le  roy  Philippes,  par  Louis  de  Bailleul , 
«  chevalier  sr  de  Beauvais  tué  à  la  bataille  de  Coutras ,  envelopé 
«  de  l'enseigne  des  gens  d'armes  qu'il  portoit ,  qui  laissa  deux  fds 


CANTON    DE   MÉZIDON.  UU9 

Bataille  de  Croissanville.  —  M.  Pépin  a  observé  à  Crois- 
sanville,  dans  les  propriétés  de  MmeLeraière,  des  mouvements 
de  terrain  qu'il  est  porté  à  regarder  comme  des  traces  des 

«  l'un  nommé  Jacques  et  l'autre  Robert  de  Bailleul,  duquel  Jacques 
«  est  sortie  Françoise  de  Bailleul  sa  fille  et  héritière  qui  espousa  le 
«  sieur  de  Souvray ,  chevalier  de  nos  ordres  ,  premier  gentilhomme  de 

•  la  Chambre  et  gouverneur  du  feu  roy  notre  père  d'heureuse  mémoire  ; 
«  et  Robert  de  Bailleul ,  capitaine  du  fort  Sc  Catherine  à  Rouen,  au- 
«  roit  esté  tué  en  combatant  pour  nostre  service  au  siège  de  ladicte 
«  ville,  et  Ives  de  Bailleul  son  fds  nous  continua  ses  services  en 
«  qualité  de  mareschal  des  logis  des  gens  d'armes  de  notre  compagnie 

•  et  des  gentilshommes  de  nostre  chambre  et  a  laissé  son  fils  François 
«  de  Bailleul  eslevé  page  de  nostre  grande  escurye  aussi  chevalier 
«  dans  le  service  de  la  mesme  compagnie  où  il  a  servy  volontaire  un 
«  fort  long  temps  auquel  a  succédé  Jacques  de  Bailleul  chevalier, 
«  seigneur  de  Cressanville,  le  Quesnay ,  Glatigny ,  Coquainvillers, 
«  Perreux  et  autres  lieux  qui  a  l'exemple  de  ses  ancêtres  a  servi  plu- 
«  sieurs  années  en  Flandre,  pendant  diverses  campagnes  soubs  les 
«  maréchaux  de  la  Ferlé  et  d'Aumont  ayant  mesme  été  choisy  en 
o  l'année  1674  par  la  noblesse  de  la  vicomte  de  Caen  en  exécution 
«  de  nos  ordres  pour  capitaine  et  commander  ladicte  noblesse  pour 
»  s'opposer  et  empescher  les  descentes'que  les  ennemis  de  cet  Estât 
«  avoient  dessein  de  faire  et  pour  la  conservation  de  la  coste  et  des 
«  places  de  la  province  de  Normandie  et  Jean  François  de  Bailleul 
«  son  cadet  servant  dans  la  première  compagnie  de  nos  mousque- 
«  taires  fut  blessé  à  Marsal  dont  il  seroit  décédé  et  depuis  le  fils  aisnô 
«  dudit  Jacques  de  Bailleul  étant  page  de  nostre  grande  escurye  fut 
«  au  siège  de  Condé  et  après  a  servy  aux  sièges  de  Valenciennes  et 
«  Cambray  et  ensuite  en  Allemagne  en  qualité  de  lieutenant  et  ayde 
«  major  dans  le  régiment  de  Picardie  et  la  paix  estant  faicte  auroit 
«  servi  par  nos  ordres  la  campagne  dernière  en  notre  armée  navalle 
«  sur  le  vaisseau  de  Colombon,  escadre  du  sieur  de  Tourville  et  sert 
«  encore  en  qualité  de  volontaire  à  Toulon  sur  le  vaisseau  de  'Ar- 
«  canciel  ce  que  joint  aux  longs  et  importants  services  que  les  prede- 
<*  cesseurs  desd.  de  Bailleul  ont  rendus  à  cet  Estât  pendant  plusieurs 
«  mouvements  soubs  les  roys  Henry  trois  et  Henry  quatre  notamment 
«  le  sieur  de   Vignes   son   bisayeul    maternel    capitaine  du  c'.tnsteau 

'29 


650  SÎATISTIOl'E   MOMMKNTALE   Î>U   CALVAbOS. 

campements  qui  parent  avoir  lieu  à  l'occasion  de  la  bataille 
aVCroissanville  en  965;  j'ignore  si  cette  opinion  est  fondée. 
Quant  à  la  bataille,  on  sait  à  quelle  occasion  elle  s'engagea, 
Louis  d'Outremer,  roi  de  France  ,  s'était  emparé  du  jeune 
duc  Richard  Ier ,  troisième  duc  de  Normandie,  qui  avait  suc- 

«  Trompette  de  nostre  ville  de  Bordeaux  en  laquelle  qualité  il  auroit 
«  receu  plusieurs  ordres  du  feu  roy  Henry  le  Grand  nostre  ayeul 
«  qu'il  auroit  executtez  avec  une  fidélité  inviolable  imitant  en  cela  tes 
«  grands  personnages  sortis  des  maisons  d'Harcourt  d'Alegre  et  de 
«  Souvray  avec  lesquelles  celle  de  Bailleul  a  faict  de  grandes  et  es- 
te truites  alliances  et  ledit  Jacques  de  Bailleul  seigneur  de  Cressauville 
«  de  Vignes  et  autres  lieux  s'estanl  rendu  digne  fils  et  successeur  de 
"  leur  vertu.  Voulant  reconnoistre  en  sa  personne  ses  services  et  ceux 
«  de  ses  prédécesseurs  et  laisser  a  la  postérité  des  marques  de  la  sa- 
«  tisfaction  que  nous  en  avons,  nous  avons  estimé  ne  le  pomoir  foire 
-  plus  avantageusement  qu'en  lny  accordant  l'érection  en  marquisat 
«  de  sa  terre  et  seigneurie  de  Cressanville  à  laquelle  sont  unis  les  fiefs 
«  du  Quesnay  et  de  Glatigny  et  est  attaché  le  droit  de  présenter  a  la 
«  dignité  de  chantres  à  6  chanoines  de  l'église  collegialle  et  à  la  cure 
«  parossialle  dudit  lieu,  le  droit  de  foire  et  m  m  relié  ;  consistant  en 
«  outre  iadicte  terre  et  seigneurie  en  bois  plants  pacages  bruieres  ma- 
«  rais  moulins,  garennes  rentes  seigneuriales  le  tout  dus  aux  paroisses 
«  de  Cressanville  Cleville  et  autres  circonvoisines,  à  laquelle  terre  et 
«  seigneurie  sont  d'ailleurs  unis  lesdits  fiefs  et  seigneuries  du  Quesnay 
«  Glatigny  et  Coquinvilliers  composant  un  plain  fief  de  haubert  et  de 
«  chevalier,  un  quart  de  fief  de  haubert  nomme  le  fief  Perreux  et 
«  encore  le  fief  et  seigneurie  de  Mery  dont  rellevent  fiefs  et  arrière 
«  fiefs  situés  dans  les  paroisses  dudit  Méry  et  de  Canon  apparie- 
«  nances  et  despendances  d'iceux  le  tout  rellevant  de  nous  à  cause  de 
«  notre  vicomte  de  Caen  :  toutes  lesquelles  terres  et  fiefs  composent  un 
«  revenu  considérable  capable  de  supporter  le  titre  et  dignité  de 
«  marquisat.  A  ces  causes  et  autres  considérations  à  ce  nous  mouvants 
«  de  notre  grâce  spécialle  plaine  puissance  et  authorité  royalle  nous 
«  avons  joincl  uny  et  incorporé  ,  joignons,  unissons  et  incorporons 
«  par  ces  présentes  signées  de  notre  main  lesdits  fiefs  et  seigneuries  du 
«  Ouesnay  Gialigny.   » 


CAYrON  bÈ  mùziooN.  U5\ 

cédé  à  son  père,  à  peine  âgé  de  dix  ans ,  et  l'avait  emmené 
à  Laon  :  on  se  rappelle  comment  Osmond  ,  gouverneur  du 
jeune  prince  ,  parvint  à  l'enlever  après  l'avoir  caché  dans 
une  botte  de  foin,  pris  en  croupe  et  conduit  en  toute  hâte  à 
Coucy ,  puis  à  Senlis.  Le  roi  de  France,  irrité  d'avoir  perdu  son 
prisonnier,  envahit  la  Normandie  avec  une  nombreuse  armée. 

Hugues,  comte  de  Paris,  auquel  Louis  d'Outremer  avait 
promis  une  grande  partie  de  cette  province,  envahit  en  même 
temps  la  Éasse- Normandie  et  assiégea  Exmes.  Tout  paraissait 
perdu  lorsque  le  roi  de  France ,  qui  n'avait  pas  trouvé  de 
résistance ,  se  repentit  d'avoir  promis  une  part  si  belle  au 
comte  Hugues  et  l'engagea  à  se  retirer.  Hugues,  mécontent, 
rentra  en  France.  En  même  temps  Herold,  roi  de  Danemarck, 
qui  habitait  le  Colentin  depuis  que  son  fils  s'était  emparé  de 
ses  Étals,  informé  de  l'état  des  choses,  vint  débarquer  avec 
une  armée  près  des  salines  de  Corbon  ;  il  fut  rejoint  par  un 
grand  nombre  de  Normands  et  fit  sa  jonction  avec  eux  près 
de  Croissanville.  Ce  fut  là  qu'un  engagement  eut  lieu  entre 
les  Normands  et  l'armée  française. 

Le  roi  de  France  était  campé,  à  ce  que  l'on  croit,  au  village 
de  Corbon.  Hérold  l'envoya  sommer  de  restituer  la  Normandie 
au  jeune  Richard.  Louis  demanda  une  entrevue  pour  traiter 
cette  affaire  ;  et,  pendant  que  les  deux  rois  étaient  à  conférer 
dans  une  tente  ,  un  chevalier  colentinois  reconnut,  au  milieu 
des  Français,  Herluin,  comte  de  Monlreuil,  au  rétablissement 
duquel  il  avait  contribué  sous  Guillaume-  Longue-Épée.  Ce 
chevalier  lui  reprocha  son  ingratitude  de  prendre  parti  contre 
le  fils  de  son  bienfaiteur.  Au  même  moment,  un  cavalier 
danois  fendit  la  tête  de  Herluin  d'un  coup  de  hache.  Cette 
action  barbare  devint  le  signal  du  combat.  On  courut  aux 
armes,  et  c'est  alors  que  commença  une  affreuse  mêlée.  Le 
roi  Louis,  échappant  aux  mains  du  roi  Hérold  par  la  fuite 
rapide  de  son  cheval,  tomba  au  pouvoir  d'un  chevalier.  Il  fit 


£52  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

à  celui-ci  toutes  sortes  de  promesses  pour  n'être  pas  livré 
à  son  ennemi  ;  le  chevalier,  cédant  aux  larmes  du  roi ,  le  con- 
duisit en  secret  et  le  cacha  dans  une  certaine  île  de  la  Seine. 
Bernard-le-Danois,  gouverneur  de  Rouen  et  régent  pour  le 
jeune  duc,  en  fut  informé  par  des  rapports ,  envoya  aussitôt 
des  satellites ,  et  fit  jeter  le  chevalier  dans  les  fers.  Forcé  par 
le  besoin  de  pourvoir  à  sa  sûreté,  le  chevalier  découvrit  enfin 
malgré  lui  la  retraite  de  celui  qu'il  voulait  sauver ,  pour  en 
recevoir  une  récompense.  Le  roi  fut  donc  enlevé  de  cette  île, 
conduit  à  Rouen  par  l'ordre  de  Bernard ,  et  retenu  sous  une 
rude  surveillance  (1). 

Louis  IV  ne  recouvra  sa  liberté  qu'après  avoir  donné  son  fils 
en  otage  et  confirmé  les  droits  de  Richard  à  la  souveraineté  de 
la  Normandie  et  à  la  suzeraineté  de  la  Bretagne.  Il  fut,  de  plus, 
obligé  de  céder  la  ville  et  le  comté  de  Laon  au  comte  Hugues. 

J'ai  annoncé,  il  y  a  longtemps,  mon  projet  de  faire  ériger 
à  Croissanville  une  borne  monumentale  avec  une  inscription 
pour  rappeler  le  fait  historique  dont  je  viens  de  parler.  Ce 
projet  n'a  pas  encore  été  exécuté ,  mais  il  n'est  pas  aban- 
donné et  je  compte  toujours  le  réaliser. 

CANON-AUX-V  IGNES. 

Canon-aux-Vignes ,  Canum,  Canun. 

L'église  de  Canon  se  compose  d'un  chœur  à  chevet  rec- 
tangulaire ,  d'une  nef  et  d'une  tour  construite  au  sud  entre 
chœur  et  nef. 

Le  chœur  présente  au  chevet  trois  lancettes  ,2  et  1 , 
disposition  qui  se  retrouve  parfois  et  qui  prouve  que  les 
églises  n'avaient  pas  de  voûte.  La  lancette  la  plus  élevée  cor- 

(1)  Voir  le  récit  très-détail  lé  de  ces  faits  dans  Guillaume  de  Ju- 
miéges,  liv.  IV,  ch.  ni,  iv,  v,  vi  et  suiv.  —  On  en  trouve  un  récit  plus 
détaillé  encore  dans  le  Roman  de  Rou  ,  de  Robert  Wace,  t.  Ier,  p.  186 
de  l'éditioh  de  M.  F.  Pluquct. 


CANTON    DE    MÉZIDON. 


45$ 


respondait  à  la  partie  cintrée  du  lambris  en  bois  ;  des  cor- 
beaux à  figures  supportent  encore  à  Canon  la  corniche  exté- 
rieure, ce  qui  annoncerait  la  transition  ou  la  fin  du  XIIe 
siècle  et  le  commencement  du  XIIIe  ;  ces  modillons  mé- 
ritent l'attention  :  il  y  en  a  un  qui  offre  trois  têtes  accolées , 
un  autre  deux  têtes.  Sur  un  autre  on  remarque  une  in- 
scription en  caractères  du  XIIIe  siècle. 


ict  Jel. 


ÉGLISE   DE   CANON  (  CÔTÉ  DU  SI  D  ). 

La  lour  latérale,  au  sud  ,  présente   un  carré  pesant  cl  pe 


454         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CAL\ADOS. 

élevé  terminé  par  un  toit  à  double  égout  ;  la  partie  basse 
pourrait  être  du  même  temps  que  le  chœur  ;  mais  la  ter- 
minaison doit  être  plus  récente. 

La  nef  offre  trop  peu  de  caractère  pour  être  datée.  Moins 
ancienne  que  le  chœur,  elle  doit  pourtant,  en  partie  ,  appar- 
tenir au  style  ogival  primitif;  mais  des  fenêtres  modernes 
et  diverses  reprises  lui  donnent  l'aspect  moderne. 

Au-dessus  de  la  porte  carrée  et  du  dernier  siècle  qui 
s'ouvre  dans  la  façade  occidentale ,  est  une  table  de  marbre 
avec  l'inscription  Pax  homïnibus  bonœ  voluntatis. 

L'intérieur  de  l'église  de  Canon  est  moins  intéressant  que 
l'extérieur;  on  y  voit  dans  la  nef  l'inscription  tumulaire  du 
premier  bon  vieillard  couronné  aux  concours  ouverts  par 
M.  et  Mmrde  Beau  mont,  grand  père  et  grand'mère  de  M.  de 
Beaumont,  sénateur,  et  la  représentation  de  la  médaille  qui 
avait  été  composée  pour  les  lauréats;  l'inscription  est  ainsi 
conçue  (1)  : 


ICI    KEPOSE 
LE    CCKUR    DE    PIERRE    LE    MONNIER 
PREMIER    BON    VIEILLARD    COURONNÉ 

EN    1775 

IL    HONORA  SON    PAYS   ET   SA   FAMILLE 

PAR    UNE    VIE    SANS    RKPROCHK 

IL    MOURUT    LE    13    MARS    1777 

ÂGÉ    DE    81    ANS. 


On   lit   sur   une   autre  table  de  marbre  uiscrustée  dans 
le  mur  du  chœur ,   côté  de  l'évangile  : 


ICI    REPOSENT 

LES    COELUS 

DE    J.     B.   J.     ELIE    DE    BEAU  MONT 

DEFENSEUR    DE    CALAS 

fcT    DE    SIR  YEN 

MORT    LE    10    JANVIER    MVIltcLXXXV: 

ÂGÉ    DE    LUI    ANS. 


(1)  Pour  bien  comprendre  l'inscription,   il  faut   savoir  que  M.   et 
Mme  de  Beaumont,  par  acte  de  1775,  avaient  institué  à  Canon  une 


CANTON   DE    MÉfcIDON.  455 

L'église,  sous  l'invocation  de  saint  Médard  ,  était  du  diocèse 
de  Séez.  L'abbaye  de  Ste-Barbe  nommait  à  la  cure.  ? 

Faits  historiques. — Il  y  avait,  au  moyen-âge,  des  vignobles 
à  Canon  sur  les  coteaux  exposés  au  midi  :  c'est  de  là  que 
vient  le  surnom  que  porte  encore  aujourd'hui  la  commune  : 
Canon-aux-  Vignes. 

Canon  devait  avoir  très-anciennement  ses  seigneurs.  Au 
XIIe  siècle ,  Eudes  de  Canon  et  ses  fils  donnèrent  à  l'abbaye 
de  Ste-Barbe  des  terres  situées  à  Mesnil-Mauger  et  ailleurs; 
ces  donations  furent  ratifiées  par  le  seigneur  de  Mézulon, 
leur  suzerain  (1). 

Château.  —  L'époque  moderne  nous  a  laissé  un  château 
monumental  dans  cette  commune.  Il  appartient  à  M.  Élie  de 
Beaumont  ,  sénateur ,  membre  de  l'Institut. 

Élie  de  Beaumont,  célèbre  avocat  au  Parlement  de  Paris  (2), 
le  défenseur  de  Calas ,  avait  épousé  Anne-Louise  Morin  du 
Mesnil ,  fille  du  seigneur  de  Vieux-Fumé ,  née  à  Caen   en 

fête  appelée  la  Fôle  des  bonnes  gens,  et  fondé  quatre  prix.  Les  habitants 
de  Méridon  et  de  Vieux -Kuiné  pouvaient  concourir  à  ces  récompenses 
qui  étaient  données  au  bon  btëiflAra,  S  la  bonne  fille,  au  bon  chef 
de  fond  Le  et  à  la  bonne  mare.  Un  règlement  fut  fait,  indiquant  les 
condition^  de  ces  quatre  concours.  Les  lauréats  recevaient  une  somme 
d'argent  et  une  médaille,  dont  la  composition  différait  selon  la  nalure 
du  prix.   Il  y  avait  conséquemment  quais e  types  de  médailles. 

M.  Demiau  de  Crouzilliac,  conseiller  à  la  Cour  impériale  de  Caen, 
a  publié  tout  récemment  un  mémoire  irès-m'éress.int  sur  la  Fêle  des 
bonnes  gens  a  Canon.  Nous  ne  pouvons  qu'y  renvoyer  nos  lecteurs. 
Ce  mémoire  a  été  lu  dans  une  des  séances  pudiques  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  Normandie. 

(1)  Je  suppose  que  l'habitation  des  seigneurs  de  Canon,  au  XII'  siècle, 
pouvait  exister  au  suJ  du  château  actuel,  en  fc  rapprochant  du  moulin. 

2)  Né  à  Carentan  en   1732. 


456  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

1729,  femme  d'esprit  et  de  cœur  ,  auteur  des  Lettres  du 
marquis  de  Rozelle ,  roman  qui  eut  une  certaine  réputation 
et  qui  parut  en  1764. 

La  terre  de  Canon  avait  appartenu  anciennement  à  la 
famille]  Morin  du  Mesnil  ;  elle  l'avait  perdue  à  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes.  M.  Élie  de  Beaumont  demanda  à  être 
réintégré  dans  cette  propriété  et  finit  par  obtenir  justice 
vers  1770,  après  avoir  écrit  plusieurs  mémoires  pour  prou- 
ver les  droits  de  sa  femme.  Ce  fut  alors  qu'il  fit  restaurer 
et  peut-être  refaire  presque  entièrement  le  château  actuel 
avec  le  toit  à  l'italienne  et  les  balustrades  en  pierre  qui  cou- 
ronnent l'entablement.  Des  inscriptions  latines ,  placées  sur 
différentes  parties  du  château  ,  témoignent  du  goût  des  pro- 
priétaires pour  les  lettres  et  de  leur  douce  philosophie  (1)  : 

La  vue  ci-jointe  du  château  reproduit  la  façade  ,  tournée  à 
l'ouest  vers  lcLaizon,  et  le  parc.  On  y  a  gravé  les  vers  suivants 
de  Delille ,  auxquels  on  n'a  fait  que  substituer  :  0  rives  du 
Laizon,  aux  mots  qui  forment  la  première  partie  du  premier 
vers  : 

Ô     RIVES    OU    LAIZON,     Ô   CHAMPS    AIMÉS    DES  CIEUX , 
QUE    POUR    JAMAIS    FOULANT    VOS    PRÉS  DÉLICIEUX  , 
NE    PU1S-JE   ICI    FIXER   MA    COURSE    VAGABONDE 
ET  ,    CONNU  DE  VOUS  SEULS  ,  OUBLIER    TOUT  LE   MONDE. 

Le  parc ,  avec  sa  belle  pièce  d'eau  ,  ses   canaux    et  ses 
(1)  On  lit  dans  le  vestibule,  au-dessus  de  la  porte  du  salon  : 

QUOD    PETIS     HIC     EST 

EST   ULUBRIS,  ANIMUS    SI     TE   NON    DEFICIT    EQUUS 

Sous  le  fronton ,  à  l'extérieur  de  l'entrée  orientée  au  levant ,  du 
côté  de  la  cour,  sont  gravés  les  deux  vers  suivants  de  Boileau  sur 
une  table  de  marbre: 

LE   SOLEIL    EN    NAISSANT    LE    REGARDE    D'ABORD 
ET   LE  MONT    LE  DÉFEND   DES   OUTRAGES  DU    NORD. 

Une  colline  garantit  effectivement  le  château,  du  côté  du  nord. 


CANTON   DE   MÊZ1DON.  457 

cascades ,  fut  créé  par  M.  et  Mn,e  de  Beauniont.  Des  bustes 
en  marbre  blanc ,  des  pavillons  portant  des  inscriptions  dé- 
corent, suivant  le  goût  français  de  l'époque,  les  diverses 
parties  des  allées  ombragées  de  grands  arbres. 

M.  Élie  de  Beaumont,  qui  était  devenu  intendant  des 
finances  du  comte  d'Artois  ,  mourut  en  1786.  Mme  de 
Beaumont  l'avait  précédé  dans  la  tombe  de  trois  années 
(  1783).  Son  fils  ,  qui  lui  succéda  et  posséda  le  domaine  de 
Canon  après  lui,  épousa  Mlle  du  Pâty,  sœur  de  l'académicien  : 
ce  furent  les  père  et  mère  du  célèbre  géologue  M.  Élie  de 
Beaumont,  sénateur,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académre  des 
sciences ,  inspecteur  général  des  mines  ,  grand  officier  de  la 
Légion-d'Honneur  ,  une  de  nos  gloires  scientifiques  de 
France  (1). 

M.  le  sénateur  de  Beaumont ,  et  Mme  de  Beaumont , 
née  de  Quélen ,  habitent ,  chaque  année ,  le  château  de  Canon 
une  partie  de  l'été. 

Canon  a  repris  la  splendeur  qu'il  avait  au  siècle  dernier , 
et  cette  belle  résidence  est  d'autant  plus  remarquable  qu'elle 
conserve  le  cachet  des  grandes  habitations  seigneuriales  du 
XVIIIe  siècle  avec  ses  belles  allées  droites. 

Le  Laizon  passe  à  l'extrémité  de  l'enceinte.  Un  groupe  en 
terre  cuite,  faisant  face  au  château,  représente  le  Fleuve  avec 
son  urne.  M.  de  Beaumont  se  propose  de  faire  réparer  ce 
groupe,  qui  a  souffert  depuis  long-temps. 

Un  petit  château,  du  temps  de  Louis  XIV  probablement, 
existe  au  milieu  du  parc,  à  droite  de  la  pièce  d'eau.  Nous 
en  donnons  une  esquisse  :  on  l'appelle  le  château  Béranger. 


(4)  M.  de  Beaumont  a  eu  un  frère  mort  juge  au  tribunal  de  la 
Seine,  marié  à  MIle  Le  Peltier  d'Aulney  ,  et  dont  le  fils  est  aujourd'hui 
procureur  impérial  à  No^ent-sur-Seinc  (  Aube  ). 


458         STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 


%^^^Rl^S:' 


Boiiot  dcl. 


CHATEAU    BÉKANGEK,    DANS    LE    PARC    DE   CANON. 


CANTON    DE    MÉZIDON.  459 

Sépultures  anciennes.  — En  1781,  M.  Scrain  ,  médecin 
à  Canon  (1),  y  découvrit,  sous  un  tertre,  des  ossements 
humains,  du  charbon,  des  anneaux  et  sept  squelettes;  les 
têtes  reposaient  sur  des  cercles  de  bronze ,  de  2  pouces  de 
diamètre  sur  2  lignes  d'épaisseur.  Ces  squelettes  étaient 
tournés  vers  l'orient;  un  seul  regardait  le  nord  (2). 

SAINT-PIERRE-DU-BREUIL. 

St-Pieire  du-Breuil,  Bruillium,  Brolium. 

L'église  de  St-Pierre  du-Breuil  offre  encore  ce  style  de 
transition  dont  les  campagnes  de  Caen  et  de  Falaise  four- 
nissent tant  d'exemples,  et  dont  on  ne  saurait  préciser  abso- 
lument la  date  :  si  j'adopte  pour  horizon  chronologique  de 
la  plupart  de  ces  églises  le  commencement  du  XIIIe  siècle, 
je  conviens  qu'on  pourrait  souvent  tout  aussi  bien  les  rap- 
porter à  la  fin  du  XIIe  siècle. 

L'église  du  Breuil  était  en  forme  de  croix,  avec  une  tour 
carrée  au  centre  du  transept  terminée  par  une  toiture  en 
bois.  Le  corps  de  l'église  est  ancien.  On  y  a  ajouté,  au  XVe 
siècle ,  un  porche  en  avant  de  la  porte  principale  de  la  nef 
qui  s'ouvrait  dans  le  mur  méridional ,  près  de  l'extrémité 
occidentale. 

Plus  tard,  probablement  au  siècle  dernier,  deux  petites 
chapelles  symétriques  ont  été  ajoutées  près  du  sanctuaire  , 
au  nord  et  au  sud,  de  manière  à  former  un  second  transept, 
ce  qui  donne  au  plan  de  l'église  une  forme  insolite  ;  mais, 
en  faisant  abstraction  de  ces  additions  modernes  ,  on  re- 
trouve bientôt  la  forme  ordinaire. 

(1)  M.  Serain  avail  été  appelé  ù  Canon  par  If.  de  Beaumonl;  il  y 
est  morl  en  1820.  Il  était  de  Saintes. 

(2)  Archives  de  ta  Normandie,  par  M.  Louis  Di.bois.  Caen,  1825. 


460  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS, 


CANTON   DE   MÉZIDOX.  661 

Le  chœur  et  les  transepts  sont  voûtés  en  pierre;  des 
lambris  en  bois  forment  la  voûte  de  la  nef. 

Deux  jolies  portes  en  ogive  ornées  de  zig-zag ,  de  tores 
et  d'une  bordure  de  têtes  de  clous,  s'ouvraient  dans  le  chœur, 
l'une  devant  l'autre ,  au  sud  et  au  nord ,  immédiatement 
après  les  chapelles  du  transept  :  l'une  d'elles  (celle  du  nord) 
est  murée  et  cachée  par  un  lierre  ;  l'autre  est  toujours 
fermée  d'une  porte  en  bois. 

A  cet  aperçu  ,  j'ajouterai  quelques  observations  de  détail. 

Le  mur  droit  du  chevet  me  paraît  avoir  été  refait  au 
XIVe  siècle  ;  plusieurs  fenêtres  ont  été  refaites  à  des  époques 
peu  anciennes. 

Les  corniches  extérieures  présentent  le  mélange  des  1110- 
dillons  et  des  dents  de  scie  ,  combinaison  que  l'on  trouve 
dans  nos  églises  de  transition  :  on  y  voit  aussi  des  modiilons 
portant  des  arcatures  géminées. 


Les  chapiteaux  intérieurs  appartiennent  au  style  ogival  le 
plus  ancien. 

Il  n'y  a  point  de  porte  à  l'ouest.  La  porte  sud-occidentale, 
précédée  d'un  porche,  est  ornée  de  cannelures  ,  et  les  archi- 
voltes reposent  de  chaque  côté  sur  trois  colonnes. 

En  face,  du  côté  du  nord,  est  aujourd'hui  une  porte  sans 
caractère  et  qui  peut-être  n'a  été  faite  que  pour  les  pro- 
cessions ,  le  chemin  passant  le  long  du  mur  occidental  de  la 
nef  :  je  n'oserais  pourtant  affirmer  qu'il  n'y  en  a  pas  eu 
une  dès  l'origine ,  à  laquelle  aurait  succédé  celle  que  nous 
voyons. 


hbl         STAilSTlntE   MOMMhrsJALli  DU  CALVADOS. 

Les  toits  de  l'église  du  Breuil ,  qui  est  réunie  à  Mézidon , 
étaient  dans  le  plus  triste  état  quand  la  Société  française 
d'archéologie  a  volé  une  allocation  pour  aider  à  les  réparer. 
Une  demande  de  secours  a  été  alors  adressée  à  M.  le  Mi- 
nistre de  l'intérieur.  Les  habitants  ont  ouvert  une  souscription 
qui  a  été  fructueuse.  Des  travaux  de  consolidation  ont  été 
exécutés  par  M.  l'architecte  Vérolles.  Le  toit  de  la  tour  a  été 
reconstruit  en  entier  :  le  plus  pressant  est  fait ,  mais  il  reste 
à  faire  encore. 

L'église  du  Breuil  était  sous  l'invocation  de  saint  Pierre. 
Une  statue  assez  barbare  de  ce  prince  des  apôtres  se  voit 
encore  dans  une  niche,  au  milieu  du  fronton  du  porche. 
L'abbaye  de  S"'-B;ube  possédait  Je  patronage. 

On  voit  dans  le  cimetière  un  obélisque  élevé  à  la  mé- 
moire du  dernier  prieur  de  celte  maison  religieuse  ,  lequel 
est  mort  curé  de  Mézidon. 

Château.  —  Le  château  du  Breuil ,  sur  le  bord  de  la  voie 
ferrée  ,  est  moderne ,  comme  le  montre  l'esquisse  suivante, 
gravée  d'après  le  dessin  de  M.  Pépin;  il  n'est  pas  d'une 
grande  importance ,  mais  l'ensemble  des  bâtiments  se  pré- 
sente bien  et  la  tour  cylindrique  à  toit  conique  lui  donne 
un  certain  cachet;  il  appartient  à  Mme  la  comtesse  du  Moncel, 
née  de  Revilliasc. 

Gare  du  chemin  de  fer.  —  Je  viens  de  parler  de  la  voie 
ferrée  :  c'est  au  Breuil  qu'est  établie  la  gare  près  de  laquelle 
s'embranche,  sur  la  voie  de  Paris  à  Cherbourg,  le  chemin 
de  fer  du  Mans,  Tours ,  etc.  ,  etc.  Cette  station  (station  de 
Mézidon)  est  assez  importante. 

Voie  romaine.  —  Une  voie  romaine  ou  chemin  haussé,  que 
nous  avons  citée  tome  II,  page  35^  de  la  Statistique  monumen- 
tale, venait  aboutir  près  du  Breuil  et  passait  peut-être  sur  le 


canton  de  mèzidon. 


ÀG3 


hbk  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

territoire  de  la  commune.  Les  traces  n'en  sont  plus  visibles 
à  partir  de  Percy. 

MEZIDON    (  CHEF-LIEU  ). 

Mézidon ,  Mansio  Odonis. 

Il  y  avait ,  selon  toute  apparence ,  un  ancien  passage  de 
la  Dive,  au  lieu  qu'occupe  aujourd'hui  le  bourg  de  Mézidon, 
mais  rien  avant  le  XIe  siècle  ne  nous  révèle  l'importance 
du  vicus  qui  pouvait  exister,  et  n'indique  si  la  Dive 
se  passait  à  gué,  dans  un  bac  ou  sur  un  pont.  A  cette 
époque  (XIe  siècle),  nous  voyons  apparaître  Odon  Stigand 
comme  seigneur  de  la  localité  qui  constitue  aujourd'hui 
le  bourg  de  Mézidon  et  de  ce  qu'on  appelait ,  sur  la  rive 
droite  de  la  Dive ,  Escajolet  ou  le  petit  Écajeul. 

Odon  Stigand,  déterminé  sans  doute  par  l'importance 
stratégique  du  passage ,  avait  établi  un  château  sur  le  bord 
de  la  Dive  ,  dont  les  eaux  durent  lui  donner  les  moyens  de 
défendre  la  place  ;  elle  prit  alors  le  nom  que  l'on  a  traduit 
en  latin  par  Mansio  Odonis  (habitation  d'Odon),  et  qui 
est  devenu  en  français  moderne  Mézidon.  A  partir  du  XIe 
siècle  ,  Mézidon  acquit  une  certaine  importance,  surtout  par 
la  fondation  de  l'abbaye  de  Ste-Barbe  sur  le  territoire  d'Esca- 
jolet ,  à  quelques  pas  du  bourg  et  du  château. 

Eglise.  —  L'église  actuelle  est  moderne  ;  elle  a  été  recon- 
struite sous  le  premier  Empire  et  n'a  rien  de  remarquable. 
On  peut  dire  qu'elle  ne  répond  guère  à  l'importance  actuelle 
du  bourg;  elle  est  rectangulaire;  le  portail,  donnant  sur  la 
grande  rue  du  bourg,  est  surmonté  d'une  flèche  en  charpente 
recouverte  d'ardoises.  Cette  tour  renferme  deux  cloches  pro- 
venant de  l'abbaye  de  S,e-Barbe, 


CANTON   DE   MÉZIDON.  465 

La  plus  grosse  porte  l'inscription  suivante  : 

j'ai  été  nommée  barbe  par  messieurs  les  chanoines  réguliers  du 
chapitre  de  cette  église  ad  mois  d'octobre  1739. 

On  y  voit  le  blason  de  l'abbaye,  plusieurs  fois  répété. 

L'église  moderne  de  Mézidon  est  sous  l'invocation  de 
Notre-Dame  et  de  saint  Firrain  ;  l'abbaye  de  Ste-Barbe  nom- 
mait à  la  cure. 

Filature. — La  filature  de  lin  appartenant  à  M.  Hurel,  et 
qui  est  située  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière,  au  centre  du 
bourg ,  est  ce  que  Mézidon  offre  de  plus  remarquable  ;  c'est 
un  établissement  important,  qui  s'est  considérablement  accru 
depuis  vingt-cinq  ans  et  qui  occupe  plus  de  trois  cents 
ouvriers. 

Mairie. —  L'hôtel  de  la  mairie  ,  comprenant  la  justice  de 
paix  et  l'école  primaire,  construit  par  M.  l'architecte  Vérolles 
sous  l'administration  de  M.  Coulibœuf ,  est  situé  au-delà  de 
la  Dive.  C'est  de  ce  côté  que  le  bourg  a  pris  le  plus  d'accrois- 
sement, maison  a  construit  aussi  beaucoup  depuis  dix  ans 
dans  la  direction  opposée,  vers  la  gare  du  chemin  de  fer. 

Emplacement  du  château  d'Odon.  — M.  Coulibœuf,  maire 
de  Mézidon,  que  j'ai  consulté  sur  l'emplacement  probable  du 
château  d'Odon  Stigand  et  qui  a  depuis  longtemps  déjà  examiné 
la  question,  pense  que  la  place  fortifiée  par  ce  seigneur  devait 
comprendre  la  partie  du  bourg  occupée  par  la  cour  de  M.  Hurel, 
l'église ,  l'emplacement  du  cimetière ,  les  halles  et  les  hôtels 
SlP-Barbe  et  St-Martin.  Le  donjon  devait  se  trouver  dans  une 
île  formée  par  la  Dive  ,  au  nord  de  la  première  enceinte  , 
dont  le  périmètre  vient  d'être  approximativement  indiqué. 
M.  Coulibœuf  se  trouve,  dans  ses  indications,  d'accord  avec 
M.    Guilmeth   qui    a   tracé  à    peu   près  de    la   même   ma- 

30 


1*66       Statistique  monumentale  du  calvados. 

nière  l'enceinte  présumée   de  la  place,  à  l'époque  d'Odon 

Stigand  (1). 

Le  château  d'Odon  Stigand  ,  qui  passa  à  la  famille  de  Tan- 
carville ,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure ,  fut  assiégé  et 
pris,  en  1137,  par  le  roi  Etienne  qui  le  fit  démolir,  au 
moins  en  partie ,  et  dès  lors  Mézidon  dut  perdre  son  im- 
portance comme  place  de  guerre  (2). 

«  Ce  fut  en  1347,  dit  M.  Coulibœuf  dans  la  note  qu'il 
«  a  bien  voulu  m'écrire ,  que  Jean  II  de  Melun ,  comte  de 
«  Tancarville ,  chambellan  héréditaire  de  Normandie ,  vendit 
«  cette  baronnie  à  l'abbaye  de  Nolre-Dame-de-Grestain  ; 
a  plus  tard ,  elle  fut  transmise  au  prieuré  de  Ste-Barbe  qui 
o  en  exerça  tous  les  droits  seigneuriaux.  » 

Il  se  tient  à  Mézidon,  le  12  novembre,  jour  de  la  fête 
St-Martin  ,  une  foire  assez  importante.  Chaque  semaine , 
il  y  a  marché  le  samedi.  Ce  marché  existait  dès  le  temps 
d'Odon  Stigand ,  puisqu'il  avait  donné  le  dixième  des  droits 
qu'on  y  percevait  à  l'abbaye  de  Ste-Barbe  (3). 
On  comptait  73  feUx  à  Mézidon. 

(1)  M.  Guilmeth  avait  commencé  une  publication  considérable  sur 
l'histoire  de  Lisieux  et  des  bourgs  de  l'arrondissement  ;  il  est  à  regretter 
que  cet  ouvrage  n'ait  pas  été  continué  et  surtout  qu'il  soit  aussi  rare. 
L'ouvrage  n'a  pas,  à  ce  qu'il  paraît,  été  mis  dans  le  commerce  après 
que  les  souscripteurs  ont  reçu  leurs  exemplaires.  Mézidon,  St-Pierre- 
sur-Dive,  Livarot,  Lisieux  et  Orbec  ont  été  le  sujet  d'intéressants 
essais  historiques  qui  peuvent  être  consultés  avec  fruit. 

(2)  Ce  siège  fut  provoqué  par  Rabel  de  Tancarville,  qui  s'était 
révolté   contre   le  roi  Etienne. 

(3)  Avant  89 ,  les  religieux  de  cette  communauté  percevaient  des 
droits  sur  les  marchandises  de  toute  espèce  exposées  en  vente  sur  le 
champ  de  foire ,  sur  la  place  du  marché ,  et  sous  les  halles  et  bou- 
cheries. 

Quelques  vieillards  se  rappellent  que,  le  lendemain  de  la  foire  St- 
Martin  qui  se  tient  le  12  novembre  de  chaque  année,  tout  propiiè- 


CANTON   DE   MÉZiDON. 


Ù07 


ECAJEUL. 


Ecajeul ,  Scajoleium,  Eescajoleium,  Escajol. 

La  nef  d'Écajeul  est  romane,  probablement  du  XIe  siècle, 
avec  maçonnerie  en  arête  de  poisson  dans  la  façade.  Des 
contreforts  en  pierre  de  taille  placés  dans  les  murs  du  nord 


église  d'Écajeul  (côté  du  sud'. 

sont  percés  de  petites  fenêtres  semi-circulaires ,  comme  j'en 

taire  foncier  de  la  commune  était  tenu  d'aller  payer  un  liard  au 
receveur  du  prieuré  de  S,c-Barbc,  et  que  le  marché  qui  se  tenait 
tous  les  samedis  n'était  ouvert  au  public  que  lorsque  les  appro- 
visionnements de  la  communauté  avaient  été  faits. 

(Note  de  M.  Couttbctuf,) 


408  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

ai  trouvé  dans  un  petit  nombre  d'églises  rurales  du  XF  ou 
du  XIIe  siècle  ;  mais  ce  fait  est  assez  rare  et  n'a  dû  être  motivé 
que  par  économie  pour  la  pierre  de  taille.  Les  fenêtres  ac- 
tuelles de  l'église  d'Écajeul  sont  presque  toutes  modernes. 

La  principale  entrée  de  l'église  est  à  l'ouest.  C'est  une 
porte  romane  à  plein-cintre  avec  archivolte  ornée  de  tores 
et  de  billettes ,  portée  par  deux  colonnes  à  chapiteaux  assez 
barbares,  mais  dont  le  fût,  dans  sa  partie  supérieure,  est 
cannelé  en  spirale,  chose  assez  rare  dans  nos  contrées. 
Le  tympan  a  été  percé  ;  il  était  plein  dans  l'origine ,  selon 


toute  apparence.  Une  autre  porte  romane  existe  dans  le 
mur  latéral  du  sud  :  elle  paraît  moins  ancienne  que  la  pré- 
cédente. En  somme  ,  la  nef  d'Écajeul  ,  sauf  la  tour 
carrée  massive  établie  au-dessus  de  la  façade  occidentale  et 
dont  l'époque  est  peu  caractérisée,  doit  dater  du  XIe  siècle, 
à  en  juger  par  ses  caractères  architectoniques  assez  pro- 
noncés. 


CANTON   DE   MÉZ1DON.  &69 

Le  chœur  paraît  moins  ancien  ;  on  y  voit ,  à  l'est ,  une 
longue  lancette  ;  au  sud ,  une  fenêtre  cintrée  avec  chapiteaux 
de  transition  :  il  pourrait  donc  dater  de  la  fin  du  XIIe  siècle 
ou  du  XIIIe.  Des  fenêtres  nouvellement  percées  ont  défiguré 
presque  complètement  cette  partie  de  l'édifice,  bien  moins 
intéressante  que  l'autre.  On  voit  quelques  moulures  du  XVe 
siècle  sur  une  porte  latérale ,   au  sud. 

Voici  les  inscriptions  des  cloches  d'Écajcul  ,  telles  que  les 
a  relevées  M.  le  docteur  Pépin. 

On  lit  sur  la  plus  grosse  : 

L'AN    J773     IAY      ÉTÉ    BÉMTE    PAU    Mc    MICHEL    FROMAGE     CVRÉ     DE 

CETTE     PAROISSE     ET     NOMMÉE    MARGVERITE     PAR    MESSIRE 
NOËL      VRBAIN      ANDRÉ      DE     LA     FRESNAÏE   ,     CHEVALIER     SEIGNEVR 

ET     PATRON     DE     L'iIONNEVR     DECAIEVL  ,    CAMPIGNI,     ESCVRES     Sse 
/^gT-  'MARGVERITE    DE    METTE  ,    LA    POTERIE  ,     ERAINE  ,    COVLONS  ,     .    .    . 

ET    AVTRES    LIEVX    ET   PAR    NOBLE    DAME 

flTl^    BIARCVERITE        DOVESY      DAME      DOLLENDON    ,      VEVVE        DE       MESSIRE 

CHARLES    DE    VAVQVELIN    CHEVALIER    SEIGNEVR    ET 
«Kpï>    PATRON    DE   SACI 

LA   VILLETTE   DE    LISIEVX    —   JEAN    LORIOT    TRÉSORIER. 

L'inscription  de  la  seconde  cloche  ,  qui  est  de  très-petite 
dimension  ,  est  ainsi  conçue  : 

1770.    Me    LEONOR     FRANÇOIS    FREROT    PRÊTRE    CVRÉ    DE    CE    LIEV    NOMMÉE 
IOACHIM     PAR    IOACHIM     MATHAN    SEIGr     DE    SOCQVENCE. 
AVBERT    MA    FAITE 

On  voit  sous  le  toit  de  la  tour ,  à  gauche  ,  un  débris  de 
pierre  tombale  en  beaux  caractères  gothiques  incrustés  de 
plomb.  C'était  probablement  la  tombe  d'un  seigneur  d'Éca- 
jeul.  On  y  lit  seulement  : 


îïcc aintl  Lequel  Dcceùa 


470  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

On  voit  un  certain  nombre  de  tombeaux  modernes  dans  le 
cimetière ,  notamment  celui  de  : 

JOSEPH    MAURICE    DUTHRONE    DE    GLATIGNY 
CHEVALIER    DE  S1    LOUIS 

4  842. 

L'église  d'Écajeul  est  sous  l'invocation  de  saint  Pierre.  La 
cure  se  divisait  autrefois  en  deux  portions  ;  le  seigneur 
nommait  à  la  première  portion.  Il  existait  à  Écajeul  une  cha- 
pelle dite  de  l'Honneur,  qui  est  détruite. 

Il  existe  encore  dans  la  commune  d'Écajeul  un  manoir,  du 
XVIe  siècle  ou  de  la  fin  du  XVe,  appelé  fort  de  BasseviUe. 

L'Honneur  d'Écajeul  appartenait,  en  1068,  à  OdonStigand, 
fondateur  de  Ste-Barbe.  Comme  ses  autres  biens ,  cette  ba- 
ronnie  passa ,  au  commencement  du  XIIe  siècle,  à  la  maison 
de  Tancarville.  Après  l'extinction  de  cette  famille,  elle  ap- 
partint aux  de  Courcy  et  aux  d'Orglandes. 

Lors  de  l'invasion  anglaise ,  les  Paisnel  étaient  seigneurs 
d'Écajeul.  Ils  combattirent  contre  les  envahisseurs,  qui, 
les  considérant  comme  rebelles  ,  confisquèrent  la  terre. 
Richard  Wright  en  devint  possesseur.  A  la  fin  du  siècle , 
les  Paisnel  étaient  rentrés  en  possession  de  leur  bien. 

En  1631  et  1646,  dit  M.  Ch.  Vasseur,  on  trouve,  dans  les 
aveux,  noble  seigneur  messire  Jean  de  La  Flèche,  chevalier, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  Roi ,  seigneur  de 
Grisy,  ïhieuville,  Brelteville,  Donville  ,  Quesnay,  Escures , 
Viette ,  le  Mesnil-Mauger  et  de  la  terre  et  seigneurie  de 
l'Honneur  d'Écajeul:  ce  qui  ne  s'explique  pas  très-facile- 
ment, car  la  famille  de  Vauquelin  de  La  Fresnaye  était  dès  le 
XVIe  siècle  en  possession  de  la  terre  d'Écajeul. 

Au  commencement  de  la  Révolution ,  la  terre  d'Écajeul , 
en  fermes  louées  et  réserves,  valait  15,665  livres  de  revenu, 
sans  parler  de  492  chapons  ou  gélines,  20  journées  de  harnois 
et  environ  700  livres  de  rente  dues  par  le  domaine  fieffé. 

On  comptait  94  feux  à  Écajeul,  au  siècle  dernier. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  471 

Abbaye  de  S,e-BARBE.  —  En  suivant  le  joli  chemin  qui 
passe  à  l'extrémité  nord  de  la  Grand' Rue  de  Mézidon  et  se 
dirigeant  à  l'est,  on  arrive  à  la  ferme  qui  occupe  l'emplace- 
ment de  l'abbaye  de  Ste-Barbe. 

L'église  n'existe  plus ,  mais  on  en  reconnaît  encore  la 
place  ;  on  voit  aussi  la  place  et  même  les  fondements  de  di- 
vers bâtiments  ,  et  au  besoin  on  pourrait  reconstruire  le  plan 
du  prieuré  s'il  n'en  existait  aucun.  Le  peu  qui  reste  d'ancien 
aujourd'hui  se  trouve  dans  la  ferme  de  l'abbaye,  qui  appartient 
aux  héritiers  de  M.  Jonquoy  ,  ancien  membre  du  Conseil 
général  du  Calvados  ;  on  y  voit  quelques  ouvertures  ogivales 
qui  peuvent  remonter  au  XIIIe  siècle. 

J'ai  trouvé  à  Rouen,  chez  M.  de  Glanville,  un  médaillon 
sur  une  clef  de  voûte  qui  vient  de  Ste-Barbe  et  paraît  du 
XIIIe  siècle.  La  provenance  est  certaine ,  mais  il  n'est  pas 
sûr  qu'il  ait  appartenu  à  la  voûte  de  l'église.  Il  pourrait 
provenir  du  cloître  ou  d'une  autre  dépendance  du  prieuré. 
Il  représente  un  homme,  affourché  sur  un  âne  et  portant 
un  sac  sur  sa  tète  (V.  la  page  suivante).  Le  costume  du 
personnage  est  intéressant.  Il  porte  des  gamaches ,  espèce  de 
guêtres  qui  étaient  en  usage  dans  nos  campagnes  au  siècle 
dernier,  et  même  il  y  a  quarante  à  cinquante  ans.  On 
trouve  encore  les  gamaches  usitées  en  Bretagne  à  l'heure 
qu'il  est. 

La  plupart  des  abbayes  ont  leur  légende.  Ste-Barbe,  aussi, 
a  la  sienne  que  voici  : 

Le  fds  d'Odon  Stigand  ,  Robert,  avait  rapporté  de  ses 
voyages  en  Orient  des  reliques  de  sainte  Barbe.  A  son  re- 
tour, il  trouva  son  frère  Maurice  très-gravement  malade  ;  les 
reliques  de  sainte  Barbe  opérèrent  sa  guérison ,  et ,  comme 
dans  beaucoup  de  légendes,  la  Sainte  apparut  au  malade  et 
lui  ordonna  d'aller  trouver  son  père  et  de  se  rendre  avec  lui 
à  l'église  St-Marlin-d'Écajcul  pour  y  faire  célébrer  la  messe 


kl  2  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


SCULPTURE    PROVENANT    DU    PRIEURE   DE   SAINTE-BARBE. 


en  son  honneur.  Odon  Stigand  ,  convaincu  de  la  vérité  de 
l'apparition  et  frappé  de  la  guérison  de  son  fils ,  s'empressa 
de  se  rendre  à  ses  prières  et  fit  transporter  les  reliques  de 
sainte  Barbe  dans  la  chapelle  de  St-Martin-d'Écajeul,  située 
sur  la  rive  droite  de  la  Dive  ,  puis  il  institua  six  chanoines 
réguliers.  La  première  fondation  de  Ste-Barbe  eut  lieu  vers 
l'an  1055  ,  et  la  charte  par  laquelle  Odon  Stigand  constitua 
rétablissement  est  de  1058  ;  elle  fut  approuvée  par  Guil- 
laume-le-Conquérant  en  1060. 

Odon   Stigand  mourut  à  Rouen   en  1066;  l'archevêque 


CANTON    DE    MÉZIDON.  U1Z 

Maurille  assista  à  ses  funérailles  avec  divers  seigneurs;  il  fut 
enterré  dans  le  cloître  de  l'abbaye  de  St-Ouen. 

Ses  deux  fils ,  Robert  et  Maurice ,  ne  laissèrent  pas  de 
postérité  ;  ils  avaient  deux  sœurs,  dont  l'une  se  fit  religieuse 
à  l'abbaye  de  S,e-Trinité  de  Caen,  en  1066  (1);  l'autre, 
Agnès,  épousa  Rabel  de  Tancarville,  fils  de  Guillaume  de 
Tancarville  :  elle  porta  à  son  mari  tous  les  biens  de  sa  fa- 
mille. Les  destinées  deSte-Barbe  furent  par  cela  mises  entre 
les  mains  de  la  famille  de  Tancarville ,  et  Rabel  en  fut  en 
quelque  sorte  le  second  fondateur.  En  effet,  en  1128,  il  ra- 
tifia toutes  les  donations  faites  à  Ste-Barbe  par  Odon  Stigand, 
son  beau-père  (2)  ,  puis  il  en  ajouta    beaucoup  d'autres; 

(1)  A  cette  occasion,  Odon  Stigand  donna  au  prieuré  l'église  de 
Guibray  avec  les  dîmes  et  les  droits  de  sépulture,  le  patronage,  et  les 
dîmes  des  églises  de  Falaise,  etc.,  etc. 

(2)  Voici  quelques  passages  de  la    charte  de   Rabel   de  Tancarville  : 

Videlicet  et  prata  quae  Odo  Sligandus,  qui  primus  ibi  sex  prebendas 
constituit,  dederat  eidem  ecclesie  apud  Mansum  Odonis.  Decimam 
quoque  ipsius  ville  et  totius  sui  dominici  quod  est  apud  Mansum  Odonis 
in  omnibus  suis  nummis,  terris,  vineis,  molendinis,  virgultis,  vitulis, 
agnis,  caseis,  velleribus,  porcis  et  piscibus.  Et  inter  Mansum  Odonis 
et  Escajolet  piscine  locum.  Et  Willelmus  de  Mirbel  et  Osmundus  Boenet 
de  Salcantia  (Soquence)  dederunt  eidem  ecclesie  ex  parte  Odonis  prefati 
décimas  suas  de  Mirbel  et  Salcantia  quarum  duas  partes  prius  in  suo 
dominico  retinebant.  Dédit  quoque  idem  Odo  terram  quam  habebant 
apud  villamqua;  vocatur  Sancla  Maria  Calida  (Lécaude)  cnm  partejmedia 
ecclesie  et  décime  ipsius  ville  sicut  libère  in  suo  dominico  habebat.  — 
Serlo  quoque  de  Manso  Malgerii  (Mesnil-Mauger)  dédit  eidem  ecclesie 
soceri  Odonis  terram  quam  habebat  in  dominico  suo  apud  Brolium 
de  alodio  suo.  Et  idem  Odo  ad  luminare  ejusdem  ecclesie  assignavit 
décimas  thelonei  de  Manso  Odonis  et  terram  Safredi  Wambeloni  de 
quo  très  solidos  annuatim  habuerat  et  terram  Anschetilli  Baconis 
pro  qua  débet  ecclesiam  in  feslivilalibus  parare  et  duas  libras  incensi 
reddere,  unam  ad  Natale  et  altcram  ud  Pascha,  etc. 

(Voir   cette   charte  aux  Archives   du    Calvados    et ,  à   la    Bibliothèque  im- 
périale, la  copie  de  M.   Lèchaudc-dWuisy.J 


U1U  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

il  donna,  notamment,  tout  ce  qu'il  possédait  sur  la  rive  droite 
de  la  Dive. 

Ce  fut  alors  que  Ste-Barbe  devint  prieuré.  Guillaume 
d'Évreux  fut  mis  à  la  tête  de  la  communauté. 

Je  n'ai  pas  l'intention  d'écrire  l'histoire  du  prieuré  de 
Ste-Barbe  :  disons  seulement  que  Guillaume  d'Évreux  était 
un  des  hommes  les  plus  instruits  de  son  temps  (1).  Il  mourut 
en  1153. 

En  1135,  Rabel ,  seigneur  de  Mézidon  ,  donna  une 
nouvelle  charte  au  prieuré  de  Ste-Barbe. 

En  1137  ,  le  roi  Etienne  logea  à  Stc-Barbe  pendant 
le  siège  de  Mézidon  ;  ensuite  il  confirma  à  ce  prieuré  toutes 
les  donations  qui  lui  avaient  été  faites  anciennement  par 
une  charte  datée  de  Pont-Audemer. 

En  1186,  par  une  charte  donnée  à  Bures,  près  Bayeux  , 
Henry  II ,  roi  d'Angleterre,  ratifia  toutes  les  donations  faites 
au  prieuré  de  Ste-Barbe. 

Richard-Cœur-de-Lion  (1196)  accorde  aussi  sa  protection 
au  prieuré  de  Ste-Barbe.  Le  prieuré  fut  visité  par  Jean-Sans- 
Terre  en  1201   et  en  1203. 

La  même  année  (1203  )  ,  le  prieuré  de  Graville ,  près  du 
Havre,  fut  donné  à  Ste-Barbe  par  Mallet  de  Graville  qui 
l'avait  fondé. 

Sle-Barbe  possédait  un  prieuré ,  des  terres  et  des  moulins 
en  Angleterre  (2). 

Quand  Odon  Rigaud  visita  Ste-Barbe  en  1254 ,  il  y 
trouva  trente-quatre  chanoines. 

En  1292,  Robert  de  Tancarville ,  seigneur  de  Mézidon, 
approuva  et  ratifia   les  donations ,    échanges ,  etc.  ,  opérés 


(1)  V.  Orderic  Vital  ,  Histoire  de  Normandie. 

(2)  Voir  le  travail  de  M.  Léchaudé-d'Anisy  sur  les  archives  du 
Calvados,  dans  le  t.  VII  des  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  Normandie. 


CANTON   DE   MEZ1DON.  Zl75 

dans  l'étendue  de  la  baronnie  de  Mézidon  et  des  fiefs  qui 
en  dépendent. 

Les  guerres  anglaises  du  XIVe  siècle  vinrent  désoler  le 
pays.  Le  prieur  de  Ste-Barbe  songea  alors  à  se  fortifier,  et 
en  1356,  le  roi  de  France  «  autorisa  les  religieux  de  Sle- 
«  Barbe  à  lever  un  impôt  sur  tous  les  hommes  et  autres 
«  qui,  pour  éviter  les  ennemis,  voudraient  se  réfugier  eux  et 
«  leurs  biens  dans  la  forteresse  du  prieuré,  afin  de  la  rétablir 
«  et  de  la  mettre  en  état  de  résister  à  leur  invasion.  »  Les 
mêmes  lettres  autorisent  également  le  prieur  à  «  nommer 
«  un  capitaine  du  dit  chasteau  et  à  le  destituer  quand  il  le 
v  verra  bon  être  t  ;  elles  ordonnent  aux  gens  du  roi  de  re- 
cevoir et  reconnaître  celui  que  le  dit  prieur  leur  présenterait 
pour  occuper  ladite  place  de  capitaine. 

Le  1er  avril  1Zi07,  le  prieur  de  Ste-Barbe ,  capitaine  et 
garde  de  par  le  Roi,  de  la  forteresse  dudit  lieu  de  Stc- 
Barbe  «  établit  Robert  Bonenfant,  escuyer  seigneur  de  Quet- 
«  tiéville  ,  son  lieutenant  ou  conettable  au  dit  office  de  capi- 
«  taine  et  lui  donne  la  garde  et  gouvernement  de  la  dite 
"  forteresse ,  ordonne  de  lui  obéir  ,  de  lui  prêter  main  forte 
<r  donner  conseil ,  confort  et  aide  si  mettier  en  a  ....  » 

Cinq  ans  après,  en  1412,  le  lieutenant-général  du  bailli  de 
Caen  adjugea  la  charge  de  capitaine  de  la  forteresse  du 
prieuré  de  Ste-Barbe  au  prieur  Michel  de  Bradefer ,  contre 
Guyot  de  Bonenfant ,  qui  prétendait  en  être  titulaire  et 
voulait  conserver  son  commandement. 

Le  Gallia  chrisiiana  indique  les  noms  des  prieurs  de  Sle- 
Barbe  depuis  Guillaume  d'Évrcux  (1128)  jusqu'à  Robert  de 
La  Ménardière ,  chantre  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris ,  qui 
ayant  obtenu  de  son  oncle  le  prieuré  de  S,e-Barbe ,  le  céda 
aux  Jésuites  de  Caen  en  1607,  et  qui  obtint  en  1609  l'as- 
sentiment des  chanoines.  Louis  de  La  Renardière ,  son  pré- 
décesseur ,  était  en  même  temps  abbé  de  Barbery.  Il  avait 
été  le  premier  prieur  comrnendataire  de  Stc-Barbe. 


476  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Anneaux  en  pierre  ollaire.  —  On  a  trouvé  à  Écajeul  des 
sépultures  anciennes,  dont  les  morts  avaient  les  extrémités 
portées  sur  des  cercles  ou  anneaux  en  pierre  dure  ;  quel- 
ques-uns de  ces  anneaux  ont  été  offerts  par  feu  M.  le  docteur 
Le  Grand  à  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie. 

PLAINVILLE. 

Plainville,  Ptevilla,  Ptainvilla. 

La  paroisse  de  Plainville,  située  au  sud  d'Écajeul,  sur  le 
bord  d'un  marais,  est  réunie  à  cette  dernière  commune. 
L'église  a  été  démolie ,  il  n'en  reste  plus  de  traces  ;  elle  était 
sous  l'invocation  de  saint  Saturnin ,  et ,  au  XVIe  siècle  , 
l'abbaye  du  Lire  nommait  à  la  cure  ,  d'après  le  Pouillé  du 
diocèse  de  Lisieux  publié  par  MM.  A.  Le  Prévost  et  de 
Formeville. 

Guillaume  de  Pléville  donna  au  prieuré  de  Ste-Barbe  la 
moitié  du  pré  Gros-Marais,  situé  entre  Ouville  et  Écajeul. 
Son  fils  ,  Roger  de  Pléville  ,  ajouta  à  ce  pré  ,  après  la  mort 
de  son  père  ,  deux  acres  de  prairies  (Voir  le  catalogue  des 
chartes  du  prieuré  de  Ste-Barbe  par  M.  Léchaudé-d'Anisy  , 
t.  VII  des  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Nor- 
mandie ). 

L'inscription  de  la  pierre  tumulaire  que  j'ai  publiée  dans 
le  t.  III  de  la  Statistique  monumentale  ,  p.  605,  et  que  la 
Société  française  d'archéologie  a  fait  transporter  de  l'abbaye 
de  Longues  au  musée  de  Bayeux ,  prouve  qu'à  la  fin  du  XVe 
siècle  la  seigneurie  de  Plainville  appartenait  à  la  famille  de 
Labbey  :  Jeanne  de  Labbey ,  qui  la  possédait',  avait  épousé 
Jean  d'Argouges. 

Le  château  actuel  de  Plainville  se  compose  d'un  bâtiment 
long  et  peu  élevé.  On  y  accède ,  du  côté  du  sud  ,  par  une 
cour  carrée  ;  du  côté  du  nord,  la  vue  s'étend  sur  les  prairies. 


CANTON    DE   MÉZIDON.  477 

Cette  habitation  appartient  aujourd'hui  à  Mm0  veuve  B.  de 
Plainville ,  née  de  Cussy,  qui  l'habite. 

Les  marais  de  Plainville  renferment  quelques  plantes  rares 
qui  ont  été  signalées  par  MM.  de  Brébisson  et  Morière. 

SAINT-MACLOU. 

St-Maclou,  Sanctus  Mackutus,  Sancim  Macutus  in  Algia. 

L'église  de  St-Maclou  est  située  sur  une  éminence  argi- 
leuse qui  sépare  le  bassin  de  la  Dive  de  celui  d'un  des 
affluents  de  la  Vie  (  V.  ma  Carte  géologique  du  Calvados). 

Solitaire  et  abandonnée,  car  la  paroisse  est  réunie  pour 
le  spirituel  à  celle  d'Écajeul,  il  sera  probablement  difficile 
de  la  conserver. 

Le  chœur  peut  dater  du  XIIe  siècle  ;  il  offre  encore ,  du 
côté  du  nord,  des  modillons  à  figures  et  une  porte  à  plein- 
cintre  avec  archivolte  ornée  de  tores  et  d'une  garniture 
de  têtes  de  clous  ;  les  modillons  supportent  une  arcature 
bilobée.  Le  côté  sud  a  subi  plusieurs  reprises  :  une  ouverture 
à  plein-cintre  qui  s'y  trouvait  a  été  bouchée. 

La  nef  a  été  refaite  en  grande  partie  et  n'offre  que  bien 
peu  d'intérêt  ;  les  contreforts  et  les  murs  qui  approchent  de 
la  partie  occidentale  sont  les  seules  parties  qui  puissent  être 
considérées  comme  anciennes  de  ce  côté. 

La  tour ,  assise  sur  l'extrémité  occidentale  de  la  toiture , 
est  de  la  forme  usitée  le  plus  habituellement  dans  le  pays 
d'Auge. 

L'église  était  sous  l'invocation  du  saint  dont  elle  porte  le 
nom.   Le  patronage  était  laïque. 

Château  moderne.  —  MM.  Duval,  de  Caen ,  ont  fait  con- 
struire un  château  avec  tourelles  qui  produit  un  certain  effet 
dans  le  paysage.  Feu  M.  Vérolles,  architecte  du  département 
du  Calvados  ,  on  avait  donné  le  plan. 


UlH  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


>iiki  ni  i.i.k 


Mirebelle ,  Mirebellum. 

Sur  la  hauteur  qui  sépare  le  bassin  de  la  Dive  de  celui  de 
la  Vie ,  au  nord  de  Mézidon  ,  s'élève  l'église  de  Mirebelle. 

Le  chœur,  par  sa  corniche  garnie  de  modillons,  par 
l'ordonnance  de  son  chevet  (V.  la  page  suivante),  annonce 
une  construction  des  premiers  temps  du  XIIIe  siècle  ou  de  la 
fin  du  XIIe.  Les  églises  rurales  de  cette  contrée,  comme  nous 
l'avons  souvent  dit ,  ont ,  au  XIIIe  siècle ,  bien  des  caractères 
qui  appartiennent  au  XIIe  (  modillons  à  figures,  appareils  en 
arêtes).  Dans  l'absence  de  documents,  nous  croyons  devoir  les 
attribuer  plutôt  au  commencement  du  XIIIe  siècle  qu'au  XIIe  ; 
mais  il  est  possible  que  plusieurs  soient  un  peu  plus  anciennes 
que  nous  ne  l'avons  pensé  :  c'est  ce  que  des  recherches 
ultérieures  pourront  éclaircir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  des  fenêtres  ont  été  repercées  dans  le 
chœur,  et  celles  qu'on  y  voit  sont  bien  postérieures  aux 
premières  ouvertures.  Mais  il  existe,  du  côté  du  nord,  une 
porte  à  colonnettes  dont  le  style  se  rapporte  à  celui  de  la 
première  construction. 

La  nef  est  d'une  époque  beaucoup  moins  ancienne  que 
le  chœur  :  je  crois  même  qu'elle  appartient  à  la  période  mo- 
derne, c'est  tout  ce  que  j'en  puis  dire;  les  fenêtres  qu'on 
y  voit  sont  carrées,  larges,  à  linteau  légèrement  arqué. 

Quant  à  la  porte  occidentale,  on  lit  sur  la  clef  qui  en 
ferme  le  cintre  le  millésime  1 766. 

Une  petite  tour  en  bois  couverte  d'ardoise ,  conforme  au 
type  ordinaire ,  s'élève  à  l'extrémité  occidentale  de  la  nef. 

Dans  le  cimetière  est  une  croix  dont  la  colonne  cylindrique 


CANTON    DE  MÊfclDON. 


479 


Bouel  .1.1 


CHEVET    DE    l'BBLISB    Dl    MIBSBBLL1 


680  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


UNE   DES    FENETRES    DU   CHOEUR. 

en  pierre  ,  porte  une  croix  de  bois  qui  paraîtrait  du  XVIIe 
siècle.  Si  elle  est  restée  depuis  cette  époque  exposée  à  la 
pluie,  elle  montre  quelle  peut  être  la  durée  du  bois  de  chêne. 

L'église  de  Mirebelle  est  sous  l'invocation  de  saint  Pierre. 
Le  prieur  de  Ste-Barbe  nommait  à  la  cure. 

La  paroisse  faisait  partie  de  l'élection  de  Falaise;  elle  dé- 
pendait de  l'intendance  d'Alençon  et  de  la  sergenterie  de  St- 
Pierre-sur-Dive.  On  y  comptait  32  feux  au  siècle  dernier. 

SOQUENCE. 


Soquence,  Soguentia  ,  Salcantia,  etc.,  etc, 

La  paroisse  de  Soquence  a  été  supprimée  et  l'église  a  été 

démolie  ;   elle  était  sous  l'invocation  île  saint    Michel.  Le 

prieur  de  S,e-Barbe  possédait  le  patronage. 


CANTON   DE    MÉZIDOX.  ^81 

Soquence  est  mentionné  dans   la  charte  de  fondation  du 
prieuré  de  Ste-Barbe  dont  j'ai  transcrit  un  passage,  page  473. 


LE  MESNIL-MAUGER  (!). 

Le  Mesnii-Mauger,  Mesnillum-Maugerii ,  Mansio  Mat- 
gerii. 

Le  Mesnii-Mauger ,  paroisse  importante  de  l'élection  de 
Falaise  ,  sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive,  était  le  chef-lieu 
du  doyenné  le  plus  étendu  du  diocèse  de  Lisieux  :  il  n'em- 
brassait pas  moins  de  51  paroisses. 

L'église  était  desservie  par  deux  curés  ,  l'un  à  la  nomi- 
nation de  l'évêque  de  Lisieux  ou  du  chapitre  ;  l'autre  à  la 
présentation  du  prieur  de  Ste-Barbe.  Aussi  est-ce  une  con- 
struction importante. 

Le  plan  est  un  parallélogramme,  sans  retraits  ni  saillie; 
mais  les  diverses  parties  sont  loin  d'être  homogènes.  Chacun 
des  murs  latéraux  est  soutenu  par  cinq  contreforts  et 
percé  de  cinq  fenêtres.  Me  Jean  Formage,  curé  de  l'une  des 
portions  du  Mesnii-Mauger ,  est  l'auteur  de  grands  travaux, 
dont  une  inscription,  placée  à  l'intérieur  ,  au-dessus  de  la 
porte  delà  tour,   rappelle  le  souvenir  (2).  Les  deux   pre- 

(1)  Notes  par  M.  Charles  Vu sseur. 

(2)  Voici  celle  inscription  : 

CETTE    ÉGLISE    A    ÉTÉ    RÉÉDIFlÉE 

ET    DÉCORÉE    PAR    LES    SOINS    ET    FRAIS 

DE    Mlre    JEAN    FORMAGE    PRESTRE    CURÉ 

DE    LA    SECONDE    PORTION    DEPUIS    56    ANS 

ET    DE    LA    PREMIÈRE    DEPUIS    9    ANS  ,     DÉCÉDÉ 

i.f.   1H   91""    1757   uns  la   82'   année  de 

31 


kW2         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

mières  travées  ,  vers  l'ouest ,  sont  entièrement  son  œuvre  ; 
du  moins  dans  leur  état  actuel.  Il  faut  lui  rendre  cette  jus- 
tice, qu'il  a  cherché  à  les  harmoniser  avec  les  autres  parties. 
Du  reste,  des  travaux  importants  avaient  été  déjà  entrepris  au 
XVIe  siècle,  et  la  dernière  travée  et  le  chevet  seuls  remon- 
taient jusqu'au  XIIIe.  Les  deux  fenêtres  latérales  ,  ogivales  , 
simplement  épannelées ,  partagées  en  deux  lancettes  par  un 
meneau  bifurqué  ;  les  deux  larges  fenêtres  du  chevet,  éga- 
lement épannelées»  mais  avec  deux  meneaux;  les  contreforts 
à  deux  retraites ,  dont  les  glacis  sont  imbriqués  ,  appar- 
tiennent évidemment  à  cette  dernière  époque. 

A  l'autre  extrémité  ,  englobée  dans  le  portail  de  Jean 
Formage ,  s'élance  une  tour  romane  fort  bien  construite  , 
dessinée  et  publiée  déjà  plusieurs  fois ,  notamment  dans 
l' Abécédaire  d'archéologie  et  dans  le  Bulletin  monumental. 
Elle  est  carrée  ,  construite  en  pierre  de   moyen  appareil , 

SON    AGE.    PRIES    DIEU    POUR 

LE    REPOS    DE    SON    AME.     REQUIESCAT    IN    PACB 

AMEN. 

Dans  le  chœur ,  près  du  sanctuaire ,  se  trouve  une  pierre  tom- 
bale qui  porte  cette   inscription  : 

HIC    JACET 

KXPECTANS    BEATAM    RESDR 

RECÏIONKM    CORPUS   JOHANN1S 

FORMAGE    SACERDOTIS 

PKR    QUEM    

IN    HAC    FXCLESIA    PASTOK1S    CUM 
LAUDE    SLBI1T    MUNIA    ET    HANC 

SACRAM    .EDEM    PR*    M(!KO 
BU M    VETCSTATE    


CANTON    bh    MfcfclDOà. 

flanquée  sur  chaque  face  de  deux 
contreforts  très-peu  saillants.  La 
hauteur  de  la  base  atteint  le  niveau 
du  comble  de  l'église.  Au-dessus 
de  la  première  corniche  s'élève  une 
série  d'arcatures  que  surmonte 
l'étage  du  beffroi,  garni  aussi  d'ar- 
catures plus  riches  d'ornementation, 
dont  les  archivoltes  sont  portées  sui- 
des colonneltes  à  chapiteaux  cu- 
biques. Deux  baies  très-étroites  , 
pratiquées  au  fond  de  cette,  arca- 
ture,  sont  les  seules  ouvertures  qui 
donnent  le  jour  à  l'intérieur  et 
laissent  sortir  le  son  des  cloches. 
Le  couronnement  se  compose  d'une 
pyramide  élancée  en  ardoise,  ac- 
compagnée de  quatre  petits  clo- 
chetons. 

En  cherchant  à  reconstituer  le 
plan  primitif  de  l'église  ,  on  est 
étonné  de  trouver  deux  nefs  pa- 
rallèles, d'égale  largeur,  dont  les 
gables  existent  encore  au  chevet. 
Quant  à  la  tour,  on  ne  voit  au- 
cune amorce  qui  puisse  indiquer 
la  manière  dont  elle  sa  rattachait 
au  reste  de  l'édifice.  Il  faudrait 
une  étude  approfondie  pour  se 
rendre  bien  compte  de  ces  dispo- 
sitions insolites. 

L'intérieur ,  transformé  totale- 
ment au  XVIIIe  siècle,  ne  peut 
venir  en  aide  aux  conjectures. 


4s: 


: 


~  |ii,illi^v.l 


dikifez: 


˱| 


il     . 


h$ll  STATISTIQUE   MONUMENTALE    OU    CALVADOS 

Neuf  arcades  surbaissées ,  portées  sur  des  pilastres  ,  di- 
visent la  superficie  en  trois  nefs.  Au  bas  de  la  nef  centrale 
est  une  tribune  à  plan  contourné ,  suivant  le  style  de 
l'époque.  Les  stalles  du  chœur  datent  aussi  du  règne 
de  Louis  XV.  Le  maître -autel  remonte  au  règne  de 
Louis  XIV.  Son  rétable  à  fronton  circulaire  est  porté  par 
deux  colonnes  torses.  Le  tabernacle ,  en  forme  de  pavillon 
hexagonal,  est  garni  de  petites  colonnettes  torses  dont  les 
chapiteaux  portent  un  entablement  surmonté  d'une  petite 
balustrade  à  fuseaux  renflés.  L'amortissement  est  un  dôme 
doré.  Dans  l'entrecolonnement  ,  des  niches  abritent  cinq 
statuettes.  Sur  la  porte ,  le  Sauveur  du  monde  ;  à  droite  et 
à  gauche,  un  moine  et  un  prêtre,  et  aux  extrémités,  deux 
diacres,  dont  l'un  doit  être  saint  Etienne,  patron  de  l'église. 

Deux  belles  statues  accompagnent  ce  rétable  ,  ce  sont 
encore  deux  diacres.  L'un  est  évidemment  saint  Etienne , 
reconnaissable  aux  cinq  pierres  déposées  à  ses  pieds. 

La  statue  de  la  Vierge  ,  presque  de  grandeur  naturelle , 
placée  sur  le  petit  autel  du  midi ,  remonte  au  moyen-âge. 
Sa  robe  traînante  est  bien  drapée.  Elle  porte  sur  ses  bras 
l'enfant  Jésus ,  pressant  dans  ses  mains  une  colombe.  Deux 
anges  soutiennent  un  diadème  sur  la  tète  de  la  Vierge  ; 
sur  le  fond  on  distingue  les  rayons  flamboyants  d'une  au- 
réole ovale. 

Derrière  l'autel ,  au  chevet ,  se  trouve  ménagée  une  sa- 
cristie ,  éclairée  par  les  deux  larges  fenêtres  du  XIIIe  siècle 
déjà  décrites  à  l'extérieur.  Ces  fenêtres  sont  en  partie 
remplies  par  des  fragments  de  vitraux  de  diverses  époques, 
dont  quelques-uns  du  XIIIe  siècle.  Parmi  ces  débris  figurent 
deux  blasons  du  XVIe  siècle  ou  de  la  fin  du  XVe  :  le  premier 
est  écartelé  aux  1er  et  Ue  écartelé  de  sable  et  d'argent  à  la 
croix  fleurdelisée  de  l'un  en  l'autre  ;  aux  2e  et  3e  de  gueules 
à  6  fleurs  de  lis  d'argent,  posées  3,  2, 1  ;  l'autre  est  d'hermine 


CANTON    I>K   MÊZinON. 


48 


FRAGMENT  DE  VITRAIL,  DU  XIII*   SIECLE,  DANS   UNE  FENÊTRE  DU   CHEVET. 

à  la  bande  chargée  de  3  coquilles  d'or. 


n    m    ILASOIfl    F>    ?BBRB  WWT    DM   FF.ISF.TRFS    (xvi«    BIBCL1  - 


486  STATISTIQUE   MuM'MLJNTALh    DU    CALVADOS. 

Un  personnage  de  la  bordure  d'une  des  fenêtres,  au  midi, 
représente  un  médecin  occupé  de  préparations  pharmaceu- 
tiques ,  peut-êire  un  saint  Côme.  Ce  fragment  de  vitrail 
doit  être  du  XVIe  siècle  (  Voir  la  page  suivante). 

Dans  le  mur  du  midi  on  trouve  une  belle  piscine  à  deux 
cuvettes,  du  XIIIe  siècle.  Elle  est  trilobée,  avec  un  gros 
tore  cordiforme  pour  moulure.  Les  autres  piscines  qui 
ont  été  conservées  dans  l'église  ne   sont  que  du  XVe  siècle. 

Fonts  en  plomb.  —  Les  fonts  baptismaux  en  plomb,  dessinés 
il  y  a  long-temps  par  M.  Bouet ,  ont  été  publiés  dans  le 
Bulletin  monumental  et  Y  Abécédaire  d'archéologie  ;  puis  ils 
ont  donné  lieu  à  un  mémoire  de  31.  Lavalley-Duperroux  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie. 
Ils  datent  de  la  dernière  période  ogivale ,  sont  octogones , 
et  chaque  panneau  ,  séparé  des  autres  par  un  contrefort  , 
montre  sous  une  accolade  subtrilobée  des  figures  de  saints: 
la  Vierge  ,  saint  Etienne  ,  saint  Laurent ,  sainte  Barbe , 
avec  les  attributs  qui  les  distinguent. 

Cimetière.  —  Plusieurs  tombeaux  assez  remarquables 
existent  dans  le  cimetière. 

La  population  actuelle  du  Mesnil-Mauger  est  de  353  ha- 
bitants. Il  y  a  là  un  exemple  frappant  de  la  dépopulation 
des  campagnes.  A  la  fin  du  dernier  siècle,  on  ne  comptait 
pas  moins  de  760  habitants  dans  la  paroisse ,  et  il  est  certain 
qu'au  moyen-âge  la  population  était  encore  de  beaucoup 
supérieure. 

En  1128,  on  trouve  un  Serlon  ,  seigneur  du  Mesnil- 
Mauger. 

Au  XIIIe  siècle  ,  après  avoir  enlevé  la  Normandie  à  Jean- 
Sans-Terre  ,  Philippe-Auguste  nomma  bailli  de  Caen  un 
nommé  Pierre  de  Thillay,  originaire  des  environs  de  Gonesse  : 
et,  pour  l'intéresser  à   raffermissement  de  la  conquête ,  il 


CANTON    DE   MÊZIDON. 


/«87 


/|88  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

lui  concéda  de  vastes  domaines,  parmi  lesquels  se  trouvèrent 
les  terres  enlevées  à  Geoffroy  du  Mesnil-Mauger. 

M.  Léopold  Delisle,  dans  une  brochure  intitulée  Fi ag- 
ments  de  Chistoire  de  Gonesse  ,  a  esquissé  d'une  manière 
fort  intéressante  l'histoire  du  Mesnil-Mauger,  pendant  le 
commencement  du  XIIIe  siècle.  Pierre  deTillay  n'eut  qu'une 
fille  ,  nommée  Héloïse,  qu'il  maria  à  un  chevalier  du  voisi- 
nage de  Gonesse,  Eudes  de  Trembley  ,  qui  dès  1225  avait 
hérité  des  terres  de  sa  femme.  On  trouve  encore  la  famille 
du  Tremblay  au  Mesnil-Mauger  en  1290.  Je  n'ai  pu  dé- 
couvrir les  noms  des  seigneurs  du  Mesnil-Mauger  aux  XIVe , 
XVe  et  XVIe  siècles. 

En  1646  ,  noble  seigneur  messire  Jean  de  La  Flèche,  che- 
valier, gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi ,  était 
seigneur  de  Grisy  ,  Thiéville,  Bretteville,  Don  ville,  Quesnay, 
Escures,  Viette ,  Mesnil-Mauger  et  Écajeul.  Il  est  probable 
qu'il  ne  résidait  pas  sur  la  paroisse  du  Mesnil-Mauger,  car 
ou  lit  sur  le  poinçon  de  la  flèche  de  l'église  : 


IAY  .    ESTE  .   DONNEE  .   PAR    . 

Bf  .    IEAN  .DE    LA  .   FLECHE 

Cr  .    Sr  .    DE   GR1S1    ETC. 


Des  actes  de  1759  et  1778  portent  le  nom  de  messire 
Pierre  Fergant ,  écuyer ,  conseiller  du  Roi  et  son  auditeur 
en  la  Chambre  des  comptes  ,  aides  et  finances  de  Normandie, 
seigneur  du  fief  de  Vaux,  patron  présentateur  de  Querville  , 
seigneur  honoraire  du  Mesnil-Mauger,  des  fiefs  du  Coin , 
Capomesnil,  Vieux-Manchon  et  autres  lieux. 

Le  Coin  et  Capomesnil  sont  situés  au  Mesnil-Mauger. 

Henry  de  Mannoury,  chevalier,  dont  il  a  été  question 
précédemment,  était  seigneur  du  Coin  en  1555.  Le  manoir, 
situé  loin  de  l'église ,  a  subi  depuis  ,  quelques  mutilations  ; 
il    avait     été    construit   au   XVIe    siècle  ,    et    j'ai    eu   le 


GANTOIS    DE    MËZIDON.  Z|89 

plaisir  d'y  conduire  M.  Parker,  Mme  Parker  et  d'autres 
antiquaires. 

Ce  manoir ,  qui  est  construit  en  bois  en  grande  partie  ,  a 
été  figuré  dans  le  Bulletin  monumental,  t.  XV1H  ,  p.  629. 
Il  est  garni  de  fossés  pleins  d'eau  et  offre  encore  beaucoup 
d'intérêt. 

Capomesnil ,  ou  Carouges ,  appartenait  probablement  à 
Thomas  et  Jehan  de  Carouges  ,  cités  parmi  les  hommes 
d'armes  qui  devaient  garder  la  forteresse  de  Ste-Barbe 
en  1411. 

M.  Louis  Du  Bois,  dans  son  Histoire  de  Lisieux,  a  cherché 
à  rendre  ce  lieu  célèbre  en  l'indiquant  comme  le  théâtre 
du  viol  de  Marguerite  de  ïhibouville ,  femme  de  Jean  de 
Carouges,  qui  donna  lieu  à  un  duel  judiciaire  rapporté 
par  les  chroniqueurs  sous  la  date  de  1386.  Mais,  au  con- 
traire, Froissart  affirme  que  cette  action  se  passa  « en 

«  un  chastel  sur  les  marches  du  Perche  et  d'Alençon  ;  le- 
«  quel  chastel  on  nomme  ,  ce  m'est  avis ,  Argenteuil.   » 

Le  château  de  Carouges  est  en  partie  détruit.  L'exploi- 
tation du  domaine  occupe  seulement  des  bâtiments  qui  en 
dépendaient. 

Médaille  celtique.  —  En  faisant  les  terrassements  du 
chemin  de  fer,  on  a  trouvé,  non  loin  du  carrefour  des  Forges, 
une  médaille  celtique  en  or  que  j'ai  achetée  des  ouvriers; 
c'est  un  quart  de  statère ,  figuré  par  M.  Éd.  Lambert  dans 
son  ouvrage  sur  la  Numismatique  gauloise,  seconde  partie, 
pi.  III,  fig.  2.  Le  poids  de  cette  monnaie  est  de  39  grammes. 
Je  ne  serais  pas  surpris  qu'on  eût  trouvé  autre  chose  dans 
le  même  lieu,  car  c'est  le  hasard  qui  m'a  fait  acquérir  cette 
médaille. 


490  STATISTIQUE   MONUMENTALE   1)1    CALVADOS. 

PEUCY. 

Pcrc'y  ,  Perceium ,  Perceum ,  Percheum. 

L'église  de  Percy  présente  un  type  très-simple  et  assez 
élégant  d'église  rurale  du  [  XIJP  siècle  ;  elle  a  ,  sous  ce 
rapport ,  intéressé  tous  les  architectes  et  les  antiquaires 
auxquels  je  l'ai  montrée,  notamment  M.  Parker,  d'Oxford; 
M.  Verdier,  architecte  du  gouvernement,  et  M.  A.  de  Blois,  de 
Quimper,  président  de  la  Société  archéologique  du  Finistère. 

Cette  église  se  compose  d'une  nef  et  d'un  chœur  du 
premier  style  ogival ,  au  point  de  jonction  desquels  une 
tour  a  été  édifiée  au  XVIe  siècle. 

La  façade  occidentale  de  la  nef  offre  aujourd'hui  une  porte 
en  ogive  dont  l'archivolte  ,  ornée  de  cannelures  profilées 
comme  au  XIIIe  siècle,  repose  de  chaque  côté  sur  une  co- 
lonnette  à  chapiteau  garni  de  feuilles  ;  une  lancette  bouchée 
occupe  le  centre  du  fronton  au-dessus  de  la  porte. 

Du  côté  du  nord  ,  les  murs  latéraux  sont  couronnés  d'une 
corniche  taillée  en  biseau  portant,  en  guise  de  modillons,  des 
têtes  de  clous  et  autres  figures  ordinaires  sur  les  monu- 
ments du  XIIIe  siècle.  Des  dents  de  scie  garnissant  d'autres 
parties  de  la  corniche. 

Le  chœur  est  terminé  par  un  chevet  droit,  percé  de  trois 
lancettes  inégales,  selon  la  disposition  assez  habituelle  au 
XIIIe  siècle  dans  le  département  :  chacun  des  murs  latéraux 
du  chœur  est  aussi  percé  de  trois  lanceurs  Une  sacristie 
moderne  est  appliquée  sur  le  mur  latéral  iimd,  à  proxi- 
mité du  sanctuaire. 

La  tour,  très-lourde,  est  centrale,  comme  je  l'ai  dit, 
terminée  en  bâtière  et  probablement  du  XVIe  siècle  ;  mais 
la  base  qui  la  supporte  date  du  temps  de  l'église.  Une  cha- 
pelle appliquée  au  sud ,  entre  chœur  et  'nef ,  porte  les  ca- 
ractères du  XVe  ou  du  XVIe  siècle  ;  les  arceaux  de  la  voûte 


CAYTO-N    DE    MÊZIDOP.  491 

sont  prismatiques  et  présentent  au  point  de  croisement, 
des  écussons  sans  armoiries.  C'était ,  selon  toute  apparence  , 
une  chapelle  seigneuriale. 

L'église  avait  une  voûte  en  bois  ornée  de  peintures  ap- 
pliquées; mais,  depuis  quelques  années,  on  a  plâtré  cette  jolie 
voûte  du    chœur  et  refait  celle  de  la  nef  en  bois  neuf. 

On  a  aussi  empâté  sous  le  badigeon  les  moulures  très- 
fines  qui  décoraient  le  poinçon  de  la  voûte  du  chœur  et  qui 
peut-être  dataient  du  XIIIe  siècle,  ce  qui  serait  d'autant 
plus  remarquable  que  les  boiseries  sculptées  de  cette  époque 
sont  bien  rares. 

M.  Pépin  a  lu  ainsi  qu'il  suit  l'inscription  de  la  cloche  : 

^jp^    L'AN    1786    IAY    ÉTÉ    BÉNIR    ET    NOMMÉ K    JENEVIBYB    PAR    M,re     JEAN 

BAPTISTE    LE    CBHIST    CHANOINE    RÉGULIER 
fl^T5,    DE    LA     CONGRÉGATION     DE    FRANCE,    PRIEUR    DE    Slc    BARBE    EN    AIGE 

ET    VISITEUR    DE    SON    ORDRE    ET    NOBLE    DAME 
fâj^    JEHKViÈVE    ALEXANDRINS     HENRIETTE    DUPARC     ROZEY     PATRONNE    DB 

PLAIN VILLE.    —    PASTORE    DNO    ANTONIO    REMIGIO 
0^§?*    NOUVELET    CANON1CO    REGULARB    CONGRF-GATION1S    GALLICANE 
L\    VILLETTE    DE    LISIE»  X    M*  A    FAITE. 

On  conserve  au  presbytère  une  croix  en  bois  entourée 
d'une  lame  de  cuivre  et  ornée  de  dessins  ;  elle  a  été  trouvée 
derrière  le  chœur. 

On  conserve  aussi  au  presbytère  un  bas  relief,  en  albâtre, 
trouvé  dans  l'église  et  que  M.  Pépin  a  dessiné.  Il  représente 
Jésus-Christ  en  croix.  Deux  anges  reçoivent  dans  des  coupes 
le,  précieux  sang  qui  sort  des  mains. 

Deux  autres  anges,  au  bas  de  la  croix,  reçoivent  dans  un 
calice  le  sang  qui  s'écoule  des  pieds. 

L'église  de  Percy  est  sous  l'invocation  de  saint  Gênais. 
L'abbaye  de  Sl"-Barbe  nommait  à  la  cure.  La  paroisse  faisait 
partie  du  diocèse  de  Séez. 

Château.  —  Tout  près  et  à  l'ouest  de  l'église ,  on  voit  le 


M>2  STATISTIQUE    .M0NU.M1-MALL    L>1    CALVADOS. 

château  de  Percy,  ancienne  maison  seigneuriale,  qui  con- 
serve encore  un  certain  caractère  par  son  architecture,  de  la 
fin  du  XVIe  siècle  ou  du  commence- 
ment du  XVIIe.  Le  toit  est  encore  cou- 
ronné de  deux  épis  assez  remarquables. 

Voie  romaine. —  Le  chemin  haussé, 
signalé  par  M.  Le  Grand  comme  ve- 
nant de  Vendeuvre  par  Escures ,  et  que 
j'ai  moi-même  exploré  plusieurs  fois, 
passe  au  milieu  de  la  rue  de  Percy  et 
au  pied  du  chevet  de  l'église,  On  a 
trouvé  à  plusieurs  reprises ,  sur  le  bord 
de  cette  ancienne  voie  ,  des  tombeaux 
dont  quelques-uns  renfermaient  des 
armes  (  sabres  )  que  je  n'ai  pas  vues.  Il 
y  a  lieu  de  penser  que  ces  sépultures 
pouvaient  remonter  à  l'époque  carlo- 
vingienne  ou  mérovingienne. 


SAINTE-MARIE-AUX-ANGLAIS. 

Ste-Marie-aux-Anglais,  Sancta  Maria  Angtica. 

L'église  de  Ste-Marie  est,  sans  contredit ,  une  des  mieux 
conservées  et  des  plus  curieuses  de  l'ancien  diocèse  de 
Lisieux.  Le  chœur  et  la  nef  appartenaient  en  entier  au 
style  roman  et  n'ont  subi  presque  aucune  altération  depuis 
leur  origine.  Le  plan  ,  conforme  à  celui  d'un  grand  nombre 
d'églises  rurales,  présente  deux  corps  allongés  :  l'un  (le 
chœur)  plus  étroit  que  l'autre  et  moins  long,  tous  deux 
terminés  par  un  mur  droit.  La  sacristie ,  appuyée  sur  le 
chevet ,  est ,  en  effet ,  une  addition  très-moderne  et  d'une 
construction  fort  différente  du  reste. 

La  façade  occidentale  de  la   nef  présente  une  porte  ro- 


CANTON    DE   MÉZ1DON. 


/j9/l         STATISTIQUE    MOAUM EttT&MS    J>U    CALVADOS. 

mane  dont  l'archivolte  est  ornée  de  zig-zag  multiples.  Au- 
dessus  ,  trois  fenêtres  cintrées,  sans  colonnes  ni  moulures , 
occupent  le  diamètre  de  la  façade. 

Des  fenêtres  de  même  forme  et  de  petite  dimension  se 
voient  dans   les  murs  latéraux. 

Le  chœur  est  voûté  en  pierre. 

Dans  la  nef,  les  planches  en  merrain  qui  forment  le 
contour  apparent  de  la  voûte  ont  été  couvertes  de  pein- 
tures, faites  vraisemblablement  à  l'aide  d'un  canon ,  suivant 
le  procédé  que  j'ai  indiqué  dans  mon  Abécédaire  d'ar- 
chéologie ,  p.  657  de  la  W  édition. 


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V.  Petit  do 
ORNEMENTS    PEINTS    SUR    LA    VOUTE    EN    MERRAIN,    A    SAINTE-MAR 


La  disposition  des  charpentes  de  la  nef  est  indiquée  dans 
l'esquisse  ci -jointe. 


CANTON    bL   MÉZIDOV, 


495 


COUPE    DE    LA    CHARPENTE    l>E    LA     NEK. 

Celle  du  chœur,  au-dessus  des    voûtes    en    pierre,    par 
cette  autre  coupe. 


Dans  le  petit   clocher   en    hois  couvert   d'ardoise  ,   élevé 


/l96  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

entre  chœur  et  nef,  existe  une  cloche  qui  a  été  nommée  , 
au  siècle  dernier ,  par  Choron ,  seigneur  de  la  paroisse  ; 
c'était  le  père  de  l'illustre  musicien  Choron ,  qui  est  né  à 
Caen  en  1771. 

Dans  le  mur  latéral  du  nord  qui  fait  face  à  l'ancien  manoir 
et  se  trouve  du  côté  du  chemin,  existe  une  porte  très- 
élégante,  dont  l'archivolte  porte  des  tores  conduits  en  zig- 
zag et  dessinant  des  losanges.  Sur  les  pierres  qui  forment  le 


V.   Petit  Jel, 


tympan  de  cette  entrée  on  lit,  en  caractères  majuscules  go- 
thiques ,  les  mots  suivants  :  -\-  JJtfrra  •  iWtU'l  •  U.  Le 
même  prénom,  écrit  en  lettres  absolument  de  même  forme, 


CANTON    DE  MÊZlÛOa*  M)  7 

{  piftTfô  \  se  trouve  gravé  sur  le  larmier  qui  surmonte 
te  chapiteau  d'une  des  colonnes  de  la  porte  occidentale; 
cette  écriture  paraît  au  moins  du  XIVe  siècle. 

Les  modillons  sont  très-bien  conservés  et  tout  est  intact  du 
côté  du  nord  ;  du  côté  du  sud  ,  on  a  refait  deux  fenêtres  vers 
la  fin  du  XVe  siècle  :  l'une  dans  la  nef,  l'autre  dans  le  chœur. 
Ce  dernier  offre,  du  même  côté  (sud),  une  porte  cintrée  sans 
moulures,  sauf  pourtant  la  pierre  formant  la  clef  de  la  voûte 
sur  laquelle  on  voit  une  espèce  de  palmette  perlée. 

L'intérieur  de  l'église  présente  plusieurs  genres  d'intérêt. 

D'abord ,  les  chapiteaux  des  colonnes  ont  tous  une  forme 
élégante  et  une  décoration  végétale  annonçant  le  XIIe  siècle  ; 
le  tailloir  qui  les  surmonte  est ,  dans  le  chœur ,  orné  d'une 
frette  élégante  en  zig-zag.  L'arcade  entre  chœur  et  nef  est 
en  arc  brisé  et  dénote,  comme  les  chapiteaux  ,  l'époque  de 
transition. 

Les  fresques  qui  décoraient  les  murs  attirent  à  juste  titre 
l'attention  de  l'observateur;  elles  ont  été,  comme  partout, 
couvertes  d'une  épaisse  couche  de  chaux  étendue  par  un  bar- 
bouilleur de  village,  dont  le  pinceau  paraît  avoir  été  un  balai  ; 
mais  quelques  parties  de  cet  enduit  sont  détachées  ;  d'autres 
ont  été  enlevées  par  les  curieux  ,  et  l'on  a  pu  reconnaître  que 
toute  l'église  était  peinte  à  la  détrempe  et  présentait  une 
suite  de  sujets.  Les  couleurs  dominantes  de  ces  figures  sont, 
d'abord  le  rouge  d'ocre,  puis  le  jaune  ;  le  bleu  se  voit 
aussi  dans  quelques  parties.  Ce  qui  m'a  paru  remarquable, 
c'est  la  simplicité  du  travail  qui  ne  consiste  guère ,  pour 
quelques  personnages,  que  dans  une  esquisse,  et  qui  pour- 
tant produit  un  certain  effet. 

Nous  sommes  parvenus,  M.  Pelfresnc ,  M.  Victor  Petit, 
II.  Renault  et  moi  ,  à  faire  tomber  la  plus  grande  partie 
de  l'épais  badigeon  qui  recouvrait  les  fresques  que  j'avais 

'62 


698        STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

précédemment  signalées  dans  Je  chœur.  —  Nous  avons  pu 
reconnaître ,  sur  le  mur  du  côté  de  l'évangile,  la  représenta- 
tion delà  Cène,  et  sur  le  mur  faisant  face  à  l'autel, au-dessus 
de  l'arc  triomphal,  le  Christ  et  deux  autres  personnages. 

Quoique  classée  au  nombre  des  monuments  historiques , 
l'église  de  Ste-Marie-aux-Anglais  était  très-compromise  ;  et  sans 
les  travaux  qui  y  ont  été  faits  et  que  l'on  doit  au  dévouement 
de  M.  Billon  et  de  M.  de  La  Porte ,  propriétaire  du  château 
voisin  ,  travaux  auxquels  a  pris  part  aussi  la  Société  française 
d'archéologie,  un  craquement  considérable  qui  s'est  manifesté 
dans  les  murs  latéraux  du  sanctuaire  aurait  fait  des  progrès 
effrayants  (1)  ;  nous  espérons  que  le  tirant  qui  a  été  établi 
arrêtera  le  progrès  du  mal.  Il  reste  encore  des  réparations 
à  faire. 

Deux  statues  tumulaires  se  voient  du  côté  de  l'évangile , 
sous  deux  arcades  qui  semblent  avoir  été  pratiquées  après 
coup  dans  l'épaisseur  du  mur  ;  ces  statues  me  paraissent  du 
XIIIe  siècle ,  et  je  n'ai  aucuns  renseignements  sur  les  sei- 
gneurs qu'elles  représentent  ;  mais  ce  sont  des  seigneurs  de 
la  paroisse.  L'une  offre  l'image  d'un  guerrier  vêtu  de  sa 
cotte  de  mailles  et  de  sa  cotte  d'armes  ,  les  jambes  également 
maillées ,  les  pieds  éperonnés.  Il  porte  suspendu  ,  à  gauche , 
son  écu  de  forme  aiguë  par  le  bas ,  et  son  glaive  à  deux 
tranchants.  Les  mains  sont  croisées  sur  la  poitrine  ;  des  anges 
supportent  le  coussin  sur  lequel  repose  la  tête  ;  un  lion  est 
sous  les  pieds. 

L'autre  statue  est  celle  d'une  femme,  probablement  l'épouse 
de  ce  guerrier;  elle  porte  ,  au-dessus  de  la  cotte  hardie,  un 


(1)  La  Société  a  contribué  aux  frais  pour  200  fr.  Mais  M.  de  La 
Porte  a  fourni  une  somme  beaucoup  plus  considérable  pour  l'accom- 
plissement de  ces  travaux  :  la  Société  française  d'archéologie  lui  a  voté 
des  remercîments. 


CANTOxN    DE   MÊZIDON. 


Z|99 


V.  Petit  del. 

LES   DEUX    STATIES    TOMBALES    DE    LÏ.r.I.ISF.    DE   UIHTWUMI-AW-J  Nf.L  M  S. 


500  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

surcot  sans  manches  et  fendu  par  devant.  La  main  gauche 
tomhe  le  long  de  la  taille  et  paraît  tenir  un  mouchoir  ou  un 
gant  ;  l'autre  bras  est  ployé  et  repose  sur  la  poitrine.  Cette 
statue  est  plus  grossière  que  la  précédente ,  elle  dénote  un 
ciseau  moins  exercé. 

Deux  autels  existent  à  droite  et  à  gauche  de  l'entrée  du 
chœur,  ils  sont  en  pierre.  L'un  d'eux  a  son  conlre-rétable 
orné  d'un  tableau,    donné   en  1574  par  Jacques  Louvet. 

Manoir,  — Au  nord  de  l'église  est  un  manoir,  dont  le  côté 
droit  est  très-élégant,  offrant  au  centre  une  tourelle  à  pans 
servant  d'escalier  et  des  fenêtres  à  croisées  de  pierre.  Ce 
manoir,  auquel  la  rivière  deViette  pouvait  servir  de  défense 
d'un  côté,  a  appartenu  à  plusieurs  familles  ;  il  était,  en  dernier 
lieu  ,  la  propriété  des  héritiers  de  Mme  de  Séligny ,  desquels 
M.  de  La  Porte ,  de  Lisieux  ,  membre  de  l'Association  nor- 
mande ,  doit  l'avoir  acheté. 

On  distingue  sur  la  porte  d'entrée  de  la  tourelle  un  écusson 
mutilé.  Les  salles  du  rez-de-chaussée  ont  été  peintes  au  com- 
mencement du  XVIIIe  siècle.  M.  Bouet  a  dessiné  quelques 
écussons,  plus  ou  moins  effacés,  à  l'intérieur  du  château. 

La  pièce  au  sommet  de  la  tour  a  été  pavée  en  briques 
émaillées. 

Sur  l'appui  d'une  des  lucarnes  de  la  partie  moderne  du 
château  on  a  replacé  cette  devise ,  en  caractères  gothiques  : 

lliuj  bon  luntloir 

L'esquisse  (page  501)  donne  une  idée  de  l'extérieur  de 
ce  manoir,  du  côté  le  plus  ancien. 


CANTON   DE   MÊZIDON. 


501 


CHATEAU    DE    b  U  ME-MARIE-AlX-ANGLAIS 

(Appartenant    aujourd'hui  à  M.   de   La  Porte). 


502  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


DOUX-xMAKAIS. 

Doux-Marais  ,  Odonis  Mariscvs ,  Dulcis  Mariscus. 

L'église  de  Doux-Marais  n'a  pas  d'intérêt  archilectonique  ; 
elle  est  de  forme  rectangulaire  ;  toutes  les  fenêtres  sont  mo- 
dernes et  carrées  ;  la  porte  occidentale  est  cintrée  ;  les  murs 
ont  été  enduits  de  mortier  et  l'appareil  n'est  pas  facile  à 
étudier;  quelques  contreforts  montrent  que  la  maçonnerie 
date  de  l'ère  ogivale  :  à  l'ouest ,  ils  sont  appliqués  sur  les 
angles ,  ce  qui  annoncerait  le  XVe  siècle. 

La  tour  en  bois  est  terminée  par  une  flèche  à  six  pans 
couverte  d'ardoise,  que  couronne  une  croix  fleurdelisée. 

L'inscription  de  la  cloche  est  ainsi  conçue,  d'après  la 
copie  de  M.  Pépin  : 

L'AN     1773    1AY     ÉTÉ     BÉNITE    PAR     ANDRE     DESGENETTES     CVRÉ    DV 

DOVX    MARAIS    ET    NOMMEE  BARBE    MARIE 
MAGDELAINE     PAR     GILLES      GABRIEL      DE    LA    ROCQIE     DE    BVTANVAL 
CHEVALIER    SEIGNEVR    ET    PATRON    HONORAIRE 
fîTj?^    DV    DOVX    MARAIS,    DE     BERNIÈRES ,    V1ETTE  ,    GRESTAIN     ET     AVTRES 

LIEVX,    CONSEILLER    DU    ROY,    RECEVEUR    ANCIEN 
0^1=^    ET    ALTERNATIF    DES     TAILLES     DE     l/ ÉLECTION     DE     PONTEAVDEMER. 
BAUBE    MARIE    MAGDELAINE    DE    LA    ROCQVE 
EPOVSE    DE   MESSIRE    PAVL    HENRY      DE    PCLLEGATS     ÉCVYER    SEIGNEVR 

DE    LA    RIVIÈRE  ,    LIEVTENANT    DE    NOS 
SEIGNEVRS   LES   MARÉCHAVX    DE    FRANCE. 

LAVILLETTE    A    LIS1EVX. 

L'église  est  voûtée  en  bois.  Le  tabernacle  est  orné  de 
statuettes  assez  bien  exécutées. 

Cette  église  ,  qui  est  supprimée ,  mais  entretenue  en  assez 
bon  état,  était  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  L'abbaye 
de  Ste-Barbe  nommait  à  la  cure. 


CANTON    DE   MÉZ1DON,  503 


LES  âUTHIEUX-PAPION. 


Les  Authieux-Papion  ,  Altaria  Papion,  Altaria  Papionù, 

L'église  des  Authieux  se  compose  d'un  chœur  rectangu- 
laire, en  retrait  sur  la  nef. 

Les  fenêtres  ogives  qui  éclairent  le  chœur  ,  au  nombre  de 
deux  de  chaque  côté  ,  sont  peu  caractérisées. 

Dans  la  nef,  on  remarque,  à  l'ouest,  la  porte  d'entrée  dont 
l'archivolte  est  ornée  de  petits  fleurons  crucifères  qui,  ordi- 
nairement, caractérisent  le  XIIIe  siècle  ;  mais,  en  examinant 
les  colonneltes  grêles  qui  supportent  cette  archivolte ,  on 
est  porté  à  l'attribuer  plutôt  au  XIVe  siècle.  C'est  donc  à 
cette  époque  que  l'on  pourrait  rapporter  l'ensemble  de 
l'édifice,  abstraction  faite  des  modifications  qu'il  a  dû  subir  : 
ainsi  ,  on  remarque  au  nord  une  ouverture  en  accolade, 
évidemment  postérieure,  et  des  fenêtres  en  forme  de  meur- 
trière rectangulaire.  Des  portions  considérables  de  murs  ont 
été  refaites. 

La  tour  s'élève  entre  chœur  et  nef;  elle  est  en  bois  et 
appartient  au  type  commun  du  pays ,  c'est  un  carré  terminé 
par  une  pyramide  couverte  en  essente. 

Au  dessus  de  la  porte  occidentale  ,  le  fronton  triangulaire 
est  percé  de  deux  petites  fenêtres  ogivales  qui  éclairaient  la 
nef,  à  la  hauteur  des  lambris  qui  formaient  la  voûte. 

Sons  un  enfeu  creusé  dans  le  mur  du  chœur  ,  au  nord,  ou 
lit  l'inscription  suivante  en  caractères  gothiques  : 

Cv  btvawt  repose  le  corps  be  noble  ljome  Seljan  be  la  tJarenbe  escuier  en 
son  nioant  seigneur  bubit  lieu  be  la  tiarrubc  be  Sassie  et  flonncauoille  patron 
be  reste  église  lequel  eu  la  conbugte  et  faietz  be  guerre  bont  a  eu  charge 
continuelle  en  son  oivant  soubz  nostre  sire  le  lio£  (Cljarle  septième  lequel 
trespassa  lan  mil  itij  cens  Ixiiij  le  v111'  jour  be  juillet,  juriez  Dieu  pour  luv 
pater  nr  are  maria. 


504         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Dans  une  des  fenêtres  ,  près  de  cette  arcade  ,  est  un 
blason  d'argent  à  la  bande  d'azur  au  chef  du  même. 

Le  maître  -autel ,  avec  parement  d'étoffe  et  haut  rétable  , 
date  du  règne  de  Louis  XIV.  Mais  dessous  se  trouve  con- 
servée l'ancienne  table  de  pierre ,  posée  sur  trois  piliers , 
probablement  du  XVe  siècle.  Elle  n'était  point  adossée  au  mur 
du  chevet. 

L'if  du  cimetière  a  2  mètres  de  circonférence  dans  sa 
partie  moyenne. 

Cette  paroisse  tire  son  surnom  d'une  famille  normande. 
Dans  une  charte  sans  date,  probablement  de  la  fin  du  XIIe 
siècle  ,  Hugues  Papion  donne  à  Ste-Barbe  et  à  Grestain  des 
terres  de  son  domaine  de  Doux-Marais. 

En  1463 ,  Jean  Le  Bouteiller  était  seigneur  des  Authieux  , 
et  dans  le  cours  du  XVIIe  siècle,  les  Leprevost  de  Coupesarle 
comptèrent  cette  seigneurie  au  nombre  de  leurs  possessions. 

La  paroisse  des  Authieux  faisait  partie  de  l'élection  de  Fa- 
laise, sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dives,  et  comprenait,  au 
XVIIIe  siècle,  69  feux,  environ  340  habitants.  La  population 
a  diminué  de  plus  des  deux  tiers. 

L'église  des  Authieux  est  sous  l'invocation  de  saint  Phil- 
bert.  Le  pouillé  deLisieux  indique  les  seigneurs  de  la  Varende 
comme  nommant  à  la  cure  au  XIVe  et  au  XVIIIe  siècle. 

Manoir,  près  l'église.  —  Dans  l'herbage  situé  au  nord  de 
l'église  on  voit  les  restes  d'un  manoir  :  le  puits  avec  mar- 
gelle cylindrique  en  bois  ,  couronné  d'un  toit  conique,  méri- 
terait d'être  dessiué,  car  chaque  jour  voit  disparaître  quel- 
ques-uns de  ces  accessoires  de  nos  puits  du  XVIe  et  du 
XVIIe  siècle. 


CANTON    DK    MÉZIDON.  505 

GRANDCHAMP. 

Grandchamp  ,  Grandas  Campus. 

L'église  de  Grandchamp  est  peu  importante,  mais  elle  est 
bien  entretenue  aux  frais  de  M.  le  comte  de  Montault ,  pro- 
priétaire du  beau  domaine  et  de  l'important  château  qui 
l'avoisinent. 

Les  parties  les  plus  anciennes  peuvent  être  rapportées  au 
XYIC  siècle.  C'est  au  moins  ce  que  j'induis  delà  forme  d'ac- 
colade qu'affectent  deux  fenêtres  qui  subsistent  du  côté  du 
nord  et  une  autre  du  côté  du  sud  ,  dans  les  murs  de  la  nef. 
Le  chœur,  en  retrait  sur  la  nef,  a  des  fenêtres  rondes  qui 
annoncent  le  XVIIe  siècle  au  plus  :  il  se  termine  par  un  hé- 
micycle tronqué ,  probablement  parce  que  la  route  n'a  pas 
permis  de  donner  au  demi-cercle  son  développement  normal. 

Diverses  reprises  modernes  ont  été  faites  aux  murs,  et  la 
façade  occidentale  porte  sa  date  : 

RETABLIE 

PAR   LES 

GERBLINS 
EN    1762. 

Si  tous  les  maçons  avaient  pris  la  peine  de  graver  ainsi 
leurs  noms  et  la  date  de  leurs  travaux  ,  ils  nous  auraient 
rendu  de  véritables  services. 

La  tour  en  bois ,  de  la  forme  de  celles  que  nous  avons 
citées  dans  les  églises  précédentes,  est  établie  entre  chœur 
et  nef,  à  l'extrémité  de  celle-ci. 

Cette  église  est  sous  l'invocation  de  saint  André.  Le  sei- 
gneur nommait  à  la  cure. 

Château.  —  Le  château  de   Gr.tnehamp  est  un  des  plus 


506  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS, 

remarquables  et  des  plus  considérables  de  la  contrée.  Il  est 
précédé  d'une  grande  cour  entourée  de  bâtiments;  un  vaste 
jardin  rectangulaire  s'étend  en  arrière ,  et  toute  l'enceinte 
était  garnie  de  murs  et  de  fossés  alimentés  par  une  déri- 
vation de  la  Vie,  qui  coule  tout  près  de  là  dans  la  prairie. 

Le  château  proprement  dit  se  compose  de  deux  parties 
très-distinctes  :  la  plus  ancienne ,  qui  doit  dater  de  la  deuxième 
moitié  du  XVIe  siècle  (je  suppose  qu'il  existe  quelques 
dates  gravées  que  malheureusement  je  n'ai  pas  eu  le  temps 
de  rechercher  ),  se  compose  d'un  gros  pavillon  à  toit  très- 
élevé,  flanqué,  du  côté  du  jardin,  de  deux  tours  carrées  en 
saillie  ,  d'un  effet  très-pittoresque  par  leurs  quatre  étages  en 
retrait  les  uns  sur  les  autres ,  et  par  leur  toit  en  forme  de 
clocher  couronné  d'une  petite  lanterne.  Tout  cet  ensemble 
est  bâti  en  bois,  avec  remplis  de  tuiles  ou  de  briques  dont  la 
teinte  chaude  tranche  sur  les  pièces  de  bois  qui  les  encadrent. 
La  seconde  partie  est  une  longue  façade  construite  en  pierre 
et  en  brique  sous  le  règne  de  Louis  XIV ,  d'après  son 
style  ,  et  que  l'on  a  élevée  sur  la  même  ligne  que  le  pa- 
villon dont  nous  venons  de  parler.  Des  arcades  cintrées, 
du  côté  du  jardin  ,  occupent  le  rez-de-chaussée.  Le  premier 
étage  est  éclairé  par  une  suite  de  grandes  fenêtres  à  linteau 
surbaissé. 

D'élégantes  lucarnes ,  de  hauteur  inégale  et  offrant  alter- 
nativement des  ouvertures  carrées  et  un  œil-de-bœuf,  dissi- 
mulent la  nudité  du  toit  et  produisent  un  bon  effet. 

Je  ne  suis  pas  entré  dans  le  château  de  Grandchamp , 
mais  je  sais  qu'il  était  décoré ,  dans  quelques-unes  de  ses 
parties,  de  boiseries  assez  intéressantes  pour  que  M.  le  comte 
de  Montault  ait  voulu  en  orner  un  château  qu'il  fait  con- 
struire dans  l'Orne ,  où  il  les  a  fait  transporter  ;  il  est  pro- 
bable qu'il  reste  encore  quelques  décorations ,  c'est  ce  que  je 
me  propose  de  vérifier. 


CANTON   DE  MÉZIDON.  507 

Le  bâtiment  qui  était  près  de  l'entrée  principale  de  la  cour 
est  flanqué  d'une  jolie  tourelle  cylindrique,  avec  lanterne  qui 
produit  un  charmant  effet  vue  d'un  certain  côté  :  je  sup- 
pose qu'une  horloge  occupait  l'étage  supérieur.  Des  pavillons 
existent  aux  deux  angles  du  jardin  qui  font  face  au  château. 

En  somme ,  nous  trouvons  à  Grandchamp  un  des  grands 
châteaux  de  la  fin  du  XVIe  et  du  XVIIe  siècle ,  sans  aucune 
des  transformations  qui  rendent  méconnaissables  tant  de 
châteaux  de  cette  époque. 

D'après  les  recherches  de  M.  Charles  Vasseur,  au  XIVe 
siècle,  Jean  Barate  était  seigneur  de  Grandchamp.  En  1663, 
Montfaut  y  trouva  Jeand'Anesy.  Aux  XVII*  et  XVIIIe  siècles, 
Grandchamp  appartenait,  comme  le  marquisat  de  St-Julien- 
le-Faucon ,  à  la  famille  Le  Prévost,  anoblie  en  1566.  C'est 
à  un  membre  de  cette  famille  qu'on  doit  la  construction  du 
château,  ou  au  moins  d'une  grande  partie  du  château  ,  qui 
devint  la  demeure  habituelle  des  marquis  de  Saint-Julien. 

Noble  seigneur  messire  Raoul  Tenneguy  Le  Prévost, 
seigneur  et  marquis  de  St-Julien  le-Faucon  ,  seigneur  et 
patron  de  Grandchamp ,  Mesnil-Simon  ,  Coupesarte  et  autres 
lieux  ,  lieutenant  pour  le  roi  au  gouvernement  de  Normandie, 
chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  St-Louis ,  épousa 
Marie-Charlotte-Josèphe-ÉIéonore  de  Cunighem  ,  dame  de 
Caracourt.  Il  n'en  eut  point  de  descendants  mâles,  mais 
seulement  une  fdle,  Marie-Henriette-Suzanne-Perrine  Le 
Prévost  ,  mariée  à  messire  Armand  de  Montault ,  chevalier  , 
seigneur,  baron  et  châtelain  de  Quinzac ,  capitaine  au  ré- 
giment de  Royal-Piémont  et  lieutenant  du  Roy  au  gouver- 
nement de  Normandie ,  qui  devint  ainsi,  vers  1769,  pro- 
priétaire de  la  seigneurie  de  Grandchamp. 

Le  château  et  le  beau  domaine  de  Grandchamp  appar- 
tiennent à  son  petit-fils ,  M.  le  comte  de  Montault ,  membre 
de  la  Société  française  d'archéologie;  mais  il  est  inhabité 
depuis  longtemps. 


508         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DL    CALVADOS. 

Grandchamp  faisait  partie  de  l'élection  de  Pont -PÉvêque  et 
de  la  sergenterie  de  St-Julien-le-Faucon  ;  on  y  comptait 
2  feux  privilégiés  et  50  feux  taillables ,  c'est-à-dire  environ 
260   habitants  ;  on  en  compte  aujourd'hui  15G. 

SA1M-.IILI  EN-LE-FAUCON. 

St-Julien-Ie  Faucon  ,  Sanctus  Julianus  de  Foulcon  , 
Sanctus  Julianus  de  Fulcone. 

Le  bourg  de  St-Julien  est  situé  dans  une  charmante  vallée 
dont  les  herbages  constituent  toute  la  richesse.  Au  fond  de 
cette  vallée  coule  la  Vie.  Le  chemin  de  grande  communi- 
cation de  Lisieux  à  St-Pierre-sur-Dives  traverse  St-Julien. 

L'église  ,  placée  sur  le  bord  de  la  roule  ,  à  quelque  dis- 
tance du  bourg  ,  est  dépourvue  de  tout  intérêt. 

Le  chœur  et  la  nef  sont  de  la  même  largeur.  L'appareil 
des  murs,  en  cailloulis,  et  l'absence  des  contreforts  qui  ap- 
paraissent seulement  au  chevet,  lequel  date  du  XVIe  siècle, 
portent  à  croire  que  cette  église  était  primitivement  romane. 
Les  fenêtres  de  la  nef  et  celles  du  chœur  (  côté  nord  )  sont 
sans  caractère.  Le  mur  méridional  du  chœur  montre  une  fe- 
nêtre carrée  ,  à  moulures  prismatiques  ,  du  XVIe  siècle  ,  et 
une  petite  fenêtre  surmontée  d'une  ogive  en  accolade ,  de  la 
même  époque  que  la  précédente.  Le  chevet ,  qui  est  droit  , 
était  percé  d'une  large  fenêtre  flamboyante,  surmontée  d'un 
oculus. 

Le  portail,  reconstruit  au  XVIIIe  siècle,  est  surmonté  d'un 
clocher  en  charpente  recouvert  en  essente.  La  porte  prin- 
cipale, voûtée  en  arc  surbaissé,  porte  la  date  1772. 

Dans  le  chœur ,  on  voit  une  statue  de  saint  Julien,  évêque 
et  patron  de  la  paroisse  ;  un  saint  Eutrope  ;  la  Sainte-Vierge 
tenant  dans  ses  bras  l'enfant  Jésus. 


CANTON  DE  MÊZtDON.  589 

Dans   la  nef,  saint  Michel  foulant  aux  pieds  un   dragon. 
Le    retable  du   maître-autel    est  orné  d'un  joli  tableau 
moderne,  donné  par  M.  Guizot. 
Le  seigneur  nommait  à  la  cure. 

Ancienne  chasuble.  —  Parmi  les  ornements  religieux  on 
montre  une  ancienne  chasuble  ,  à  personnages ,  qui  date  de 
la  fin  du  XVe  ou  du  XVIe  siècle.  Ces  personnages  sont  repré- 
sentés sous  des  niches  surmontées  d'ogives  en  accolade. 

Le  devant  de  cette  chasuble  est  divisé  en  trois  comparti- 
ments. Dans  le  compartiment  supérieur  est  représentée  la 
Sainte-Vierge  tenant  dans  ses  bras  l'enfant  Jésus.  On  voit  au 
centre  saint  Jean-Baptiste  avec  un  Agnus.  Dans  le  compar- 
timent inférieur  est  placée  sainte  Catherine.  Dans  les  angles 
supérieurs  sont  représentés  deux  faucons. 

Au  dos  de  la  chasuble  apparaît  une  croix  sur  laquelle  est 
étendu  le  Christ.  Des  anges  reçoivent  le  précieux  sang  dans 
des  calices.  Dans  la  partie  supérieure  de  la  croix  paraît 
le  Père  éternel.  Le  Saint-Esprit,  sous  la  forme  d'une  colombe, 
est  placé  sur  sa  poitrine.  Sainte  Magdelai ne  est  prosternée  au 
pied  de  la  croix  qu'elle  tient  embrassée.  Dans  le  compar- 
timent inférieur  on  voit  saint  Julien,  évêque.  Quatre  faucons, 
insignes  de  la  paroisse,  sont  placés  aux  quatre  angles. 

St-Julien-lc- Faucon  avait  pour  patron  laïque,  au  XIV" 
siècle ,  Foulque  du  Merle  (  Fulco  de  Merida),  probablement 
Foulques  du  Merle  ,  maréchal  de  France  (1295-1314  )  ;  aux 
XVIP  et  XVIIIe  siècles  ,  la  seigneurie  appartenait ,  comme 
nous  l'avons  dit,  à  la  famille  Le  Prévost. 

Celte  paroisse  comptait ,  avant  la  Révolution  ,  2  feux  pri- 
vilégiés et  33  feux  taillables. 

Le  sieur  de  Grandchamp ,  «  advocat  général  en  la  Cour 
des  Aides  de  Rouen  ,  obtint  du  roy  Louis  XIV  des  lettres , 
datées  de  La  Fère  -juillet  1657),  pour  lu  confirmation  d'une 


510  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS» 

foire  de  St-Julien-le-Faucon  pour  être  tenue  le  15  sep- 
tembre, au  lieu  du  jour  et  fête  de  l'Exaltation  de  la  Sainte- 
Croix  (1). 

f.OUPESARTE. 

Coupesarte,  Sanctus  Ciricus  ou  Cyricus  de  Corbesarte, 
de  Curvaserta  ;  Courbe-Sartre,  Coupe-Sartre,  CoupeSarte, 
Coupsartre. 

L'église  de  Coupesarte  s'élève  à  2  kilomètres  environ  de 
St-Julien,  sur  le  bord  du  chemin  de  grande  communication 
qui  relie  ce  bourg  à  celui  de  Livarot. 

La  construction  de  cette  église  remonte  au  XIIIe  siècle. 
Les  murs  étaient  primitivement  percés  de  fenêtres  en  lan- 
cette, avec  large  chanfrein.  Presque  toutes  ces  ouvertures  ont 
été  élargies  et  défigurées.  Un  chevet  droit ,  percé  de  trois  fe- 
nêtres en  lancette  bien  conservées,  termine  le  chœur  à 
l'orient.  Le  portail  a  été  modernisé. 

L'inscription  de  la  cloche  a  été  lue  et  relevée  ainsi  qu'il 
suit  par  M.  Pannier  : 

IAï  ÉTÉ  BENIE  PAR  Me  FRANÇOIS  LECAMVS  CVRÉ  DE  CE  LIEV  ET  NOMMÉE 
MARIE  PAR  MRSSIRE  LOVIS  ANTOINE  LEPREVOST  CHr  SEIGr  ET  PATRON  DE 
COVPSARTE  ET  DE  BOQVENSEÎ  SEIGr  ET  PATRON  HAVT  IVSTICIER  d'aNBLIE 
ET  DE  P1ERREPONT  ASSISTÉ  DE  NOBLE  D*MB  MARIE  MAGDELAINE  DE  LA 
LVSERNE   SON    EPOVSE.    4722. 

IONCHON    ME    FECIT. 

Le  diamètre  de  celte  cloche  est  de  77  centimètres. 

Au  milieu  du  chœur  sont  trois  dalles  sépulcrales  qui  re- 
couvrent, dit-on,  les  dépouilles  mortelles  d'une  même  fa- 
mille. 

(1)  Mémorial  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Normandie.  Note 
communiquée  par  M.  de  Beaurepairo,  archiviste  de  la  Seine-Inférieure. 


CANTON    DÉ   MÉZ1DON.  511 

Dans  le  sanctuaire,  à  gauche  de  l'autel,  se  trouve  une  autre 
pierre  tombale,  également  sans  inscription. 

Du  côté  de  l'épître  sont  deux  autres  pierres  tombales,  cou- 
vertes d'inscriptions  gothiques.  Sur  l'une  de  ces  pierres  est 
représenté  un   personnage.  Elle  porte  la  date  MCCCCLIV 

(  \m  ). 

Au  mur  méridional  du  chœur  est  appendu  un  ancien  ta- 
bleau ,  portant  la  date  1621.  Ce  tableau,  qui  faisait  partie 
d'une  ancienne  bannière ,  représente ,  d'un  côté ,  la  Sainte- 
Vierge  ;  de  l'autre,  sainte  Judith  et  saint  Cyr,  second  patron 
de  la  paroisse.  (  Le  premier  patron  est  saint  Hermès.  ) 

Sur  le  mur  opposé  on  lit  l'inscription  obituaire  suivante , 
dont  M.  Pannier  a  bien  voulu  m'envoyer  la  copie  : 

l'an.    4  651.    LE.    7.   IOVP.    DE. 
NOVEMBRE.    IRAN.    GASTEBLÉ. 
A.    FONDÉ.    EN.    CETE.    EGLIZE. 
6.    GRANDE.    MESSE.    AVEC.    DF.VX. 
OFFICE.    DES.    DEFVNCTS.    A. 
CELEBRER.    LE.    PREMIER.    MERCRE- 
DY.    DAPRES.    LA.    FESTE.    DE.    TOVS 
SAINCT.    ET.    LE.    13.    AOVST.    1605 
IOVR.    DE.    SON.    DECEDS.    AVEC.    VN 
LIBERA.    TOVS.    LES.    DIMANCHE. 
DE.    LANNÉE.    TOVT.    A.    LA.    PLV>. 
GRANDE.    CLOIEE.    DE.    DIEV.    ET. 
AV.    SALVT.    DE.    SON.     AME. 
AINSV.    SOIT.    II.. 

On  remarque,  dans  la  nef,  un  ancien  groupe,  en  pierre  (une 
Nolre-Dame-de-Pitié)  provenant  du  manoir  de  Coupesarte. 

La  voûte  du  chœur  et  celle  de  la  nef  sont  en  lambris,  avec 
extraits  et  poinçons.  Sur  l'entrait  placé  dans  le  chœur  on  re- 
marque deux  écussons  armoriés. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Cyr.  Le  patronage  de 
Coupesarte  appartenait  aux  Mathurins  de  Lisieux. 


51*2  STATISTIQUE   MOIS  l  ME  VI A  U    DU   C.ALVAUOS 

D'après  les  recherches  de  M.  Vasseur,  le  patronage  leur  fut 
donné  en  1207,  en  même  temps  que  les  deux  tiers  des  grosses 
dîmes  et  un  herbage,  par  Guillaume  de  Coupesarte.  Son  fils, 
Robert,  souscrivit  à  la  charte  de  donation,  qui  fut  confirmée 
par  les  souverains  pontifes  et  les  évêques  de  Lisieux.  (  Voyez 
à  ce  sujet  la  notice  sur  la  Maison-Dieu  de  Lisieux,  par 
M.  Vasseur,  publiée  dans  le  Bulletin  monumental ,  t.  XXX  , 
p.  113.) 

Bocquencey  est  un  fief  situé  sur  le  territoire  de  Coupesarte. 
Il  y  avait  encore  la  Varende  et  Castillon ,  donnés  par  Robert 
de  Lamberville  à  la  Maison-Dieu  de  Lisieux. 

En  1566,  nous  apprend  M.  Ch.  Vasseur,  Nicolas  de  Maduel, 
sieur  de  Chus,  né  à  Coupesarte,  obtint  le  privilège  de  lever 
la  fierté  de  saint  Romain.  11  avait  tué  Me  Pierre  Le  Sauvage , 
avocat  à  Pont-1'Évéque ,  souche  des  seigneurs  du  Chesne 
de  ce  nom  ,  qui  lui  avait  intenté  des  procès  ruineux  (  V. 
Floquct,  Privilège  de  saint  Romain,  t.  Il,  p.  625).  Aux 
XVIIe  et  XVIIIe  siècles,  la  famille  Le  Prévost  devint  pro- 
priétaire de  Coupesarte ,  des  Authieux ,  du  Doux-Marais  , 
etc.  ;  mais  son  principal  établissement  fut  à  St-Julien-le- 
Faucon. 

Manoir  de  Coupesarte.  —  Près  de  l'église  existe  un  beau 
manoir,  composé  de  deux  bâtiments  formant  équerre.  Ces 
bâtiments,  construits  en  bois  ,  avec  briques  entre  les  colom- 
bages ,  sont  entourés  de  fossés  remplis  d'eau. 

Coupesarte  appartenait  au  doyenné  du  Mesnil-Mauger.  Il 
était  de  l'élection  de  Falaise  et  de  la  sergenterie  de  St-Pierre- 
sur-Dive.  On  y  comptait  48  feux  (environ  240  habitants).  Il 
n'y  a  que  105  habitants  aujourd'hui. 


CANTON    HE   MÉZiDON.  513 


CASTILLON. 

Castillon ,  Castitlio. 

Ce  nom  semblerait  indiquer  qu'un  campement,  une  en- 
ceinte fortifiée  existait  sur  les  hauteurs  boisées  qui  occupent 
une  partie  de  la  paroisse.  Les  personnes  que  j'ai  interrogées, 
à  ce  sujet,  ont  fini  par  trouver  les  retranchements  que  je 
supposais  exister  :  je  n'ai  pu  encore  en  lever  le  plan. 

L'église  de  Castillon  est  peu  intéressante  ;  elle  se  compose 
d'un  chœur  à  chevet  droit ,  sans  ouvertures.  Les  fenêtres 
sont  carrées  et  modernes  dans  le  chœur  et  dans  la  nef  ;  le 
portail  est  moderne  ,  à  plein-cintre  ;  mais  quelques  parties 
des  murs  peuvent  dater  du  moyen -âge. 

Le  clocher  est  moderne,  couvert  en  ardoise  et  couronné 
dune  flèche  à  six  pans.  Il  renferme  deux  cloches  :  la  plus 
grosse  porte  l'inscription  suivante  : 

j'Ai  ÉTÉ  BENITE  PAK  Me  JEAN  BAPTISTE  DE  LA  HAYE  CURÉ  DE  CE  LIEU 
KT  NOMMÉE  MARIE  CHARLOTTE  PAR  MESSIRE  CHARLES  ROSÉE  DINFREYI  I.I.E 
SGr  ET  PATRON  DE  LIEL'RY,  TOTES ,  LAMOTTE  ET  MONTCHAMP,  ASSISTÉ  DE 
NOBLE  DAME  MARIE  ANNE  VICTOIRE  DE  BERVILLE  EPOUSE  DE  MESSIRE  JEAN 
ALEXANDRE  DLNOT  DE  SAINT  MACLOU  CHEVALIER  BARON  DE  VIEUX  PONT 
SGr  DE  CASTILLON  ,  HOULBEC  ET  GRANDVAL,  CHEVALIER  DE  I.\>RDRE  ROYAL 
ET   MILITAIRE  DE   S*    LOUIS. 

ALEXIS    LAVILLETTE    DE    LISIEUX    MA    FAITE    EN    1776. 

La  seconde  cloche  porte  la  date  1844. 

L'église,  sous  l'invocation  de  Notre-Dame  ,  était  comprise 
dans  le  doyenné  du  Mesnil-Mauger.  Le  patronage  appar- 
tenait à  l'évêque  de  Lisieux.  Il  lui  avait  été  donné  par  Robert 
de  Castillon,  fils  Robert,  en  1246.  Deux  ans  plus  tard, 
Nicolas  de  Castillon  ,  fils  du  donateur ,  confirma  la  charte  de 
son  père  ;  il  vivait  encore  en  1252. 

33 


514  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Les  évoques  ne  jouirent  pas  sans  contestation  de  leur 
droit.  Il  leur  fut  d'abord  disputé  par  les  chanoines  du  Sé- 
pulcre de  Caen  :  on  transigea  en  1325.  Alors  le  seigneur 
laïque  revendiqua,  àson  tour,  le  droit  de  présenter  à  la  cure, 
malgré  la  donation  formelle  de  son  prédécesseur.  Ce  procès 
se  termina  encore  par  une  transaction,  en  13^0.  L'évêque 
accordait  à  Jean  de  Villers  ,  son  con tendant ,  la  faculté  de 
présenter  à  la  cure  alors  vacante  ,  un  sujet  de  son  choix , 
nommé  Pierre  Dufour  ;  mais  à  la  condition  de  reconnaître 
pour  l'avenir  le  droit  du  prélat. 

On  trouve,  aux  archives  du  Calvados  ,  trois  provisions  dé- 
livrées en  conséquence  par  les  évêques  de  Lisieux,  ou  leurs 
vicaires,  le  18  juin  1359,  à  Rainulphe  Baudouin;  le  25 
juin  1407,  à  Jean  Bazire  ;  le  12  janvier  1420,  à  Philippe  de 
La  Pallu. 

Au  XVIIIe  siècle ,  les  chanoines  du  Sépulcre  firent  revivre 
leurs  prétentions  ;  mais  un  arrêt  du  Parlement  de  Rouen , 
du  10  mars  1733  ,  les  débouta  et  maintint  dans  le  bénéfice 
Charles  Le  Maignen  ,  sieur  de  Houlbec  ,  pourvu  par  l'évêque 
de  Lisieux. 

En  1463  ,  Guillaume  d'Anisy  était  seigneur  de  Castillon. 

Le  dernier  possesseur  de  ce  fief  fut  Me  Jean- Alexandre  de 
Dunot,  baron  de  Vieux-Pont,  né  en  1733  à  Marie-Galante  (1). 

(1)  V.  les  notes  manuscrites  de  M.  Charles  Vasseur  sur  les  anciennes 
familles  de  l'arrondissement  de  Lisieux. 


CANTON    DE   SAINT-P1ERRE-SUR-DIV1.  515 


CANTON  DK  St-PIERRE-SUK-DIVE. 

Le  canton  de  St-Pierre-sur-Dive  se  compose  des  2^  com- 
munes suivantes  : 

Ammeville.  St-Marlin-de-Fresnay. 

Berviile.  Mithois. 

Boissey.  Montpinçon. 

Bretleville-sur-Dive.  Montviette. 

Carel.  Notre-  Dame-de-Fresnay. 

Donville.  Ouville-la-bien-Tournée. 

ÉcOtS.  ST-PlERRE-SUR-DlVE   (  cllt'f- 

Garnetot.  lieu  ). 

St-Georges-en-Auge.  Thiéville. 

Grandmesnil.  Tôles. 

Hiéville.  Vaudeloges. 

Lieurey.  Vieux-Pont. 
S^-Marguerite-de-Viette. 

VIEUX-PONT. 

Vieux-Pont ,   Velus  Pons. 

Je  commence  ma  revue  des  monuments  du  canton  de 
St-Pierre-sur-l)ive  par  une  des  églises  les  plus  anciennes  et 
des  plus  curieuses  du  département ,  celle  de  Vjeux-Pont- 
en-Auge,  que  j'ai  eu  le  bonheur  de  signaler  le  premier,  il 
y  a  plus  de  trente  ans. 

Cette  église  présente  un  des  exemples,  si  rares  aujourd'hui, 
de  cette  maçonnerie  en  petit  appareil  avec  chaînes  de  briques 
qui  était  partout  en  usage  sous  la  domination  romaine. 

Les  parties  les  plus  remarquables  sont  le  mur  méridional 
de   la  nef  et  la  .façade  ;  mais  il  faut  distinguer  dans   celle-ci 


516  STATISTIQUE    MOiNUMEN TALE    1)1     CALVADOS. 

des  reprises  faites  à  plusieurs  époques  :  la  porte  pourrait 
avoir  été  reconstruite  au  XIe  siècle;  du  côté  gauche 
de  cette   porte ,  l'absence   de   cordons   en  briques  dans  la 


scr?  oo  oooq  OpOODi 1 

boOoooOQ^-Qoooi 
■o  ooo  o  <=>o  oooo  ' — ' 


FAÇADE   DE   L  ÉGLISE    DE   VIEUX-PONT-EN-AUGE. 

maçonnerie  annonce  peut-être  une  reprise  ;  la  niche  pratiquée 
au-dessus  de  la  porte  doit  être  du  XVIe  siècle,  et  le  gable 


CANTON    DE    SAINT-PIERRE-SUR-D1VE.  517 

a    été   exhaussé  pour   donner    au  toit    plus    d'inclinaison. 

Dans  le  mur  méridional,  on  voit  encore  les  restes  des 
fenêtres  primitives  ;  elles  étaient  étroites,  cintrées ,  sans  co- 
lonnes, et  bordées  d'un  triple  cordon  de  briques  (1).  Trois 
assises  de  briques  forment  les  cordons  horizontaux  placés  , 
de  distance  en  distance,  dans  la  maçonnerie  de  petit  appareil  ; 
ces  briques  ont  environ  15  pouces  de  longueur  et  sont  sé- 
parées par  une  couche  de  mortier  aussi  épaisse  que  la  brique 
elle-même. 

La  nef  forme  un  parallélogramme  d'environ  tZi  mètres  sur 
8  hors  œuvre  ;  le  chœur,  plus  étroit,  peut  avoir  8  mètres  de 
longueur  sur  5  de  largeur. 

La  tour  est  accolée  au 
chœur  ,  du  côté  du  sud  :  la 
partie  basse  paraît  presque 
du  même  temps  que  le  mur 
qui  l'avoisine  ;  mais  les  bri- 
ques employées  dans  les  deux 
cordons  que  l'on  y  voit  sont 
un  peu  plus  courtes  que  les 
autres;  quelques-unes  ne  sont 
(jue  des  morceaux  retaillés. 
Le  premier  étage  de  la  tour  , 
qu'il  soit  postérieur  ou  con- 
temporain des  murs  du 
chœur,  est  remarquable  par 
son  appareil  ;  les  pièces  qui 
garnissent  les  angles  sont  plus 
grandes  que  celles  du  milieu 
et  à   larges  joints  ;  elles  encadrent  ainsi  le  revêtement  du 

(1)  Il  est  fâcheux  que,  pour  se  procurer  plus  de  jour ,  on  ait  détruit 
presque  toutes  ces  fenêtres  pour  leur  substituer  des  ouvertures  in- 
formes. 


518  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


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CANTON    DB    SAINT-P1ERRE-SUR-DIVE.  5.19 

contre,  dont  les  pièces  sont  beaucoup  plus  petites;  nous 
avons  vu  la  même  disposition  dans  l'appareil  des  églises  les 
plus  anciennes  de  l'Anjou. 

C'est  sur  le  coté  de  la  partie  basse   de  cette  tour,  exposé 
à  l'est,  que  nous   avons  observé  une  inscription  dont  voici 


le  fac-similé  et  qui  indique  un    certain    Renaud    cornu* 
auteur  de   l'édifice  ;  elle  est  ainsi  conçue  : 


VII.    ID.     FEBR.    'MUT 
KANOLDVS. 
ILLE    FVIT    ftATVS 
DE    G  EST  A    FRAN 
CORVM.    ANI 
MA    EIVS    BRQVI- 
ESCAT    !\     PACK. 
AM.    ILLS    PBC.     18  1  I* 
KCCLKSIA. 


Celle  inscription  ,   incruslée    ainsi    dans    le    revêtement , 


520  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

ne  doit  pas  être  à  sa  place  primitive  ;  mais  on  ne  sait  pas 
où  elle  pouvait  se  trouver  d'abord. 

A  partir  du  niveau  indiqué  par  la  lettre  A ,  la  tour  de 
Vieux-Pont  me  paraît  d'une  époque  moins  ancienne  que 
l'étage  dont  je  viens  de  parler  ;  elle  montre  d'abord  trois 
arcades  aveugles  portées  sur  des  pilastres,  et  au-dessus  une 
fenêtre  cintrée  à  colonnettes,  subdivisée  en  deux  baies  qui 
étaient  primitivement  séparées  par  une  colonne.  Le  dernier 
étage  est  percé  d'une  fenêtre  cintrée  beaucoup  moins  large 
(  Voir  la  figure  ).  La  tour  est  couronnée  par  une  pyramide 
élégante  en  bois ,  dont  la  forme  sera  mieux  comprise  par 
l'examen  de  mon  dessin  que  par  la  description  que  je  pourrais 
en  faire ,  et  qui  se  rattache  aux  types  les  plus  répandus 
dans  le  pays  pour  le  couronnement  des  tours  :  inutile  de 
dire  que  cette  construction  de  bois  est  d'une  date  moins  an- 
cienne que  la  tour  en  pierre  dont  elle  forme  la  terminaison. 

L'intérieur  de  l'église  est  beaucoup  moins  intéressant 
que  l'extérieur  ;  pourtant  il  nous  faut  citer  d'abord  la  porte 
qui  communique  du  chœur  au  clocher,  dont  le  cintre  est 
formé  de  claveaux  alternativement  en  pierre  et  en  brique , 
comme  dans  les  constructions  romaines. 

Si  la  tour  a  été  appliquée  après  coup  contre  le  chœur  , 
comme  quelques  observateurs  l'ont  pensé,  cette  porte  devait 
servir  d'abord  d'entrée  au  chœur,  et  c'est  la  place  qu'occupent 
un  grand  nombre  de  portes  dans  nos  églises  des  XIe ,  XIIe 
et  XIIIe  siècles. 

A  l'extrémité  de  la  nef ,  dans  le  mur  du  nord  ,  par  con- 
séquent du  côté  de  l'évangile  ,  on  remarque  une  arcade 
à  plein-cintre  et  sans  ornements  qui  recouvre  une  pierre 
tombale  sans  inscription,  incrustée  dans  le  mur.  Ce  tombeau 
arqué  doit  être  très-ancien  ,  et  j'avais  obtenu  de  feu  Mgl 
Robin,  évêque  de  Bayeux,  la  permission  de  le  fouiller; 
mais  j'ai  craint  de  briser  la  pierre  tumulaire,  qui  m'a  paru 


CANTON    DE   SAINT-P1ERRE-SUR-D1VE.  521 

engagée  dans  la  maçonnerie  ,  et  j'ai  toujours  remis  cette 
opération  ,  parce  qu'elle  demande  certaines  précautions  et 
des  ouvriers  soigneux  que  je  n'avais  pas  sous  la  main  à 
Vieux-Pont  quand  j'y  suis  allé  dans  l'intention  de  faire  la 
fouille  Peut-être  pourrons-nous  l'exécuter  plus  tard,  avec  le 
concours  de  MM.   Pannier ,  Bouet  et  Ch.  Vasseur. 

J'ai  remarqué  plusieurs  statues  du  XVIe  siècle  à  Vieux- 
Pont,  notamment  une  Trinité,  représentée  par  le  Père-Éternel 
coiffé  delà  tiare,  tenant  le  Christ  en  croix  et  ayant  sur  la 
poitrine  une  colombe  figurant  le  Saint-Esprit. 

L'église  de  Vieux-Pont  est  sous  l'invocation  de  saint 
Aubin.  La  cure  se  divisait  en  deux  portions.  L'abbé  de 
St-Pierre-sur-Dive  nommait  le  curé  de  la  première  poriion, 
et  l'abbesse  de  Lisieux  (St-Désir)  celui  de  la  seconde  portion. 

La  vue  générale  qui  suit  est  prise  du  côté  de  l'ouest  ;  elle 


VL'E    GENERALE    DE    L  ÉGLISE    DE    VIEUX-PONT. 

a  été  gravée  par    M.  Godard ,  d'après  un  dessin  de   M.   de 
Brébiasoo. 

Motte  féodale.  — -  Dans  le  bois   qui    couronne   le  coteau  , 


522  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

à  peu  de  dislance  et  au  sud-est  de  l'église ,  j'ai  remarque 
une  magnifique  motte  féodale  avec  son  fossé  ;  elle  est  en  terre, 
conique  et  assez  élevée  :  peut-être  était-ce  là  l'habitation  de 
ce  Renauld  dont  il  est  question  dans  l'inscription  relatée 
plus  haut.  Je  n'y  ai  pas  remarqué  de  vestiges  de  constructions 
en  pierre,  et  la  tour  qui  la  surmontait  devait  être  en  bois. 

Emplacement  d'un  château  moderne,  —  On  montre;  dans 
les  herbages,  au  pied  du  coteau  dont  je  viens  de  parler  , 
une  place  où  ,  dit-on  ,  existait  un  château  moderne,  il  n'y 
a  pas  très-longtemps,  et  dont  il  ne  reste  plus  de  vestiges. 

La  famille  de  Vieux-Pont  était  très-ancienne.  Kn  1161 
mourut  Richard  de  Vieux-Pont,  abbé  de  St-Pierre-sur-Dive; 
il  était  l'oncle  paternel  de  Foulques  de  Vieux-Pont  ,  qui 
accorda  à  l'abbaye  des  droits  et  privilèges  sur  ses  terres. 

Poteries  romaines. —Veu  M.  le  docteur  Le  Grand  m'a  dit 
avoir  trouvé  ,  à  la  l'auteur  de  Vieux-Pont ,  près  de  la  roule 
allant  à  Lisieux ,  quelques  débris  de  poteries  qu'il  croyait 
pouvoir  faire  remonter  au  temps  de  la  domination  romaine. 

OUVII.LE-LA-BIEX-TOURNÉK. 

Ouville-la-bien-Tournée,  Ouvilla,  Olvilla,  (Jtvilla. 

En  suivant ,  à  partir  de  Vieux-Pont ,  la  rive  droite  de  la 
rivière  d'Oudon  jusqu'au  confluent  de  celte  rivière  avec  la 
Dive,  on  arrive  sur  le  territoire  (VOuviUe-la-bienTownée, 
ainsi  appelée  ,  dit-on  ,  parce  qu'elle  n'est  pas  parfaitement 
'orientée.  Effectivement,  le  coleau  qui  borde,  à  l'est,  la 
rive  droite  de  la  Dive ,  là  où  se  trouve  l'église ,  présente 
une  pente  rapide  qui  a  fait  dévier  de  l'orientation  normale. 
De  là  la  dénomination  de  la  bien  tournée.  D'autres  pensent 
que  la  dénomination  la  bien  tournée  fait  allusion  à  l'élégance 
et  à  la  beauté  de  l'œuvre. 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUU-MVE.  5*23 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  église,  assez  vaste,  dans  laquelle  le 
style  ogival  primitif  porte  encore  les  moulures  caractéristiques 
de  l'architecture  romane  qui  l'avait  précédé,  est  une  des  plus 


VUE    GENERALE    I)K    l/Kf;MSE    ItOUVILI.E. 


helks  et  des  plus  intéressantes  du  canton  :  en  voici  une  vue 


52Zl  STATISTIQUE    MONUMENTALE    OU    CALVADOS. 

générale,  dessinée  du  côté  du  sud-est  par  M.  Pépin.  On  voit 
qu'elle  est  déforme  rectangulaire  et  qu'au  centre,  entre  chœur 
et  nef,  s'élève  une  tour  massive  rappelant  celle  d'Airan 
(canton  de  Bourguébus),  et  quelques  autres. 

Le  chevet  est  ajouré  par  deux  fenêtres-lancettes  très- 
élégantes  surmontées  d'un  oculus  ;  les  fenêtres  latérales  du 
chœur  sont  de  même  forme,  accolées  deux  à  deux  dans 
chaque  travée  et  ont  la  tête  ornée  de  zig-zag  légers. 

Une  porte  ogivale  aujourd'hui  bouchée  s'ouvrait,  du  côté 


Bouet  (U 


PORTE    DU    CHOEUR,     Al'JOLRDHUI    BOUCHÉE. 


du  sud,  dans  la  première    travée    du    chœur.    Le   bandeau 


CANTON    DE    SA1NT-P1ERRE-SUR-DIVE.  525 

de  cette  porte  est  couvert  d'étoiles  et  porte  à  son  centre 
un  écusson  sans  armoiries.  Les  archivoltes  sont  finement 
sculptées  et  ornées  de  cannelures,  sur  lesquelles  se  détachent 
des  fleurons  et  des  zig-zag.  J'ai  figuré  cette  jolie  porte  dans 
le  t.  X  du  Bulletin  monumental. 

En  18^2,  j'avais  déterminé  M.  Target,  préfet  du  Cal- 
vados ,  à  accorder  à  l'église  d'Ouville  500  francs  sur  les 
2,000  francs  votés  annuellement  par  le  Conseil  général , 
pour  aider  à  l'entretien  des  églises  monumentales  du  dépar- 
tement (1). 

Alors  on  voyait  des  dislocations  considérables  provenant 
de  la  poussée  des  voûtes  ou  de  la  charpente  ;  elles  s'étaient 
manifestées  il  y  avait ,  disait-on ,  plus  de  quatre-vingts  ans, 
et  on  y  avait  porté  remède  au  moyen  d'un  tirant  en  fer  qui 
s'attachait  à  une  poutre  traversière  et  reliait  l'un  à  l'autre 
les  deux  murs  latéraux.  Ce  moyen  ,  tout  en  modérant  les 
progrès  du  mal  ,  n'avait  pu  y  remédier  entièrement ,  et 
l'écartement  avait  fait  des  progrès  considérables. 

Mais  ce  n'est  pas  là  que  je  priais  M.  Target  de  faire  em- 
ployer les  500  fr.  accordés:  «  Cette  somme  ,  disais-je  dans 
«  mon  Rapport,  suffira  à  peine  au  rempiètement  des  murs 
«  et  des  contreforts.  Un  maçon  intelligent  peut  faire  con- 
«  venablement  ces  rempiètemenls;  il  suffira  de  surveiller 
«  l'emploi  de  la  somme,  de  peur  qu'elle  ne  soit  employée  à 
«  décorer  l'intérieur  de  l'église  ;  car  c'est  là  que  toutes  les 
«  ressources  de  la  paroisse  paraissent  avoir  reçu  jusqu'ici 
«  leur  application.    » 

le  ne  suis  pas  retourné  à  Ouville ,  je  sais  seulement  que 
les  500  fr.  accordés  sur  ma  demande  ont  été  employés  en 
travaux  utiles.  Le  pourtour  de  l'édifice  a  été  dégagé  des  terres 

(J)  V.  mon  Rapport  à  ce  préfet,  dans  le  I.  Vtll  du  Bulletin  mo- 
numental ,  p.  U%'\. 


5*26  STATISTIOL'I;    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

qui  s'y  étaient  amoncelées  ;  mais  il  reste  toujours  des  répa- 
rations urgentes  à  exécuter. 

Les  rempiètements  n'ont  pas  encore  été  fails,  et  les  dislo- 
cations du  chœur  sont  toujours  affligeantes.  La  restauration 
ne  devrait  être  entreprise  que  par  un  architecte  habile  ;  elle 
entraînerait  des  dépenses  assez  considérables  :  aucune  église, 
du  reste,  n'est  plus  digne  d'intérêt  et  ne  mérite  mieux  les  sa- 
crifices d'argent  qui  pourraient  être  faits  par  l'Administration. 

Une  charmante  garniture  de  feuilles  entablées  supporte 
la  corniche  et  décore  l'entablement  du  chœur  :  on  voit  sortir 
de  ces  feuillages  des  têtes  d'hommes  et  d'animaux  sculptées 
avec  beaucoup  de  délicatesse  ;  j'en  ai  fait  mouler  quelques 
parties. 

La  nef  est  moins  ornée  que  le  chœur  (Voir  la  planche). 
Pourtant  elle  montre  aussi  de  belles  fenêtres,  disposées  deux  à 
deux  dans  chaque  travée.  La  porte  occidentale  a  été  refaite. 
Trois  fenêtres  en  lancettes  :  celle  du  milieu  ,  plus  élevée  que 
les  deux  autres,  occupe  la  façade  au-dessus  de  cette  porte. 

La  disposition  binaire  des  belles  fenêtres  en  lancettes  de 
la  nef  et  du  chœur  mérite  une  mention  spéciale  :  on  ne  la 
rencontre  pas  ordinairement.  Or,  en  voyant  l'élégance  et 
l'élévation  de  celte  remarquable  église  ,  on  se  demande  quels 
motifs  ont  pu  déterminer  à  élever  une  pareille  construction 
dans  une  paroisse  qui  n'est  pas  plus  peuplée  que  bien  d'autres. 
Je  ne  connais  pas  d'église  du  XIIIe  siècle  aussi  élégante  que 
celle  d'Ouville,  dans  la  contrée  et  même  assez  loin  à  la  ronde, 

La  cloche  d'Ouville  porte  une  inscription  en  lettres  go- 
thiques qui  commence  ainsi  : 

ir'nn  mil  tJc  iDlIl  (1508)  je  fus  fatcte  pour  litostre-Bame  b'flDuuHlf. 

Le  reste  de  l'inscription  n'a  pu  être  complètement  dé- 
chiffré. 


CANTON    m    SAINT-P1ERRK-SUR-DIVK.  527 

L'église  d'Ouville  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  Le 
prieur  de  Ste-Barbe  nommait  à  la  cure. 

Fermes  de  la  Croix  et  de  Brucourt. — Sur  la  rive  opposée 
delà  Dive  (rive  gauche),  la  ferme  delà  Croix  montre  un 
bâtiment  bien  construit  avec  deux  ouvertures  en  ogive,  qui 
paraît  avoir  été  une  grange  dîmière. 

J'ai  pensé  que  cette  ferme  qui,  aujourd'hui,  appartient  à 
M.  le  marquis  d'Eyragues  ,  avait  pu  appartenir  à  l'abbaye  de 
Stc -Barbe  ,  patronne  d'Ouville ,  ou  à  une  autre  maison  reli- 
gieuse :  c'est  ce  que  je  me  propose  d'éclaircir.  La  porte  prin- 
cipale de  la  ferme  de  la  Croix  paraît  du  temps  de  Louis  X1IJ. 

M.  d'Eyragues  possède  aussi ,  sur  la  rive  droite  de  la  Dive , 
la  ferme  de  Brucourt  qui  doit  être  un  ancien  fief. 

THIÉVILLE. 


Thiéville,  Teuvilta. 

J'ai  cité  plusieurs  fois  l'église  de  Thiéville  pour  l'ordon- 
nance simple  et  gracieuse  de  sa  faç;ide  occidentale,  qui  offre 
une  porte  ogivale  surmontée  de  deux  fenêtres-lancettes  sé- 
parées par  une    rose. 

Cette  église  doit  avoir  été  construite  vers  le  milieu  du 
Xlir  siècle ,  au  moins  sa  jolie  porte  occidentale  et  sa  rosace 
entre  deux  lancettes  sembleraient  l'annoncer;  mais  ce  sont 
les  seuls  caractères  qui  nous  permettent  de  fixer  une  date  ; 
les  murs  latéraux,  repris  en  sous-œuvre  ou  recimentés  à  di- 
verses reprises,  ne  peuvent  apporter  de  lumière  sur  les  dates; 
toutefois,  ils  sont  encore  garnis  de  contreforts  et  doivent  être 
en  partie  de  l'époque  que  j'indique.  Le  mur  septentrional  et 
le  mur  méridional  de  la  nef  ont  conservé  chacun  une  des 
fenêtres  primitives  en  forme  d'étroites  lancettes.  Toutes  les 


528  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

autres  fenêtres  sont  modernes,  de  forme  carrée.   Le  chœur  a 
été  allongé  du  côté  du  chevet. 


VIE    DE    L  EGLISE    DF    THIEVILLE. 


La  porte  dont  je  parlais  est  garnie  de  tores  et  d'une  guir- 
lande de  feuilles  de  chêne  réunies  par  leurs  extrémités  et 
formant  un  ornement  du  meilleur  goût.  La  rosace  est  en- 
tourée d'un  chapelet  de  fleurons  crucifères  hombés  et  d'un 
assez  beau   relief. 

Le  dessin  ci-dessus  montre  l'élévation  et  l'ordonnance  de 
la  tour  latérale  au  nord.  Une  tradition  rapporte  qu'elle  a 


CANTON    DE   SAINT-P1ERRE-SU11-DJVE.  529 

été  restaurée  par  des  membres  de  la  famille  de  Rouvres  qui 
auraient  possédé  la  seigneurie  de  Thiéville. 

Je  pense,  en  tous  cas ,  que  la  balustrade  a  été  refaite.  Il 
est  d'ailleurs  douteux  pour  moi  que  la  pyramide  soit  du  même 
temps  que  la  tour  qui  la  supporte. 

On  remarque  dans  l'église  un  tableau  en  tapisserie  repré- 
sentant sainte  Catherine. 


Manoir.  —  Près  de  l'église  est  un  manoir  appartenant  a 
M.  Aumont-Thiéville,  ancien  député  du  Calvados  :  on  y  voit 
encore  des  choses  curieuses.  En  entrant ,  à  droite ,  on  re- 
marque une  arcade  et  un 
escalier,  reste  d'une  con- 
struction   plus    considé- 
rable et  qui  annonce  le 
commencement  du  XIV6 
siècle  ou  la  fin  du  XIIIe. 

Le  manoir  du  fond  de 
la  cour  conserve  une  tou- 
relle que  j'ai  fait  des- 
siner. 

On  rapporte  dans  le 
pays  que  ce  manoir  ap- 
partenait aux  Templiers  ; 
mais  je  n'ai  pu  me  pro- 
curer les  documents  qui, 
suivant  les  habitants  de 
la  commune ,  autorisent 
cette  assertion.  M.  Au- 
mont-Thiéville m'a  dé- 
claré n'avoir  pas  conservé  les  vieux  titres  qui  pouvaient 
exister   autrefois   et    j'ai    renoncé  ,    quant    à    présent  ,     à 

'Mi 


530  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

faire  des  recherches  que  M.    Pépin  pourra  reprendre  plus 
tard. 


BRETTEVILLE-SUR-DIVE. 

BrettevilJe-sur-Dive  ,  Brùtavilla  super  Divam. 

L'église  de  Bretteville,  sur  la  rive  droite  de  la  Dive  ,  est 
réunie  à  Thiéville.  Elle  date  en  grande  partie  du  XIIIe  siècle, 
ainsi  que  l'attestent  les  deux  fenêtres  en  forme  de  lancette 
qui  éclairent  le  chœur  du  côté  du  nord,  et  celle  qu'on  voit  du 
même  côté  dans  la  nef;  la  plupart  des  autres  ouvertures  ont 
été  élargies  ou  refaites  à  diverses  époques  du  côté  du  sud  :  les 
unes  au  XIVe  ou  au  XV*  siècle  (chœur),  les  autres  à  l'époque 
moderne  (nef)  ;  une  fenêtre  bouchée  au  chevet  pouvait  re- 
monter au  XIV*  siècle. 

La  distribution  des  contreforts  montre  que,  selon  l'usage 
le  plus  ordinaire ,  la  nef  se  composait  de  trois  travées,  et  le 
chœur  de  deux  seulement. 

Le  mur  occidental  paraît  avoir  été  retouché,  car  la  porte 
en  ogive  surbaissée  est  bordée  de  moulures  en  zigzags ,  que 
je  présume  provenir  d'une  porte  antérieure,  dont  on  aura 
ainsi  utilisé  les  débris. 

Une  chapelle  moderne  est  accolée  au  chœur  du  côté  de 
l'Évangile  :  c'était  probablement  une  chapelle  seigneuriale  ; 
le  chœur  et  la  nef  sont  voûtés  en  merrain.  La  tour ,  en  bois  , 
appartient  au  type  que  nous  avons  déjà  tant  de  fois  décrit  ; 
elle  est  placée  entre  chœur  et  nef. 

L'église  de  Bretteville  est  sous  l'invocation  de  saint  Martin. 

Bretteville-sur-Dive  faisait  partie  du  diocèse  de  Séez ,  de 
l'élection  de  Falaise,  de  la  sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive  ; 
on  y  comptait  66  feux  ;  la  population  actuelle  n'est  que  de 
200  habitants. 


CANTON    DE    SA1NT-P1ERUE-SUR-D1VE.  531 


DON  VILLE. 

Donville  ,  Donvilla ,  DouviLla. 

L'église  de  Donville  est  moderne  ;  elle  a  été  reconstruite  à 
peu  près  en  entier  au  siècle  dernier.  Le  chœur ,  cependant , 
paraît  plus  ancien  :  il  a  conservé  des  contreforts  qui  le  di- 
visent en  deux  travées ,  et  quoique  les  fenêtres  arrondies  et 
le  revêlement  des  murs  Annoncent  le  XVIIP  siècle ,  il  est 
probable  que  Ton  a  conservé  dans  la  reconstruction  une 
partie  des  murs  anciens.  La  nef  n'a  pas  de  contreforts  et 
doit  être  entièrement  moderne. 

Une  jolie  tour  de  pierre  ,  en  forme  de  dôme ,  couronnée 
d'un  lanternon  à  jour,  surmonte  l'extrémité  occidentale  de 
la  nef. 

On  sait  que  ce  type  de  tours  a  été  souvent  reproduit  au 
XVIIP  siècle ,  dans  les  cantons  du  Calvados  où  la  pierre  de 
taille  existe. 

L'inscription  de  la  cloche  est  ainsi  conçue  ;  elle  provient 
de  la  sonnerie  de  l'abbaye  de  Si -Pierre  : 

L'AN    1681 — S,C-CATHERINE. 
JEAN    AUBERT    MA    FAICTE. 

Donville  faisait  partie  du  diocèse  de  Séez ,  de  l'élection  de 
Falaise ,  de  la  sergenterie  de  Jumel.  On  y  comptait  51  feux. 

Les  registres  de  Donville  remontent  à  l'année  1580. 
M.   Pépin  en  a  fait  le  dépouillement. 

Depuis  quelque  temps  ,  Donville ,  qui  était  en  quelque 
sorte  un  faubourg  de  St-Pierre  et  n'en  était  séparé  que  par 
la  Dive ,  a  été  réuni  à  cette  commune. 

La  gare  de  ta  station  de  St-Pierre  est  située  près  de  l'église 
de  Donville. 


532  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

CAR  EL. 

L'église  de  Carel  est  peu  intéressante.  Une  lourde  addi- 
tion a  été  faite  au  chœur,  du  côté  du  midi  ;  c'est  une  cha- 
pelle, mise  en  communication  avec  ce  dernier  par  une  large 
arcade  dont  l'archivolte  ,  à  angles  épannelés ,  repose  sur  des 
colonnes  cylindriques  à  chapiteaux  garnis  de  feuilles  imitées 
de  celles  que  l'on  voit  dans  la  grande  église  abbatiale  de 
St-Pierre-sur-Dive  ;  des  colonnes  pareilles,  dont  la  décoration 
est  plus  visiblement  encore  imitée  de  celle  de  St-Pierre, 
supportent  l'arc  triomphal ,  qui  se  compose  d'une  ogive  sans 
ornements  dont  les  angles  sont  épannelés.  Ce  sont ,  avec 
deux  ouvertures  bouchées ,  l'une  dans  le  chevet ,  l'autre 
dans  la  chapelle  du  sud  ,  les  caractères  qui  peuvent  faire 
attribuer  ces  parties  de  l'église  au  XIIIe  siècle  ou  au  moins 
au  commencement  du  XIVe  ;  mais  des  fenêtres  modernes  ont 
été  refaites  dans  le  chœur  ;  diverses  parties  des  murs  doivent 
avoir  été  reconstruites. 

Quant  à  la  nef,  elle  est  complètement  moderne  ;  éclairée 
par  des  fenêtres  rondes ,  on  y  voit  un  plafond  droit  composé 
de  poutres  et  de  solives  ;  le  même  système  a  été  employé 
dans  la  chapelle  ajoutée  au  midi. 

La  voûte  du  chœur  est  en  merrain ,  disposée  en  ogive. 

La  tour  de  bois ,  couverte  en  essente  ,  se  compose  d'une 
aiguille  octogone  assise  sur  un  socle  carré. 

On  remarque ,  à  l'intérieur  de  l'église ,  l'autel  du  chœur 
et  deux  petits  autels  entre  chœur  et  nef  qui  paraissent  du 
même  temps;  le  tableau  du  grand-autel  porte  le  millésime 
de  1697  (1).  Ces  trois  autels  sont  élégants,  à  frontons  coupés 

(1)  Ce  tableau,  qui  représente  Jésus-Christ  au  Jardin  des  Oliviers  , 
est  d'un  peintre  de  Caen. 


CANTON    DE   SATNT-PIERRE-SUR-DIVE.  533 

et  à  moulures  qui  se  rapportent  assez  à  l'époque  indiquée 
par  le  tableau. 

Le  curé  de  Carel  vient  de  faire  paver  le  chœur  et  l'allée 
centrale  de  la  nef  en  carreaux  historiés  en  terre  cuite  de  la 
fabrique  de  Beauvais  ;  l'effet  en  est  bon ,  et  ces  pavés  non 
émaillés  et  très-bien  cuits  doivent  être  durables. 

M.  Pépin  a  relevé  les  inscriptions  des  deux  petites  cloches 
de  Carel  ;  elles  sont  ainsi  conçues  : 

L'AN  1736  IAI  ÉTÉ  NOMMÉE  MAGDELEINE  PAR  FRANÇOIS   LAILLIER   AVOCAT    AV 

PARLEMENT  DE  PARIS,  SEIGNEVR  ET  PATRON  HONORAIRE  DE  CAREL  ET  PAR  DAME 

MAGDELEINE  JACOB  VEVVE  DV  FEV   NOËL  LAILLIBR. 

JEAN    SIMON    M'A    FAITE. 

L'AN  1783  IAY  ÉTÉ"  BENITE  PAR  M.  FRANÇOIS  CVRÉ  DE  CAREL  ET 
NOMMÉE  CAMILLE  HENRY  PAR  Mte  ALEXANDRE  LEFORESTIER  ÂGÉ  DE  10  ANS 
D,le  LOVISE  CAMILLE  LEFORESTIER  ÂGÉE  DE  8  ANS  FILS  ET  FILLE  DE  HAVT 
ET  PVISSANT  SEIGNEVR  MESSIRE  IACQUES  ALEXANDRE  LEFORESTIER  Cte  DE 
VENDEVVRE  ,  CHEVALIER  SEIGNEVR  ET  PATRON  DE  CAREL  ET  AVTRES  LIEVX 
ET  DE  NOBLE  MARGVERITE  FRANÇOISE  CAMILLE  DKLAVNAY  DETERVILLE  EPOVZB 
DV   DIT     SEIGNEVR. 

LAVILLETTE    DE  LISIEVX    m'a  FAITE.  ROVSSEL    TRÉSORIER. 

L'église  de  Carel  est  sous  l'invocation  de  saint  Sulpice. 

Carel  faisait  partie  du  diocèse  de  Séez ,  de  l'élection  de 
Falaise ,  de  la  généralité  d'Alençon  et  de  la  sergenterie  de 
St-Pierre-sur-Dive  ;  on  y  comptait  22  feux.  La  population 
actuelle  est  d'environ  130  habitants. 

Château.  —  Le  château  de  Carel ,  dont  nous  donnons  un 
dessin  ,  est  entouré  de  belles  douves  murées  remplies  d'eau  ; 
il  doit  avoir  été  bâti  du  temps  de  Louis  XIV,  et  je  ne 
doute  pas  que  notre  savant  confrère  ,  M.  de  Brébisson , 
qui  en  est  propriétaire,  ne  trouve  dans  ses  titres  la  date 
précise  de  cette  construction. 


53A  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


Pépin   del. 


VUE    DU    CHATEAU    DE    CAREL. 


Médailles  celtiques.  — Vers  l'année  1820 ,  en  travaillant  à 
la  route  départementale  de  Falaise  à  Lisieux,  on  trouva  à 
Carel  une  trentaine  de  médailles  celtiques;  elles  ont  été 
examinées  par  M.  Lambert  et  décrites  par  lui  dans  son  grand 
ouvrage  sur  la  numismatique  gauloise.  On  recueillit  en  même 
temps  le  haut  d'un  vase  en  bronze,  de  U  pouces  de  diamètre, 
qui  paraissait  être  un  débris  de  celui  qui  avait  renfermé  les 
médailles  ;  une  de  ces  médailles  était  en  electrum  ,  les  autres 
en  argent  et  en  bronze. 

SAINT-PIERRE-SUR-DIVE  { CHEF-LIEU  ). 


St-Pierre-sur-Dive ,  Espinetum ,  Sanctus  Petrus  super 
Divam  ,  Sanctus  Petrus  Divensis. 

St-Pierre-sur-Dive  est  une  localité  d'une  certaine  impor- 
tance ,  une  petite  ville  bien  bâtie  et  dont  les  marchés  sont 
très-considérables.  Comme  je  l'ai  fait  pour  d'autres  villes , 
je  déclare  que  je  ne  veux  que  jeter  un  coup-d'œil  sur  ses 
principaux  édifices  :  donner  l'histoire  de  la  localité ,  nous 
conduirait  beaucoup  trop  loin.  Déjà  M.  Hurel  a  publié ,  il  y 
a  quelques  années,  un  volume  sur  St-Pierre.  C'est  à  M.  Pépin, 


CANTON   DE   SAÏNT-PIERRE-SUR-D1VE.  535 

aujourd'hui  habitant  de  St-Pierre-sur-Divo  ,  que  revient  tout 
naturellement  le  soin  d'écrire  une  histoire  complète  de 
St-Pierre  et  de  ses  monuments  ,  et  nous  pouvons  compter 
sur  son  zèle  pour  accomplir  cette  œuvre. 

St-Pierre  doit,  sinon  son  origine,  au  moins  toute  son  im- 
portance, à  l'abbaye  de  Bénédictins  qui  y  a  existé  depuis 
le  XIe  siècle  jusqu'à  la  Révolution. 

Si  l'on  en  croit  la  légende,  il  y  aurait  eu,  dès  le  IXe  siècle, 
une  paroisse  à  St-Pierre-sur-Dive  :  elle  s'appelait  alors 
Lépinay  ;  le  prêtre  Vambert ,  qui  desservait  l'église ,  aurait 
été  massacré  par  les  Normands  ,  qui  remontaient  les  rivières 
et  pillaient  les  villages  riverains. 

Pour  trouver  des  documents  certains  sur  l'histoire  de 
St  Pierre,  il  faut  se  reporter  à  la  fin  du  Xe  siècle. 

Le  frère  de  Richard  If ,  Guillaume,  fils  de  Richard-sans- 
Peur  ,  était  alors  seigneur  de  St-Pierre  ;  il  épousa  Lesceline , 
fille  de  Turketil }  gouverneur  du  château  de  Rouen  ,  et  reçut 
du  duc  Richard,  son  frère,  le  comté  d'Eu  et  le  gouvernement 
du  Pays-d'Auge  et  du  comté  d'Ex  mes. 

Il  faisait  bâtir  un  château  sur  les  bords  de  la  Dive  ,  dit  la 
chronique  ,  quand  une  femme  de  Vaux  ,  qui  allait  en  pè- 
lerinage à  Courcy  pour  y  prier  saint  Ferréol  ?  s'arrêta  à 
St-Pierre  et  déclara  que  le  château  qu'on  construisait  de- 
viendrait bientôt  une  église  consacrée  à  la  Sainte-Vierge. 
Celte  prédiction  fit  une  certaine  sensation.  Le  comte  d'Eu 
mourut  en  1011  ,  laissant  sa  femme  et  trois  fils,  dont  un  , 
Hugues,  devait  devenir  évèque  et  gouverneur  de  Lisieux. 

La  comtesse  Lesceline,  peut-être  influencée  par  le  sou- 
wnir  de  la  prédiction  que  nous  venons  de  rapporter,  fonda 
sur  les  bords  de  la  Dive  une  communauté  de  religieuses  bé- 
nédictines ,  et  leur  abandonna  le  château  que  son  mari  avait 
fait  construire.  Mais  elles  eurent  peu  à  se  louer  de  leurs 
rapports  avec  les  habitants  du  ,pays  ;  elles  demandèrent ,  au 
bout  de  quelques  années,  à  être  transférées  à  St-Désir  de 


536  STATISTIQUE   MOiNU MENTALE    DU   CALVADOS. 

Lisieux  ,  où  la  comtesse  Lesceline  possédait  des  terrains. 
Leur  demande  fut  agréée  et  la  translation  se  fit  vers  10^6. 
La  comtesse  songea  ensuite  à  remplacer  les  religieuses ,  par 
des  moines.  Isembard  ,  abbé  du  Mont-Ste-Catherine  de 
Rouen  ,  lui  envoya  quelques  bénédictins  qui ,  sous  la  di- 
rection d'Ainard  ,  s'établirent  à  Nolre-Dame-de-Lépinay  de 
St-Pierre-sur-Dive;  la  cérémonie  de  l'installation  eut  lieu 
avec  pompe  en  présence  de  Guillaume-le-Conquérant  et  de 
Henri  Ier,  roi  de  France  ;  après  quelques  difficultés  élevées 
par  les  évêques  de  Séez  et  de  Lisieux ,  l'établissement  des 
bénédictins  à  St-Pierre  et  la  translation  des  bénédictines 
à  St-Désir  furent  définitivement  approuvés  par  ces  prélats. 
La  comtesse  Lesceline ,  à  la  fin  de  sa  vie  ,  prit  le  voile  à  St- 
Désir  ;  elle  le  reçut  des  mains  de  son  fils  Hugues ,  alors 
évoque  de  Lisieux,  et  mourut  dans  ce  monastère  en  1058. 
Elle  fut  enterrée  dans  l'église  de  l'abbaye  ,  à  St-Pierre  ; 
Hugues  accompagna  le  corps  de  sa  mère  et  l'abbé  Ainard 
célébra  les  funérailles. 

En  1067,  l'abbaye  de  St-Pierre,  enrichie  de  nouveaux 
terrains,  fut  établie  dans  des  constructions  plus  vastes  ;  la 
consécration  de  la  nouvelle  église  eut  lieu  en  présence  de 
Maurille,  archevêque  de  Rouen,  des  évêques  de  la  pro- 
vince et  de  Guillaume-le-Conquérant. 

Le  mérite  de  l'abbé  Ainard  avait  beaucoup  contribué  à 
la  prospérité  et  à  l'accroissement  rapide  de  l'abbaye  ;  il  la 
gouverna  jusqu'en  1078 ,  époque  de  sa  mort.  Je  n'ai  pas 
plus  l'intention  d'écrire  l'histoire  de  l'abbaye  de  St-Pierre 
que  celle  des  autres  abbayes  du  département.  Le  Gallia 
christiana ,  les  Cartulaires  fournissent,  à  ceux  qui  voudront 
s'en  occuper,  de  nombreux  documents  ;  et,  pour  l'histoire  de 
celte  abbaye  comme  pour  celle  de  Ste-Barbe  (1),  il  existe  une 

(1)  M.  Guilnieth  a  publié,  sur  St-Pierre,  un  Précis  qui  n'a  pas  élé 
achevé  ;  ce  Précis  se  compose  de  48  pages  in-8°. 


CANTON   DE   SAINT-PIERRE-SUR-D1VE.  53*) 

histoire   manuscrite  de  l'abbaye,  divisée  eu  plusieurs  livres. 

L'église,  consacrée  en  1067 ,  fut  incendiée,  en  1105,  par 
Henri  Ier  qui,  trompé  par  l'abbé  de  St-Pierre  et  invité  par 
lui  à  souper  à  l'abbaye ,  la  trouva  garnie  par  les  troupes  de 
Robert-Courte-Heuse ,  son  frère ,  avec  lequel  il  était  en 
guerre.  On  commença  à  reconstruire  l'église  trois  ans  après. 
M.  de  Glanville  a  publié  ,  avec  un  commentaire  très-intéres- 
sant ,  la  lettre  souvent  citée  de  Haimon  ,  abbé  de  St-Pierre- 
sur-Dive  ,  aux  religieuses  de  Tenkesbury  ,  pour  leur  an- 
noncer avec  quel  zèle  la  foule  ,  composée  du  peuple  et  des 
personnes  les  plus  notables ,  s'attelait  sur  les  chariots  pour 
transporter  les  matériaux  nécessaires  à  la  construction  de 
l'église  (1).  Ces  faits  se  passaient  dans  la  première  moitié 
du  XIIe  siècle,  avant  1U0. 

Il  est  difficile  d'indiquer  ce  qui  reste  aujourd'hui  des 
constructions  d'Haimon  ;  au  XIIIe  siècle,  l'abbaye  fut  presque 
entièrement  reconstruite  ;  les  travaux  étaient  en  grande 
activité  dans  la  seconde  moitié  de  ce  siècle  ,  puisque  l'arche- 
vêque Odon  Rigaud  ,  faisant  sa  visite  de  l'abbaye  (1255) , 
visite  dans  laquelle  il  trouva  38  moines,  dit  que  la  clôture 
ne  pouvait  être  observée  à  cause  des  ouvriers  qui  travaillaient 
aux  constructions  :  Claustrum  non  bene  servatur  propter 
operarios.  De  grands  travaux  furent  faits  plus  tard,  au 
XIVe  siècle  et  au  commencement  du  XVIe. 

L'église  abbatiale  de  St-Pierre-sur-Dive  est  aujourd'hui 
celle  de  la  commune.  L'élévation  ci-jointe  (  page  538  ) 
montre  que  cette  église  a  trois  tours,  deux  à  l'ouest  et  une 
sur  le  (ransept  ;  que  la  grande  nef  est  garnie  de  bas-côtés; 
que  les  bas-côtés  font  le  tour  du  chœur  et  donnent,  à  partir 
des  transepts ,  accès  à  plusieurs  chapelles  qui  rayonnent 
autour  de  l'abside.   Mais  le  plan  par  terre  montrera  mieux 

(i)  V.  Dom  Bouquet,  Uistoirc  des  Gaules,  t.  XIV. 


538  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  539 

encore  toutes  ces  dispositions:  en  l'examinant,  on  reniai - 


V.  Petit  del. 


plan  de  l'église  abbatiale  de  saint-pierre-sur-dive. 
quera  d'abord  le  peu  de  saillie  des  transepts; à  l'est  de  chacun 


5£l0  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

d'eux  existe  une  chapelle  carrée  qui  s'ouvrait  sur  le  transept  ; 
dans  cette  partie,  les  arcades  des  bas-côtés  ont  été  fortifiées 
au  XIVe  siècle  par  des  remplissages  ou  arcs  destinés  vrai- 
semblablement à  alléger  le  poids  de  la  tour  centrale. 

Les  chapelles  placées  autour  du  chœur  ont  une  sailie 
considérable,  se  détachent  complètement  les  unes  des  autres 
et  se  terminent  par    des  absides  garnies  de  contreforts. 

On  peut  analyser  ainsi  l'édifice  d'après  ses  caractères  ar- 
chitectoniques  :  la  façade  occidentale,  en  y  comprenant  les 
tours,  doit  être  de  trois  époques,  en  faisant  abstraction  de 
quelques  parties  refaites  :  ainsi ,  la  tour  du  sud  ou  de  St- 
Michel  est  du  XIIe  siècle  probablement.  Le  sommet  seulement 
a  été  réparé  ;  la  tour  du  nord  est  du  XIVe  siècle. 

L'enlre-deux  des  tours,  qui  est  du  XIVe  siècle,  a  reçu  au 
XVIe  une  niche  élégante  qui  renfermait  une  statue  de  la 
Sainte-Vierge. 

Si  l'on  examine  le  même  entre-deux,  à  l'intérieur  de  la  nef, 
on  verra  desarcatures  élégantes  dont  les  colonnettes  à  doubles 
bouquets  de  feuillage  sont  tout-à-fait  caractéristiques  du 
XIVe  siècle  (  V.  la  page  suivante  ).  L'orgue  nouvellement 
placé  masque  aujourd'hui  cette  partie,  qui  était  une  des 
plus  intéressantes  de  l'édifice  au  point  de  vue  de  la  sculpture. 
On  doit  regretter  que  la  grande  et  belle  fenêtre  occiden- 
tale qui  surmonte  cette  arcature  soit  également  dissimulée 
par  la  tribune  et  la  boiserie  de  l'orgue  :  cet  instrument  eût 
été  mieux  placé  dans  une  arcade  près  du  transept. 

Si  nous  avançons  dans  la  nef,  nous  verrons  qu'elle  ap- 
partient au  XIIIe  siècle  pour  les  parties  basses  (  1er  étage  et 
triforium),  à  la  fin  du  XVe  ou  au  XVIe  siècle  pour  les  parties 
supérieures  (clérestory  et  voûtes).  L'élévation  d'une  des 
travées  de  la  nef  montrera  ces  deux  époques  (V.  la  page  5&2  ). 
Les  fenêtres  flamboyantes  du  clérestory  sont  toutes  assez 
élégantes ,  divisées  en  quatre  baies  ;  elles   présentent  quelque 


CANTON    DE    SAINT-PIERRE-SUR-DH  E. 


541 


SréCTMP.N    DES    ARCATCRF.S  Qli    GARNISSANT    LE    MUR    OCCIDENTAL    DE    LA    NP.F 

A    I.'iN'mill.l  II. 

A,   B  ,  C.  Coupes  des  saillies  des  rolonues  et  des  moulures  de  la  frise 


5^2  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

variété  dans  leur  tracerie. 

ItV' 
Peut-être  sont-elles  dues  mvm 

à  Jacques  de  Silly.  JmS 

Jacques   de    Silly    fut  jgj|,| 
nommé  abbé  de  St-Pierre  j 
en  1 5  0 1  ;  il  occu  pa  ce  siège 
jusqu'en  1538. 

Il  fit  faire  des  travaux 
d'une  grande  importance, 
tant  pour  la  consolidation 
de  l'édifice  que  pour  son 
embellissement.  Aussi  ses 
armes  se  voient-elles  de 
tous  côtés  ;  elles  sont  cinq 
fois  reproduites  sur  les  i 
deux  premières  croisées  du  j 
clérestory  de  la  nef;  et 
elles  s'y  trouvaient  primi- 
tivement huit  fois;  il  y 
avait  un  écusson  dans  cha- 
que baie.  On  remarque 
encore  le  même  écusson 
sur  la  clef  de  voûte  de  la 
deuxième  travée  de  la  nef, 
parce  que  ce  fut  lui  qui  fit 
édifier  ces  voûtes.  A  la 
troisième ,  quatrième  et 
cinquième  clef  de  voûte  , 
ce  sont  les  armes  de  per- 
sonnes mariées  apparte- 
nant à  la  famille  de  Silly , 
qui  ont  été  bienfaitrices  de 
l'abbaye. 

CNE  TRAVEE  DE  LA  TSEF  DK  SAINT-PIERRE. 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  5/*3 

Àfrivés  à  l'entrée  du  chœur ,  nous  verrons  dans  le 
passage  qui  communique  au  transept  du  nord  quelques  co- 
lonnes romanes ,  et  des  appareils  à  larges  joints  qui  pour- 
raient bien  être  un  reste  des  constructions  du  XIe  siècle.  On 
voit  aussi ,  du  côté  opposé  ,  des  traces  d'une  maçonnerie  à 
larges  joints  dans  les  reconstructions  postérieures. 

Le  chœur  comme  la  nef  (sauf  les  voûtes  et  le  clérestory) 
et  les  chapelles  qui  l'entourent ,  annoncent  le  XIIIe  siècle. 
Mais  les  voûtes  du  chœur ,  les  voûtes  et  les  fenêtres  des 
deux  chapelles  qui  avoisinent  la  chapelle  absidale ,  sont  du 
XVIe  ou  de  la  fin  du  XVe,  et  appartiennent  à  la  grande 
restauration  que  je  signalais  dans  la  nef. 

Ce  coup-d'œil  général  donné,  nous  ferons  remarquer  que 
la  tour  établie  sur  le  transept ,  ouverte  à  l'intérieur  et 
terminée  par  un  toit  couvert  d'ardoises,  appartient  également 
au  XIIIe  siècle. 

On  ne  voit  d'architecture  romane  que  dans  les  piliers 
qui  portent  la  tour  centrale,  du  côté  du  nord,  et  dans  une 
des  tours  du  portail  (  côté  du  sud). 

Les  colonnes  qui  ornent  les  piliers  de  la  nef  ont  des 
chapiteaux  couverts  d'une  seule  feuille  de  vigne,  épanouie 
sur  la  corbeille  ,  système  très-simple  que  je  n'ai  pas 
souvent  vu  employé  ;  les  chapiteaux  des  colonnettes  sont 
garnis  de  trois  feuilles.  Les  sculptures  ont  été  très-sobrement 
distribuées  et  n'ont  rien  de  très-remarquable  à  St-Pierre- 
sur-Dive. 

Pavé  émailté. —  Le  magnifique  pavé  en  briques  émaillées, 
qui  occupe  le  sanctuaire  (  Voir  la  page  suivante),  est  peut- 
être  ce  que  l'église  de  St-Pierre  offre  à  présent  de  plus  inté- 
ressant ,  quoique  depuis  trente  ans  il  ait  perdu  beaucoup  de 
son  éclat  par  le  peu  de  soin  qu'on  a  pris  de  le-  couvrir. 

Signalé  d'abord  par  moi  il  y  a  bien   longtemps  ,   puis  des- 


544 


PARQUET    DU    SANCTUAIRE    M 
Abstraction  faite  des  larges    bandes  en  pierre  calcaire   blanche,  qi 


&5 


R-DII  !       '  U.VAPOS  ), 
quatre  parties  et  qui  tont  indique»  s  ici  par  de  simples  lignes.  55 


546  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

sine  par  M.  Victor  Petit,  il  a  depuis  été  étudié  par  plusieurs 
archéologues  très-instruits,  notamment  par  M.  Ramé,  de 
Rennes,  qui  lui  a  consacré  un  article  dans  les  Annales  ar- 
chéologiques de  M.  Didron. 

Des  cerfs  passants,  des  fleurs  de  lis,  des  aigles  à  deux  têtes, 
des  lions,  des  chimères  forment  l'ornementation  principale  des 
carreaux,  avec  des  feuillages,  des  fleurons  et  d'autres  figures 
d'un  très-beau  style. 

Deux  couleurs  existaient  dans  celte  rosace  :  le  jaune  et  le 
noir;  les  figures  sont  jaunes  sur  fond  noir,  noires  sur  fond 
jaune,  et  l'on  a  disposé  avec  intention  ces  oppositions  de 
teintes  pour  varier  l'effet  des  mêmes  formes  dans  les  rangs 
circulaires  concentriques.  Ainsi,  les  carreaux  dont  les  fonds 
sont  de  diverses  nuances  alternaient  entre  eux ,  ce  que 
M.  Victor  Petit  a  essayé  d'indiquer  dans  le  dessin  précédent 
en  ombrant  les  fonds  de  couleur  brune  et  détachant  en  clair 
les  fonds  jaunes  ;  seulement  cette  alternance  n'est  pas  régu- 
lière partout  à  présent ,  et  cela  tient  sans  doute  aux  déran- 
gements qui  ont  eu  lieu  lors  du  remaniement  des  pièces 
quand  le  pavé  a  été  réparé. 

Pour  le  jaune,  on  a  étendu  sous  la  couverte  de  plomb  une 
couche  mince  de  terre  blanche  formant  transparent  qui,  après 
l'usure  de  rémail ,  a  persisté  sur  beaucoup  de  pavés;  pour 
le  noir,  le  transparent  est  une  terre  qui  se  détache  de  la  pâte 
de  la  brique,  quand  on  la  regarde  à  l'aide  d'une  cassure,  et 
qui  très-certainement  a  été  appliquée  après  coup. 

La  rosace  est  coupée  en  quatre  parties  égales  par  deux 
bandes  en  pierre  calcaire  :  l'une  dans  l'axe  du  chœur,  l'autre 
perpendiculaire  à  cet  axe  et  dont  l'intersection  occupe  le 
centre  du  cercle. 

La  rosace  était  au  milieu  d'un  carré  de  pavés  émaillés.  On 
retrouve,  dans  les  pavés  qui  composent  cet  encadrement ,  à 
peu  près  les  mêmes  sujets  que  ceux  de  la  rosace  :  ainsi ,  des 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUK-EMYE.  5/l7 

lions,  des  fleurs  de  lis,  des  cercles  entrelacés,  ornés  de  diverses 


SPÉCIMEN     DES    CARREAUX    D'UN  DES    COMPARTIMENTS    DU    PAVÉ    ENCADRANT 
LA   ROSACE    DE    SAINT-PIERRE-SU R-DIVE. 


figures  dans  leurs  intersections;  des  chimères,  des  aigles  à 
deux  têtes  s'y  retrouvent  avec  quelques  autres  ornements. 

Stalles.  —  Les  stalles  sont  remarquables  par  leur  bel  état 
de  conservation  ;  elles  sont  couronnées  de  leurs  dais ,  et  si 
l'on  a  cru  devoir  les  couvrir  d'une  couche  de  peinture 
jaune  pour  masquer  la  couleur  noire  du  chêne ,  il  serait 
possible  de  leur  restituer  leur  couleur  naturelle. 

Ces  stalles,  qui  garnissent  les  deux  côtés  du  chœur  jusqu'à 
la  belle  rosace  du  sanctuaire  dont  je  viens  de  parler,  ont  8m 
de  longueur,  lm,68  de  profondeur  et  2"\70  de  hauteur. 

Elles  offrent  deux  rangs  de  sièges  de  chaque  côté  ;  on 
accède  au  rang  supérieur  par  trois  portes ,  une  médiane  et 
deux  latérales.  Il  y  avait  primitivement  douze  sièges  et  onze 
seulement  au  rang  inférieur.  Mais,  au  siècle  dernier,  les  re- 
ligieux eurent  la  fâcheuse  idée  de  supprimer  quatre  sièges 


548  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALYADOS. 


STALLES    DE    SAINT-PIERRE-SDR-MVE. 


CANTON   DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  549 

pour  faire  élever  deux  pyramides  tronquées ,  surmontées  de 
boules ,  à  la  mémoire  de  leur  premier  abbé. 

Ces  applications  sur  les  piliers  qui  supportent  la  tour,  à 
l'entrée  du  chœur ,  sont  du  plus  mauvais  goût  et  de  l'effet  le 
plus  déplorable. 

On  se  demande  ce  que  signifient  les  attributs  de  la  mu- 
sique sur  ces  espèces  d'obélisques  :  il  paraît  que  l'on  a 
voulu  rappeler  par  là  que  l'abbé  Ainard  était  musicien. 

Les  stalles  sont  séparées  les  unes  des  autres  par  des  acco- 
toirs. Le  dossier  des  sièges  supérieurs  est  orné  d'une  arcade 
trilobée,  reposant  sur  une  colonnette  carrée,  qui  indique  la 
séparation  de  chaque  place.  Les  sièges  des  quatre  extrémités 
étaient  autrefois  plus  larges  que  les  autres,  et  deux  arcades 
trilobées  étaient  figurées  sur  un  seul  panneau. 

Le  couronnement,  en  forme  de  dais,  est  surmonté  d'une 
galerie  à  jour  dans  le  style  gothique  flamboyant. 

Les  sièges  inférieurs  sont  moins  larges  que  les  précédents  : 
leur  séparation  est  la  même;  un  animal  fantastique  ailé  se  voit 
sur  le  premier  accotoir  à  droite  et  à  gauche. 

Dix  panneaux  différents  ornent  les  côtés  des  entrées.  Sur 
deux  panneaux  qui  se  trouvent  à  rentrée  du  chœur ,  on  voit 
les  armes  de  l'abbé  qui  les  fit  construire  (  Jacques  de  Silly  ) 
surmontées  d'une  crosse  tournée  en  dedans  ,  qui  sont  : 
d'hermine  à  la  fasce  vivrèe  de  gueules ,  surmontée  en  chef 
de  3  tourteaux  de  même. 

Quatre  statuettes  se  voient  aux  extrémités  des  stalles ,  dans 
une  arcade  à  plein-cintre  : 

A  droite  en  entrant  /saint  Benoît  est  représenté  debout, 
la  figure  austère ,  tenant  de  la  main  droite  un  livre  qu'il 
appuie  contre  sa  poitrine  ;  de  la  main  gauche ,  il  lient  une 
crosse  qui  a  été  brisée.  Il  est  vêtu  d'une  tunique  recouverte 
d'un  manteau  à  larges  plis. 

A  gauche,  la  Sainte-Vierge    (décapitée)   tenant  de   son 


550  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

bras  gauche  l'Enfant-Jésus  endormi  sur  son  sein;  de  la 
droite,  elle  soutient  une  draperie  qui  lui  recouvre  les  épaules. 

Dans  le  fond  et  à  droite,  sainte  Marguerite  ,  la  tête  voilée, 
terrasse  un  dragon  ailé ,  en  appuyant  son  genou  gauche  et 
le  pied  droit  sur  le  dos  du  monstre  ,  qui  se  retourne  pour  la 
mordre  (  le  bras  qui  tenait  une  lance  a  été  brisé). 

La  statue  de  saint  Paul  lui  fait  pendant ,  elle  est  de  plus 
grande  dimension  que  les  trois  précédentes.  La  tête  chauve 
est  ornée  d'une  longue  barbe,  divisée  symétriquement  en  deux 
parties  égales  ;  il  appuie  ses  deux  mains  sur  une  longue  épée. 

Les  miséricordes  offrent  de  l'intérêt  par  la  variété  de 
leurs  sujets  ;  elles  ont  été  dessinées  par  M.  Pépin. 

Vitraux.  —  Il  reste  de  curieux  débris  des  vitraux  qui 
garnissaient  autrefois  toutes  les  fenêtres;  ils  sont  de  deux 
époques.  M.  Pépin  les  a  étudiés  avec  attention. 

Les  débris  qu'on  voit  encore  dans  quatre  des  fenêtres  du 
bas-côté  nord,  et  dans  les  fenêtres  du  transept  sud,  remontent 
au  XIIIe  siècle.  Ce  sont  des  grisailles.  Au  bas  des  baies  de 
chaque  panneau  on  voyait  la  représentation  du  donateur ,  qui 
est  toujours  à  genoux,  dirigé  vers  le  chœur,  offrant  pieusement 
à  Dieu  son  vitrail  qu'il  élève  entre  ses  mains;  une  inscription 
accompagnait  chacun  de  ces  donateurs.  Tout  ceci  est  bien 
mutilé. 

La  bordure  était  formée  de  crochets  jaunes,  bleus  ou  verts 
sur  fond  rouge ,  ou  de  fleurs  de  lis  d'or  sur  fond  d'azur,  qui 
est  de  France  ,  ou  de  châteaux  à  trois  tours  d'or  sur  fond  de 
gueules  ,  qui  est  de  Castille.  Une  série  de  cercles  blancs  con- 
tigus  formait,  dans  la  plupart  des  panneaux,  une  seconde  bor- 
dure concentrique  à  la  première. 

Le  fond  présente  ordinairement ,  dans  chaque  carreau  en 
forme  de  losange,  un  simple  trait  noir  reproduisant  une  fleur 
de  lis  ornée ,  ou  une  branche  trifurquée  terminée  par  des 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  551 

feuilles  enroulées  autour  de  fruits,  dont  la  base  repose  sur 
un  espace  triangulaire  de  couleur  bleue  ou  jaune.  Quelquefois 
il  existe  au  bas  un  dessin  qui  se  correspond  d'un  losange  à 
l'autre,  et  au  milieu  une  rangée  verticale  de  roses  de  couleurs 
variées  encadrée  dans  un  espace  alternativement  circulaire 
et  losangique. 

A  la  première  baie  de  la  quatrième  croisée  du  bas-côté 
gauche,  en  commençant  par  l'extrémité  orientale  ,  on  voit  le 
donateur  ou  la  donatrice  le  front  ceint  d'un  chaperon  ,  avec 
jugulaire  ;  le  justaucorps  est  recouvert  d'un  manteau  cou- 
leur marron.  Ce  personnage  est  placé  sous  une  arcade  à 
plein-cintre,  soutenue  par  deux  colonnes  ornées  de  cha- 
piteaux feuilles ,  entourée  d'une  muraille  surmontée  d'une 
inscription  à  peu  près  illisible ,  en  lettres  capitales  du 
XIIIe  siècle. 

Dans  des  réparations  maladroites ,  on  a  placé  ,  au-dessous 
de  ce  personnage  ,  un  autre  donateur  la  tête  en  bas ,  sur- 
monté d'une  inscription  sur  laquelle  on  ne  lit  que  : 


.    ERTV 
.    EVILA 


Peut-être  Robertus  de  Tievitla. 

A  la  deuxième  baie  de  la  même  croisée,  M.  Pépin,  à  l'aide 
d'une  lunette,  a  lu,  au-dessus  du  donateur  : 

GERVASIV 
EDUNVILA 

Ce  qui  pourrait  désigner  un  Gervais  de  Donville. 

A  la  troisième  travée ,  on  reconnaît  facilement  un  moine  à 
sa  tête  tonsurée  et  son  froc  gris. 

Les  lettres  suivantes 

DOM    MCAII...    o 

désignent  ,  sans  doute,  un  Richard. 


552  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

A  la  cinquième  travée ,  le  donateur  est  probablement  un 
moine  :  il  a  la  tête  et  le  corps  recouverts  d'une  draperie 
jaune  ;  une  inscription  mutilée  indique  son  nom  : 


ROBERT    PATK. 


Un  fragment  de  grisailles  de  la  môme  époque  se  voit  en- 
core dans  la  grande  fenêtre  arrondie  et  à  trois  baies  qui 
éclaire  le  bas-côté  du  chœur ,  entre  le  transept  et  les  chapelles 
rayonnantes  de  l'abside. 

Dans  les  cinq  chapelles  qui  rayonnent  autour  du  chœur, 
en  formant  autant  d'absides ,  on  ne  remarque  à  la  pre- 
mière chapelle  à  droite  ,  dédiée  à  saint  Roch,  qu'un  fragment 
de  bordure  formée  d'une  tige  enroulée  et  feuillée. 

Dans  la  deuxième  chapelle ,  consacrée  à  saint  Sébastien  , 
dont  les  vitraux  sont  du  XVIe  siècle  ,  on  remarque  dans  les 
trois  compartiments  flamboyants  de  la  croisée  du  milieu  ,  le 
supplice  de  saint  Sébastien.  De  chaque  côté ,  un  homme , 
le  corps  incliné  ,  bande  un  arc  pour  diriger  une  flèche  sur 
le  corps  du  Saint ,  qui  est  représenté  nu ,  attaché  à  un  po- 
teau ,  les  mains  derrière  le  dos  ,  le  corps  percé  de  flèches, 
dont  la  plupart  y  sont  restées  fixées.  Des  dais  gothiques  sont 
peints  dans  le  haut  de  chaque  baie. 

A  la  troisième  chapelle,  celle  de  la  Vierge,  dit  M.  Pépin,  on 
voit,  dans  une  croisée  adroite,  un  écusson,  qui  est  celui 
du  cardinal  de  Bourbon  : 

D'azur  à  trois  fleurs  de  lis  d'or  brisé  d'un  lambel  de 
gueules. 

Charles  de  Bourbon,  cardinal  de  Chrisogone  ,  fut  abbé  de 
St-Pierre  de  1558  jusqu'à  1573. 

Les  armes  de  l'abbé  de  Rupierre  se  voient  dans  la  croisée 
du  fond  ;  il  portait  :  paie  d'or  et  d'azur ,  surmonté  d'une 
crosse  tournée  à  droite. 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  553 

Robert  de  Rupierre  fut  élu  abbé  au  XVtt  siècle,  il  mourut 
en  1447. 

La  quatrième  chapelle,  dédiée  à  sainte  Barbe,  est  ornée 
de  vitraux  du  XVI*  siècle. 

Le  blason  de  Rupierre  se  voit  reproduit  une  deuxième 
fois  dans  la  croisée  du  fond. 

A  gauche,  on  remarque  l'écusson  suivant,  surmonté  d'une 
crosse  :  d'argent  à  la  bande  d'azur ,  chargé  de  trois  che- 
vrons renversés,  à  pointe  mousse  du  même  métal ,  accom- 
pagnés de  deux  oiseaux  de  sable. 

La  bordure  des  vitraux  est  formée  de^ bandelettes  entremêlées 
avec  des  feuilles  découpées. 

La  sacristie ,  située  à  gauche,  et  qui  autrefois  était,  comme 
nous  l'avons  dit,  une  chapelle  annexée  au  transept,  est 
éclairée  par  deux  grandes  croisées  à  quatre  baies  et  à  com- 
partiments flamboyants ,  dans  lesquels  on  voit  des  débris  de 
vitraux  du  XVe  siècle. 

Dans  le  chœur,  quatre  croisées  offrent  aussi  des  fragments 
de  vitraux  du  XVe  siècle  à  leur  partie  supérieure.  Ce  sont 
des  anges  qui  descendent  du  ciel  que  l'on  voit  constellé 
d'étoiles ,  et  portant  de  longs  phylactères. 

Sur  le  vitrail  du  milieu  du  chœur ,  trois  anges  tiennent 
chacun  un  phylactère  écrit  ;  celui  du  milieu  a  la  chevelure 
divisée  symétriquement  et  frisée  ;  une  mèche  de  cheveux  se 
dresse  au-dessus  du  front. 

Sur  le  vitrail  gauche ,  un  ange  tient  aussi  un  phylactère 
écrit;  les  quatre  autres  tiennent  chacun  des  couronnes. 

Dans  une  autre  croisée  plus  à  gauche  ,  on  ne  voit  que  des 
anges  qui  apportent  des  couronnes. 

On  remarque  encore  quatre  blasons ,  reproduits  chacun 
deux  fois  sur  les  vitraux  du  chœur.  L'un  est  :  d'argent  aux 
trois  tourteaux  de  gueules  à  la  bordure  chargée  de  onze 
bcsans  du  même  métal  ; 


554  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Le  2e  :  de  sable  à  deux  fasces  d'argent  ,  accompagné  en 
chef  de  trois  étoiles  du  même  ; 

Le  3e  :  de  sable  à  la  bande  d'or  accompagnée  de  six  co- 
quilles du  même  ,  en  orle  ; 

Le  ke  :  de  gueules  à  la  croix  d'argent  cantonnée,  dans 
chaque  quartier  ,  de  cinq  étoiles  d'or  ,  dont  mie  au  milieu. 

Ces  blasons  existent  encore  sur  les  clefs  de  voûte  de  la 
même  partie  de  l'édifice ,  où  ils  sont  sculptés  et  peints;  mais 
ils  ont  subi  de  grandes  mutilations.  Ce  sont  évidemment 
ceux  des  personnages  qui  ont  construit  les  voûtes  et  fait  les 
vitraux  de  cette  partie  çle  l'église. 

Tombeaux.  —  Dans  le  transept  septentrional,  on  voit  un 
monument  funéraire  formé  par  une  arcade  à  plein-cintre 
trilobée ,  pratiquée  dans  l'épaisseur  du  mur ,  destinée  à 
recevoir  une  statue.  Les  caractères  architectoniques  de  ce 
petit  monument  indiquent  le  XIVe  siècle.  (V.  la  page  suiv.) 

Cette  arcade  est  peu  profonde  ;  la  voussure  est  ornée 
de  nervures  qui  se  croisent  et  retombent  sur  quatre  colon- 
nettes  ,  deux  en  avant ,  deux  en  arrière.  On  a  sculpté  une 
rose  à  pétales  dans  l'espace  triangulaire  qui  existe  entre  les 
lobes  de  l'arcade  et  le  sommet  du  fronton. 

Dans  le  chœur ,  du  côté  de  l'évangile ,  on  a  gravé  une 
dalle  tumulaire  en  l'honneur  de  la  fondatrice  de  l'abbaye ,  la 
comtesse  Lesceline ,  pour  recouvrir  des  ossements  que  l'on 
a  attribués  à  cette  princesse. 

Cette  dalle ,  quoique  d'une  époque  peu  reculée ,  est  ac- 
tuellement très-fruste  ;  elle  est  entourée  d'une  bordure  autour 
de  laquelle  s'enroule  un  ruban  ;  des  feuilles  découpées  or- 
nent les  angles  et  se  voient  aussi  au  milieu  de  chaque  face. 
On  remarque ,  en  tête ,  un  blason  dont  on  ne  distingue  plus 
que  le  fond  d'azur. 


CANTOIS    DE    SAINT-PIERRE-SUR-D1VE. 


555 


i  ]\i. 


V.   Petit  del. 

tomwkai    DU  xi\*  SIECLB  dans  U  transept  nord  DE  l'église. 


556  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

On  trouve  une  deuxième  dalle  tumulaire  qui  a  été  refaite 
nouvellement  dans  une  chapelle ,  d'après  un  croquis  de 
M.  Duchesne ,  l'ancienne  ayant  été  brisée  par  un  écha- 
faudage. Autour  du  défunt,  qui  est  représenté  gravé  au  trait, 
on  lit  l'inscription  suivante  : 

%  fitst 

bom  ÎRûbert  ...  en  son  vivant  prieur  et  (vicaire)  oe  céans 

lequel  tresuassa  le  tme 

tour  ht  tutllet  lan  util  cinq  cens  bxx  (juict. 

Ce  personnage  est  représenté  les  mains  jointes  ;  la  tête , 
couverte  d'une  petite  calotte,  repose  sur  un  coussin  carré.  Un 
vêtement  à  larges  plis  lui  recouvre  tout  le  corps.  De  chaque 
côté  ,  des  colonnettes  supportent  un  dais  orné  de  feuillage. 

Il  existe  aussi  huit  inscriptions  indiquant  seulement  la 
date  de  la  mort  des  religieux  ,  mais  sans  donner  leurs 
noms  ;  elles  n'auraient  d'intérêt  qu'autant  qu'un  obituaire 
nous  ferait  connaître  les  personnages  auxquels  elles  se  rap- 
portent. 

Peintures.  —  Les  murailles  de  la  chapelle  St-Sébaslien 
étaient,  primitivement,  couvertes  de  peintures  remontant  au 
XVIIe  siècle.  Elles  ont  été  cachées  par  une  épaisse  couche 
de  badigeon.  Le  Credo  s'y  voyait  représenté  en  douze 
tableaux. 

Quant  aux  peintures  du  chœur,  je  m'associe  complètement 
à  l'étonnement  de  M.  de  Glanville ,  quand  il  se  demande, 
dans  son  Introduction  à  l'Histoire  des  miracles  de  St-Pierre- 
sur-Dive ,  pourquoi  dans  le  sanctuaire  ces  colonnes  peintes 
en  marbre  avec  des  chapiteaux  de  bronze,  qui  portent  des 
nuages  de  bronze  d'où  s'échappent  des  éclairs  et  des  ton- 
nerres d'or  !!!  Le  Christ  colossal  et  assez  beau  ,  que  l'on 
attribue  à  tort  ou  à  raison  à  Jean  Goujon  ,   et  qui  surgit 


CANTON    DE    SA1NT-P1ERRE-SUR-MVE.  557 

au  milieu  de  cet  appareil  fantasmagorique  ,  n'avait  pas  besoin 
d'un  accompagnement  si  grotesque. 

Cloches. — M.  le  docteur  Billon  a  donné,  dans  son  intéres- 
sante Étude  sur  les  cloches  et  les  sonneries  françaises  et 
étrangères ,  des  notes  sur  la  sonnerie  de  l'abbaye  de  St- 
Pierre  que  nous  nous  empressons  de  reproduire  : 

«  Le  clocher  central ,  dit-il ,  renfermait  six  cloches,  dont 
on  voit  encore  les  places  dans  l'ancien  beffroi,  qui  est  divisé 
en  trois  travées.  Cette  sonnerie  devait  être  ravissante,  car 
elle  avait  pour  auteur  un  praticien  renommé.  Nous  en  avons 
retrouvé  la  tonique  et  la  quinte.  La  première  se  fait  en- 
tendre encore  dans  le  clocher  de  la  commune  de  Vendeuvre. 
Son  diamètre  est  de  96  centimètres  ;  son  poids  500  kilos  ; 
elle  porte  pour  inscription  : 

IEHAN    AVBRRT    MA    FAICTE.     d681. 
SAINT    PLACIDE. 

La  cinquième  a  trouvé  un  asile  dans  le  joli  campanille 
de  Donville  ;  elle  porte  aussi  celte  laconique  inscription  ; 

LAN    1681.    SAINTE    CATHERINE 
IEHAN    AVBERT 
MA    FAICTE. 

Sur  un  des  flancs ,  l'effigie  de  sainte  Catherine.  Diamètre, 
64  cent.  ;  poids,  125  kilos. 

La  grande  sonnerie  était  placée  dans  la  tour  du  nord  : 
elle  était  formée  de  quatre  cloches ,  dont  la  tonique  porte 
l'inscription  suivante  : 

MESSIRE  CLAVDE-IGNACE-JOSEPH  DE  SIMIANE  ,  KVESQI  E  ET  CONTE  DB 
SAINT-PAYL-TROIS-CHATEAVX  ,  PRINCE  DE  CIIARRIERR  ET  CONTE  DE  SAINT- 
PIERRE-SVR-DIVE  ,    m'a     BAPTISÉE      ET    NOMMÉE     DV     NOM     DE     LA    PATHONNK 


558 


STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


DE    CETTE    ABBAYE  ,     POVR      LAQVELLE     IL     A      TOVJOVFIS     EV    VNE    DEVOTION 
SINGVLIÈRE.     MARIE    EST    DONC    MON    NOM. 

M"    CLAVDE    ET    LES   DVBOIS    M'ONT    FAITE   EN    L'ANNÉE    1725. 


Diamètre,  ln\  Zi6  ;  poids,  2,000  kilos. 

Le  timbre  de  cette  grosse  cloche  est  magnifique ,  c'est 
la  grosse  cloche  actuelle  de  St-Pierre:  nous  l'avons  entendue 
à  deux  lieues  de  distance.  Nous  sommes  porté  à  croire  que 
ces  dix  cloches  formaient  une  gamme  diatonique  non  in- 
terrompue ,  et  que  la  plus  grosse  des  six  du  clocher  central 
sonnait  à  la  quinte  de  la  grosse  Marie. 

Le  clocher  sud  (  St-Michel  )  servait  de  colombier  aux 
Bénédictins  et  ne  contenait  pas  de  cloches. 

Lorsque  toutes  les  cloches  étaient  lancées  à  grande  volée , 
un  bedeau  se  tenait ,  dit-on  ,  sur  la  place  devant  l'église  où 
il  battait  la  mesure.  Lorsqu'une  cloche  déviait  de  sa  marche 
rhythmique  ,  il  rentrait 
promptement  pour  en  aver- 
tir les  sonneurs.  Les  jours 
de  fête ,  les  trois  cloches 
de  l'église  paroissiale  mê- 
laient leurs  voix  à  celles  de 
l'abbaye.  Cette  église,  dont 
il  ne  reste  pas  les  moindres 
traces,  était  sur  la  place  de 
l'Hôtel-de-Ville.   » 

Sceau  de  l'abbaye.  —  Le 
sceau  a  été  sauvé ,  à  la  pre- 
mière Révolution,  par  le 
dernier  survivant  de  l'ab- 
baye ,  le   procureur   Dom 


CANTON   DE    SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  559 

Thinon ,  qui  en  a  fait  présent  à  M.  Duchesne ,  libraire. 
Il  est  en  bronze ,  elliptique ,  de  40  centimètres  de  large 
sur  70  centimètres  de  long;  il  date  du  XIVe  siècle;  son  état 
de  conservation  est  parfait  (Voir  le  dessin).  Ce  sceau  re- 
présente la  patronne  de  l'abbaye,  la  Vierge  Marie  diadémée, 
placée  sous  un  dais  gothique ,  assise ,  tenant  de  son  bras 
gauche  l' Enfant-Jésus  nimbé.  A  sa  gauche  se  voit  la  clef  du 
Paradis,  dont  saint  Pierre  est  le  dépositaire;  à  droite,  une 
fleur  de  lis ,  pour  désigner  que  l'abbaye  était  royale.  L'in- 
scription, en  lettres  capitales,  est  ainsi  conçue  : 

S    •    CONVENTUS    •    BEATE    •    MARIE    •    DE    ■    SCO    •    PETRO    •    SVPRA    •    D1VAM  * 

La  planche  montre  la  forme  des  caractères  de  cette  in- 
scription. 

Bâtiments  de  l'abbaye.  —  Les  bâtiments  de  l'abbaye  qui 
entourent  le  cloître  au  sud  de  l'église ,  avaient  été  retouchés 
et  reconstruits  au  XVIIe  siècle;  mais  on  avait  conservé  la  plus 
grande  partie  des  murs  inférieurs  ;  les  fenêtres  carrées  avaient 
été  régulièrement  établies  ,  les  pierres  regrattées,  l'étage 
supérieur  exhaussé  ou  refait.  On  remarque ,  effectivement , 
des  contreforts  régulièrement  espacés  et  des  pierres  de  moyen 
appareil  qui  peuvent  remonter  au  XIIIe  siècle. 

Si  l'on  pénètre  dans  le  préau ,  on  voit  des  restes  de  mu- 
railles en  blocage  qui  paraissent  romanes,  ce  qui  montre  que 
les  constructions  du  XIIIe  siècle  avaient  elles-mêmes  été 
soudées  sur  des  constructions  plus  anciennes. 

Satie  capùulaire.  —  A  l'est  du  cloître,  accolée  au  transept 
méridional  de  l'église  (V.  le  plan,  p.  539  ) ,  existe  à  peu  près 
intacte  la  salle  capitulairc  ,  qui  doit  remonter  au  XIIIe  siècle 


560  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

comme  le  chœur  de  l'église.   Elle  est  rectangulaire.  L'étage 


Jl=l 


V.°etit  del. 

VUE   DE    LA    SALLE   CAPITULAIRE  ,    DU    CÔTÉ    DE    L'EST. 

qui  surmonte  la  voûte  est  éclairé  ,  du  côté  de  l'est ,  par  trois 
étroites  fenêtres  en  lancettes.  Trois  autres  fenêtres  plus  grandes 
et  cintrées  éclairent,  du  même  côté ,  la  salle  capitulaire  pro- 
prement dite. 

Le  croquis  suivant  montre  une  partie  de   l'intérieur  de 
cette  salle,  qui  devait  accéder  au  cloître  par  une  porte  entre 


CANTON    DE    SAINT-PIERRE-SUR-D1VE.  561 

deux  fenêtres,  comme  toutes  les  salles  capitulaires  du  même 


Bouct  del. 


INTERIEUR    DE    LA    SALLE    CAP1TLLAIRE. 


temps.  Trois  colonnes  monocylindriques  supportent  la  re- 
tombée des  voûtes  au  centre  de  la  salle. 

Je  me  suis  proposé  de  jeter  un  coup-d'œil  sur  l'abbaye 
de  St-Pierre,  d'en  indiquer  les  dates  principales  ,  mais  sans 
avoir  l'intention  de  décrire  le  monument  dans  toutes  ses  par- 
ties ;  si  nous  voulions  en  faire  l'anatomie  complète ,  il  fau- 
drait y  consacrer  cent  pages  au  moins ,  ce  qui  nous  ferait 
sortir  du  cadre  adopté  pour  cette  statistique.  Nous  aurions 
à  indiquer  un  grand  nombre  de  reprises ,  à  signaler  des 
contreforts  appliqués  sur  les  angles  du   transept  nord  bien 

:3() 


562        statistîqul:  MONUMEI\TàLE  du  calvados. 
postérieurement  à  sa  construction,  et  probablement  au  XV* 
siècle  ,  pour  remédier  peut-être  à  des  dislocations  qui  avaient 
donné  des  inquiétudes. 

Nous  aurions  à  décrire  diverses  moulures ,  à  rechercher 
pourquoi  on  a  bouché  une  porte  accédant  autrefois  à  la  nef  du 
côté  du  nord,  et  dont  l'archivolte  est  ornée  de  bâtons  rom- 
pus, tandis  qne  les  chapiteaux  dénotent  le  premier  style  ogival. 


FRAGMENT  DES  ARCHIVOLTES  DE  LA  PORTE  BOUCHÉE,  AU  NORD  DE  LA  NEF. 


Nous  aurions  à  déterminer  quelles  parties  des  murs  ont  été 
refaites  à  l'étage  du  clérestory,  dont  les  fenêtres  seules  offrent 
les  caractères  du  dernier  style  ogival  et  ont  probablement  été 
faites  à  l'époque  que  j'ai  indiquée,  sans  que  les  murs  qui 
les  renferment  aient  été  altérés  à  l'extérieur. 

Enfin,  nous  aurions  à  déduire  quelques  conclusions  de 
l'addition  en  style  du  XIVe  siècle  faite  à  là  partie  occidentale 
de  la  nef. 

Mais  je  me  hâte  de  terminer  en  disant  que  la  porte  qui 


CANTON    DE    SA1NT-PJERRE-SUR-DIVE.  563 

fermait  l'abbaye  au  nord-ouest,  et  qui  existe  encore,  est  da 
XIII6  siècle,  et  indique  de  ce  côté  les  limites  de  l'enceinte 
abbatiale.  Le  pressoir  et  d'autres  dépendances  existaient  à 
l'ouest  de  l'église,  près  du  terrain  qui  va  être  affecté  à  la 
construction  des  Écoles. 

Les  Halles.  —Les  Halles,  assez  remarquables,  qui  existent 
sur  la  grande  place  appartiennent  à  deux  époques  :  à  la 
fin  du  XIIIe  siècle ,  je  crois ,  pour  les  parties  les  plus 
anciennes  orientées  au  nord  ;  au  XVIe  siècle,  pour  le  prolon- 


Bourt   .1.1. 

ENTREE    PRINCIPALE    DES    HALLES    DE    SAINT-PIEHRF-Sl R-DIVE. 

gement  s'étendant  du  côté  du  sud.   Des  ouvertures  ont  été 


56^1  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

percées,  à  diverses  époques,  dans  les  murs  anciens.  Toutefois, 
dans  leur  état  actuel,  avec  leurs  charpentes  et  leur  grand  toit, 
les  halles  de  St-Pierre  sont  encore  très-intéressantes  et  nous 
offrent  un  spécimen  des  halles  et  des  granges  du  moyen- 
âge  que  l'on  rencontre  maintenant  très-rarement  dans  un 
si  bel  état  de  conservation.  Elles  sont  divisées  en  trois  nefs 
par  les  deux  rangs  de  poteaux  qui  portent  la  charpente  au 
centre  de  l'édifice. 

Hospice.  —  L'ancien  Hospice  était  situé  près  d'un  bras  de 
la  Dive,  à  l'entrée  du  bourg  en  venant  de  Caen  ;  j'en  ai  vu 
détruire  l'église ,  qui  devait  remonter  à  la  deuxième  moitié 
du  XIIIe  siècle  ,  d'après  son  style  ;  une  des  rosaces  qui  or- 
naient l'intersection  des  arceaux  de  la  voûte  a  été  re- 
cueillie par  feu  M.  Legrand  et  placée  dans  son  jardin ,  où 
on  a  pu  la  voir  pendant  longtemps.  Rien  de  plus  hardiment 
coupé,  ni  de  plus  élégant,  que  ce  spécimen  des  œuvres  de 
nos  sculpteurs  du  XIIIe  siècle. 

Il  reste  encore  aujourd'hui  quelques  traces  des  maisons 
de  cet  hospice  ,  mais  elles  ont  peu  d'importance. 

M.  Pépin  a  dépouillé,  dans  les  archives  de  St-Pierre  (1), 
les  nombreuses  pièces  relatives  à  cette  maison. 

La  plupart  sont  des  parchemins  auxquels  pend  un  sachet 
presque  toujours  privé  de  son  sceau.  La  table  de  ces  titres 
a  été  dressée  par  M.  Pépin.  Le  plus  ancien  remonte  à  l'an 
1218.  Les  dernières  pièces  sont,  de  quelques  années,  anté- 
rieures à  la  Révolution.  On  a  écrit  sur  le  dos  de  chaque 
manuscrit  l'intitulé  de  la  pièce. 

L'Hospice  actuel  de  St-Pierre  est  dans  la  rue  de  Lisieux. 

Anciennes  maisons.  —  Parmi  les  anciennes   maisons  qui 

(1)  Les  archives  de  St-Pierre,  qui  sont  presque  loules   relatives   à 
Tllospice,  sont  renfermées  dans  un  coffre  ancien  en  chêne  sculpté. 


CANTON    DE   SAINT-Pn-RRE-SUK-DIYI, 


565 


méritent  l'attention  ,  on  peut  signaler  la  cour  Lelu  qui  est 
du  commencement  du  XVIe  siècle  ou  de  la  fin  du  XV. 
Ce  manoir ,  que  j'ai  décrit  il  y  a  plus  de  trente  ans  ,  est  de 
forme  carrée  :  il  présente  plusieurs  fenêtres  sur  chaque  face, 


Godard  se 


Boue!  del. 


MANOIR    DIT    CODH    Lfl.l ;. 


quelques-unes  sont  divisées  en  quatre  parties  par  une  croix 
en  pierre.  Des  aiguilles  à  crochets  ornent  les  ouvertures  du 
premier  étage.   Les  angles  du  bâtiment  sont  garnis  de  con- 


566  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

treforls  terminés  par  des  pyramides  à  crochets.  La  porte 
d'entrée  est  du  côté  de  l'est ,  les  angles  en  sont  arrondis 
et  surmontés  de  plusieurs  rangs  de  moulures;  le  tout 
surmonté  de  feuilles  enroulées  et  accompagné,  de  chaque 
côté ,  d'une  petite  pyramide.  La  salle  du  rez-de-chaussée 
présente  deux  poutres  dont  l'une  est  mordue,  à  ses  deux  ex- 
trémités ,  par  une  tête  de  crocodile.  De  cette  pièce  on  com- 
muniquait à  un  escalier  en  pierre ,  construit  en  spirale  dans 
une  tourelle  taillée  à  pans  (Voir  la  page  665).  Le  premier 
étage  renferme  une  chambre  dans  laquelle  on  voyait  une 
belle  cheminée  ornée  de  tores. 

La  partie  principale  de  ce  manoir ,  que  reproduit  le  dessin 
ci-joint ,  est  en  pierre  :  c'est  celle  qui  fait  face  à  la  rivière  ; 
mais  le  reste  est  construit  en  bois  ,  d'après  le  système  usité  à 
cette  époque. 

La  rue  de  Falaise  n'offre  qu'une  maison  qui  présente  de 
l'intérêt.  Les  trois  lucarnes  du  toit  sont  ornées  de  sculptures 
et  annoncent  l'époque  de  Louis  XIV. 

Dans  la  rue  deCaen,  on  remarque  une  ancienne  maison  dont 
le  premier  étage  empiète  sur  la  rue  ;  elle  n'a  rien  d'intéres- 
sant. Enfin ,  dans  la  rue  de  Lisieux  et  dans  la  rue  allant  au 
cimetière ,  on  peut  voir  plusieurs  maisons  qui  paraissent , 
en  partie,  anciennes. 

Château  (V HermonviLle.  — Quand  on  est  sorti  du  bourg, 
vers  Lisieux ,  on  ne  tarde  pas  à  voir  un  château  qui  mérite 
l'attention  :  c'est  le  domaine  d'Hermonville  ,  faisant  autrefois 
partie  du  territoire  de  la  commune  d'Hiéville ,  qui  borde 
celui  de  St- Pierre-su r-Dive  ;  il  appartient  à  présent  à  cette 
dernière  commune.  Ce  château,  dont  je  donne  une  vue  d'après 
les  dessins  de  M.  Pépin,  appartient  à  M.  de  Lignerolles , 
membre  de  l'Association  normande  ;  il  occupe  ,  à  ce 
qu'il  paraît ,  le  même  emplacement  que  le  château  du  ce- 


CANTON    DE   SAUNT-PIERUH-SUR-DIVE. 


567 


568  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

lèbre  Thomas  Dunot,  lequel  fut  détruit  du  temps  des  guerres 
de'  religion.  Le  domaine  appartenait  encore  à  cette  famille 
au  siècle  dernier.  M.  Dunot  de  Saint-Maclou,  baron  de  Vieux- 
Pont,  le  vendit  en  1762  à  M.  de  Jarry,  grand-père  de 
M"'e  de  Lignerolles. 

Quoique  peu  important ,  ce  château ,  dont  la  date  est 
connue  (1618),  montre  bien  le  style  du  XVIIe  siècle.  Une 
de  ses  cheminées  en  brique  et  pierre ,  ses  lucarnes  à 
frontons,  sa  porte  et  tout  son  ensemble  caractérisent  bien  celte 
époque.  Un  parc  entouré  de  murs  se  développe  derrière  le 
château.  Deux  portes  à  bossages,  l'une  grande  et  destinée 
aux  charrettes ,  l'autre  plus  petite  et  destinée  aux  piétons  , 
s'ouvrent  dans  la  partie  de  cette  clôture  qui  borde  la  route 
départementale  allant  de  St-Pierre  à  Livarot.  Un  écusson  est 
sculpté  sur  la  clef  de  voûte  de  la  petite  porte. 

Un  beau  colombier  cylindrique  est  compris  dans  l'enceinte. 

Des  souterrains  existent,  dit-on,  dans  la  cour  et  se  dirigent 
vers  l'abbaye  et  vers  d'autres  parties  du  bourg. 

En  1562,  l'abbaye  fut  pillée  par  les  Calvinistes;  mais  la 
ville,  dont  les  habitants  étaient  favorables  à  la  Réforme,  fut 
épargnée.  Durant  les  guerres  de  la  Ligue  ,  elle  resta  fidèle  à 
Henri  IV.  Thomas  Dunod,  propriétaire  du  château  auquel  a 
succédé  celui  que  je  viens  de  mentionner ,  avait  fait  fortifier 
la  ville  pour  la  mettre  à  l'abri  d'un  coup  de  main  (1);  il  la 
fit  respecter  :  elle  ne  fut  prise  que  vers  1588. 

M.  Louis  Du  Bois  rapporte ,  dans  ses  Recherches  sur 
l'arrondissement  de  Lisieux ,  qu'il  était   resté  beaucoup  de 

(1)  Il  subsistait  encore,  vers  4  755,  deux  portes  qui  furent  démolies. 
Vers  1588 ,  Sl-Pierre-sur-Dive  fut  enlevé  par  une  troupe  de  ligueurs 
commandés  par  le  capitaine  d'Aigneaux.  Attaqué  par  des  forces  supé- 
rieures ,  Thomas  Dunod  fut  fait  prisonnier.  Sa  maison  fut  dévastée. 
(V.  Hist.  de  Lisieux  et  de  l'arrondissement ,  par  M.  Louis  Du  Bois, 
p.  lihl.  ) 


CANTON    DE   SA1NT-P1ERRE-SUR-DIVE.  569 

protestants  à  St-Pierre-sur-Dive  ,  tels  que  le  savant  ministre 
Etienne  Morin  et  son  fils  Henri  Morin  ;  ils  avaient  dans  le 
voisinage  du  château  des  Dunod  ,  aujourd'hui  à  M.  de  Ligne- 
rolles  ,  un  temple  dont  on  leur  avait  laissé  l'usage  en  vertu 
de  l'édit  de  Nantes  ;  mais  le  grand  archidiacre  de  Séez  , 
Charles  Dufresche,  sollicita  sa  suppression  et  le  fit  démolir 
en  vertu  d'un  arrêt  du  Conseil  d'État,  daté  de  Versailles  le 
3  juillet  1684  ,  quatorze  mois  avant  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes. 

HIÉVILLE. 

L'église  d'Hiéville  ,  près  St-Pierre-sur-Dive ,  est  insigni- 
fiante et  n'offrirait  aucun  caractère  s'il  ne  restait  quelques 
contreforts  dont  les  profils  annoncent  au  moins  le  XIVe 
siècle.  La  maçonnerie  pourrait  donc  dater  de  cette  époque, 
sauf  les  parties  refaites. 

Une  sacristie  moderne  est  appliquée   sur  le  chevet. 

A  l'ouest  s'élève  une  tour  moderne  en  pierre ,  terminée 
par  un  dôme  surbaissé  à  quatre  pans,  dont  chaque  face  est 
percée  d'un  oculus.  Un  lanternon  couronne  ce  toit  de  pierre. 

Le  mur  latéral  du  nord  est  sensiblement  infléchi  au  nord- 
est. 

Cette  paroisse  dépendait  du  diocèse  de  Séez  ;  elle  est  sous 
l'invocation  de  saint  Pierre.  L'abbaye  de  St-Pierre  nommait 
à  la  cure.  On  y  comptait  68  feux.  Elle  dépendait  de  l'élec- 
tion de  Falaise. 

On  voit  dans  le  cimetière  la  tombe  de  M.  Jarry,  avocat. 
Un  tombeau  ancien  en  forme  de  croix ,  avec  toit  prismatique, 
a  été  renversé  et  sert  de  banc  sous  l'if. 

Château.—  M.  le  commandant  du  génie  Rochet,  inspecteur 
de  l'Association  normande  et  maire  d'Hiéville,  demeure  à 
peu  de  distance  de  l'église  ;  un  cèdre  du  Liban  et  quelques 


570  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

beaux  arbres  méritent  l'attention  dans  les  bosquets  qui  en- 
vironnent son  habitation. 


«IRVILLE 

L'église  de  Berville  a  été  reconstruite  par  parties  à  diverses 
époques,  et  ses  murs  n'offrent  pas  de  caractères  précis  ;  mais 
il  paraît  qu'une  église  avait  existé  là  dès  le  XIIe  siècle ,  car 
la  porte  conservée  avec  quelques  parties  des  murs  primitifs 
dans  le  mur  occidental  actuel  annonce  cette  époque,  et  l'ar- 
chivolte est  bordée  d'un  larmier  portant  la  moulure  que  voici. 


Du  reste,  cette  porte  est  très-simple  et  sans  colonnes. 

La  plupart  des  fenêtres  de  la  nef  et  du  chœur  sont 
modernes  et  carrées  ;  on  vient  d'en  refaire  deux  de  forme 
ogivale,  à  deux  baies ,  dans  la  nef. 

Une  fenêtre  de  la  nef  (côté  sud),  quoique  de  forme  carrée, 
peut  dater  du  XVIe  siècle;  elle  est  bordée  d'un  tore  qui 
se  prolonge   sur   les  quatre  côtés  de  cette  ouverture. 

Le  mur  du  chevet  paraît  plus  ancien  que  les  murs  latéraux; 
on  y  voit  une  fenêtre  ogivale  qui  a  été  bouchée. 

L'église  de  Berville  est  voûtée  en  bardeaux.  Un  clocher 
en  bois  recouvert  d'ardoise  ou  d'essente  existait  à  l'extré- 
mité de  la  nef,  à  l'entrée  du  chœur  ;  on  vient  de  le  supprimer, 
je  ne  sais  pourquoi ,  et  l'église  n'a  plus  de  tour. 

M.  Besnou,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie, 
a  bien  voulu  nous  donner  le  texte  de  deux  inscriptions  tumu- 
laires,  rétablies  par  ses  soins  à  l'intérieur  de  l'église;  la  pre- 
mière, devant  l'autel  Si-Jacques,  est  ainsi  conçue: 


CANTON   DE   SAINT-PIERRE-SUR- DIVE.  571 

CI  GIT  NOBLE  DAMOISELLE  CATHERINE  JEAN  EN  SON  VIVANT  FEMME 
D'EXMES    DE     MAI     ECUYER     Sr     DES     ESSARS    LA    QUELLE     DÉCÉDA     LE     2e     DE 

7bre  1656. 

Il  y  a  sur  la  tombe  un  écusson  composé  d'un  lion  et  de 
deux  étoiles. 

Voici  la  seconde ,  devant  l'autel  de  la  Vierge  : 

CI  GIT  EXMES  DE  MAI  ECUVER  ST  DES  ESSARS  CONSEILLE!»  DU  ROI  CON- 
TROLEUR eleu  fn  l'élection  de  falaise  le  quel  décéda  le  6  de 
9**  46x2. 

Je  possède,  m'écrit  M.  Besnou,  l'acte  authentique  passé 
le  21  août  1657  devant  Noël  Le  Poutrel  et  Louis  Mar- 
guerin  ,  tabellions  royaux  pour  le  siège  et  tabellionnage  de 
St-Pierre-sur-Dive,  par  lequel  «  16  paroissiens  dénommés 
«  de  Berville ,  pour  eux  et  les  autres  paroissiens  absents , 
«  ont  baillé  en  pure  fieffé  et  à  rente  inéquitable,  à  Exmes 
«  de  May  écuyer ,  sieur  des  Essais ,  pour  lui  et  ses  hoyairs 
«  et  ayant  cause,  une  portion  de  terre  à  prendre  dans  l'église 
«  paroissiale  de  Berville,  au  costé  de  lepistre ,  vis  a  vis  cl 
«  contre  Ihostel  saint  Jacques,  de  onze  pieds  de  longueur 
«  et  huict  de  large ,  pour  par  le  dit  sieur  des  Essais  la 
«  faire  clore  et  ballustrer,  et  y  prendre  séance  lui  et  les 
«  siens  ;  après  leur  deceds  y  être  inhumés  sans  payer  aucun 
«  terrage.  La  ditte  fieffé  ainsi  faitle  moyennant  le  prix  et 
«  somme  de  sept  livres  deux  sols  dix  deniers  tournois  de 
m  rente  foncière  et  perpétuelle  ,  que  le  dit  sieur  des  Essars 
«  pour  lui  et  les  siens  ,  c'est  obligé  faire  et  payer  chacun  an 
«  au  trésor  de  la  ditte  églize.   » 

Il  paraît,  continue  M.  Besnou,  qu'antérieurement,  des 
membres  de  la  famille  de  May  avaient  déjà  été  inhumés  dans 
l'église,  car  j'ai,  jointe  à  mes  titres  anciens,  une  vieille  copie 
de  la  donation  d'un  pré  de  l'Aumône  d'où  il  résulte  : 

«  Que  toute  la  famille  de  May,  dont  les  membres  sont  dé- 


<>1'2  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

«  nommés,  donnent,  pour  satisfaire  au  vœu  de  feu  leur  frère, 

«  le  22  juin  1654,  et  afin  de  participer  aux  prières  qui  se 

«  font  en  l'église  de  Berville  en  laquelle  sont  inhumés  leurs 

«  défunts  père,  mère  et  frère,  au  curé  de  ladite  église  une 

«  portion  de  terre  en  herbe,  contenant  environ  trois  vergées 

«  et  jouxtant  le  cimetière ,  pour  dire  à  perpétuité  une  messe 

«  au  jour  où  fut  inhumé  feu  Jacques  de  May ,  sieur  de  la 

«  Bigne,  qui  est  le  U  novembre  1641  ;  une  le  26  février, 

«  jour  où  Charlotte  Voine ,  leur  mère ,  fut  inhumée,  et  trois 

«  messes  le  19  novembre,  jour  où  Pierre  de  May,  leur  frère, 

«  fut  inhumé  ;  la  dernière  doit  être  de  Requiem,  chantée  en 

<(  plain -chant  et  dite  par  le  curé  de  Berville  ou  son  vicaire.  » 

Cette  note  ajoute  que  Jean  de  May  ayant  eu  deux  enfants  : 

le  premier ,  Exme  de  Mai ,  sieur  des  Essarts ,  contrôleur  aux 

aides  et  tailles  à  Falaise,  que  représentent  les  sieurs  delà 

Bertrie;  le  deuxième,  Jacques  de  Mai,  sieur  de  la  Bigne,  que 

représentaient  M.  Dunot-Duquesnay  et  autres  ;  les  deux  frères 

ont  partagé  sa  succession  en  1600. 

A  la  suite  de  ces  copies  et  mentions,  se  trouvent  copiées 
les  épitaphes  des  tombes  qui  sont  dans  la  chapelle  de  Berville. 
En  1865,  l'épitaphe  de  la  femme  existait  presque  en  entier, 
et  il  a  été  facile ,  à  l'aide  de  ces  notes  ,  de  retrouver  la  trace 
de  quelques  lettres  plus  ou  moins  altérées  ou  effacées  par  le 
frottement  des  chaussures.  Toute  la  partie  de  derrière ,  ga- 
rantie par  l'autel,  était,  telle  qu'on  la  voit  encore,  parfai- 
tement intacte. 

Seulement,  en  1864  et  1865,  on  a  eu  la  fâcheuse 
idée  de  recouvrir  ces  pierres  par  la  première  marche 
d'autels  en  bois  sans  style ,  en  plaçant  ces  autels  en  biais 
au  lieu  de  les  appliquer  sur  le  mur  comme  étaient  les  pré- 
cédents. M.  Besnou  a  profité  du  moment  où  on  allait  com- 
pléter ce  regrettable  travail ,  pour  faire  rétablir  les  deux 
inscriptions  par  M.  Dupont,  sculpteur  à  Caen. 

Il  résulte  de  là  que  l'inscription  de  la  femme ,  telle  qu'elle 


CANTON    DK    SAINT-PIERRÊ-SUR-DIVE.  573 

existe,  est  bien  parfaitement  authentique,  sauf  les  quelques 
lettres  effacées  et  retrouvées  à  l'aide  de  la  note  dont  il 
vient  d'être  parlé.  C'est  de  cette  fidélité  certaine  pour  l'in- 
scription de  la  femme,  que  l'on  est  parti  pour  croire  à  la  fi- 
délité de  celle  qui  concernait  le  mari  et  que  l'on  a  fait  re- 
graver en  entier,  car  il  ne  restait  aucun  vestige  de  l'ancienne 
inscription. 

Quelques  tombeaux  se  voient  dans  Je  cimetière.  Le  plus  re- 
marquable est  celui  de  M.  Dutilleul,  décédé  il  y  a  peu  d'années. 

Berville  dépendait  du  diocèse  de  Séez  ,  de  l'élection  de 
Falaise ,  de  la  sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive  ;  on  y 
comptait  60  feux. 

Manoir  de  Berville  appartenant  à  M.  Besnou.  —  Le 
manoir  de  Berville ,  dont  je  donne  un  croquis  fait  par 
M.  Bouet  (V.  la  page  suivante),  date  du  XVJ Ie  siècle.  On 
entre  dans  la  cour  par  deux  portes  cintrées  à  bossages, 
l'une  pour  les  piétons,  l'autre  pour  les  charrettes  ;  la  plus 
grande  a  perdu  son  cintre  :  on  l'a  démoli,  je  suppose,  pour 
faciliter  l'entrée  des  charrettes.  Les  montants  ont  été  con- 
servés et  surmontés  d'un  couronnement  semblable  à  celui 
des  piliers  modernes;  mais  la  petite  porte  est  intacte  et  la 
grande  n'en  différait  que  par  sa  hauteur  et  sa  largeur. 

D'après  les  renseignements  que  je  dois  à  M.  Besnou,  cette 
maison  ne  paraît  pas  sortie  de  la  main  de  ceux  qui  l'ont 
fait  bâtir,  ou  de  leurs  successeurs.  Elle  porte  sur  une  fenêtre 
de  grenier  de  la  façade,  dans  sa  partie  antérieure,  la  date  de 
1666.  J'ignore  si  c'est  là  la  date  de  son  origine  ou  si  elle  re- 
monte à  une  époque  plus  reculée.  Elle  doit  pourtant  remonter 
plus  haut ,  puisque  ses  possesseurs  se  font  enterrer  dans  la 
chapelle  dès  1656. 

Elle  est  entrée  par  succession  dans  la  famille  Gigon ,  à  la 
date  du  15  décembre  1688,  en  vertu  d'un  acte  de  partage  que 


57ft  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


CANTON    DE   SAINT-FJERRE-SUR-DIVE.  575 

possède  M.  Besnou ,  entre  «  M,e  Fleury  Philippes ,  prêtre , 
«  curé  de  St-Laurenst  et  maistre  Ollivier  Gigon,  sieur  de 
«  Livet ,  advocat  à  Falaise ,  héritant  de  maistre  Sebastien 
«  Demay ,  sieur  Dubut ,  conseiller  du  roi  esleu  à  Falaize.  » 

Olivier  Gigon  eut  le  premier  lot ,  et  dans  ce  premier 
lot,  avec  les  autres  bâtiments  de  la  cour,  se  trouve  la  maison 
étant  le  logis; 

Plus  la  chapelle  fieffée  en  l'église  de  la  paroisse ,  parce 
qu'il  paiera  la  rente  due  pour  icelle.  (Chapelle  fieffée  à 
Exmes  de  May  en  1657.  ) 

Elle  est  entrée  dans  la  main  de  M.  Stanislas  Gigon  La 
Bertrie,  par  suite  du  partage  fait  entre  lui  et  M.  Alphonse,  son 
frère  ,  des  successions  de  Charles-François,  leur  père  ,  et  de 
Sébastien  Noël,  leur  oncle.  Enfin  elle  est  échue  à  Mme  Besnou, 
née  Flavie  Gigon  La  Bertrie,  par  suite  du  décès  de  son  père, 
mort  le  9  novembre  1851,  membre  de  l'Assemblée  législative. 

M.  Besnou  a  trouvé  à  l'intérieur  de  ce  manoir ,  près  des 
murs,  des  pavés  émaillés  qui  avaient  été  garantis  par  les 
meubles  et  dont  il  a  fait  paver  une  antichambre,  en  repro- 
duisant le  dessin  primitif.  On  accède  à  celte  antichambre  par 
un  escalier  en  pierre,  construit  en  spirale  dans  une  tourelle  à 
pans  surmontée  de  deux  épis. 

MIT  BOIS. 

Milhois,  Miltois. 

L'église  de  Mithois  se  compose  d'un  chœur  et  d'une  nef 
rectangulaires ,  qui  me  paraissent  remonter,  le  premier  au 
XIIe  siècle ,  la  seconde  au  XIIIe.  Les  modillons  bizarres  et 
variés  qui  garnissent  l'entablement  du  chœur  ,  du  côté  du 
nord,  paraissent  en  effet  annoncer  le  XIIe  siècle  ;  je  crois 
que  la  première  moitié  du  XIIIe  est  l'époque  à  laquelle  la 
nef   a    été  bâtie.   Si    l'ensemble  de   l'édifice    remonte  aux 


576  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU     CALVADOS. 

époques  indiquées,  il  a,  comme  presque  tous,  subi  des 
changements.  La  porte  occidentale  avec  archivoltes  à  canne- 
lures portées  sur  deux  colonnes  ,  et  les  fenétres-lancelles  de 
la  nef  (côté  nord)  offrent  bien  les  caractères  du  XIIIe 
siècle;  mais  les  fenêtres  ont  toutes  été  refaites  au  siècle 
dernier ,  du  côté  du  sud.  Les  contreforts  du  chœur  ont  été 
doublés ,  probablement  pour  résister  à  la  poussée  du  mur. 
Beaucoup  plus  anciennement,  au  XVe  ou  au  XVIe  siècle,  une 
grande  fenêtre  à  plusieurs  baies  et  à  compartiments  flam- 
boyants avait  été  établie  dans  le  chevet. 

Ce  qui  est  aujourd'hui  le  plus  intéressant ,  c'est  le  porte- 
cloche  à  deux  baies  qui  s'élève,  comme  à  Lieurey,  entre  chœur 
et  nef,  sur  l'arc  triomphal.  Je  l'avais  signalé  et  décrit  dès  l'année 
1827  ;  en  1848,  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  le  revoir,  en 
compagnie  de  M.  Victor  Petit  auquel  j'en  dois  un  dessin 
(V.  la  page  suivante).  Ce  clocher-arcade  est  de  transition , 
c'est  le  plus  ancien  de  ce  genre  que  j'aie  trouvé  dans  le  dé- 
partement. 

L'arc  triomphal  qui  porte  ce  clocher  est  du  même  style  , 
c'est-à-dire  de  transition  ;  l'archivolte  n'offre  pas  de  mou- 
lures, mais  il  repose  de  chaque  côté  sur  trois  colonnes  ro- 
manes engagées,  dont  la  plus  saillante  est  plus  forte  que 
les  deux  autres. 

J'ai  relevé,  non  sans  peine  en  18^8  et  non  sans  laisser 
encore  plusieurs  lacunes ,  l'inscription  de  la  cloche  que 
l'on  voit  dans  ce  clocher-arcade  ;  la  voici  : 

HAUT  ET  PUISSANT  SEIGNEUR  ABDON  THOMAS  FRANÇOIS  LE  SENS  CHer 
SEIGNEUR    MARQUIS    DE    MITHOIS     ET    PATRON     DE     MORSAN     ÉPINE     MITHOIS 

ET      AUTRES    LIEUX  ,     LIEUTENANT    AU     RÉGIMENT      DES 

CHEVALIER   DE    L'ORDRE   ROYAL    ET    MILITAIRE    DE    S1    LOUIS,     COLONEL    D'iN- 

FANTERIE  ......   ET  PAR FRANÇOISE  ELISABETH  DE  FRENELLE 

VEUVE    DE    MESSIRE    CHARLES   BERNARDIN    DE    MESNIL     MARQlIS    DE    MERVILLE 
ET    DAME    DE  PONTOLIN 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  577 


CLOCHER    ARCADE    A    L  BGLISI    DE    MITIIOls. 


31 


578  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Mre    ADHIEN    BEAUMESNIL    CURÉ 

JEAN    DUBOIS    TRÉSORIER    EN    CHARGE 

ALEXIS    LA    VILLETTE    m'a    FAITE     EN    1776. 

Il  existe,  dans  le  chœur,  des  tombes  illisibles  par  suite  des 
mutilations  qu'on  a  fait  subir  aux  inscriptions  à  l'aide  d'un 
marteau,  probablement  pendant  la  Révolution. 

Une  crédence  à  deux  baies ,  du  XIII*  siècle  ,  se  voit  dans 
le  sanctuaire  ,  du  côté  de  Pépître. 

L'église  de  Mithois  est  sous  l'invocation  de  saint  Gervais. 
L'abbé  de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure. 

Mithois  faisait  partie  de  l'élection  de  Falaise,  sergenterie  de 
St-Pierre-sur-Dive.   On  y  comptait  59  feux. 

Manoir.  — Le  manoir  de  Mithois  se  compose  d'un  corps 
de  logis  dont   voici   un  croquis.   Il  est  entouré  de  fossés, 


MANOIR    DE    MITHOIS. 


Une  tourelle  carrée  en  saillie  doit  renfermer  l'escalier. 

Un  château  plus  moderne  existe  à  Mithois ,  à  600  mètres 
environ  à  l'ouest  de  l'église. 


CANTON    DE   SAlNT-PIISRRE-SUa-DlVE.  579 

L'inscription  de  la  cloche  nous  indique  quels  étaient ,  au 
XVIIIe  siècle,  les  seigneurs  de  Mithois. 

Léproserie,  —  Une  léproserie  avait  existé  à  Mithois  et  les 
revenus  en  avaient  été  appliqués  à  l'hospice  de  St-Pierre-sur- 
Dive  ;  elle  était  située  à  l'est-sud-est  de  l'église,  sur  le  bord 
d'un  chemin  allant  vers  St-Georges  et  montant  la  butte  de 
Queverue. 

Bois  de  Queverue.  —  Le  bois  de  Queverue  est  compris 
tout  entier  dans  le  territoire  de  Mithois.  Ce  bois  renferme 
deux  enceintes  qui  ont  été  regardées  comme  romaines. 

J'ai  décrit  en  1830  ,  dans  mon  Cours  d'antiquités  monu- 
mentales ,  l'un  de  ces  camps  que  j'avais  visité  dans  le  bois , 
à  quelques  centaines  de  mètres  du  pavillon  de  M.  Duchesne. 

Ce  camp  est  à  peu  près  carré,  entouré  d'un  vallum  et  de 
fossés  peu  profonds  (d'environ  k  à  5  pieds) ,  mais  bien  con- 
servés et  tracés  sans  interruption  (V.  la  fig.  6 ,  pi.  XXXI  de 
l'atlas  de  mon  Cours  d'antiquités  monumentales).  M.  Du- 
chesne m'a  affirmé,  il  y  a  trente  ans,  qu'on  avait  trouvé 
dans  l'enceinte  des  fragments  de  pierres  taillées  (1).  La  di- 
mension du  camp  est  indiquée  par  le  plan  que  j'ai  levé  et 
publié  dans  mon  Cours. 

D'autres  retranchements  existent  dans  le  bois  de  Queverue, 
à  1  kilomètre  de  ceux-ci.  La  hauteur  du  plateau  de  Que- 
verue,  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  est  de  188  mètres. 

De  l'extrémité  de  ce  plateau  la  vue  s'étend,  au  loin,  sur  les 

(1)  M.  Duchesne,  propriétaire  du  bois  de  Queverue,  avait  recueilli, 
il  y  a  trente  ans,  dans  le  fossé  du  camp  le  plus  voisin  de  son 
château  ,  des  débris  de  poteries  faites  au  tour.  Mais,  comme  les  fossés 
ont  dû  être  remplis  d'eau  pendant  longtemps  et  qu'on  a  dû  y  venir 
puiser  de  l'eau  après  l'occupation  romaine ,  rien  ne  prouve  que  ces 
débris  soient  antiques,  et  j'ignore  s'il  en  a  été  conservé  quelques-uns 
qui  puissent  être  examinés. 


580  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

vallées  du  Pays-d'Auge  et  sur  les  campagnes  de  Caen  el  de 
Falaise  ;  on  distingue  ,  de  là ,  les  monts  d'Éraines,  Montabar, 
St-Clair-la-Pommeraye  et,  je  crois,  la  butte  de  Campandré, 
également  couronnée  par  un  camp  retranché  de  la  même  forme. 

Le  camp,  figuré  dans  mon  Cours,  a  été  marqué  sur  la 
Carte  de  l'état-major.  Les  autres  retranchements  que  j'in- 
diquais ont  été  marqués  également  sur  cette  carte.  Celte  se- 
conde enceinte  est  à  l'ouest  sud-ouest  de  celle  dont  je  viens 
de  présenter  la  description.  (  Voir  la  Carte  de  l'état-major.  ) 

J'ai  interrogé  dernièrement  les  ouvriers  qui  exploitent  les 
silex  pour  l'entretien  des  routes ,  à  l'intérieur  du  camp  ;  ils 
m'ont  dit  n'avoir  rien  trouvé  dans  les  excavations  qu'ils  ont 
faites  depuis  quelque  temps. 

Le  bois  de  Queverue  mériterait  d'être  exploré  quand  on 
y  fait  des  coupes.  Le  chemin  qui  vient  à  Mithois  de  St- 
Pierre-sur-Dive  ,  passe  près  de  la  IMaladrerie  et  se  dirige  vers 
St-Georges ,  paraît  très-ancien. 

ESCOTS. 

Escots ,  Escos,  Ecos. 

L'église  d'Escots,  composée  d'une  nef  et  d'un  chœur  rec- 
tangulaires ,  paraît ,  si  l'on  observe  quelques  parties  de  ses 
murs,  pouvoir  remonter  jusqu'au  XIIIe  siècle,  peut-être  même 
à  la  fin  du  XIIe.  On  entrait  autrefois  dans  la  nef  par  une 
porte  latérale,  au  sud,  précédée  d'un  porche  en  bois:  on  voit 
encore  les  supports  ou  corbeaux  de  pierre  qui  portaient  la 
charpente  de  ce  porche.  L'entrée  actuelle  est  moderne.  La 
plupart  des  fenêtres  ont  été  défigurées  et  sont  également 
modernes  :  j'en  ai  remarqué  seulement  une  dont  la  baie  est 
surmontée  d'un  linteau  trilobé. 

La  tour  est  conforme  au  type  habituel  dans  le  pays,  c'est- 
à-dire  une  flèche  à  huit  pans ,  en  bois  el  très-aiguë ,  posée 


CANTON    DE   SÀLNT-PiliRRE-SUR-DIVE.  581 

sur  une  tour  carrée ,  également  en  bois  ;  le  tout  recouvert 
d'ardoise. 

Le  maître-autel  cache  un  autel  en  pierre  plus  ancien , 
supporté  par  deux  colonnes. 

La  cloche  porte  l'inscription  suivante  ,  d'après  les  notes  de 
M.  Pépin  : 

L'AN  1717  IAY  ÉTÉ  BÉNITE  PAR  Me  DENIS  TOVTAIN  CVRÉ  DE  CE  L1EV 
ET  NOMMÉE  MARIE  ANNE  ROSE  PAR  H*  ET  Pl  SGr  LOVIS  FRANÇOIS  DE  THI- 
BOVTOT  SIR  DE  TH<>iS ....  MANQVEVILLE  BARON  DOVV1LLE  LARIVlÈRE  ET 
DARM  ....  ET  AVTRE8  LIEVX  ....  GÉNÉRAL  DE  L'ARTILLERIE  DE  FRANCE, 
BRIGADIER  DES  ARMES  DU  ROY  CHcr  DB  L'ORDRE  ROYAL  MILITAIRE  DE  St 
LOVIS  ET  PAR  HAUTE  ET  I'te  DAME  MARIE  ANNE  ROSE  DE  MONTGOMERY 
....  ENTE  PAR  M  DVONË  DESCOTS  PATRONNE  HONORAIRE  DE  CE  LIEV 
SON  ÉPOVSE  ET  REPRÉSENTÉ  PAR  M  LEBLANC  PARCLEVR  INTENDANT  AVOCAT 
ET    DEMOISELLE    MARIE    MAGDELEINE     ANTOINE    LELBLANC 

Les  caractères  sont  un  peu  effacés ,  difficiles  à  lire ,  et 
quelques  lacunes  existent  dans  le  texte  de  cette  inscription, 
dont  nous  donnons  les  parties  principales. 

La  sacristie,  appuyée  sur  le  chevet  du  chœur,  porte  la 
date  1775. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Remy.  L'abbaye  de 
Vignats  nommait  à  la  cure. 

Dans  le  cimetière,  M.  Pépin  a  recueilli  quatre  inscriptions 
tumulaires. 

Les  deux  premières  appartiennent  à  la  famille  de  Mosgcs  : 

CY    GIT    LE    CORPS    DE    NOBLE    DAME   MARIE    ADELAÏDE 

JEAN    DE    CREVECOEUR    VEUVE    DE   MESSIRE    JEAN 

BAPTISTE    CLAUDE    JOSEPH    DE    MOGES     ECUÏER 

DÉCÉDÉE     AU    CHATEAU     DE    HOULBEC    IF.   1  5   DA 

OUT     1773     ÂGÉE    DE   32     ANS  ET    DIX  JOURS    PRIES 

DIEU    POUR    LE    REPOS    DE    SON    AMF, 

CY    GIT 

MESSIRE    JEAN    BAPTISTE 

JOSEPH    VICOMTE     DR 


582        STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


MOUES     AUTREFOIS    OFFICIER 

AU     RÉGIMENT    DU     ROI 

DÉCÉDÉ    LE   VENDREDI     28 

SEPTEMBRE    4  832    A     IIOULBEC 

ANCIEN    DOMAINE    DE   SA 

FAMILLE 

OU    IL    REPOSE   DANS    LE 

SEIN    DE   DIEU. 

Le  troisième  tombeau  est  en  forme  de  croix  ;  à  l'extrémité 
se  voient  deux  blasons  mutilés ,  supportés  par  deux  lions  et 
surmontés  d'une  couronne.  On  y  lit  : 

CY    GIT 

LE    CORPS  DE    MAITRE 

FRANÇOIS     LETELLIER 

PRÊTRE    CURÉ     DE    CE    LIEU 

LEQUEL   APRÈS    AVOIR  DESSER 

VI  CETTE   ÉGLISE   AVEC    ÉDI 

FICATION    L'ESPACE    DE    HUIT 

ANS    k    MOIS    EST    DÉCÉDÉ  LE 

TROIS     AVRIL    4  790    ÂGÉ  DE   48 

ANS.    PRIÉS    DIEU    POUR    LE 

REPOS    DE    SON    AME 

REQUIESCAT    IN     PACE 

AMEN. 

L'inscription  suivante  a  été  incrustée  clans  le  mur  de 
l'église  : 

M.  N.  p. 

CY    GIT    HONNÊTE    HOMME 

URBAIN    LE    MANISSIER 

ANCIEN    MAITRE    ES    ARTS 

DE    L'UNIVERSITÉ   DE    CAEN 

ABBÉ    PRÉSENTATEUR    DES 

HÉNÉFICES  DE    L'ABBAYE  DE 

S1   PIERRE     SUR   DIVES    CURÉ    DU 

MENI    BACLAY    ET    DESS*    DE 

S*    MARTIN    DE    FRESNAY     ET 


CANTON    DE    SAHNT-PIERRE-SUR-D1VE 


58a 


DKSCOTS    ACÉ    DE   76     ANS    ET    k 

MOIS   DÉCÉDÉ    LE     6     Xb™   1816   KB 

QOIESCAT    IN    PACE.    AMEN. 

On  conserve  une  riche  chasuble  dans  la  sacristie. 

Motte  et  emplacement  de  château.  —J'ai  vu  ,  il  y  a  quel- 
ques années,  tout  près  et  au  nord-est  de  l'église  d'Escots, 
sur  la  rive  gauche  de  l'Oudon ,  une  motte  arrondie  et  en- 
tourée de  fossés  que  j'ai  citée  dans  le  Ve  volume  de  mon 
Cours  d'antiquités,  p.  117. 

Château  de  Houlbec.  —  Le  château  de  Houlbec  est  situé 
dans  la  commune  d'Escots.  Nous  en  donnons  une  vue  d'après 


CHATEAU    DE    HOULBEC,    A    ESCOTS. 


les  dessins  de  M.   Pépin.  C'est  un  pavillon  carré,  flanqué  de 


58/*  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

quatre  tours  :  une  de  ces  tours  est  cylindrique  ,  construite  en 
pierre  ;  deux  autres  ,  et  celle  qu'on  voit  sur  le  premier  plan 
dans  le  dessin,  sont  construites  en  bois  et  prennent  la  forme 
hexagone  à  partir  du  premier  étage ,  mais  sont  rondes  et  en 
pierre  au  rez-de-chaussée  ;  leurs  toits  sont  ajourés  chacun 
d'une  petite  lucarne  trilobée.  Au  centre  de  l'entablement 
du  fronton  de  la  façade  existe  un  écusson  ,  sculpté  sur  une 
pièce  de  bois.  Cet  écusson,  surmonté  d'une  couronne  de 
marquis,  est  celui  des  Montgommery. 

Ce  château  est  entouré  d'eau,  à  l'entrée  d'un  bois,  tout 
près  et  à  droite  de  la  route  allant  de  St-Pierre-sur-Dive  à 
St-Martin-de-Fresnay  et  au  Billot.  Il  doit  remonter  au  XVIe 
siècle  et  appartient  à  M.  le  marquis  de  Moges  ,  membre  de 
l'Association  normande  ,  qui  n'y  vient  que  rarement  pour  ses 
affaires. 

D'après  les  renseignements  qu'a  bien  voulu  me  transmettre 
M.  de  Moges ,  son  grand-pcre  l'avait  acquis  de  la  famille  de 
Montgommery  ,  qui  en  faisait  alors  un  pavillon  de  chasse. 

Ce  petit  château  se  présente  d'une  manière  très-pitto- 
resque au  milieu  des  arbres  :  c'est,  d'ailleurs ,  un  des  plus 
anciens  de  la  contrée. 


LIEUREY. 

L'église  de  Lieurey  est  assez  homogène  et  une  de  celles 
qu'on  visitera  avec  intérêt  dans  le  canton  de  St-Pierre.  Elle 
se  compose  d'une  nef,  divisée  en  quatre  travées  par  des 
contreforts ,  et  d'un  chœur  en  retrait ,  qui  n'en  avait  que 
deux  ,  et  dont  le  chevet  a  été  masqué  plus  tard  par  une 
addition  à  pans  coupés  pour  la  sacristie. 

Une  porte  moderne  a  été  percée  dans  le  mur  occidental , 
qui  n'en  avait  pas  dans  l'origine  ;  car  on  voit  à  l'intérieur  de 


CANTON   DE    SAINT- P1ERRE-SUR-D1VE.  585 

la  nef,  dans  la  première  travée,  côté  sud,  le  tympan  d'une 
porte  bouchée  qui  devait  être  l'entrée  principale  autre- 
fois. 

La  nef  a  du  reste  conservé  ses  fenêtres  primitives ,  com- 
posées d'une  petite  lancette  sans  colonnes ,  ébrasées  à  l'in- 
térieur ,  dont  quelques-unes  seulement  ont  été  un  peu 
agrandies  sans  toutefois  que  l'on  ait  entamé  le  profil  ex- 
térieur. Cette  nef ,  qui  est  voûtée  en  merrain  avec  tirants , 
poinçons,  etc.,  communique  avec  le  chœur  par  une  arcade 
ogivale  (  arc  triomphal  )  ;  l'archivolte  de  cette  arcade  est 
portée  par  des  colonnes  dont  les  chapiteaux  me  paraissent 
du  XIVe  siècle  ;  au-dessus  de  cette  arcade  s'élève  un  porte- 
cloche  à  deux  baies  assez  élégant,  dont  les  montants  sont 
ornés  de  colonnes  à  chapiteaux  du  XIVe  siècle,  disposés 
comme  à  Mithois. 

Les  porte-cloches  sont  infiniment  plus  élégants  que  ces 
tours  qui  leur  ont  trop  souvent  été  substituées.  Celui  de 
Lieurey  est  une  des  parties  les  plus  intéressantes  de  celte 
église.  Nous  venons  d'en  voir  un  autre  plus  intéressant 
encore  et  plus  ancien  ,  mais  de  même  forme,  à  Mithois. 

Le  chœur  de  Lieurey  a  été  défiguré  par  l'ouverture  d'une 
grande  fenêtre  carrée,  du  côté  du  sud  ;  le  lambris,  qui  forme 
voûte ,  est  cintré  sans  poinçons  ni  tirants. 

Le  mobilier  de  l'église  ne  donne  lieu  à  aucune  observation  ; 
deux  petits  autels  sont  placés  à  L'extrémité  de  la  nef,  à  droite 
et  à  gauche  de  l'arc  triomphal. 

En  voyant  les  fenêtres  lancettes  de  la  nef  sans  colonnes , 
on  serait ,  au  premier  abord ,  porté  à  regarder  l'église  de 
Lieurey  comme  datant  du  XIIIe  siècle;  mais  si  l'on  considère 
que  les  colonnes  de  l'arc  triomphal  et  le  clocher-arcade 
paraissent  du  XIVe  siècle,  on  peut  croire  que  le  reste  est  de 
la  même  époque  ,  malgré  la  forme  étroite  des  fenêtres;  il  ne 
faut   pas  oublier  que  leur   forme  simple  (  lancettes  sans  co- 


586  STATISTIQUE  MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

lonnes)  a  dû  continuer  très -longtemps  d'être  en  usage  dans 
les  campagnes,  surtout  lorsqu'il  s'agissait  de  petits  édifices 
comme  celui  qui  nous  occupe. 

L'église  de  Lieurey  est  sous  l'invocation  de  saint  Paterne. 
L'abbé  de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure. 

On  voit,  dans  le  cimetière,  la  tombe  d'un  curé  nommé 
Aubin  ,  mort  en  1753  ,  à  l'âge  de  69  ans. 

Château  du  Robillard.  —  Ce  château ,  appartenant  à 
M.  d'Inf réville  ,  membre  du  Conseil  général ,  se  trouve  à  1 
kilomètre  à  l'est  de  l'église,  dans  un  vallon;  nous  en 
donnons  une  vue  d'après  le  croquis  de  M.  le  docteur 
Pépin.  La  partie  du  fond  est  la  moins  ancienne;  les  autres 
parties ,  la  grande  aile  droite  surtout ,  paraissent  appar- 
tenir à  la  première  moitié  du  XVIIe  siècle.  On  sait,  du  reste, 
qu'une  partie  de  ce  château  a  été  construite  sous  le  règne 
de  Louis  XIV  ,  par  Pierre  de  Montesquiou  ,  comte  d'Ar- 
taignan  ,  maréchal  de  France  ,  général  des  armées  du  roi , 
gouverneur  des  ville  ,  cité  et  citadelle  d'Arras,  chevalier 
des  ordres  de  Sa  Majesté,  mort  en  1725,  sans  héritiers. 
Sa  femme ,  Catherine-Elisabeth  de  L'Hermite  d'Hiéville , 
d'une  ancienne  famille  de  la  contrée ,  mourut  quelques 
années  après,  laissant  la  terre  du  Robillard  à  MM.  d'In- 
fréville ,   ses    plus   proches   parents. 

Manoir.  —  M.  le  docteur  Pépin  a  signalé  près  de  l'église, 
dans  le  village,  un  autre  manoir  ;  la  porte  d'entrée  de  la  cour 
porte  la  date  1622  ;  au-dessous  de  ce  millésime,  on  voit  un 
blason  d'hermine  au  chef  chargé  de  cinq  étoiles  ,  supporté 
par  deux  lions  et  surmonté  d'un  casque.  Ce  manoir,  qui  ap- 
partenait à  la  famille  d'Infréville  et  qu'elle  habitait  avant  l'hé- 
ritage qu'elle  fit  du  domaine  du  Robillard,  est  devenu  la 
propriété  de  M.  le  baron  de  Morell ,  puis  de  ML  le  marquis 


CANTON    DE  SA1NT-P1ERRE-SUR-D1VE. 


587 


588  STATISTIQUE  MONUMENTAL!:    DU    CALVADOS. 

d'Eyragues  ,    son    gendre  ,    ancien     ministre    plénipoten- 
tiaire (1). 


TOTES. 

L'église  de  Tôles  est  des  plus  pauvres ,  et  il  serait  bien 
difficile  d'en  indiquer  la  date  précise  ;  une  fenêtre  à  deux 
baies  ogivales  encadrées  sous  un  arc  cintré  qui  occupe  le 
chevet,  et  qui  éclairait  cette  partie  de  l'église,  avant  d'être 
bouchée  par  suite  de  l'établissement  de  l'autel  à  grand  ré- 
table ,  annonce  pourtant  le  XIVe  siècle. 

La  plupart  des  fenêtres  ont  été  refaites  de  forme  carrée. 
Pour  une  seule ,  qui  vient  d'être  terminée ,  on  a  adopté  la 
forme  de  l'ogive  ;  mais  autant  vaudrait  et  mieux  même  que 
l'on  eût  suivi  le  patron  des  autres  fenêtres ,  avec  lesquelles 
celle-ci  fait  le  plus  singulier  disparate. 

Les  fenêtres  primitives,  qui  restent  du  côté  du  nord, 
montrent  de  simples  meurtrières  à  linteau  droit. 

La  porte  occidentale  est  moderne  ;  une  tour  en  bois 
couverte  d'ardoises ,  à  pyramide  aiguë ,  sort  du  toit  corres- 
pondant à  la  première  travée  de  la  nef.  Les  voûtes  sont  en 
merrain.  La  sacristie  est  au  nord  du  chœur. 

M.  Pépin  a  relevé  les  deux  inscriptions  suivantes  dans  le 
cimetière  : 

CY    GIST    LE    CORPS   DE    MAISTRE  CLAUDE 

JACQUES    BLIVET     PKÊTRE    CURÉ    DE    TOTE 

DÉCÉDÉ    LE    18     NOVEMBRE   1782    ÂGÉ   DE    60    ANS 

PRIEZ    DIEU    POUB    LE   REPOS   DE   SON    AME. 

CY    GIT     LE    CORPS    DE    MAITRE    AUGUSTIN    BES 

(1)  Renseignements  communiqués  par  M.  le  comle  d'Infréville, 
membre  du  Conseil  général  du  Calvados. 


CANTON    DE   SAINT -PIERRE-SUR-DIVE.  589 

NARD    PRÊTRE    CURÉ    DE    TOSTES     DÉCÉDÉ 

LE   20  MAY     1745  ,    ÂGÉ    DE    50    ANS    PRIÉS 

DIEU     POUR    LE    REPOS    DE    SON    AMR 

Cette  église  était  sous  l'invocation  de  sainte  Marguerite,  à 
la  présentation  du  Chapitre  du  Séez. 

ïôtes  faisait  partie  delà  sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive, 
élection  de  Falaise. 

Grange  dîmière.  —  A  l'ouest  de  l'église ,  j'ai  remarqué 
tout  près  de  la  route  une  très-belle  grange  ancienne ,  avec 
porte  voûtée  en  cintre.  Je  suppose  qu'elle  appartenait  autre- 
fois au  Chapitre  de  Séez,  qui  nommait  à  la  cure  et  devait 
posséder  des  dîmes  à  Tôles. 


VAUDELOGES. 

Vaudeloges,  Vallis  Logiœ ,  Vallès  Logiœ. 

L'église  de  Vaudeloges  est  une  des  plus  anciennes  de  la 
contrée,  et  ses  murs  présentent  un  des  plus  beaux  appareils 
en  arête  de  poisson  que  l'on  puisse  citer  dans  le  Calvados. 
C'est  là  surtout  ce  qui  la  rend  intéressante,  et  il  faut  espérer 
qu'on  n'aura  pas  la  mauvaise  pensée  d'enduire  ces  murs  de 
chaux,  comme  on  l'a  fait  si  malencontreusement  dans  d'autres 
localités. 

Malheureusement  il  ne  reste  plus  qu'une  des  fenêtres  pri- 
mitives :  elle  se  trouve  dans  la  nef,  du  côté  du  nord;  c'est 
une  étroite  ouverture  ou  meurtrière  arrondie  au  sommet , 
fortement  ébraséc  à  l'intérieur  ;  toutes  les  autres  fenêtres 
sont  carrées  ,  modernes ,  à  l'exception  de  deux  qui ,  comme 
dans  plusieurs  autres  églises,  ont  été  établies  pour  éclairer 


590  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

les  petits  autels  élevés  près  de  Tare  triomphal ,  à  l'extrémité 
de  la  nef.  Il  n'est  pas  facile  d'indiquer  avec  certitude  l'âge 
de  ces  fenêtres  ogivales  ;  mais  elles  pourraient  dater  du  XVe 
ou  du  XVIe  siècle. 

La  nef  a  été  allongée  du  côté  de  l'ouest  quand  on  a 
établi  la  tour  ,  et  la  première  travée  est  moderne.  Le  chœur 
a  aussi  été  à  moitié  reconstruit;  la  partie  orientale  n'est 
pas  ancienne. 

Les  parties  romanes  sont  donc  encadrées  entre  deux 
constructions  modernes  ;  elles  forment ,  d'ailleurs  ,  les  trois 
quarts  environ  de  l'édifice  et  se  distinguent  facilement  du 
reste. 

On  entrait  dans  la  nef,  avant  l'allongement  qu'elle  a  reçu, 
par  une  porte  latérale ,  au  nord  ,  aujourd'hui  bouchée,  dont 
le  cintre  est  formé  de  claveaux  sans  moulures  et  le  linteau 
horizontal  de  trois  pièces.  Les  montants  ou  pieds-droits  de 
cette  porte  ,  aussi  simples  que  tout  le  reste,  sont  formés  de 
plusieurs  assises,  et  sur  l'une  d'elles  on  voit  ,  à  une  certaine 
hauteur,  la  représentation  grossière  d'un  cerf  aux  longs  bois 
poursuivi  par  un  personnage  à  cheval.  Sur  la  pierre  qui 
correspond  sur  l'autre  montant  on  trouve  le  même  person- 
nage à  cheval;  le  cerf  manque.  J'ai  vu  cette  représentation 
du  cerf  poursuivi  par  un  chasseur  sur  les  églises  les  plus 
anciennes,  et  celle  que  nous  avons  remarquée  à  Vaudeloges 
est  assez  barbare  pour  appartenir  au  XIe  siècle. 

Une  autre  porte  romane  ,  beaucoup  plus  étroite  ,  servait 
d'accès  au  chœur  du  côté  du  sud;  elle  offre  un  linteau  droit 
couvert  d'étoiles  reposant  sur  des  pieds-droits  sans  moulures. 

L'intérieur  de  l'église  n'a  rien  d'intéressant.  On  a  substitué 
dernièrement  une  large  arcade  semi -circulaire  à  l'arc 
triomphal  ancien,  qui  devait  être  curieux.  Le  chœur  est  voûté 
en  bois  avec  poinçons  et  tirants.  La  nef  a  reçu  un  nouveau 
lambris,  il  y  a  peu  de  temps. 


CANTON    DE    SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  591 

L'église  de  Vaudeloges  est  sous  l'invocation  de  Notre- 
Dame.  Le  roi  présentait  à  la  cure  avant  la  Révolution. 

Il  est  question  de  fondre  de  nouvelles  cloches  à  Vaude- 
loges ;  celle  qui  existe  date  de  1822. 

M.  Pépin  a  lu  les  inscriptions  suivantes  dans  le  cimetière  : 

CY    6IST    LE    CORPS 

DE    MESSIRE   CÉSAR    LÉONOR 

DE    VALOIS     SEIGNE1R 

DE     VAUDELOGES 

ET     AUTRES    LIEUX 

CHEVALIER     DE   L'ORDRE    ROYAL 

ET     MILITAIRE    DE    S1     LOUIS 

ANCIEN   CAPITAINE 

AU      RÉGIMENT     DE    SAINTONGE 

DÉCÉDÉ    LE    21    NOVEMBRE   \  780 

ÂGÉ    DE     67     ANS    PRIEZ    DIEU 

POUR    LE     REPOS    DE    SON     AME 

ICI    REPOSE 

LE   CORPS   DE    JOSEPH     MALHERBE 

DE    SAINT    AIGNAN    ANCIEN    CHANOINE 

DU    CHAPITRE    CATHÉDRAL  OFFICIAL 

ARCHIDIACRE    ET    VICAIRE  GÉN«1 

DU   DIOCESE    DE    SÉEZ    NÉ   EN    CETTE 

PAROISSE   DE    VAUDELOGES    LE    5    OCTOBRE    ET    BAPT. 

LE   6    DE    LAN    17A9    EN    CETTE    ÉGLISE 

LEQUEL    DÉCÉDÉ  A    SÉEZ    LE    6    9bre 

A    DEMANDÉ   A    ÊTRE    TRANSPORTÉ 

DANS   CETTE    SUSDITE   PAROISSE 

COMME    LIEU    DE    SA    NAISSANCE    ET 

POUR     ÊTRE    INHUMÉ     AU     CIMETIÈRE 

LE     PLUS     PRÈS     POSSIBLE    DE    L'AUTEL 

DE     LA    SAINTE     VIERGE    ET     QUE    LES 

MOTS  LATINS    QUI     SUIVENT    SOIENT 

INSCRITS    SUR    SA    TOMBE  : 

MO 

VIRGINI   QUE    MATRI 

AD     RF.PARANDI'M. 


592         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU  CALVADOS. 

Les  anciens  fonts  baptismaux  ,  en  forme  de  cuve  cylin- 
drique a  l'extérieur,  sont  quadrilobés  à  l'intérieur  ;  ils  sont 
jetés  dans  le  cimetière  au  milieu  des  tombes. 

Château.  —  Un  petit  château  situé  près  de  l'église  ap- 
partient à  M.  de  Magny  de  Rapilly ,  qui  a  épousé  MUe  de 
Valois  de  Saint-Léonard. 

Il  y  avait  encore  un  autre  fief  à  Vaudeloges. 


REVEILLON. 

L'église  de  Réveillon  est  un  peu  plus  importante  que  celle 
de  Tôtes ,  dont  nous  avons  parlé  et  dont  elle  est  voisine  , 
sans  être  pourtant  intéressante.  La  façade  occidentale  de  la 
nef  et  le  chevet  du  chœur  offrent  :  la  première ,  une 
porte  cintrée  surmontée  d'une  fenêtre  cintrée ,  subdivisée 
en  deux  baies  en  forme  de  lancette  sans  colonnes  ;  le  second 
(le  chevet  ) ,  une  fenêtre  pareille  à  la  précédente.  Ces  fenêtres 
me  paraissent ,  à  Réveillon ,  pouvoir  remonter  au  commence- 
ment du  XIVe  siècle.  Des  contreforts  garnissent  la  façade. 

La  plupart  des  fenêtres  de  la  nef  et  du  chœur  ont  été 
repercées  et  sont  carrées  ;  il  n'en  reste  plus  que  deux  en 
forme  de  lancettes-meurtrières,  du  côté  du  nord.  La  tour  en 
bois ,  couverte  d'ardoises ,  est  entre  chœur  et  nef.  Deux 
petits  autels,  appliqués  sur  les  murs  nord  et  sud,  se  trouvent 
à  l'entrée  du  chœur.  L'église  est  voûtée  en  bois. 

Une  sacristie  moderne  masque  une  partie  du  chevet. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Loup.  La  cure  était 
à  la  nomination  de  l'abbaye  du  Bec. 

Réveillon  faisait  partie  de  la  sergenterie  de  Montpinçon  , 
de  l'élection  d'Argentan  et  du  diocèse  de  Séez. 

On  y  comptait  Zi2  feux. 


CANTON   DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  593 


AMMEVILLE. 

Ammeville  ,  AumeviUa ,  Almevitla ,  Ammevilla. 

L'église  d' Ammeville  est  trop  peu  caractérisée  pour  être 
chronologiquement  classée;  elle  se  compose,  comme  presque 
toutes  celles  de  la  contrée ,  d'un  chœur  à  chevet  droit  en 
retrait  sur  la  nef,  également  rectangulaire.  Une  flèche  en  bois, 
couverte  en  ardoises,  correspond  à  l'extrémité  de  cette 
nef.  Deux  autels  orientés  garnissent  l'entrée  du  chœur  ;  le 
tout  est  voûté  en  -bois.  Toutes  les  fenêtres  ont  été  refaites. 
La  porte  occidentale  est  moderne. 

Autel  revêtu  de  pertes  en  nacre.  —  Si  cette  église  n'offre 
aucun  intérêt ,  elle  renferme  un  autel  extrêmement  remar- 
quable ,  cité  d'abord  par  feu  M.  Billon ,  de  Lisieux ,  et  que 
nous  avons  vu  avec  la  même  satisfaction  que  lui. 

Qu'on  se  figure  un  autel  dont  les  gradins ,  le  tabernacle , 
l'exposition  et  le  rétable,  ornés  de  colonnes  et  d'un  entable- 
ment corinthien  ,  sont  tapissés  de  perles  cylindriques  creuses 
fixées  par  des  fils  qui  les  traversent  et  forment  un  tissu  nacré 
qui  recouvre  le  tout;  les  feuilles  des  chapiteaux,  les  rinceaux 
courant  sur  les  gradins ,  toutes  les  moulures  ont  été  figurées 
par  ces  perles  ,  les  unes  jaunes,  les  autres  d'un  blanc  nacré  ; 
au  moyen  de  ces  deux  couleurs ,  on  a  pu  broder  des  dessins 
et  des  ornements  qui  ont  beaucoup  de  relief. 

Que  de  temps  il  a  fallu  pour  terminer  un  pareil  ouvrage! 
Ce  curieux  rétable ,  qui  provient  de  l'église  des  Capucins 
de  Lisieux,  avait  été  apporté  à  Ammeville  par  un  curé  con- 
stitutionnel ,  ainsi  que  nous  l'apprend  M.  Billon.  Il  aurait 
été  ,  dit-il ,  si  Ton  en  croit  la  tradition  ,  donné  par  un  pape 

à  un  des  évêques  de  Lisieux. 

38 


594  STATISTIQUE   rfô^UMEIN  J  ALt   DU    CALVADOS. 

Il  est  question  d'allonger  la  nef  et  d'avancer  l'autel  dans 
le  chœur  pour  établir  la  sacristie  derrière  :  cette  combinaison 
est  très-mauvaise  et  entraînera  peut-être  la  perte  de  ce 
curieux  autel;  j'ai  fait  ce  que  j'ai  pu  pour  en  dissuader, 
d'autant  plus  qu'il  existe  une  sacristie  accolée  au  sanc- 
tuaire ,  du  côté  de  l'évangile ,  et  que ,  si  elle  est  insuffisante  , 
rien  n'empêche  de  là  reconstruire  (1). 

M.  Billon  nous  apprend,  dans  son  intéressant  ouvrage 
sur  les  cloches  et  les  sonneries  françaises  et  étrangères,  que 
là  cloche  d'A'mmeville  est  une  de  celles  qui  composaient , 
avant  là  Révolution  ,  le  beau  carillon  de  l'église  St-Germain 
de  Lisieux  ;  elle  porte  l'inscription  suivante  : 

l'an   1738  j'ay    été     nommée  M ARG VERITE    gvillemette     par    GV1L- 

LAVME    LE  FORT  ET   MARGVERITE  LE    ROY    ÉPOVSE   DE    GVILLAVME  PICQVEÏSOT 
ÉCUEVIN    DE    CETTE    VILLE. 

L'église  d'Ammeville  est  sous  l'invocation  de  sainte  Ho- 
norine. 

Le  patronage  était  laïque  :  le  baron  de  Courcy  était  seigneur 
et  nommait  à  la  cure  aux  XVe  et  XVIe  siècles. 

J'ai  remarqué  dans  le  chœur,  du  côté  de  l'évangile  ,  une 
pierre  tombale  recouvrant  les  restes  de  Guillaume-Philippe 
de  Bernières,  écuyer,  prêtre-curé  de  cette  paroisse;  la  date 
de  la  mort  est  effacée  par  l'usure.  Il  existe  encore  dans  le 
pays  une  famille  de  ce  nom. 

Un  if  assez  vieux  se  voit  dans  le  cimetière. 


(1)  Trop  souvent  on  sacrifie  tout  pour  la  sacristie  1!  Rien  n'est  plus 
déplorable  que  les  travaux  qui  ont  été  faits  dans  plusieurs  églises,  pour 
placer  les  sacristies  là  où  elles  paraissaient  le  plus  commodes.  On 
oublie  le  principal  (l'église)  pour  l'accessoire,  et  l'on  mutile  pour 
satisfaire  des  besoins  qui  n'ont  rien  de  réel ,  et  n'existent  le  plus 
souvent  que  dans  l'imagination  ou  le  caprice  de  ceux  qui  les  réclament. 


CANTON    Dfc    SAINT-PlKfiR£-SUfi-DIVE.  SW 

Manoir.  — On  trouve  ,  à  quelque  distance  de  l'église  ,  un 
ancien  manoir ,  que  je  n'ai  pas  examiné ,  mais  dont  on  m'a 
signalé  l'existence. 

Ammeville  faisait  partie  du  diocèse  de  Séez,  de  l'élection 
de  Falaise ,  de  la  sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive.  On  y 
comptait  95  feux. 

ABBËVILLE. 

Abbeville ,  Abevilla. 

L'église  d'Abbeville  remonte  au  XIIIe  siècle,  si  j'en  juge 
par  la  porte  du  chœur,  ouverte  dans  le  mur  méridional  , 
laquelle  est  surmontée  d'un  segment  de  cercle  garni  de 
têtes  de  clous,  et  par  quelques  ouvertures  en  lancettes-meur- 
trières, ébrasées  à  l'intérieur;  deux  de  ces  lancettes  existent 
dans  le  mur  méridional  de  la  nef,  une  autre  dans  le  mur 
septentrional  du  chœur.  Les  autres  ont  été  remplacées  par 
des  fenêtres  carrées.  La  porte  principale  est  ouverte  dans 
le  mur  méridional  de  la  nef;  une  autre  porte,  plus  petite, 
se  trouvait  en  face  dans  le  mur  du  nord.  L'église  est  voûtée 
en  bardeaux.  La  tour  ,  aiguille  en  bois   couverte  d'ardoises , 

est  établie  sur  la  première  travée  de  la  nef. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.    Le  seigneur 

nommait  à  la  cure  ;  elle  dépendait  du  diocèse  de  Séez  et  de 

la  sergenterie  des  Bruns,  élection  d'Argentan.  On  y  comptait 

U5  feux  avant  la  Révolution. 

If.  —  L'if  qui  existe  dans  le  cimetière  est  un  des  plus 
remarquables  que  j'aie  rencontrés  et  complètement  creux , 
mais  vivant  toujours  par  l'écorce  et  par  les  branches  qui 
couronnent  le  tronc.  Le  diamètre  intérieur  est  tel  que  douze 
personnes  peuvents'y  tenir  assises.  Une  excroissance  du  tronc, 


596  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

à  1  mètre  environ   du  sol ,  forme  un  bourrelet  ou   banc 
naturel  à  l'intérieur  de  celte  chambre  circulaire. 

Hugues  de  Grandmesnii,  qui  vivait  au  XIe  siècle  ,  donna 
à  l'abbaye  de  St-Évroult  des  dîmes  à  Abbeville. 

Château.  —  Près  de  l'église  d'Abbeville  est  un  château 
qui  peut  dater  du  temps  de  Louis  XIV. 

GRANDMESNIL. 


Grandmesnii,  Grentonis  Mansio,  Grente  Maisnillium. 

L'église  de  Grandmesnii  est  sans  caractère  aucun ,  toutes 
les  ouvertures  en  sont  carrées  dans  la  nef.  Le  chœu  r  est  en 
retrait  sur  la  nef;  on  y  a  fait  récemment  des  fenêtres  en 
forme  d'ogive.  Le  tout  est  garni  d'un  lambris  en  bois. 

L'église  de  Grandmesnii  est  sous  l'invocation  de  saint 
Martin.  L'abbaye  de   St-Évroult  nommait  à  la  cure. 

Les  seigneurs  de  Grandmesnii  avaient  un  château  situé 
à  Norrey ,  Nuceretum ,  localité  que  nous  avons  explorée  et 
décrite  dans  le  tome  II  de  la  Statistique  monumentale ,  en 
parcourant  l'arrondissement  de  Falaise  (canton  de  Coulibœuf). 

Le  plus  ancien  Grandmesnii  connu  est  Robert  Ier  qui , 
pendant  la  minorité  de  Guillaume-le-Bâtard ,  fut  blessé  mor- 
tellement, en  juin  1050,  dans  un  combat  près  Bernay  ; 
Hugues  de  Grandmesnii,  son  fils,  fut  vicomte  de  Leycester, 
gouverneur  de  Winchester,  et  mourut  moine  en  1093.  Son  fils 
accouru  devant  le  château  de  Courcy ,  assiégé  par  le  duc 
Robert,  y  fut  fait  prisonnier.  £n  1096  ,  deux  .fils  de  Hugues 
de  Grandmesnii  accompagnèrent  le  duc  Robert  à  la  croisade. 

La  famille  de  Grandmesnii ,  qui  fut  une  des  bienfaitrices 
de  St-Évroult,  a  été  souvent  mentionnée  dans  l'Histoire  d'Or- 
deric  Vital  ;  elle  devait  avoir  un  château  dans  le  voisinage  , 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DiVE.  597 

et  l'on  m'a  signalé,  près  de  Montreuil,  une  motte  qui  pourrait 
bien  lui  avoir  appartenu  (1). 

Grandmesnil  faisait  partie  de  l'élection  d'Argentan  et  de 
la  sergenterie  des  Bruns;  on  y  comptait  100  feux.  Aujour- 
d'hui, la  population  est  de  271  habitants. 

Ancienne  voie.  —  Le  chemin  de  Lorée  ,  très-ancienne 
voie  que  quelques  personnes  ont  regardée  comme  romaine, 
vient  aboutir  près  de  la  butte  de  Caumont ,  à  2  kilomètres  au 
sud  de  l'église  de  Grandmesnil.  Il  se  dirige  ensuite  vers  le 
bourg  de  Trun  ou  plutôt  vers  Fontaine-les-Bassets. 

GARNETOT. 

Garnetot,  Guernetot. 

L'église  de  Garnetot,  qui  est  des  plus  insignifiantes  et  des 
plus  pauvres  ,  peut  appartenir  au  XVIe  siècle  pour  quelques 
parties  de  ses  murs  ;  mais  elle  a  été  reprise  en  sous-œuvre , 
et  la  brique  a  été  employée  dans  le  chœur  et  dans  d'autres 
parties.  Toutes  les  fenêtres  sont  carrées,  modernes;  plusieurs 
sont  munies  de  contrevents  en  bois  ,  parce  qu'elles  sont  peu 
élevées  au-dessus  du  sol. 

(1)  Les  sires  de  Grentemesnil  étaient  puissants  et  illustres  dans  le 
XIe  siècle  (  Voii\Orderic  Vital,  Uist.  de  Normandie).  Robert  de  Grente- 
mesnil, qui  avait  pris  parti  pour  Toeny  de  Conches  ,  périt  avec 
lui  dans  le  combat  qu'il  soutint  contre  les  fils  du  comte  de  Pont- 
Audemer  (Dumoulin,  liv.  VII,  page  127),  et  fut  enterré  à  Norrey. 
Son  fils  Hugues  était  a  la  bataille  d'Hastings  :  il  fut  emporté  par  son 
cheval  vers  les  rangs  de  l'ennemi,  et  courut  un  grand  danger  (  Rob. 
Wace,  Roman  de  Rou,  vers  13570  et  suivants).  Il  obtint  de  Guillaume 
un  grand  nombre  de  seigneuries  dans  les  comtés  iVHcivford ,  de  Glo- 
cester,  de  Northampton,  de  Leicester  ,  de  Warwick ,  etc. — Voirie 
Doomsday-Book ,  tome  Ier,  Toi.  138  B,  224  B,  232,  262,  291  B,  et 
tome  II,  fol.  169. 


598  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

La  porte  occidentale,  moderne,  est  cintrée.  La  tour  est 
en  bois ,  de  la  forme  ordinaire ,  avec  une  aiguille  couverte 
en  essente. 

Sur  la  porte  qui  sert  à  accéder  au  chœur,  du  côté  du  sud, 
sont  sculptés  deux  écussons  surmontés  d'une  couronne.  Ils 
ont  été  mutilés  à  la  Révolution ,  et  on  ne  distingue  plus  les 
figures  qu'ils  portaient. 

Deux  beaux  ifs  précèdent  le  portail.  Près  de  l'un  d'eux, 
j'ai  observé  les  débris  d'une  pierre  tumulaire  cruciforme 
qui  peut-être  recouvrait  le  corps  d'un  curé. 

L'église  de  Garnetot  était  sous  l'invocation  de  saint  Deuis. 
Le  seigneur  nommait  à   la  cure. 

Garnetot  dépendait  de  l'élection  d'Argentan  ,  de  la  ser- 
genterie-  de  Montagut  ;  on  y  comptait  71  feux.  Aujourd'hui, 
il  n'y  a  que  160  habitants  environ. 

Château.  — Le  château  de  Garnetot  est  moderne  ;  il  est  situé 
à  Û00  mètres  environ  de  distance  au  sud-est  de  l'église,  dans  la 
vallée  ;  il  appartient  à  M.  Gauthier  de  Garnetot  qui  l'habite. 
Une  belle  allée,  de  1  kilomètre  de  longueur ,  garnie  d'épicéas, 
de  mélèzes  et  d'autres  arbres  s'élève,  par  une  pente  bien 
calculée,  jusqu'au  haut  du  coteau  où  elle  aboutit  à  la  grande 
route  de  Livarot  à  Trun. 

Faits  historiques.  —  Un  sire  de  Garnetot  est  cité  par 
Masseville  au  nombre  des  seigneurs  qui  accompagnèrent 
Robert  Gourte-Heuse  à  la  croisade  en  1096  ;  mais  comme  ou 
trouve  une  commune  de  Garnetot  dans  la  Manche  ,  il  peut 
exister  quelques  doutes  sur  la  question  de  savoir  si  le  sei- 
gneur qui  accompagna  le  Duc  était  de  Garnetot  près  de  St- 
Pierre-sur-Dive ,  ce  qui  pourtant  est  probable. 


CANTON    DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  599 


NOTRE-DAME-DE  FRESNAY. 


Notre-Dame-de-Fresnay ,  Beata  Maria  de  Fraxino ,  de 
Fresneio, 

L'église  de  Notre-Dame-de-Fresnay ,  composée  d'une  nef 
à  trois  travées  et  d'un  chœur  à  deux  travées ,  proportion 
qui  s'observe  presque  partout  ,  montre  une  façade  occi- 
dentale dont  le  pignon  est  couronné  d'un  antéfixe  découpé 
à  jour,  avec  porte  cintrée  surmontée  d'un  oculus  dont  les 
caractères  annoncent  le  XVIe  siècle.  C'est ,  probablement , 
à  la  même  époque  qu'il  faut  attribuer  une  partie  des  murs 
et  une  ouverture  à  linteau  en  accolade  (  côté  sud);  mais 
diverses  fenêtres  carrées  sont  d'une  époque  moins  an- 
cienne. 

La  flèche,  en  bois ,  est  une  des  plus  jolies  tours  de  ce  genre 
si  communes  dans  le  Pays- d'Auge.  On  remarque  sur  quatre 
de  ses  huit   pans  des  lucarneaux  trilobés. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  L'abbaye 
de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure  ;  elle  dépendait  du 
diocèse  de  Lisieux.  On  y  comptait  98  feux.  La  paroisse  était 
comprise  dans  l'élection  d'Argentan  et  la  sergenterie  de 
Montpinçon. 

M.  Pépin  a  fait  le  dépouillement  des  actes  de  l'état  civil 
de  Notre-Dame-de-Fresnay,  à  partir  de  1(380:  on  y  trouverait 
d'utiles  documents  pour  une  histoire  spéciale  de  la  com- 
mune. 


600  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


SAINT-MARTIN-DE-FRESNAY. 

St-Martin-de-Fresnay ,  Sanctus  Martinus  de  Fresneio  , 
Fraxinetum ,  Fresneium. 

Quelques  parties  des  murs  de  la  nef  peuvent  remonter 
au  XIIIe  siècle  ;  mais  toutes  les  fenêtres  de  cette  partie  de 
l'église  sont  modernes  et  carrées.  La  porte  occidentale  est 
neuve  ,  et  je  suppose  qu'autrefois  on  entrait  du  côté  du  sud. 
Une  flèche  en  bois  et  ardoise  s'élève  sur  la  première 
travée  de  cette  nef,  qui  est  voûtée  en  bois  avec  tirants  et 
poinçons. 

Le  chœur  a  été  tout  récemment  remanié  intérieurement. 
On  y  a  fait  des  voûtes  et  orné  les  murs  de  colonnettes  dans 
le  style  du  XIIIe  siècle;  des  fenêtres  ogivales  y  ont  aussi 
été  ouvertes.  Le  chœur  a  deux  travées  ;  la  nef  en  a  trois. 

En  dépavant  le  chœur,  il  y  a  quelques  années,  on  a  trouvé 
un  fragment  de  tombe  du  XVIe  siècle  avec  inscription  en 
lettres  gothiques,  dont  il  ne  restait  plus  que  quelques  mots. 
Une  autre  tombe  bien  conservée ,  et  qu'on  se  proposait  de 
replacer  dans  le  chœur,  portait  l'inscription  suivante  : 

CY    GIST 

MESSIRE    FRANÇOIS 

PHILIPPE   DE   FRES 

NAY    CHEVALIER 

SEIGNEUR    DE   LA 

RIVIÈRE    ANCIEN 

MILITAIRE    AGE    DE 

SOIXANTE   ET   DIX 

HUIT    ANS    MORT    LE 

44   JUILLET    1772 

PRIEZ   DIEU    POUR 

LE    REPOS   DE   SON 

AME. 


CANTON   DE   SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  601 

Un  écusson  gravé  en  tête  de  cette  pierre  tombale  est 
surmonté  d'une  couronne  de  marquis,  et  porte  d'azur  aux 
trois  fers-à-cheval  d'argent  séparés  par  une  fasce  d'or. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Martin.  Le  seigneur 
nommait  à  la  cure  (  première  portion  )  :  c'était ,  au  XIVe 
siècle  ,  un  Richard  de  Tilly  qui  était  seigneur ,  et  alors  la 
cure  se  divisait  en  deux  portions.  Le  duc  de  Normandie  , 
puis  le  Roi  nommèrent  à  la  seconde  portion. 

St-Martin-de-Fresnay  faisait  partie  de  l'élection  d'Argen- 
tan et  du  diocèse  de  Séez.  On  y  comptait  665  habitants  au 
siècle  dernier  ;  il  n'y  en  a  plus  que  306  à  présent. 

Sépulture  de  famille.  -  Derrière  le  chevet  de  l'église  on 
remarque  un  édicule  élégant ,  de  style  ogival ,  destiné  à  la 
sépulture  de  la  famille  Regnouf. 

Château.  —  M.  Regnouf ,  membre  et  inspecteur  de  l'As- 
sociation normande,  possède  le  château  de  St-Martin.  Il 
appartenait  auparavant  à  M.  d'Amfréville.  Celte  habitation 
occupe  une  position  fort  belle,  elle  domine  une  charmante 
vallée  ;  des  bois  et  des  promenades  environnent  et  cou- 
ronnent le  coteau  de  la  manière  la  plus  heureuse. 

Motte.  —Une  ancienne  motte  de  château  existe  au  milieu 
de  ces  bois;  elle  était  entourée  de  fossés.  On  voyait  au- 
trefois au  nord-ouest  de  l'église,  au  fond  de  la  vallée  ,  quel- 
ques traces  d'une  autre  forteresse  moins  considérable  (1). 


SA1M-GEOKGËS-EN-AUGE 


St-Georges-en-Auge,  ecclesia  Sancti  Georgii  in  Algia. 
L'église  St-Georges   est  rectangulaire  avec  des  transepts 

(1)  V.  mon  Cours  tf  antiquités,  t.  V  ,  p.  115. 


f>02  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

peu  saillants.  Quelques  parties  des  murs  et  des  contreforts 
peuvent  remonter  au  XÏIP  siècle,  ce  qui,  du  reste,  est 
très-incertain  ;  mais  toutes  les  ouvertures  ont  été  moder- 
nisées ;  toutes  les  fenêtres  sont  carrées  ;  les  murs  du  transept 
nord  sont  plus  anciens  que  ceux  du  transept  sud,  qui  pa- 
raissent avoir  été  refaits  à  une  époque  assez  récente. 

La  tour,  avec  flèche  en  bois  de  forme  ordinaire,  cou- 
verte d'ardoises ,  occupe  la  partie  occidentale  de  la  nef.  La 
sacristie  est  accolée  au  chevet.  Les  anciennes  voûtes  en  bois 
ont  été  remplacées  par  du  plâtre. 

Cette  église  est  sous  l'invocation  du  saint  dont  elle  porte 
le  nom.  L'abbé  de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure. 


LE  TILLEUL. 

Le  Tilleul  ,  TMiolum,  ecclesia  de  TiUiolo. 

L'église  du  Tilleul ,  qui  n'a  absolument  rien  d'intéressant 
et  qui  est  réunie  à  St-Georges ,  s'élève  sur  un  mamelon  qui 
domine  l'extrémité  d'une  petite  vallée.  On  croirait,  en  voyant 
cette  éminence  coupée  presque  à  pic  du  côté  de  l'ouest, 
qu'elle  aurait  fait  partie  de  l'enceinte  fortifiée  d'un  château  ; 
mais  bien  d'autres  églises  du  Pays-d'Auge  occupent  des  po- 
sitions semblables. 

Comme  toujours,  le  chœur  est  moins  large  que  la  nef.  La 
sacristie  a  été  prise  sur  la  longueur  du  chœur  et  placée 
derrière  l'autel.  Toutes  les  fenêtres  sont  carrées,  avec  mon- 
tants en  pierre  de  taille  qui  descendent  au-dessous  des  ou- 
vertures jusqu'au  niveau  du  sol.  Tout  cela  annonce  une  re- 
construction peu  ancienne.  Je  ne  sais  si  le  millésime  1776, 
gravé  sur  un  des  montants  de  la  porte  occidentale ,  indique 
la  date  de  cette  reconstruction  :  cela  est  douteux  et  s'applique 
probablement  à  la  porte  seulement  ;  mais  la  reconstruction 


CANTON    DE    SAINT-PIERRE-SUR-DIVE.  603 

générale  précède  au  plus  de  50  années  la  date  que  je  viens 
de  transcrire.  Il  y  a  pourtant  des  parties  plus  anciennes  dans 
cette  pauvre  église.  La  petite  porte  cintrée  qui  accède  au 
chœur  du  côté  du  sud,  et  qui  est  bordée  d'un  tore,  pourrait 
être  du  XVIe  siècle. 

La  tour,  en  bois  avec  flèche,  est  placée  à  l'ouest.  La  nef  et 
le  chœur  sont  voûtés  en  bois.  Deux  petits  autels  sont  placés 
obliquement  entre  chœur  et  nef. 

Cette  église  est  sous  l'invocation  de  saint  Aubin.  Le  sei- 
gneur nommait  à  la  cure. 

On  lit  dans  le  cimetière,  sur  une  pierre  en  forme  de  croix  : 

ICI    REPOSE     LE    CORPS    DE 
M.    JEAN    BAPTISTE   JAMAR1) 
AVl    ÉPOUX     DE    Me    FRANÇOISE 
DOMINIQUE    DE    MALHERBE 
DÉCÉDÉ  LE    15    OCTOBRE  1823 
ÂGÉ  DE    75    ANS 
PRIEZ    DIEU    POUR     LE    REPOS 
DE    SON    AME. 

Plusieurs  habitations ,  dont  une  est  tout  près  el  à  l'ouest 
de  l'église  et  l'autre  au  sud-ouest ,  ont  une  certaine  impor- 
tance ;  l'une  appartient,  je  crois,  à  la  famille  qui  porte  le 
nom  de  la  commune. 


MOXTPINÇON. 

Montpinçon  ,  Monte  Pinchon  ,  Mons  Pincionxs  ,  ecclesia 
de  Monte  P inc honis ,  était  le  chef-lieu  d'une  sergenterie. 

L'église  de  Montpinçon  est  bâtie  sur  une  éminence  de 
sable  vert  qui  domine  les  vallées  voisines,  quoiqu'elle  soit 
elle-même  dominée  par  des  plateaux  de  craie  verte.  Du  ci- 
metière on  aperçoit  au  loin  la  plaine,  à  loues^et  au  nord- 


60&  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

ouest.  Cette  église  est  sans  intérêt  ;  les  appareils  sont  trop 
peu  caractérisés  pour  permettre  d'indiquer  une  date  ,  et  ils 
ont  été  refaits  en  grande  partie  ;  les  murs  paraissent  avoir 
été  exhaussés.  Une  porte  toute  moderne  s'ouvre  à  l'ouest, 
au  milieu  de  plusieurs  contreforts  ;  elle  est  surmontée  de 
Pécu  de  France. 

Cette  église  ressemble ,  du  reste ,  à  toutes  les  autres.  La 
tour  est  aussi  en  bois  ,  couverte  d'ardoises.  Une  sacristie  en 
bois  avec  remplissage  de  mortier  est  appliquée  sur  le  chevet, 

L'église  de  Montpinçon  est  sous  l'invocation  de  la  Sainte- 
Croix.  Le  duc  de  Normandie  nommait  à  la  cure  au  XIVe 
siècle.  Depuis  cette  époque  ce  droit  fut  exercé  par  le  roi 
jusqu'à  la  Révolution  ,  c'est  pourquoi  l'écusson  de  France  a 
été  rétabli  sur  la  porte  occidentale. 

Château.  —  Je  n'ai  pas  vu  les  restes  de  l'ancien  château, 
mais  on  les  signale  à  l'ouest  de  l'église  ,  près  du  hameau 
de  la  Roque.  Reste  à  savoir  si  ce  sont  les  vestiges  du  château 
des  seigneurs  du  XIe  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il  y  avait  un 
château  de  Montpinçon  au  XIe  siècle.  Dans  une  charte  de 
107/r  et  dans  le  livre  Ier  d'Orderic  Vital,  il  est  fait  mention 
de  Raduife  de  Montpinçon  ,  dapifer  de  Guillaume-le-Con- 
quérant  ;  ce  Raduife  fut  inhumé  dans  le  cloître  de  l'abbaye 
de  St-Évroult;  il  laissa  pour  fds  Hugues,  également  enterré 
dans  cette  abbaye.  En  1102,  Hugues  de  Montpinçon  s'opposa, 
avec  Robert  de  Courcy ,  son  voisin ,  au  pillage  de  la  gar- 
nison du  château  de  Vignats  appartenant  aux  Bellesme 
(Orderic  Vital ,  livre  IX  ;  Dumoulin,  livre  VIII). 

Hugues  de  Montpinçon  avait  épousé  Mathilde,  fille  de 
Robert  de  Grentemesnil  (  Orderic  Vital ,  livre  VIII  ,  t.  III , 
p.  317  de  la  Traduction  )  :  opposé  au  roi  d'Angleterre, 
Henry  Ier,  il  fut  réduit  à  se  soumettre  à  ce  prince.  Un  de 
ses  fils,  Guillaume  de  Montpinçon  ,  défendit  vigoureusement 


CANTON    DE   SA.1NT-PIERRE-SUR-DIVE.  605 

le  château  de  Montreuil-en-Houlme  et  repoussa  Geoffroy 
Plantagenet,  comte  d'Anjou  ,  qui,  malgré  deux  assauts,  ne 
put  emporter  la  place  ;  après  la  conquête  de  la  Normandie 
(1204  ),  Philippe-Auguste,  roi  de  France,  donna  la  terre  de 
Montpinçon  à  Guérin  de  Glapion ,  grand-sénéchal  de  Nor- 
mandie, qui  avait  abandonné  le  parti  de  Jean-Sans-Terre. 

Voies  anciennes. — Le  chemin  de  Lorée  et  une  autre  voie, 
que  M.  de  Saint-Basile  regarde  comme  une  voie  romaine 
venant  de  Lisieux,  traversent  la  forêt  de  Montpinçon  et  doi- 
vent se  réunir  près  de  la  butte  de  Caumonl ,  au  sud  de 
Grandmesnil. 

MONTVIKTTE. 

Montvielte ,  Mons  Vietœ. 

L'église  de  Monlviette  s'élève ,  comme  la  plupart  des 
églises  de  cette  contrée ,  sur  une  éminence  à  mi-côte  qui 
domine  la  vallée  voisine.  Dans  cette  vallée  coule  un  ruisseau, 
affluent  de  la  rivière  de  Viette.  Comme  dans  beaucoup 
d'autres  églises  de  la  contrée ,  ses  fenêtres  sont  carrées  et 
modernes  ;  mais  quelques  parties  des  murs  appartiennent  à 
des  dates  plus  anciennes. 

La  porte  occidentale  cintrée,  avec  un  vitrage  au-dessus 
des  battants,  et  la  plus  grande  partie  de  la  façade  occidentale 
me  paraissent  du  XIXe  siècle  et  ne  datent  peut-être  que 
de  quelques  années.  La  voûte  est  en  merrain  et  le  clocher 
en  bois  couvert  d'ardoises ,  de  la  forme  habituelle  et  terminé 
par  une  flèche  aiguë.  Il  est  entre  chœur  et  nef  et  repose  sui- 
des poutres  travcrsiôres.  Cette  charpente  à  jour  n'interrompt 
pas  complètement  la  vue  de  la  voûte  et  est  très-solide.  J'en 
ai  trouvé  plusieurs  fois  de  pareilles  dans  le  Pays-d'Auge  ; 
mais  MM.  les  curés  leur  font  une  guerre  acharnée  et  font 


606  STATISTIQUli    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

refaire  les  tours  à  l'extrémité  occidentale  de  la  nef  :  ce  sont 
pourtant  des  constructions  en  bois  intéressantes  et  que  je 
regrette  de  voir  disparaître. 

Le  clocher  renferme  deux  cloches  :  la  plus  petite  porte 
l'inscription  suivante  relevée  par  M.  Pépin  : 

IAY  ÉTÉ  BÉNITE  PAR  Me  IVLIEN  MARTIN  CVRÉ  DE  CETTE  P,e  ET 
NOMMÉE    LOVISE    PAR   MESSIRE   GVILLAVME    DE 

PANTHOV  CHEVr  SGr  ET  PATRON  û'ÉCOTS,  MONVIETTE ,  S*  GEORGES  E* 
AUGE,     S1   MARTIN   DE   FRESNAY ,     POIX  ,  LA  GRAVBLLE 

HEVRTEVENT,  MENIL  BACLEY  SGr  DV  FIEF  DV  HOMME  ET  AVTRES  LIEVX 
ANCIEN    CAPITAINE  AV     RÉGIMENT   DE    PIÉMONT     ET    NOMMÉE     PAR 

NOBLE  DAME  LOVISE  THÉRÈSE  DE  MARTILLIÈRE  COMTESSE  DE  PANTHOV, 
l'année  1766. 

LAVILLETTE    DE    LISIEVX    m'a    FAITE  ,    PETIT    TRESr  EN    L'ANNÉE  1766. 

Le  font  baptismal  en  pierre  calcaire,  de  la  forme  d'un  vase 
hémisphérique,  est  porté  sur  quatre  pieds  contournés  comme 
les  pieds  d'un  meuble.  Cette  forme  insolite  donne  un  certain 
intérêt  à  ce  font  baptismal,  qui  pourrait  remonter  au  temps 
de  Louis  XIV. 

Deux  petits  autels  existent  à  l'extrémité  de  la  nef  près  du 
chœur ,  et  le  grand-autel  est  adossé  au  cheVet. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  Notre-Dame.  Le  seigneur 
nommait  à  la  cure. 

Plusieurs  habitations  existent  sur  le  territoire  de  Mont- 
viette  ,  et  quelques-unes ,  probablement ,  étaient  d'anciens 
tiefs. 

Le  chemin  de  Lorée  passe  à  1  kilomètre  1/2  à  l'est  de 
l'église  de  Montviette. 

Camp  romain.  —  On  signalait  un  camp  romain  à  l'extré- 
mité de  là  commune  de  Montviette  ,  dans  lés  bois  du  Val- 
Boutry  ;  mais  ces  bois  sont  en  grande  partie  défrichés  et  je 


CANTON    DE    SA'UN'T-PlEilRti-SUR-DIVE.  607 

n'ai  plus  trouvé,  cette  année,  que  quelques  traces  très-faibles 
de  l'enceinte  :  heureusement  elle  a  été  marquée  sur  la 
Carte  de  l'état-major  ;  c'était  une  enceinte  carrée-longue  qui 
était  tout  près  et  au  nord  de  la  route  départementale  de  St- 
Pierre  à  Livarot  (  Voir  la  Carte  de  l'étal-major  ). 

LES    AUTELS. 

Les  Autels ,  Sanctus  Georgius  de  Altaribus ,  Altaria  in 
Alga. 

L'église  des  Autels  est  en  grande  partie  démolie  :  il  ne 
reste  plus  !qu'une  partie  du  chœur ,  qui  ne  doit  pas  re- 
monter au-delà  de  la  fin  du  XVIe  siècle ,  d'après  le  témoi- 
gnage de  M.  de  Saint-Basile. 

Elle  était  sous  l'invocation  de  saint  Georges.  L'abbé  de 
St-Ouen  de  Rouen  nommait  à  la  cure.  Ce  lieu  avait  été 
donné  à  St-Ouen  par  Stigaud ,  premier  du  nom  ,  du  temps 
de  Richard  II.  Il  est  appelé  Altaria  quœ  sunt  in  Alga  super 
aquam  Lemone  dans  une  charte  de  1063.  La  rivière  voi- 
sine porte  toujours  le  même  nom. 

Cette  paroisse  est  réunie,  pour  une  partie,  à  celle  de  Mont- 
pinçon  ;  le  reste  dépend  de  St-Basile  et  fait  partie  du 
canton  de  Livarot. 

LA    GRAVELLE 

La  Gravelle ,  Gravalla  ,  Gravella. 

La  paroisse  de  La  Gravelle  est  réunie  à  celle  de  Moniviette. 

L'église  n'offre  de  digne  d'être  cité  qu'une  porte  occi- 
dentale à  plein-cintre ,  dont  les  claveaux  réguliers  et  bien 
appareillés,  en  pierre  de  taille,  reposent  sur  des  impostes 
taillés    en    biseau   et    sur   des   pieds-droits  sans  colonnes  ; 


608  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

la  double  voussure  de  cette  porte  est  bordée  d'une  cymaise 
chargée  d'étoiles ,  ce  qui  indique  assez  le  XIIe  siècle. 

Hormis  cette  partie  de  la  façade  qui  se  trouve  encadrée 
dans  une  maçonnerie  moins  ancienne ,  mais  aussi  en  pierre 
de  taille  ,  et  le  chevet  dans  lequel  on  voit  une  fenêtre 
ogivale  bouchée ,  l'église  appartient  à  la  période  moderne. 
Toutes  les  fenêtres  sont  carrées.  Toutefois,  les  parties  basses 
ou  fondations  paraissent  plus  anciennes ,  et  il  est  probable 
que  quelques  parties  de  murs  ont  été  ménagées  lors  de  la 
reconstruction  du  XVIIIe    siècle. 

Les  voûtes  sont  en  merrain  avec  entraits.  Un  porche  en 
bois  précède  l'entrée  occidentale  :  il  porte  l'inscription 
suivante  : 

LAN    1668 

Me   BERTHAVME    ESTANT    EN    CE    PAYS 

AVMONA     DE     SON    BIEN    POVR    ME    BATIR     ICY 

PASSANT    Dï     VN    PATER    ET    VN    AVE    P     LVY. 

On  remarque,  au  bas  du  tableau  qui  orne  le  rétable  du 
maître-autel,  un  blason  qui  est  d'or  à  la  bande  d'azur 
bordée  de  gueules  chargée  de  trois  croix  alésées  d'argent. 
Sur  les  deux  tableaux  du  petit  autel  qui  accompagne  l'arc 
triomphal ,  le  même  blason  est  surmonté  d'un  casque  vu  de 
face  et  grillé. 

La  tour,  conforme  à  toutes  celles  de  la  contrée  et  cou- 
verte en  ardoise ,  surmonte  l'entrée  de  la  nef. 

Une  sacristie  est  accolée  au  chevet  rectangulaire. 

L'église  de  La  Gravelle  est  sous  l'invocation  de  saint 
Pierre.  L'abbaye  de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure. 

La  Gravelle  faisait  partie  du  diocèse  de  Lisieux  et  de  la 
sergenterie  de  Montpinçon  ;  on  y  comptait  51  feux. 

Château, — Près  de  l'église  est  un  manoir  ou  petit  château 


CANTON    DE   SAINT-PJERRE-SUR-DIVE.  609 

qui  communique  avec  le  cimetière  et  qui ,  comme  l'église, 
domine  la  petite  vallée  voisine. 

Chemin  de  Lorée, —  Le  chemin  de  Lorée  passe  à  moins 
de  1  kilomètre  à  Test  de  l'église  de  La  Gravelle. 

BOISSEY. 

Boissey ,  ecclesia  de  Bouxeio,  Bouxceium. 

Tl  est  très-difficile  d'assigner  une  époque  à  l'église  de 
Boissey,  car  les  fenêtres  sont  presque  toutes  refaites  de 
forme  carrée  ,  et  l'on  ne  voit  plus  qu'une  seule  ouverture  en 
ogive;  elle  est  dans  le  mur  méridional  du  chœur.  Les 
appareils  de  la  façade  occidentale  et  quelques  parties 
du  mur  septentrional  de  la  nef  sont  un  peu  plus  carac- 
térisés que  les  autres.  Quatre  contreforts  garnissent  la 
façade  occidentale  ,  au  centre  de  laquelle  s'ouvre  une  porte 
cintrée  moderne.  La  tour  en  bois ,  de  forme  ordinaire  ,  sur- 
monte cette  partie  de  la  nef. 

L'arc  triomphal  a  été  récemment  élargi  :  selon  l'usage , 
deux  autels,  l'un  dédié  à  la  Sainte-Vierge ,  l'autre  à  saint 
Pierre ,  occupent  l'espace  compris  entre  cet  arc  et  les 
murs  latéraux  de   la  nef,  plus  large  que  le  chœur. 

L'autel  du  chœur  paraît  dater  du  règne  de  Louis  XV. 
Le  contre-rétable  est  orné  de  pilastres  corinthiens  et  le 
tableau  représente  l'ensevelissement  du  Christ. 

Dans  le  mur  du  sanctuaire ,  côté  de  l'évangile ,  on  lit 
l'inscription  suivante  gravée  sur  une  tablette  de  marbre  : 

A    LA   MÉMOIRE   DE   MONSIEUR    HEURE-ARMAND 

OIN 

DÉCÉDÉ    A    PARIS   LE    19    AVRIL    4858 

LA    FABRIQUE   DE   BOISSEY    RECONNAISSANTE. 

Au-dessus  de  cette  inscription  on  remarque  une  repré- 
sentation de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Lisieux  faite  avec 

39 


610  STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

de  petits  coquillages  de  différentes  formes.  Cet  ouvrage  de 
patience  a  été  fait  et  donné  à  l'église  de  Boisscy  par  Edouard 
Doucet,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  ainsi  que  l'apprend  une 
inscription. 

Les  voûtes  étaient  en  bois  avec  tirants  et  poinçons.  On 
vient  de  les  enduire  de  plâtre  et  de  substituer  des  tirants  en 
fer  ronds  aux  tirants  en  bois. 

L'église  de  Boissey  est  sous  l'invocation  de  saint  Julien. 
L'abbé  de  St-Pierre-sur-Dive  nommait  à  la  cure. 

Manoir,  —  Le  manoir  de  Boissey  est  tout  près  de  la 
route.  Il  se  compose  de  plusieurs  corps  de  logis  en  bois  qui 
peuvent  remonter  au  XVIe  siècle  (2e  moitié),  et  dont  un 
porte  encore  un  épi  émaillé  en  terre  cuile ,  à  moitié  brisé. 

Fontaine  St- Julien.  —  On  trouve  sur  le  territoire  de 
Boissey  ,  au  sud-est  de  l'église  ,  le  hameau  de  la  Fontaine- 
St-Julien  ;  il  tire  son  nom  d'une  belle  source  qui  là , 
comme  dans  beaucoup  d'autres  localités ,  a  été  mise  sous 
la  protection  de  saint  Julien  qui  d'ailleurs ,  à  Boissey , 
était  le  patron  de  la  paroisse.  Je  ne  serais  pas  surpris  que 
cette  source,  qui  sort  du  pied  des  buttes  deQueverue,  eût  eu 
quelque  célébrité  sous  la  domination  romaine. 

D'après  les  recherches  de  M.  le  docteur  Pépin,  les  registres 
de  l'état  civil  de  la  paroisse  remontent  à  1598  ;  on  voit  fi- 
gurer dans  ces  registres,  au  commencement  du  XVIIe  siècle, 
une  famille  du  Quesnoy  dont  les  membres  se  qualifient 
seigneurs  de  Boissey. 

SA1NTE-MAKGUERITE-DE-VIETTE. 

Ste-Marguerite-de-Viette,  Vietta,  ecclesia  Sancta  Marga- 
ritœ  de  Vietta. 

L'église  de  cette  commune  est  bien  peu  caractérisée. 
La  plupart  des  fenêtres  ont  été  refaites  de  forme  carrée. 


CANTON    DE   SAINT-PIEKRE-SUR-D1VK.  611 

La  nef  pourtant  montre,  du  côté  du  sud,  une  fenêtre 
en  lancette  et  une  ouverture  trilobée  dans  le  mur  du  nord  ; 
puis,  au  sommet  de  la  façade  occidentale  qui  reçoit  le  ram- 
pant du  gable ,  on  distingue ,  au  sud ,  une  petite  colonne 
avec  chapiteau  à  crosseltes  ;  les  contreforts  sont  régulièrement 
espacés  :  tout  cela  paraît  prouver  que  quelques  parties  de 
la  nef  remontent  au  XIIIe  siècle. 

La  tour  s'élève ,  à  l'ouest ,  au-dessus  du  portail  ;  elle  est 
ajourée,  du  côté  de  l'ouest,  par  de  longues  ouvertures  ogivales 
composées  chacune  de  deux  baies  surmontées  d'un  quatre- 
feuille,que  Ton  a  refaites  en  1860  conformes  à  ce  qui  existait, 
dit-on.  Ces  ouvertures  s'agencent  très-mal  avec  une  cor- 
niche moderne  droite  offrant  une  doucine  assez  saillante  et 
qui  forme,  de  ce  côté,  le  support  de  la  pyramide  en  bois  cou- 
verte d'ardoise. 

Il  est  bien  probable  qu'avant  l'établissement  de  la  flèche 
en  bois  qui  a  été  reconstruite  il  n'y  a  pas  longtemps,  il 
existait  une  disposition  différente  :  toujours  est-il  que  ces 
baies  ne  vont  guère  avec  l'ordonnance  actuelle.  La  porte 
principale  de  l'église,  placée  sous  cette  tour,  a  été  refaite 
et  est  moderne. 

Le  chœur ,  en  retrait  sur  la  nef ,  a  des  murs  moins  ca- 
ractérisés que  les  autres.  Il  est  éclairé  par  des  fenêtres 
carrées  et  deux  fenêtres  ogivales  sans  caractère.  La  sacristie 
s'appuie  sur  le  chevet,  elle  est  à  pans  coupés. 

L'intérieur  a  été  peint  et  décoré  nouvellement.  Les  voûtes, 
en  merrain ,  ont  été  enduites  de  plâtre  et  les  sablières  de  la 
nef  enchâssées  dans  du  plâtre  :  comme  cet  entablement  ar- 
tificiel avait  une  saillie  considérable ,  on  a  placé  de  chaque 
côté  trois  colonnes  de  bois,  peintes  en  marbre,  qui  paraissent 
le  supporter.  Cet  entablement  en  plâtre  a  moins  de  saillie 
dans  le  chœur,  qui  est  moins  large  que  la  nef,  et  les  colonnes 
ont  été  remplacées  par  des  pilastres. 

L'autel  magistral  est  orné  d'un  tableau  moderne  repré- 


612  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

sentant  sainte  Marguerite  ;  les  colonnes  ioniques  qui  sup- 
portent le  fronton  couronnant  ce  côntre-rétable  sont  d'une 
longueur  démesurée  :  elles  m'ont  paru  avoir  au  moins  quinze 
à  seize  fois  le  diamètre  du  fût.  Mais  toutes  ces  décorations 
sont  rachetées  par  l'intérêt  qu'offre  l'ancien  tableau  fixé  sur 
le  mur  du  chœur ,  du  côté  de  l'évangile. 

Ce  tableau  fort  remarquable  montre,  au  centre,  la  Sainte- 
Vierge  et  l'enfant  Jésus  ;  puis ,  autour ,  quinze  médaillons 
ronds  représentant  chacun  un  des  traits  de  la  vie  dû 
Sauveur,  à  l'exception  du  plus  élevé  qui  représente  le  cou- 
ronnement de  la  Sainte-Vierge  ;  des  roses  garnissent  les  in- 
tervalles compris  entre  le  tableau  central  et  les  quinze  mé- 
daillons. On  lit  au  bas  : 


CE    TABLEAU    A  ESTE 

DONNÉ    PAR    M*    A 
LE    SASSIER    PRÊT  HE 


§3 


ET  FAICT  ET  PAINT  PAS 
M'  I  DOUESY  PAINTRE 
DE  FALAISE  PRIEZ   DIEU 


Les  autres  lignes  ont  été  malheureusement  cachées  par 
le  cadre  quand,  il  y  a  peu  d'années,  on  a  fait  restaurer  la 
toile.  La  date  se  trouve,  bien  probablement,  sur  la  partie 
cachée.  M.  le  curé  le  croit ,  mais  il  n'a  pu  me  l'indiquer. 
Quatre  personnages ,  deux  debout  et  deux  à  genoux  ,  tous 
quatre  les  mains  jointes ,  occupent  la  partie  inférieure  du 
tableau.  Trois  de  ces  personnages  portent  le  costume  ecclé- 
siastique. Je  suppose  que  le  peintre  et  le  donateur  sont  les 
deux  personnes  à  genoux.  Le  peintre  serait  celui  qui .  est  à 
droite  en  costume  civil  du  XVIIe  siècle.  Les  deux  ecclé- 
siastiques, debout  derrière  le  peintre  et  le  donateur ,  doivent 
être  leurs  patrons  (1). 


(1)  M.  Choisy,  conservateur  de  la  Bibliothèque  publique  de  Falaise, 
a  bien  voulu  ,  sur  ma  demande  ,  rechercher  quel  pouvait  être  ce 
Douësy,  et  je  suis  heureux  de  placer  ici  ses  conjectures  : 

«La  tradition,    dit  M.  Choisy,  ne    me  fournit  aucun  renseigne- 


CANTON   DE    SAINT-PIERKE-SUR-DIVE.  613 

Je  suppose  que  cel  intéressant  tableau  ornait  autrefois  le 
maître-autel.  La  Sainte- Vierge  est  désignée  dans  le  Pouillé 
de  Lisieux- comme  patronne  de  l'église  au  XIVe  siècle.  On 
voit,  près  de  la  chaire  ,  une  statue  de  la  Sainte-Vierge  qui 
a  également  été  reléguée  là ,  après  avoir  ,  m'a-t-on  dit ,  fait 
partie  de  la  décoration   du  maître-autel. 

Il  existe  deux  cloches  à  S^-Marguerite-de-Viette  :  la  plus 
petite  est  la  plus  ancienne. 

L'autre  cloche  date  de  1834. 

L'église  de  Ste-i\Iarguerite-de-Viette  était  sous  l'invocation 
de  Notre-Dame  et  de  sainte  Marguerite.  L'abbaye  de  St-Pierre 
nommait  à  la  cure. 


ment  sur  le  peintre  du    tableau  de  Ste-Marguerite-de-Viette,    et  l'on 
ne  connaît  pas   ses  œuvres  dans  le  pays. 

«  Jusqu'à  présent ,  il  est  donc  à  croire  que  Douësy  était  un  artiste 
amateur.  A  celte  circonstance  est  due,  peut-être,  la  présence  du  portrait 
du  peintre  à  côté  de  celui  du  curé  donateur.  D'une  part,  vous 
le  savez,  les  Le  Sassier,  à  partir  de  Nicolas,  l'heureux  délégué  de 
Guibray  auprès  de  Henry  IV  (V.  Galeron,  t.  I,  p.  434),  deviennent  des 
personnages  et  durent  avoir  de  bonnes  relations  à  Falaise.  De  l'autre, 
et  bien  apparemment  dès  cette  époque ,  il  y  aura  eu ,  dans  nos  murs, 
une  famille  Douësy  dont  plus  lard  ,  sous  Louis  XV  (  Voir  Galeron,  l,  1, 
p.  483  et  484),  l'un  des  membres,  Douësy,  avocat,  est  élevé  à  la 
dignité  de  maire.  C'est  cette  même  famille  Douësy  qui ,  à  une  époque 
plus  rapprochée  de  nous ,  posséda  les  châteaux  de  Carabillon  et 
d'Olendon  (Voir  Gai.,  t.  II,  p.  93).  Cette  famille  était  ancienne  dans 
le  pays,  et  reconnue  noble  en  1667.  Aujourd'hui  elle  est  éteinte. 

a  Dans  les  papiers  de  la  famille  Boisauné ,  l'abbé  Le  Sassier  est 
cité  en  1720  comme  donnant  quittance  à  un  frère  ;  il  ajoute  qu'à 
cause  de  son  extrême  grand  âge>  il  ne  croit  pas  devoir  se  charger  de 
dire  un  grand  nombre  de  messes  à  lui  demandées. 

a  Les  armes  de  cet  abbé,  armes  dont  vous  me  communiquez  un 
dessin  ,  sont  identiquement  les  mêmes  que  celles  de  la  famille  Le 
Sa  s6ier- Boisa  une.  » 

(  Note  He  M.  Choisy,  inspecteur  de  l'Association  normande.  ) 


61 U         STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 


CANTON  DE  LIVAROT. 


Grâce  aux  recherches  étendues  et  consciencieuses  de 
M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville  sur  les  divers  fiefs  du 
canton  de  Livarot  ;  grâce  aussi  au  concours  de  M.  Ch. 
Vasseur  et  de  M.  Pannier ,  je  puis  donner  sur  les  com- 
munes de  ce  canton  des  détails  plus  étendus  que  sur  celles 
du  canton  de  St-Pierre-sur-Dive  :  j'éprouve  même  le  re- 
gret de  ne  pouvoir  faire  usage  de  tous  les  documents  dont 
je  dois  la  communication  à  ces  habiles  et  savants  archéo- 
logues. 

Le  canton  de  Livarot  embrasse,  dans  sa  circonscription,  les 
paroisses  suivantes  : 


Àuquainville. 

Les  Autels-St-Basile. 

Bellou. 

La  Brevière. 

La  Chapelle-Hante-Grue. 

Cheffreville. 

Fervaques. 

Ste-Foy-de-Montgommery. 

St  -  Germain  -  de  -  Montgom- 

mery. 
Heurtevent. 
Lisores. 


Livarot,  chef-lieu. 

Sle-i\Iarguerite-des-Loges. 

Le  Mesnil-Bacley. 

Le  Mesuil-Durand. 

Le  Mesnil-Germain. 

St-Michel-de-Livet. 

Les  Moutiers-Hubert. 

St-Martin-du-Mesnil-Oui  y. 

Notre-  Dame-de-Courson. 

St-Ouen-le-Houx. 

Tonnencourt. 

Tortisambert. 


CANTON   DE   LIVAROT.  015 


ST-MAKTIX-DES-NOY1US. 


St-Martin-des-Noyers  ,  Sanctus  Martinus  de  Nucibus. 

Cette  commune  est  formée  par  la  réunion  des  communes 
de  St-Martin-des-Noyers  et  de  la  Trinilé-du-Mesnil-Oury, 
réunies  par  ordonnance  royale  du  19  décembre  1831. 

L'église  de  St-Martin-des-Noyers  n'a  pas  été  démolie.  Elle 
offre  un  intérêt  tout  particulier  pour  l'archéologue  ;  elle  est 
construite  en  bois,  sauf  le  portail,  flanqué  de  deux  contreforts 
à  retraites  et  percé  d'une  porte  ogivale  qui  paraît  dater  du 
XIIIe  siècle.  Les  vantaux  sont  du  XVIe ,  à  panneaux  plissés. 
Le  porche  qui  précède  est  plus  ornementé  qu'on  ne  le 
trouve  ordinairement.  Des  anges ,  à  longue  robe ,  portant  des 
instruments  de  musique,  sont  sculptés  sur  l'un  des  poteaux 
corniers  (1).  La  sablière  du  nord  a  reçu  l'inscription  suivante: 

Ce  fut  fait  lan  mil  §c  et  xt  un  par  nos  iîltcljelle  lîlael  et  3%  MoU$. 

Les  deux  murs  latéraux  sont  construits  en  bois,  avec  rem- 
plissage en  argile,  sauf  un  contrefort  plat  qui  fait  retour  au- 
près du  portail,  et  le  patin ,  peu  élevé  au-dessus  du  sol,  où 
l'on  constate  la  disposition  des  pierres  en  arêtes  de  poisson. 
Les  fenêtres  sont  carrées. 

Le  chœur,  plus  large  que  la  nef,  appartient  à  la  même 
construction  et  offre  les  mêmes  caractères. 

En  présence  d'un  édifice  rustique  si  peu  caractérisé,  il 
est  permis  d'hésiter  avant  de  fixer  une  date.  Lorsque ,  dit 
M.  Gh.  Vasseur,  nous  avons  visité  St-Martin-des-Noyers,  en 
compagnie  du  docteur  Billon  ,  excellent  juge  en  pareille  ma- 
tière, nous  sommes  tombés  d'accord  pour  n'attribuer  cette 
église  qu'au  XVIe  siècle.  Cependant  le  vocable  ,  qui  doit  re- 

(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


616  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

monter  jusqu'aux  temps  carlovingiens ;  l'usage,  bien  con- 
staté par  Grégoire  de  Tours  et  autres  chroniqueurs  des 
premiers  siècles,  de  faire  à  cette  époque  les  basiliques, 
comme  les  palais,  tout  en  bois,  peuvent  donner  lieu  à  réflé- 
chir. D'un  autre  côté,  le  patronage  appartenait  à  l'abbaye  de 
St-Pierre-sur-Dive ,  et  l'on  doit  se  demander  si  cette  riche 
abbaye  aurait  pu  élever,  à  la  veille  de  la  Renaissance,  une  si 
mesquine  bâtisse  pour  une  paroisse  d'une  certaine  importance, 
puisque  le  revenu  de  la  cure  est  estimé  dans  les  pouillés  anciens 
à  700  *,  ce  qui  représente  près  de  2,000  fr.  de  nos  jours. 

Le  maître-autel  du  chœur  n'a  pour  rétable  qu'une  pein- 
ture de  décoration  sans  valeur.  Le  tabernacle  est  en  forme 
de  pavillon  hexagonal,  avec  dôme  et  colonneltes  torses  :  type 
propre  à  la  fin  du  XVIIe  siècle  ,  rencontré  déjà  bien  souvent. 
Les  statuettes  de  l'entrecolonnement  représentent  le  Sauveur, 
saint  Martin  et  sainte  Barbe. 

Aux  petits  autels  de  la  nef  on  a  employé  quelques  pan- 
neaux à  traceries  flamboyantes.  Les  deux  statues  qui  les  or- 
nent datent  aussi  du  moyen-âge. 

Le  clocher ,  en  charpente,  n'offre  rien  de  particulier  ;  il 
contient  une  petite  cloche  de  58  centimètres  de  diamètre  , 
dont  voici  l'inscription  : 

f  LAN  1734  IAY  ETE  BENITE  PAR  Me  NOËL  LENOIR  PRÊTRE  CVRE  DE  ST 
MARTIN  ET  NOMMEE  LOVISE  FRANÇOISE  PAR  Mre  LOVIS  IOVRRAIN  CHEVALIER 
SGr  ET  PATRON  PRESENTATEVR  DV  PONTALERY  HONORAIRE  DE  ST  MARTIN 
DES  NOYER  ET  SEVL  SEIGr  POSSEDANT  FIEF  DANS  LA  DITTE  PAROISSE  SGr 
DES  NOELES  FIEF  TERRE  ET  SGr  DE  ST  MARTIN  RANVILLIÈfiE  CASTILLON  ET 
AVTRES    LIEVX  ET  DAMOISELLE   FRANÇOISE    RENEE    FROVDIERE    DE  LA  CONTRIE. 

On  voyait  naguère  à  St-Martin  un  ancien  manoir  seigneu- 
rial du  XVIe  siècle,  composé  d'un  corps-de-logis  en  bois  et 
d'un  pavillon,  élevé  en  brique  et  pierre,  offrant  les  carac- 
tères propres  à  l'architecture  du  temps  des  derniers  Valois. 
Ce  manoir,  dit  de  Mézerai  ou  de  Saint-Martin,  a  été  récem- 


CANTON    DE   LIVAROT.  617 

ment  remplacé  par  une  jolie  habitation  moderne  qu'a  fait 
construire  le  propriétaire  actuel ,  M.  le  comte  de  Létour- 
ville.  La  terre  de  St-Martin  était ,  au  XVIIe  siècle  ,  la  pro- 
priété de  Gabriel  de  Neufville,  seigneur  de  Mazet ,  qui  y 
résidait  et  y  fit  preuve  d'ancienne  noblesse  dans  la  recherche 
de  1666.  Passée  par  vente,  dans  la  première  moitié  du  siècle 
dernier,  entre  les  mains  des  Jourdain,  seigneurs  de  Si-Martin 
et  de  Viette,  cette  terre  a  été  de  nouveau  vendue  par  les  hé- 
ritiers de  cette  famille ,  il  y  a  environ  trente  ans  ;  et  après 
avoir  été  possédée  par  divers  acquéreurs,  elle  est  enfin 
échue  à  Bl<  le  comte  de  Létourville ,  par  son  mariage  avec 
Mllc  d'Osmoy  (  Renseignements  communiqués  par  M.  Le  vi- 
comte de  Neuville  ). 

L'église  de  la  Trinité-du-Mesnil-Oury  a  été  rasée  il  y 
a  trente  ans.  Le  patronage  en  appartenait  au  seigneur  qui , 
au  siècle  dernier,  était  un  membre  de  la  famille  de  Nonant. 

D'après  les  recherches  de  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville, 
une  partie  des  terres  du  Mesnil-Oury  était  tenue  en  franc- 
aleu ,  circonstance  très-rare  dans  nos  contrées.  —  La  pa- 
roisse était  comprise  dans  l'élection  de  Falaise. 

Gabriel  Le  Loutrel,  sieur  de  Haut-Mesnil ,  et  Jean  Totrel , 
sieur  de  Bocquencey,  s'y  présentèrent  lors  de  la  Recherche  de 
la  noblesse  en  1666;  mais  ils  furent  l'un  et  l'autre  con- 
damnés par  de  Marie. 

La  population  actuelle  de  cette  commune  est  de  10k  ha- 
bitants. Au  dernier  siècle,  la  Trinité-du-Mesnil-Oury  en 
comptait  à  elle  seule  195. 

SAINT-MILHEL-DE-LIVET. 

St-Michel-de-Livet,  Sanctus  Michael  de  Lyveto,  Sancius 
Michael  de    Liveio. 

FVaprès  la   description  de    l'église  de  St-Michel-de-Livet 


618        STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

faite  par  M.  Ch.  Vasseur,  elle  consiste  en  un  chœur,  une 
nef  et  une  chapelle  accolée  au  nord ,  entre  les  deux. 

La  porte  s'ouvre  dans  le  pignon  occidental ,  flanqué  de 
deux  contreforts.  C'est  un  arc  surbaissé  accompagné  de  deux 
petits  pilastres.  Les  vantaux  sont  à  panneaux  plissés.  Un 
porche  protège  cette  entrée.  Les  murs  latéraux  ,  divisés  en 
quatre  travées  par  des  contreforts,  datent  du  XVIe  siècle  , 
comme  le  portail. 

Les  fenêtres  du  sud  sont  en  accolade  ou  en  ogive  avec  un 
meneau.  Celles  des  deux  travées  restées  visibles  au  nord  ont 
été  refaites  sous  Louis  XV.  La  chapelle,  avec  deux  contreforts 
sur  les  angles ,  doit  appartenir  aussi  à  la  dernière  époque 
ogivale;  mais  toutes  les  ouvertures  ont  été  refaites. 

Le  chœur  remonte  au  XIIIe  siècle  :  il  est  divisé  en  deux 
travées  avec  chevet  droit.  L'unique  fenêtre  du  nord  est 
moderne  :  les  fenêtres  du  sud  sont  modernes  aussi  ;  mais 
l'appareil  et  les  contreforts  sont  bien  caractérisés. 

A  l'intérieur ,  la  voûte  de  la  nef  mérite  l'attention.  Elle 
est  en  merrain  avec  charpente  apparente.  Les  trois  entraits 
sont  ornés  de  rageurs ,  et  des  blasons  occupent  la  base  des 
poinçons  :  des  anges  soutiennent  les  écussons ,  malheureuse- 
ment mutilés  pour  la  plupart.  Sur  l'un  d'eux  ,  pourtant ,  on 
reconnaît  la  trace  des  trois  fleurs  de  lis  de  France  ;  sur  un 
autre  un  dauphin.  Les  sablières  sont  garnies  d'une  série 
de  mascarons  et  d'emblèmes  funèbres. 

Le  maître-autel  date  du  règne  de  Louis  XV.  Le  rétable 
est  soutenu  par  quatre  colonnes  classiques ,  entre  lesquelles 
sont  des  niches  contenant  une  statue  de  saint  Michel ,  et  une 
statue  de  saint  Louis.  Le  tabernacle  peut  remonter  au  règne 
précédent  :  il  est  orné  de  colonnettes  torses  accouplées  et 
trois  statuettes  occupent  l'entrecolonnement  :  le  Sauveur 
du  monde,  saint  Pierre  et  saint  Michel.  Le  dôme  qui  servait 
de  couronnement  a  disparu. 


CANTON    DE   LIVAROT.  619 

L'autel  de  la  chapelle  montre,  comme  celui  du  chœur, 
les  caractères  de  la  fin  du  XVIIIe  siècle.  La  frise  de  l'enta- 
blement porte  un  blason  dont  le  champ  est  chargé  de 
l'écusson  du  donateur  ,  qui  était  un  Bonenfant  (Voir  la  page 
621  ). 

Au  mur  opposé  est  appendu  un  tableau  contenant  les 
Noms  des  Pèlerins  de  cette  paroisse  qui  ont  fait  le  voyage 
du  Mont-St-Michel,  22  juillet  année  1753;  ce  sont: 

Me  Nicolas  Peulevé,  vicaire  de  Livet. 
MM.  Desfontaines-Belœil  roy. 
Jean   Peulevé. 
Mathieu  Peulevé. 
Pierre  Lindel. 
Jean  de  Montreuil. 
François  Fleuriot. 
Pierre  Pinel. 
Pierre  Jouanne. 
Philippe  Messan. 
Nicolas   Doublet. 
Gabriel  Perrine. 
Jean  Pigis. 
François  Doublet. 

Au  moment  où  les  pèlerinages  au  Mont  vont  recommencer 
avec  une  nouvelle  ardeur ,  dit  M.  Ch.  Vasseur  ,  il  nous  a 
semblé  curieux  de  transcrire  cette  liste. 

St-Michel-de-Livet  a  hérité  d'une  partie  du  mobilier  de 
l'église  de  la  Trinité-du-Mesnil-Oury.  Ce  sont  quelques 
tableaux  dont  on  n'a  rien  à  dire  et  une  Trinité  en  pierre 
du  XVIe  siècle,  savoir  :  le  Père-Éternel ,  assis  sur  un  trône, 
soutenant  des  deux  mains  la  croix  sur  laquelle  le  Fils  est 
attaché,  tandis  que  le  Saint-Esprit  sort  de  sa  bouche  ,  sous  la 


620  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

forme  d'une  colombe  planant  au-dessus  du  Crucifié.  Cette 
sculpture  n'est  pas  sans  mérite  (1). 

St-Michel-de-Livet  faisait  partie  du  doyenné  du  Mesnil- 
Mauger.  Le  patronage  appartenait  à  l'abbé  de  St-Pierre-sur- 
Dive. 

Au  civil,  la  paroisse  dépendait  de  l'élection  de  Falaise, 
sergenterie  de  St-Pierre-sur-Dive  ,  et  comptait  113  feux, 
soit  565  habitants.  La  population  est  réduite  à  255. 

Anciens  fiefs.  —  D'après  les  recherches  de  M.  L.  de  Neu- 
ville, St-Michel-de-Livet  renfermait  plusieurs  circonscrip- 
tions féodales.  Le  fief  de  Livet ,  dont  le  manoir  était  situé  à 
l'extrémité  nord  de  la  paroisse ,  non  loin  de  la  rivière  de 
Vie ,  était  dans  la  mouvance  du  comté  de  Montgommery  ;  il 
appartenait ,  au  XVIe  siècle ,  à  la  famille  des  Le  François , 
qui  portaient  pour  armes:  d'argent  à  deux  pals  de  sable 
au  chef  de  gueules.  Vers  15*20,  Jean  Le  François,  écuyer, 
était  seigneur  de  St-Michel-de-Livel,  d'Advenel,  fief  situé  aux 
Quatre-Faverils ,  et  de  la  Plesse.  François  Le  François  ,  son 
arriëre-petit-fils  ,  était  encore  seigneur  de  Livet  en  1615; 
mais,  peu  après ,  ce  fief  était  passé  entre  les  mains  de  la 
famille  Vaumesle.  Jean  de  Vaumesle  ,  trésorier  de  France 
à  Alençon,  était  seigneur  de  Livet  vers  1650.  Ses  descen- 
dants ont  conservé  cette  terre  et  en  ont  porté  le  nom  jusqu'à 
leur  extinction  ,  survenue  il  y  a  une  trentaine  d'années.  Le 
manoir,  encore  subsistant ,  paraît  dater  du  XVIIe  siècle  et 
n'offre  pas  d'intérêt. 

A  l'autre  extrémité  de  la  paroisse  était  situé  le  fief  deMezet 
qui,  au  XVIe  siècle,  était  possédé  par  la  famille  de  Neufville. 
Robert  de  Neufville,  écuyer,  mort  en  1539,  était  qualifié  sei- 


(1)  Notes  manuscrites  de  M.  CM.  Vassenr. 


CANTON   DE    LIVAROT.  621 

gneur  de  Belleau,  Mesnil-Bacley ,  Mezet  et  Mesnii-Durand.  Sa 
postérité  conserva  la  terre  de  Mezet  jusqu'en  1688,  époque  où 
elle  fut  vendue  par  Gabriel  de  Neufville ,  seigneur  de  Mezet 
et  St-iMartin,  à  Pierre  Le  Menant,  sieur  de  Grandval.  De  cette 
dernière  famille ,  Mezet  a  passé  par  succession  ou  donation 
aux  familles  Moulin  ,  Deshayes,  Gondeau  et  Le  Myre  de 
Villers.  Mme  Alexandre  ,  née  Le  Myre  de  Villers ,  a  vendu 
cette  terre  en  1859  à  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville  ,  qui 
vient  d'y  faire  construire  un  château  en  brique  dans  le  style 
du  XVIIe  siècle.  Il  n'y  subsistait,  de  temps  immémorial,  au- 
cune trace  d'ancien  manoir. 

Le  fief  de  Carel ,  situé  partie  sur  St-Michel-de-Livet , 
partie  sur  le  Mesnil-Bacley,  paraît  être  échu  vers  1620  à  Phi- 
lippe de  Neufville,  l'un  des  fils  de  Gabriel  de  Neufville ,  sei- 
gneur du  Mesnil-Bacley.  Anne  de  Neufville  ,  fille  tiînée  de 
Philippe,  ayant  épousé,  en  1645,  Georges  de  Bonenfant  ,  lui 
apporta  le  fief  de  Carel  et  fut  la  souche  d'une  branche  de  la 
famille  de  Bonenfant  qui  a  résidé  pendant  plus  d'un  siècle  à 
St-Michel-de-Livet ,  où  son  écusson  ,  de  gueules  à  la  fasce 
d'argent  accompagnée  de  six  roses  d'or,  décore  les  boiseries 
d'un  autel  latéral  dans  l'église  de  la  paroisse.  En  1789 
M.  Gossey,  seigneur  de  Livarot,  était  devenu  acquéreur  du 
fief  de  Carel,  comme  de  plusieurs  autres  terres.  L'ancien 
manoir  a  été  défiguré  par  des  travaux  récents  ;  une  partie  a 
pourtant  conservé  son  caractère  et  peut  dater  du  XVe  siècle. 

Quelques  terres  de  St-Michel-de-Livet  dépendaient  au- 
trefois de  la  seigneurie  de  Plainville  ,  appartenant  à  la  fa- 
mille d'Assy.  Plusieurs  membres  de  la  famille  Buuot  de 
Saint-Maclou  ont  résidé  depuis  deux  siècles  dans  cette 
même  paroisse,  mais  ils  n'y  possédaient  ni  fief  ni  manoir  im- 
portant. 


622  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

LE  MESNIL-BACLEY. 

Mesnil-Bacley  ,  Menillus  Baccalerii,  Maisnil  Bachelarii. 

L'église  du  Mesnil-Bacley  s'élève  tout  près  de  Livarot ,  sur 
la  rive  gauche  de  la  Vie ,  sur  le  bord  de  la  route  allant  à 
Trun;  quoique  peu  importante,  elle  offre  cependant  un  cer- 
tain intérêt. 

D'abord,  sa  porte  occidentale  appartient  au  style  ogival  et 
présente  cette  particularité  ,  assez  rare  ,  que  les  tores  de  l'ar- 
chivolte se  continuent  sans  colonnes  depuis  le  sommet  jusqu'à 
la  base  et  qu'il  n'y  a  pas  de  tympan.  Cette  porte  ,  à  plusieurs 
tores  détachés ,  pourrait  remonter  au  XIIIe  siècle  ou  au  com- 
mencement du  XIVe  ;  une  ouverture  en  forme  de  lancette 
la  surmonte. 

Les  vantaux  de  la  porte  ont  leurs  panneaux  plissés  et  me 
paraissent  du  XVIe  siècle.  Un  porche  en  bois,  formant  un 
vestibule ,  avec  des  bancs  ,  en  avant  de  cette  porte,  doit  re- 
monter au  XVIIe  siècle  au  moins ,  s'il  n'est  pas  du  temps 
des  panneaux  dont  je  viens  de  parler. 

Des  reprises  considérables  et  des  reconstructions  ont  été 
faites  dans  le  corps  de  la  nef  et  du  chœur,  mais  on  remarque 
quelques  restes  d'appareil  ancien  dans  le  mur  septentrional 
de  la  nef  qui  approche  du  chœur  ,  au  lieu  que  des  appareils 
plus  grands ,  et  qui  paraissent  du  XVIe  siècle  ,  se  voient  en 
approchant  de  la  façade.  On  trouve,  du  côté  du  nord  et  du 
côté  du  sud,  des  lancettes  dont  la  tête,  en  accolade  aiguë, 
annonce  le  XVIe  siècle. 

Plusieurs  fenêtres  sont  modernes  et  de  forme  carrée.  On 
en  voit  une  autre  à  deux  baies  et  à  compartiments  flam- 
boyants dans  la  nef ,  du  côté  du  sud. 

On  entrait  dans  le  chœur ,  du  même  côté  ,  par  une  porte 
cintrée  épannelée  sans  caractère. 


CANTON    DE   LIVAROT.  623 

Enfin ,  le  mur  du  chevet  s'arrête  à  la  hauteur  des  murs 
latéraux,  et  le  pignon  triangulaire  qui  existe  sous  la  charpente 
du  toit  est  en  clayon  nage. 

Le  rétable  du  maître-autel  est  orné  de  colonnes  torses  avec 
une  niche  en  attique  ;  il  doit  dater  du  règne  de  Louis  XIV  ; 
le  tabernacle ,  de  forme  hexagonale ,  a  des  colonnes  torses 
aux  angles  et ,  sur  ses  faces ,  des  niches  avec  les  statues  du 
Sauveur,  de   saint  Paul  et  de  saint  Luc. 

Les  deux  petits  autels ,  entre  chœur  et  nef ,  datent  du 
même  temps. 

Une  piscine  géminée,  du  XIIIe  siècle,  existe  dans  le  chœur. 

On  voit  dans  le  chœur  la  pierre  tumulaire  de  Thomas 
Maheult ,  prêtre,  curé  du  lieu,  décédé  le  25  avril  1759, 
âgé  de  49  ans. 

Le  clocher  ,  en  charpente  et  de  la  forme  habituelle ,  est 
assez  élégant  (1). 

L'église  du  Mesnil-Bacley  est  sous  l'invocation  de  saint 
Pierre.  La  présentation  à  la  cure  appartenait  à  l'abbaye  de 
St-Pierre-sur-Dive. 

La  commune  du  Mesnil-Bacley  était  autrefois  comprise 
dans  l'élection  de  Falaise;  mais,  dans  l'ordre  judiciaire,  elle 
dépendait  en  partie  de  la  vicomte  d'Argentan. 

On  compte  248  habitants  au  Mesnil-Bacley.  Au  dernier 
siècle,  il  y  en  avait  plus  de   500  (102  feux). 


(1)  La  cloche,  de  60  centimètres  de  diamètre,  porte  l'inscription 
suivante  : 

f  L'AN  1777  JAY  ETE  BENITE  PAR  PIER(re)  COSME  CVRB  DE  CE  LIEV 
ET  NOMMEE  FRANÇOISE  TARSILLE  PAR  MESSIRE  ANTOINE  THOMAS  MOVLIN 
CHr  DE  LORDRE  ROYAL  ET  MILITAIRE  DE  S1  LOVIS  LIEVTENANT  COLONEL 
DE  CAVALERIE  SEIGNBVR  DV  MESNIL  BACLEZ  ET  DV  MEZET  ET  PAR  DEMOI- 
SELLE  FRANÇOISE    TARCILLE  DESHAIS.    PIERRE    DVCHESNB    TRESORIER    (*), 


(*)  Transcription  faite  par  M.   Vasseur. 


()2£»  STATISTIQUE    MONUMENTALE    OU    CALVADOS. 

Anciennes  familles.  — D'après  les  recherches  de  M.  le  vi- 
comte Louis  de  Neuville  ,  la  seigneurie  du  Mesnil-Bacley  se 
trouva  divisée ,  il  y  a  déjà  plusieurs  siècles ,  en  diverses 
portions  ,  sans  doute  par  suite  d'un  ou  de  plusieurs  partages 
successifs.  Dans  la  seconde  moitié  du  XVe  siècle  ,  des 
membres  de  la  famille  Gouhier  ont  été  qualifiés  sieurs  de 
Mesnil-Bacley ,  et  Jean  Eschallart  portait  le  même  titre  en 
lZi.69  ;  dans  les  deux  siècles  suivants  la  même  qualification  a 
été  donnée  à  des  membres  des  familles  de  Neufville  ,  Le 
Fournier  ,  Le  Ghastelain ,  de  Marguerin  ,  de  Croisilles , 
Jamot ,  de  Costard ,  Le  Menant  et  autres.  Ne  pouvant  suivre 
avec  exactitude  l'histoire  de  chacun  de  ces  fragments  féodaux, 
continue  M.  de  Neuville,  nous  nous  contenterons  d'esquisser 
celle  des  principaux  manoirs  qui  leur  servirent  de  chefs-lieux. 

Le  nom  de  manoir  de  Mesnil-Bacley  a  été  ordinairement 
employé  pour  désigner  le  manoir  de  la  Harderie,  situé  à  peu 
de  distance  de  l'église  paroissiale.  La  maison  est  une  vieille 
construction  en  bois  du  XVIe  siècle ,  qui  n'offre  que  les 
caractères  généraux  des  édifices  de  ce  genre  ;  le  colombier , 
de  la  même  époque,  est  assez  pittoresque.  Ces  lieux  ont 
longtemps  servi  de  résidence  à  une  branche  de  la  famille 
de  Neufville.  Jean  de  Neufville  demeurait  à  Mesnil-Bacley 
lors  de  la  recherche  de  Montfaut  en  1&63.  Son  arrière- 
petite-fille  ,  Jeanne  de  Neufville  ,  épousa  ,  en  1510  , 
Robert  de  Neufville ,  sieur  de  Belleau ,  issu  de  la  branche 
des  Loges  ;  celui-ci  est  le  premier  de  sa  maison  que  nous 
trouvions  qualifié  du  titre  de  seigneur  de  Mesnil-Bacley,  que 
ses  descendants  ont  constamment  porté  jusqu'à  Robert  de 
Neufville,  sieur  de  Mesnil-Bacley  et  de  la  Fressengère  ,  qui 
vendit  cette  terre  vers  1680  pour  aller  résider  dans  la  pa- 
roisse d'Athis  où  sa  branche  s'est  éteinte  au  commencement 
de  ce  siècle ,  ayant  toujours  professé  la  religion  protestante. 
Le  fief  de  Mesnil-Bacley,  de  la  famille  de  Neufville,  relevait 


CANTON    !)K    LIVAROT.  625 

par  un  quart  de  fief  de  chevalier  de  la  seigueurie  d;.Ailiy  , 
appartenant  à  la  maison  de  Courseulles  au  XVIe  siècle. 
Possédé  ensuite  par  les  familles  Lemenant  de  Grandval, 
Moulin,  Deshayes,  Gondean  et  Lemyre  de  Villers,  le  manoir 
de  Mesnil-Bacley  a  été  vendu  par  un  membre  de  cette  der- 
nière famille  à  M.  Desgenetez  :  il  appartient  aujourd'hui  à 
Mme  Bannier,  sa  fille. 

A  peu  de  distance  de  ce  manoir  se  trouve  une  autre  con- 
struction de  la  môme  époque  ,  aujourd'hui  connue  sous  le 
uom  du  Rouy,  mais  qui  se  nommait  autrefois  le  manoir  de 
la  Brasserie.  Il  ne  paraît  pas  avoir  jamais  été  le  chef  lieu 
d'un  fief.  Guy  de  Neufville,  un  des  fils  du  seigneur  de  Mes- 
nil-Bacley  ,  se  qualifiait  cependant  de  sieur  de  la  Brasserie 
vers  1620.  Marie  de  iNeufville,  sa  petite-fille,  épousa,  dans 
les  dernières  années  du  même  siècle,  Charles  Le  Conte  ,  sei- 
gneur du  Rouil ,  à  Ste-Marguerite-des-Loges.  C'est  de  cette 
époque  que  ce  domaine  paraît  avoir  changé  de  nom  :  il  a 
appartenu  depuis  aux  demoiselles  Sauvai  et  est  aujourd'hui 
la  propriété  des  héritiers  Desgenetez. 

Un  autre  manoir  du  XVIe  siècle,  celui  de  Mont-Audin, 
a  été  longtemps  le  centre  d'une  portion  du  fief  de  Mesnil- 
Bacley ,  qui  a  appartenu  à  la  famille  Le  Fournier.  Henri  Le 
Fournier,  sieur  de  Sl-Martin-du-Bû ,  avait  épousé,  sous  le 
règne  de  François  1er,  Jeanne  de  Neufville-Mesnil-Bacley  ,  et 
possédait  un  fief  qui  fut  divisé  en  trois  portions  par  partage 
entre  ses  trois  petites-filles.  L'une  d'elles,  Madeleine  Le  Four- 
nier, épousa,  en  1580,  Nicolas  de  Marguerie,  seigneur  de 
Bretleville  et  de  Sorleval;  une  autre  fut  mariée  à  Yves  Le 
Chastelain,  sieur  de  Pont-Hardy.  Nous  ne  savons  à  laquelle 
échut  le  manoir  de  Mont-Audin  ;  mais,  vers  1655,  il  fut  ac- 
quis par  Roger  Costard,  sieur  de  la  Droictière  et  depuis  de 
Mesnil-Bacley.  Un  de  ses  descendants,  M.  de  Costard  de  Bur- 
sard,  l'a  revendu  en  1792,  et  il  est  aujourd'hui   la  propriété 

40 


626         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU  CALVADOS. 

de  M.  Pierre.  Les  constructions,  bien  qu'intactes,  n'offrent 
rien  qui  mérite  l'attention. 

Un  peu  plus  loin  ,  en  remontant  le  vallon  du  Douet-Ho- 
quiri ,  se  trouvait,  entouré  de  belles  douves ,  le  manoir  des 
Mézerets,  centre  d'une  autre  portion  de  la  seigneurie  de 
Mesnil-Bacley ,  qui  fut,  vers  1580,  l'apanage  d'une  des  trois 
filles  de  Pierre  Le  Fournier  et  de  Guillelmine  de  Nossy  : 
celle-ci  épousa  Henri  Jamot.  Un  de  ses  descendants,  Nicolas 
Jamot,  sieur  de  Mesnil-Bacley,  fut,  en  1666,  condamné  à 
l'amende  comme  ayant  usurpé  la  noblesse.  Il  eut  pour  héri- 
tier Pierre  Lemenant  de  Grandval,  chevalier  de  St-Louis, 
possesseur  de  plusieurs  fiefs  et  de  terres  considérables  dans 
le  voisinage,  lequel  faisait  sa  résidence  au  manoir  des  Méze- 
rets. Ce  domaine  passa  depuis  par  succession  à  M.  Moulin, 
puis  par  vente  au  sieur  Graverend,  qui  l'a  transmis  au  pro- 
priétaire actuel,  M.  Mignot,  maire  de  Mesnil-Bacley  ;  celui-ci 
a  remplacé  l'ancien  manoir  par  une  habitation  moderne. 

Une  autre  portion  de  la  seigneurie  de  Mesnil-Bacley  a 
longtemps  appartenu  à  la  famille  de  Groisilles ,  peut-être 
comme  dépendance  de  son  fief  de  Poix.  Au  siècle  dernier , 
M.  de  Panthou  se  qualifiait  de  sieur  du  Mesnil-Bacley  ,  pro- 
bablement au  même  litre. 

A  l'extrémité  de  la  commune  de  Mesnil-Bacley,  vers  Heur- 
tevent ,  se  trouve  encore  un  vieux  manoir  du  XVIe  siècle , 
Belleau ,  qui  paraît  avoir  été  construit  par  Robert  de  Neuf- 
ville  ,  sieur  de  Belleau  ,  vers  1526  ,  et  en  avoir  reçu  le  nom. 
Un  des  descendants  de  Robert,  Jean  de  Neufville ,  sieur  de 
Saint-Rémy  ,  baron  de  Fresne,  gentilhomme  de  la  chambre 
du  roi,  le  vendit,  en  1605,  à  Michel  Gostard,  sieur  de  la 
Quaize,  dont  les  héritiers  le  revendirent,  en  1632,  à  Louis 
Gostard,  sieur  de  la  Moraizière.  Le  petit-fils  de  ce  dernier, 
Louis  de  Gostard  ,  sieur  de  Belleau,  voulant  quitter  la  France 
après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes ,  pour  retourner   à  la 


CANTON   DE    LIVAROT.  627 

religion  protestante  qu'il  avait  abjurée ,  vendit,  en  1689,  ce 
manoir  avec  le  fief  de  Vauxmeslin  dont  il  dépendait ,  à  Jac- 
ques Rioult,  sieur  d'Ouilly  et  de  Neuville.  Le  fief  de  Vaux- 
meslin, mouvant  de  la  baronnie  de  Courcy  ,  avait  été  acquis 
par  les  Costard  de  Nicolas  de  Mannoury ,  sieur  de  Fribois , 
qui  lui-même  l'avait  acquis  d'un  sieur  Saminde  LaSaminière. 
Beileau -Vauxmeslin  est  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  le 
comte  de  Neuville. 

Le  territoire  de  Mesnil-Bacley  renfermait ,  en  outre ,  le 
prieuré  du  Val-Boutry,  dépendance  de  l'abbaye  de  St-Pierre- 
sur-Dive.  Cet  établissement  religieux,  dont  l'origine  paraît 
remonter  au  XIIe  siècle ,  possédait,  outre  des  terres  et  des 
bois  assez  importants ,  une  mouvance  féodale  sur  une  partie 
de  la  paroisse.  La  chapelle  et  les  bâtiments  du  prieuré  sont 
encore  subsistants ,  mais  ils  n'offrent  aucun  caractère  digne 
d'attention.  Dédiée  à  Notre-Dame,  la  chapelle  est  encore  de 
nos  jours  fréquentée  par  des  pèlerins  (1). 

HECRTEVENT. 

Heurtevent ,  Hurtevent ,  Hurtevant. 

En  remontant  le  cours  de  la  Vie ,  nous  trouvons,  sur  le 
coteau  qui  domine  la  rive  gauche  de  cette  rivière ,  l'église 
d'Heurtevent  qui  appartenait  au  style  flamboyant  de  la 
dernière  époque  (commencement  du  XVIe  siècle).  Toutes 
les  fenêtres  ont  été  refaites  au  siècle  dernier  et  sont  mo- 
dernes ;  mais  la  façade  occidentale  nous  montre  une  fenêtre 
flamboyante ,  et  une  porte  en  accolade  encadrée  dans  une 
ogive.  Elle  est  précédée  d'un  porche  en  bois ,  de  la  fin  du 
XVIe  siècle  ,  d'un  travail  soigné.    Le  gable ,  qui  termine  la 

(1)  Extrait  des  notes  manuscrites  de  M.  le  vicomte  Louis  de 
Neuville. 


628  STATlSTlQtîfe   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

façacfe  occidentale,  est  protégé  par  une  forte  saillie  du  'toit 
sous  laquelle  se  dessine  une  ogive  en  charpente,  comme  dans 
"fés  maisons  en  bois.  UHe  croix  de  bois  revêtue  de  plomb 
couronne  le  faîte. 

La  tour  ,  en  bois  ,  conforme  à  celles  que  nous  avons 
tant  de  fois  signalées  dans  ce  pays,  précède  le  chœur  à 
l'extrémité  de  la  nef. 

Une  litre  funèbre  peinte  autour  de  l'église  est  encore  visible. 

On  peut  remarquer  dans  l'intérieur  de  l'église  dn  rétable 
très-riche  ,  à  colonnes  cannelées  ;  un  taberharlle  orné  de  co- 
lonnes torses  et  de  statuettes.  On  voit  au  bas  du  tableau  &a 
rétable  ,'cf'  un  côté,  l'inscription  suivante  : 


EX    DONO 
I.    DE    MANOURY 


De  l'autre  côté,  la  date  168Zi  avec  un  écusson  d'argent  à 
trois  mouchetures  d'hermine  de  sable,  1  et\,  qui-est  Manoury . 

Deux  autels  latéraux,  au  haut  de  la  nef,  près  de  l'arc 
triomphal ,  ont  de  petits  rétables  ornés  de  colonnes  torses 
dans  le  style  du  XVIIe  siècle,  comme  l'autel  magistral. 

Le  confessionnal  porte  la  date  1667. 

Il  paraît  que  les  Femmes  d'Heurtevent  avaient  l'habi- 
tude de  parler  à  l'église,  car  on  trouve  sur  le  mur  de  la  nef, 
du  côté  de  l  épure ,  la  curieuse  inscription  suivante  que 
M.  Bouet  a  copiée  avec  soin,  et  qui  n'a  pas  été  mise  la  sans 
motif.  Elle  est  gravée  en  caractères  gothiques  sur  une  pierre 
incrustée  dans  le  mur. 

<fi>ras   .  biables    .  sûmes    .  ennogcs  oenfer 

<ftost   .  par   •  nostre   •  gcat   •  maistre  lurifer 

JjJotir   .  mettre   •  en    .  ce    .  papier  memore 

l'es    .  famés    •  qui    .  quaquettent   .en   .ce  lieu 

JJour    .leur   .  empescljer    .  ïres   •  cieulx    .  la  gloVre 

<£t    .  l'association    .   ou    .  grant  HHieu 


CANTON    DE   LIVAROT.  629 

Les  capitales  qui  commencent  chaque  ligue  sont  rouges, 
ainsi  que  les  points  et  les  ornements. 

Il  existe  dans  la  sacristie  d'Heurtevent  un  panneau  assez 
curieux  peint  des  deux  côtés  ,  représentant  la  légende  de 
saint  Jacques-le-Majeur;  les  différentes  scènes  peintes  de 
cette  légende  sont  accompagnées  d'inscriptions  explicatives. 

L'église  d'Heurtevent  est  sous  l'invocation  de  saint  Jac- 
ques ,  ce  qui  explique  la  peinture  dont  nous  venons  de  parler. 

Au  XIVe  siècle,  le  patronage  appartenait  au  duc  de  Nor- 
mandie ;  au  XVIe  siècle,  à  Robert  de  Livet ,  et  au  XVIIP 
siècle,  au  seigneur  de  la  localité. 

Voici  maintenant  les  intéressants  détails  que  nous  donne 
M,  Louis  de  Neuville  : 

a  Cette  commune,  une  des  plus  riches  du  canton  de  Li- 
varot, était  autrefois  comprise  dans  les  limites  (\e  l'élection 
d'Argentan.  Les  plus  anciens  seigneurs  furent  les  d'Ouilly , 
famille  originaire  d'Ouilly-le-Tesson ,  près  Falaise  ,  et  qui 
portait  pour  armes  :  d'argent  à  la  bande  de  gueules.  Nigel 
d'Ouilly  donna  la  dîme  de  la  paroisse  d'Heurtevent  à  l'ab- 
baye de  St-Pierre-sur-Dive  vers  la  fin  du  XIe  siècle  :  il 
était  frère  de  Robert  d'Ouilly  qui  suivit  Guillaume-le -Con- 
quérant en  Angleterre,  où  il  fut  fait  connétable  d'Oxford. 
Celte  famille  illustre,  qui  s'est  éteinte  en  France  dans  le 
cours  du  XIVP  siècle,  subsiste  encore  en  Angleterre  dans  les 
maisons  d'Oiley  de  Chislehamplon  et  d'Oiley  de  Shottisham , 
décorées  l'une  et  l'autre  du  litre  de  baronnet. 

«  Soit  que  la  terre  d'Heurtevent  ait  été  divisée  en  vertu 
d'un  parage  ou  autrement,  il  est  certain  que  dès  une  époque 
fort  ancienne  on  la  trouve  partagée  en  trois  fiefs,  ou  peut-être 
quatre,  en  tenant  compte  d'une  portion  réunie  au  domaine 
royal.  Le  principal  de  ces  fiefs,  auquel  était  attaché  le  titre 
de  patron  de  la  paroisse  et  le  droit  de  présenter  a  la  cure 
du  lieu,  était  réuni  et  incorporé  au   fief  et  haute-justice    du 


C30  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Coudray  ,  situé  en  la  paroisse  voisine  de  Tortisambert.  C'est 
comme  possesseurs  de  ce  fief  que  se  sont  successivement  qua- 
lifiés de  seigneurs  et  patrons  d'Heurtevent ,  les  du  Coudray  , 
les  de  Lyée ,  les  Le  Jau  et  les  Picot  de  Dampierre  ;  ces  der- 
niers en  portaient  encore  le  litre  en  1789,  et  leurs  armes 
se  distinguent  sur  la  litre  funèbre  qui  règne  autour  des 
murs  extérieurs  de  l'église  paroissiale.  A  l'intérieur  de  la 
nef  on  remarque  encore  un  double  écusson  :  c'est  celui  de 
Jean-Henri  Le  Jau ,  seigneur  de  Chamberjot  et  du  Coudray, 
capitaine  des  gardes  de  la  porte  de  Monsieur,  et  de  dame 
Angélique-Anne- Marie  de  La  Guérinière  ,  son  épouse  ;  ils 
vivaient  sous  le  règne  de  Louis  XIV. 

«  Le  second  des  fiefs  d'Heurtevent  était  une  dépendance 
du  fief  de  Poix,  qui  s'étendait  dans  les  paroisses  voisines  de 
Mesnil-Bacley,  Montviette,  St-Martin-de-Fresnay,  St-Georges, 
Escots  et  autres.  Ce  fief,  qui  paraît  avoir  été  aussi  nommé  le 
fief  Quesnel ,  a  appartenu  d'abord  aux  deux  familles  dont  il 
a  porté  le  nom.  Bertin  Quesnel ,  écuyer ,  vivait  à  Heurte- 
vent  en  1400,  avec  Perrette  de  Neufville ,  son  épouse  ;  il 
était  probablement  issu  de  la  même  souche  que  les  -Quesnel 
de  Coupigny  et  allié  à  la  famille  de  Poix  ,  éteinte  au  XVe 
siècle.  Plusieurs  familles  ont  successivement  possédé  le  fief 
de  Poix  ;  contentons-nous  de  citer  celles  de  Moges ,  de  La 
Ménardière ,  d'Acher-Mesnil-Vitté  et  de  Croisilles. 

«  Venait  enfin  le  fief  d'Heurtevent-Perleville.  Il  entra  vers 
la  fin  du  XVIe  siècle  dans  la  famille  de  Mannoury,  de  la 
branche  des  Fribois,  qui  avait  conservé  les  anciennes  armes 
de  leur  nom  :  d'argent  à  trois  mouchetures  d'hermine , 
tandis  que  la  branche  aînée,  celle  des  seigneurs  du  Mont-de- 
la-Vigne,  avait  échangé  son  écusson  contre  celui  de  la  maison 
du  Tremblay.  Guillaume  de  Mannoury ,  marié  à  Philippe 
de  Tirmois  ,  eut  pour  fils  aîné  François  de  Mannoury  ,  sei- 
gneur   de   Perteville ,    reçu  avocat  du   roi  à  Argentan ,   en 


CANTON   DE    LIVAROT.  631 

1599 ,  mort  en  1649.  Celui-ci  est  l'auteur  d'un  ouvrage 
intitulé:  Du  comté  d'Alençon  ,  récemment  publié  par 
M.  Gravelle-Desulis  ,  et  d'une  Histoire  d* Argentan  encore 
inédite.  La  famille  de  Mannoury  possédait  aussi  les  terres 
de  la  Brunetière  et  de  Valingou  ,  dans  la  mouvance  du  fief  de 
Perteville  ;  établie  à  Heurtevent  dès  le  XVe  siècle,  elle  y  a 
eu  des  représentants  jusque  vers  1789. 

«  Plusieurs  autres  familles  nobles  ont  résidé  à  Heurtevent 
sans  y  avoir  possédé  de  terres  seigneuriales.  Une  branche 
des  Neufville  a  demeuré,  au  XVIe  siècle,  au  hameau  de  Cler- 
douet  dont  elle  prenait  le  nom.  Ce  hameau,  dont  il  ne  reste 
plus  de  vestiges,  était  situé  dans  les  herbages  deBelleau,  dé- 
pendant aujourd'hui  de  la  terre  de  Neuville.  Les  familles  de 
Brossard  ,  de  La  Houssaye  et  du  Buat  ont  eu  aussi  des  ré- 
sidences dans  la  paroisse  d' Heurtevent.  Il  ne  s'y  trouve 
cependant  aucun  manoir  digne  d'appeler  l'attention.   » 

De  500  habitants  qu'elle  comptait  au  dernier  siècle,  la  pa- 
roisse d'Heurtevent  est  réduite  à  260. 

TORTISAMBERT. 

Tortisambert  ,    Tort  Isembert,  Towtum  Ysamberti. 

Comme  presque  toutes,  l'église  de  Tortisambert  se  com- 
pose d'une  nef  et  d'un  chœur  rectangulaires  ,  le  chœur  en 
trait  sur  la  nef;  une  sacristie  moderne  s'appuie  sur  le  chevet. 

Quelques  restes  d'appareils  dans  les  parties  basses  des 
murs  de  la  nef  pourraient  appartenir  au  XIIe  siècle  ,  mais  on 
a  dû  reconstruire  l'édifice  presque  en  entier.  Les  fenêtres 
sont  carrées,  pour  la  plupart  ;  il  n'en  reste  que  deux  anciennes 
cintrées  et  épannelées,  mais  d'une  époque  peu  caractérisée;  le 
chœur  paraît  en  grande  partie  moderne. 

On  y  voit,  du  cAté  du  sud.  une  grande  fenêtre  carrée  dont 


632  STATISTIQUE  MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

le  lioteau  dessine  une  accolade  avec  un  écusson,  et  que  je 
crois  de  la  fin  du  XVIe  siècle. 

La  porte  occidentale  est  un  cintre  surbaissé,  surmonté  d'un 
cordon  ,  mais  le  mur  qui  la  surmonte  et  forme  le  pignon  a 
été  refait  récemment;  on  y  a  figuré,  à  l'aide  de  briques,  un 
ostensoir  avec  son  pied  et  son  soleil  rayonnant.  La  flèche,  en 
bois  et  ardoise  ,  est  assez  élégante  et  se  compose  d'une  base 
carrée  surmontée  d'une  galerie  de  même  forme  en  surplomb, 
laquelle  est  couronnée  d'une  flèche  octogone  très-élancée,  dont 
les  angles  de  la  base  font  saillie  sur  le  carré  qui  la  supporte. 

L'intérieur  de  l'église  de  Tortisambert  a  été  fraîchement 
peint.  Les  anciennes  voûtes  en  bois  ont  été  remplacées  ou 
masquées  par  des  voûtes  en  plâtre. 

Deux  petits  autels  obliques  et  modernes,  entre  chœur  et 
nef,  sont  peints  en  couleur  de  noyer;  le  chœur  a  aussi  été 
peint.  Les  deux  fenêtres  qui  éclairent  le  sanctuaire  ont  reçu 
des  vitraux  peints  :  au  centre  de  chacun  on  voit  un  médaillon, 
de  forme  circulaire,  encadrant  des  personnages;  dans  l'un 
on  dislingue  l'Adoration  des  Bergers  ,  dans  l'autre  le  Christ 
et  les  Saintes  Femmes  après  la  Descente  de  Croix. 

L'église  de  Tortisambert  est  sous  l'invocation  de  la  Sainte- 
Trinité.  Le  duc  de  Normandie,  puis  le  roi  nommait  à  la  cure. 

Nous  lisons  ce  qui  suit  dans  les  notes  de  M.  Louis  de 
Neuville  : 

Cette  commune  a  fait  autrefois  partie  de  l'élection  d'Ar- 
gentan. Elle  renfermait  un  fief,  celui  du  Coudray,  décoré  du 
privilège  de  haute-justice  rare  en  Normandie,  et  qui  avait 
pour  origine  une  concession  royale  dont  la  date  ne  nous  est 
pas  connue.  Cette  terre  paraît  avoir  pris  son  nom  d'une  fa- 
mille du  Coudray,  qui  l'a  possédée  jusque  dans  la  seconde 
moitié  du  XVe  siècle,  lorsque  Jeanne  du  Coudray,  dame  de  ce 
lieu  et  d'Heurtevent,  épousa  Guillaume  de  Lyée,  seigneur  de 
Lyée,  de  Tonnancourt,  de  Belleau  et  de  la  Fosse.   Pendant 


CANTON    D*:    LIVAROT.  633 

deux  siècles ,  la  lerre  du  Coudray  appartint  à  la  famille  de 
Lyée.  François  de  Lyée  ,  seigneur  de  St-Jean  -de-Livet , 
du  Coudray  et  d'Heurtevent ,  cadet  de  la  branche  de  Ton- 
nancourt,  n'ayant  eu  qu'une  fille  de  son  mariage  avec  Made- 
laine  de  iMailloc,  ses  terres  passèrent  à  d'autres  maisons. 
Madelaine  de  Lyée ,  héritière  d'une  fortune  considérable , 
épousa  Jean  de  Vieux-Pont,  d'un  nom  illustre  en  Normandie; 
devenue  bientôt  veuve  ,  elle  donna  sa  main  à  Arnoul  de 
Braque ,  seigneur  de  Volhard  et  de  Châteauvert.  Ce  second 
mariage  eut  lieu  en  1642  .  [/année  ne  s'était  pas  écoulée  que 
la  dame  du  Coudray  était  plongée  dans  un  nouveau  veuvage. 
Après  un  deuil  de  quelques  années,  Madelaine  de  Lyée  con- 
vola, en  1648,  à  de  troisièmes  noces.  Cette  fois  elle  épousait 
un  gentilhomme  périgourdin  de  peu  de  fortune,  mais  une 
des  célébrités  littéraires  de  l'époque,  Gautier  de  Costes,  sieur 
de  La  Calprenède.  Auteur  de  plusieurs  tragédies  médiocres, 
La  Calprenède  est  surtout  connu  par  ses  romans  :  Cassandre, 
Cléopâlre  et  Pkaramond.  Ces  ouvrages  témoignent  à  la  fois 
de  la  féconde  imagination  de  l'auteur  et  de  l'intérêt  infati- 
gable de  Nés  admirateurs;  cependant,  après  avoir  été  en- 
tourés d'une  extrême  popularité,  ils  sont  tombés  dans  le  plus 
complet  oubli.  On  en  a  justement  critiqué  le  style  négligé  el 
les  sentiments  peu  naturels;  mais  peut-être  aussi,  par  le  ton 
héroïque  de  ses  écrits,  La  Calprenède  a-t-il  contribué  à  dé- 
velopper chez  ses  lecteurs  cette  élévation  morale  si  remar- 
quable dans  la  société  française  du  XVir  siècle.  La  Calprenède 
mourut  aux  Andelys,  en  1663,  de  mort  accidentelle:  sa  veuve 
ne  put  surmonter  sa  douleur  et  le  suivit  de  près  au  tombeau. 
La  terre  du  Coudray  a  été  depuis  possédée  par  la  famille 
Le  Jau,  puis  par  celle  de  Picot  de  Dampierre,  maison  distin- 
guée de  Champagne  ;  elle  appartient  encore  à  M.  le  comte 
de  Dampierre.  lue  enceinte  de  larges  fosses  entourait  le 
manoir  seigneurial  ,  démoli  a  la  fin  du  siècle  dernier,  et  se$ 


684  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

dépendances  encore  subsistantes,  mais  dénuées  d'intérêt.  On 
a  détruit,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  la  prison  de  la  haute- 
justice  ,  construction  fort  singulière  ,  composée  de  pièces  de 
charpente  couchées  horizontalement  les  unes  sur  les  autres 
et  reliées  par  les  extrémités. 

La  paroisse  de  Tortisambert  renfermait  aussi  le  fief  du 
Buisson  ,  qui  a  appartenu ,  comme  le  précédent,  à  la  famille 
de  Lyée.  11  était  voisin  de  la  forêt  de  Montpinçon ,  autrefois 
du  domaine  royal ,  qui  s'étend  en  partie  sur  Tortisambert. 
Cette  forêt  est  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  de  Logivière, 
dont  l'habitation  de  Beauvoir  occupe  une  belle  position. 

Signalons  aussi  le  manoir  de  Buttenval ,  longtemps  pos- 
sédé par  la  famille  Chauvel  de  Buttenval  ;  le  manoir  de  Val- 
Henry,  ancienne  résidence  de  la  famille  du  Buat  et  aujour- 
d'hui la  propriété  de  M.  de  Chaumontel.  Pierre  du  Bual 
comparut  à  Tortisambert  pour  faire  ses  preuves  de  noblesse 
dans  la  Recherche  de  1666,  de  même  qu'Yves  Philippe, 
sieur  de  Beaumont;  Nicolas  de  Vigan,  sieur  de  La  Fresnaye, 
et  Antoine  de  Vigan,  son  fils,  sieur  d'Angerville. 

Le  colonel  du  génie  du  Buat,  auteur  d'un  ouvrage  impor- 
tant sur  l'hydraulique,  est  né  à  Tortisambert,  ainsi  que  son 
frère  du  Buat ,  comte  de  Nançay  ,  diplomate. 

ST-B  ASILE. 

St-Basile,  Sanctus  Dasilius,  ecclesia  Sancti  Basilii. 

Depuis  que  la  paroisse  de  St-Basile  a  été  réunie  à  Torti- 
sambert ,  M.  de  Saint-Basile  a  acheté  l'église  et  la  conserve: 
c'est  un  édifice  pei^  important ,  mais  qui  présente  encore 
pour  l'étude  quelques  détails  à  observer. 

Comme  dans  les  autres  églises  du  pays,  la  nef  et  le  chœur 
sont  rectangulaires  ;  mais  les  murs  de  la  nef  sont  en  pierre 
jusqu'à  une  certaine  hauteur ,  en  bois  et  en  clayonnage  à  la 
partie  supérieure.  Celle-ci  repose  sur  des  poteaux  intérieurs 


CANTON    DE    LIVAROT.  635 

qui  supportent  la  charpente.  Nous  avons  déjà  vu  de  sem- 
blables poteaux  à  Livaye  ,  et  on  les  retrouve  dans  plusieurs 
autres  églises;  il  est  curieux  d'examiner  ce  système  de  con- 
struction, dans  lequel  les  charpentes  jouent  un  si  grand  rôle. 
L'église  de  St-Basile  nous  le  montre  tel  qu'on  l'a  employé 
encore  quand  on  a  reconstruit  les  églises  du  Pays-d'Auge 
vers  le  XVIe  siècle  ;  mais  je  ne  doute  pas  que  dans  les  pre- 
miers temps  beaucoup  d'églises  ne  fussent  tout-à-fait  en 
bois.  Que  l'on  supprime  donc,  par  la  pensée,  le  mur  en 
pierre  qui  forme  les  deux  tiers  de  l'élévation  des  murs  de  la 
nef;  que  l'on  y  substitue  un  remplissage  en  bois  et  en  mor- 
tier ,  et  l'on  aura  l'image  d'une  église  telle  qu'elles  devaient 
exister  en  grand  nombre  autrefois  dans  la  contrée. 

Les  fenêtres  de  l'église  de  St-Basile  sont  carrées  ,  à  l'ex- 
ception de  celle  qui  était  au  chevet  et  qui  est  bouchée  au- 
jourd'hui. Celle-ci  était  cintrée ,  subdivisée  en  deux  baies  , 
avec  un  oculus  entre  les  ouvertures  géminées.  M.  de  Saint- 
Basile  croit ,  et  je  suis  de  son  avis,  qu'elle  peut  remonter  au 
XVIe  siècle.  Un  porche  en  bois  précède  la  porte  d'entrée  : 
je  le  crois  du  XVIIe  siècle.  Quant  à  la  porte  ,  la  date  1780 
est  gravée  sur  le  linteau  qui  reçoit  le  battant ,  au-dessous  du 
tympan  circulaire  qui  est  vitré. 

L'intérieur  de  l'église,  outre  les  robustes  poteaux  qui  sup- 
portent la  charpente  ,  montre ,  entre  chœur  et  nef ,  deux 
petits  autels  à  rétable  de  bois  à  jour.  On  voyait  autrefois  des 
rétables  pareils  dans  beaucoup  d'églises  du  pays  ;  il  n'en 
reste  guère,  et  chaque  jour  on  en  détruit  quelques-uns, 
quoiqu'ils  dussent  être  conservés  ;  on  ne  les  retrouve  plus 
que  dans  les  églises  supprimées  comme  celle  de  St-Basile.  La 
statue  de  la  Sainte-Vierge  qui  surmonte  le  tabernacle,  à 
l'autel  de  gauche,  me  paraît  ancienne  relativement  ;  la  pose 
du  corps  et  la  draperie  sont  identiques  avec  celles  qui  dis- 
tinguent quelques  Vierges  du  XV  siècle. 


636  STATISTIQUE    MONIJMKNTAF F    T)U    CALVADOS. 

M...  de  Sainjl- Basile  conserve  tous  ces  objets,  et  nous  l'en 
remercions  ;  les  souvenirs  sont  pour  lui ,  avec  son  goût  pour 
l'archéologie,  des  motifs  pour  sauver  celte  pauvre  église  qu'il 
a  rachetée;  une  litre  funèbre,  dont  on  voit  encore  les  traces, 
porte  les  armes  de  sa  famille. 

Dans  le  chœur,  une  belle  pierre  tombale  en  marbre  blanc 
recouvre  les  restes  de  Mme  de  Saint-Basile,  née  de  Foucault, 
morte;  il  y  a  peu  d'années. 

Le  fief  de  St-Basile ,  dit  M.  de  Neuville  ,  était  dès  le 
XVIe  siècle  le  patrimoine  de  la  famille  Gaultier,  qui  en  a 
pris  le  nom  et  qui  a  conservé  cette  terre  jusqu'à  la  Révo- 
lution. Cette  seigueurie  était  mouvante  du  fief  voisin  de 
Launay-Bernard.  Ce  dernier  fief,  dont  le  nom  a  été  altéré 
par  l'usage  eu  celui  de  Launay-Besnard  ,  était  autrefois  situé 
dans  les  limites  de  la  paroisse  de  Montpinçon  ;  mais  son  ter- 
ritoire en  a  été  postérieurement  distrait  et  incorporé  à  la  pa- 
roisse de  St-Basile.  Launay-Bernard  a  appartenu  ,  au  XVe 
siècle,  à  Jean  Lenfant ,  chancelier  du  duché  d'Àlençon,  un 
des  jurisconsultes  les  plus  éminenls  de  son  siècle.  En  H75  , 
René,  comte  du  Perche  ,  administrateur  du  duché  d'Alençon 
pendant  la  captivité  du  duc  Jean,  son  père  ,  fit  don  du  relief 
du  fief  de  Launay-Bernard  à  Jean  Lenfant,  qui  mourut  peu  de 
temps  après  à  Angers,  où  il  professait  le  Droit  civil  depuis  la 
disgrâce  de  son  maître.  En  1553,  Adrien  Gaultier  était  seigneur 
de  Launay-Bernard  et  de  St-Basile,  et  c'est  encore  M.  de 
Gaultier  de  Saint-Basile  qui  est  possesseur  de  la  première 
de  ces  deux  terres.  Il  y  a  fait  construire  une  habitation  renfer- 
mant une  petite  chapelle  entièrement  lambrissée  et  ornée  de 
sculptures  et  de  statuettes  en  bois  de  l'époque  gothique  , 
réunies  et  ajustées  avec  le  goût  le  plus  parfait.  Cet  oratoire 
est  ainsi  devenu  un  véritable  bijou  et  offre  un  spécimen  des 
plus  remarquables  de  l'art  de  la  sculpture  sur  bois  dans  nos 
contrées  au  XVe  sièçje  et  au  commencement  du  XVIe.   Plu? 


CANTON    DE    LiVAKOT.  657 

bas,  dans  h  fraîche  et  riante  vallée  de  la  Momie,  se  trouvait 
le  fief  de  Cropus,  que  Charles,  duc  d'Alençon,  fiefla  à  Jean 
Guérin  en  1511,  pour  une  rente  annuelle  de  30  livres.  Cette 
famille  Guérin  était  déjà,  un  siècle  auparavant,  fixée  à  St- 
Basile  et  à Tortisambert.  Cropus  appartenait,  avant  les  orages 
de  la  Révolution,  à  la  famille  Gaultier  de  Saint-Basile. 

Enfin  la  terre  du  Tertre  ,  longtemps  possédée  par  la 
même  famille,  en  est  sortie  par  le  mariage  de Marie- Arine- 
Madelaine  de  Gaultier  de  Saint-Basile  avec  Jean-Félix  du 
Hauvel,  en  1777.  iMarie-Aglaé  du  Hauvel,  leur  fille,  l'a 
portée  à  la  famille  de  Bonnechose ,  qui  la  possède  aujour- 
d'hui, par  son  mariage  avec  Casimir- Edouard  de  Bonne- 
chose  ,  fils  du  sieur  de  La  Cour  du  Bosc.  Du  reste,  aucun 
des  fiefs  ci-dessus  n'a  conservé  de  manoir  digne  d'être 
étudié.  » 

Les  Autels.  —  Nous  avons  mentionné  l'église  des  Autels, 
en  parlant  de  Montpinçon.  La  commune  est  réunie,  pour  le 
civil,  à  St-Basile  et  fait  partie  du  canton  de  Livarot, 

Il  y  avait  dans  cette  paroisse  un  fief  noble ,  dit  le  fief 
des  Authieux,  qui  appartenait,  au  siècle  dernier,  à  une 
branche  de  la  famille  Gaultier  :  M.  de  Gaultier  de  Hauteserre 
est  encore  possesseur  du  manoir  des  Autels.  Cette  famille  a 
donné  naissance  à  Marie-Charlotte-Antoinette  de  Gaultier 
des  Authieux ,  mariée  à  Jacques-François  de  Corday  d'Ar- 
mont  et  mère  de  la  célèbre  Charlotte  Côrday.  C'est  au 
manoir  du  Mesnil-lmbert,  situé  à  une  demi-lieue  des  Autels, 
dans  le  déparlement  de  l'Orne ,  que  la  famille  de  Corday 
d'Armont  faisait  sa  résidence  et  que  l'héroïne  a  passé  la  plus 
grande  partie  de  sa  jeunesse  (1).   Son  portrait  authentique, 

(1)  Noies  manuscrites  de  M.  te  vicomte  de  Neuville. 


638  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

sans  analogie  avec  ceux  qu'on  a  donnés  au  public ,  est  con  • 
serve  au  château  voisin  de  Garnetot,  propriété  de  M.  de 
Gaultier  de  Garnetot,  neveu  à  la  mode  de  Bretagne  de  Marie- 
Charlotte  de  Corday  :  connue  dans  le  monde  sous  le  nom 
de  Marie ,  elle  restera  célèbre  dans  la  postérité  la  plus  re- 
culée sous  son  second  prénom. 

Signalons  encore  aux  Autels  le  manoir  de  Ménival,  qui  a 
servi  de  résidence  à  une  autre  branche  de  la  famille  Gaultier, 
dite  de  Ménival. 

LA  CHAPELLE-HAUTE-GRUE. 

La  Chapelle-Haute-Grue,  Capeila  deHastegru,  de  Hastagou. 

L'église  n'est  plus  consacrée  au  culte.  La  commune  de  La 
Chapelle  a  été  réunie,  pour  le  spirituel,  à  celle  de  Tortisam- 
bert.  D'après  l'analyse  que  M.  Pannier  a  bien  voulu  me 
communiquer,  l'église  date  du  XVIe  siècle.  Les  fenêtres  car- 
rées, à  arc  surbaissé,  ont  été  ouvertes  vers  le  milieu  du 
siècle  dernier,  ainsi  que  le  porte  l'inscription  suivante  gravée 
sur  une  des  fenêtres  du  chœur  : 

l'an     17A7.   G.    L,    ROY. 

Le  portail  occidental  est  surmonté  d'un  gable  recouvert 
en  essente.  La  porte  principale  est  placée  au  nord. 

Le  clocher,  à  l'extrémité  orientale  de  la  nef,  est  assez 
élancé;  il  est  en  charpente  et  recouvert  en  essente. 

On  remarque  à  l'intérieur  de  l'église  un  autel  avec  rétable 
d'ordre  composite ,  style  Louis  XV.  Le  devant-d'autel  repré- 
sente un  agneau  dans  les  flammes.  De  chaque  côté  se  dé- 
roulent de  gracieux  rinceaux. 

Des  bancs  en  bois  de  chêne  et  à  haut  dossier,  dans  le  style 
Louis  XII,  sont  placés  dans  le  chœur. 


CAMON    DE    LIVAROT.  639 

La  Chapelle  est  le  but  d'un  pèlerinage  très-fréquenté  pour 
les  maladies  de  la  peau. 

L'église  était  placée,  au  XVIe  siècle,  sous  l'invocation  de 
saint  Pierre.  Plus  tard  ,  elle  fut  mise  sous  celle  de  saint 
Laurent.  Le  seigneur  nommait  à  la  cure. 

Au  XVIe  siècle,  la  Chapelle-Haute-Grue  avait  pour  patron 
laïque  G.  de  Belleau  (deBella  Aqua);  au  XVIIIe,  le  seigneur. 

Cette  ancienne  paroisse  comptait  52  feux ,  260  habitants, 
et  dépendait ,  à  l'époque  de  la  Révolution ,  de  l'élection  d'Ar- 
gentan. Sa  population  actuelle  est  de  95  habitants. 

M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville  fait  une  description  très- 
attrayante  de  La  Chapelle-Haute-Grue,  et  nous  donne  d'inté- 
ressants détails  sur  les  fiefs  de  cette  paroisse  : 

a  La  Chapelle-Haute-Grue,  dit-il,  occupe  un  promontoire 
élevé  qui  sépare  les  deux  jolies  vallées  de  la  Vie  et  de  la  Monne, 
et  les  pentes  qui  s'étendent  de  chaque  côté  vers  ces  deux  ri- 
vières. Sur  les  bords  de  la  Monne  ,  on  remarque  un  étang 
dont  l'eau  reflète  un  groupe  de  constructions  de  divers 
genres  placé  à  son  extrémité  ;  celle  qui  frappe  le  plus  les 
regards  est  une  vieille  tour  à  l'aspect  féodal  :  ce  n'était  pour- 
tant qu'un  colombier  dépendant  du  manoir  de  Caudemonne. 
Ce  fief,  mouvant  du  comté  de  Montgommery  ,  a  été  l'apanage 
d'une  branche  cadette  de  la  maison  de  ce  nom  ,  qui  pendant 
les  XIIe  et  XIIIe  siècles  a  été  fixée  sur  ce  coin  du  sol.  Il 
paraît  avoir  été  aussi  nommé  Caudemont,  du  moins  on  trouve 
Roger  de  Monlgommery  qualifié  du  titre  de  seigneur  de 
Caudemont  en  1201.  Sa  postérité  directe  s'éteignit  vers  le 
commencement  du  XIVe  siècle.  Nous  trouvons,  en  1M7,  un 
Jean  de  Caudemonne  dans  la  paroisse  de  La  Chapelle-Haute- 
Grue.  Caudemonne  fut  depuis  possédé  par  la  famille  Auber, 
qui  portait  pour  armes  :  paie  d'argent  et  de  gueules  au  chef 
d'azur.  Eustache  Auber  était  seigneur  de  Caudemonne  et  de 
la  Chaquetière,  vers  1600.   Au  XVIIIe  siècle ,   Caudemonne 


b/lO  STATISTIQUE    MONUMENTAL*;    1)L    CALVADOS. 

était  la  propriété  de  M.  Le  Paulmier  de  La  Livarderie ,  offi- 
cier de  marine.  Cette  terre  a  été  vendue  pendant  la  Révo- 
lution. 

«  Dans  la  même  paroisse  se  trouvait  un  fief  nommé  La 
Chapelle-Haute-Grue  ;  mais  il  devait  avoir  bien  peu  d'impor- 
tance ,  car  il  fut  acquis  en  1617  par  Guillaume  de  Mannoury, 
sieur  de  Perteville,  pour  la  modique  somme  de  200  livres 
tournois  en  capital. 

«  Le  versant  opposé  de  la  paroisse  de  La  Chapelle-Haute- 
Grue,  du  côté  de  la  rivière  de  Vie,  dépendait  du  fief  de  La 
Chaquetière,  qui  s'étendait  aussi  dans  les  paroisses  voisines 
de  La  Brevière,  de  Ste-Foy  et  de  St-Germain-de-Montgom- 
mery.  Ce  fief,  tenu  du  duché  d'Alençon  ,  était  possédé  au 
XVIe  siècle  par  la  famille  Auber  de  Caudernonne.  Aux  XVIIe 
et  XVIIIe  siècles  ,  la  Chaquetière  appartint  à  la  maison 
de  Courseulles-Capdehoulle,  aujourd'hui  représentée  par  la 
famille  de  Vanssay. 

<(  Signalons  encore  la  terre  non  seigneuriale  du  Vaursan  , 
possédée  par  une  branche  de  la  famille  Costard  sous  le  règne 
de  Louis  XIV.  Une  vacherie  modèle  y  fut  établie  il  y  a  peu 
d'années  par  M.  Robiou  de  La  Tréhonnais  ,  agronome  dis- 
tingué :  elle  a  depuis  été  transférée  près  de  Lisieux. 

«  La  famille  de  Vergeast ,  originaire  de  Condrieu-sur-le- 
Rhône ,  a  demeuré  à  La  Chapelle-Haute-Grue  vers  la  fin  du 
XVIe  siècle.   » 

S^-FOIX-DK-MONTGOMMERY   (1) 

Ste-Foy-de-Montgommery  ,  Sancta  Fides  de  Monte  Gom- 
merici. 

(1)  Noies  communiquées  par  M.  Pannier. 


CANTON   DE   LIVAROT.  641 

L'église  de  Ste-Foy-de-MoiUgommery  s'élève  dans  la  vallée 
de  la  Vie ,  près  de  la  roule  de  Vimou  tiers  à  Livarot  ;  elle  est 
orientée  du  nord  au  midi. 

La  partie  la  plus  ancienne  de  celte  église  est  le  chœur, 
qui  date  du  XIIIe  siècle.  Le  chevet,  droit,  présente  une  fe- 
nêtre géminée  en  lancette  ;  une  fenêtre  semblable  éclaire  le 
chœur  du  côté  de  l'évangile. 

La  nef  remonte  seulement  au  XVIe  siècle.  Les  murs  sont 
construits  en  grand  appareil.  Des  châssis  garnissent  les  fe- 
nêtres, qui  sont  carrées.  Une  seule  fenêtre ,  à  l'ouest ,  offre 
des  compartiments  flamboyants. 

Un  gable  ou  fronton,  revêtu  d'essente,  termine  le  portail. 
La  porte ,  à  linteau ,  est  encadrée  dans  une  ogive  et  flanquée 
de  deux  contreforts. 

Le  clocher,  qui  surmonte  le  portail,  est  moderne  et  se  fait 
remarquer  par  sa  forme  disgracieuse.  La  cloche  a  été  fondue 
par  Lavillette,  en  1816.  L'ancien  clocher  était  placé  à  l'ex- 
trémité de  la  nef,  près  du  chœur. 

On  remarque  à  l'intérieur  de  l'église  le  maître-autel  à  la 
romaine,  dont  l'un  des  gradins  est  orné  de  deux  jolis  ta- 
bleaux peints  sur  bois  ,  représentant  :  l'un  ,  Jésus-Christ  ; 
l'autre,  la  Sainte-Vierge. 

Ste-Foy-de-iMontgommery  avait  pour  patron  laïque ,  au 
XIVe  siècle,  le  seigneur  d'Harcourl  ;  au  XVIe,  le  seigneur 
d'Harcourt  et  de  Longueville  ;  enfin,  au  XVIIIe,  le  seigneur 
de  la  localité. 

Écoutons  M.  Louis  de  Neuville  sur  les  souvenirs  histo- 
riques de  cette  localité  : 

«  Montgommery  était ,  dit-il ,  centre  d'une  des  princi- 
pales seigneuries  de  la  province;  il  a  donné  son  nom  à  une 
des  plus  illustres  familles  normandes.  Le  premier  auteur 
connu  de  cette  maison  est  Roger  de  Montgommery,  qui 
tenait  déjà  un  rang  distingué  parmi  les  plus  grands  seigneurs 

41 


M2  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

du  pays  dans  les  premières  années  du  XIe  siècle  ;  il  eut  cinq 
fils  :  Hugues,   l'aîné,  fut   sire  de  Montgommery  ;  les  autres 
peuvent  avoir  été  la  souche  de  quelques  familles  du  même 
nom  qui  subsistèrent   en  Normandie  jusqu'au   XIVe  siècle 
et  s'éteignirent  sans  avoir  jamais  occupé  une  position  mar- 
quante. C'est  de  Roger  de  Montgommery  ,  fils  de  Hugues  , 
que  date  l'éminente  grandeur  de  celte  maison  :  il  épousa 
Mabile  Talvas ,   comtesse  d'Alençon  et  de  Bellême ,  digne 
héritière    d'une  race  célèbre  par  sa   puissance,    mais   plus 
encore  par  ses  crimes.   Roger  fut  un  des   personnages  les 
plus  habiles  et  les  plus  respectés  de  son  temps  ;  Guillaume- 
le-Conquérant,  qu'il  assista  puissamment  dans  l'invasion  de 
l'Angleterre  ,  lui  donna  en  ce  royaume  des  terres  immenses 
et  les  comtés  de  Shrewsbury  et  d'Arundel.  Roger  de  Mont- 
gommery mourut  vers  109/*:  il  laissa  sa  terre  de   Mont- 
gommery  à   son   fils  aîné  Robert,  dit  de  Bellême ,   comte 
d'Alençon  ;  Hugues,  le  second,  fut  comte  de  Shrewsbury  ; 
Roger,  dit  le  Poitevin ,  devint  comte  de  la  Marche  par  son 
mariage  avec  Almodis ,  héritière  de  cette  province,  et  fut 
l'auteur  d'une   branche  qui  posséda  le  comté  de  la  Marche 
jusqu'à  son   extinction   dans  les  dernières  années  du   XIIe 
siècle  ;  Philippe ,  quatrième  fils  du  sire  de  Montgommery  , 
fut  tué  à  Antioche  dans  la  première  croisade  ;  Arnoul  ,  le 
cinquième,  fut  comte  de  Pembrocke  au  pays  de  Galles  ;  enfin 
Evrard  ,    né  d'un  second    mariage ,    fut   chapelain  du   roi 
d'Angleterre. 

Robert  de  Bellême,  seigneur  de  Montgommery  et  comte 
d'Alençon,  épousa  Agnès,  héritière  du  comte  de  Ponthieu  , 
et  fut  ,  comme  son  père ,  un  des  plus  puissants  seigneurs  de 
son  temps  ;  mais  ,  par  son  caractère  ,  il  ne  démentit  pas  le 
sang  des  Talvas  que  lui  avait  transmis  sa  mère  :  il  fut  la 
terreur  de  ses  contemporains,  accablant  ses  vassaux  comme 
ses  voisins  de  ses  iniquités  et  de  ses  violences  ,  et  com- 


COTON   DE   LIVAROT.  643 

mettant  plus  d'actes  de   tyrannie   que  Ton  ne  peut  en  re- 
procher à  aucun  des  autres  barons  normands.  Son  fils  unique 
Guillaume,  comte  d'Alençon  et  de  Ponthieu ,  épousa   Alix 
de  Bourgogne,   dont    il    eut  deux   fils,    auteurs  de  deux 
branches  qui  se  partagèrent  ses  possessions ,  pour  ne  point 
dire  ses  États.  Guy,  l'aîné,  fut  chef  de  la  branche  des  comtes 
de  Ponthieu  ;  Jean,  le  puîné,  eut  en'partage  le  comté  d'Alen- 
çon ,  que  ses  descendants  conservèrent  jusqu'à  l'extinction 
de  cette  ligne  en  1219.  La  baronnie  de  Montgommery  fut 
attribuée  à  la  branche  de  Ponthieu.  Il  y  a  pourtant  lieu  de 
croire  que   ce   ne  fut   point  sans    avoir  subi   un  démem- 
brement, par  suite  duquel  une  notable  portion  des  terres  et 
des    mouvances  féodales   qui    en    dépendaient    fut   depuis 
lors  considérée  comme  faisant  partie  du  comté,  depuis  duché 
d'Alençon.  Le  dernier  comte  de  Ponthieu,  de  la  maison  de 
Montgommery,  fut  Guillaume  III,  mort  en  1221,  qui,  de 
son  mariage  avec  la   princesse  Alix  de  France ,  fille  du   roi 
Louis  VII,  le  Jeune ,  ne  laissa  qu'une  fille,  Marie,  comtesse 
de  Ponthieu   et  dame  de  Montgommery  ,    mariée  en  pre- 
mières noces  à  Simon  de  Dammartin ,  comte  d'Aumale.  Sa 
fille  aînée,  Jeanne,  comtesse  de  Ponthieu  et  d'Aumale ,  eut 
aussi  dans  son  lot  la  baronnie  de  Montgommery  qu'elle  ap- 
porta en  dot  avec  ses  autres  seigneuries  à   Ferdinand  III , 
le  saint  roi  de  Castille  et  de  Léon.  Après  sa   mort ,   Mont- 
gommery fut,  de  même  qu'Aumale,  l'apanage  d'une  branche 
cadette  de  la   maison  royale  de  Castille  ,  dite  de   Castille- 
Ponthieu  ,  qui  tomba  en  quenouille  à   la   quatrième  géné- 
ration. Blanche  de  Castille  Ponthieu  ,  comtesse    d'Aumale  , 
épousa  en    1340  Jean  ,   comte   d'Harcourt,    cinquième  du 
nom,  et  lui   apporta  la   terre   de  Montgommery  ;  Jacques 
d'Harcourt ,  son  second    fils ,  fut  après  elle  baron   de  Mont- 
gommery,  et  l'auteur  d'une  branche   qui  joignit  à   la  pos- 
session de  cette  seigneurie  celle   d'un  autre  grand  fief  nor- 


644  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

mand ,  le  comté  de  Tancarville  :  Marguerite  de  Melun  , 
héritière  de  Tancarville  ,  l'apporta  en  mariage  à  Jacques 
d'Harcourt-Montgommery,  un  des  plus  intrépides  défenseurs 
du  sol  français.  Quand  les  Anglais,  profitant  des  malheu- 
reuses années  de  la  vieillesse  de  Charles  VI  et  forts  de 
l'alliance  bourguignonne ,  réussirent  à  dominer  la  presque 
totalité  des  provinces  du  nord  de  la  Loire  ,  ils  furent  long- 
temps tenus  en  échec  par  la  petite  place  du  Crotoy,  dont 
s'était  saisi  Jacques  d'Harcourt ,  et  d'où  il  faisait  sans  cesse 
sur  l'ennemi  les  plus  audacieuses  expéditions.  Ce  guerrier 
mourut  en  1Zi28,  laissant  un  fils,  Guillaume  d'Harcourt , 
comte  de  Tancarville ,  vicomte  de  Melun ,  baron  de  Mont- 
gommery,  et  une  fille,  Marie  d'Harcourt,  qui  épousa  le  cé- 
lèbre comte  de  Dunois  ,  Jean  ,  bâtard  d'Orléans  et  auteur  de 
la  maison  de  Longueville.  Guillaume  d'Harcourt  n'eut  que 
deux  filles  :  Marguerite,  qui  mourut  jeune  étant  fiancée  à 
René  d'Alençon  ,  comte  du  Perche ,  et  Jeanne ,  mariée  à 
René  II ,  duc  de  Lorraine  et  de  Bar.  Celte  infortunée  prin- 
cesse fut  répudiée  pour  cause  de  stérilité ,  et  à  sa  mort  , 
survenue  en  1488  ,  elle  laissa  l'héritage  de  ses  nombreux 
domaines  à  son  cousin-germain,  François  d'Orléans,  comtede 
Longueville.  La  baronnie  de  Montgommery  resta  dans  la  maison 
de  Longueville  jusqu'en  1543,  époque  où  elle  fut  vendue 
par  François  d'Orléans ,  marquis  de  Rothelin  ,  petit-fils  du 
précédent.  L'acquéreur  de  cette  seigneurie  en  portait  préci- 
sément le  nom  :  c'était  Jacques  de  Montgommery ,  sieur  de 
Lorge  ,  fils  ou  petit-fils  d'un  de  ces  aventuriers  écossais  qui , 
depuis  le  règne  de  Charles  VII ,  venaient  chercher  fortune 
au  service  de  France.  Des  talents  militaires  et  la  faveur  du 
roi  François  Ier  avaient  fait  sortir  de  l'obscurité  le  sieur 
de  Lorge  et  lui  avaient  procuré  à  la  fois  fortune  et  honneurs; 
devenu  capitaine  des  gardes,  il  se  trouva  en  état  de  se 
rendre   acquéreur  de   la  puissante  baronnie  dont  il  portait 


CANTON    DE   LIVAROT.  645 

le  nom.  Ce  fut ,  croyons-nous,  en  sa  faveur  qu'elle  fut  érigée 
en  comté  ,  titre  qui  ne  lui  avait  été  jusqu'alors  attribué  que 
par  abus ,  et  parce  que  la  plupart  de  ses  possesseurs  étaient 
comtes  de  quelques-unes  des  seigneuries  que  nous  avons 
mentionnées  plus  haut.  Gabriel,  comte  de  Montgommery  , 
fils  de  Jacques ,  fut  un  des  seigneurs  les  plus  brillants  de  son 
temps;  la  faveur  royale  ,  une  bravoure  à  toute  épreuve  ,  de 
grands  talents  militaires  et  une  indomptable  énergie  de  ca- 
ractère semblaient  ouvrir  à  son  ambition  la  carrière  la  plus 
étendue  ;  un  événement  funeste  vint  soudain  l'arrêter  :  ce 
fut  la  mort  du  roi  Heuri  II ,  qui  succomba  à  une  blessure 
accidentelle  qu'il  avait  reçue  dans  un  tournoi  où  il  joutait 
contre  Montgommery.  Auteur  involontaire  de  la  mort  du 
roi, celui-ci  ne  pouvait  plus  se  flatter  d'être  traité  avec  faveur 
par  la  reine  Catherine  de  Médicis  :  la  guerre  civile  vint  lui 
offrir  une  nouvelle  carrière  :  jeté  dans  le  parti  calviniste ,  il 
en  devint  le  chef,  non  le  plus  influent,  mais  le  plus  audacieux 
et  le  plus  déterminé.  Il  se  signala  successivement  dans  plu- 
sieurs provinces  par  d'éclatants  succès ,  mais  aussi  par  des 
actes  d'atroce  barbarie.  Il  était  réservé  au  sort  le  plus  tra- 
gique. Assiégé  dans  Domfront  en  1574  par  des  forces  royales 
très-supérieures  en  nombre  ,  commandées  par  le  comte  de 
Matignon  ,  Montgommery,  après  avoir,  à  la  tête  d'une  poignée 
d'hommes,  soutenu  leurs  attaques  avec  une  valeur  déses- 
pérée ,  fut  enfin  contraint  de  se  rendre.  Conduit  à  Paris, 
un  arrêt  du  Parlement  le  condamna  à  être  décapité  ,  ses 
biens  confisqués ,  ses  maisons  rasées  et  sa  postérité  dégradée 
de  la  noblesse  :  il  eut  la  tête  tranchée  en  place  de  Grève, 
le  26  juin  1574.  Mais ,  en  1576  ,  le  roi  Henri  III ,  par  le 
cinquième  édit  de  pacification  accordé  aux  protestants ,  ré- 
habilita sa  mémoire  et  rendit  à  ses  (ils  leurs  titres  et  leurs 
biens.  L'aîné  des  enfants  du  comte  de  Montgommery  et 
d'Elisabeth  de  La  Touche-Tranchclyon   fut  Jacques ,  comte 


646  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

de  Montgommery ,  qui  se  signala  comme  son  père  dans  le 
parti  calviniste  et  ne  laissa  qu'une  fille ,  Marie  de  Mont- 
gommery ,  mariée  à  Jacques  de  Durfort ,  baron  de  Duras. 
Le  marquis  de  Duras ,  fils  de  ce  dernier ,  vendit  le  comté 
de  Montgommery  à  son  grand-oncle,  Gabriel  de  Montgom- 
mery, dont  la  postérité  conserva  cette  terre  jusqu'au  XVIIIe 
siècle.  La  seconde  maison  de  Montgommery ,  originaire 
d'Ecosse ,  s'éteignit  dans  la  première  moitié  du  règne  de 
Louis  XV  ;  elle  eut  pour  héritière  Marie-Anne-Rose  de 
Montgommery,  mariée  en  1732  à  Louis-François,  marquis 
de  Thiboutot,  De  la  maison  de  Thiboutot,  la  terre  de  Mont- 
gommery a  passé  dans  celle  de  Béthune-Sully,  dont  le  dernier 
représentant  l'a  léguée  au  comte  de  Béthune ,  de  la  maison 
des  Planques  ;  c'est  un  des  fils  de  celui-ci  qui  en  est  au- 
jourd'hui propriétaire. 

Le  comté  de  Montgommery  était  une  des  premières  sei- 
gneuries de  la  province,  au  point  de  vue  de  l'étendue  de  sa 
mouvance  féodale.  Malgré  le  démembrement  qu'elle  avait 
subi  à  la  fin  du  XIIe  siècle,  cette  mouvance  s'étendait  en- 
core sur  plus  de  quarante  fiefs  nobles.  Les  terres  de  St- 
Sylvain  et  de  Vignats,  dans  l'arrondissement  de  Falaise ,  et 
plusieurs  autres  d'une  moindre  importance  en  étaient  des 
annexes.  Les  seigneurs  de  Montgommery  étaient  du  nombre 
des  barons  de  l'Échiquier  de  Normandie. 

Les  restes  de  l'ancien  château  de  Montgommery  ,  rasé 
jusqu'aux  fondements  en  1574,  répondent  mal  à  ce  que  l'on 
pourrait  attendre  de  tant  d'illustres  souvenirs.  On  n'y  voit 
plus  qu'un  monticule  informe  dessinant  l'enceinte  du  château, 
d'une  étendue  d'ailleurs  médiocre  ,  et  où  l'emplacement 
qu'occupait  le  donjon  a  seul  conservé  un  relief  assez  no- 
table. Ce  château-fort ,  qui  ne  paraît  avoir  jamais  eu  une 
importance  militaire  considérable ,  a  peut-être  succédé , 
dans  la  seconde   moitié  du  XIe  siècle ,  à  une  place  mieux 


CANTON    DE    LIVAROT.  6^7 

située  dont  nous  retrouverons  l'enceinte  à  2  kilomètres  plus 
loin  sur  le  territoire  de  St-Germain-de-Montgommery.  A 
une  centaine  de  mètres  de  la  motte  où  s'élevait  le  château 
ruiné  en  1574,  il  existe  une  construction  de  bois  assez  con- 
sidérable, aujourd'hui  nommée  le  château  de  Montgommery. 
Cet  édifice,  d'un  intérêt  médiocre ,  paraît  dater  tout  au  plus 
de  la  fin  du  XVIe  siècle  :  ordinairement  affecté  au  logement 
des  fermiers  ou  des  régisseurs  du  comté ,  il  n'a  dû  être 
occupé  par  les  seigneurs  qu'à  courts  et  rares  intervalles  A 
peu  de  distance  de  là  se  trouvait  jadis  un  bourg  d'une  im- 
portance assez  considérable,  à  en  juger  par  l'étendue  des 
terres  autrefois  tenues  en  bourgage.  Mais,  soit  par  reflet  des 
ravages  de  la  guerre ,  soit  par  l'accroissement  progressif  de 
la  ville  de  Vimoutiers  et  du  bourg  de  Livarot,  celui  de 
Montgommery  a  disparu  sans  laisser  de  vestiges. 

Plusieurs  monastères  avaient ,  à  Ste-Foy-de-Mongommery, 
des  possessions  considérables  qu'ils  devaient  à  la  munifi- 
cence des  anciens  seigneurs  et  de  plusieurs  de  leurs  vassaux. 
De  ce  nombre  étaient  les  abbayes  de  St-Jean  de  Falaise  ,  de 
St-Marlin  de  Séez  ,  mais  surtout  celle  de  St- André  cn- 
Gouffern,  qui  avait  en  cette  paroisse  un  domaine  étendu  et 
une  juridiction  assez  importante  pour  donner  à  l'abbé  de 
St-André  le  titre  de  baron  de  -Montgommery  et  la  Brevière. 
De  cette  abbaye  dépendait  aussi  le  prieuré  de  St-Wathieu- 
de-Gouffern,  situé  à  peu  de  distance  de  l'église  de  Slc-Foy  , 
mais  dont  il  ne  reste  plus  de  vestiges.  Dans  la  même  pa- 
roisse, l'abbaye  de  St-André  possédait  aussi  le  fief  et  manoir 
des  Ozillicrs  que  Robert  de  Malvoue  lui  vendit  en  \l2h9  avec 
la  motte,  les  fossés  et  la  maison.  Dans  les  dernières  années 
du  XIIe  siècle,  Robert,  comte  d'Alençon  ,  et  Guillaume,  son 
frère,  firent  donation  à  St-André-cn-Goulfern  de  la  dîme  des 
terres  et  des  bois  qu'ils  possédaient  à  Montgommery  et  que 
Jean',  comte  d'Alençon ,  leur  père ,  avait  recueillis  dans  la 


$48  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

succession  de  Guillaume,  comte  de  Ponthieu ,  leur  aïeul. 
Précédemment,  le  comte  Jean  avait  donné  à  la  même  abbaye 
la  dîme  de  tous  ses  arbres  à  fruits  et  de  ses  vignes  de  Mont- 
gommery.  Quelque  étrange  que  puisse  sembler  cette  der- 
nière mention ,  il  est  certain  qu'au  XIIe  et  au  XIIIe  siècle  il 

existé  des  vignobles  dans  la  vallée  de  Livarot. 

Outre  les  puissantes  baronnies  dont  nous  venons  d'esquisser 
l'histoire  ,  il  a  existé  un  fief  dit  de  Sle-Foy-de-Montgommery, 
dans  la  paroisse  de  ce  nom.  Ce  fief,  relevant  du  comté 
d'Alençon ,  devait  peut-être  son  origine  au  partage  déjà  men- 
tionné, entre  les  enfants  de  Guillaume  de  Montgommery , 
comte  de  Ponthieu.  Quoi  qu'il  en  soit ,  ce  fief  a  appartenu  , 
dès  le  XIIIe  siècle ,  à  la  famille  Bonnet  qui  le  possédait 
encore  au  siècle  dernier.  Cinq  membres  de  cette  famille 
firent  preuve  d'ancienne  noblesse,  en  1666,  devant  M.  de 
Marie  ;  plusieurs  autres  branches  existaient  alors  en  d'autres 
paroisses.  Ste-Foy-de- Montgommery  a  aussi  servi  de  rési- 
dence à  des  membres  des  familles  Le  François  de  la  Tour , 
Toustain  de  Billy  et  de  Courseulles-Capdehoulle.  Gratien  de 
Courseulles ,  écùyer,  se  qualifiait  seigneur  du  Moncel,  en 
1698.  Le  manoir  du  Moncel,  datant  du  XVIe  siècle,  subsiste 
encore  à  Ste-Foy-de-Montgommery ,  mais  cette  vieille  con- 
struction en  bois  n'offre  rien  qui  puisse  fixer  l'attention  »  (1). 

C'est  à  Ste-Foy-de-Montgommery  que  naquit,  en  1697, 
le  savant  antiquaire ,  Augustin  Belley,  prêtre  et  membre  de 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  auteur  d'un 
grand  nombre  de  dissertations  remarquables,  imprimées 
dans  les  Mémoires  de  cette  Académie. 

(1)  V.  les  notes  manuscrites  de  M.  L.  de  Neuville. 


CANTON    DL    LIVAROT. 


649 


SAINT-GERMAIN-DE-MONTGOMMERY. 

St-Germain-de-Montgommery  ,  Sanctus  Germanns  de 
Monte  Gommerici. 

L'église  de  St-Germain-de-iUontgonimery  occupe,  d'une 
manière  pittoresque ,  le  point  culminant  d'une  colline  qui 
domine  Vimoutiers  et  la  vallée  arrosée  par  la  Vie.  Son 
clocher  très-élancé,  placé  à  l'extrémité  orientale  de  la  nef, 
s'aperçoit  de  très-loin.  Il  est  construit  en  charpente  et  re- 
couvert en  essente. 


L'édifice    date   du    XVIe    siècle ,    dans   son    ensemble , 
Toutes  les  fenêtres  ont   été  refaites,  à    l'exception   d'une 


650  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

seule  placée  au  nord ,  laquelle  est  trilobée.  Le  portail  est 
précédé  d'un  joli  porche  qui  provient  de  l'église  de  Vi- 
moutiers.  La  porte,  à  plein-cintre,  a  été  reconstruite  en 
1786,  ainsi  que  l'indique  une  inscription. 

On  remarque  à  l'intérieur ,  derrière  le  inaître-autel,  un 
ancien  groupe  de  Notre-Dame-de-Pitié,  lequel  forme  retable. 

Un  joli  tableau  décore  le  dossier  de  la  chaire  (1). 

St-Germain-de-Montgommery  était  placé,  au  XIVe  et  au 
XVIe  siècle,  sous  le  patronage  de  l'abbesse  d'A.lmenesche. 
Au  XVIIIe,  le  patronage  appartenait  à  l'abbesse  d'Argentan, 

Sous  le  rapport  administratif,  St-Germain  dépendait  de 
l'élection  d'Argentan  et  comptait  77  feux. 

Enceinte  du  château.  —  St-Germain-de-Montgommery 
renferme  une  enceinte  fortifiée  des  plus  remarquables.  Cette 
ancienne  forteresse  occupe  le  sommet  d'une  colline  com- 
posée d'un  banc  de  marne  :  l'enceinte,  d'une  forme  ovale 
irrégulière  d'environ  80  mètres  de  diamètre,  est  formée  d'un 
large  fossé  et  d'un  bourrelet  de  marne  rapportée,  sans  aucune 
trace  de  maçonnerie  :  ce  rempart ,  fort  dégradé  aujourd'hui , 
dominait  le  fossé  d'une  hauteur  d'environ  20  mètres.  L'in- 
térieur du  rempart  présente ,  aujourd'hui ,  un  champ  la- 
bouré, en  contre-bas  d'au  moins  20  pieds  de  l'enceinte  qui 
l'environne  ;  on  n'y  voit  aucun  vestige  de  maçonnerie ,  de 
briques  ou  de  débris  d'aucun  genre;  le  sol  est  composé  d'un 
terreau  sans  mélange ,  dont  la  profondeur  est  inconnue  et 
dont  le  voisinage  n'offre  point  d'analogue.  La  seule  trace 
d'habitation  dont  la  tradition  ait  conservé  mémoire  est  un 
ancien  puits ,  comblé  il  y  a  une  soixantaine  d'années ,  par 
suite  de  plusieurs  accidents  qui  y  avaient  eu  lieu  ;  dans  la 
paroi   de  ce   puits ,   d'une    extrême  profondeur ,  s'ouvrait 

(1)  Notes  de  M.  Pannier. 


CANTON   DE   LIVAROT.  651 

une  galerie  souterraine ,  d'une  étendue  inconnue ,  où  la 
croyance  populaire  plaçait  d'immenses  trésors  :  c'est  dans  ce 
souterrain  que  des  explorateurs  avides  et  imprudents  trouvèrent, 
dit-on ,  la  mort  :  événement  qui  détermina  le  propriétaire  à 
le  faire  combler.  Une  autre  tradition  rapporte  qu'on  pouvait 
jadis  se  rendre,  par  ce  souterrain  ,  jusque  dans  les  ruines  du 
vieux  château  situé  à  Ste-Foy-de- Montgommery  :  cette 
assertion  paraît  dénuée  de  vraisemblance,  la  galerie  souterraine 
ne  pouvant  s'étendre  jusque-là  sans  traverser  des  terrains  de 
la  nature  la  moins  solide. 

Il  est  difficile  de  douter  que  cette  vieille  forteresse  n'ait  été, 
originairement,  le  centre  de  la  baronnie  de  Montgommery  et 
le  berceau  de  la  famille  de  ce  nom  ;  mais  son  abandon  doit 
remonter  à  une  époque  fort  reculée,  car,  historiquement 
parlant,  le  château  de  Montgommery  était  certainement  situé 
à  Stc-Foy  ,  et  dans  les  derniers  siècles  la  forteresse  de  St- 
Germain    ne   faisait   même    point    partie    de   la    terre    de 
Montgommery  :  peut-être  en  avait-elle  été  distraite  dans  le 
partage  qui  eut  lieu  entre  les  fils  de  Guillaume,  comte  de 
Ponthieu  ,  dans  la  seconde  moitié  du  XIIe  siècle.    Quoi  qu'il 
en  soit ,  ces  retranchements  durent  être    occupés  par  des 
Normands,  au  moins  dès  le  Xe  siècle  :  c'est  sans  doute  à  cette 
forteresse  que  Montgommery  doit  son  nom ,   désignant  un 
lieu  élevé,  par  conséquent  Rappliquant  mal  à  Ste-Foy.  Notons, 
sans  y  attacher  trop  d'importance,  l'analogie  de  ce  nom  avec 
celui  de  Gorm-Him-Rige,  sous  lequel  les  Scandinaves  dési- 
gnaient parfois  Guthrum,  un  de  leurs  plus  célèbres  rois  de 
mer,  qui  ravagea  l'Angleterre  dans  la  seconde   moitié  du 
IXe  siècle  et  probablement  fit  aussi  du   sol  ncustrien    le 
but  de  quelques,  incursions.    St-Germain-dc-Montgommery 
était  certainement,  au   commencement  du  règne  de  Guil- 
laume-le-Conquérant ,  une  des  plus   fortes  places  du  duché 
de  Normandie.  On  croit  que  ce  fut  en  en  faisant  le  siège 


052  STATISTIQUE    MOxNUMENTALIi    DU    CALVADOS. 

qu'Alain,   comte  de  Bretagne  et  régent  de  Normandie  pen- 
dant la  minorité  de  Guillaume,  fut  empoisonné  et  mourut  à 
Vimouliers  vers  l'an  1040.  Quelques  années  après,  Henri  I", 
roi  de  France,  fit  en  personne   le   siège  de  Montgommery  : 
c'était  en  1054;  après  une  résistance  acharnée  que  dirigeait 
Gilbert ,  frère  du  seigneur  du  lieu,  la  place  fut  prise  et  ré- 
duite en  cendres,  ainsi  que  le  bourg  et  l'église  qui  en   dé- 
pendaient. Peut-être  est-ce  de  cette  époque  que  date  l'aban- 
don de  cette  vieille  enceinte.  Mais  les  traditions  ont  conservé 
longtemps  le  souvenir  des  combats  acharnés  dont  le  voisinage 
a  été  le  théâtre  :  il  n'est    presque  aucune   des   communes 
voisines  dont  quelque  localité  n'ait  porté  le  nom  de  lieu  de  la 
bataille. 

De  nombreux  fiefs  nobles  étaient  groupés  autour  de 
Montgommery  ,  sans  cloute  par  suite  de  la  tendance  des 
grands  barons  féodaux  à  s'entourer  de  ceux  de  leurs  vassaux 
dont  l'appui  leur  était  le  plus  nécessaire.  Signalons  d'abord  le 
fief  de  St-Germain-de-Montgommery  ,  quart  de  fief  de 
chevalier  mouvant  du  comté  d'Alençon ,  et  qui ,  de 
même  que  celui  de  Sle-Foy  auquel  il  était  joint,  a  appartenu 
pendant  des  siècles  à  la  famille  Bonnet  de  Montgommery. 

Le  fief  de  la  Plesse  mérite  une  attention  toute  parti- 
culière, comme  ayant  conservé  intact  un  vieux  manoir  en 
bois  d'un  style  intéressant.  Le  corps  de  logis  a  été 
allongé  et  modifié  dans  le  cours  du  XVIe  siècle,  mais  la 
plus  grande  partie  offre  encore  le  cachet  du  genre  élégant 
employé  au  XVe  siècle.  Les  moulures  profondément  évidées, 
les  nombreux  écussons  qui  le  décorent,  l'heureuse  combi- 
naison des  pièces  de  charpente  en  font  un  curieux  modèle  de 
ce  singulier  système  d'architecture.  A  l'intérieur ,  une  salle 
lambrissée  en  chêne  et  encore  décorée  d'un  portrait  du 
roi  Louis  XIV,  donne  une  idée  de  ce  qu'était  il  y  a  deux 
siècles  l'intérieur   du    manoir  ;    aujourd'hui ,     il  sert    de 


CANTON    DE   LIVAROT.  653 

logement  aux  fermiers.  Les  écussons  qui  décorent  extérieu- 
rement la  plupart  des  pièces  de  charpente  sont,  en  partie, 
devenus  frustes  et  indéchiffrables  :  ceux  qu'on  peut  encore 
reconnaître  n'offrent  le  blason  d'aucune  des  familles  que 
nous  retrouvons  dans  le  voisinage  ;  l'un  d'eux ,  chargé  d'un 
chevron,  se  trouve  plusieurs  fois  reproduit.  Il  a  existé  près 
de  Couches  une  famille  de  La  Plesse  qui  portait  pour  armes  : 
d'argent  au  chevron  de  gueules  accompagné  de  trois  roses 
de  même;  serait-ce  elle  qui  aurait  élevé  cette  ancienne 
construction  ?  Dans  ce  cas  ,  elle  ne  l'aurait  pas  conservée 
longtemps  :  vers  1520  ,  Jean  Le  François,  seigneur  de  St- 
iVlichel-de-Livet  et  d'Avenel,  était  aussi  seigneur  de  la 
Plesse,  qui  resta  près  de  deux  siècles  entre  les  mains  de  ses 
descendants:  en  1666  ,  Nicolas  Le  François,  sieur  de  la 
Plesse,  fit  preuve  d'ancienne  noblesse  à  St-Germain-de- 
Montgommery.  Cette  terre,  possédée  depuis  par  la  famille  de 
Caqueray,  a  passé  par  alliance  à  celle  de  Porlierde  Rubelles, 
et  est  encore  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  le  comte  de 
Rubelles 

Le  fief  voisin  de  la  Tour  ,  d'abord  possédé  par  une 
famille  de  ce  nom,  est  entré  au  XVIe  siècle  dans  la  famille 
Le  François.  Guillaume  Le  François,  sieur  du  Longprey, 
était  seigneur  de  la  Tour  ,  en  usufruit  ;  il  fut  père  de  Jac- 
ques Le  François,  sieur  de  la  Tour,  qui  épousa  en  1592 
Rose  Héroult  ,  fille  de  Guillaume  Héroult,  sieur  de  la 
Rivière  ,  à  St-Martin-de-Fresnay ,  et  de  Françoise  de 
Neufville ,  et  veuve  de  son  cousin  germain ,  Pierre  Le 
François ,  sieur  de  Fizemont.  Jacques  fut  père  de  Marthe 
Le  François,  dame  de  La  Tour,  mariée  à  François  Bonnet , 
sieur  de  La  Chcsnaye,  fief  situé  à  St-Désir  de  Lisieux,  duquel 
est  issu  la  famille  Bonnet  de  La  Tour.  L'ancien  manoir  de 
ce  nom  a  fait  place  à  une  maison  en  brique  récemment 
construite. 


65/1         STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

Une  autre  branche  de  la  famille  Le  François,  issue  comme 
la  précédente  des  seigneurs  de  Livet  et  de  la  Plesse ,  résidait 
en  la  même  paroisse  :  elle  s'est  éteinte  dans  Catherine  Le 
François  ,  mariée  vers  1660,  à  Etienne  de  Mannoury  ,  sieur 
de  La  Cressonnière ,  duquel  sont  issus  les  Mannoury  de 
St-Germain,  à  Putot-en-Auge. 

Le  fief  des  Champeaux,  dont  le  manoir  est  situé  au  fond 
d'un  vallon  solitaire ,  a  appartenu  à  la  famille  d'Échallou  , 
anoblie  au  XVIe  siècle  :  cette  famille  a  longtemps  géré  les 
terres  du  comté  de  Montgommery  ,  comme  investie  de  la 
confiance  des  Montgommery-Lorge  :  elle  professait  comme 
ceux-ci  le  culte  calviniste ,  de  même  que  beaucoup  de 
familles  nobles  et  bourgeoises  des  environs. 

Enfin ,  la  Recherche  de  la  noblesse  de  1666  mentionne 
Jean  des  Hayes ,  sieur  du  Bois-Hue,  et  Jean  Billard  ,  sieur 
des  Vaux  ,  comme  demeurant  à  St-Germain-de-Montgom- 
mery  (1). 

LfSORES. 

Lisores ,  ecclesia  de  Lisoriis. 

La  commune  de  Lisores  est  située  à  la  limite  méridionale 
du  diocèse  de  Bayeux. 

L'église,  placée  sous  l'invocation  de  saint  Vigor,  s'élève 
d'une  manière  pittoresque  sur  un  coteau  et  domine  un  joli 
vallon ,  lequel  va  se  perdre  dans  la  vallée  de  la  Vie ,  à  Ste- 
Foy-de-Montgommery. 

La  nef,  sans  contreforts,  remonte  à  la  période  romane. 
Le  mur  septentrional ,  construit  en  grossier  cailloutis,  affecte 
la  disposition  en  feuilles  de  fougère.  Trois  fenêtres ,  l'une  à 
moulures  prismatiques ,  autrefois  partagée  en  deux  baies  par 

(1)  V.  notes  manuscrites  de  M.  L.  de  Neuville. 


calNton  de  livarot.  655 

un  meneau  vertical  (fin  du  XVe  ou  XVIe  siècle)  ;  les  deux 
autres,  modernes,  éclairent  la  nef  de  ce  côté. 

On  remarque  surtout  deux  petites  fenêtres  cintrées,  en 
forme  de  meurtrières ,  qui  datent  de  l'époque  romane.  Il  y 
en  avait  probablement  une  troisième  qui  aura  été  bouchée. 
La  porte  latérale,  à  plein-cintre,  aujourd'hui  bouchée,  date 
du  même  temps. 

Le  mur  méridional  de  la  nef  est  entièrement  recrépi.  Il 
est  percé  de  trois  fenêtres  :  l'une  flamboyante ,  à  deux  baies 
séparées  par  un  meneau  prismatique  ;  les  deux  autres  cin- 
trées, modernes. 

La  porte  occidentale,  de  forme  ogivale,  a  été  pratiquée 
au  XVIe  siècle  ou  à  la  fin  du  XVe.  Le  trumeau  a  été  détruit , 
ainsi  que  l'atteste  la  baie  actuelle,  d'une  largeur  inusitée. 
Des  panneaux  plissés  forment  les  vantaux.  Le  mur ,  précédé 
d'un  porche  en  bois  du  même  temps ,  est  soutenu  par  deux 
contreforts  saillants. 

Un  clocher  carré  en  charpente  ,  muni  de  cinq  évents,  sur- 
monte le  portail.  Il  remplacerait  un  clocher  plus  ancien  , 
lequel ,  d'après  la  tradition  locale ,  aurait  été  démoli  au  XVIe 
siècle.  Deux  cloches  sont  placées  dans  ce  clocher.  La  plus 
grosse,  fondue  en  1843,  ne  présente  aucun  intérêt.  Son  dia- 
mètre est  de  1  mètre  G  centimètres.  La  plus  petite  ,  dont 
nous  donnons  l'inscription  ,  a  pour  diamètre  °4  centimètres  : 

L'AN  12  IAY  ÉTÉ  BÉNIR  PAR  M.  NICOLAS  IACQUES  FRANÇOIS  BOUTEILLER 
DBSERVANT  DE  LA  S€CUrsale  DE  LISORES  ET  NOMMÉE  MARIE  PAR  Mr  IACQl'ES 
FAM1LE  DESHAYES  ET  MARIE  FRANÇOISE  AG€>AÉ  DESHA1ES,  NOBL  IOUANNE 
MAIRE,  ALEXANDRE  DE  LA  PLESSE  ADIOINT  ,  ANTOINE  BLOT  TRÉSORIER  EN 
CHARGE  PIERRE  CAMUS  ET  FRANÇOIS  FONTAINE  MARGITLLIERS  ET  Mr  PIERRE 
NICOLAS  DUBOS  PRÊTRE. 

LAVILLETTP.   HE    L1SIEUX    M*  A    FAITE  EN   1804. 

Le  chœur  se    termine    par   un    chevet   droit.    Les   deux 


656  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

contreforts    que    l'on    voit ,   l'un   à   l'orient    et  l'autre   au 
midi ,  ont  été  élevés  au  XVIe  siècle. 

Une  petite  chapelle  mortuaire ,  moderne  ,  dans  le  style 
gothique  fleuri,  s'élève  derrière  le  chevet.  L'autel,  formé  de 
panneaux  flamboyants  artistement  sculptés ,  présente  la 
riche  ornementation  de  la  fin  du  XVe  siècle.  Il  est  sur- 
monté d'une  statue  de  Vierge  immaculée ,  dont  la  tête  est 
ornée  d'une  couronne  de  roses. 

On  remarque  à  l'intérieur  de  l'église  le  rétable  du  maître- 
autel  ,  orné  d'un  tableau  (style  Louis  XV  )  représentant 
la  Résurrection  de  Notre-Seigneur.  De  chaque  côté  se  voient 
les  patrons  de  l'église:  saint  Vigor  (1er  patron)  et  saint 
Maœer.  Cette  toile  a  été  retouchée  par  un  pinceau  inhabile. 
Le  tabernacle  est  dans  le  même  style.  Un  dais  à  lambrequins 
surmonte  l'autel  (1). 

De  chaque  côté  du  tabernacle  sont  placées  deux  jolies  gi- 
randoles en  cuivre  portant  les  initiales  entrelacées  L  S.  Ces 
girandoles,  données  par  une  dame,  proviennent  probablement 
d'un  salon. 

Deux  jolis  autels  latéraux  en  pierre  (style  Louis  XIV)  atti- 
rent égalemeut  les  regards.  Ces  autels  sont  décorés  de  deux 
colonnes  à  chapiteaux  godronnés,  supportant  un  entablement 
dorique.  Le  cadre  est  garni  de  feuilles  de  chêne.  L'enta- 
blement est  surmonté  d'une  niche. 

Sur  l'arc  triomphal  se  détache  un  Christ  qui  paraît  ancien. 
Il  est  couvert  d'un  petit  jupon  qui  descend  presque  jusqu'aux 
genoux. 

De  chaque  côté  du  Christ  on  lit  : 

PAVETE   AD    SANCTUAIUUM    MEUM. 

Lévit. ,  cap.  2G 
(1)  V.  les  notes  de  M.  Pannier. 


CANTON   DE   LIVAROT.  657 

Deux  bénitiers  (style  Louis  XV) ,  pédicules  en  forme  de 
poire  renversée ,  sont  placés  au  bas  de  la  nef. 

La  voûte  de  la  nef  était  en  merrain  avec  entraits  et 
poinçons.  Celle  du  chœur  ,  aujourd'hui  couverte  d'un  en- 
duit, était  probablement  semblable. 

On  remarque,  dans  la  sacristie,  une  petite  piscine  en  acco- 
lade (1). 

Manoir  de  Lisores.  -  L'ancien  manoir,  converti  en 
presbytère,  se  compose  d'un  rez-de-chaussée  en  bois  avec 
tuiles  entre  les  colombages  ,  surmonté  d'un  étage  en  encor- 
bellement. Les  poutres  extérieures  sont  décorées  de  mou- 
lures et  terminées  par  des  rageurs.  Une  grande  tour  en 
pierre,  qui  renfermait  l'escalier  ,  s'élevait  au  centre  du  bâti- 
ment, à  l'opposé  de  la  façade  principale.  Cette  tour,  percée 
de  longues  meurtrières,  terminée  par  un  orifice  circulaire , 
est  surmontée  d'un  toit  pyramidal  couvert  en  essente. 

La  façade  principale  est  surmontée  d'une  grande  lucarne 
qui  avait  pour  amortissement  un  épi  en  faïence  verte ,  dont  on 
voit  encore  des  fragments  au-dessus  d'une  tonnelle  placée 
dans  le  jardin  du  presbytère. 

A  l'intérieur,  les  poutres  sont  sculptées  et  peintes.  Des 
pavés  émaillés  attirent  les  regards.  La  grande  salle  mesure 
2U  pieds  sur  tous  sens.  L'une  des  chambres  offre  des  poutres 
avec  rageurs  et  des  rinceaux. 

Lisores  est  une  des  localités  du  canton  de  Livarot  les  plus 
anciennement  mentionnées,  puisque,  dès  la  première  moitié 
du  XIe  siècle  ,  nous  trouvons  que  la  moitié  de  la  seigneurie  , 
avec  les  biens  et  droits  qui  en  dépendaient,  fut  donnée  à 
l'abbaye  de  Montivilliers  :  c'est  en  vertu  de  cette  donation 
que ,  jusqu'à   l'époque  de  la   Révolution ,   les  abbesses  de 

(4)  V.  les  notes  de  M.  Panuier. 

42 


658         STATISTIQUE  MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Montivilliers  ont  possédé  des  -droits  seigneuriaux  sur  une 
partie  de  la  paroisse  de  Lisorcs. 

Il  s'y  trouvait ,  en  outre ,  deux  fiefs  nobles  ou  portions  de 
fief  portant  l'un  et  Tautre  le  nom  de  Lisores  ,  et  situés 
l'un  en  la  vicomte  d'Orbec,  et  l'autre  en  celle  d'Argentan; 
mais,  dans  les  mentions  qui  en  sont  faites,  il  n'est  pas 
toujours  aisé  de  les  distinguer.  Le  pouillé  du  diocèse  de 
Lisieux,  au  XIVe  siècle,  mentionne  Gervais  Bordel  comme 
seigneur  et  patron  de  Lisores.  En  1433,  Guillemin  Regnault 
possédait  le  fief  de  Lisores ,  de  même  que  ceux  de  la  Motte 
et  de  Vaudeloges,  et  ce  même  fief  était  encore,  en  15&9, 
à  Jean  Regnault,  arrière-petit-fils  du  précédent;  en  1595  , 
Guillaume  Le  Sueur  était  seigneur  de  Lisores,  au  droit 
d'Elisabeth  Le  Chevalier,  sa  femme;  mais  celle-ci  paraît  être 
morte  sans  postérité ,  car  le  fief  de  Lisores  fut  porté  dans  la 
famille  de  Marescot  par  Gillette  Le  Chevalier  ,  sa  sœur , 
mariée  à  Pierre  de  Marescot.  Le  dernier  seigneur  de  Li- 
sores, cinquième  descendant  de  celui-ci,  fut  Nicolas-François 
de  Marescot,  sieur  de  Lisores  et  de  l'Hôtellerie-Farou,  pro- 
cureur-général à  la  Chambre  des  comptes  de  Normandie 
avant  la   Révolution. 

L'autre  fief  de  Lisores  appartint  longtemps  à  l'ancienne 
famille  de  ce  nom.  Jean  de  Lisores  en  était  encore  seigneur 
en  1/M6;  mais,  peu  après,  cette  terre  était  passée  à  une 
autre  famille.  Les  Lisores  n'étaient  pourtant  pas  éteints, 
mais  bien  déchus  de  leur  ancienne  fortune.  En  1666  ,  Claude 
Lisores  fut  encore  déclaré  d'ancienne  noblesse  par  M.  de 
Marie,  en  la  paroisse  de  Bocquencey  ;  néanmoins,  cette 
famille  a  été  complètement  omise  dans  les  Armoriaux  de  la 
province.  Des  Lisores,  le  fief  qu'ils  avaient  possédé  passa  à 
Thomas  de  La  Reue  \  sieur  de  Lisores  et  de  Norolles, 
lieutenant-général  du  bailli  d'Évreux  ,  dans  la  seconde  moitié 
du  XVe  siècle.  En  1495  et  1567  ,  le  fief  de  Lisores,  vicomte 


CANTON   DE   LIVAROT.  659 

d'Orbec ,  appartenait  à  la  famille  Le  Jumel  de  Lisores ,  une 
des  plus  marquantes  du  Parlement  de  Rouen.  Un  fief  du 
même  nom  fut  possédé  par  Eustache  Duroy  ,  qui  obtint  en 
1612  des  lettres  de  noblesse.  Dans  la  seconde  moitié  du 
XVIIe  siècle ,  une  branche  de  la  famille  de  Gorday  était  au 
nombre  des  seigneurs  de  Lisores  ;  plusieurs  autres  se  succé- 
dèrent dans  la  propriété  de  cette  terre.  En  1666,  Maurice 
Gaultier ,  frère  du  seigneur  de  St-Basile  ,  était  qualifié  sieur 
de  Lisores. 

Sur  le  territoire  de  celte  commune  se  trouvaient  encore 
plusieurs  manoirs,  dont  aucun  n'a  laissé  de  restes  intéressants. 
Celui  du  Plessis  était  possédé,  vers  1700,  par  Jean-Baptiste 
de  Marescot,  frère  du  seigneur  de  Lisores.  Lors  de  la  Re- 
cherche de  1666,  Eustache  Bonnet,  sieur  des  Bourdonnières, 
Jean  Le  Normand ,  sieur  de  La  Garenne ,  et  Gratien  Pépin  , 
sieur  de  Berville-Campigny ,  firent  preuve  de  noblesse  an- 
cienne en  la  paroisse  de  Lisores  (1). 

SAINT-OUEN-LE-HOULT. 

St-Ouen-lc-HouIt,  Sanctus  Audoenus  Le  Lohour ,  Sanctus 
Audoenw  Le  HouLt. 

L'église  de  St-Ouen-le-Houll  se  trouve  sur  le  bord  du 
chemin  de  moyenne  communication  d'Orbec  au  Billot.  Elle 
a  été  soigneusement  examinée  par  M.  Pannier. 

Nous  faisons  remonter  au  XIIe  siècle  ,  dit-il ,  la  construc- 
tion du  chœur.  Les  murs  latéraux  étaient  primitivement 
sans  contreforts.  Deux  contreforts ,  du  X,Vle  siècle ,  sou- 
tiennent le  mur  septentrional.  Un  autre  contrefort ,  du  même 
temps,  se  voit  à  l'extrémité  du  mur  opposé.  Le  chœur  est 
éclairé ,  de  ce  côté  ,  par  une  fenêtre  cintrée   moderne.   Un 

1     V.  les  noies  de  M.  !e  vicomte  I  nuis  de  Neuville. 


660  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

chevet  droit  termine  le  chœur,  qui  est  en  retrait  sur  la  nef. 

La  nef  date  seulement  du  XVIe  siècle.  Trois  fenêtres  , 
l'une  ogivale ,  avec  moulures  en  gorge ,  les  deux  autres 
cintrées,  du  même  temps  (la  fenêtre  du  milieu  refaite), 
éclairent  la  nef  au  midi.  Elle  reçoit  la  lumière ,  du  côté  du 
nord ,  par  deux  ouvertures ,  l'une  à  plein-cintre ,  du  XVIe 
siècle,  entourée  de  moulures  formées  de  gorges  ou  scoties; 
l'autre  également  à  plein-cintre  ,  mais  retouchée.  Cinq 
contreforts,  construits  en  grand  appareil,  soutiennent  chaque 
mur. 

Le  portail  occidental,  soutenu  par  quatre  contreforts  sail- 
lants ,  est  percé  d'une  porte  en  anse  de  panier  encadrée  dans 
un  plein-cintre  mal  dessiné.  Sur  le  mur  apparaissent  les 
traces  d'un  ancien  porche. 

Au-dessus  du  gable  s'élève  un  clocher  en  charpente ,  ter- 
miné par  une  pyramide  octogone  couverte  en  ardoise.  (le 
clocher  renferme  deux  cloches.  La  plus  grosse  ,  qui  a 
73  centimètres  de  diamètre,  porte  l'inscription  suivante  : 

L'AN    1588     Me     PIEKRE     RIOVLT,     PROCVREVR    DV     ROY    A     ARGENTAN    BT 
EXMES  D.     CATHERINE    Desitltrey    FEMME    DE     ROGER   COVSIN    ET    ELIZABETH 
LECHEVALIER   FEMe   DE   GVILLC    LESIEVR  Sr    DE    LISORES. 
IEHAN    AVBRRT   MA    FAICTE. 

De  chaque  côté  du  nom  du  fondeur  sont  figurés,  en 
relief ,  deux  centaures. 

La  petite  cloche  a  65  centimètres  de  diamètre.  Elle  a 
été  fondue  en  1822,  par  Lavillette. 

La  voûte  de  la  nef  et  celle  du  chœur  sont  recouvertes  d'un 
enduit.  La  première  est  en  lambris  avec  entraits  et  poinçons. 
Toute  la  charpente  intérieure ,  qui  est  énorme ,  repose  sur 
des  poteaux  placés  le  long  des  murs. 

La  nef  montre  des  vestiges  d'une  litre  funèbre.  Toute  trace 
d'écusson  a  disparu, 


CANTON    DE   LIVAROT.       ■  661 

On  remarque  le  maître-autel  dont  le  retable ,  dans  le  style 
Louis  XIV,  est  décoré  de  deux  colonnes  torses,  d'ordre 
composite,  garnies  de  feuilles  de  vigne  et  de  raisins.  De 
chaque  côté  du  rétable  sont  placées  deux  niches  qui  com- 
plètent l'autel.  L'une  de  ces  niches  contient  la  statue  mi- 
niaturée  de  la  Sainte- Vierge  qui  tient  dans  ses  bras  l'enfant 
Jésus.  Sa  robe  est  bleue  ;  le  manteau  or ,  avec  doublure 
blanche  semée  d'hermine.  L'autre  niche  renferme  la  statue 
de  saint  Joseph,  également  miniaturée  ;  sur  le  gradin,  sont 
placés  deux  jolis  chandeliers  en  bois ,  style  Louis  XV. 

Le  tabernacle  est  du  même  style.  Une  couronne  fleur- 
delisée surmonte  l'exposition. 

Les  deux  petits  autels  placés  à  l'extrémité  de  la  nef  pro- 
viennent de  l'église  de  Bellouet.  Le  rétable ,  à  colonnes  ru- 
dentées,  d'ordre  composite,  date  du  commencement  du 
règne  de  Louis  XIV. 

Une  statue  de  la  Vierge,  du  XVIe  siècle  ,  décore  l'un  de  ces 
autels.  La  frange  du  manteau  est  garnie  de  petites  rosaces 
imitant  une  élégante  broderie.  Une  couronne  ducale  sur- 
monte la  tête  de  la  Sainte-Vierge.  L'enfant  Jésus  paraît  tenir 
une  poire  dans  une  de  ses  mains.  Sa  robe  est  fermée  par  un 
bouton  garni  de  plusieurs  petites  perles. 

L'autre  autel  est  dédié  à  saint  Laurent.  La  statue  à  plis 
tourmentés  du  Saint  appartient  au  style  Louis  XIII. 

Les  fonts  baptismaux,  pédicules  (style  Louis  XV),  sont 
ornés  de  draperies. 

On  conserve ,  dans  la  sacristie ,  une  curieuse  chasuble  à 
personnages,  du  XVIe  siècle.  Dans  la  partie  supérieure  de 
la  croix  est  représentée  la  Vierge-Mère.  A  l'extrémité  des 
croisillons,  deux  anges,  à  genoux,  balancent  un  encensoir. 
Au  milieu  de  la  croix  est  représenté  un  évêque  ;  dans  la 
partie  inférieure,  saint  Laurent,  patron  de  l'église. 

Le  devant  de  la   chasuble   offre  également  l'effigie ,  en 


662  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

pied ,  de  saint  Laurent  et  celle  d'une  Sainte.   Le  bas  de  la 
chasuble  est  malheureusement  coupé. 

Tous  les  personnages  religieux  sont  placés  sous  des 
ogives  en  accolade  et  des  cintres. 

Faits  historiques.  —  La  seigneurie  de  St-Ouen  ,  ancienne 
dépendance  de  la  baronnie  des  Moustiers-Hubert ,  fut  con- 
fisquée comme  elle  sur  un  seigneur  anglo-normand,  du  parti 
de  Jean-Sans- Terre  ,  et  réunie  au  domaine  royal.  Mais,  dans 
le  cours  du  XIIP  siècle  ou  le  commencement  du  XIVe,  elle 
fut  donnée  à  titre  de  (ieiïerme,  c'est-à-dire  inféodée  à  charge 
d'une  rente  qui  en  absorbait  originairement  presque  tout 
le  revenu.  En  13 Al ,  Jean  Regnault  était  seigneur  de  St- 
Ouen-le-Hoult  ;  en  1469,  Collin  Sauvalle  et  Jean  Pigis 
tenaient  ensemble  cette  fiefferme.  Au  XVIe  siècle,  elle  appar- 
tenait aux  de  La  Haye ,  seigneurs  de  la  Pipardière  à  Livarot  : 
Guillaume  de  La  Haye,  sieur  de  la  Pipardière  et  de  St-Ouen-le- 
Hoult,  vivait  en  1562  ;  on  ne  sait  si  ce  fut  lui  ou  son  fils  qui 
vendit  cette  dernière  terre  à  Pierre  Rioult,  procureur  du  roi 
à  Argentan,  qui,  à  son  tour,  l'aliéna  en  1604,  par  un  échange 
conclu  avec  le  sieur  de  Margeot,  qui  lui  céda  la  terre  et 
seigneurie  de  Champosoult,  entre  Vimoutiers  et  Chamboy. 
La  famille  de  Margeot  a  conservé  la  seigneurie  de  St-Ouen 
jusqu'en  1789  ,  et  elle  possède  encore  le  manoir  et  les  terres 
qui  en  dépendaient.  Ce  manoir ,  dit  aussi  de  Noiremare ,  est 
un  édifice  en  brique  datant  du  siècle  dernier  et  dénué  de 
toute  espèce  de  caractère.  (Note  de  M.  L.  de  Neuville.) 

Quoique  la  paroisse  de  St-Ouen-le-Hoult  ne  renfermât 
aucune  autre  terre  seigneuriale,  plusieurs  familles  nobles  y 
ont  fait  leur  résidence.  Les  gentilshommes  qui  y  comparu- 
rent dans  la  Recherche  de  1666  furent  Gabriel  de  Bonnet, 
sieur  de  Launay-Morilière;  Gilles  Robine  du  Pommeret; 
Sébastien  de  Margeot,  sieur  de  Fontenelles  ;  Yves  de  Margeot, 
sieur  de  la  Guérinière ,  et  François  de  Monteilles. 


CANTON    !>E    MV'AROT. 


LA  BREVIERE. 


663 


La  Brevière ,   Breveria. 

Ma  Statistique  monumentale,  dans  les  parties  précé- 
demment publiées,  a  pu  conserver  le  souvenir  de  plusieurs 
monuments  dont  il  n'existe  déjà  plus  de  traces  aujourd'hui; 
il  en  sera  de  même  pour  l'église  de  La  Brevière  :  elle  était , 
effectivement ,  en  démolition  quand  je  l'ai  visitée  et  quand 
M.  Bouet  l'a  dessinée  il  y  a  douze  ou  quinze  ans.  La  vue  qu'il 
en  a  faite  montre  cette  église,  lorsque  déjà  elle  avait  perdu 
son  toit.   (  Voir  la  page  suivante.  ) 

La  forme  de  cette  église  était  celle  d'une  croix,  et  sur  le 
transept  s'élevait  une  flèche  en  bois  très-élancée ,  couverte 
d'essente,  offrant  sur  chaque  angle  une   lucarne  trilobée. 

Les  murs  étaient  en  grand  appareil,  et  l'ensemble  de 
l'édifice  annonçait  le  XVIe  siècle. 

Les  fenêtres  de  la  nef  et  du  chœur  étaient  à  plein-cintre , 
mais  deux  fenêtres  ogivales  à  traceries  flamboyantes,  et  di- 
visées en  deux  baies  par  un  meneau ,  éclairaient  le  transept 
(  Voir  la  planche  ).  Celle  de  ces  fenêtres  qui  était  ouverte 
dans  le  transept  nord  était  ornée  de  vitraux;  on  voyait, 
dans  le  même  transept,  un  support  de  statue, du  XVIe  siècle, 
portant  des  armoiries. 

M.  Pannier,  qui  a  vu  cette  église  avant  la  destruction  des 
toits,  nous  apprend  que  la  voûte  du  chœur  était  peinte  et 
semée  de  bouquets  de  fleurs,  dans  le  style  Louis  XIII ,  et 
que  celle  du  transept  méridional  était  décorée  de  peintures 
dans  le  style  de  la  Renaissance  de  François  Ier. 

Cette  église  était  sous  l'invocation  de  saint  Pardoul; 
l'abbé  de  St-Mariin  de  Sèez  nommait  à  la  cure. 

Le  presbytère,  situé  à  peu  de  dislance  de  l'église,  était 


664  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS, 


CANTON   DE  LIVAROT.  665 

en  bois  avec  remplis  de  tuiles  formant  des  dessins,  et  le  toit 
était  surmonté  de  trois  épis  en  terre  cuite  émaillée. 


PLAN    DE    L  EGLISE    DB    LA    BREVIERE. 


La  Brevière  faisait  autrefois  partie  de  l'élection  d'Ar- 
gentan. Si  le  patronage  de  la  cure  appartenait  à  l'abbaye  de  St- 
Martin  de  Séez ,   c'était   pourtant   un   autre  établissement 


666  STATISTIQUE    MONUMEVJ'ALL    QQ    CALVADOS. 

religieux,  l'abbaye  (k  St-Anéré-en-Goufïem,  qui  y  occupait 
le  rôle  prépondérant  :  les  abbés  de  Si-André  y  possédaient 
une  mouvance  étendue ,  et  prenaient  le  titre  de  barons  de  La 
Brevière.  Une  autre  portion  des  terres  de  cette  paroisse 
relevait  du  comté  de  Montgommery ,  dont  les  seigneurs  se 
qualifiaient  aussi  de  barons  de  la  Brevière  ;  ils  y  avaient , 
originairement,  possédé  des  domaines  et  avaient  disposé  de 
quelques-unes  de  ces  terres  en  faveur  de  l'abbaye  de  St- 
André.  Celle-ci  avait  également  reçu  des  bienfaits  de  la 
famille  des  seigneurs  primitifs  de  la  Brevière ,  dont  l'exis- 
tence ne  paraît  pas  avoir  dépassé  le  commencement  du  XIVe 
siècle  :  cette  famille  de  La  Brevière,  dont  plusieurs  membres 
étaient  chevaliers ,  était  aussi  connue  sous  le  nom  de  Payen 
et  n'était  peut-être  pas  étrangère  à  celle  des  Paynel,  barons 
des  Moustiers-Hubert.  Un  grand  nombre  d'autres  donateurs 
contribuèrent  à  augmenter  les  possessions  de  l'abbaye  de 
St-André,  dans  le  cours  du  XIIIe  siècle:  plusieurs  d'entre 
eux  appartenaient  à  des  familles  distinguées  et,  la  plupart, 
attachées  à  la  fortune  des  seigneurs  de  Montgommery.  L'une 
des  plus  notables,  du  nom  de  l'Arbalestier,  en  latin ,  Balis- 
tarius ,  paraît  avoir  possédé  fief  à  La  Brevière  :  elle  fut  du 
nombre  de  celles  qui  suivirent  Guillaume  à  la  conquête  de 
l'Angleterre.  iVîais  il  ne  nous  est  pas  possible  de  préciser  le 
lieu  qui  lui  servit  de  résidence. 

Parmi  les  fiefs  qui  avaient  une  mouvance  dans  la  paroisse 
de  la  Brevière,  continue  M.  de  Neuville,  se  trouvait  celui  de  la 
Chaquetière,  qui  s'étendait  aussi  sur  !a  Chapelle-Hautegrue  et 
Montgommery.  Les  seigneurs  de  ce  fief  se  qualifiaient  aussi  de 
sieurs  de  la  Brevière.  Philippe  de  Courseulles,  sieur  de  Capdc- 
houlle,  devint  possesseur  de  cette  terre  par  son  mariage  avec 
demoiselle  Bonne  Bonnet,  en  1652.  Il  laissa  dix  enfants,  dont 
l'aîné  fut  François  de  Courseulles,  seigneur  de  la  Brevière  ; 
celui-ci  épousa  Ïoussainte-Philippe  de  Saint-Simon  et  périt 


CANTON   DE    LIVAROT.  667 

d'une  mort  violente  :  il  fut  assassiné  le  23  avril  1698.  Depuis 
cette  époque ,  cette  branche  de  la  maison  de  Cou rseu lies  a 
fort  peu  résidé  à  la  Brevière  :  elle  s'est  éteinte  à  la  fin  du 
siècle  dernier. 

Une  autre  famille  qui  a  porté  le  titre  de  seigneur  de  la 
Brevière  est  celle  de  Saint-Denis,  qui  avait  pour  armes  :  de 
sable  fretté  d'argent  au  chef  d'argent  chargé  d'un  léopard  de 
gueules.  Charles  de  Saint-Denis,  sieur  de  Vaugoust,  fit  preuve 
d'ancienne  noblesse  en  cette  paroisse,  dans  la  Recherche 
de  1666.  Le  18  décembre  1685,  Joachim  de  Saint-Denis, 
sieur  de  la  Brevière,  abjura  la  religion  protestante,  entre  les 
mains  de  François  Pollin  ,  curé  de  cette  paroisse  ,  de  même 
que  Louis  Coslard ,  sieur  de  Bellean ,  Frédéric  Costard ,  sieur 
des  Manis,  Judith  du  Val,  veuve  de  Joachim  Costard,  sieur 
des  Aunez,  et  deux  de  leurs  domestiques.  Cette  conversion 
en  masse  se  ressentait ,  sans  doute ,  de  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes. 

La  famille  de  Margeot  a  aussi  porté  le  titre  de  seigneur  de 
la  Brevière.  Elle  y  acquit  une  terre ,  située  près  du  chemin 
de  Livarot  à  St-Ouen-le-Hoult ,  par  le  même  échange  qui  lui 
procura  la  seigneurie  de  celte  dernière  paroisse  en  1604. 
Etienne  de  Margeot ,  sieur  de  Noiremare ,  fit  preuve  de 
noblesse  devant  M.  de  Marie  ,  à  la  Brevière ,  dans  la 
Recherche  de  1666.  M.  de  Margeot,  dernier  seigneur  de  la 
Brevière,  ayant  émigré,  vit  ses  biens  confisqués:  c'est  le 
père  de  M.  Maurice  de  Margeot ,  demeurant  au  château  de 
St-Germain-la-Cainpague  ;  il  a  épousé  MIle  de  Margeot  de 
Saint -Ouen,  sa  cousine. 

Aucune  des  terres  que  nous  venons  de  mentionner  n'a 
conservé  de  manoir  digne  d'attirer  l'attention.  Sans  offrir 
aucune  particularité  remarquable,  le  manoir  de  la  Finanlière, 
situé  près  de  la  nouvelle  route  de  Livarot  à  Vimoutiers, 
frappe  les  regards  du  passant ,  par  ses  dimensions  et  sa  bonne 


608         STATISTIQUE  MONUMENTALE  DU    CALVADOS, 

apparence.  Une  partie  de  la  construction  date  du  XVIe  siècle 
et  est  bâtie  en  bois  ;  le  reste ,  comprenant  un  corps  de  logis 
placé  en  marteau  ,  est  en  pierre  et  ne  remonte  qu'à  la  pre- 
mière moitié  du  siècle  suivant.  Cet  édifice  paraît  avoir  été 
l'œuvre  de  Marin  Costard ,  sieur  de  la  Finantière ,  riche  né- 
gociant en  draperie ,  ce  qui  ne  l'empêcha  point  de  combattre 
pour  la  cause  royale,  dans  la  guerre  de  la  Ligue,  comme 
homme  d'armes  de  la  compagnie  de  Robert  de  Calmesnil , 
sieur  de  Heuguemare.  Ses  enfants  reçurent,  en  1651,  des 
lettres  de  noblesse,  en  vertu  desquelles  André  Costard,  sieur 
de  la  Finantière,  comparut  comme  noble  en  1666,  en  la 
paroisse  de  la  Brevière.  Cette  famille  a  vendu  la  terre  de  la 
Finantière,  dans  le  cours  du  siècle  dernier,  à  MM.  de 
Margeot;  ceux-ci  l'ont  revendue  à  la  famille  Sauvai.  Elle 
appartient  aujourd'hui  à  M.  Deraine  et  à  Mlle  Sauvai  (1). 

Le  manoir  de  la  Finantière  a  été,  en  1799,  le  théâtre 
d'un  combat  entre  une  centaine  de  chouans ,  détachés  de 
la  division  que  commandait  M.  de  Verdun,  et  des  forces, 
très-supérieures  en    nombre ,  accourues  des  villes  voisines. 

LIVAROT   (CHEF-LIED)   (2). 

Livarot,  Liverotum,  Livaroth. 

Le  bourg  de  Livarot  a  profité  du  mouvement  qui  pousse 
les  habitants  des  campagnes  à  déserter  les  champs  pour 
s'entasser  dans  les  centres.  De  1,100  habitants  (213  feux), 
au  XVIIIe  siècle,  sa  population  s'élève  aujourd'hui  à  1,386 
habitants.  Ce  bourg ,  de  l'élection  de  Lisieux ,  sergenterie 
d'Orbec,  était  le  chef-lieu  d'un  doyenné  de  vingt-cinq 
paroisses. 

(1)  Notes  de  M.  le  vicomte  de  Neuville. 
(2)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur, 


CANTON   DE   LIVAROT. 


669 


L'église ,  dédiée  à  saint  Ouen ,  datait  du  XVe  siècle.  On  y  a 
fait,  il  y  a  quelques  années,  de  grandes  modifications. 
Voici,  d'abord,  le  plan  de  l'église  telle  qu'elle  était  en  1859. 


*>lan  de  l'église  de  livahot. 

M.  Bouet  a  fait  du  portail  un  dessin  qui  dispense  de  toute 
description  pour  cette  partie  de  l'édifice  (V.  la  page  suivante). 
Une  nef  de  quatre  travées ,  divisées  par  des  contreforts  , 
un  chœur  à  chevet  pentagonal,  le  tout  éclairé  par  des 
fenêtres  ogivales  flamboyantes,  à  un  meneau,  disposées  à 
peu  près  symétriquement  :  tel  est  l'aspect  extérieur.  A  l'in- 


«70  STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU    CAt.VADOS. 


Bonet  ciel. 
FAÇADE   ET    TOUR    DE   L'ÉGLISE   DE    LIVAROT, 


CANTON    f«.   LIVAROT.  671 

térieur ,  la  nef  est  accompagnée  de  deux  bas-côtés  voûtés  en 
pierre ,  avec  nervures  prismatiques.  La  nef  centrale  est 
voûtée  en  merrain ,  avec  des  sablières,  des  entraits  et  des 
poinçons  richement  sculptés  de  torsades,  d'oves,  d'imbrica- 
tions et  autres  ornements  caractéristiques  du  règne  de 
François  Ier. 

De  nombreux  blasons  complétaient  cette  décoration,  et  con- 
servaient la  mémoire  des  seigneurs  qui  avaient  fait  exécuter 
ce  beau  travail. 

La  construction  primitive  de  l'église  remonte  au  XVe  siècle: 
elle  se  composait  d'un  chœur  et  d'une  nef  assez  étroite  et  sans 
bas-côtés  ;  la  tour  date  de  la  même  époque,  de  même  que  la 
majeure  partie  de  la  façade  occidentale  ;  mais  la  tour  ,  alors 
extérieure ,  flanquait  au  nord  la  nef  qui  comprenait  le  colla- 
téral opposé  et  une  partie  seulement  de  la  nef  actuelle.  Au 
XVIe  siècle  ,  l'église  fut  considérablement  agrandie  ou  plutôt 
refaite  presque  en  entier.  On  conserva  le  mur  méridional , 
qui  devint  celui  du  bas-côté  de  l'épître;  les  arcades  ogivales 
portées  sur  des  colonnes  massives  et  le  bas-côté  du  nord 
datent  de  cette  époque ,  et  la  tour  du  clocher  se  trouva  de  la 
sorte  enchâssée  dans  l'intérieur  de  la  nef. 

ce  II  y  a  cinq  ans,  par  l'initiative  de  M.  le  Curé,  dit  M.  Gh. 
«  Vasseur ,  le  vieux  chœur ,  construit  par  les  barons  de  Li- 
ce varot ,  fut  jeté  bas  et  remplacé  par  une  construction  eu 
*  briques  et  en  plâtre,  dessinant,  en  plan,  un  chœur  flanqué 
ce  de  deux  bas- côtés  avec  trois  chapelles  absidales.  Je  ne 
ce  saurais  dire  quel  style  on  a  voulu  donner  à  cette  bâtisse  : 
ce  il  y  en  a  pour  tous  les  goûts ,  depuis  le  roman  du  XIIe 
ce  siècle  jusqu'aux  fioritures  du  règne  de  Louis  XIV.  On  ne 
ce  peut  louer  absolument  rien  dans  ce  travail  par  trop 
«  capricieux. 

«  Le  mobilier  a  été  renouvelé.  On  voyait,  auparavant, 
«  dans  une  des  fenêtres  du  bas-côté  nord ,  des  restes  d'un 


672  STATISTIQUE   MONUMENTALE  DU   CALVADOS. 

«  arbre  de  Jessé.  Aux  murs  de  la  nef  étaient  appendus  cinq 
«  panneaux  de  chêne  sculpté ,  provenant  peut-être  d'un 
«  scamnum  oblongum,  seul  siège  permis  à  l'officiant  par 
«  les  règlements  liturgiques.  Ces  panneaux  représentent 
«  chacun  un  personnage  en  pied.  J'ai  cru  y  reconnaître  :  le 
a  Sauveur  du  monde,  saint  Pierre,  saint  Mathias,  saint 
«  Barthélémy ,  saint  Jacques-le-Majeur.  » 

On  voyait  aussi,  dans  la  sacristie,  une  chaire  à  haut 
dossier,  ou  siège  seigneurial  sculpté  à  panneaux  flamboyants, 
avec  un  blason  parti  d'Arces  et  de  Ferrières.  Il  datait, 
comme  les  voûtes  du  chœur  et  de  la  nef,  du  commence- 
ment du  XVIe  siècle. 

La  cloche  date  seulement  de  1803. 

Le  patronage  de  l'église  de  Livarot  appartenait  à  l'abbaye 
du  Bec.  Il  lui  avait  été  donné,  en  4155,  par  Guillaume 
Grespin. 

Bourg  et  château.  —  Le  bourg  de  Livarot  ,  situé  au  fond 
de  la  vallée  de  la  Vie ,  sur  une  pente  doucement  inclinée 
vers  l'ouest,  doit  sa  principale  importance  au  commerce 
du  beurre  et  des  fromages  qui ,  de  la  plus  grande  partie 
de  l'arrondissement ,  affluent  à  son  marché. 

L'existence  de  Livarot  ne  nous  est  connue  que  depuis  la 
fin  du  XIe  siècle.  Un  château-fort,  dont  nous  aurons  à 
parler,  semble  avoir  été  la  première  cause  de  son  développe- 
ment. Pendant  les  siècles  du  moyen-âge,  Livarot  fut  le 
centre  d'une  industrie  considérable  de  forges  et  de  clouterie  : 
des  bancs  épais  de  mâchefer,  que  le  sol  renferme  sur  une 
grande  étendue,  témoignent  de  l'importance  qu'eurent  ses 
ateliers.  Mais  quand  vinrent  les  longues  et  cruelles  guerres 
des  Anglais,  Livarot,  qui  paraît  avoir  beaucoup  souffert  de 
leur  fureur,  vit  décliner  cette  ancienne  industrie,  qui, 
après  avoir  langui  quelque  temps,  a  fini  par  être  com- 


CANTON    DE    LIVAROT.  673 

plètement  abandonnée.  Au  XVe  siècle,  le  bourg  de  Li- 
varot était  réduit  à  un  nombre  d'habitants  peu  considérable , 
comme  on  peut  en  juger  par  les  dimensions  exiguës  de 
l'église  paroissiale,  construite  à  cette  époque,  et  dont  les  por- 
tions utilisées  dans  les  reconstructions  subséquentes  de  cet 
édifice  religieux  permettent  de  calculer  les  dimensions  pri- 
mitives. Le  XVIe  siècle,  au  contraire,  fut  pour  Livarot  une 
période  de  prospérité  et  de  rapide  accroissement,  et,  depuis 
cette  époque ,  l'importance  de  ce  bourg  s'est  développée  à 
mesure  que  la  culture  des  céréales,  difficile  et  peu  productive 
dans  le  pays  accidenté  qui  l'environne ,  a  fait  place  aux  pâ- 
turages qui  couvrent  aujourd'hui  toute  la  vallée  de  la  Vie.  La 
culture  du  pommier  et  la  substitution  de  l'exploitation  des 
vaches  à  lait  à  l'engraissement  des  bœufs  ont  contribué  à 
augmenter  cette  prospérité  ;  et  Livarot  est  aujourd'hui  le 
siège  d'un  commerce  beaucoup  plus  considérable  que  h 
nombre  de  ses  habitants  ne  pourrait  le  faire  soupçonner. 

L'industrie  des  fromages ,  sans  être  la  plus  importante , 
dit  M.  de  Neuville ,  est  celle  par  laquelle  Livarot  est  le 
plus  connu.  On  ne  peut  douter  qu'elle  ne  soit  fort  an- 
cienne :  cependant ,  les  fromages  que  l'on  faisait  autrefois 
dans  la  vallée  de  la  Vie  étaient  ceux  qu'on  nommait  alors 
angelots  et  qu'on  connaît  aujourd'hui  sous  le  nom  de  fro- 
mages de  Pont-1'Évêque  ;  ce  n'est  que  vers  le  commence- 
ment du  XVIIe  siècle  que  les  fromages  spécialement 
désignés  sous  le  nom  de  Livarot  ont  été  mis  en  vogue. 
Pendant  un  siècle  et  demi,  ces  fromages  ont  été  fort  réputés: 
sous  le  règne  de  Louis  XV,  M.  de  Maurepas  était  grand 
amateur  du  Livarot.  Mais,  depuis  cette  époque ,  les  fabri- 
cants de  fromage  ayant  sacrifié  la  qualité  pour  obtenir  plus 
de  beurre ,  cette  variété  ,  tout  en  devenant  plus  répandue ,  a 
perdu  le  suffrage  des  gourmets.  Elle  ne  peut  lutter,  sous  ce 
rapport ,   avec  celle  des  fromages  dits  do  Camembert,  dont  In 

W6 


67'J         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

fabrication,  depuis  peu  d'années,  s'est  répandue  dans  tous  les 
environs  et  est,  en  ce  moment,  dans  l'état  de  prospérité  le  plus 
brillant.  On  attribue  à  tort  l'invention  de  cette  dernière  qua- 
lité de  fromages  à  Mme  Harel,  qui  demeurait  à  Camembert,  il 
y  a  une  soixantaine  d'années  ;  elle  a  eu  le  mérite  non  moins 
grand  d'en  conserver  seule  la  tradition ,  pendant  un  grand 
nombre  d'années  ;  mais  les  fromages  de  Camembert  étaient  con- 
nus au  XVIIe  siècle  :  il  en  est  fait  mention  dans  le  Dictionnaire 
géographique  de  Thomas  Corneille,  à  l'article  Vlmoutiers. 

L'histoire  de  Livarot  s'identifie  avec  celle  du  château-fort 
qui  y  a  existé  pendant  plusieurs  siècles  et  qui  était  le  siège 
d'une  baronnie.  Ses  plus  anciens  seigneurs  furent  lesCrespin, 
alors  châtelains  de  ïiilières  ;  cette  maison ,  depuis  connue 
sous  le  nom  du  Bec-Crespin ,  a  donné  naissance  à  un  ma- 
réchal de  France.  Guillaume  Crespin,  premier  du  nom,  con- 
temporain de  Guillaume-le-Conquérant ,  donna  à  l'abbaye 
du  Bec  le  droit  de  présentation  à  la  cure  de  St-Ouen  de 
Livarot.  Son  petit -fils,  Goscelin  Crespin,  confirma  cette  do- 
nation en  1155.  Le  fils  de  ce  dernier,  Guillaume  Crespin  , 
troisième  du  nom,  donna  des  propriétés  à  Livarot,  à  l'abbaye 
de  St-André-en-Gouffern ,  qui  posséda  aussi  en  cette  pa- 
roisse une  chapelle,  dite  de  St-André ,  détruite  depuis  trois 
siècles  au  moins ,  mais  dont  on  distingue  encore  l'emplace- 
ment dans  l'herbage  dit  de  la  Couture-St-André.  La  baronnie 
de  Livarot  sortit  de  la  famille  Crespin  par  le  mariage  d'Isa- 
belle, fille  de  Guillaume  Crespin,  ci-dessus  nommé,  et  d'Eve 
de  Harcourt,  avec  Robert  du  Neufbourg,  baron  d'Asnebec. 
Celui-ci  appartenait  à  une  branche  cadette  de  l'illustre 
maison  des  comtes  de  Beaumont  et  Meullent  en  France ,  de 
Leicester ,  de  Bedford  et  de  Warwick  en  Angleterre.  Les 
Neufbourg  conservèrent  la  baronnie  de  Livarot  jusqu'à  leur 
extinction  qui  eut  lieu  au  commencement  du  XVe  siècle. 


CANTON   DE   LIVAROT.  675 

Le  règne  du  roi  Jean  fut ,  pour  Livarot ,  une  époque  dé- 
sastreuse. Le  château,  étant  tombé  entre  les  mains  d'un 
parti  d'Anglais  et  de  Navarrais,  devint  pour  eux  une  place 
d'armes  d'où  ils  sortaient  pour  piller  et  dévaster  le  pays 
environnant.  Pendant  plusieurs  années  ils  réussirent  à  s'y 
maintenir  :  cette  période  vit  la  ruine  et  l'incendie  changer 
l'aspect  de  la  contrée.  On  assure  que  Du  Guesclin  vint  en 
personne  assiéger  le  château  de  Livarot ,  et  qu'il  ne  put 
réussir  à  le  prendre.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  Anglais  s'y  main- 
tinrent jusqu'en  1365,  et  n'en  sortirent  que  par  composition 
et  en  recevant  une  somme  très-considérable.  Soit  qu'on  ait 
alors  voulu  prévenir  le  retour  de  pareils  désastres,  soit  qu'un 
second  siège  y  ait  eu  lieu  postérieurement ,  le  château  de 
Livarot  fut  démantelé  vers  cette  époque  et  cessa  d'avoir  au- 
cune importance  militaire.  Il  n'en  est  point  fait  mention 
dans  les  guerres  de  la  première  moitié  du  XVe  siècle. 

Jeanne  du  Neufbourg,  fille  et  héritière  de  Robert  du 
Neufbourg  et  d'Alix  de  Tournebu,  porta  la  baronnie  de 
Livarot  dans  la  maison  de  Ferrières ,  une  des  plus  illustres 
de  la  province,  par  son  mariage  avec  Charles,  baron  de 
Ferrières,  de  Préaux,  de  Thury,  de  Dangu ,  de  Vibra  y  e  et 
Montforl-le-Rotrou ,  sous  le  règne  de  Charles  VI.  Les  sei- 
gneurs de  Ferrières  possédèrent  la  terre  de  Livarot  pendant 
environ  cent  ans;  mais,  au  commencement  du  XIIe  siècle, 
ils  tombèrent  en  quenouille.  Françoise  de  Ferrières,  une 
des  héritières  de  cette  maison ,  eut  en  partage  la  baronnie 
de  Livarot;  elle  épousa  Antoine  d'Arces,  seigneur  delà 
Baslie,  gentilhomme  dauphinois  de  la  valeur  la  plus  bril- 
lante, connu,  dans  son  temps,  sous  le  nom  de  Chevalier- 
Blanc.  Envoyé  par  le  roi  François  Ier  en  Ecosse ,  pendant 
la  minorité  de  Jacques  V ,  Antoine  d'Arces  fut  élevé  à  la 
dignité  de  vice-roi  d'Ecosse,  mais  une  lin  tragique  vint 
bientôt  mettre  un  terme  à  ses  glorieux  elforls  en  faveur  de 


676  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

ce  malheureux  pays  que  le  dangereux  voisinage  de  l'Angleterre 
et  la  turbulence  de    ses  barons  tenaient   plongé   dans   un 
état  de  confusion  perpétuelle  :  tombé  entre  les  mains  d'Écos- 
sais révoltés,  le  seigneur  de  la  Bastie  fut  cruellement  égorgé. 
Il  laissait  deux   fils  qui  possédèrent  l'un  après  l'autre,  la 
terre  de  Livarot  ;  car,  bien  que  Nicolas    d'Arces,   l'aîné, 
seignenr  de  Ferrières,  Livarot  et  Thibouville,  eût  laissé  une 
fille  de  son  mariage  avec  Anne  Le  Veneur,  des  arrangements 
de  famille  firent  passer  la  baronnie  de  Livarot  à  Jean  d'Arces, 
son  frère,    baron  de    la   Bastie  et  de   Condrieu.    Celui-ci 
épousa  Isabeau  de  Sillans,  fille  du  seigneur  de  Creully  :  il  en 
eut  un  fils  et  une  fille  ;    le  premier,    nommé  Guy  d'Arces, 
fut  compté  parmi  les  favoris   de  Henri   III,  sous  le  nom 
de   Livarot;    il    mourut    jeune    encore,     laissant,    pour 
Iiéritière,    Jeanne    d'Arces,    sa    sœur,    mariée    à    André 
d'Oraison,   seigneur   de  Soleilhas,  chevalier  de  l'ordre  et 
mestre   de    camp    des    vieilles    bandes    françaises.     André 
d'Oraison ,  fils  d'Antoine  d'Oraison ,  vicomte  de  Cadenet  et 
de   Marthe  de   Foix  Candale,   était  descendu  de   Philibert 
d'Aqua  ,  seigneur  napolitain,  qui,  s'étant  attaché  à  la  fortune 
de  la  maison  d'Anjou  ,  fut  exilé  de  sa  patrie  et  se  retira  en 
Provence  où  la  faveur  du  roi  René,  dont  il  était  grand- 
chambellan  ,  lui  fit  épouser  Louise  d'Oraison ,  héritière  d'une 
famille  distinguée  de  cette  province ,  aux  noms  et  armes  de 
laquelle  sa  postérité  fut  substituée.  André  d'Oraison  fut  l'au- 
teur de  deux  branches  de  cette  maison  ;  l'aînée ,  celle  des 
marquis  d'Oraison  Boulbon ,  resta  en  Provence ,  tandis  que 
la  cadette ,  celle  des  barons  de  Livarot ,  vint  se  fixer  en  Nor- 
mandie où  elle  s'éteignit  dans  les  premières  années  du  XVIIIe 
siècle  ;  ses  membres  ont  porté  les  titres  de  marquis  de  Li- 
varot et  de  Longchamp,   barons  d'Ouillie  et  seigneurs  de 
Pontalery ,  Piencourt,  Chiffreville  et  Héricourt  ;  deux  d'entre 
eux  ont  été  successivement  gouverneurs  de  Lisieux  sous  le 


CANTON    DE    LÏVAUOT.  677 

règne  de  Louis  XIV.  L'héritière  des  barons  de  Livarot,  du 
nom  d'Oraison ,  fut  Charlotte  Elisabeth  d'Oraison ,  mariée  a 
Charles  Nicolle  ,  sieur  de  Briqueville,  fils  d'un  receveur  des 
tailles  à  Coutances  :  elle  fut  l'aïeule  de  Louis  de  Nicolle, 
marquis  de  Livarot,  qui  vendit  cette  terre  en  1763 ,  se  ré- 
servant le  privilège  d'en  porter  exclusivement  le  nom.  Ce 
dernier  marquis  de  Livarot  était  maréchal  de  camp  ; 
il  mourut  à  Londres  ,  dans  l'émigration ,  sans  avoir  été 
marié;  il  laissait  deux  sœurs  :  Louise  Elisabeth  de  Nicolle, 
l'aînée ,  avait  épousé  François-Jean  de  Graindorge-d'Or- 
geville,  baron  de  Mesnil-Durand  et  maréchal  de  camp; 
Henriette-Blandine  de  Nicolle,  sa  sœur,  était  mariée  à 
Charles  Guy  du  Bosch.  La  terre  de  Livarot,  y  compris  les 
fiefs  de  Pontalery ,  Piencourt  et  autres  qui  en  dépendaient , 
fut  vendue  à  Mme  de  Lancize,  pour  la  somme  de  261,000 
livres.  Louis-Marc  de  Lauzière  de  Lancize  était  un  officier 
distingué ,  originaire  de  l'Avranchin  ;  il  avait  épousé  ,  en 
premières  noces,  en  1736,  Julie-Geneviève  de  Lyée  de 
Tonnancourt,  qui  mourut  bientôt  sans  postérité.  M.  de 
Lancize  suivit  Charles-Edouard  en  Ecosse ,  comme  capitaine 
d'une  compagnie  de  cadets  gentilshommes  ;  puis ,  élevé  au 
grade  de  colonel  d'infanterie,  il  reçut  un  commandement 
important  à  la  Martinique  où  il  se  remaria  avec  Mmc  de 
Ponthau,  riche  veuve  créole.  C'est  au  nom  de  cette  dame, 
Catherine-Elisabeth  Desvergers ,  et  de  Michel  de  Ponthau , 
son  fils,  que  fut  acquise  la  baronnie  de  Livarot.  M.  de 
Lancize  fit  construire,  à  peu  de  dislance  du  vieux  château, 
un  long  bâtiment  en  équerre,  destiné  à  servir  de  dépendances 
au  nouvel  édifice  qu'il  projetait  de  lui  substituer;  mais  ses 
plans  ne  furent  pas  mis  à  exécution  :  dès  1767 ,  la  terre  de 
Livarot  était  de  nouveau  vendue,  pour  le  prix  de  310,000 
livres,  à  Joachim- André-Louis  Gossey,  riche  négociant  et 
secrétaire  du  roi,  qui ,  par  cette  acquisition  ,  devint  seigneur 


678  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

de  Livarot ,  Pontalery ,  les  Loges ,  le  Quesnay ,  Carel  et 
Piencourt.  Mais  les  événements  de  la  Révolution  ayant  causé 
la  ruine  de  la  maison  Gossey,  la  terre  de  Livarot  fut  saisie  par 
ses  créanciers  et,  enfin,  vendue  en  détail  en  1816.  Quelques 
années  après,  le  vieux  château  était  rasé  jusqu'aux  fondements  : 
sur  le  terrain  qu'il  occupait,  s'élève  maintenant  l'école  com- 
munale des  filles ,  tenue  par  les  religieuses  de  la  Providence. 
Le  château  de  Livarot,  dont  la  construction  primitive 
pouvait  remonter  au  XIe  siècle ,  était  un  des  édifices  féodaux 
les  plus  remarquables  de  la  contrée  :  son  enceinte ,  de  forme 
circulaire,  bâtie  en  pierres  du  grès  le  plus  dur,  soigneuse- 
ment appareillées,  était  entouré  de  fossés  profonds  alimentés 
parla  rivière  de  Vie  :  aussi,  Livarot  fut-il  longtemps  regardé 
comme  une  place  très-forte.  Mais,  ce  vieux  château  ayant  été 
démantelé  dans  les  guerres  du  XIVe  siècle,  il  n'était  resté 
de  ses  murs  primitifs  que  des  portions  de  hauteurs  inégales 
sur  lesquelles  étaient  venues  s'appuyer  plusieurs  constructions 
en  bois,  dépourvues  de  tout  ensemble  et  de  toute  régularité. 
La  partie  la  plus  remarquable  et  la  mieux  conservée  de  cette 
ancienne  demeure  était  un  pavillon  ,  ou  tourelle,  donnant 
accès  dans  la  cour  intérieure  et  où  se  trouvait  autrefois  un 
pont-levis.  Suivant  M.  Guilmeth  ,  la  totalité  de  l'enceinte 
avait  252  pieds  de  circonférence  en  dedans  des  fossés. 

La  Pipardière.  —  Le  manoir  de  la  Pipardière,  dit  M.  Ch. 
Vasseur,  assis  au  milieu  de  la  vallée  ,  sur  le  bord  de  la  roule 
de  Lisieux,  ne  doit  pas  remonter  au-delà  du  XVIe  siècle.  Il  est 
construit  en  bois,  avec  un  étage  en  encorbellement.  Un  escalier 
monumental  en  pierre,  placé  en  saillie  sur  la  façade  occidentale 
et  abrité  par  un  auvent,  conduit  aux  chambres  hautes.  Sur 
le  fronton  de  la  petite  fenêtre  qui  éclaire  le  dessous  de 
l'escalier  on  trouve  une  date  un  peu  fruste,  que  j'ai  cru 
être  1525.  (V.  la  page  suivante.) 


CANTON   DE   LIVAROT. 


679 


680  STATISTIQUE   HONtJMENTâLE   MJ    CALVADOS. 

Les  sculptures  des  charpentes,  dont   voici  un  profil,  ré- 


pondent bien  à  cette  daté. 


CANTON    DE   LIVAROT.  6S1 

Les  entre- colombages  sont  garnis  de  briques ,  disposées  en 
dessins  variés,  et  quelques  fragments  d'épis  en  terre  ver- 
nissée couronnent  encore  les  pignons  des  combles. 

La  chapelle  est  fort  bien  bâtie.  Quoiqu'elle  soit  vrai- 
semblablement.  du   même   temps  que  le  manoir,  elle  offre 


CHAPELLE   DE    LA    PIPARDIÈRE. 


tous  les  caractères  du  style  flamboyant  de  la  meilleure 
époque.  Le  dessin  ,  de  M.  Bouet ,  peut  dispenser  de  toute 
description. 

Cette  chapelle  ne  sert  plus  au  culte,  et  elle  a  perdu  tout  son 
mobilier.  Une  belle  tribune,  dont  l'appui  se  composait  de 
panneaux  sculptés,   représentant  les ' douze  Apôtres,  séparés 


682  STATISTIQUE    MONUMENTALE   OU    CALVADOS. 

par  des  pilastres  cannelés,  dans  le  goût  de  la  Renaissance  , 
vient  d'être  enlevée  par  le  propriétaire  et  transportée  dans 
l'église  de  Soquence;  ces  boiseries  étaient  remarquables. 

La  charpente ,  visible  à  l'intérieur ,  mérite  une  étude 
approfondie.  Les  enlraits  sont  sculptés,  sur  toutes  leurs  parties, 
d'oves,  d'entrelacs,  et  de  ces  capricieuses  décorations  fa- 
milières aux  artistes  du  règne  de  François  Ier.  Les  sablières 
sont  également  sculptées,  et  quatre  blochets  dont  l'extrémité 
figure  des  mascarons  remplacent,  aux  angles  de  l'abside,  les 
enrayures  que  l'on  rencontre  ordinairement.  La  charpente 
du  clocher  est  restée  aussi  visible ,  jusqu'au  haut  de  la 
flèche  :  l'œil  s'égare,  non  sans  plaisir,  au  milieu  de  ce  la- 
byrinte  de  pièces  de  toute  dimension ,  dont  plusieurs  sont 
sculptées ,  et  dont  l'ensemble  est  un  magnifique  spécimen  de 
l'art  du  charpentier  II  faudrait  un  grand  nombre  de  dessins 
pour  en  donner  une  idée  (1). 

Le  fief  de  La  Pipardière  doit  son  nom  à  la  famille  Pipart , 
distinguée  au  XIIe  siècle  et  qui  a  possédé  aussi  la  terre 
de  Manneville-la-Pipard  ,  près  de  Pont-l'Évêque.  Gilbert 
Pipart  était  dapifer  de  Milon  Crespin  ,  en  1107.  Un  de 
ses  descendants  épousa  une  fille  ou  petite  fille  de  Goscelin 
Crespin,  baron  de  Livarot,  et  il  paraît  en  avoir  reçu  un  dé- 
membrement de  cette  terre  où  il  fit  construire  un  manoir , 
qui  fut  nommé  La  Pipardière.  Ce  fief  appartenait ,  en  1^27, 
à  Jean  de  La  Haye ,  descendant  par  les  femmes  des  Pipart. 
Un  de  ses  successeurs ,  Philippe  de  La  Haye ,  sieur  de  La 
Pipardière,  était  en  procès  en  15^2,  contre  Nicolas  d'Arces, 
baron  de  Livarot,  qui  lui  disputait  le  droit  d'avoir  banc  et 
séance  dans  le  chœur  de  l'église  de  cette  paroisse  :  ce 
procès,  porté  au  Parlement  de  Normandie,  ne  fut  terminé 
qu'en  1601 ,  par  un  arrêt  favorable  aux  prétentions  des  barons 

'A)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON    DE   LIVAROT.  683 

de  Livarot.  La  famille  de  La  Haye,  alliée  à  celles  de  Hautemer, 
de  Tournebu ,  de  Courseulles ,  s'éteignit  dans  le  cours  du 
XVIIe  siècle,  dans  la  maison  de  Fresnel,  qui  a  possédé  la 
terre  de  la  Pipardière,  jusqu'à  la  Révolution.  Elle  a  appartenu 
depuis  à  Mn,e  de  La  Rivière,  et  est  aujourd'hui  la  propriété 
de  ses  héritiers,   MM.  du  Val  de  Bonneval. 

Château  moderne.  —  Le  château  de  Neuville  ,  situé 
sur  le  penchant  du  coteau  qui  domine  le  côté  droit  de  la 
vallée  ,  est  un  des  plus  considérables  du  département  et  des 
mieux  situés:  il  a  été  construit  en  1824,  par  feu  M.  le  mar- 
quis de  Neuville,  pair  de  France,  dans  le  style  qui  était 
alors  à  la  mode  :  aujourd'hui  on  ferait  quelque  chose  de  plus 
léger  dans  un  autre  style  ;  mais  chaque  époque  a  son  goût 
et  son  cachet. 

L'ancien  château ,  dont  il  reste  encore  quelques  parties 
près  du  nouveau  ,  était  précédé  de  deux  tours  cylindriques  : 
lune,  destinée  au  colombier;  l'autre  était,  dit-on,  une 
chapelle.  Elles  portent  les  dates  1677  et  1678. 

Deux  épis  émaillés  couronnent  les  combles  de  cette  con- 
struction et  des  tours. 

Des  sources  limpides  coulent  de  la  partie  supérieure  du 
coteau  et  sont  amenées  dans  les  appartements  du  château  : 
une  végétation  luxuriante  distingue  les  plantations  qui  or- 
nent le  coteau.  Du  château ,  la  vue  s'étend  sur  une  vallée 
magnifique  et  sur  le  bourg  de  Livarot. 

M.  le  comte  de  Neuville,  gendre  de  M.  de  Villèle  ,  qui 
habite  son  château  une  grande  partie  de  l'année ,  est  un  des 
hommes  les  plus  recommandables,  les  plus  désintéressés  et 
les  plus  dévoués  aux  intérêts  moraux  et  industriels  du  pays. 

La  population  du  canton  lui  a  témoigné  sa  reconnaissance 
en  l'appelant,  il  y  a  quelques  années,  à  siéger  au  Conseil 
général. 


686  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

M.  de  Neuville  a  deux  fils  qui  habitent  avec  lui,  et  dont 
l'un,  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville,  membre  de  la  Société 
française  d'archéologie,  nous  a  fourni  de  précieux  docu- 
ments historiques  sur  les  fiefs  du  canton.  C'est  lui,  qui, 
pour  ne  pas  s'éloigner  de  son  frère  aîné,  auquel  appartiendra 
le  château  de  Neuville,  vient  d'en  faire  construire  un  autre, 
sur  le  côté  opposé  de  la  vallée. 

Le  fief  de  Neuville ,  où  se  trouve  le  château  dont  nous 
parlons,  doit  son  nom  à  l'ancienne  famille  de  Neufville  qui 
a  elle-même  pris  le  sien  de  Neuville-sur-Touque,  commune 
du  canton  de  Gacé.  Le  fief  de  Neuville  paraît  avoir  d'abord 
fait  partie  d'un  fief,  nommé  la  Loisinière,  possédé  au  XIIIe 
siècle  par  une  famille  de  chevaliers,  du  nom  de  Loison. 

Un  peu  avant  1550,  il  devint  la  propriété  de  maître  Guil- 
laume Maquerel ,  avocat  à  St-Pierre-sur-Dive ,  natif  de 
Bellou  ,  auquel  il  fut  encore  disputé  :  Robert  de  Neuville, 
seigneur  des  Loges ,  le  revendiquait  en  justice  ,  en  1570; 
mais  il  resta  entre  les  mains  de  la  famille  Maquerel,  qui  prit 
le  nom  des  Mogerets  et  fut  anoblie ,  en  1637,  dans  la  per- 
sonne de  Pierre  des  Mogerets,  sieur  de  Neuville",  avocat- 
général  à  la  Table  de  marbre  de  Rouen  et  maître  des  re- 
quêtes de  la  Reine.  Les  enfants  de  ce  dernier  donnèrent  en 
échange,  en  1675,  contre  des  herbages  situés  à  La  Brevière, 
la  terre  de  Neuville  à  Jacques  Rioult ,  sieur  d'Ouilly ,  fief 
dans  lequel  celui  de  Neuville  était  presque  complètement  en- 
clavé. Cette  terre  est  restée,  depuis,  en  la  possession  de  la 
famille  Rioult  de  Neuville,  qui  y  fait  sa  résidence.  Le  fief  de 
Neuville  relevait  de  la  seigneurie  de  Sle-Marguerite-des- 
Loges. 

Le  fief  d'Ouilly ,  dont  le  manoir  est  situé  dans  un  vallon 
au  sud-est  et  à  un  kilomètre  et  demi  du  bourg  de  Livarot , 
doit  son  nom  à  la  famille  des  seigneurs  d'Ouil!y-le -Tesson  : 
aussi,  ce  fief  était-il  resté  dans  la  mouvance  féodale  de  cette 


CAS  TON    OE    LIVAROT.  685 

seigneurie  d'Ouilly ,  près  de  Falaise.  Il  avait  originairement 
porté  le  nom  du  Val-Herboult,  sans  doute  emprunté  à  une 
famille  Herboult,  qui  subsistait  encore  à  La  Brevière,  au 
XIIIe  siècle. 

Dans  le  cours  du  XIVe  siècle,  Richard  d'Ouilly  était 
seigneur  du  fief  de  ce  nom,  à  Livarot.  A  la  fin  du  même  siècle, 
la  terre  d'Ouilly  avait  été  démembrée  :  le  manoir ,  le  bois 
d'Ouilly  et  la  plus  grande  partie  du  domaine  utile  étaient 
entre  les  mains  de  la  famille  Rioult,  tandis  que  le  corps  du 
fief  et  les  droits  seigneuriaux  étaient  la  propriété  d'une 
branche  cadette  de  la  maison  de  Courcy. 

Gabriel  Quesnel  de  Coupigny  ,  marquis  d'Alègre ,  vendit 
en  1611  le  fief  d'Ouilly,  pour  /i,000'  livres,  à  Jacques 
Rioult ,  qui  le  réunit  ainsi  au  domaine  qui  en  avait  été  sé- 
paré. Le  manoir  d'Ouilly  offre  les  caractères  généraux  des 
constructions  en  bois  du  XVIe  siècle  :  son  principal  mérite 
est  de  porter  une  date  certaine,  le  millésime  1518  étant 
gravé  dans  un  cadran  solaire  en  pierre  se  détachant  en  car- 
touche, d'une  de  ses  massives  cheminées.  L'intérieur  offre 
quelques  traces  des  peintures  murales  qui  le  décoraient 
autrefois. 

Ce  manoir  a  été  élevé  par  Pierre  Rioult  ,  fils  de  Jean 
Rioult,  qui  fit  preuve  d'ancienne  noblesse  devant  Montfaut , 
dans  la  recherche  de  1463  et  père  de  Nicolas  Rioult,  qui  de 
son  mariage  avec  Agnès  de  Manoury  eut  pour  fils  un  autre 
Pierre  Rioult  ;  celui-ci  épousa  en  1567  Catherine  Toustain, 
des  sieurs  de  Billy,  dont  il  eut  Jacques  Rioult,  devenu  sieur 
d'Ouilly  en  1611.  Les  Rioult  avaient  succédé  à  la  famille 
d'Astin  qui  possédait  des  terres  au  Val-Herboult,  aux  XIP 
et  XIIP  siècles  ;vun  de  ses  membres,  Foulques  d'Astin  fut 
évèque  de  Lisieux  sous  le  règne  de  saint  Louis. 

Livarot  a  servi  de  résidence,   aux  XVIe  et  XVIIe  siècles, 


686         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

à  des  membres  des  familles  Toustain  de  Billy  ,  Le  Vallois  et 
de  Cintrey.  C'est  à  Livarot  qu'est  né  l'abbé  Dufresne,  curé 
de  Mesnil- Durand,  député  du  clergé  aux  Élats -Généraux  de 
1789  et  membre  du  côté  droit  à  l'Assemblée  constituante. 

Pierre  levée.  —  Les  hauteurs  qui  s'étendent  à  l'est  de 
Livarot  sont  couvertes,  sur  une  longueur  de  3  kilomètres  sur 
1  kilomètre  environ  de  largeur,  par  des  bois  appartenant  à  M.  le 
comte  de  Neuville.  Il  s'y  trouve,  tout  près  de  l'ancien  chemin 
de  Livarot  à  Fervaques,  un  menhir  ou  pierre-levée,  cachée 
dans  l'épaisseur  du  taillis.  C'est  une  roche  en  poudingue 
siliceux,  de  2  mètres  de  hauteur  environ,  d'une  longueur 
un  peu  moindre  sur  une  largeur  de  60  centimètres  à  peu 
près.  Cette  pierre  est  complètement  brute,  sauf  une  de 
ses  faces  latérales  dont  on  semble  avoir  voulu  faire  disparaître 
quelques  parties  anguleuses  à  l'aide  d'un  instrument 
grossier.  A  une  centaine  de  mètres  plus  au  sud  de  l'autre 
côté  du  chemin,  se  trouvent  quelques  pierres  de  nature  et  de 
dimensions  analogues,  mais  occupant  une  position  hori- 
zontale. 


S"-MARGUERITE-DES-LOGES. 


Ste-Marguerite-des-Loges ,  Sancta  Margarùa  de  Logiis. 

L'église  de  Ste-Marguerite-des-Loges  est  bâtie  dans  un 
vallon ,  au  pied  d'un  coteau  marneux  couronné  de  sapins. 
Un  ruisseau  coule  au  nord  de  l'église  ;  à  côté  se  développe 
un  vaste  étang. 

D'après  les  notes  descriptives  de  M.  Pannier,  qui  a  visité 
cette  église  plusieurs  années  après  moi,  elle  était  romane. 
Le  mur  méridional  de  la  nef  offre  encore  une  fenêtre  à 
plein-cintre  qui  a  été  bouchée.  On  remarque  aussi  de  ce 


G  ANTON    DE   LIVAROT.  687 

côté  deux  petites  fenêtres  à  ogive  de  transition ,  également 
bouchées. 

Une  grande  restauration  y  a  été  faite  au  XVIe  siècle.  Les 
murs ,  en  cailloutis ,  ont  été  exhaussés  de  plus  d'un  tiers  de 
leur  hauteur  et  construits  en  grand  appareil.  Les  contreforts 
à  double  glacis  datent  de  cette  époque. 

La  nef  est  éclairée,  au  midi ,  par  trois  fenêtres  :  l'une  rec- 
tangulaire avec  moulures  prismatiques,  les  deux  autres  flam- 
boyantes, divisées  par  un  meneau.  Deux  fenêtres  cintrées, 
entourées  de  moulures  formées  de  gorges ,  laissent  pénétrer 
la  lumière  du  côté  du  nord. 

Le  chœur,  construit  en  grand  appareil ,  est  en  retraite  sur 
la  nef.  Il  se  termine  par  un  chevet  droit  soutenu  par  trois 
contreforts  :  l'un  placé  au  milieu ,  les  deux  autres  sur  les 
angles.  Une  grande  fenêtre  flamboyante  à  deux  baies,  presque 
entièrement  bouchées,  occupe  le  milieu  de  ce  chevet.  Les 
murs  latéraux  sont  percés  de  fenêtres  à  plein-cintre,  mo- 
dernes. La  sacristie,  construite  en  grand  appareil,  est  placée 
au  nord.  Elle  date  du  même  temps  que  le  chœur. 

A  l'occident  s'élève  une  tour  carrée ,  à  trois  étages ,  non 
compris  le  rez-de-chaussée.  Celte  |tour,  placée  en  avant- 
corps  ,  est  construite  en  grand  appareil  et  flanquée  de  con- 
treforts prismatiques  reliés  entre  eux  par  un  cordon.  Elle 
est  surmontée  d'un  clocher  en  charpente,  recouvert  en 
essente ,  terminé  par  une  pyramide  octogone  très-élancée  et 
percée  à  sa  base  de  quatre  lucarnes  trilobées.  La  cloche  de 
Ste-i\Iarguerite-des-Loges ,  dont  nous  donnons  l'inscription , 
a  1  mètre  d'ouverture  : 

l'an    1818,   j'ai    été   fondue   et   bénite  par  les   soins   dk  m.  de- 
lange    (1),    CUBÉ,    KT     NOMMÉE    MARIE    PAB    NOBLE     DAME   MARIE   DE   MAR- 

(1)  Curé  actuel  de  Courcy ,  près  Jort. 


t)88         STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

GUERIE  (1),  COMTESSE  DE  VALMONT,  ASSISTÉE  DE  MESSIRE  LÉON  A.  DE 
RIOULT,  COMTE  DE  NEUVILLE,  GENTILHOMME  HONORAIRE  DE  LA  CHAMBRE 
DU    ROI    (2). 

M.     ALLAIRE,    MAIRE.    BENARD,    TRÉSORIER. 
REÇUS,    FONDEUR. 

Au  midi  est  une  tourelle  en  encorbellement  qui  renferme 
l'escalier.  La  porte  principale  est  à  plein-cintre  et  ornée  de 
moulures  en  gorge.  Elle  est  surmontée  d'une  statue  ancienne 
de  sainte  Marguerite.  La  porte,  en  bois,  est  formée  de 
panneaux  plissés. 

Autour  de  l'église  règne  une  litre  funèbre. 

La  voûte  de  la  nef  est  en  merrain  avec  entraits  et  poin- 
çons. La  voûte  du  chœur  et  celle  de  la  sacristie  sont  égale- 
ment en  merrain. 

L'arc  triomphal  date  du  XVIe  siècle. 

On  remarque  dans  le  chœur  le  maître-autel  dont  le  ma- 
gnifique rétable,  d'ordre  corinthien,  est  décoré  de  quatre 
colonnes  torses  couvertes  de  ceps  de  vigne  et  de  raisins.  Le 
tabernacle ,  également  très-riche ,  est  à  pans  coupés  et  décoré 
de  colonnettes  accouplées  placées  sur  les  angles.  Deux  niches 
renferment,  l'une,  la  statue  de  sainte  Marguerite,  patronne 
de  l'église  ;  l'autre ,  celle  de  saint  Pierre.  Dans  les  panneaux 
inférieurs,  placés  entre  les  piédestaux  des  colonnes  et  corres- 
pondant aux  niches  du  maître-autel,  sont  deux  anges  ado- 
rateurs miniatures. 

A  l'extrémité  de  la  nef  s'élèvent  deux  petits  autels.  Celui 
de  droite,  dédié  à  saint  Sébastien,  offre  un  joli  rétable, 
style  Louis  XIV,  décoré  de  colonnes  torses  et  de  pilastres 
avec  chapiteaux  corinthiens.  Deux  statues,  supportées  par 
des  culs-de-lampe ,  accompagnent  l'autel. 

(1)  Mère  de  Mgr  de  Marguerie,  évêque  d'Autun. 

(2)  M.  de  Neuville,  devenu  plus  tard  pair  de  France.  f 


CANTON   DE   LIVAROT.  689 

L'autre  autel,  consacré  a  la  Sainte-Vierge,  est  dans  le 
style  Louis  XV.  Le  rétable  est  décoré  de  colonnes  et  de 
pilastres  rudentés  d'ordre  composite.  Près  de  l'autel  est 
un  joli  candélabre  en  fer  embouti  destiné  à  recevoir  un 
cierge. 

La  chaire  est  dans  le  style  Louis  XV. 

Près  du  chœur  est  suspendu  un  beau  lustre  doré,  à  quatre 
rangs  de  bobèches  supportées  par  des  branches  ornées  de  ro- 
saces en  fer  embouti. 

Au  mur  méridional  de  la  nef  est  appendu  un  tableau  re- 
présentant saint  Michel  terrassant  un  dragon.  L'encadrement 
est  dans  le  style  Louis  XV.  Ce  tableau  a  été  donné  par  la 
confrérie  de  Saint-Michel,  Au  bas  sont  inscrits  les  noms  des 
membres  de  cette  confrérie. 

Sur  une  fenêtre  de  la  nef  est  peint  un  écusson  entouré  de 
gracieux  rinceaux.  Son  champ  est  chargé  de  3  besants  sous 
un  chef  d'hermine. 

La  même  fenêtre  offre  un  joli  médaillon,  au  milieu  duquel 
est  représenté  un  évêque.  Au-dessus  du  médaillon  on  lit,  en 
caractères  gothiques,  les  mots  suivants  : 

ÎUcgarbc  m  lu  fin. 

Une  autre  fenêtre  de  la  nef  a  conservé  ses  anciens  plombs, 
dont  le  dessin  est  fort  joli. 

Sur  une  des  fenêtres  du  chœur  ,  sont  peints  deux 
écussons  qui  sont  renversés  :  l'un  porte  les  armes  de  la 
famille  du  Rouil  ;  l'autre  ne  doit  pas  être  intact. 

L'église  de  Ste-Marguerile-des-Loges ,  a  environ  100  pieds 
de  long,  y  compris  l'avant-corps ,  formé  par  le  clocher,  et 
20  pieds  de  large.  La  hauteur  du  clocher  est  de  110  pieds. 

Sur  une  pièce  de  bois ,  incrustée  dans  le  mur  du  chevet , 
on  lit  l'inscription  suivante ,  en  caractères  romains  : 

UU 


690  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


HIC    IACET 

ATAV1S    ARMIS    VIRTUTE    NOBILIS 

F.    C.    G.    DE    MARGUERYE 

Sti    LUD.    ORD.    EQUES,    SCELERUM    IN 

TURBINE    DEO,      REGI     FIDELIS     MANSIT 

IMrAVIDUS,    PAUPERUM    PATER, 

ORLITDS   INJURIEE, 

SUOS    ADIOVANS    HOSTES 

OBIIT    DIE    2    IANUARII 

ANNO    1818    ^STATIS    98. 

REQUIESCAT    IN  PACE 

ORATE    PRO    ILLO. 

MOERENS    DICAVIT    FILIUS. 


M.  de  Marguerye  était  un  des  ancêtres  de  Mgr  de  Marguerie, 
ancien  évêque  de  St-Flour,  aujourd'hui  évêque  d'Autun. 

A  ces  notes ,  dont  nous  devons  la  plus  grande  partie  à 
M.  Pannier,  nous  allons  joindre  les  détails  suivants,  extraits 
du  -manuscrit  de  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville. 

Celte  commune  était  autrefois  comprise  dans  l'élection  de 
Lisieux  et  la  vicomte  d'Orbec.  Le  droit  de  présentation  à  la 
cure  appartenait  à  l'Evêque  de  Lisieux,  au  XIVe siècle,  et 
postérieurement  à  cette  époque,  au  chapitre  de  la  même  ville. 

La  seigneurie  des  Loges  a  appartenu,  depuis  le  XIIIe 
siècle  au  moins  jusqu'au  commencement  du  XVIIe,  à  la 
famille  de  Neufville,  dont  les  armes  :  de  gueules  à  trois  besants 
d'or  au  chef  d'hermine ,  se  voient  encore  sur  un  vitrail  de 
l'église  paroissiale.  Suivant  un  aveu  rendu,  en  1570,  au 
baron  de  Livarot ,  par  Robert  de  Neufville ,  sieur  des  Loges, 
ce  fief  renfermait  161  acres  et  demie  de  domaine  non  fieffé 
et  31Zi  acres  et  demie  de  domaine  fieffé  :  le  revenu 
annuel  était  estimé  250  livres  :  les  fiefs  du  Rouil, 
de  Neuville ,  de  la  Vallée  et  la  Vavassorie  de  Beaumesnil  lui 
rendaient  hommage.  Charles  de  Neufville,  sieur  des  Loges, 


CANTON   DE   LIVAROT.  691 

fils  du  précédent,  mourut  en  1599,  laissant  trois  filles  de 
son  mariage  avec  Isabeau  Ménage  de  Cagny ,  et  la  terre 
des  Loges  fut  divisée ,  par  parage ,  en  trois  portions  :  l'une 
fut  portée  par  Elisabeth  deNeufville  à  François  de  Malmaison, 
dont  la  fille  Elisabeth  de  Malmaison ,  épousa ,  en  1617 , 
Gabriel  de  Rupierre ,  sieur  de  Glos-sur-Rille  ;  une  seconde 
portion  appartint  à  Anne  de  Neufville ,  mariée  à  Adrien  de 
Boctey,  sieur  de  la  Houssaye;  Marie  de  Neufville,  qui  eut 
l'autre  lot,  épousa  Jean  Deshayes,  auteur  d'Etienne  Deshayes, 
seigneur  des  Loges,  en  partie,  qui  comparut  à  la  Recherche 
de  1666  en  cette  paroisse.  De  ces  trois  portions,  deux  furent 
acquises  par  les  seigneurs  de  Livarot  et  suivirent  le  sort  de 
cette  baronnie;  la  troisième,  après  avoir  appartenu  à  la 
famille  de  Guyot,  puis  au  sieur  de  Fréval  ,  passa  ,  vers  le 
milieu  du  siècle  dernier,  à  la  famille  de  Louis.  Grégoire  de 
Louis ,  mort  aux  Loges  en  1 755 ,  fut  père  de  Grégoire- 
Alexandre-Eugène  de  Louis,  avocat  au  Parlement  de  Rouen, 
seigneur  et  patron  de  S,e-Marguerite-des- Loges,  en  1789. 
Cette  terre  a  été  depuis  vendue  et  morcelée;  le  manoir, 
qui  paraît  ancien,  a  subi  des  remaniements  qui  lui  ont  fait 
perdre  son  caractère. 

Le  fief  du  Rouil  a  donné  son  nom  à  la  famille  du  Rouil , 
connue  dès  le  XIIe  siècle,  et  qui  l'a  possédé  jusqu'au  XVIIe. 
Une  branche  de  la  même  famille  a  donné  son  nom  au  fief  de 
la  Rouillière,  à  Vieux-Pont,  tandis  qu'elle  prenait  elle-même 
celui  de  sa  terre  de  Fresnay.  Cardot  du  Rouil ,  seigneur  du 
Rouil,  de  Gauville,  de  Mandevillc ,  des  Retailles,  d'Ouilly  et 
du  Mesnil-Germain,  était  maître  d'hôtel  de  la  reine  Catherine 
de  Médicis  et  vivait  encore  en  160Zu  Dans  le  cours  du  XVIIe 
siècle ,  la  terre  du  Rouil  passa  à  une  branche  de  la  famille 
Le  Conte  de  Nonant,  qui  a  porté  les  noms  de  Le  Conte  du 
Rouil  et  de  Le  Conte  de  Vallemont.  Le  dernier  M.  de  Valle- 
montest  mort,  il  y  a  peu  d'années,  laissant  pour  héritière 


692  STATISTJQlit:    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Mme  la  comtesse  de  Béranger,  née  de  Révilliasc.  Le  vieux 
manoir  en  bois  peut  remonter  au  XVe  siècle  :  les  ouver- 
tures ,  récemment  remaniées  ,  étaient  autrefois  fort 
étroites  et  éclairaient  mal  les  deux  vastes  pièces  qui  se  par- 
tageaient chaque  étage  ;  le  toit  n'offre  point  de  lucarnes.  On 
a  peine  à  croire,  ce  qui  est  pourtant  certain,  qu'une  de- 
meure si  primitive  et  incommode  ait  servi  de  résidence,  il  y 
a  250  ans,  à  un  seigneur  distingué  de  la  cour.  A  peu  de 
distance  se  voit  un  ancien  colombier  en  bois,  surmonté 
d'épis  en  poterie  d'une  grande  beauté.  Un  château  en  pierre 
et  brique  a  été  en  partie  construit  au  Rouil,  en  1723  ;  mais 
cet  édifice  est  resté  inachevé  et  se  trouve  aujourd'hui  dans 
un  grand  état  de  délabrement.  L'ensemble  des  constructions 
et  des  dépendances  du  manoir  est  encore  en  partie  entouré 
de  larges  douves.  A  peu  de  distance  du  Rouil  se  trouvait 
l'ancienne  vavassorie  de  Beaumesnil  ,  qui  a  longtemps 
appartenu  aux  mêmes  seigneurs;  un  partage  l'a  fait  passer  à 
la  fin  du  XVIIe  siècle  dans  une  autre  branche  de  la  famille 
Le  Conte  de  Nonanl.  En  1739  ,  Nicolas  Le  Conte,  sieur  de 
Gizay,  fieffa  la  terre  de  Beaumesnil  au  sieur  Bénard,dont  les 
héritiers  l'ont  vendue,  en  1807,  à  M.  le  marquis  de  Neuville. 
Le  fief  de  Bellerive ,  quelquefois  nommé  Belleau  ,  était 
situé  à  une  petite  distance  de  l'église  paroissiale  de  Ste- 
Marguerite-des-Loges.  Il  a  appartenu ,  aux  XVe  et  XVIe 
siècles,  aux  Neuville,  seigneurs  des  Loges,  et,  au  XVIIe  siècle, 
à  la  famille  de  Piquot.  Robert  de  Piquot ,  sieur  de  Belleau, 
fils  mineur  de  Claude  de  Piquot ,  fit  preuve  d'ancienne  no- 
blesse en  la  paroisse  des  Loges,  l'an  166G.  Dans  le  siècle 
dernier,  ce  fief  devint  la  propriété  de  la  famille  de  Marguerye 
Sorteval.  Laurent-Gabriel  de  Marguerye,  mort  en  18&0,  en 
était  possesseur  :  il  a  laissé  de  son  mariage  avec  Adélaïde- 
Catherine  Bonnet  de  Montgommery,  entre  autres  enfants , 
jVlgr  de  Marguerye,  aujourd'hui  évêque  d'Autun,  né  à  Ste- 


CANTON   DE    LIVAROT.  693 

Marguerite-des-Loges.  La  terre  de  Bellerive  a  été  vendue  et 
morcelée,  il  y  a  une  vingtaine  d'années.  Il  ne  s'y  trouve 
aucune  construction  ancienne. 

Il  n'en  est  pas  de  même  du  fief  de  la  Vallée ,  situé  à 
l'extrémité  de  la  commune  des  Loges ,  du  côté  du  Mesnil- 
Germain.  Là  se  trouve,  au  fond  d'un  vallon  resserré,  un 
vieux  manoir  du  XVIe  siècle ,  construit  en  bois ,  auquel 
un  pavillon,  d'une  forme  singulière,  donne  un  aspect  assez 
remarquable.  Pierre  de  La  Chaise,  écuyer,  était  seigneur  de  la 
Vallée  des  Loges,  en  1469  ;  en  1562  ,  ce  fief  appartenait  à 
Guillaume  de  La  Pallu,  mais,  dès  1567,  il  était  devenu  la 
propriété  de  Jacques  d'Escorches.  Louis  d'Escorches,  sieur  de 
la  Vallée  etdeS,e-Croix,  fit  preuve  de  noblesse  à  Ste-Margue- 
rile-des-Logesen  1666.  Marguerite-Catherine  d'Escorches  de 
Sainte-Croix ,  dame  de  la  Vallée ,  ayant  épousé  Louis  Gaston 
de  Bonnechose  de  La  Boulaye,  en  17&0,  a  porté  cette  terre 
dans  cette  dernière  famille ,  qui  en  a  conservé  la  propriété. 

La  Recherche  de  la  noblesse  de  1666  mentionne  encore 
François  et  Pierre  de  Guyot  comme  résidant  à  Ste-Marguerile- 
des-Loges,  et  Guillaume  de  Vergeast,  sieur  de  Chastillon, 
qui,  moins  heureux  que  les  précédents,  vit  rejeter  ses 
preuves  par  M.  de  Marie. 

Ml  S\!I-I>UK\M>   (1). 

Mesnil-Durand ,  Mesnûlus  Durandi. 

L'église  du  Mesnil-Durand  date  de  deux  époques  dis- 
tinctes: la  fin  du  XIIT  siècle  pour  la  nef  et  l'époque  romane 
pour  le  chœur.  Le  portail  se  présente  bien  ,  avec  son  gable  à 
rampants,  percé  de  deux  lancettes  et  ses  deux  contreforts. 
La  porte  est  ogivale ,  sa  voussure  se  compose  de  deux  tores 

(i)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


694  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

qui  retombent  sur  un  pilastre  prismatique,  dont  les  cha- 
piteaux et  les  bases  accusent  tout  au  plus  le  XIVe  siècle. 

Le  mur  du  nord  est  moderne  ;  mais  celui  du  sud,  flanqué 
de  cinq  contreforts ,  a  bien  conservé  ses  caractères  primitifs 
du  XIIIe  siècle ,  quoiqu'il  ait  été  repercé  au  XVIe  de  trois 
fenêtres  ogivales  avec  un  meneau. 

Le  chœur,  en  retraite  sur  la  nef,  est  symétriquement 
percé  de  deux  fenêtres,  au  nord  comme  au  midi.  Ces  fenêtres 
cintrées  ont  été  élargies  à  l'extérieur,  ce  quia  fait  dis- 
paraître en  partie  un  cordon  torique  qui  se  profile  même  sur 
les  contreforts.  On  trouve,  en  outre,  au  sud,  une  porte 
cintrée  garnie  de  zigzags ,  plusieurs  fois  dessinée  et  consi- 
dérée comme  remarquable ,  alors  qu'il  était  question ,  dans 
une  certaine  classe  de  savants,  de  Y  architecture  saxonne. 
Cette  porte,  comme  le  reste  du  chœur,  est  seulement  du 
XIIe  siècle. 

Deux  contreforts  plats  soutiennent  chaque  mur  latéral,  et 
le  chevet,  qui  est  droit,  où  je  n'ai  vu  aucune  trace  de 
fenêtres. 

Ce  chœur ,  à  l'intérieur ,  offre  un  luxe  d'architecture  peu 
commun  dans  cet  arrondissement.  Il  est  voûté  en  pierres, 
avec  nervures  aux  arceaux  et  aux  arcs-doubleaux ,  dont  la 
retombée  porte,  aux  angles,  sur  une  colonnette  à  chapiteau  à 
crossettes  et,  au  centre,  sur  un  faisceau  de  trois  colonnes  de 
diamètre  inégal.  Les  bases  sont  garnies  d'agrafes.  L'arc 
triomphal  appartient  au  même  style.  L'ébrasure  des  fenêtres 
est  garnie  d'un  tore. 

Je  n'ai  rien  trouvé  dans  le  mobilier  qui  mérite  une  men- 
tion. Deux  tableaux  appendus  aux  murs  proviennent  de 
l'église  de  Pontalery. 

La  nef  n'a  pas  de  voûtes;  mais  un  simple  plafond,  porté 
sur  les  entrails  de  la  charpente ,  dont  les  profils  accusent  le 
XVe  ou  le  XVIe  siècle. 


CANTON    DE    LIVAROT.  695 

Le  clocher  donne  abri  à  deux  cloches.  Leurs  inscriptions 
méritent  d'être  transcrites.  La  première  est  celle  du  Pontalery. 

f    LAN   1741    IAY   ÉTÉ    BÉNITE    PAR    MES(SIRE)    PHILIPPE   MARTIN  CVRÉ    DE 

CE    LIEV    ET     NOMMÉE     ANGELIQVE     NICOLLE     PAR     MF.SSIRE     IACQVES    NICCLLE 

CHEVALIRR      SEIGNEVR     HONORAIRE     DE    LIVAKOT      CHIFFREVILLE    LES     LOGES 

PATRON    DE    CE   LIEV    MESTRE    DE    CAMPS  DE    DRAGONS    CHEVALLIER    DE    SAINT 

LOVIS    ET    PAR    DEMOISELLE    ANGELIQVE    IOVRDAIN    FILLE    DE    LOVIS    IOVRDAIN 

ECVYER  SEIGNEVR  DVVERGER    MESNIL    DVRANT     LA     BARILHERE    SAINT    MARTIN 

CASTILLON. 

IEAN    SIMONNOT    MA    FAITE. 

On  lit  sur  la  seconde  cloche  : 

f  LAN  1806  IAI  ETE  BENITE  PAR  Mc  PIERRE  DUBOIS  I1ESSERVANT  DE  SAINT 
ANDRE  DU  MESNIL  DURAND  NOMMEE  MARIE  ELISABETH  PAR  Mr  IEAN  BAPTISTE 
IOURDAIN  DUVERGER  ANCIENNEMENT  CONSEILLER  MAITRE  EN  LA  COUR  DE 
NORMANDIE  ET  DAME  MARIE  FRANÇOISE  NICOLE  PQLLIN  DU  MONCIL  EPOUSE  DE 
Mr  DAM1EN  ORPHÉE  LEGRAND  DE  EOISLANDRY  ANCIENNEMENT  CAPITAINE  DE 
CAVALERIE    ET    CHEVALIER    DE  SAINT    LOUIS. 

NICOLAS    DUBOIS    MAIRE. 

FRANÇOIS    THEKIOT    FONDEUR. 

I 

L'if  du  cimetière  mesure,  dans  sa  partie  moyenne,  11 
pieds  de  circonférence. 

Cette  commune  a  été  agrandie  par  l'adjonction  de  celle  de 
Pontalery  qui  y  a  été  réunie  par  ordonnance  royale  du  19 
juillet,  1826. 

La  paroisse  de  Mesnil-Durand  était  autrefois  comprise  dans 
l'élection  d'Argentan,  bien  qu'enclavée  de  toutes  parts  dans 
les  élections  de  Lisieux  ,  de  Falaise  et  de  Pont-1'Évêque. 
Dans  l'ordre  ecclésiastique,  elle  faisait  partie  de  l'archidiaconé 
d'Auge  et  du  doyenné  de  Mesnil-Mauger.  Le  patronage  était 
laïque  et  appartenait  au  seigneur  qui ,  suivant  le  pouillé  du 
XIV,:  siècle,  était  alors  Henri  des  Casleliers.  D'après  les 
recherches   de     M.    de    Neuville  ,   il   y   avait   deux    fiefs  , 


696  STAT1STIQUL   MONUMENTALE   DU' CALVADOS. 

portant  l'un  et  l'autre  le  nom  de  fief  de  Mesnil-Durand;  le 
principal ,  celui  auquel  était  attaché  le  patronage  de  la  pa- 
roisse, appartenait,  vers  le  milieu  du  XVIe  siècle,  à  Pierre 
de  Quesnel ,  seigneur  de  Mesnil-Durand  :  de  lui  relevait  le 
second  fief  du  même  nom  qui  était,  à  cette  époque,  la  pro- 
priété de  Jean  de  Neufville,  sieur  de  Belleau,  auteur  de  la 
branche  de  Neufville  Saint-Rémy  ,  éteinte  dans  la  maison  du 
Châtelet ,  sous  le  règne  de  Louis  XIV.  C'est  de  ce  dernier 
fief,  possédé  au  XVIIIe  siècle  par  la  famille  Jourdain,  que 
dépendait  le  vieux  manoir  de  Mesnil-Durand  que  l'on  voit 
encore  à  peu  de  distance  de  la  rivière  de  Vie ,  construction 
ancienne ,  mais  d'un   intérêt   médiocre.    Le  fief  principal , 
donnant  le  titre  de  seigneur  et  patron  de  Mesnil-Durand, 
appartenait ,  au  siècle  dernier ,  à  la  famille  de  Graindorge 
d'Orgeville ,  fixée  dans  cette  paroisse  depuis  le  mariage  de 
François  de  Graindorge,  sieur  du  Theil,  avec  Charlotte Pollin 
de  La  Frémondière,  en  1683.  Son  petit-fils,  François-Jean 
de  Graindorge  d'Orgeville  >  baron  de  Mesnil-Durand ,  se  dis- 
tingua par  ses  talents  militaires  :  devenu  officier-général ,  il 
acquit  une  grande  célébrité  par  des  ouvrages  sur  la  tactique, 
où  il  soutenait  des  principes  fort  combattus  à  cette  époque 
et  depuis  généralement  adoptés  :  il  mourut  à  Londres  dans 
l'émigration,  en  1799.  Il  avait  eu  deux  fils,  dont  l'aîné,  le 
vicomte  Gustave  de  Mesnil-Durand  ,  fut,  dans  les  premières 
années  de  la  Révolution  ,  l'un  des  auteurs  les  plus  spirituels 
du  célèbre  recueil  intitulé  Les  Actes  des  Apôtres;  revenu 
d'émigration  dans  l'espoir  de  sauver  le  roi  Louis  XVI ,  dont 
il  s'offrait  à  être  le  défenseur,  il  fut  arrêté  et  périt  sur  l'écha- 
faud.  Un  joli  château,  construit  peu  d'années  auparavant,  fut 
vendu  comme  bien  national  et  a  été  depuis  rasé.  M.  le  baron 
de  .Mesnil-Durand ,  le  second  des  enfants  du  général ,  a  fait 
construire,  à  peu  de  distance,  le  château  de  Balthasar,  au- 
jourd'hui la  propriété  de  son  fils. 


CANTON   DE   LIVAROT.  697 

A  Mesnil-Durand,  se  trouvait  encore  le  fief  du  Verger,  qui 
appartenait,  sous  le  règne  de  François  Ier,  h  Julien  Hesdiart, 
sieur  du  Verger  et  de  Boishébert ,  élu  à  Lisieux ,  anobli  en 
1552.  Ce  fief,  mouvant  de  la  seigneurie  de  Mesnil- Durand, 
est  devenu,  au  commencement  du  règne  de  Louis  XV,  la 
possession  de  la  famille  Jourdain.  On  y  voit  un  manoir  peu 
ancien  et  un  colombier  d'une  construction  antérieure  et 
d'un  effet  pittoresque.  Cette  terre  est  actuellement  la  pro- 
priété de  JVIme  de  Saint- Vulfran,  née  Jourdain  du  Verger. 

Ajoutons  que  Jean-Baptiste  de  Vitray  ,  sieur  des  Essards  , 
et  François  Perrotte,  prêtre ,  firent  constater  leur  noblesse 
en  la  paroisse  de  Mesnil- Durand  lors  de  la  recherche 
de  1666. 

LE  MKSNIL-GERMAIN. 

Le  Mesnil-Germain,   Ecclesia  de  Mesnillo  Germant. 
L'église  du  Mesnil-Germain  s'élève  d'une  manière  pittoresque 
sur  le  sommet  d'un  coteau  et  domine  un  étroit  vallon  qui 
va  se  perdre  dans  la  riante  vallée  du  Mesnil-Durand. 

Cette  église  ,  que  M.  Pannier  vient  de  visiter  et  de 
décrire,  était  primitivement  romane.  La  nef  et  le  chœur 
forment  un  long  parallélogramme  percé  ,  au  nord  et  au 
midi ,  de  fenêtres  à  arc  surbaissé  datant  du  siècle  dernier. 
Les  murs,  entièrement  récrépis,  ne  laissent  plus  voir  l'appa- 
reil primitif.  Le  mur  septentrional  est  flanqué  de  quatre 
contreforts  très-plats.  Au  midi,  il  y  a  absence  de  contreforts. 
Un  autre  contrefort,  placé  au  chevet,  se  voit  à  l'intérieur  de 
ja  sacristie.  Ce  chevet  était  autrefois  percé  d'une  fenêtre. 

Le  portail  occidental ,  construit  en  grand  appareil  ,  est 
flanqué  de  deux  contreforts  élevés  au  XVIe  siècle.  La  porte, 
à  plein-cintre,  ne  date  que  de  la  seconde  moitié  du 
XVIIIe  siècle.  Le  gable  était   autrefois  percé  d'une  grande 


698  STATISTIOUL    MONUMEVIAr.F.    DU    CALVADOS. 

fenêtre  ogivale  de  la  dernière  époque.  Au-dessus  du  gable 
s'élève  un  clocher  en  charpente,  surmonté  d'une  pyramide 
octogone  en  ardoise  percée  à  sa  base  de  quatre  fenêtres. 

Le  chœur  est  orné  d'un  bel  autel,  dans  le  style  Louis  XV, 
avec  un  grand  rétable  décoré  de  pilastres  rudentés  à  chapi- 
teaux composites,  Le  tabernacle  mérite  aussi  de  fixer  l'atten- 
tion, ainsi  que  le  tableau  qui  orne  le  rétable. 

A  l'extrémité  de  la  nef  sont  placés  deux  petits  autels  assez 
jolis,  dont  le  rétable  seulement  date  du  règne  de  Louis  XIV. 
L'un  de  ces  autels,  consacré  à  la  Sainte-Vierge,  est  décoré 
de  belles  colonnes  torses  offrant,  dans  leur  partie  inférieure 
et  supérieure,  des  grappes  de  raisin  attaquées  par  des  oiseaux 
et  des  limaçons,  et  dans  la  partie  moyenne  une  couronne 
ducale  formée  de  fleurs  de  lis  et  de  fleurons.  L'entablement 
est  composé  d'un  double  cintre.  Le  cintre  inférieur  est 
coupé  et  décoré  d'urnes.  Une  croix  surmonte  le  cintre 
principal. 

On  a  conservé  trois  anciens  canons,  dans  le  style  Louis  XV, 
avec  encadrement  couvert  de  velours  rouge  et  d'ornements 
en  cuivre  autrefois  argenté. 

La  voûte  du  chœur  est  en  merrain,  celle  de  la  nef,  égale- 
ment en  lambris  avec  enlraits  et  poinçons  ,  a  été  badi- 
geonnée. 

Au  fond  du  vallon  se  dresse  un  ancien  colombier  en  bois, 
de  forme  octogone,  avec  tuiles  entre  les  colombages  formant 
des  dessins  variés.  Ce  colombier  est  surmonté  d'un  double 
toit.  Le  toit  supérieur,  percé  de  quatre  grandes  lucarnes  et 
couronné  d'un  épi,  fait  saillie  sur  le  toit  inférieur  de  manière 
à  former  une  espèce  d'évent  qui  laisse  pénétrer  l'air  et  la 
lumière  à  l'intérieur. 

A  peu  de  distance  du  colombier  s'élève  une  maison  moderne 
en  brique,  formant  équerre,  qui  probablement  remplace  un 
ancien  manoir  féodal.   Derrière  cette  habitation  s'étend  un 


CANTON    DE    LIVAROT.  699 

vaste  jardin  potager,  à  l'extrémité  duquel  se  trouve  un  superbe 
étang.  L'eau  qui  s'échappe  de  cet  étang  forme  plusieurs 
cascadelles. 

Le  coteau  marneux  qui  s'élève  au  nord  est  entièrement 
planté  de  sapins,  et  fait  une  délicieuse  décoration  au 
paysage.  Sur  ce  coteau  on  a  tracé  de  nombreuses  allées  et 
ménagé  de  belles  échappées  de  vue. 

Cette  charmante  propriété  appartient  à  M.  de  Mesly. 

Chapelle  Noiremare.  —  La  chapelle  Noiremare  s'élève 
à  un  kilomètre  environ  de  la  route  impériale  de  Honfleur  à 
Alençon,  sur  le  bord  du  chemin  de  grande  communication 
de  Moult  à  Fervaques. 

Cette  chapelle,  qui  était  dédiée  à  saint  Laurent,  a  été  bâtie 
dans  la  seconde  moitié  du  XVIe  siècle.  Elle  a  36  pieds  de 
long  sur  15  de  large.  Ses  murs,  construits  en  grand  appa- 
reil et  en  cailloutis,  sont  flanqués  de  contreforts  saillants 
et  terminés  par  une  corniche  en  doucine.  On  voit  du  côté 
du  nord  une  fenêtre  à  plein-cintre,  du  XVIe  siècle,  laquelle 
a  été  bouchée.  Les  fenêtres  qui  s'ouvrent  au  midi  sont  sans 
caractère,  ainsi  que  la  porte  principale  qui  fait  face  au  cou- 
chant. Le  chevet,  soutenu  par  trois  petits  contreforts,  est 
droit. 

L'ameublement  de  la  chapelle  a  entièrement  disparu.  Une 
petite  statue  de  saint  Laurent  a  été  transportée  dans  le  chœur 
de  l'église  du  Mesnil-Germain. 

II  y  avait,  avant  la  Révolution,  un  chapelain  dont  on  voit 
oncore  l'habitation. 

Un  marché  se  tenait  autrefois,  tous  les  dimanches,  sur  la 
grande  place  du  village. 

L'assemblée  avait  lieu  le  10  août. 

Cette  commune  a  fait  autrefois  partie  de  l'élection  de 
Lisieux  et  de  la   vicomte  d'Orbec.  La  cure  était  divisée  en 


700  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

deux  portions  dont  les  titulaires  remplissaient  l'un  et  l'autre 
les  fonctions  pastorales.  Le  droit  de  présentation  à  l'une  de 
ces  portions  dépendait  de  l'abbaye  du  Bec ,  tandis  que  le 
patronage  de  l'autre  appartenait  au  seigneur  qui  était,  au 
XIVe  siècle,  un  sieur  de  Grandval,.  et  à  une  autre  époque, 
Jean  de  Courcy,  suivant  les  pouillés  du  diocèse  de  Lisieux. 
La  seigneurie  du  Mesnil-Germain  s'est  trouvée  partagée 
entre  plusieurs  fiefs  dès  une  époque  assez  reculée.  En  1669  , 
dit  M.  de  Neuville  ,  Jean  Dumaine  était  qualifié  seigneur  du 
Mesnil-Germain,  paroisse  où  les  héritiers  de  Guillaume  de 
Grandval  possédaient  un  autre  fief.  Au  XVIe  siècle,  le  titre  de 
seigneur  de  Mesnil-Germain  était  porté  parles  membres  de  la 
famille  Gosselin  anoblie  en  1519,  dans  la  personne  de  Robert 
Gosselin  et  de  Jean,  écuyer  de  la  fourriérie  du  roi.  Le  même 
titre  était  aussi  donné  au  possesseur  du  fief  de  Grandval  :  ce 
fief  mouvant  de  la  seigneurie  de  Fervaques  était ,  aux  XVe  et 
XVIe  siècles,  la  propriété  de  la  famille  du  Ronil  :  Florence 
du  Rouil ,  héritière  de  la  branche  aînée  de  cette  maison , 
le  porta  dans  celle  de  Quesnel  de  Goupigny.  En  1616  , 
Gabriel  Quesnel  de  Goupigny,  marquis  d'Allègre,  vendit 
le  fief  de  Mesnil-Germain  autrement  dit  Grandval,  pour  la 
somme  de  6,800  livres  à  Guillaume  Anfrey,  déjà  seigneur  en 
partie  de  Mesnil-Germain.  Le  premier  fief  possédé  en  cette 
paroisse  par  la  famille  Anfrey  se  nommait  le  fief  de  Tanney  : 
il  appartenait,  en  1669 ,  à  Robin  Le  Mectoier ,  et,  en  1523, 
à  Pierre  Anfrey,  frère  du  sieur  de  Caudemonne*  dont  les 
descendants  ayant  réuni  deux  des  portions  de  la  seigneurie  de 
Mesnil-Germain  en  portèrent  depuis  le  nom.  Jacques  Anfrey 
sieur  de  Mesnil-Germain,  y  fit  preuve  de  noblesse,  en  1666. 
Cette  famille  s'éteignit  peu  après  dans  la  personne  de  Françoise 
Anfrey,  mariée  à  René  de  Bonnechose  et  mère  de  Jacques- 
Charles -Henri-Guy  de  Bonnechose,  seigneur  du  Mesnil- 
Germain ,  qui  épousa,  en  1717,   Charlotte  de  Graindorge. 


CANTON    DE    LIVAROT.  701 

de  Mesnil- Durand,  dont  il  eut  plusieurs  fds,  morts  sans 
postérité,  et  une  fille,  Agnès-Charlotte-Françoise  de  Bonne- 
chose  Mesnil-Germain ,  mariée  à  Guillaume-Louis- Félix  de 
Bonnechose,  sieur  de  Malouy.  Le  manoir  de  Mesnil-Germain, 
construction  du  XVIIIe  siècle  dépourvue  de  caractère  et 
d'intérêt,  est  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  Demély. 

La  famille  de  Bonnechose  a  possédé  aussi  dans  la  paroisse 
de  Mesnil-Germain ,  le  manoir  de  Hamars.  Gabriel  de 
Bonnechose,  sieur  de  Hamars,  vivait  sous  le  règne  de  Louis 
XIII.  Dans  la  recherche  de  1666,  François  de  Bonnechose 
fil  preuve  d'ancienne  noblesse  à  Mesnil-Germain ,  de  même 
que  Gilles  Corday,  sieur  du  lieu. 

AUQUA  IN  VILLE. 

Auquainville ,  Aucainvilla,  Auquevilla,  Aucainville. 

Cette  commune  a  été  explorée  par  M.  Ch.  Vasseur. 

L'église  d'Auquainville  est  située  à  mi-côte,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Touque.  Son  chevet,  environné  d'arbres,  se 
présente  dans  la  vallée  d'une  manière  assez  pittoresque. 

La  nef  remonte  à  l'époque  romane. 

On  peut  constater,  du  côté  du  nord,  des  traces  de  l'appareil 
en  feuilles  de  fougère  ;  le  reste  des  murs  est  crépi ,  et  il  ne 
subsiste  aucune  ouverture  ancienne. 

Au  sud  ,  on  trouve  quatre  fenêtres  cintrées  de  la  Renais- 
sance. Deux  fenêtres  modernes  sont  percées  dans  le  mur 
du  nord.  Le  portail  est  moderne. 

Le  chœur,  plus  large  que  la  nef,  contrairement  à  l'usage, 
appartient  tout  enlier  au  XV  ou  au  XVIe  siècle. 

Le  chevet  est  pentagonal ,  avec  contreforts  sur  les  angles. 
Toutes  les  fenêtres  sont  ogivales  avec  un  meneau  ;  les  pierres 
de  grand  appareil,  qui  forment  le  parement  des  murs, 
portent,  en  grand  nombre,  des  marques  de  tâcherons. 


702         STATISTIQUE  MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Le  clocher ,  en  charpente ,  recouvert  d'ardoise ,  n'offre 
aucune  particularité. 

L'intérieur  a  été  assez  mal  traité ,  sous  prétexte  d'em- 
bellissements. 

Les  charpentes  apparentes  de  la  voûte  en  merrain  de  la 
nef  ont  été  coupées  ,  et  la  voûte  du  chœur  est  enfouie  sous 
un  épais  plâtras.  Il  n'y  a  point  d'arc  triomphal.  Les  sablières 
moulurées  de  la  corniche  ont  disparu  sous  des  planches  de 
sapin  tout  unies ,  qu'on  a  peintes  en  faux  marbre. 

Les  trois  autels  datent  du  règne  de  Louis  XIV. 

Le  maître-autel  a  peut-être  été  modifié,  car  il  n'a  plus  de 
colonnes.  Un  entablement  semi-circulaire  protège  le  cadre  à 
feuilles  de  chêne ,  qu'accompagnent  des  paquets  de  fleurs. 

Le  tabernacle  est  hexagonal ,  avec  colonnettes  torses  sur  les 
angles  et  statuettes  dans  l'entrecolonnement  :  le  Sauveur,  saint 
Pierre  et  saint  Paul.  Il  est  surmonté  d'un  dôme,  terminé  par 
une  petite  croix  fuselée. 

Le  tombeau  est  garni  d'un  parement  en  cuir  gaufré  riche- 
ment doré  et  peint. 

Deux  statues  accompagnent  cet  autel:  saint  Mathurin, 
et  un  diacre  qui  pourrait  peut-être  remonter  jusqu'au 
moyen-âge. 

Les  deux  petits  autels  sont  semblables  entre  eux.  Deux 
colonnes  torses  portent  un  entablement  trapézoïdal  avec  un 
vase  pour  amortissement.  Tombeau  droit,  dont  les  angles  sont 
ornés  de  têtes  de  chérubins  et  de  caryatides  avec  des  paquets 
de  fleurs. 

Dans  une  fenêtre  du  chœur  subsistent  quelques  fragments 
de  vitraux  fort  en  désordre ,  au  milieu  desquels  paraît  un 
blason  de  gueules  à  ta  bande  d'argent  accompagnée  de  6 
merlettes  de  même,  mises  en  orle ;  à  la  crosse  d'or  brochant 
sur  le  tout.  Je  ne  connais  pas  d'évêque  de  Lisieux  auquel 
puissent  convenir  ces  armoiries. 


CANTON    DE   LTVAROT.  703 

Le  patronage  était  laïque. 

L'église,  sous  l'invocation  de  Notre-Dame,  dépendait  du 
doyenné  de  Livarot. 

Bien  que  de  ce  siècle  seulement ,  l'inscription  de  la  cloche 
offre  un  certain  intérêt.  On  y  lit  : 

f  LAN  1803  OU  LAN  ONZE  DE  LA  REPUBLIQUE  IAI  ETE  BENIE  PAR 
Mr  LOUIS  IOSEPH  FLEURIEL  PRETRE  DESSERVANT  NOMMÉE  MARIE  PAR 
MT    CESAUD    AUGUSTIN    CHASTAN    DE    LA    FAIETTE    PRÊTRE     CI     DEVANT    DOYEN 

de  l'église  de  lisieux  et  par  Bme  marie  an  ne  leras  de  frêne  veuve 

DE    f    IEAN    B,e    SERGIIS    CHASTAN    DE   LA    FAIETTE    LES    S"    PIERRE    MATHIEN 
MAIRE    ET    PIERRE    BREAVOINE    ADIOINT. 

IEAN  CONARD 
FECIT. 

Tout  près  de  l'église  ,  au  sud-ouest ,  c'est-à-dire  un  peu 
plus  haut  sur  le  coteau  ,  se  trouve  une  grande  motte 
féodale. 

Un  aveu  de  la  baronniede  Ferrières,  de  160fr,  nous  apprend 
que  «  le  manoir  sieurial  et  place  et  chasteau  d'icelle  terre 
d'Auquainville  est  de  présent  en  ruine  ,  advenuz  par  les  an- 
ciennes guerres ,  comme  dict  est  »... 

Maintenant  il  n'existe  plus  un  seul  pan  de  mur  ;  les  sub- 
structionsont  été  même  enlevées,  il  y  a  quelques  années. 

Suivant  l'aveu  déjà  cité,  il  y  avait,  à  Auquainville,  marché 
le  samedi,  et  foire  la  veille  de  la  Chandeleur. 

Comprise  dans  l'élection  de  Lisieux ,  sergenterie  d'Orbec , 
la  paroisse  d'Auquainville  possédait,  au  milieu  du  dernier 
siècle,  une  population  de  525  habitants  (  105  feux)  ;  elle  est 
aujourd'hui  réduite  à  371. 

Caudemonne.  —A  l'ouest  de  l'église,  au  sommet  de  l'un 
des  coteaux  qui  suivent  les  sinuosités  de  la  rive  gauche  de  la 
Touque ,  on  aperçoit  les  futaies  qui  entourent  le  manoir  de 


706  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Caudemonne.  Adossé  aux  bois,  accompagné,  à  droite,  et  à 
gauche,  de  belles  avenues  d'ormes  taillés  laissant  devant  la 
façade  une  grande  pelouse ,  dont  le  centre  est  occupé  par 
un  bel  étang  d'eaux  vives ,  ce  manoir  est  dans  une  des  plus 
belles  situations  qu'on  puisse  voir. 

Les  constructions  ne  présentent  pas  tout  l'intérêt  auquel  on 
pourrait  s'attendre. 

La  façade  accuse  des  remaniements  qui  appartiennent  à 
trois  époques  différentes  et  font  soupçonner  des  déplacements, 
si  faciles,  du  reste,  avec  les  maisons  bâties  en  bois.  Ainsi  la 
moitié  au  moins  du  manoir  est  construite  sans  encorbelle- 
ments,  et  ne  peut  guère  remonter  au-delà  du   règne   de 
Louis  XIII.  Le  reste,  par  ses  encorbellements,  ses  sculptures 
et   ses   caractères   bien   accusés ,  appartient  évidemment  au 
XVIe  siècle;  mais  certaines  pièces,  hors  de  place,  font  voir 
que  la  charpente  a  été  démontée  et  remontée  à  une  époque 
où  l'on  ne  comprenait  plus  le  système  des  charpentiers  du 
moyen-âge.   Des  tuiles ,  disposées  de  manière  à  former  des 
dessins  géométriques,  remplissent  les  entre-colombages.  Il 
subsiste  au  rez-de-chaussée  une  porte  en  accolade  avec  feuilles 
frisées  et  potelets  imbriqués,  surmontés  de  pinacles  qui  vont 
se  perdre  sous  l'encorbellement.  Tous  les  poteaux  corniers  et 
les  poteaux  d'huisserie  sont  également  sculptés  de  potelets 
avec  blasons ,  malheureusement  bûches.  Toutes  les  fenêtres 
sont  modernes.  A  l'étage  supérieur ,  les  sculptures  sont  plus 
rares  ;  on  y  voit  quelques  potelets  qui  recevaient  l'appui  des 
fenêtres  primitives ,  et  un  bout  de  filière  garni  d'oves. 

L'intérieur  offrait  une  pièce  garnie  de  tapisseries ,  et  une 
belle  bibliothèque  ,  vendue  il  y  a  un  an. 

Le  colombier,  octogone,  à  toit  conique,  surmonté  d'un 
petit  clocheton  recouvert  d'essente,  ne  porte  pas  de  sculptures. 
Il  date  aussi  du  XVIe  siècle.  Cette  résidence  appartenait  au 
commencement  de  ce  siècle,  à  M.  Chastant  de  La  Fayette, 


CANTON   DE   LIVAROT.  705 

dernier  haut-doyen  de  la  cathédrale  de  Lisieux.  Elle  est 
passée  ensuite  à  M.  de  Sapandré ,  dont  Tune  des  filles  l'a 
portée  en  mariage  à  M.  le  comte  de  Pardieu. 

Cette  commune,  à  laquelle  celle  de  St-Aubin-sur-Auquain- 
ville  a  été  réunie  le  U  décembre  1831  ,  faisait  anciennement 
partie  de  l'élection  de  Lisieux  et  de  la  vicomte  d'Orbec, 
comme  toutes  les  autres  communes  du  canton  de  Livarot, 
situées  dans  le  bassin  de  la  Touque. 

Auquainville  était  autrefois  le  siège  d'une  baronnie  et 
haute-justice  :  il  s'y  trouvait  un  chàteau-fort  qui  paraît  avoir 
été  détruit  dans  les  guerres  des  Anglais.  Cette  Vieille  forteresse, 
dont  on  peut  encore  reconnaître  l'emplacement  immédiate- 
ment au-dessus  de  l'église  paroissiale,  avait,  jusqu'à  ces 
derniers  temps,  conservé  des  restes  de  murailles,  assez  im- 
portants. On  a  malheureusement  voulu  extraire,  il  y  a  peu 
d'années,  les  matériaux  que  renfermaient  ces  ruines  et  il 
n'en  est  plus  resté  qu'un  monticule  informe.  La  baronnie 
d'Auquainville  était  mouvante  de  celle  de  Ferrières  :  l'histoire 
de  ses  premiers  seigneurs  est  peu  connue  ;  les  grands  rôles 
de  Normandie  mentionnent  Robert  d'Aucainville,  en  l'an 
1195  :  on  peut  douter  cependant  qu'il  fût  seigneur  de  ce  lieu, 
car  Hugues  de  Brucourt  possédait  cette  terre  à  l'époque  de 
la  conquête  du  duché  par  Philippe-Auguste.  Auquainville 
fut  réuni  postérieurement  à  la  baronnie  de  Ferrières,  dont 
les  divers  seigneurs  le  conservèrent  jusque  dans  le  siècle 
dernier  :  cette  baronnie  en  fut  alors  démembrée  par  la  vente 
que  le  duc  de  Broglie,  seigneur  de  Ferrières,  en  fit  au  marquis 
Bonnelles,  déjà  seigneur  de  Fervaques,  fief  qui  relevait 
féodalement  de  celui  d'Auquainville.  Les  terres  dépendantes 
de  cette  dernière  seigneurie  ont  été  vendues  en  détail,  au 
commencement  de  ce  siècle.  Suivant  des  traditions  populaires, 
pn  souterrain  creusé  sous  la  vallée  mettait  le  vieux  château 
d'Auquainville  en  communication  avec  celui   de  Fervaques. 

65 


706  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

La  paroisse  d'Auquain  ville  renfermait  encore  plusieurs 
fiefs  nobles.  Celui  de  Caudemonne  a  conservé  un  ancien 
manoir  en  bois,  dont  une  partie  peut  dater  de  la  fin  du  XVe 
siècle,  et  qui,  par  le  relief  des  moulures  qui  en  décorent  les 
sablières,  par  les  restes  des  sculptures  et  des  écussons  qui  L'ont 
autrefois  orné ,  offre  le  caractère  intéressant  et  pittoresque 
des  constructions  de  cette  époque.  Le  reste  de  l'édifice, 
ajouté  postérieurement ,  ne  mérite  aucune  attention.  Le  fief 
de  Caudemonne  a  appartenu  à  Raoul  Anfrey,  que  le  roi 
Charles  VII  anoblit  en  165&,  pour  les  services  qu'il  avait 
rendus  en  contribuant  à  expulser  les  Anglais  de  Normandie. 
Sa  postérité  conserva  cette  terre  pendant  un  siècle  environ  ; 
mais  alors  ce  fief  passa  entre  les  mains  de  Jean  de  Bonne- 
chose,  seigneur  d'Hieu ville,  du  Breuil  et  de  St-Martin.  Sa 
petite-fille,  Madeleine  de  Bonnechose,  porta  la  terre  de 
Caudemonne  à  David  de  Bernières ,  sieur  de  Percy ,  qu'elle 
épousa  en  1573  :  elle  fut  l'aïeule  d'Anne  de  Bernières,  sieur 
de  Caudemonne ,  qui  fit  preuve  d'ancienne  noblesse  en  la 
paroisse  d'Auquainville,  en  1666.  Peu  d'années  après,  la 
terre  de  Caudemonne  était  vendue  à  Jean -Baptiste  Le  Bas  , 
sieur  du  Coudray ,  conseiller  en  la  Chambre  des  comptes  de 
Normandie  :  elle  a  appartenu  à  Jean-Baptiste-Remi  Le  Bas 
de  Fresnes ,  conseiller  au  Parlement ,  chanoine  et  haut-doyen 
de  Lisieux,  mort  en  1773,  puis  à  sa  sœur  Marie- Anne  Le 
Bas  de  Fresnes ,  mariée  à  Jean-Baptiste-Sergius  Chastan  de 
La  Fayette  ;  la  fille  de  ce  dernier  l'a  portée  à  la  famille  de  la 
Rouvraye  de  Sapandré ,  qui  la  possède  aujourd'hui. 

Beaucoup  plus  près,  et  au  nord  de  l'église  paroissiale  d'Au- 
quainville ,  se  trouvait  le  manoir  de  la  Boulaye ,  dont  il  ne 
reste  plus  de  vestige.  La  terre  de  la  Boulaye  a  donné  son 
nom  à  une  branche  de  la  famille  de  Bonnechose ,  dont  l'au- 
teur, François  de  Bonnechose ,  sieur  de  la  Boulaye,  était  un 
des  six  fils  de  Jean  de  Bonnechose ,  sieur  de  Hieuville  et  de 


CANTON   DE  LIVAROT.  707 

Caudemonne ,  sous  le  règne  de  François  Ier.  Ses  descendants 
ont  habité  le  manoir  de  la  Boulaye,  jusqu'à  la  fin  du  siècle 
dernier.  Guy  de  Bonnechose ,  sieur  de  la  Boulaye ,  fit  preuve 
d'ancienne  noblesse,  en  la  paroisse  d'Auquainville,  l'an  1666, 
de  même  que  Nicolas  de  Bonnechose ,  sieur  de  la  Fleurielle  ; 
Thomas  de  Bonnechose ,  sieur  de  Bonneville ,  et  Thomas  de 
Bonnechose,  sieur  de  Vaudecourt. 

Le  fief  voisin  de  Lortier,  mouvant  de  la  seigneurie  de 
Courson,  était,  vers  le  milieu  du  XVe  siècle,  divisé  par 
suite  d'un  ancien  partage  entre  Jean  Amiot  et  Jean  Cuillier. 
La  famille  Cuillier,  ayant  réuni  entre  ses  mains  les  deux 
portions,  posséda  intégralement  cette  terre  jusque  dans  les 
premières  années  du  règne  de  Louis  XIII ,  qu'elle  aliéna  le 
manoir  et  le  domaine,  en  faveur  de  Pierre  Le  Bas  du  Cou- 
dray  et ,  peu  après ,  le  fief  et  les  droits  seigneuriaux  en 
faveur  de  Jacques  de  Bernières,  sieur  de  Percy  ,  dont  les 
héritiers  le  revendirent ,  un  peu  plus  tard,  à  Rémi  Le  Bas  , 
sieur  de  Fresnes ,  conseiller  à  la  Chambre  des  comptes  de 
Normandie,  déjà  possesseur  de  la  terre;  la  fille  de  ce 
dernier ,  Marie-Catherine-Geneviève  Le  Bas  de  Fresnes ,  en 
ayant  hérité  en  1773,  par  la  mort  de  son  frère,  apporta 
Lortier  à  Louis-Fraijçois-Alexandre-Léopold  de  Bernières, 
qu'elle  avait  épousé  en  1751  ;  elle  fut  l'aïeule  de  Françoise- 
Charlotte-Henriette  de  Bernières ,  mariée  à  Charles-Etienne 
de  La  Rouvraye,  et  mère  des  demoiselles  de  La  Rouvraye,  qui 
en  sont  aujourd'hui  propriétaires.  Le  manoir  de  Lortier, 
restauré  avec  goût ,  est  une  construction  ancienne,  mais  dont 
l'extérieur  a  peu  de  caractère. 

Le  manoir  de  la  Pommeraye,  situé  à  l'extrémité  de  la 
commune,  du  côté  de  St-Germain-de-Livet,  a,  comme  le 
précédent ,  appartenu  ,  pendant  le  XVII*  et  le  XVIIIe  siècle , 
à  la  famille  Le  Bas  du  Coudray.  Il  n'offre  qu'un  intérêt 
médiocre. 


708  STATISTIQUE    MONUMENTAtE    DU    CALVADOS. 

La  Recherche  de  la  noblesse,  faite  en  1540  par  les  élus 
de  Lisieux ,  mentionne,  comme  demeurant  en  la  paroisse 
d'Auquainville,  Philippin  de  La  Mondière,  sieur  du  Val- 
Combert.  Nous  ignorons  le  lieu  où  il  avait  son  manoir, 

SAIXT-AUBIN-D'AUQUAISVILLG  (1).  , 

St-Aubin-d'Auquainvilie,  Sanctus  Albinus  super  Auquain- 
ville. 

Petite  paroisse  d'une  quarantaine  d'habitants,  St- Aubin 
n'a  pas  conservé  son  autonomie  :  elle  a  été  réunie  à  Au- 
qua  inville. 

On  y  trouve  un  manoir  du  XVIe  siècle ,  n'offrant  de  re- 
marquable qu'un  grand  nombre  de  pavés  émaillés  de  la 
même  époque;  manoir  que  menace  une  prochaine  destruc- 
tion ,  et  une  petite  église,  qui  doit  sa  conservation  au  choix 
qu'en  avait  fait  M.  le  marquis  de  Custine ,  comme  chapelle 
funéraire  pour  sa  famille. 

Tous  les  membres  caractéristiques  de  l'architecture  ac- 
cusent le  XVIe  siècle.  La  plupart  des  ouvertures  ont  été 
repercées  sous  le  règne  de  Louis  XV. 

Un  petit  clocher  en  charpente ,  assez  obtus ,  est  assis  sur 
le  pignon  occidental. 

Les  trois  autels  sont  en  chêne  et  peuvent  dater  du  règne 
de  Louis  XV.  La  chaire,  de  même  style,  est  assez  élégante. 

Au  milieu  du  chœur,  sur  deux  tables  de  marbre,  on  lit 
les  inscriptions  suivantes  : 

ICI    REPOSE 
DAME    LOUISE    DELPHINE    ELEONORE    MELANIE    DE  SABRAI* 

VEUVE    DE    MONSIEUR 
AMAND    PHILIPPE    LOUIS    FRANÇOIS   MARQUIS    DE    CUSTINE 

(1)  iNoies  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON    D£   LIVAROT.  709 

NÉE    A    PARIS    LE    18    MARS    1770 

DECEDEE    A    BEX    EN    SUISSE 

LE    13    JUILLET    1826. 

ICI    REPOSENT 

DAME    AIMÉE    LF.ONTINE    DE    S.    SIMON    DE    COURTOMEK 

M^E    LU     12    FEVRIER    1803 

MARIÉE    LE    15    MAI     1821    A 

ASTOLPHE    LOUIS    LEONOlt    MARQUIS    DE    CLSTINE 

ET 

LOLIS    PHILIPPE    ENCUKRRYND    DE    GUST1NE    LEUR    FILS    UNIQUE 

NÉ    LE    19   JUI\    1822 

DÉCÉDÉ    LK    2     JANVIER    1826. 

M.  de  Custine,  dont  les  ouvrages  littéraires  sont  connus 
de  tous  ceux  qui  lisent ,  est  décédé  en  octobre  1857  ,  à  son 
château  de  St-Gratien  ,  prèsd'Engliien.  Je  ne  crois  pas  qu'on 
ait  réalisé  le  projet  qu'il  avait  formé  de  partager  la  sépulture 
du  reste  de  sa  famille. 

La  cloche  de  St-Aubin  est  déjà  ancienne  ;  l'inscription  est 
ainsi  conçue  : 

f  LAN  1739  GVILLAVME  PIERRE  MILLECENT  DE  LA  BEVVIN.MÈRE  CVRE 
DVDIT  LIEV  f  HAVT  ET  PV1SSANT  SEIGNEVR  MESSIRE  AVGVSTE  LEON  DE 
HVLION  CHEVALIER  M'.RQVIS  DE  BONNELLES,  ShIGNEVR  ET  PATRON  DE  Sl- 
AVBIN    ET    AVTRES    LIEVX.    JACQVtS    LEMIÈKE    TRESORIER    EN    CHARGE. 

C'est  seulement  au  X\'IIlr  siècle  que  les  pouillés  attribuent 
le  patronage  de  St-Aubin  au  seigneur  laïque  :  auparavant ,  il 
appartenait  au  chapitre  de  Lisieux.  Je  suis  porté  à  voir  là 
une  confusion  entre  St-Aubin  et  Notre-Dame  d'Auquainville. 
l'un  et  l'autre  du  doyenné  de  Livarot.  St-Aubin  faisait  partie, 
pour  le  civil  ,  de  l'élection  de  Lisieux,  sergenterie  d'Orbec. 

Cette  ancienne  paroisse,  de  l'élection  de  Lisieux,  était  fort 
peu  peuplée.  En  1720  on  n'y  comptait  que  9  feux.  Elle 
paraît  avoir  donné  son  nom  à  une  famille  de  St-Aubin  ,  qui 


710         STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU  CALVADOS. 

a  existé  dans  les  environs,  jusqu'au  XVIe  siècle.  A  cette 
époque,  les  seigneurs  de  cette  paroisse  étaient  les  de  Belleau, 
possesseurs  du  fief  de  ce  nom ,  à  Notre-Dame-de-Courson. 
La  seigneurie  de  St-Aubin,  acquise  depuis  par  les  seigneurs 
de  Fervaques,  est  restée  réunie  à  cette  dernière  terre  jus- 
qu'à l'époque  de  son  démembrement.  L'ancienne  église  pa- 
roissiale est  devenue  la  sépulture  de  la  famille  de  Custine. 

Gabriel  de  La  Haye,  sieur  de  Coulonces,  fit  en  1666, 
preuve  d'ancienne  noblesse ,  en  la  paroisse  de  St-Aubin- 
d'Auquainville.  Il  demeurait  au  manoir  de  Villaunay,  devenu, 
au  commencement  du  siècle  suivant ,  la  propriété  de  Jean - 
Louis  Rioult,  sieur  de  Marencourt  ,  père  d'Isaïe-Louis 
Rioult ,  sieur  de  Villaunay  et  d'Avenay,  aïeul,  lui-même,  de 
Mme  de  Caumont  et  de  Mnie  du  Moncel ,  née  de  Magneville. 
Cette  terre  appartient  aujourd'hui  à  M.  le  comte  du  Moncel, 
connu  par  d'importants  travaux  scientifiques. 

FERVAQUES. 

Fervaques ,  Favanchiœ  ,  Farvachiœ ,  Favarchiœ ,  Far- 
vaques. 

Cette  commune  ,  de  l'élection  de  Lisieux  ,  sergenterie 
d'Orbec,  renfermait  autrefois  250  feux  ou  environ  1,300 
âmes.  On  n'en  compte  plus  que  787  à  l'heure  qu'il  est. 

Le  bourg  de  Fervaques  a  toujours  été  important  ;  il  est 
bien  situé,  dans  la  vallée,  sur  les  bords  de  la  rivière  de 
Touque. 

L'église  n'offre  aucun  intérêt  ;  les  murs  sont  sans  carac- 
tères et  toutes  les  ouvertures  sont  modernes;  mais  la  tour, 
placée  au  midi,  entre  chœur  et  nef,  mérite  l'attention.  C'est 
une  massive  construction  carrée,  de  hauteur  médiocre,  flan- 
quée ,  sur  chaque  face ,  de  deux  contreforts  peu  saillants. 
Elle  est  parementée   en  grison  bien    taillé  de   moyen   ap- 


CANTON    DE    LIVAROT.  711 

pareil;  elle  appartient  au  style  roman.  Les  ouvertures  sont 
placées  au  midi ,  et  une  seule  est  primitive  :  c'est  une  petite 
fenêtre  cintrée ,  étroite ,  portant  pour  toute  moulure  un 
biseau  sur  l'angle. 

Sur  ce  massif  s'élève  le  beffroi ,  revêtu  d'ardoise ,  cou- 
ronné par  une  flèche  peu  gracieuse  qui  paraît  dater  de 
la  fin  du  XVIe  siècle. 

L'intérieur  ne  mérite  pas  plus  l'attention  que  l'extérieur. 
Les  voûtes  de  merrain  ont  été  plâtrées,  et  les  charpentes 
apparentes  coupées  au  risque  de  faire  écrouler  l'édifice. 

Les  trois  autels,  à  colonnes  torses,  datent  du  règne  de 
Louis  XIV.  Des  autels  de  ce  genre  ont  été  décrits  dans  la 
Statistique ,  et  on  a  pu  se  rendre  compte  du  bon  effet  qu'ils 
produisent  avec  leurs  reliefs  accentués  et  leurs  dorures.  Cer- 
tainement ils  valent  mieux  ,  dit  avec  raison  M.  Ch.  Vasseur , 
que  le  pseudo-gothique  que  certains  curés,  ignorants  en  fait 
d'art,  font  confectionner  pour  les  remplacer.  Sur  l'autel  du 
midi  est  placée  une  petite  châsse  contenant  des  reliques  de 
saint  Just.  On  invoque  ce  saint  enfant  pour  développer  les 
forces  des  enfants  chétifs  et  pour  conserver  l'activité  des 
jambes  aux  vieillards.  Il  en  résulte,  à  Fervaques ,  un  con- 
cours énorme  de  pèlerins  pendant  tout  le  mois  de  mai. 

L'inscription  de  la  cloche  est  intéressante  : 

f  LAX  1785  JAY  ETE  BENIE  PAR  Mc  LE  VAVASSEUR  CUKÉ  DE  S*  AUBIN 
ET  NOMMÉS  HORTENCE  PAIS  TRES  HAUT  ET  TRES  PLISSANT  SEIGr  MONSBIG* 
GUY  ANDRE  PIERRE  DUC  DE  LAVAL  SEIGr  PATRON  DE  FARVACQUE  ET  AUTRES 
LIEUX  ET  PAR  TRES  HAUTE  ET  TRES  PUISS,e  D*  MADe  JACQUELINE  HORTENCE 
DE  BULIO.N  DE  FARVACQUE  DUCHESSE  DE  LAVAL  De  BARONNE  DAUQUAINVILLE 
ET  AUTRES  LIEUX.  —  M"  Pre  PILON  TRESORIER  N"  PAIN  ET  ETC  LE  BOUR- 
GEOIS   DÉPUTÉS   EN    1782    Me    C*   GIOT    SINDIC. 

IEAN    CHARLES    CAVILL1ER. 

Sur  les  flancs  sont  les  blasons  accolés  de  Montmorency  - 
Laval  et  de  Bullion. 


712  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

L'église  de  Fervaques  est  sous  l'invocation  de  saint  Ger- 
main. Elle  dépendait  du  doyenné  de  Livarot.  Les  pouillés 
indiquent  comme  patrons  :  au  XIVe  siècle ,  l'évêque  de 
Lisieux;  au  XVIe,  le  chapitre;  au  XVIIIe,  le  seigneur 
laïque. 

Château.  —  M.  Ch.  Vasseur  décrit  ainsi  qu'il  suit  le  châ- 
teau de  Fervaques.  Ce  château,  dit-il,  se  composait  encore,  au 
commencement  du  siècle,  d'une  masse  de  constructions  impo- 
santes ,  assez  irrégulièrement  disposées,  avec  cours  et  basses- 
cours;  le  tout  entouré  de  fossés  remplis  d'eau  courante,  et 
longé  par  la  Touque.   Après  en  être  devenu  propriétaire , 
M.   le  marquis  de  Porte  a  fait  démolir  plusieurs  corps-de- 
logis  ,  et  il  ne  reste  plus  que  deux  des  côtés  de  l'enceinte. 
On  entre  par  l'ancienne  tête  de  pont ,  heureusement  con- 
servée. C'est  un  gros  pavillon  carré,   construit   en  briques 
avec  chaînes  de  pierres,  tel  que  nous  en  avons  déjà  rencontré 
à  Bouttemont,  à  Ouillie-la-Ribaude  et  ailleurs.  La  porte,  à 
arc  surbaissé,  est  accompagnée  d'une  étroite  poterne  à  la- 
quelle  correspond  ,   du   côte   opposé ,    une  niche   cintrée. 
L'étage   supérieur   n'offre ,    en   fait  d'ouvertures ,    que  les 
rayères  par  lesquelles  passaient  les  chaînes  du  pont-levis.  La 
corniche  à  corbeaux  saillants,  avec  mâchicoulis,  reçoit  un 
comble  rapide  en  ardoise  ,  ajouré  d'une  belle  lucarne.   La 
face  intérieure  présente  à  peu   près  la  même  ordonnance  : 
seulement ,  en  regard  de  la  poterne  ,  on  trouve  une  petite 
porte,  laquelle  donne  accès  à  l'escalier  conduisant  au  corps- 
de-garde  du  premier  étage  qu'éclaire  une  petite  fenêtre.  On 
ne  distingue  sur  les  murs  latéraux  aucune  amorce  qui  puisse 
donner  des  indications  sur  la  hauteur  et  la  disposition  des 
constructions  adjacentes,  actuellement  disparues.  On  pourrait 
faire  des  observations  curieuses  sur  la  disposition  intérieure  , 
au  point  de  vue  stratégique.  Avant  d'envisager  la  façade  du 


CANTON    DE    LIVAROT.  713 

château ,  arrêtons-nous;  à  gauche,  devant  une  tourelle  ronde 
qui  formait  l'angle  oriental  de  l'enceinte.  Elle  servait  de 
colombier;  mais  l'extérieur  avait  néanmoins  un  air  militaire. 
La  brique  et  la  pierre  s'y  mélangent,  comme  au  pavillon 
d'entrée,  et  l'un  et  l'autre  datent  évidemment  du  même 
temps.  Pour  transformer  en  orangerie  cette  tourelle ,  on  a 
effondré  toute  la  partie  qui  regarde  le  jardin. 

La  façade  du  château  consiste  en  une  longue  galerie 
flanquée  de  deux  pavillons  carrés.  On  y  accède  paru»  perron 
double ,  orné  de  quatre  lions,  La  galerie  centrale  n'a  qu'un 
rez-de-chaussée  élevé  sur  les  offices,  et  son  toit  d'ardoises  est 
rompu  par  des  lucarnes  de  maçonnerie.  Elle  est  construite 
tout  en  bossages  ou  têtes  de  diamants  entremêlées  de  briques 
rouges  qui  produisent  un  bon  effet.  La  corniche  à  modillons 
classiques  rappelle  la  Renaissance. 

Les  deux  gros  pavillons  carrés  sont  élevés  d'un  étage.  Ils 
ont,  du  côté  de  la  campagne,  un  aspect  assez  élancé  à  cause 
du  fossé  encore  subsistant  qui  dégage  les  bases.  Les  fenêtres 
sont  hautes  et  étroites ,  quelques-unes  pourtant  ont  été  élar- 
gies postérieurement.  Deux  corps-de-logis  en  équerre,  faisant 
ailes  en  avant  de  la  façade ,  s'appuient  sur  les  deux  pavillons 
dont  ils  sont  contemporains.  J'attribue  aux  dernières  années 
du  XVIe  siècle  toutes  les  constructions  que  je  viens  de  dé- 
crire. Entre  l'aile  de  l'est  et  le  pavillon  d'entrée  s'élève  un 
corps-de-logis  d'un  style  plus  ancien  ayant  encore  tous  les 
caractères  de  la  période  ogivale.  Les  deux  extrémités,  légère- 
ment en  saillie ,  sont  tout  en  pierre  de  taille.  Des  fenêtres  à 
croix,  à  double  accolade  au  linteau,  garnies  d'une  grille 
anneléeen  fer  rond,  au  rez-de-chaussée,  éclairent  l'intérieur. 
Ces  deux  corps  avancés  sont  couronnés  par  des  gables  dont  les 
rampants,  garnis  de  feuilles  frisées,  se  terminent  par  des 
panaches  (V.  p.  suivante). 

Entre  deux,   le  corps-dc-Iogis  est  bâti  en  pierre  de  taille, 


74 k  STATISTIQUE   MONUMENTALE.  DU    CALVADOS. 

avec  briques  disposées  en  chaînes  horizontales,  comme  à 
St-Hippolyte-du-bout-des-Prés ,  disposition  qui  rappelle  la 
manière  de  bâtir  des  Romains.  Les  ouvertures  consistent , 
au  rez-de-chaussée,  en  une  petite  fenêtre  en  accolade,  garnie 
d'une  grille  annelée,  et  en  une  porte,  aussi  en  accolade, 
avec  feuilles  frisées,  panaches  et  pinacles  sur  les  pieds-droits. 
La  retombée  porte  sur  deux  petits  contreforts.  Sous  l'acco- 


PARTIE  ANCIENNE  DU  CHATEAU  DE  FERVAQUES. 


lade  est  la  trace  d'un  blason  bûché  qu'on  a  cherché  à  ré- 
tablir, en  y  peignant  les  armes  de  Guillaume  de  Hautemer 
maréchal  de  France.  Cette  porte  est  défendue  par  un  mou- 


CANTON   DE   LIVAROT.  715 

charabys.  Le  derrière  de  ce  bâtiment ,  vers  la  rivière  ,  offre 
deux  ailes  en  saillie,  qui  probablement  rejoignaient  primi- 
tivement un  autre  corps-de-logis  disparu  ou  une  courtine 
nécessaire  pour  clore  l'enceinte  de  ce  côté.  A.u  centre  s'élève 
une  tourelle  polygonale  à  toit  pyramidal  couveit  en  ardoise. 
L'appareil  est  le  même  que  sur  la  face  opposée. 

Il  est  de  tradition  que  le  roi  Henri  IV  séjourna  au  château 
de  Fervaques.  Est-ce  en  1 590 ,  pendant  qu'il  assiégeait 
Lisieux  ?  Est-ce  dans  le  voyage  qu'il  fit  en  Normandie ,  avec 
la  Reine ,  en  1603  ?  Je  ne  connais  pas  de  document  propre  à 
résoudre  la  question.  On  montre  encore,  dans  une  mansarde, 
le  lit  et  les  meubles  de  la  chambre  qu'il  dut  occuper;  mais 
on  peut  fort  bien  en  contester  l'authenticité.  Du  reste  ,  rien 
dans  l'intérieur  du  château  et  dans  son  ameublement  ne  re- 
monte à  une  époque  déterminée. 

M.  le  comte  de  Montgommery ,  membre  de  la  Société 
française  d'archéologie,  qui  possède  aujourd'hui  Fervaques  et 
qui  l'habite,  y  a  réuni  quelques  objets  d'art  et  des  antiquités. 

Fervaques  possède  encore  sa  halle  en  charpente ,  au  centre 
du  bourg:  c'est  une  preuve  de  son  ancienne  importance  que 
les  habitants  feront  bien  de  conserver. 

La  seigneurie  de  Fervaques,  dit  M.  de  Neuville,  n'était,  au 
moyen-âge ,  qu'un  simple  fief  relevant  de  la  baronnie  d'Au- 
quainville  ;  mais  ses  seigneurs  y  ayant  successivement  adjoint 
un  grand  nombre  de  domaines  et  de  fiefs  limitrophes,  elle 
était  devenue,  à  la  fin  du  siècle  dernier,  le  centre  d'une 
terre  des  plus  importantes. 

Les  premiers  seigneurs  de  Fervaques  que  l'on  connaisse 
appartenaient  à  la  famille  de  Brucourt  qui ,  aux  XIIe  et 
XIIIe  siècles ,  était  au  nombre  des  plus  considérables  de  la 
province.   Gislebert  de  Brucourt  donna  à  l'abbaye  du  Val- 


716  STATISTIQUE    MONUMEM  ALE    DU    CALVADOS. 

Richer  une  terre  située  à  Fervaques  avant   l'année    1155. 
Geoffroy  de  Brucourt,   chevalier,   seigneur  de   Fervaques, 
vendit  en  1260,  au  chapitre  de  Lisieux,  une  maison  située 
en  ce  lieu  par  une  charte  dont  l'original  scellé  est  conservé 
aux  archives  du  Calvados.   La  terre  de  Fervaques  passa ,  dès 
le  commencement  du  XVe  siècle,  dans  la  famille  de  Hau- 
temer,   peut-être  par  l'intermédiaire  de  la  famille  Bardou. 
Gérard  de  Hautemer ,  seigneur  du  Fournet,  du  Mesnil-ïison 
et  de  Manneviile ,  vivant  en  1M/j,  épousa  Jeanne  Bardou 
dont  il  eut  trois  fils  :  l'aîné  fut  Jean  de  Hautemer,  seigneur 
du  Fournet  et  de  Fervaques.  Ses  descendants ,  s'étant  alliés 
aux  maisons  d'Annebaut ,  de  Betheviîle  et  de  Montlandrin , 
tinrent  un   rang  honorable,   mais  non  marquant,  jusqu'au 
XVIe  siècle.  Une  plus  grande  fortune  entra  dans  la  famille 
de  Hautemer,  sous  François  Ier,  par  le  mariage  de  Jean  de 
Hautemer,  sieur  de  Fervaques,  la  Croupte  et  Bois-Droulin , 
avec  Anne  de  La  Baume- M onlrevel ,  dame  de  Grancey,  du 
chef  d'Anne  de  Ghâleauvilain,  sa  mère.  Dé  cette  union  naquit 
Guillaume  de  Hautemer,  célèbre  sous  le  nom  de  maréchal  de 
Fervaques.  Après  s'être  distingué  dans  les  guerres  du  règne 
de  Henri  II,  le  seigneur  de  Fervaques  se  fit  encore  plus  con- 
naître dans  les  guerres  de  religion  où  il  joua,  d'ailleurs,  le 
rôle  le  plus  odieux.  Sans  faire  profession  du  culte  calviniste , 
il  se  joignit  d'abord  au  parti  protestant  et  se  signala  par  des 
actes  d'audacieuse  rapine  et  de  révoltante  cruauté  :  il  figura 
au  premier  rang  dans  la  troupe  criminelle   qui  saccagea  la 
cathédrale  de|  Lisieux  en  1562,  et  des  traditions  populaires 
généralement  répandues,  mais  dont  il  n'est  plus  possible  de 
contrôler  l'exactitude  ,  l'accusent   de  s'être  livré   à   toutes 
sortes  de  forfaits.  Cependant,  par  son  adroite  politique  autant 
que  par  des  talents  militaires    incontestables  ,   il   parvint  à 
faire  oublier  ses  tristes  antécédents  et  à  obtenir  le  pardon  et 
même  la  faveur  de  la  cour.  Devenu  le  principal  conseiller  du 


CANTON    DE    LIVAROT.  717 

duc  d'Alençon,  frère  du  roi  Henri  III,  il  l'accompagna  apx 
Pays-Bas  où  l'avaient  appelé  les  Flamands  révoltés  contre  la 
domination  espagnole  ,  et  il  y  a  lieu  de  croire  que  la  rapacité 
et  la  violence  de  son  caractère  ne  contribuèrent  pas  peu  à 
aliéner  les  esprits  de  ces  peuples  de  l'alliance  française.  Fer- 
vaques  resta  fidèle  à  son  devoir  pendant  les  guerres  de  la 
Ligue  :  il  semble  que  la  maturité  ait  eu  une  action  favorable 
sur  son  caractère ,  et  ses  dernières  années  furent  exemptes 
des  fautes  déplorables  qui  avaient  souillé  sa  jeunesse.  Créé 
successivement  par  le  roi  Henri  IV  chevalier  du  St-Esprit, 
lieutenant-général  au  gouvernement  de  Normandie  et  ma- 
réchal de  France,  Guillaume  de  Hautemer  reçut  le  titre  de 
duc  de  Grancey  et  pair  de  France  de  la  faveur  de  la  reine- 
régente,  Marie  de  Médicis,  en  décembre  1611.  Mais  cette 
érection  de  duché-pairie  ne  fut  jamais  enregistrée,  le  nouveau 
titulaire  étant  mort  à  son  château  de  Fervaques  le  11  no- 
vembre 1613.  Il  laissait  trois  filles  de  son  premier  mariage 
avec  Renée  Lévêque  de  Marconnay  :  Louise  de  Hautemer , 
l'aînée,  eut  en  partage  les  terres  de  Fervaques  et  de  Plasnes. 
Elle  avait  épousé,  en  premières  noces,  Jacques  de  Hellen- 
villiers  ;  mais,  étant  devenue  veuve  au  bout  de  peu  de 
mois,  elle  convola  à  de  secondes  noces  avec  Aymar  de  Prie, 
marquis  de  Toucy,  en  1593.  Louis  de  Prie,  marquis  de 
Toucy,  l'un  de  ses  (ils,  fut  après  elle  seigneur  de  Fervaques, 
terre  qui  échut  ensuite  en  partagea  Charlotte  de  Prie,  sa 
fille.  Celle-ci  épousa,  en  1639,  Noël  de  Bullion,  sieur  de 
fionnclles,  d'une  famille  considérable  dans  la  finance  et  sur 
laquelle  cette  illustre  alliance  vint  jeter  un  nouveau  relief. 
Charlotte  de  Prie  mourut  en  1700  :  deux  de  ses  fils  portèrent 
le  litre  de  marquis  de  Fervaques.  L'un,  Alphonse  de  Bullion, 
fut  gouverneur  des  provinces  du  Maine  et  du  Perche  et 
mourut  sans  postérité  en  1698.  L'autre,  Charles-Denis  de 
Bullion  T  marquis  de  Galardoo  et  de  Fervaques,  prévôt  de 


718  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Paris  et  gouverneur  du  Maine  et  du  Perche,  épousa,  en 
1677,  Marie-Anne  Rouillé  de  Meslay,  qui  lui  donna  cinq  fils 
et  quatre  filles,  dont  une  fut  mariée  au  duc  d'Uzès  et  une 
autre  au  prince  de  Talmont.  La  terre  de  Fervaques  échut  à 
son  second  fils ,  Anne-Jacques  de  Bullion  ,  marquis  de  Fer- 
vaques, gouverneur  du  Maine  et  chevalier  du  Si-Esprit.  Ce 
dernier  épousa ,  en  1708,  Marie-Madeleine-Horlense  Gigault 
de  Bellefonds  et  en  eut  trois  filles  :  Marie-Anne-Étiennette  de 
Bullion,  l'aînée,  épousa  en  1734  Charles-Anne-Sigismond 
de  Montmorency  Luxembourg,  duc  d'Olonne;  la  seconde, 
Jacqueline-Horlense  de  Bullion ,  fut  mariée  à  Guy-André- 
Pierre,  duc  de  Montmorency  Laval  ;  et  la  troisième,  Auguste- 
Léonine-Olympe  Nicole  de  Bullion,  fut  la  femme  de  Paul- 
Louis,  duc  de  Beauvilliers.  Après  la  mort  du  dernier  marquis 
de  Fervaques ,  qui  avait  considérablement  augmenté  et  orné 
cette  terre ,  elle  échut  au  duc  de  Montmorency  Laval ,  et  le 
château  cessa  d'être  ordinairement  habité.  En  1803,.  les 
héritiers  du  duc  de  Laval  aliénèrent  la  terre  de  Fervaques  : 
le  château ,  avec  la  plus  grande  partie  des  domaines  qui  en 
dépendaient,  fut  acquis  par  Mélanie  de  Sabran,  veuve  du 
marquis  de  Custine,  une  des  victimes  de  1793.  Après  elle, 
Fervaques  fut  possédé  par  son  fils,  le  marquis  de  Custine , 
auteur  de  plusieurs  livres  de  littérature  et  de  voyages  :  ce 
dernier ,  ayant  perdu  sa  jeune  femme  et  son  fils  encore  au 
berceau  ,  abandonna  le  séjour  de  cette  terre  et  bientôt  après 
la  vendit  en  détail.  Le  château ,  avec  quelques  domaines 
voisins,  fut  acheté,  en  1831 ,  par  Mme  la  marquise  de  Portes 
et  appartient  aujourd'hui  à  Mme  Alfred  de  Montgommery ,  sa 
fille  (1). 

La  paroisse  de  Fervaques  renfermait  plusieurs  autres  fiefs. 
Celui  du  Verger  a  conservé  un  ancien  manoir  qu'un  barrage 

(4)  Notes  de  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville. 


CANTON   DE   LIVAROT.  719 

permettait  autrefois  d'entourer  d'eau  de  tous  côtés.  Ce  vieil 
édifice  est  connu  aussi  sous  le  nom  de  Maison-aux- Anglais , 
parce  que,  suivant  les  traditions  locales,  il  aurait  servi  de 
demeure  à  un  des  envahisseurs  de  la  province,  au  XVe  siècle. 
Si  cette  tradition  a  quelque  fondement  réel,  elle  ne  peut 
s'appliquer  au  manoir  tel  qu'il  existe  actuellement.  La  plus 
grande  partie,  construite  en  bois,  annonce  par  l'absence  des 
saillies ,  le  faible  volume  des  pièces  de  charpente  et  le  carac- 
tère des  sculptures  qui  les  couvrent,  une  époque  qui  ne  peut 
remonter  au-delà  du  XVIe  siècle.  La  partie  de  la  construction 
qui  forme  l'angle  occidental,  bâtie  en  pierre  de  marne  et 
offrant  une  fenêtre  avec  croisée  de  pierre ,  pourrait  être  un 
peu  plus  ancienne,  ainsi  que  les  cheminées  de  quelques-unes 
des  chambres.  Sur  les  bois  qui  surmontent  la  porte  se  trouve 
sculpté  un  écusson  qui  paraît  être  celui  de  la  famille  Anfrey , 
chargé  pourtant  d'une  bande  qui  a  pu  servir  à  distinguer  une 
branche  cadette.   Raoul  Anfrey  était  seigneur  du  Verger  et 
de  Caudemonne  vers  1&60.  Un  siècle  après,  ce  fief  appar- 
tenait à  la  famille  de  Louvières.   Réuni  postérieurement  à  la 
terre  de  Fervaques ,  le  Verger  a  été  vendu  par  M.  le  marquis 
de  Custine  à  M.  le  comte  de  Neuville,  il  y  a  une  trentaine 
d'années ,  de  même  que  les  bois  de  Fervaques  et  la  terre  de 
la  Maignerie.  Ce  dernier  fief,  donné  à  l'abbaye  du  Val-Richer 
par   Gislebert  de  Brucourt  avant  l'an  1155,  fut  cédé  par 
elle,  en  1579,  a  Guillaume  de  Hautemer,  seigneur  de  Fer- 
vaques ,  en  échange  d'une  terre  située  à  Fourches. 

Le  fief  des  Castelets  ,  qui  se  trouve  à  l'extrémité  du  terri- 
toire de  Fervaques,  du  côté  de  Cermiy,  était  possédé,  en 
H69,  par  Jean  du  Vieu,  aussi  seigneur  de  la  Cauvinière. 
Aux  XVIe  et  XVIIe  siècles,  la  famille  de  Pommolain  en  eut 
la  propriété.  François  de  Pommolain,  sieur  des  Castelets, 
comparut  devant  M.  de  Marie  dans  la  Recherche  de  la  no- 
blesse de  1 666. 


720  STATfSTJOOI-    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


CUEFPREVILLE. 

Cheffre  ville  ,  Esprevilla  ,  Chiffreville. 
L'église  n'offre  aucun  intérêt.  Quelques  restes  d'appareil 
en  feuilles  de  fougère,  dans  le  mur  nord  de  la  nef,  attestent 
qu'elle  a  été  construite  à  l'époque  romane  ;  mais  elle  a  subi 
des  retouches  très-considérables.  Les  ouvertures  les  plus 
anciennes  ne  peuvent  être  antérieures  à  la  fin  du  XVIe  siècle. 
Le  clocher  est  assis  entre  chœur  et  nef. 

Les  voûtes  sont  en  menai n  avec  charpentes  apparentes. 
Le  maître-autel,  à  colonnes  torses,  du  règne  de  Louis  XIV, 
mérite  une  mention.  Le  reste  du  mobilier  est  insignifiant. 

Cette  commune  a  fait  autrefois  partie  de  l'élection  de 
Lisieux  et  de  la  vicomte  d'Orbec.  L'abbé  du  Bec  nommait 
à  la  cure. 

M.  L.  de  Neuville  pense  que  la  seigneurie  de  Cheffreville 
fut,  par  suite  d'anciens  parages,  divisée  dès  une  époque  fort 
ancienne  en  plusieurs  portions,  dont  quelques-uns  des  pro- 
priétaires ,  étrangers  aux  environs,  n'ont  laissé  aucun  sou- 
venir. La  famille  Cuillier  paraît  cependant  en  avoir  possédé 
aux  XVe  et  XVIe  siècles  ,  le  manoir  principal  ,  tandis  qu'une 
autre  portion  appartenait  à  la  famille  Amiot  dont  un  membre 
y  fut  trouvé  noble  par  Monlfaut,  en  1563.  Jean  Cuillier  était 
seigneur  en  partie  de  Cheffreville  en  1^69,  et  son  petit-fils, 
qui  portait  le  même  nom ,  y  comparut  dans  la  noblesse  de 
1540.  C'est  sans  doute  un  membre  de  celte  famille  qui  y  a 
fait  construire  le  manoir  encore  existant  ,  bâti  en  pierre 
de  taille.  Il  est  du  X\T  siècle  ;  à  l'intérieur  ,  une  pièce  qui 
passe  pour  la  chapelle  est  voûtée  en  pierre  avec  arceaux  , 
liernes  et  tiercerons  dans  le  goût  de  la  Renaissance.  Du 
reste,    ce   manoir,  d'assez    bonne    apparence,   fut    prom- 


CANTON   DE   LIVAROT.  721 

ptement  réuni,  ainsi  que  le  fief  dont  il  était  le  chef-lieu, 
à  la  terre  de  Fervaques ,  dont  il  a  depuis  suivi  les  diverses 
vicissitudes. 

Une  autre  portion  du  fief  de  Cheffreville  a  appartenu, 
pendant  les  XVIe  et  XVIIe  siècles ,  aux  barons  de  Livarot , 
des  maisons  d'Arces  et  d'Oraison  :  elle  fut  postérieurement 
réunie ,  comme  la  précédente ,  à  la  terre  de  Fervaques. 

Il  y  avait  encore  à  Cheffreville  un  fief  nommé  la  Fosse , 
lequel  était  possédé,  au  commencement  du  XVe  siècle,  par 
la  famille  de  Belleau.  Jean  de  Belleau  y  fit  preuve  d'ancienne 
noblesse  devant  Montfaut,  dans  la  Recherche  de  l/*63.  Mais, 
dès  l'an  1469,  Robert  de  Lyée  ,  sieur  de  Tonancourt,  était 
aussi  seigneur  de  la  Fosse  au  droit  de  Perrette  de  Belleau , 
sa  femme,  qu'il  avait  épousée  en  1426.  Depuis  cette  époque, 
le  fief  de  la  Fosse ,  longtemps  uni  à  celui  de  Tonancourt ,  a 
cessé  de  servir  de  résidence  à  ses  propriétaires  ;  il  appar- 
tenait ,  au  siècle  dernier ,  à  une  branche  de  la  famille  de 
Vaumesle.  La  Recherche  des  élus  de  Lisieux,  en  1540,  men- 
tionne encore  Jean  Blanchet ,  sieur  de  La  Mote ,  comme  de- 
meurant en  la  paroisse  de  Cheffreville. 

TONANCOURT. 

Tonencourt,  Tonnencourt,  Tornecort. 

L'église  de  Tonancourt  ne  date  que  du  XVIe  siècle  ,  et  sa 
construction  n'offre  aucune  particularité  à  signaler.  Les  murs 
sont  régulièrement  munis  de  contreforts.  On  y  a  fait  des  re- 
prises assez  notables  à  la  fin  du  XVIIIe  siècle.  Le  chœur  est 
tout  entier  de  cette  dernière  époque.  Un  clocher  en  char- 
pente assez  élancé ,  placé  sur  la  partie  occidentale  de  la  nef , 
renferme  une  cloche  du  célèbre  fondeur  Jean  Aubert ,  de 
Lfeieux.  Elle  porte  l'inscription  suivante  : 

f    174  3    M"re    IVI.ES    LR    LIRE    PBr<    CVRE  DF   NOSTRE  DAME  DE    CO\  RSON   ET 

46 


722  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

NOBLE  DAME  GENEVIEVE  DE  DROVLIN  EPOVSE  DE  Msre  GABRIEL  DE  LIEE  ESCer 
SErG.  "DE  BELLEAV  MONT  NOMMEE  ET  BFNITE  PAR  Mre  THOMAS  DE  LA  MARE 
PBre    CVRE    DE    CHKFFREVILLE.- 

IEAN    AVBKRT    MA    PAITE. 

Rien  à  signaler  dans  le  mobilier  du  chœur.  La  nef  n'est 
pas  voûtée.  Un  simple  plancher  porte  sur  les  entraits  ,  ornés 
de  rageurs. 

Les  retables  des  deux  petits  autels  datent  du  XVIe  siècle. 
Leur  lambris  formé  de  panneaux  à  compartiments  flam- 
boyants ,  surmonté  d'un  dais  en  quart  de  cercle  garni  d'une 
galerie,  avec  pinacles  feuillages,  peut  être  signalé. 

Le  crucifix  de  l'arc  triomphal  est  protégé  par  un  dais 
semblable. 

Une  statue  de  la  Vierge  peut  remonter  au  XVIe  siècle. 

Dans  le  cimetière  est  un  if,  rameux  dès  le  sol,  qui  me- 
sure 10  pieds  et  demi  de  circonférence. 

Manoir.  —  Tout  près  de  l'église,  à  l'ouest,  se  trouvait  le 
manoir,  construction  du  XVIe  siècle,  dont  le  pignon  en 
pierre  de  taille  était  flanqué  de  deux  contreforts.  Une  porte 
cintrée  à  moulures  prismatiques  donnait  accès  aux  caves. 
L'autre  pignon  était  en  briques  et  pierre,  bien  que  de  la 
même  époque.  Les  deux  façades  étaient  en  bois  ,  sans  sculp- 
tures ,  si  ce  n'est  un  grand  écusson  chargé  d'un  bar  con- 
tourné. Quelques  clous  à  plaques  découpées  à  jour  restaient 
aux  vantaux  des  portes. 

Ce  manoir  était  bâti  sur  une  motte  féodale. 

Cet  ancien  manoir  de  Tonancourt  vient  d'êlre  démoli. 
Si  l'extérieur  n'offrait  rien  de  remarquable  ,  il  n'en  était 
pas  de  même  de  l'intérieur  où  l'on  voyait  encore  des  pein- 
tures murales  du  plus  haut  intérêt,  notamment  une  repré- 
sentation contemporaine  de  la  bataille  de  Marignan  où  Guil- 
laume   de    Lyée  ,    seigneur    de    Lyée  ,    de    Tonancourt  , 


CANTON    DE   LIVAROT.  723 

d'Heurtevent  et  du  Coudray ,  avait  figuré  avec  honneur.  Des 
inscriptions  gothiques,  portées  par  des  phylactères,  servaient 
d'explication  au  tableau.  On  ne  saurait  trop  déplorer  la  des- 
truction d'un  si  rare  monument  du  commencement  du  XVIe 
siècle. 

La  paroisse  de  Tonancourt  est  réunie  à  Cheffreville  pour  le 
culte.  On  y  comptait  65  feux,  soit  un  peu  plus  de  300  ha- 
bitants. La  population  actuelle  est  de  101  habitants. 

Cette  commune,  dit  M.  de  Neuville,  une  des  moins  con- 
sidérables du  canton ,  faisait  autrefois  partie  de  l'élection  de 
Lisieux  et  de  la  vicomte  d'Orbec.  Le  patronage  de  la  pa- 
roisse était  laïque  et  appartenait  au  seigneur. 

Le  nom  primitif  de  ce  lieu  paraît  avoir  été  Tornencourt. 
Hugues  de  Tornencourt  vivait  en  1184.  En  1213,  Guillaume 
de  Tornencourt  fit  donation  à  l'évêché  de  Lisieux  du  patro- 
nage de  l'église  de  Notre-Dame  de  Courson ,  qu'il  tenait  de 
Hubert  de  Courson.  Mais  cette  famille  ne  tarde  pas  à  dis- 
paraître et  nous  retrouvons  la  seigneurie  de  Tonancourt 
divisée,  sans  doute  par  suite  d'un  partage,  entre  les  familles 
de  Lyée  et  de  Sâane.  Richard  de  Sâane  était  seigneur  en 
partie  de  Tonancourt  en  1469,  et  Geoffroy  de  Sâane  y  fit 
preuve  de  noblesse  devant  les  élus  de  Lisieux,  en  1523.  Mais 
cette  ancienne  famille  ayant,  à  ce  qu'il  semble,  aliéné  sa 
part  de  fief  en  faveur  des  de  Lyée,  se  trouva  réduite  à  un  état 
de  fortune  précaire ,  perdit  la  possession  de  la  noblesse  et  vit 
son  nom  même  altéré  par  l'usage  en  celui  de  Sennes. 
Geoffroy  de  Sennes  était  assis  au  rôle  de  la  taille  en  1540, 
et  Nicolas # de  Sennes,  un  de  ses  descendants,  fut  déclaré 
roturier  par  M.  de  Marie ,  en  1666,  en  la  paroisse  de  Chef- 
freville. 

La  famille  de  Lyée,  originaire  du  Vexin ,  vint  se  fixer,  au 
XIVe  siècle,  dans  la  paroisse  de  Tonancourt  où  elle  pos- 
séda ,  outre  le  iief  de  ce  nom ,  le  fief  de  Lyée  et  le  lief  de  la 


72fr  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Rue,  plus  lard  confondus  dans  la  seigneurie  principale. 
Robert  de  Lyée,  seigneur  de  Lyée  et  de  Tonancourt,  vivait 
en  13/i5  et  fut  le  point  de  départ  de  la  filiation  prouvée  par 
ses  descendants  dans  les  diverses  Recherches  de  la  noblesse. 
La  branche  aînée  de  cette  famille  a  possédé  sans  interruption 
la  seigneurie  de  Tonancourt  jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier, 
qu'elle  s'est  éteinte  dans  la  personne  de  Henri-César- Auguste 
de  Lyée  de  Tonancourt  et  de  sa  sœur  Louise-Aimée  de 
Lyée  de  Tonancourt,  mariée  au  marquis  de  Caruel  Mérey  (1). 

BEIXOU. 

Bellou  ,  Bellou,  Berlou. 

L'église  de  Bellou  ,  dédiée  à  Notre-Dame  ,  présente  peu 
d'intérêt:  elle  est  en  grande  partie  moderne;  mais  on  a 
cherché,  dans  cette  reconstruction  .  à  imiter  les  parties  an- 
ciennes que  l'on  prétendait  conserver.  Ces  parties  sont  les 
quatre  travées  et  le  chevet  droit  du  chœur ,  bâties  au  XVIe 
siècle  (  murs  en  blocage ,  flanqués  de  contreforts  en  pierre 
de  taille,  peu  saillants).  Encore  ces  murs  ont-ils  été  percés 
en  183/tet  1836,  d'ignobles  fenêtres  avec  linteau  en  briques  ; 
une  seule  ouverture  ancienne  a  échappé  à  cette  restauration. 

A  l'intérieur ,  la  voûte  en  merrain  du  chœur  a  été  con- 
servée. Le  rétable  du  maître-autel  est  à  colonnes  torses,  en- 
tourées de  ceps  de  vigne. 

Les  deux  statues  des  petits  autels,  la  Vierge  et  saint  Laurent, 
peuvent  remonter  au  XVIe  siècle. 

La  petite  cloche  vient  de  l'abbaye  de  Ste-Barbe,  en  Auge  ; 
on  lit  au  pourtour  : 

f  J*AI  ÉTÉ  NOMMÉE  MARIE  PAR  MRSSIEUBS  LES  CHANOINES  RÉGULIERS  DU 
CHAPITRE   DE    CETTE   ÉGLISE   AU    MOIS   D'OCTOBRE   DE    l'an    1759. 

(1)  Notes  de  M.  le  vicomte  Louis  de  Neuville. 


CANTON    DE    LIVAROT.  /25 

Au  dessous,  sont  les  armoiries  du  monastère. 

La  commune  de  Bellou  a  été  agrandie  par  la  réunion  de  la 
commune  voisine  de  Bellouet,  par  ordonnance  du  \k  avril 
1836. 

De  l'élection  de  Lisieux,  sergenterie  d'Orbec,  cette  localité 
comptait,  il  y  a  100  ans,  62  feux  ou  300  habitants.  On  en 
compte  aujourd'hui  320,  y  compris  son  annexe  ,  de  popu- 
lation au  moins  égale  au  XVIIIe  siècle.  La  dépopulation  des 
campagnes  est  constante  ;  mais  elle  atteint  rarement  une 
pareille  proportion. 

Le  nom  de  Bellou  est  une  corruption  de  celui  de  Berlou 
que  portait,  au  XIIe  siècle,  cette  localité.  Warin  de  Berlou 
vivait  en  1186.    Guillaume  de  Bellou,  chevalier,  donna  en 
1213,  à  l'évêché  de  Lisieux,  le  droit  de  patronage  de  l'église 
de  Bellou;  cette  donation  fut  confirmée,  en  1250  ,  par  Guil- 
laume de  Friardel,   chevalier,   seigneur  de  Bellou.  La  sei- 
gneurie  de   Bellou   paraît  s'être  peu  après  fractionnée  par 
parage  en  plusieurs  membres  de  fiefs,  dont  un  fut  possédé 
par  la  maison  du  Merle  et  un  autre  par  celle  d'Astin.  Nicolas 
du  Merle,  archidiacre  de  Lisieux,   frère  ou   proche  parent 
de  Guy  du  Merle,  évoque  de  celte  ville  de  1267  à  1285, 
fonda  un  obit  dans  cette  cathédrale  d'un  tiers  de  la  dîme  de 
Bellou,  à  l'exception  d'une  rente  de  15  livres  constituée  en 
obit  pour  Nicolas  d'Astin ,   chevalier   et  frère  de  Foulques 
d'Astin,  évêque  de  Lisieux,  de  1250  à  1267.  En  1669,  une 
portion  du  fief  de  Bellou  était  possédée  par  Gervais  Four- 
mentin  et  une  autre  par  Guillaume  Michel.  La  famille  Michel, 
nommée  aussi  Le  Michel ,    ne  tarda  pas  à   réunir  entre  ses 
mains  la  totalité  de  la  seigneurie  de  Bellou.  Ce  fut  un  membre 
de  cette  famille  qui  y  fit  construire,  dans  le  cours  du  XVIe 
siècle,  le  manoir  actuel ,  une  des  constructions  en  bois  les 
plus  considérables  de  la  contrée  ,  et  dont  M.  Bouet  a  fait  un 
excellent  dessin  (voir  la  page  suivante):  la  façade  septentrionale, 


726  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

construite  en  pierre  jusqu'à  la  hauteur  du  premier  étage,  est 
flanquée  de  deux  tourelles  rondes  d'un  très-bon  effet;  à  peu 
de  distance  se  voit  un  colombier  ancien  ,  d'un  aspect  pitto- 
resque, que  surmontent  de  beaux  épis  en  poterie;  ce  manoir 
paraît  avoir  été  autrefois  entouré  de  douves.  La  terre  de  Bellou 
a  passé,  au  siècle  dernier,  de  la  famille  Le  Michel  à  celle  de 
La  Pallu  ;  Mme  la  marquise  de  Mirville ,  née  de  La  Pallu,  l'a 
laissée  à  Mme  Hocquart,  sa  fille. 

Philippe  Le  Michel ,  sieur  de  Bellou ,  et  Philippe  Hardy , 
sieur  de  Chanvallon,  firent  preuve  de  noblesse  à  Bellou,  dans 
la  recherche  de  1666.  Gabriel  Le  Michel,  sieur  du  Hamel,  et 
François  Le  Michel,  moins  heureux  ,  furent  condamnés  par 
M.  de  Marie. 

BELLOUET. 

Cette  ancienne  paroisse  s'est  d'abord  nommée  Berlouet. 
Le  patronage  appartenait  à  l'évêque  de  Lisieux.  Après  la 
réunion  de  Bellouet  à  la  commune  de  Bellou,  son  église  a  été 
complètement  rasée ,  malgré  la  résistance  des  habitants  qui 
ne  put  être  vaincue  que  par  la  force  publique. 

Sous  le  règne  de  Philippe-Auguste,  Hugues  Paynel  était 
seigneur  de  Bellouet.  Cette  terre  paraît  avoir  été  possédée 
depuis  par  la  famille  d'Astin,  puis  par  celle  de  Lisores.  Jeanne 
de  Lisores  épousa  Jean  de  Cintray ,  seigneur  de  Bellouet  et 
de  Friardel,  en  1431.  En  1569,  la  seigneurie  de  Bellouet  ap- 
partenait encore  à  la  famille  de  Cintray  ;  mais  elle  fut  portée 
peu  après  dans  une  branche  de  la  famille  de  Bonnechose,  par 
le  mariage  de  Charles  de  Bonnechose  avec  Marie  de  Cintray , 
dame  de  Bellouet.  Son  arrière-petit-fils ,  Claude  de  Bonne- 
chose,  sieur  de  Bellouet,  épousa,  en  1697,  Marie  de  Lyée  de 
Tonancourt  ,  dont  il  eut  un  fils,  Étienne-Louis  de  Bonne- 
chose,  sieur  de  Bellouet,   mort  sans  postérité,  et  une  fille 


CANTON    DE    UVAKOT 


727 


728  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

mariée  à  Jean  Lambert ,  sieur  de  Janville.  De  ce  mariage , 
naquit  Charles  Lambert,  sieur  de  Bellouet,  conseiller  au  Par- 
lement de  Normandie ,  et  Charlotte-Jeanne  Lambert  de  Jan- 
ville, mariée  à  Pierre  Labbey  de  La  Roque ,  sieur  de  la  Bois- 
sière  et  d'Écajeul,  dont  une  des  filles,  Marie-Charlotte  Labbey 
de  La  Roque  épousa  Auguste  de  Lyée  de  Belleau.  La  terre  de 
Bellouet ,  récemment  possédée  par  M.  de  Lyée  de  Belleau ,  a 
été  laissée  par  lui  à  Mme  de  Fontenay,  sa  fille.  Elle  vient 
d'être  vendue.  Le  manoir  de  Bellouet,  d'ailleurs  peu  ancien , 
n'offre  rien  qui  mérite  l'attention. 

Manoir  de  Cintray.  —  Il  n'en  est  pas  de  même  d'un 
charmant  petit  manoir  datant  du  XVe  siècle  ou  des  pre- 
mières années  du  XVIe ,  et  connu  sous  le  nom  de  manoir 
de  Cintray.  Ce  fut,  sans  doute,  la  résidence  de  quelques-uns 
des  seigneurs  de  Bellouet,  du  nom  de  Cintray;  puis,  après 
l'extinction  de  la  branche  aînée  de  cette  famille,  le  siège 
d'une  branche  cadette  qui  y  subsistait  encore  au  commen- 
cement du  siècle  dernier.  Charles  de  Cintray ,  sieur  du  Mont, 
fit  preuve  d'ancienne  noblesse  à  Bellouet,  en  1666. 

Le  manoir  de  Cintray ,  situé  sur 
la  pente  et  presque  au  fond  d'un 
étroit  vallon,  est,  malgré  l'extrême 
exiguité  de  ses  proportions  indi- 
quées par  ce  plan  (A) ,  remarquable  par  l'élégance  et  la  re- 
cherche de  son  ornementation.  Il  est  construit  en  bois,  complè- 
tement sculpté  avec  un  goût  exquis.  De  gracieux  rinceaux  se 
profilent  le  long  de  toutes  les  pièces  de  charpente;  des  fleurs 
et  des  feuillages  couvrent  l'encorbellement  des  sablières; 
de  nombreux  écussons  décorent  les  poteaux  :  les  volets  des 
fenêtres  ont  été  chargés  de  sculptures ,  aussi  profondément 
fouillées  que  celles  des  plus  beaux  bahuts  de  cette  époque. 
Malheureusement  ce  bijou  de  l'art    ogival^flamboyant  a 


CANTON    DE   LIVAROT.  729 

beaucoup  souffert  des  injures  du  temps  ,  et  la  main  de 
l'homme  s'y  est  jointe  à  l'époque  de  la  Révolution  en 
faisant  disparaître  ,  par  un  grattage  systématique,  les  ar- 
moiries de  ses  nombreux  écussons.  Tel  qu'il  est,  le  manoir 
de  Cintray  reste  un  des  édifices  les  plus  curieux  de  la 
contrée ,  et  mérite  ,  de  la  part  des  archéologues ,  un  examen 
approfondi. 


SERRURE    DU    MANOIR    DE    CINTRAY. 


A  Bellouet  se  trouvait  aussi  le  fief  de  la  Houssaye,  qui 
devint,  à  la  fin  du  XVe  siècle ,  la  propriété  de  la  famille  de 
Boctey,  par  le  mariage  de  Jean  Le  Boctey  avec  Guillemctte 
Berthelot,  dame  de  la  Houssaye.  Cette  terre  appartenait  encore 
à  la  même  famille  dans  le  cours  du  XVIIe  siècle. 


730  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


COURSON. 

Courson,  Coure hon ,  Cor con  ,  Curson. 

Courson  possédait  deux  églises ,  construites  dans  le  même 
cimetière,  et  qui  n'étaient  séparées  l'une  de  l'autre  que  par 
une  allée  de  20  pieds  environ.  L'une  d'elles,  dédiée  à  saint 
Pierre,  a  été  démolie  en  1846.  Toutes  les  ouvertures  pa- 
raissaient dater  du  XVIIe  ou  du  XVIIIe  siècle  ;  cependant  il 
ne  serait  pas  impossible  que  les  murs  fussent  plus  anciens. 
Le  clocher  était  assis  sur  le  portail ,  à  l'ouest.  On  a  transporté 
la  cloche  dans  l'église  voisine.  Le  roi  nommait  à  la  cure,  à  la 
représentation  du  duc  de  Normandie.  La  population  était 
d'environ  300  habitants  (62  feux).  Cette  paroisse  était  com- 
prise dans  l'élection  de  Lisieux ,  sergenterie  d'Orbec  ;  elle 
relevait,  pour  les  matières  ecclésiastiques,  du  doyenné  de 
Livarot. 

L'église  de  Notre-Dame,  comprise  aussi  dans  le  doyenné 
de  Livarot,  subsiste  encore.  Elle  remonte,  dans  ses  parties 
les  plus  anciennes,  à  la  fin  du  XIIe  siècle;  mais  on  y  a 
exécuté ,  après  la  démolition  de  St-Pierre ,  des  travaux 
d'agrandissement  tout-à-fait  déplorables.  Le  portail  occi- 
dental ,  flanqué  de  quatre  contreforts  à  deux  retraites  avec 
une  porte  en  accolade ,  date  du  XVe  siècle.  Le  clocher  en 
charpente  qui  le  surmonte  est  de  la  même  époque.  Le  mur 
méridional  de  la  nef  appartient  aussi,  avec  toutes  ses  ouver- 
tures, moins  une,  au  style  flamboyant.  Le  mur  du  nord  et 
ses  fenêtres  sont  du  style  de  transition  :  on  y  a  ajouté ,  au 
XVe  siècle ,  des  contreforts  à  deux  retraites.  Le  chœur  est 
moderne. 

Les  voûtes  sont  en  merrain,  avec  charpentes  apparentes. 


CANTON    DE    LIVAROT.  731 

Le  rétable  du  maître-autel  remonte  au  règne  de  Louis 
XIV  ;  mais  le  tombeau  a  été  refait  sous  Louis  XV. 

Les  deux  cloches  datent  du  XVIe  siècle,  et  leurs  inscrip- 
tions ,  bien  que  déjà  publiées  par  M.  le  docteur  Billon ,  dans 
son  Epigraphie  campanaire ,  méritent  de  trouver  place  ici. 

Cloche  de  Notre-Dame  : 

f  LAN  4  595  1EHAN  GALLET  PBRe  CVRÉ  DE  CEANS  j  CATHERINE  DE 
NEVFVILLE  Fe  DV  Sr  DES  MAIGNIENS  f  ET  MARGVERITE  Fe  DE  JEHAN 
MARTE. 

Cloche  de  St- Pierre  : 

IE   FUST    FAICTE     EN     LAN     MIL    V°     LI     POUR     NOSTRE    DAME    DE    COURSON 
IESUS    MABIA    AU    MOYS    DE    MAY    NOUS    FDMMES    FAICTES. 
ROGIEK    FAREAV     ;     MA    FAICTE. 

La  paroisse,  comprenant  170  feux  ou  850  habitants, 
faisait  partie  de  l'élection  de  Lisieux ,  sergenterie  d'Orbec. 
La  population  actuelle  de  Courson  est  de  871  habitants.  Elle 
a  donc  perdu  près  de  300  âmes  depuis  cent  ans ,  comme  il 
est  facile  de  le  voir  par  les  chiffres  que  nous  avons  donnés. 

Cette  commune ,  dit  M.  de  Neuville ,  celle  du  canton  qui 
possède  le  territoire  le  plus  étendu,  a  été  formée  de  l'ad- 
jonction de  la  petite  commune  de  St-Pierre-de -Courson  à 
celle  beaucoup  plus  considérable  de  Notre-Dame-de-Courson, 
par  ordonnance  du  k  décembre  1831.  Du  reste,  le  même 
village  servait  de  centre  aux  deux  communes,  el  leurs  églises, 
presque  conligué's,  produisaient  de  loin  l'effet  le  plus  pitto- 
resque. On  a  malheureusement  rasé ,  il  y  a  peu  d'années , 
l'église  de  St-Pierre  pour  en  employer  la  valeur  à  rebâtir  le 
chœur  de  l'église  do  Notre-Dame  dans  le  goût  le  plus  déplo- 
rable. Courson  est,  de  tout  le  pays  environnant,  le  lieu  le  plus 
anciennement  mentionné,  puisqu'il  fut  du  nombre  des  terres 


732  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

données  à  l'abbaye  de  St-Germain-des-Prés  par  Wandemir, 
seigneur  Franc,  et  Ercamberte,  sa  femme,  par  charte  en 
date  de  l'an  690.  Cette  donation  cessa,  d'ailleurs,  d'avoir  effet 
par  suite  de  la  conquête  de  la  province  par  les  Normands. 

Le  droit  de  présentation  à  la  cure  de  Notre-Dame-de- 
Courson  appartenait  à  l'église  cathédrale  de  Lisieux  depuis  la 
donation  qui  lui  en  fut  faite,  en  1213,  par  Guillaume  de 
Tonancourt,  donation  ratifiée,  en  1225,  par  Hubert  de 
Courson,  chevalier,  seigneur  de  ce  lieu.  Celui-ci  descendait, 
sans  doute ,  de  Robert  de  Courson ,  un  des  compagnons  de 
Guillaume-le-Conquérant ,  dont  le  nom  se  retrouve  dans  les 
pages  du  Doomsday-Book.  Cette  famille  de  Courson  s'étei- 
gnit bientôt.  Nous  ignorons  quels  furent  ses  successeurs  im- 
médiats ;  mais,  en  H28 ,  Jean  de  Neuville  était  seigneur  de 
Courson.  Il  était  issu  de  la  même  souche,  mais  d'une  autre 
branche  que  les  seigneurs  des  Loges  ;  ses  descendants  possé- 
dèrent la  terre  de  Courson,  de  père  en  fils,  jusqu'en  1662, 
que  Gabriel  de  Neuville,  sieur  de  Courson  ,  étant  mort  sans 
postérité ,  sa  succession  fut  recueillie  par  ses  cinq  tantes , 
Barbe,  Marguerite,  Florence,  Charlotte  et  Renée  de  Neu- 
ville ,  mariées ,  la  première ,  à  Louis  Le  Prévost ,  sieur  de 
Perrières  ;  la  seconde ,  à  Denis  de  Pommelin,  et  la  troisième, 
à  Jean  Le  Loutrel,  sieur  du  Pommier  Enté.  Elles  vendirent 
la  terre  de  Courson,  en  1663,  à  Nicolas  du  Houlley,  con- 
seiller au  Parlement  de  Normandie  ;  celui-ci  étant  mort  en 
1682  eut  pour  héritier  son  neveu,  Adrien  du  Houlley, 
seigneur  de  Courtonne  et  de  Courson,  qui  mourut  au  manoir 
de  Courson,  en  1724,  laissant  pour  héritière  sa  fille  Cécile- 
Adrienne  du  Houlley  ,  mariée,  en  1714,  à  Nicolas  Rioult, 
seigneur  de  Neuville,  Ouilly  et  Belleau-Vauxmeslin.  La  famille 
Rioult  de  Neuville  a  possédé  depuis  la  terre  de  Courson, 
mais  le  manoir  et  une  partie  des  domaines  sont  sortis  de  ses 
mains  en  1797. 


CANTON    DE   LIVAROT.  733 

La  seigneurie  de  Courson  relevait  de  la  baronnie  de  Fer- 
rières  et  elle  avait  elle-même  dans  sa  mouvance  les  fiefs  de 
Poix  à  Prêtreville  et  St-Mards-de-Fresnes  ;  de  Lortier,  à 
Auquainville  ;  de  la  Cauvinière,  des  Hayes  et  de  Cedouet ,  à 
Courson. 

Manoir  de  Courson,  —  Le  manoir  de  Courson  est  une 
construction  en  bois  assez  singulière,  et  qui  paraît  dater  de  la 
fin  du  XVe  ou  du  commencement  du  XVIe  siècle  :  une  tou- 
relle de  forme  bizarre  ,  recouverte  en  essente ,  se  remarque 
du  côté  du  nord.  Cette  construction  s'appuie,  à  son  extrémité 
orientale,  sur  un  vieux  mur  en  pierre  et  cailloutis  d'une  grande 
épaisseur  et  qui  est,  sans  doute,  un  reste  d'une  construction 
plus  ancienne.  Nous  pouvons  constater  ici  que  nos  plus  an- 
ciens manoirs  en  bois  ont  quelquefois  remplacé  des  édifices 
construits  en  pierre  ou  cailloutis,  mais  auxquels  la  mauvaise 
qualité  des  mortiers  employés  dans  ce  canton  n'a  pas  donné 
la  durée  qui  est  ordinairement  le  partage  des  anciennes  ma- 
çonneries de  ce  genre. 

Mais  la  paroisse  de  Courson  renferme  le  modèle  le  plus  re- 
marquable et  le  plus  connu  des  vieilles  constructions  en  bois 
du  Pays -d'Auge  dans  le  charmant  manoir  de  Belleau-la- 
Chapelle,  situé  à  2  kilomètres  du  village  de  Courson  et  à  peu 
de  distance  de  la  route  de  Livarot. 

Manoir  deBelleau. — «Le  manoirdeBelleau,ditlVI.  Pannier, 
«  offre  deux  belles  façades  couvertes  de  bas-reliefs,  d'arabesques 
«  et  d'écussons  sur  lesquelles  le  ciseau  naïf  du  sculpteur  s'est 
<t  plu  à  reproduire  tous  les  caprices  de  son  imagination.  Sui- 
te l'encorbellement  du  rez-de-chaussée  de  la  façade  méri- 
<c  dionale  est  représentée  une  chasse  au  cerf,  dont  les  diffé- 
«  rents  épisodes  sont  retracés  avec  cette  naïveté  charmante 
«  qui  caractérise  les  œuvres  des  artistes  de  la  dernière  pé- 
«  riode  ogivale.  Dans  sa  simplicité,  l'artiste,  manquant  de 


736  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

«  hauteur  pour  placer  ses  figures  debout,  a  levé  cette  petite 
«  difficulté  en   mettant  tout   bonnement  à  plat   ventre  les 


ce  chasseurs  et  piqueurs  qui  poursuivent  la  bête.  Parmi  les 
u  curieux  bas-reliefs  qui  décorent  les  poteaux  ou  pieds- 
ce  droits ,  on  remarque  Adam  et  Eve  au  pied  de  l'arbre  de  la 
(i  science  du  bien  et  du  mal.  Eve  tient  dans  ses  mains  une 
«  pomme.  A  travers  le  feuillage  apparaît  le  serpent  à  tête 
«  humaine ,  qui  se  réjouit  malicieusement  d'avoir  trompé  la 
«  première  femme.  La  sablière ,  couverte  de  gracieux  rin- 
<t  ceaux ,  se  termine  à  ses  extrémités  par  des  têtes  de 
«  monstres  grimaçantes,  auxquelles  les  archéologues  ont 
«  donné  les  noms  significatifs  de  rageurs  et  avales-poutres. 
«  Les  potelets  qui  garnissent  les  colombages  sont  décorés  de 
«  légers  contreforts  surmontés  de  pinacles.  Les  tuiles  in- 
(t  clinées,  placées  entre  les 
«  colombages  ,  étaient  de 
«  deux  couleurs  différentes , 
«  rouges  et  noires ,  alternant 
ce  entr' elles. 

«  Deux  jolies  portes  à  arc 
«  surbaissé,  flanquées  de  grâ- 
ce cieux   contreforts   et   surmontées  d'ogives  en   accolade  , 
«  s'ouvrent  vers  les  extrémités  de  la  façade.   L'étage  supé- 
«  rieur,  construit  en  encorbellement ,  est  surmonté  de  trois 
«  belles  lucarnes  festonnées  qui  font  saillie  sur  le  toit. 
«  En  démolissant  un  petit  bâtiment  en  charpente  adossé 


CANTON    DE   LIVAROT.  735 

«  contre  la  façade  septentrionale ,  on  a  mis  à  découvert  un 
«  bas-relief  dont  M.  Bouet  a  fait  un  dessin.  Ce  bas-relief, 
«  parfaitement  conservé ,  représente  deux  oiseaux  fantas- 
«  tiques  buvant  dans  un  vase  dont  la  forme  est  celle 
«  d'un  calice.  Les  cous  de  ces  oiseaux,  que  l'on  pourrait 
«  prendre,  à  première  vue,  pour  des  cygnes,  sont  passés 
«  dans  une  couronne  formant  collier.  Une  jolie  tourelle 
«  octogone  ,  renfermant  l'escalier,  est  appliquée  contre  cette 
«  façade  où  était  placée  autrefois  l'entrée  principale.  Une 
a  galerie  ,  à  gauche  de  l'escalier ,  précède  les  pièces  du  rez- 
«  de-chaussée ,  dont  les  poutres  saillantes  étaient  autrefois 
«  couvertes  de  peintures.  »  Nous  donnons  ,  page  suivante  , 
le  plan  du  château  de  Belleau. 

«  Parmi  les  armoiries  qui  décorent  l'une  des  façades  , 
ce  nous  avons  remarqué  celles  de  Bretagne ,  un  écusson 
«  chargé  d  hermines,  qui  fixe  la  date  de  ce  manoir,  l'un 
«  des  plus  curieux  spécimens  des  constructions  en  bois 
«  élevées  sous  le  règne  de  Louis  XII.   » 

Toutes  les  sculptures  du  premier  étage  sont  empruntées 
au  règne  végétal.  Il  s'y  trouve  aussi  un  grand  nombre  de 
blasons  qui  méritent  d'être  étudiés  ;  car,  sans  nul  doute,  c'est 
Tarbre  généalogique  du  membre  de  la  famille  de  Lyée  à  qui 
est  due  la  construction  de  cette  splendide  demeure. 

Trois  belles  lucarnes  à  bordures  dentelées  mouvementent 
les  grands  combles.  Leur  poinçon  porte  la  salamandre ,  in- 
dice certain  que  leur  construction  date  du  règne  de 
François  Ier. 

La  décoration  n'est  pas  moins  riche  du  côté  opposé.  Bla- 
sons, rinceaux  grotesques ,  oiseaux  ,  quadrupèdes  ,  masques 
humains  s'y  disputent  les  sablières  ,  les  poteiets  ,  les  poteaux 
d'huisserie .  les  poteaux  corniers  et  les  linteaux  des  baies. 

Parmi  les  blasons ,  nous  en  avons  remarqué  deux  ,  l'un 
portant  la  panetière  et  les  coquilles  de  saint  Jacques ,  avec 


736  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


tf  "ci     OÇ 


CANTON    DE   MVAROT.  737 

le  bourdon  et  un   bâton  croté  en  sautoir  ;  l'autre ,  des  outils 
de  charpentier  accompagnés  des  lettres  $  B  X 


Le  fief  de  Belleau-la-Chapelle ,  mouvant  de  la  seigneurie 
de  Carel ,  est  entré  dans  la  famille  de  Lyée  par  le  mariage  de 
Robert  de  Lyée,  seigneur  de  Tonancourt,  avec  Perrette 
de  Belleau,  dame  de  Belleau  et  de  la  Fosse,  l'an  1426. 
Depuis  cette  époque ,  cette  terre  n'a  cessé  d'appartenir  à 
leurs  descendants.  Après  la  mort,  survenue  en  1505,  de 
Robert  de  Lyée ,  petit-fils  du  précédent  et  sieur  de  Lyée , 
Tonancourt ,  Belleau ,  la  Fosse  ,  le  Coudray  et  Heurtevent , 
le  fief  de  Belleau  tomba  en  partage  à  René  de  Lyée ,  l'un  des 
quatre  fils  qu'il  avait  eus  de  son  mariage  avec  Catherine  de 
Querville.  C'est  probablement  de  celte  époque  que  date  la 
construction  du  manoir.  On  trouve  cependant  sur  un  des 
écussons  qui  le  décorent  les  armes  de  Marie  de  Martainville , 
dame  de  Bigars-sur-Risle ,  que  René  de  Lyée  épousa  en 
1518  :  mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  cet  écusson,  laissé  brut 
au  moment  de  la  construction ,  fut  blasonné  après  coup  par 
l'ouvrier.  Le  manoir  de  Belleau ,  si  digne  de  l'intérêt  des 
amis  des  arts  comme  de  ceux  du  pittoresque ,  était  encore 
il  y  a  peu  de  temps  la  résidence  de  la  famille  de  Lyée  de 
Belleau;  mais,  à  la  suite  d'un  projet  de  restauration  qui 
n'a  pas  encore  reçu  son  exécution,  il  a  cessé  d'être  habité  et, 

kl 


738  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

les  intérieurs  en  ayant  été  démontés ,  il  est  resté  dans  un  état 
précaire  qui  inspire  des  craintes  pour  sa  conservation.  Ce- 
pendant M.  de  Lyée,  membre  du  Conseil  général,  nous 
affirme  qu'il  se  propose  de  le  faire  consolider ,  et  nous  es- 
pérons que  ce  charmant  manoir  continuera  à  faire  l'orne- 
ment de  la  vallée  dont  le  gracieux  aspect  puise  un  mérite 
de  plus  dans  la  présence  de  ces  vieux  restes  d'un  autre  âge. 
Derrière  le  manoir,  une  jolie  futaie  couvre  de  son  ombre  un 
sol  rapidement  incliné  :  un  colombier  aussi  ancien  que  la 
maison  elle-même  l'accompagne.  A  quelques  pas  se  trouve 
aussi  une  chapelle  du  XVIe  siècle  qui  ne  manque  pas 
d'intérêt ,  mais  qui  ayant  perdu  sa  destination  primitive  ,  a 
souffert  dans  son  ornementation. 

Presque  en  face  de  ce  manoir,  de  l'autre  côté  de  la  vallée , 
on  voit  un  château  du  XVIIe  siècle  en  pierre  et  brique  : 
c'est  un  autre  Belleau,  distingué  du  premier  par  le  surnom  de 
Belleau-Belleau.  Ce  fut  sans  doute  dans  l'origine  une  portion 
du  même  fief,  séparée  depuis  par  un  parage;  elle  est  restée 
dans  l'ancienne  famille  de  Belleau  ,  tandis  que  l'autre  frag- 
ment entrait  dans  la  famille  de  Lyée.  Guy  de  Belleau  vivait 
en  1184;  sa  descendance  s'est  éteinte,  de  nos  jours  ,  dans  la 
personne  de  M.  de  Belleau-Courtonne  ;  mais  celui-ci  appar- 
tenait à  une  autçe  branche  de  la  même  famille  :  celle  de 
Belleau-Belleau  n'a  pas  survécu  à  la  première  moitié  du 
siècle  dernier.  La  propriété  a  passé  dans  les  mains  de  la 
famille  Deshayes  de  Bonneval  et  d'Apremont,  qui  l'a  re- 
vendue il  y  a  peu  d'années.  Le  château,  d'ailleurs  bien 
construit,  est  d'un  intérêt  médiocre,  de  même  qu'une  petite 
chapelle  qui  se  trouve  à  peu  de  distance. 

Le  manoir  de  la  Cauvinière,  situé  dans  la  plaine  qui 
s'étend  du  côté  de  Cernay,  n'offre  guère  plus  d'intérêt, 
quoique  plus  ancien.  Le  fief  de  la  Cauvinière  appartenait ,  en 
1469,  à  Jean  du  Vieu;  il  entra  dans  la  famille  Deshayes, 


CANTON   DE   LIVAROT.  739 

en  1520,  par  le  mariage  d'Alix  du  Vieu  avec  Pierre  Des- 
hayes,  seigneur  de  la  Chapelle- Yvon  :  celui-ci  est  l'auteur 
des  Deshayes  de  Forval,  de  Gassart  et  de  Launay  :  c'est 
l'aînée  de  ces  branches ,  celle  de  Forval ,  qui  a  possédé  la 
terre  de  la  Cauvinière  jusqu'au  milieu  du  siècle  dernier,  et  a 
porté  le  titre  de  baron  de  la  Cauvinière.  Cette  terre  a  appar- 
tenu depuis  à  la  famille  Riquier ,  puis  à  la  famille  Ribard,  qui 
en  est  encore  propriétaire. 

Le  fief  des  Hayes,  autrefois  nommé  les  Grandes  et  les 
Petites-Hayes ,  s'étendait  dans  la  partie  du  territoire  de 
Courson  qui  se  rapproche  de  celui  de  Préaux.  Il  a  longtemps 
appartenu  à  la  famille  Deshayes.  Ce  fief  a  passé  depuis  dans 
la  famille  de  Mailloc  des  Éteux,  et  il  fut  vendu,  en  1764, 
par  Nicolas-François  de  Mailloc ,  seigneur  de  Familly.  Il  s'y 
trouvait  une  chapelle ,  dite  la  chapelle  des  Hayes. 

Le  fief  de  Pohyer,  situé  entre  Courson  et  Bellou,  a  appar- 
tenu, en  l/*69,  à  Nicole  Huet,  prêtre,  et  aux  XVIe  et 
XVIIe  siècles  à  la  famille  Le  Michel ,  qui  possédait  la  sei- 
gneurie de  Bellou.  Il  lui  fut  porté  par  le  mariage  de  Jac- 
queline de  Malherbe  ,  fille  de  Guillaume  de  Malherbe ,  sieur 
du  Bouillon,  et  de  Robinette  de  Grieu ,  avec  Denis  Michel  f 
sieur  de  Bellou,  sous  le  règne  de  Louis  XII. 

Signalons  encore  à  Courson  le  manoir  de  Beyville,  aujour- 
d'hui dépendant  de  la  terre  de  Belleau ,  et  qui  a  appartenu  , 
depuis  le  XVI'  siècle  jusqu'à  nos  jours ,  à  la  famille  Des- 
hayes de  Bonneval  et  d'Apremont  ;  puis  le  manoir  de  Valsery, 
encore  subsistant ,  et  qui  a  servi  de  résidence  à  une  branche 
de  la  famille  de  Bonnechose.  Voici,  du  reste,  le  nom  des 
gentilshommes  qui  ont  fait  preuve  de  noblesse  à  Notre-Dame- 
de-Courson,  en  1666  :  Thomas  de  Bonnechose ,  sieur  de 
Valsery;  Marguerite  de  Nourry,  veuve  de  Charles  de  Belleau, 
sieur  de  Canapville,  tutrice  de  François  et  Charles  de  Belleau, 
ses  fils  ;  Jean-Baptiste   Deshayes ,  sieur  de  la  Cauvinière  ; 


740  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Philippe  Deshayes  ,  sieur  de  Beyviiie  ;  Jean  Le  Michel  ,  sieur 
de  La  Babouelle  ,  et  Guillaume  de  Lyée,  sieur  de  Belleau. 


LES  MOU  TIERS-HUBERT  (t). 

Les  M  ou  tiers-Hubert ,   Monasterium  Huberti. 

Le  nom  de  cette  paroisse  indique  une  origine  monastique; 
et  peut-être  faut-il  regarder  comme  le  continuateur  du  mo- 
nastère mérovingien  ou  carlovingien,  l'humble  prieuré  de 
Notre-Dame-des-Houlettes,  dépendant  de  l'abbaye  de  Hambie , 
qui  subsistait  encore  à  la  fin  du  dernier  siècle  sur  la  lisière 
du  Buisson-Pesnel ,  autrement  foret  de  Moutiers-Hubert. 

Le  prieur  des  Houlettes  avait  droit  d'herbage  pour  douze 
vaches  et  un  taureau ,  dans  la  forêt. 

L'église  paroissiale ,  sous  l'invocation  de  saint  Martin , 
remonte  à  la  période  romane  pour  tout  le  gros  œuvre.  Au 
sud  comme  au  nord ,  au  chœur  comme  à  la  nef,  on  con- 
state parfaitement  les  caractères  de  cette  époque:  appareil 
en  feuilles  de  fougère,  contreforts  plats.  Toutefois  ,  aucune 
des  ouvertures  ne  date  de  la  construction  primitive.  La  fenêtre 
du  chevet  est  à  lancette.  Les  fenêtres  latérales  du  chœur 
sont  modernes.  Pour  la  nef,  au  nord,  l'unique  fenêtre  est 
une  baie  carrée  du  XVIe  siècle.  Les  ouvertures  pratiquées 
dans  le  mur  du  sud  sont  ogivales  flamboyantes.  Les  con- 
treforts ont  été  ajoutés  en  même  temps.  La  partie  supérieure 
du  portail,  à  l'ouest,  est  revêtue  d'cssente.  La  base  seule  est  en 
pierre  ,  et  tous  les  caractères  accusent  le  XVIe  siècle.  Le 
clocher  est  assis  à  l'extrémité  orientale  de  la  nef.  Il  doit 
dater  du  XVe  ou  XVIe  siècle. 


(1)  Notes  de  M.  Charles  Vasseiir. 


CANTON    DE    LIVAUOT.  741 

On  le  voit,  cette  église  est  petite  et  fort  ordinaire  à  l'ex- 
térieur ;  mais  l'intérieur  présente  un  grand  intérêt.  Elle  est 


CHEVET    DE    I,  EGLISE    DE    MOI1TIERS-H  UBEKT. 


la  seule  que  nous  connaissions  jusqu'à  présent  dans  l'arron- 
dissement de  Lisieux,  où  l'on  trouve  des  vestiges  bien  con- 
servés de  peintures  murales  anciennes. 

Ces  peintures  occupent  le  tympan  qui  surmonte  l'arc 
triomphal  et  représentent  le  Christ  sortant  triomphant  du 
tombeau,  la  tète  entourée  du  nimbe  crucifère  et  la  main 
droite  bénissante  ,  tandis  que  la  gauche  soutient  la  croix  de 
Résurrection.  Cette  peinture  a  du  style.  Malheureusement 
elle  est,  en  grande  partie,  masquée  par  les  dais  des  deux  petils 
autels. 

Ces  dais,  eux-mêmes,  méritent  l'attention.  Avec  celui  qui 


7^2  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

ombrage  le  crucifix,  ils  forment  un  ensemble  bien  entendu  et 
qu'on  rencontre  rarement.  Leur  exécution  ne  remonte  qu'au 
XVIe  siècle  (  V.  la  page  suivante  ). 

Chacun  de  ces  baldaquins  offre  la  forme  d'un  quart  de 
cercle  ,  terminé  par  une  petite  galerie  flamboyante  évidée  à 
jour ,  reliée  par  de  petits  pinacles  que  supportent  des  têtes 
d'anges.  Il  s'appuie  sur  un  lambris  qui  forme  rétable.  Cette 
surface  curviligne  a  été  couverte  de  peintures.  L'autel  du 
sud  n'en  laisse  plus  voir  que  des  vestiges  inappréciables.  Le 
sujet  en  était  sans  doute  tiré  de  la  Vie  de  saint  Martin , 
patron  de  l'église,  auquel  il  devait  être  consacré  selon  l'usage. 
L'autel  du  nord  est  encore  assez  bien  conservé.  Il  représente 
le  couronnement  de  la  Vierge.  Les  franges  des  vêtements 
des  trois  personnages  (  le  Christ ,  Marie  et  le  Père-Éternel  ) 
sont  chargées  d'inscriptions  tirées  de  l'Écriture  et  en  rapport 
avec  le  sujet.  Le  dais  qui  abrite  le  crucifix,  la  Vierge  et  saint 
Jean ,  au-dessus  de  l'arc  triomphal,  est  garni  des  instruments 
de  la  Passion  et  de  quelques  scènes  corrélatives  ;  mais  la  con- 
servation laisse  beaucoup  à  désirer. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  donner  une  idée  suffisante  de 
l'effet  et  de  la  valeur  de  cette  décoration  par  la  description 
qui  précède  :  il  faudrait  des  dessins  à  une  assez  grande 
échelle.  Alors ,  on  pourrait  se  convaincre  que  les  décorations 
adoptées  par  nos  ancêtres  parlaient  plus  à  l'esprit  et  à 
l'imagination  que  les  misérables  pastiches  dont  on  est  si 
engoué  aujourd'hui. 

L'église  de  Moutiers-Hubert  n'a  plus  de  desservant.  C'est 
certainement  à  cette  circonstance  qu'on  doit  la  conservation 
des  précieux  objets  d'art  qu'elle  renferme. 

La  table  primitive  de  l'autel  de  la  Vierge  subsiste  encore, 
emprisonnée  sous  la  charpente  de  l'autel  moderne.  C'est  un 
cube  de  pierre,  autour  duquel  court  une  riche  garniture  de 


CANTON    DE   LIVAROT. 


743 


ABC     TRIOMPHAL    ET    UN    DES    PETITS    AITELS    DE    l/ÉGLISE    DE    MOUTIERS-HUBEBT. 


Ikk         STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

feuilles  frisées.  On  y  constate  aussi  des  traces  de  peinture  à 
la  cire.  Tous  les  caractères  sont  ceux  du  XVIe  siècle. 

Le  maître-autel  du  chœur  porte  la  date  de  1668,  et  il  a 
tous  les  caractères  des  hauts-rétables  de  cette  époque  ,  sans 
être  un  travail  hors  ligne.  Les  sièges  du  chœur  sont  anciens  , 
c'est-à-dire  du  XVIe  siècle.  Ce  sont  des  bancs  à  panneaux 
plissés  ou  à  balustres  ,  avec  un  simple  fauteuil  de  bois  pour 
le  célébrant  ;  point  de  stalles.  On  peut  voir  là  encore  un 
modèle  pour  disposer  liturgiquement  un  chœur  d'église  ru- 
rale ;  mais  il  pourrait  se  faire  que  les  curés  actuels  n'y  trou- 
vassent pas  assez   d'effet. 

On  doit  signaler  encore,  dans  une  des  fenêtres  flam- 
boyantes du  sud  ,  quelques  fragments  de  vitraux  :  une  Cru- 
cifixion et  un  Agnus  Dei  ;  et  dans  le  chœur  une  statue  go- 
thique de  saint  Agapit,  vulgairement  saint  accroupi ,  objet 
d'un  pèlerinage  encore  suivi. 

La  cure  était  divisée  en  deux  portions ,  à  la  nomination 
du  roi.  Elle  dépendait  du  doyenné  de  Livarot.  Au  civil,  la 
paroisse  était  comprise  dans  l'élection  de  Lisieux ,  sergen- 
terie  d'Orbec ,  et  comptait  61  feux,  ou  300  habitants.  Ce 
nombre  est  réduit  aujourd'hui  à  101. 

Faits  historiques.  Château.  — Cette  commune,  dit  M.  de 
Neuville ,  aujourd'hui  peu  importante  ,  l'a  été  beaucoup  plus 
au  moyen-âge.  Elle  était  alors  le  siège  d'une  importante  ba- 
ronnie  ;  il  s'y  trouvait  aussi  un  bourg  et  un  labellionage 
royal. 

La  baronnie  de  Moutiers-Hubert  appartenait,  au  XIe  siècle, 
à  la  puissante  famille  Paynel ,  qui  possédait  dans  le  Cotentin 
les  baronnies  de  Hambye,  Moyon ,  Bréhal,  la  Haye-Paynel  et 
autres.  La  terre  de  Moutiers-Hubert  paraît  avoir  été  son  ber- 
ceau ,  et  son  nom  s'est  conservé  dans  celui  du  Buisson-Paynel, 
sous  lequel  on  connaît  la  forêt  qui  couvre  une  partie  considé- 


CANTON    DE    LIVAROT.  745 

rable  du  territoire  de  cette  commune.  Guillaume  Paynel  était 
contemporain  de  Guillaume-le-Conquérant  :  il  fut  l'auteur  de 
deux  branches  dont  Tune ,  fixée  en  Cotentin ,  subsista  avec 
honneur  jusqu'à  la  fin  du  XVe  siècle;  l'autre,  que  l'on  croit 
l'aînée,  eut,  avec  la  baronnie  de  Mou  tiers- Hubert,  de  vastes 
domaines  en  Angleterre,  où  elle  fonda  les  prieurés  de  Dudley 
et  de  Tickford  et  donna  son  nom  à  la  ville  de  Newport-Pay- 
nell.  En  1136  ,  le  seigneur  de  Moutiers-Hubert,  ayant  suivi 
le  parti  du  roi  Etienne,  fut  assiégé  dans  ce  château  par  l'armée 
de  Geoffroy,  comte  d'Anjou,  qui  s'empara  de  la  place  et  mit 
à  rançon  le  baron  vaincu  et  trente  chevaliers,  compagnons  de 
son  infortune.  Un  de  ses  successeurs,  ayant  embrassé  la  cause 
de  Jean-sans-Terre,  fut  encore  plus  malheureux  :  il  vit  con- 
fisquer par  le  roi  Philippe-Auguste  sa  baronnie  de  Moutiers- 
Hubert  qui,  réunie  au  domaine  royal,  n'a  pas  cessé  d'en  faire 
partie  jusqu'à  la  Révolution.  La  branche  aînée  des  Paynel, 
définitivement  fixée  en  Angleterre ,  s'y  est  éteinte  au  com- 
mencement du  XIVe  siècle. 

L'emplacement  de  l'ancien  château-fort  des  Paynel  est 
encore  reconnaissable.  Un  monticule,  de  forme  circulaire, 
situé  sur  le  bord  de  la  Touque  et  élevé  de  3  mètres  en- 
viron au-dessus  du  sol  voisin  ,  en  dessine  l'enceinte  ;  mais  il 
n'y  reste  aucune  trace  de  maçonnerie  ni  de  fossés.  Cette 
vieille  motte  est  aujourd'hui  vouée  à  la  destruction,  les  terres 
qui  la  composent  ayant  été  jugées  utiles  h  des  remblais  voisins, 
et  dans  peu  d'années  on  cherchera  en  vain  le  lieu  où  s'élevait 
cette  antique  forteresse. 

Sur  le  territoire  de  Moutiers-Hnbert  se  voyait  encore ,  il  y 
a  peu  d'années,  le  manoir  des  Maignans,  un  des  plus  intéres- 
sants du  voisinage  :  il  a  été  démoli  il  y  a  environ  vingt  ans. 
Philippot  Hardy  possédait  ce  fief  en  1469.  Il  a  appartenu 
depuis  à  la  famille  Georges,  puis  à  celle  de  Malart  au 
XVIIe  siècle. 


1U 6  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

Le  manoir  de  Launay-Chiffretot  subsiste  encore ,  c'est  une 
construction  en  bois  à  laquelle  une  tourelle  ronde  donne 
un  aspect  pittoresque  ;  elle  est  d'ailleurs  peu  ancienne  :  cette 
terre  a  appartenu  ,  pendant  les  XVIIe  et  XVIIIe  siècles  , 
à  une  branche  de  la  famille  Deshayes.  Jean-Baptiste  Des- 
hayes ,  sieur  de  Launay ,  fit  preuve  de  noblesse  à  Moutiers- 
Hubert  dans  la  recherche  de  1666. 

La  paroisse  de  Moutiers-Hubert  possédait  autrefois,  sur  son 
territoire ,  le  prieuré  de  Notre-Dame-des-Houlettes ,  dépen- 
dance de  l'abbaye  de  Hambye  ,  et  comme  elle  fondé  par  un 
Paynel.  Ce  prieuré  occupait  l'extrémité  solitaire  d'un  petit 
vallon  qu'entoure  la  forêt  ;  aucun  lieu  ne  pouvait  offrir  un 
séjour  plus  retiré  et  plus  digne  d'être  la  demeure  d'un  er- 
mite. La  chapelle  des  Houlettes  a  été  détruite ,  de  même  que 
le  prieuré,  pendant  .la  Révolution  ;  mais  le  sol  qu'elle  occu- 
pait est  encore  l'objet  de  la  vénération  du  peuple  des  cam- 
pagnes voisines. 

Il  a  existé  aussi,  dans  la  paroisse  de  Moutiers-Hubert, 
une  chapelle  dite  de  Sl-Glair ,  dont  les  anciens  pouillés  du 
diocèse  de  Lisieux  ne  font  d'ailleurs  aucune  mention. 


CANTON   D'ORBEC. 


7^7 


CANTON  D'ORBEC. 


Le  canton  d'Orbec  comprend  les  vingt  communes  dont  les 
noms  suivent  : 


Bienfaite. 

Cernay. 

Cerqueux. 

La  Chapelle- Yvon. 

Cordebugle. 

Courtonne-la- Ville. 

La  Cressonnière. 

Le  Croupte. 

St-Cyr-du-Ronceray. 

St-Denys-de-Mailloc. 

Familly. 


La  Folletière-Abenon. 

Friardel. 

St-Julien-de-Mailloc. 

Meulles. 

Orbec  (chef-lieu). 

St-Paul-de-Courtonne. 

St-Pierre-de-Mailloc. 

Préaux. 

Tordouet. 

La  Vespière. 


PREAUX  (1). 

Préaux ,  Ecclesia  de  Pratellts. 

La  commune  de  Préaux  est  réunie ,  pour  le  culte ,  à  celle 
de  Meulles.  L'église  s'élève  dans  une  plaine ,  à  2  kilomètres 
du  bourg  de  Meulles  et  à  1  kilomètre  seulement  de  la  route 
d'Orbec  à  Livarot.  Cette  église,  placée  sous  l'invocation  de 
saint  Sébastien,  appartient  à  la  dernière  époque  de  l'ogive. 

Le  mur  méridional  de  la  nef  est  percé  de  trois  fenêtres 
dont  deux ,  divisées  par  un  seul  meneau ,  présentent  dans 
leur  partie  supérieure  des  compartiments  flamboyants.  La 
fenêtre  du  milieu  a  été  refaite.  Au  nord,  il  n'y  a  que  deux 


(1)  Notes  par  M.  Pannier,  de  la  Société  française  d'archéologie. 


748  STATISTIQUE   MONUMENTALE    OU    CALVADOS. 

ouvertures  :  l'une  trilobée ,  l'autre  partagée  par  un  meneau 
prismatique.  Les  fenêtres  du  chœur  sont  modernes  et  con- 
struites sans  goût.  Celle  du  chevet  a  conservé  sa  forme  pri- 
mitive et  offre  une  grande  ogive  qui  a  été  bouchée  lorsqu'on 
a  placé  le  rétable  du  maître-autel.  La  sacristie,  placée  au 
nord ,  date  de  la  fin  du  XVIIe  siècle ,  ainsi  que  l'indique  le 
chiffre  1680  gravé  au-dessus  de  la  porte. 

Le  portail  s'élève  à  l'occident.  La  fenêtre  qui  surmonte  la 
porte  est  cintrée  et  à  moulures  prismatiques.  La  tour ,  située 
au  nord-ouest ,  est  terminée  par  une  pyramide  à  quatre  pans 
et  à  double  épi  :  cette  pyramide  est  couverte  en  essente  et 
offre  sur  chacune  de  ses  faces  une  petite  lucarne.  La  base 
de  la  tour  était  construite  en  damier  ;  la  pierre  alternait  avec 
le  caillou  et  la  brique  vernie  (verte).  Cette  base ,  qui  a  été 
réparée  sans  aucun  goût,  doit  remonter  à  la  fin  du  XVIe 
siècle.  Elle  supporte  une  poutre  sur  laquelle  est  marqué  le 
chiffre  1599,  qui  indique  l'époque  de  la  construction  de 
tout  le  clocher.  Sur  une  pièce  de  bois  plus  élevée  on  lit 
l'inscription  suivante  qui ,  sans  doute  ,  fait  connaître  le  nom 
du  charpentier  : 

MAS    •     IOVIS    •    CAIONNVI    CAISI    DE    CE    LIEV     • 

La  cloche  porte  l'inscription  suivante  : 

SOVS  LA  PROTEXTION  DE  SAIM  SÉBASTIEN  IAY  ÉTÉ  BÉNIK  DV  VEV  GÉNÉRAL 
ET  EN  PRÉSENCE  DE  LA  MUNICIPALITÉ  ET  DE  TOVS  LES  PAROISSIENS  DE 
PRÉAVX. 

LA  VILLETTE  DE  LISIEVX  DE  PRÉSENT  A  SAINT  MARTIN  DE  LA  L1EVE  MA 
FAITE    AN    1792. 

Diamètre  :  96  centimètres. 

L'intérieur  de  l'église  est  bien  décoré.  Le  maître-autel , 
d'ordre  corinthien ,  a  un  beau  rétable  orné  de  quatre  co- 
lonnes rudentées.  Les  deux  petits  autels  placés  à  l'entrée  du 
chœur  sont  du  même  style. 


CANTON   D'ORBËC.  7&9 

Au-dessus  de  Tare  triomphal  est  une  toile  peinte  appliquée 
contre  le  mur.  La  partie  inférieure  de  cette  toile ,  qui  re- 
présente le  Jugement  dernier ,  a  été  déchirée  ;  on  nous  en 
a  montré  les  débris  qui  ont  été  relégués  dans  la  tour.  La 
partie  supérieure,  qui  seule  a  été  conservée,  montre  les  élus 
dans  le  Paradis. 

Dans  la  nef,  on  remarque  une  jolie  chaire  dans  le  style 
Louis  XIV.  Sur  celte  chaire  est  gravée ,  en  caractères  ro- 
mains ,  l'inscription  suivante  : 

IEAN    LEERON    TRÉZORIER   A   FAICT 
FERRE    LA    CHER  RE    EN    L'AN    1669. 

Sur  un  vitrail  de  la  nef  se  voit  un  écusson  d'azur  au 
soleil  d'or  sortant  d'wie  fleur  .  .  .  aussi  d'or ,  feuillée  de 
k  feuilles  de  sinople. 

On  voit ,  dans  le  cimetière ,  un  très-bel  if  qui  a  U  mètres 
20  centimètres  de  circonférence. 

Château. —  Le  château  de  Préaux,  situé  en  face  du  portail 
de  l'église ,  est  appelé  par  les  habitants  de  la  commune  la 
Moinerie ,  ce  qui  fait  supposer  que  c'était  un  ancien  prieuré. 
Ce  château  appartient  à  deux  époques  différentes.  Le  corps- 
de-logis  principal  .  construit  en  pierre  et  surmonté  d'un 
fronton ,  a  dû  être  élevé  sous  Louis  XV.  Ce  bâtiment  est 
flanqué ,  au  nord ,  de  deux  jolies  tourelles  en  pierre  percées 
chacune  d'une  fenêtre  carrée  avec  nervures  prismatiques. 
L'une  des  fenêtres  est  garnie  d'une  belle  grille  en  fer  dont 
les  barreaux  offrent  des  annelures,  alternativement  horizon- 
tales et  verticales,  artistemenl entrelacées  (même  disposition 
que  la  grille  d'une  maison  située  à  Lisieux ,  a  l'angle  de  la 
rue  du  Paradis  et  de  la  Grand'Rue).  Ces  tourelles  sont  plus 
anciennes  que  le  corps-de-logis  et  doivent  remonter  au  XVIe 
siècle.  Le  tout  est  surmonté  de  belles  cheminées  en  briques 


750  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

présentant ,  dans  la  partie  inférieure ,  une  série  d'arcatures. 
Dans  la  cour  s'élève  un  beau  colombier  décoré  de  pilastres. 
On  remarque  dans  sa   construction  des  assises  alternatives 
de  brique  et  de  pierre. 


MEULLES  (1). 


Meulles ,  Molce ,  Mollce ,  M oeles ,  Meules. 

La  paroisse  de  Meulles  s'étend  dans  la  plaine  qui  sépare 
la  vallée  de  la  Touque  de  la  vallée  de  l'Orbiquet.  Son  ori- 
gine est  fort  ancienne ,  car  on  la  trouve  mentionnée  dans 
des  chartes  dès  le  commencement  du  XIe  siècle.  Toutefois , 
jusqu'à  présent ,  on  n'a  pas  trouvé  sur  son  territoire  de  ves- 
tiges de  l'occupation  romaine.  " 

L'église  est  un  grand  vaisseau  largement  éclairé  ;  le  chœur 
forme  une  très-légère  retraite  sur  la  nef.  On  y  entre  par 
une  porte  moderne ,  ouverte  dans  le  mur  de  l'ouest  et  pré- 
cédée d'un  appentis  en  briques  qui  joue  le  rôle  de  porche. 
Au-dessus ,  dans  le  triangle  du  pignon ,  s'ouvre  une  fenêtre 
également  moderne.  L'amortissement  du  gable  est  une  croix 
de  fer  dont  le  pied  sort  d'une  gerbe  de  lis  emboutie  :  je  ne 
crois  pas  que  cette  œuvre  de  ferronnerie  puisse  remonter 
jusqu'au  XVIe  siècle. 

La  tour  flanque  l'angle  nord,  au  niveau  du  mur  du  portail  ; 
mais  elle  fait  complètement  saillie  sur  le  mur  latéral.  Elle 
offre  les  caractères  de  l'époque  romane.  Deux  contreforts 
très-plats  en  grison  buttent  chaque  face  ;  les  murs  sont  en 
blocage  de  silex.  La  seule  ouverture  qu'elle  possède  est  une 
petite  fenêtre  cintrée  ouverte  à  la  base ,  vers  l'ouest.  Le  cou- 

(i)  Notes  par  M.  Gh.  Vasseur. 


CANTON  D'ORBEC.  751 

ronnement  consiste  en  une  pyramide  carrée  servant  de  base 
à  une  flèche  couverte  d'ardoise. 

Les  murs  latéraux  sont  d'époques  diverses.  Celui  du  nord, 
divisé  en  travées  régulières  par  des  contreforts  peu  saillants 
et  parementé  en  pierre  de  marne  de  grand  appareil ,  date  du 
XVI0  siècle.  Les  fenêtres  ont  été  repercées  postérieurement, 
sauf  une.  Au  midi ,  la  première  travée ,  près  du  chœur ,  est 
seule  du  XVIe  siècle  ;  le  reste  est  moderne ,  comme  toutes 
les  ouvertures. 

Le  chœur  tout  entier  appartient  au  XIIIe  siècle ,  mais  il  a 
subi  des  remaniements  considérables  ;  les  seules  parties 
restées  caractérisées  sont  les  deux  contreforts  du  chevet ,  la 
corniche  en  quart  de  rond  des  murs  latéraux.  Les  fenêtres 
sont  du  XVIIIe  siècle ,  ou  même  plus  récentes  du  côté  du 
nord  ;  mais  dans  la  travée  centrale  du  midi  subsiste  une  belle 
ogive  à  moulures  prismatiques,  avec  un  meneau  et  une  tra- 
cerie  flamboyante;  les  autres  sont,  comme  au  nord,  sans 
caractère. 

Une  sacristie  en  pierre,  du  XVIIIe  siècle,  d'assez  bonne 
construction,  cache  la  plus  grande  partie  du  chevet;  on  con- 
state pourtant  encore  qu'il  était  presque  tout  entier  occupé 
par  une  large  fenêtre. 

Les  combles  sont  couverts  en  ardoise,  ce  qui  leur  ôte 
beaucoup  d'ampleur  et  d'effet. 

L'intérieur,  modernisé  ,  peut  se  décrire  en  quelques 
lignes.  Voûtes  plâtrées,  après  enlèvement  des  charpentes 
apparentes.  Maître-autel  insignifiant,  avec  un  tableau  daté 
de  1821.  Le  tabernacle,  de  forme  ovale,  avec  trois  niches, 
offre  des  peintures  intéressantes. 

Dans  la  seconde  fenêtre,  au  nord,  il  subsiste  quelques 
fragments  de  vitraux ,  entre  autres  un  petit  sujet,  venant 
d'un  couronnement  de  fenêtre  flamboyante,  représentant  le 
Christ  en  croix  avec  la  Vierge  et  saint  Jean. 


752  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Indiquons  encore,  comme  méritant  un  coup-d'œil ,  six 
stalles  en  chêne  sculpté  style  Louis  XV,  d'un  bon  travail. 

L'arc  triomphal  consiste  en  une  ogive  à  moulures  pris- 
matiques portées  sur  deux  pieds-droits  semi -cylindriques  , 
disposition  propre  au  XVIe  siècle. 

Les  deux  petits  autels  qui  l'accompagnent  doivent  remonter 
au  règne  de  Louis  XIV.  Ils  sont  à  tombeau  droit.  Leur  ré- 
table se  compose  de  deux  colonnes  corinthiennes  cannelées, 
rudentées,  portant  un  fronton  cintré  coupé  en  volute,  avec 
un  cartouche  au  centre  pour  amortissement.  Une  niche  oc- 
cupe l'entrecolonnement. 

La  tour  était  autrefois  en  communication  avec  l'église  au 
moyen  d'une  arcade  légèrement  ogivale,  à  large  voussure 
sans  aucune  moulure ,  appareillée  en  grison.  Ce  caractère 
fixerait  la  construction  de  la  tour  à  l'époque  de  transition  , 
bien  que  son  aspect  extérieur  accuse  une  époque  un  peu  an- 
térieure. 

Les  amateurs  d'ancienne  liturgie  trouveront,  dans  la  sacristie 
de  Meulles,  une  petite  bibliothèque  digne  de  fixer  l'attention. 
Nous  citerons  seulement  : 

1°  Un  Missel  de  1672.  Lyon  ,  Antoine  Beaujollin  ; 

2°  Un  Antiphonarium.  Parisiis,  ve  Hérissant,  1695; 

3°  Missale  Romanorum  ex  decreto  sacrosanai  Concilii 
Tridentini  restitutum,  etc.  Lutetiae  Parisiorum,  sumptibus 
Joannis  Henault ,  JV1DGLV. 

Le  frontispice  représente  saint  Pierre  et  saint  Paul  et  deux 
anges  au  pied  d'une  croix. 

M.  Bouet  a  dessiné  un  lutrin  qui  pourrait  être  contem- 
porain de  ces  vieux  livres,  et  qu'en  cette  qualité,  sans  doute/ 
on  a  relégué  dans  un  magasin  humide. 

La  Confrérie  de  charité  a  été  érigée,  en  1552  ,  sous  l'ad- 
ministration du  cardinal  Jacques-  d'Annebaut.  Elle  obtint 
une  bulle  d'Urbain  VIII  en  1637.  Supprimée,  à  la  Révo- 


CANTON    D'ORBEC.  753 

lution ,  au  nom  de  la  liberté,  elle  s'est  reconstituée  en  1803; 
elle  remplit  encore  ses  fonctions. 

Les  statuts  n'offrent  rien  de  particulier.  On  trouve  son 
blason  dans  V Armoriai  de  d'Hozier. 

L'église  de  Meulles  fait  partie  du  doyenné  d'Orbec  :  elle 
est  dédiée  à  saint  Pierre.  Le  patronage  appartenait  à  l'abbaye 
de  St-Pierre-sur  Dives.  Primitivement,  Beaudouin  de  Meulles, 
fils  du  fameux  comte  Gillebert  de  Brionne ,  en  avait  aumône 
la  moitié  à  l'abbaye  de  St-Amand  de  Rouen ,  pro  maire  sua. 
Ce  monastère  a  conservé  dans  la  paroisse  des  biens  taxés  à 
50*  de  décimes. 

S'il  faut  en  croire  Farin,  les  religieuses  Emmurées  de 
Rouen  reçurent  aussi  de  saint  Louis,  au  moment  de  leur 
fondation ,  une  masure  et  jardin  à  lui  appartenant  a  Meulles , 
diocèse  de  Lisieux,  pour  en  faire  une  grange. 

La  croix  de  cimetière  date  du  dernier  siècle.  L'if  situé  à 
l'angle  nord-ouest  de  l'enclos  est  magnifique  ;  son  tronc  me- 
sure 1  1  pieds  de  circonférence. 

Renseignements  historiques.  —  Le  plus  ancien  seigneur 
de  Meulles  mentionné  dans  l'histoire  est  Beaudouin,  deuxième 
fils  du  comte  Gillebert  de  Brionne ,  issu  des  ducs  de  Nor- 
mandie ;  il  prit  part  à  la  conquête  de  l'Angleterre  ,  et  obtint 
du  Conquérant  la  ville  d'Exeter  et  la  vicomte  de  Devonshire. 
Il  mourut  en  1091.  Il  eut  un  lils ,  nommé  Robert,  et  une 
fille  qui  épousa  Guillaume  d'Avranches. 

Un  seigneur  de  Meulles  se  battit  à  Brenneville  ,  en  1119, 
du  côté  de  Guillaume  Cliton ,  dernier  rejeton  des  ducs  de 
Normandie. 

Vers  1207  ,  Nicolas  de  Meulles  fit  des  donations  à  l'abbaye 
de  St-Pierre-sur-Dives  ;  enfin  ,  en  1366  ,  Guillaume  de 
Meulles  aumônait  aussi  des  biens  à  l'hôpital  d'Orbec. 

Le  registre  des  dons  de  Henry  V,  roi  d'Angleterre,  parle 

&8 


754  STATISTIQUE    MONUMENTAL?    DU    CALVADOS. 

de  damoiselle  Catherine  de  Meulles  ,  veuve  de  feu  Renard  de 
Chambray  ;  mais  je  n'ai  pu  établir  une  filiation  suivie  pour 
ces  divers  personnages  qui ,  probablement ,  n'appartiennent 
pas  à  la  même  famille. 

A  la  fin  du  XVe  siècle  et  au  XVIe ,  on  trouve  mention 
d'un  certain  nombre  de  fiefs  situés  sur  le  territoire  de 
Meulles  :  le  Hamel-Crossart,  appelé  par  Cassini  le  Hameau- 
Boissard,  possédé,  en  1469,  par  Robin  des  Landes;  — 
firionne ,  qui  fut  longtemps  dans  la  maison  d'Harcourt  ;  — 
les  Esteux ,  dont  on  trouve  en  possession,  en  1469,  un 
nommé  Pierre  La  Perque;  en  1524  ,  Marc  de  Malenoue;  et, 
au  commencement  du  XVIIIe  siècle ,  Philippe  de  Mailloc  , 
d'une  autre  famille  que  les  titulaires  de  la  baronnie  de 
Mailloc;  — enfin  la  Cousture,  dont  jouissait,  en  1562, 
Julien  Cruerin  ,  escuyer. 

La  paroisse  de  Meulles  dépendait  de  l'élection  de  Lisieux , 
sergentcrie  d'Orbec.  Elle  ;  comptait  220  feux  ou  1,100  ha- 
bitants. La  population  actuelle  est  de  780. 

Maistre  Pierre  Després,  régent  au  collège  Dubois  vers 
1517,  docteur  en  théologie  et  très-grand  prédicateur,  a  vu 
le  jour  au  village  de  Meulles. 

FAMILLY  (1). 


Fami lly  ,  Famille  yum. 

Comme  Meulles,  cette  paroisse  occupe  une  plaine,  au  milieu 
de  laquelle  s'élève  l'église  isolée  ,  sans  agglomération  de 
maisons.  Le  château,  situé  un  peu  plus  loin  au  nord  de 
l'église  ,  occupe  seul  la  ligne  d'horizon  ;  sa  silhouette  est  peu 
mouvementée. 


(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON   D'ORBEC.  755 

L'église  est  sans  importance  et  sans  valeur  architecto- 
nique.  Le  portail  pratiqué  dans  le  pignon  occidental  est  mo- 
derne. La  porte  d'entrée  se  trouvait  autrefois  dans  la  dernière 
travée  du  côté  du  sud.  On  en  voit  encore  la  trace  :  elle 
avait  un  linteau  droit  sur  lequel  on  avait  tracé  légèrement  en 
creux  une  accolade.  Un  porche  ,  dont  on  trouve  encore  les 
arrachements,  la  protégeait.  Les  fenêtres  sont  régulièrement 
disposées  sur  les  deux  murs  latéraux,  divisés  en  quatre  travées 
par  des  contreforts.  Ces  fenêtres,  ogivales  ou  cintrées  sublri- 
lobées ,  accusent  la  fin  du  style  ogival  tertiaire.  En  effet,  la 
construction  ne  doit  pas  être  antérieure  au  XVIe  siècle,  car 
les  murs  et  les  contreforts  sont  bâtis  en  grès,  et  l'exploitation 
de  ces  roches  n'a  pas  dû  se  faire  avant  la  fin  du   XVe  siècle. 

Le  clocher,  en  ardoise,  n'offre  rien  à  signaler;  seulement, 
au  lieu  d'être  à  cheval  sur  le  faîte  ,  suivant  l'usage,  il  s'élève 
sur  l'angle  sud-ouest,  et  sa  base  forme  saillie  à  l'intérieur, 
au-dessus  de  la  porte  primitive. 

Le  chœur  ,  en  retraite  sur  la  nef,  n'a  aucun  caractère  qui 
puisse  mettre  à  même  de  déterminer  l'époque  de  sa  con- 
struction ;  les  murs  sont  en  blocage  de  silex  non  taillé  ,  avec 
angles  en  grès  grossier,  sans  contreforts.  Les  ouvertures  sont 
du  XVIIe  siècle. 

Le  maître-autel  à  haut  rétable,  à  tombeau  droit ,  revêtu 
d'un  parement  de  toile  peinte ,  peut  remonter  au  XVIIe 
siècle  ,  mais  il  a  certainement  été  retravaillé  à  une  époque 
récente. 

La  voûte  a  été  blanchie ,  et  on  a  coupé  les  entraits  qui  la 
maintenaient. 

Lare  triomphal  est  ogival  avec  moulures  prismatiques  por- 
tant sur  des  pieds-droits  semi-cylindriques. 

La  voûte  de  la  nef,  assez  bien  conservée,  accuse  le  XVe 
ou  le  XVI*  siècle.  Ses  sablières  sont  soutenues  par  des  cor- 


756  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

beaux  de   pierre  fort  saillants ,  comme  nous  en  avons  déjà 
rencontré  à  Ouillie-du-Houlley ,  et  au  Mesnil-Guillaume. 

Les  deux  petits  autels  dédiés  à  saint  Jean-Baptiste  et  à  la 
Sainte- Vierge  datent  du  règne  de  Louis  XIV.  Ils  ont  été 
enlevés  à  l'église  supprimée  de  la  Halboudière.  Leurs  re- 
tables se  composent  de  deux  colonnes  torses  avec  ceps  de 
vigne ,  portant  un  fronton  coupé  en  volute  ,  avec  une  niche 
en  amortissement.  Un  tableau 
occupe  le  centre. 

Deux  petites  piscines  ac- 
compagnent ces  autels. 

Il  reste  aux  fenêtres  quel- 
ques lambeaux  de  vitraux 
dans  le  style  de  la  Renaissance. 

Les  fonts  baptismaux  sont 
en  grès  ,  de  forme  octogone  ; 
sans  la  date  1696  qu'on  voit 
sur   une  des  faces,  on  les  attribuerait  facilement  au  XVIe 
siècle. 


La  sacristie  est  surmontée  d'une  croix 
en  fer  assez  curieuse,  dont  nous  croyons 
devoir  donner  le  dessin. 

L'église  de  Familly  est  sous  l'in- 
vocation de  saint  Jean-Baptiste.  Elle 
était  comprise  dans  le  doyenné  d'Or- 
bec.  Le  patronage  appartenait  à  l'évêque 
de  Lisieux.  Suivant  un  acte  des  archives 
du  Calvados  ,  du  5  septembre  \kkk  , 
ce  droit  lui  fut  contesté  par  le  cha- 
pitre ,  et  en  1451  l'un  et  l'autre  pré- 
sentèrent de  concert. 


CAKTON    d'oKBF.C.  757 

Château  —  Le  château  est  situé  au  nord  de  l'église,  dans 
une  ligne  parallèle,  au  milieu  d'un  vaste  enclos  et  sans  aucun 
entourage.  On  peut  considérer  que  ce  qui  existe  actuelle- 
ment n'est  qu'une  aile  du  château  primitif,  soit  qu'il  ait  été 
terminé  ,  ou  qu'il  soit  resté  en  projet.  Un  fossé  devait  en- 
tourer le  pied  des  murs  :  on  en  voit  encore  quelques  traces 
devant  la  façade  du  nord.  L'architecture,  dans  ses  princi- 
pales parties ,  rappelle  l'évêché  de  Lisieux.  Toutefois ,  la 
brique  seule  a  été  employée  et  d'après  un  système  tout  par- 
ticulier. 

Dans  l'état  actuel ,  la  principale  façade  regarde  le  nord. 
Elle  est  flanquée  à  ses  extrémités  par  deux  pavillons.  Les 
angles  sont  à  refends  ;  les  trumeaux  ,  dans  l'intervalle  des 
fenêtres,  sont  occupés  par  des  cartouches  ménagés  en  re- 
creusant tout  autour  le  parement  de  la  muraille  ,  enduit 
ensuite  d'un  crépi  jaunâtre  qui  fait  ressortir  la  couleur  rouge 
de  la  brique.  On  a  ,  par  ce  même  procédé  ,  tracé,  au-dessus 
du  cordon  de  séparation  des  deux  étages ,  une  balustrade  à 
fuseaux  renflés  d'un  galbe  Jéger  et  délicat.  Des  lignes  de 
briques  noires  forment  zigzag  sur  la  frise  de  la  corniche, 
et  dessinent  des  losanges  sous  l'appui  des  fenêtres  (V.  la 
page  suivante). 

Le  corps  central  compte  cinq  fenêtres  et  sa  décoration  est 
semblable  à  celle  des  deux  pavillons.  Les  combles  sont  en 
ardoise ,  coupés  harmonieusement  par  des  lucarnes  à  fronton 
alternativement  triangulaire  et  circulaire.  Ce  motif  est  imité 
certainement  de  la  partie  de  l'évêché  de  Lisieux  qui  date  du 
règne  de  Louis  XIII. 

La  façade  du  sud  présente  une  disposition  analogue  dans 
la  moitié  de  son  étendue  ;  l'autre  moitié  offre  des  amorces  et 
des  remaniements  confus  qui  indiquent  évidemment  qu'un 
corps-de-logis,  maintenant  détruit,  s'appuyait  sur  cette  partie. 
Ce  devait  être  le  corps  principal. 


758  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


PARTIE  DE  LA  DÉCORATION  EXTÉRIEURE  DU  CHATEAU  DE  FAMILLY. 


CANTON   D'ORBEC.  759 

«  Dans  son  état  actuel ,  »  dît  M.  Ch.  Vasseur ,  «  ce  châ- 
«  teau  n'est  pas  encore  dépourvu  d'importance.  Le  procédé 
«  employé  pour  sa  décoration  ,  avec  une  seule  sorte  de  ma- 
«  tériaux  vulgaires,  en  même  temps  ingénieux  et  écono- 
«  mique,  indique  un  architecte  consommé  dont  on  doit 
«  regretter  d'ignorer  le  nom.  Est-il  permis  de  faire  une 
«  conjecture  ?  Cet  architecte  serait  celui  que  Léonor  de 
u  Matignon,  évêque  de  Lisieux,  employa  à  la  reconstruction 
((  de  son  palais  épiscopal  à  la  fin  du  XVIIe  siècle.  J'en  trou- 
«  verais  la  preuve  dans  un  même  procédé  de  décoration 
«  employé  pour  transformer  les  murs  du  XIIe  siècle ,  de 
a  l'aile  occidentale ,  et  dans  les  hardis  emprunts  faits  par 
et  le  constructeur  de  Familly  au  vieux  bâtiment  Louis  XIII , 
«  qui  fait  façade  sur  la  place  Royale.  Le  hasard ,  des  re- 
«  cherches  postérieures  ,  viendront,  j'espère  ,  confirmer  mes 
«  présomptions.  Familly  était  un  demi-fief  de  haubert 
«  d'abord  possédé  par  des  seigneurs  du  nom.  En  1241  , 
«  Nicolas  de  Familly  renonce  à  toute  prétention  sur  le  pa- 
«  tronage.   » 

La  Recherche  de  la  noblesse,  faite  en  152&,  trouva  à 
Familly  Nicolas  Lecourt ,  sieur  du  lieu  ,  ennobli  par  le  roi 
Louis  XI. 

En  1562  ,  cette  terre  appartenait  à  Loys  d'Irlande. 

Un  siècle  après,  en  1662,  on  la  trouve  entre  les  mains 
de  messire  Adrian  de  Maintetcrnes  ,  escuier ,  conseiller  du 
roy,  vicomte  enquesteur  et  commissaire  examinateur  en  la 
vicomte  du  Sap.  Il  vivait  encore  en  1676.  C'est  à  lui,  sans 
aucun  doute ,  qu'on  doit  la  construction  du  château. 

En  1789,  I\l .  d'Avernes  était  seigneur  de  Familly.  Le 
château  est  actuellement  habité  par  M.  le  comte  de  Pardicu, 
membre  de  l'Association  normande. 

La  paroisse  de  Familly  était  comprise  dans  l'élection  de 
Lisieux ,  sergenterie  d'Orbec.  Elle  comptait  61  feux  ou  300 


760  STATISTIQUi    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

habitants.  On  y  a  réuni  la  Halboudièrc ,  dont  nous  allons 
parler  tout  à  l'heure  ,  qui  comptait  également  300  habitants. 
Aujourd'hui,  ces  deux  paroisses  réunies  sont  réduites  à  277 
âmes. 

LA  HALBOUDIERE  (1). 

La  Halboudière ,  Halebouderia  ,  Halbouderia. 
La  commune  de  la  Halboudière  a  été  réunie  à  celle  de 
Familly  le  31  mars  1825. 

L'église,  supprimée,  sert  de  grange.    Le  clocher  a   été 
démoli. 

La  nef  porte  tous  les  caractères  des  XVe  et  XVIe  siècles. 
Elle  est  construite  en  grès  taillé  ,  de  très-grande  dimension. 
Le  portail,  placé  à  l'ouest,  est  accompagné  de  quatre  con- 
treforts ;  ceux  du  centre  plus  élevés.  La  porte  est  à  linteau 
droit.  Les  murs  latéraux  ont  quatre  gros  contreforts  sans  re- 
traites. Des  fenêtres  s'ouvrent  dans  chaque  travée  ;  elles  sont 
toutes  cintrées  avec  voussures  à  moulures  prismatiques ,  et 
celles  qui  occupent  la  travée  la  plus  rapprochée  du  chœur 
possèdent  seules  un  meneau.  On  les  avait  faites  plus  larges , 
sans  doute  pour  éclairer  les  petits  autels. 

La  fenêtre  intermédiaire  ,  du  côté  du  nord ,  est  protégée 
par  une  grille  annelée  en  fer  rond. 

Le  chœur  est  presque  aussi  long  que  la  nef ,  en  blocage 
recrépi.  A  l'angle  nord-est,  on  trouve  les  amorces  d'un 
contrefort  qui  n'existe  plus.  Ce  chœur  doit  dater  du  XIIIe 
siècle  ;  mais  il  a  été  repercé  de  fenêtres  carrées  au  XVIIIe. 
Alors  on  a  bouché  la  grande  fenêtre  ogivale  du  chevet  et 
une  lancette  aiguë ,  placée  au  sud ,  dans  la  première  travée. 
Bien  que  divisé  par  des*  cloisons ,  l'intérieur  a  gardé  un 

(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON    D'ORBEC.  761 

aspect  encore  assez  pittoresque ,  capable  d'inspirer  un  artiste 
ou  un  poète.  La  voûte  de  la  nef ,  dont  les  douvettes  étaient 
bordées  d'ornements  dessinés  en  noir  sur  fond  blanc ,  était 
maintenue  par  deux  fermes  apparentes.  La  base  du  clocher 
faisait  saillie  à  l'ouest ,  au-dessus  de  la  porte  d'entrée. 

Il  n'y  avait  point  d'arc  triomphal  ;  la  délimitation  du  chœur 
et  de  la  nef  était  indiquée  par  le  retrait ,  et  la  voûte  du 
chœur  ayant  une  base  moins  large  était  plus  aiguë  ,  afin 
d'arriver  a  la  même  hauteur  de  faîte. 

Le  maître -autel  est  resté  en  place  dans  un  délabrement 
fort  pittoresque  ;  il  était  conçu  dans  de  petites  proportions. 
Le  rétable  consistait  en  deux  colonnes  torses  portant  un 
entablement  en  trapèze.  Des  ceps  de  vigne  courent  du  haut 
en  bas  des  colonnes ,  reliées  au  tiers  inférieur  par  une  cou- 
ronne fleurdelisée. 

La  décoration  de  la  voûte  doit  être  contemporaine  de  cet 
autel.  Deux  cartouches  contiennent  des  inscriptions  qui  nous 
font  connaître  la  date  exacte  et  le  nom  de  l'auteur  de  ces 
travaux. 


M.  P. 

M.  P.  M. 

MORIN 

PBrc  Curé 

De  •  ce  •  Li 

1639. 

EU. 

Il  paraît  qu'au  moment  de  la  Révolution  les  gens  de  la 
Ilalboudière  se  distinguèrent  par  leur  zèle  pour  le  progrès  et 
Ils  idées  nouvelles ,  car  ils  firent  un  feu  de  joie  de  toutes  les 
statues  de  saints  de  leur  église  ;  nous  en  avons  retrouvé , 
sous  l'autel,  les  tronçons  informes  et  à  demi  brûlés,  sauvés 


762  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

par  une  main  pieuse.   On  doit  regretter ,  entre  autres ,  une 
Vierge  qui  devait  avoir  quelque  mérite. 

Les  deux  petits  autels  de  la  nef  ont  été  transportés  à  Fa- 
milly.  Us  étaient  contemporains  de  celui  du  chœur. 

Du  côté  du  sud,  on  voit  des  vestiges  de  peinture 
murale  cachés  autrefois  par  l'un  d'eux.  On  ne  distingue 
plus  que  les  contours  d'un  personnage  esquissé  à  l'ocre 
rouge,  peut-être  un  saint  Michel,  avec  quelques  vestiges 
d'ornementation  architecturale.  Cette  peinture  remonte  au 
moins  au  XIVe  siècle.  Sous  la  fenêtre  voisine  est  une 
petite  piscine  en  accolade. 

On  trouve  dans  l'ébrasure  d'une  autre  fenêtre  le  blason 
d'une  litre  funèbre  :  trois  croissants  sur  champ  de  gueules. 

La  croix  du  clocher ,  gisant  parmi  les  débris ,  doit  re- 
monter au  XIVe  siècle.  Elle  est  assez  richement  travaillée , 
comme  le  fait  voir  le  dessin  de  M.  Bouet.  (V.  la  page  763.) 

L'if  du  cimetière  subsiste  encore ,  vis-à-vis  du  portail  ;  il 
mesure  un  peu  plus  de  7  pieds  de  circonférence. 

L'église  de  la  Halboudière ,  dédiée  à  Notre-Dame ,  faisait 
partie  du  doyenné  d'Orbec.  Le  patronage  en  appartenait  à 
l'évêque  de  Lisieux  ;  mais  il  lui  fut  plusieurs  fois  disputé 
par  les  seigneurs  temporels  du  lieu.  On  a  une  sentence  des 
assises  du  bailliage  d'Orbec ,  du  29  juin  U87»  qui  met  à 
néant  les  prétentions  de  Thomas  Thiesse ,  qui  regardait  le 
droit  de  présentation  comme  un  privilège  de  son  fief  du 
Trembley. 

Au  XVIIIe  siècle ,  les  pouillés  attribuent  le  patronage  au 
seigneur. 

D'après  les  recherches  de  M.  Ch.  Vasseur ,  la  Halbou- 
dière était  un  huitième  de  fief  relevant  de  la  baronnie  d'Orbec, 
et  pendant  tout  le  XVIe  siècle  les  barons  d'Orbec  se  quali- 
fièrent seigneurs  du  lieu ,  de  Bienfaite  et  de  la  Halboudière. 
Néanmoins  cette  terre  avait ,  dans  ce  temps-là  même ,  des 


CANTON   D'OKBEC. 


763 


r  3 


nOJX    DK    LA    HALBOUDIÈBE. 


764  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

seigneurs  particuliers.  On  trouve  parmi  les  nobles  du  bailliage 
d'Évreux,  en  1469,  «  maistre  Guillaume  Myée  ,  prebtre  , 
seigneur  de  la  Halboudière  et  de  Beauvoir.  » 

Un  ancien  a  registre  de  la  Recepte  de  la  sieurie  de 
Beauvoir  »,  de  la  Si-Michel  1476  à  1479,  le  mentionne 
encore  comme  seigneur  du  même  lieu  avec  ce  protocole  : 
vénérable  et  discrète  personne  Guillaume  Mièe ,  officiai  de 
Lisieux. 

Il  paraît  probable  qu'après  lui  le  fief  tomba  en  quenouille. 

En  1524,  on  trouve  en  possession]  de  ce  fief  Guillaume 
Thiesse,  qui  fait  apparoir  aux  élus  de  Lisieux ,  comme  il  fut 
déclaré  noble  par  les  commissaires  des  finances. 

En  1562,  Charles  Thiesse,  écuyer ,  se  qualifie  seigneur 
du  fief  du  Trembley ,  de  la  paroisse  de  la  Halboudière.  Un 
acte  de  1573  parle  de  Anthoine  Thiesse,  sieur  de  La  Fon- 
taine et  de  la  Halboudière. 

Avec  le  XVIIe  siècle  paraît  une  autre  famille ,  celle 
d'Epinay.  En  1641  ,  Jean  d'Epinay ,  seigneur  de  Campigny, 
Grandval ,  la  Halboudière ,  etc.  ,  et  Madeleine  Ozanne ,  sa 
femme  ,  marient  leur  fille  à  Gabriel  des  Hays  de  Forval , 
seigneur  de  La  Cauvignière.  En  1697,  les  d'Épinay  en  jouis- 
saient encore ,  et  la  litre  funèbre  signalée  dans  l'église  doit 
porter  leurs  armes. 

LA    FOLLET1ÈRE-ABENON   (1). 

La  Folletière-Abenon. 

Sur  le  penchant  d'un  coteau  qui  regarde  le  couchant,  et 
près  des  sources  de  l'Orbiquet ,  s'élève  la  petite  église  de  la 
Folletière  dont  la  construction  remonte  à  l'époque  romane 
(XIe  ou  XIIe  siècle). 

(1)  Notes  de  M.  Pannier. 


CANTON    D'OttBEC.  765 

Les  murs  de  la  nef,  dépourvus  de  contreforts,  affectent  la 
disposition   en  arêtes  de  poisson. 

Le  chœur  est  en  retraite  sur  la  nef. 

Toutes  les  fenêtres  sont  modernes,  deux  ouvertures  éclai- 
rent la  nef,  de  chaque  côté.  Une  fenêtre  cintrée  en  brique 
est  percée  dans  chacun  des  murs  latéraux  du  chœur. 

Le  clocher,  autrefois  couvert  en  essente,  s'élève  à  l'extré- 
mité occidentale  de  la  nef.  Deux  petites  fenêtres  trilobées 
s'ouvrent  dans  le  mur  occidental ,  dans  lequel  est  pratiquée 
une  petite  porte  en  brique  sans  caractère. 

Une  litre  funèbre   (avec  écusson)  apparaît  sur  les  murs. 

Les  voûtes  sont  en  lambris. 

Le  maître-autel,  dans  le  style  Louis  XIV,  est  à  colonnes 
torses  entourées  de  pampres. 

Les  deux  petits  autels  latéraux  ,  placés  à  l'extrémité  de  la 
nef,  datent  du  XVIIe  et  du  XVIIIe  siècle.  L'entablement  d'un 
de  ces  autels  est  supporté  par  des  colonnes  cannelées. 

Devant  le  portail  se  dresse  un  bel  if. 

Dans  un  pré ,  on  voit  la  source  principale  de  l'Or- 
biquet  (  V.  la  page  suivante  ) ,  qui  est  considérable ,  sort 
de  la  craie  verte  et  forme  au  pied  d'un  coteau  une  belle 
nappe  d'eau.  J'en  ai  parlé  dans  ma  Topographie  gèognos- 
lique  du  Calvados.  Près  de  ces  eaux  croît  le  Phalaris  arun- 
dinacea ,  var.  variegata ,  qui  est  cultivée  dans  nos  jardins 
anglais  et  fait  l'ornement  de  nos  pelouses. 

A  peu  de  distance  de  l'église ,  au  midi ,  jaillit  une  autre 
source  en  forme  d'entonnoir ,  à  laquelle  on  accède  par  un 
escalier  en  pierre.  Cette  source ,  d'un  effet  pittoresque  , 
est  entourée  d'arbres  de  haut  jet  qui  la  dérobent  aux 
regards. 

Ça  et  là  apparaissent,  dans  les  vergers  en  côte  qui  bor- 
dent le  chemin,  d'énormes  blocs  de  grès. 

La   Molletière  et  Abenon  ,  réunies  par  ordonnance  du  22 


706  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


CANTON  d'orbec.  767 

juin  1825  ,  formaient,  avant  cette  époque  ,  deux  communes 


distinctes. 


ABENON  (1). 

Abenon,  Abernon ,  Abernwn^  Abesnon. 

La  paroisse  d'Abenon  est  réunie  pour  l'administration 
civile  et  pour  le  culte  à  la  Folletière.  L'église  est  rasée.  J'ai 
été  assez  heureux,  en  1851,  pour  la  visiter  et  en  faire  un 
croquis.'  Elle  était  située  dans  la  vallée  ,  sur  la  rive  droite  de 
la  rivière  ,  et  dominée  par  un  coteau  boisé.  Elle  appar- 
tenait à  trois  époques  distinctes.  La  partie  sud-est  de  h  nef, 
construite  en  blocage  avec  un  large  contrefort  plat,  était 
romane.  Le  reste  ainsi  que  le  mur  latéral  du  nord  et  le 
pignon  de  l'ouest ,  construits  en  grand  appareil ,  dataient  du 
XVIe  siècle.  Le  chœur  ne  devait  pas  être  plus  ancien  que  le 
XVIir  siècle.  Les  ouvertures  étaient  contemporaines  des 
parties  dans  lesquelles  on  les  avait  pratiquées. 

Le  clocher  consistait  en  un  corps  carré  portant  une  pyra- 
mide octogone  ,  recouverte  d'essente.  Il  était  assis  à  peu  près 
au  centre  de  la  nef. 

L'intérieur,  ouvert  à  tout  venant,  n'avait  conservé  aucun 
mobilier.  Les  voûtes  ,  cintrées  et  lambrissées  en  sapin , 
s'effondraient ,  et  les  murs  verdis  laissaient  à  peine  voir  les 
traces  d'une  litre  funèbre  aux  armes  de  la  famille  d'Irlande  , 
qui  possédait  le  fief  au  dernier  siècle.  Pourtant  le  patronage, 
d'après  les  pouillés  ,  appartenait  à  l'abbaye  de  l'Isle-Dieu. 
L'église  était  dédiée  à  saint  Barthélémy. 

Administrativement,  elle  dépendait  de  l'élection  de  Lisienx, 
sergenterie  d'Orbec.  On  y  comptait  55  feux  ,  environ   275 

(i)  Noies  de   M.  Ch.   Vasscur. 


778         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

tretenue  avec  soin.  C'est  une  simple  nef  en  moellon  avec 
chaînages  de  pierre  de  marne  et  corniche  classique,  qui  doit 
dater  seulement  du  dernier  siècle.  Six  fenêtres  cintrées,  dis- 
posées symétriquement,  l'éclairent.  Le  chevet  est  droit,  sans 
ouvertures.  Le  portail  consiste  en  une  grande  porte  cintrée. 
Au-dessus  du  pignon  s'élance  le  petit  clocher,  d'une  forme 
assez  élégante,  autrefois  revêtu  d'essente.  La  croix  et  le  coq 
paraissent  anciens.  Rien  à  remarquer  à  l'intérieur.  La  voûte 
est  en  bois. 

Le  domaine  seigneurial  de  la  Vespière  est  attenant  à  l'église. 
Une  belle  habitation  moderne  s'élève  au  milieu  d'un  parc 
frais  et  riant  sillonné  par  de  belles  eaux.  C'est  la  demeure 
de  M.  le  comte  du  Merle,  dont  les  ancêtres  étaient  seigneurs 
de  la  Vespière.  La  Vespière  était  un  quart  de  fief  de  haubert, 
dans  lequel  était  comprise  la  sergenterie  noble  de  Chambroys. 
Guillaume  Fouquet  en  était  seigneur  en  1^63  et  1A69. 

A  la  fin  du  même  siècle,  on  le  retrouve  aux  mains  de  la 
famille  de  Myée,  d'où  il  passa  par  alliance  dans  la  famille 
de  Franqueville.  Au  XVIIe  siècle,  il  appartint  aux  Le  Michel, 
puis  dans  le  XVIIIe  aux  du  Merle. 

Le  patronage  de  l'église  appartenait  au  trésorier  du 
chapitre  de  Lisieux  ;  cependant ,  au  dernier  siècle ,  il  fut 
exercé  par  le  chapitre  et  le  seigneur  laïque  alternativement. 
Dédiée  à  saint  Ouen,  l'église  faisait  partie  du  doyenné 
d'Orbec. 

Il  existe  en  outre,  sur  le  territoire  de  la  Vespière,  un 
fief  nommé  Mervilly.  C'est  la  propriété  de  M.  le  comte  de 
Graveron.  Des  plantations  d'arbres  résineux  entourent  l'ha- 
bitation, qui  est  moderne. 

Le  Bulletin  monumental  de  1863  contient  une  notice  de 
M.  de  Toulmon  sur  l'ermitage,  devenu  plus  tard  prieuré 
de  St-Chrislophe  de  Mervilly.  Une  partie  de  la  chapelle 
subsiste  encore. 


CANTON  d'orbec.  779 

Le  litre  le  plus  ancien,  relatif  à  cet  établissement  religieux, 
est  une  charte  de  1208,  souscrite  par  Jehan  de  Thanney  et 
Erernbour,  sa  femme.  En  1210,  Jourdain  du  Hommet, 
évêque  de  Lisieux,  en  disposa  en  faveur  de  la  Maison-Dieu 
de  Lisieux.  Le  domaine  se  composait  alors  de  ZiO  acres  de 
terre.  En  1688,  Mervilly  fut  érigé  en  prieuré.  Il  fut  supprimé 
en  1790. 

La  paroisse  de  la  Vespière  compte  409  habitants.  Au  der- 
nier siè'cle,  elle  n'en  possédait  que  300  (62  feux).  Elle  faisait 
partie  de  l'élection  de  Lisieux,  sergenterie  d'Or  bec. 

CERQUEUX    (1). 

Cerqueux,  Sarcophagi. 

L'église  de  Cerqueux  est  placée  sous  le  vocable  de  saint 
Pierre. 

La  nef,  dont  les  ouvertures  ont  été  refaites  au  XVIe  siècle , 
était  primitivement  romane  et  dépourvue  de  contreforts.  Un 
seul  contrefort  saillant ,  du  XVIe  siècle  ,  est  placé  vers  l'ex- 
trémité orientale.  La  corniche  a  été  détruite.  Le  mur  mé- 
ridional ,  en  cailloutis ,  laisse  voir  un  appareil  grossier  en 
feuilles  de  fougère. 

Quatre  fenêtres,  deux  grandes  et  deux  petites,  dont  une 
du  XVIe  siècle,  éclairent  la  nef  de  ce  côté.  L'une  des  grandes 
fenêtres  ,est  ogivale  et  formée  d'une  seule  baie  trilobée  ; 
l'autre  a    été  refaite  anciennement. 

Le  mur  septentrional ,  recrépi  ,  offre  des  chaînages  en 
pierre  indiquant  une  reconstruction.  Il  est  percé  seulement 
de  deux  fenêtres  dont  une  ogivale ,  trilobée  ,  est  entourée 
d'une  large  gorge  ou  scolie.  Il  était  primitivement  roman  , 

(1)  Noies  de  M.  Pannier. 


770  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

plâtrée  :  elle  s'appuie  sur 
des  pièces  de  bois  placées  ver- 
ticalement le  long  des  murs. 
On  voit  encore  les  mortaises 
dans  lesquelles  s'engageaient 
les  poteaux  sur  lesquels  porte 
la  sablière. 

La  voûte  du  chœur  est  en 
cul-de-four.  L'écusson  du 
Chapitre  de  Lisieux  {une  clef 
en  sautoir  ,  cantonnée  de 
quatre  étoiles  )  se  détache  de 
la  voûte  du  chœur. 

Lji  poutre  crucigère  qui, 
dans  les  anciennes  églises  ru- 
rales sépare  le  chœur  de  la 
nef,  a  été  conservée. 

La  baie  cintrée  placée  à 
gauche  du  chœur  offre  des 
fragments  de  vitraux  de  la 
Renaissance.  La  partie  infé- 
rieure de  la  fenêtre  repré- 
sente le  Christ  en  croix ,  ac- 
compagné de  la  Vierge  et  de 
saint  Jean  ;  dans  le  fond  est 
peint  le  château  de  Castille. 
La  bordure  est  semée  de  co- 
quilles. 

A  côté  de  la  large  fenêtre 
que  l'on  voit  à  droite  est  placé 
un  beau  cadre  quadrangu- 
laire  renfermant  un  riche  mé- 
daillon   entouré    de    feuilles 


CANTON   D'ORBEC.  771 

de  chêne   et  de  raisins.   Des  têtes  d'anges  sont  placées  dans 
les  angles.  La  toile  a  été  enlevée  du  cadre. 

Les  fonts  baptismaux  à  huit  pans,  d'une  forme  sévère, 


datent  du  XVIe  siècle,  selon  toute  apparence. 

Nous  avons    trouvé  dans    l'église   un   coffre   dont  nous 
offrons  un  dessin. 


Prieuré.  — Il  existait  à  Friardcl,  avant  la  Révolution  , 
un  prieuré  conventuel  de  l'ordre  des  chanoines  réguliers  de 
St- Augustin.  Ce  prieuré  ,  placé  sous  le  vocable  de  St-Cyr, 
a  été  fondé  vers  la  fin  du  XIIe  siècle ,  ou  dans  les  premières 
années  du  XIIIe,  par  Isabelle  d'Orbec  et  Gilbert  deSaussaye, 
son  époux. 

Cette  fondation  ,  ainsi  que  les  donations  qui  l'accompa- 
gnèrent, furent  confirmées  par  le  pape  Honorius  III  en  1222. 


772  STATISTIQUE   MONUMElNTAi.E    OU    CALVADOS. 

Vers  1231 ,  Guillaume  de  Friardel ,  chevalier,  concéda  aux 
moines  du  prieuré  le  droit  de  patronage  sur  les  églises  de 
St-Martin-de-Friardel  et  de  St-Pierre  de  Grandcamp. 

D'autres  seigneurs  firent  des  donations  au  prieuré  en 
125&,  1302,  1368  et  U18.  Au  commencement  du  XVe 
siècle ,  les  immeubles  possédés  par  le  prieuré  s'étendaient 
sur  les  paroisses  environnantes  (la  Goulafrière,  Cerqueux  , 
Préaux  ,  St-Pierre-des-Essarts  ,  etc.  ). 

Au  XVIIe  siècle,  le  prieuré  de  Friardel  vit  naître  dans  son 
cloître  la  Réforme  de  Bourg-Achard ,  dont  parle  Héliot  dans 
son  Histoire  des  ordres  monastic/ues.  Cette  réforme  fut 
embrassée ,  peu  de  temps  après ,  par  cinq  abbayes  et  six 
prieurés  importants. 

L'église  de  l'ancien  prieuré  est  bâtie  dans  un  vallon  ,  au 
pied  d'un  coteau  couvert  de  bruyères. 


La  construction  de  cet  édifice  remonte  au  XIIIe  siècle. 
Du  côté  septentrional,  les  murs  latéraux,  d'une  grande  élé- 
vation et  dépourvus  de  contreforts ,  sont  construits  en  gros- 
sier blocage  que  recouvre  un  ancien  crépi* 


CANTON    D'ORBEC.  773 

Quatre  fenêtres  ogivales,  à  une  seule  baie,  se  montrent 
dans  la  partie  supérieure  du  mur  septentrional.  La  forme  de 
ces  fenêtres,  aujourd'hui  bouchées  et  plus  apparentes  à  l'in- 
térieur du  vaisseau,  accuse  le  XIIIe  siècle. 

Le  mur  méridional,  élevé  au  XIVe  siècle,  offre  quatre 
fenêtres  ogivales  élancées,  partagées  en  deux  baies  par  un 
meneau  vertical.  Le  tympan  est  percé  d'un  large  oculus.  Un 
simple  chanfrein  entoure  ces  fenêtres,  d'un  travail  rudi- 
menlaire.  Des  contreforts  à  plusieurs  retraites,  terminés  dans 
la  partie  supérieure  par  un  fronton  triangulaire,  soutiennent 
le  mur. 

Deux  contreforts  saillants  de  hauteur  inégale,  dont  l'un  à 
double  glacis,  sont  appliqués  contre  la  façade  de  la  chapelle 
qui  regarde  l'Occident.  Une  fenêtre  ogivale  très-grande  et 
une  fenêtre  moins  large,  à  deux  baies  en  forme  de  lancettes, 
avec  moulures  en  chanfrein  ,  renfermée  dans  la  première  , 
s'ouvraient  au-dessus  de  la  porte.  Le  cordon  extérieur  est 
terminé  par  des  têtes  grimaçantes.  A  gauche  de  cette  fe- 
nêtre est  pratiquée  une  ouverture  carrée  du  XVIe  siècle,  en- 
cadrée de  moulures  toriques.  On  voit,  de  chaque  côté,  deux 
consoles  qui  supportaient  un  petit  toit  en  encorbellement. 
Au-dessous  s'ouvrait  une  autre  fenêtre  carrée,  plus  grande 
que  la  précédente. 

La  porte  est  à  plein  -cintre  et  date  du  XVIIe  siècle.  Elle 
est  enroulée  de  moulures  toriques  très-petites. 

De  chaque  côté  de  cette  porte  se  détachent  des  pierres  en 
forme  de  consoles,  lesquelles  probablement  servaient  de 
supports  à  la  toiture  d'un  ancien  porche. 

La  partie  supérieure  du  gable,  dans  laquelle  sont  prati- 
quées de  petites  ouvertures  en  forme  de  meurtrières ,  offre 
alternativement  des  assises  ou  chaînes  horizontales  de  pierres 
de  taille  et  de  silex. 

Un  clocher  en  charpente  s'élevait  au-dessus  du  gable, 
ainsi  que  l'atteste  l'abaissement  du  toit  à  cet  endroit. 


11U  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

Cette  chapelle,  qui  se  terminait  à  l'orient  par  un  chevet 
circulaire  ou  à  pans  coupés,  qui  a  été  détruit  lorsqu'on  a 
bâti  la  maison  de  maître  actuelle,  mesurait  100  pieds  de  lon- 
gueur sur  30  de  largeur. 

Les  murs  de  la  nef  offrent  à  l'intérieur  de  curieuses  fres- 
ques (  V.  la  page  suivante  )  et  de  nombreux  écussons  dont 
M.  Bouet,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie, 
a  fait  plusieurs  dessins. 


Sous  les  arcades  cintrées,  pratiquées  dans  les  murs  laté- 
raux, étaient  placés  autrefois  des  tombeaux. 

La  voûte  est  en  merrain  ,  avec  entrails  et  poinçons  dé- 
corés de  sculptures. 


Bâtiments  de  l'ancien  prieuré.  —  En  face  le  portail  de 
l'abbaye  s'élève  un  long  bâtiment ,  construit  en  bois  avec 
tuiles  entre  les  colombages ,  formant  des  dessins  variés.  Ce 
bâtiment  mesure  18  mètres  de  longueur.  L'étage  supérieur, 
revêtu  de  planches,  est  ancien  et  en  retraite  sur  le  rez-de- 
chaussée.  Les  planches  sont  embrevées  dans  les  montants. 


CANTON    DOKBEC. 


775 


776  STATlSTIQUi:   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

La  sablière  est  très-belle.  Le  poteau  cornier  est  décoré  ,  dans 
la  partie  supérieure ,  de  petits  pendentifs.  L'écusson  suivant 
se  voit  sur  un  des  poteaux. 


Ce  bâtiment,  qui  date  de  la  fin  du  XVe  siècle  ou  du  com- 
mencement du  XVIe,  était  autrefois  à  usage  de  grange. 
Un  second  bâtiment  moins  ancien ,  et  dont  la  longueur  est 
seulement  de  9  mètres,  se  relie  au  premier. 

On  a  exagéré  la  valeur  des  tableaux  qui  ornaient  la  ga- 
lerie du  château  et  provenaient  de  l'ancien  prieuré.  La  plu- 
part étaient  des  copies  de  bons  tableaux,  entre  autres  la 
toile    représentant   La  Vie   humaine   et   plusieurs  jolis    la- 


CANTON    D'ORBEC.  777 

bleaux  d'après  l'Albane,  célèbre  peintre  italien  qu'on  a  sur- 
nommé avec  raison  le  peintre  des  Grâces. 

Le  16  juin,  l'Église  de  Lisieux  faisait  office  de  saint  Cyr 
et  de  sainte  Julitle  ,  sa  mère  ,  qui  étaient  patrons  du  prieuré 
de  Friardel.  (  Vies  des  saints  patrons  du  diocèse  de  Lisieux, 
par  l'abbé  Le  Provost.) 

Voici  les  noms  de  quelques-uns  des  prieurs  de  Friardel  : 

Gilbert,  qui  vivait  en  1231  ; 

Guillaume  Canu,  16e  prieur,  en  1317  ; 

Guy  Pichot,  en  1^50  ; 

Guillaume  ,  évêque  de  Porphyre ,  commendataire  en 
1685  et  1&98; 

Marin  Labbé,  en  1539; 

Robert  Boullene,  premier  aumônier  de  la  reine-mère, 

en  1625  ; 

Guillaume  Bochard  de   Champigny,  docteur  en   Sor- 

bonne,  en  1685. 

De  Cambon,  vicaire-général  de  l'archevêque  de  Tou- 
louse, était  titulaire  de  Friardel  depuis  1775,  lorsque  la  Ré- 
volution éclata. 

On  trouve  dans  les  archives  du  Calvados  un  grand  nombre 
de  pièces,  de  différentes  dates,  qui  concernent  ce  monastère. 

Le  cartulaire  du  prieuré  existe  à  la  Bibliothèque  impériale 
de  la  rue  Richelieu. 

LA  VESPIÈRE. 

La  Vespière,  Vesperia,  Wasperia,  Guespere,  la  Vcspière. 

La  Vespière  peut  être  considérée  comme  un  faubourg 
d'Orbec,  et  dès  le  XVIIe  siècle,  beaucoup  de  magistrats 
du  bailliage  y  avaient  établi  leur  résidence. 

L'église  de  la  Vespière  est  supprimée  ;   mais  elle  est  en- 


778         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

tretcnue  avec  soin.  C'est  une  simple  nef  en  moellon  avec 
chaînages  de  pierre  de  marne  el  corniche  classique,  qui  doit 
dater  seulement  du  dernier  siècle.  Six  fenêtres  cintrées,  dis- 
posées symétriquement,  l'éclairent.  Le  chevet  est  droit,  sans 
ouvertures.  Le  portail  consiste  en  une  grande  porte  cintrée. 
Au-dessus  du  pignon  s'élance  le  petit  clocher,  d'une  forme 
assez  élégante,  autrefois  revêtu  d'essente,  La  croix  et  le  coq 
paraissent  anciens.  Rien  à  remarquer  à  l'intérieur.  La  voûte 
est  en  bois. 

Le  domaine  seigneurial  de  la  Vespière  est  attenant  à  l'église. 
Une  belle  habitation  moderne  s'élève  au  milieu  d'un  parc 
frais  et  riant  sillonné  par  de  belles  eaux.  C'est  la  demeure 
de  M.  le  comte  du  Merle,  dont  les  ancêtres  étaient  seigneurs 
de  la  Vespière.  La  Vespière  était  un  quart  de  fief  de  haubert, 
dans  lequel  était  comprise  la  sergenterie  noble  de  Chambroys. 
Guillaume  Fouquet  en  était  seigneur  en  1^63  et  1&69. 

A  la  fin  du  même  siècle,  on  le  retrouve  aux  mains  de  la 
famille  de  Myée,  d'où  il  passa  par  alliance  dans  la  famille 
de  Franqueville.  Au  XVIIe  siècle,  il  appartint  aux  Le  Michel, 
puis  dans  le  XVIIIe  aux  du  Merle. 

Le  patronage  de  l'église  appartenait  au  trésorier  du 
chapitre  de  Lisieux  ;  cependant ,  au  dernier  siècle ,  il  fut 
exercé  par  le  chapitre  et  le  seigneur  laïque  alternativement. 
Dédiée  à  saint  Ouen,  l'église  faisait  partie  du  doyenné 
d'Orbec. 

Il  existe  en  outre,  sur  le  territoire  de  la  Vespière,  un 
fief  nommé  Mervilly.  C'est  la  propriété  de  M.  le  comte  de 
Graveron.  Des  plantations  d'arbres  résineux  entourent  l'ha- 
bitation, qui  est  moderne. 

Le  Bulletin  monumentale  1863  contient  une  notice  de 
M.  de  Toulmon  sur  l'ermitage,  devenu  plus  tard  prieuré 
de  St-Christophe  de  Mervilly.  Une  partie  de  la  chapelle 
subsiste  encore. 


CANTON    iVORBEC.  779 

Le  litre  le  plus  ancien,  relatif  à  cet  établissement  religieux, 
est  une  charte  de  1208,  souscrite  par  Jehan  de  Thanney  et 
Erembour,  sa  femme.  En  1210,  Jourdain  du  Hommet, 
évêque  de  Lisieux,  en  disposa  en  faveur  de  la  Maison- Dieu 
de  Lisieux.  Le  domaine  se  composait  alors  de  U0  acres  de 
terre.  En  1488,  Merviliy  fut  érigé  en  prieuré.  Il  fut  supprimé 
en  1790. 

La  paroisse  de  la  Vespière  compte  409  habitants.  Au  der- 
nier siè'cle,  elle  n'en  possédait  que  300  (62  feux).  Elle  faisait 
partie  de  l'élection  de  Lisieux,  sergenterie  d'Orbec. 

CERQUEUX    (1). 

Cerqueux ,  Sarcophagi. 

L'église  de  Cerqueux  est  placée  sous  le  vocable  de  saint 
Pierre. 

La  nef,  dont  les  ouvertures  ont  été  refaites  au  XVIe  siècle , 
était  primitivement  romane  et  dépourvue  de  contreforts.  Un 
seul  contrefort  saillant ,  du  XVIe  siècle  ,  est  placé  vers  l'ex- 
trémité orientale.  La  corniche  a  été  détruite.  Le  mur  mé- 
ridional ,  en  cailloutis ,  laisse  voir  un  appareil  grossier  en 
feuilles  de  fougère. 

Quatre  fenêtres ,  deux  grandes  et  deux  petites ,  dont  une 
du  XVIe  siècle,  éclairent  la  nef  de  ce  côté.  L'une  des  grandes 
fenêtres  ,est  ogivale  et  formée  d'une  seule  baie  trilobée  ; 
l'autre  a    été  refaite  anciennement. 

Le  mur  septentrional ,  recrépi  ,  offre  des  chaînages  en 
pierre  indiquant  une  reconstruction.  Il  est  percé  seulement 
de  deux  fenêtres  dont  une  ogivale  .  trilobée  ,  est  entourée 
d'une  large  gorge  ou  scolie.   Il  était  primitivement  roman  , 

(1)  Notes  de  M.  Pannier. 


780  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

sans  ouvertures  et  dépourvu  de  contreforts.  Un  porche 
élancé,  du  XIVe  siècle  ,  précède  le  mur  occcidental  qui  est 
sans  caractère.  Sur  l'un  des  montants  ou  pieds-droits  du 
porche  est  sculpté  l'écusson  de  la  famille  de  Lalande ,  com- 
posé de  trois  étoiles. 

Le  clocher ,  revêtu  d'essente  et  percé  d'ouvertures  , 
présente  une  base  carrée  en  charpente  surmontée  d'une 
pyramide  octogone  ,  garnie  sur  les  faces  principales  de 
lucarnes  cintrées,  avec  abat-sons,  et  couronnées  d'un  fronton 
triangulaire  correspondant  aux  angles  de  la  base  (commen- 
cement du  XVIe  siècle). 

Le  chœur ,  en  retraite  sur  la  nef,  est  construit  en  grand 
appareil  et  date  du  XVIe  siècle.  Il  se  termine,  à  l'orient,  par 
un  chevet  droit  percé  d'une  longue  fenêtre  cintrée ,  masquée 
par  une  petite  sacristie  en  bois.  Aux  extrémités  du  mur 
oriental  s'élèvent  deux  contreforts  saillants  à  glacis  très- 
inclinés. 

Une  grande  fenêtre  ogivale  géminée  ,  partagée  en  deux 
par  un  meneau  prismatique ,  s'ouvre  dans  le  mur  septen- 
trional. Deux  larges  compartiments  en  forme  de  flammes 
décorent  le  tympan. 

Le  mur  méridional  est  percé  de  deux  larges  fenêtres  sem- 
blables à  la  précédente.  L'une  de  ces  fenêtres  a  perdu  son 
meneau  et  sa  tracerie  flamboyante:  ils  auront  probablement 
été  coupés  afin  de  laisser  pénétrer  plus  de  jour  dans  le 
chœur.  , 

L'arc  triomphal ,  déforme  ogivale,  date  du  XVIe  siècle. 
Les  chapiteaux  qui  terminaient  les  colonnes  sur  lesquelles  il 
s'appuyait  ont  été  détruits. 

La  voûte  du  chœur  est  en  merrain.  Elle  repose  sur  une 
jolie  sablière,  décorée  de  losanges  garnis  de  feuillages  et  d'en- 
trelacs. 

La  voûte  de  la  nef  est  également  en  merrain. 


CANTON    D'ORBEC.  781 

Une  piscine  ,  surmontée  également  d'une  ogive  en  acco- 
lade ,  se  voit  aussi  dans  la  nef. 

Au  midi  se  dresse  un  bel  if. 

La  commune  de  Cerqueux  a  été  réunie  à  Friardel. 

Cerqueux-la-Campagne  avait  pour  patron ,  aux  XIVe  et 
XVIe  siècles,  le  prieur  de  St-Cyr-de -Friardel;  au  XVIIIe, 
le  seigneur. 

ORBEC  (chef- lieu)  (i). 

Il  n'entre  pas  dans  le  plan  de  cette  statistique  de  s'étendre 
sur  l'histoire  des  villes  et  localités  importantes.  Tôt  ou  tard  il 
se  trouvera ,  sans  doute  ,  des  écrivains  pour  entreprendre 
ces  travaux ,  qui  ne  sont  pas'dépourvus  de  charme.  Orbec, 
chef-lieu  d'un  des  grands  bailliages  de  Normandie ,  domaine 
royal  et  baronnie  possédée  successivement  par  les  plus  puis- 
santes maisons ,  exigerait  plus  d'un  volume.  Cette  ville,  qui 
compte  aujourd'hui  3,266  habitants  (un  cent  de  moins  qu'en 
1760),  est  construite  sur  la  rive  droite  de  l'Orbiquet ,  et 
s'étage  sur  la  pente  assez  raide  du  coteau  qui  circonscrit  la 
vallée.  La  difficulté  opposée  aux  constructions  par  cette  pente 
rapide  fait  que  la  ville  a  pris  surtout  son  extension  du  nord 
au  sud,  parallèlement  à  cette  vallée.  C'est  dans  cette  direction 
que  se  développe  la  grande  rue,  autrefois  le  Pavé  du  Roy  , 
qui  doit  avoir  suivi  le  tracé  de  la  voie  romaine  de  Lisieux. 
Au  centre  de  cette  large  voie  étaient  bâties  les  halles,  sur- 
montées de  la  cohue  ou  salle  commune  pour  les  délibérations 
des  habitants.  Mais  l'administration  très -progressive  de  la 
ville  d'Orbec  a  fait  jeter  bas  ces  vieilleries ,  que  remplace  un 
coquet  Hôtci-de-  Ville  en  briques  et  plâtre,  établi  dans  les 
quartiers  neufs. 

Cette  artère  principale  partage  la  ville  en  deux  parties  à 

(4)  Noies  de  M.  Ch.  Vasseur. 


782  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

peu  près  égales.  A  droite,  l'église,  les  Augustins ,  le  bailliage 
et  quelques  maisons  qui  ne  sont  pas  dépourvues  d'intérêt  ;  à 
gauche,  le  château,  l'hôpital,  la  geôle,  les  Capucins. 

Eglise  paroissiale.  —  L'église  paroissiale  d'Orbec  est  sous 
l'invocation  de  Notre-Dame.  Les  curés  étaient  à  la  nomina- 
tion de  l'abbé  du  Bec-Hellouin  ;  mais  les  seigneurs  d'Orbec 
y  avaient  une  chapelle  particulière,  dédiée  à  saint  Jean,  dont 
ils  s'étaient  réservé  le  patronage.  Le  plan  de  cet  édifice  est 
fort  irrégulier.  La  construction  n'est  pas  homogène  :  l'ana- 
lyse fait  voir  que  les  diverses  parties  appartiennent  à  des 
époques  fort  différentes.  L'intérieur  se  décompose  en  une 
nef  centrale,  flanquée  de  deux  collatéraux  de  largeur  inégale: 
au  midi,  une  chapelle  en  transept  ;  au  nord ,  une  chapelle 
irrégulière  et  une  tour  massive. 

Dans  le  pignon  occidental,  flanqué  de  trois  contreforts, 
s'ouvre  la  porte  principale ,  à  double  baie  carrée  divisée  par 
un  trumeau  central  que  surmonte  une  fenêtre  ogivale  à  trois 
meneaux,  dont  la  tracerie  se  compose  de  trois  rangs  de 
quatre-feuilles.  Une  autre  fenêtre  ogivale  éclaire  le  bas-côté 
nord.  Au  sud,  la  nef  est  régulièrement  divisée,  par  des 
contreforts ,  en  cinq  travées  percées  de  fenêtres  ogivales 
flamboyantes.  La  chapelle ,  en  saillie  sur  ce  bas-côté ,  ap- 
partient également  au  style  ogival  tertiaire.  Le  mur  latéral 
du  nord,  qui  comprend  deux  travées,  n'a  aucune  ouverture. 
A  la  suite  vient  la  tour  carrée,  à  la  base  massive  et  «ans  ou- 
vertures ,  à  l'exception  d'une  porte  à  deux  baies  carrées 
garnies  de  vantaux  à  panneaux  flamboyants.  Deux  contre- 
forts placés  d'angle  buttent  les  murs,  d'une  épaisseur  très- 
considérable.  Sur  ce  corps  carré  se  trouve  en  retraite  un 
second  étage  plus  svelle,  percé  sur  chaque  face  de  fenêtres 
cintrées  et  orné  de  tous  les  détails  usités  à  la  Renaissance, 
par  conséquent  un  peu  postérieur  à  la  première  partie.  Un 


CANTON   D'OKBEC.  783 

toit  à  double  épi,  en  ardoise ,  ajouré  sur  chaque  face  d'une 
petite  lucarne  trilobée  surmontée  d'un  épi  en  plomb,  ter- 
mine cette  tour,  qui  des  coteaux  voisins  produit  un  effet  assez 
bon ,  malgré  sa  robuste  structure  ,  rappelant  le  donjon. 
Entre  la  tour  et  le  chœur  se  développe  une  très-vaste  cha- 
pelle à  angle  coupé,  percée  de  quatre  fenêtres  flamboyantes. 
Le  chœur  peut  remonter  au  commencement  du  XIIIe 
siècle;  ses  contreforts  sont  construits  en  poudingue,  avec 
deux  retraites  ;  malheureusement  les  ouvertures  primitives 
ont  été  dénaturées. 

L'irrégularité  du  plan  produit  à  l'intérieur  un  effet  peu 
agréable  ;  mais  dans  les  détails  on  trouvera  de  curieux  sujets 
d'examen. 

Six  arcades  ogivales,  portées  par  des  colonnes  sans  chapi- 
teaux, font  communiquer  la  nef  avec  les  bas-côtés  et  le 
transept. 

Toutes  les  voûtes  sont  en  merrain ,  avec  charpentes  ap- 
parentes, excepté  celle  de  la  base  de  la  tour. 

Les  fenêtres  conservent  encore  des  restes  notables  de  leurs 
magnifiques  verrières  :  la  restauration  en  serait  facile.  J'y  ai 
reconnu,  parmi  des  fragments  moins  importants,  une  Vierge- 
Mère,  une  sainte  Anne,  un  saint  Louis,  un  arbre  de  Jessé, 
et  dans  la  chapelle  du  nord,  dédiée  à  saint  Jean-Baptiste,  le 
martyre  du  Saint  en  plusieurs  tableaux. 

Deux  pierres  tumulaires  se  trouvent  dans  la  chapelle  du 
sud  et -dans  l'extrémité  du  collatéral,  devant  l'autel.  Voici 
les  inscriptions  qu'elles  portent  : 


ICI    REPOSE 

MESSIRE    CLAUDE    DU    MERLE 

ECUYER    SEIGNEUR    DE 

5.    GERMAIN    DE    LA    CAMPAGNE 

d'orbec  EN  PAKTIE 

ET    DE    LA   VESPIERRE 


784  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 


DÉCÉDÉ    LE   28    AVRIL    1758 

ÂGÉ   DE    69  ANS 

PRIEZ   DIEU    POUR    LUI. 

ICI    REPOSE 

MESSIRE    PIERRE   DU    MERLE 

ECUYER    SEIGNEUR    DB 

S.    GERMAIN    DE   LA     CAMPAGNE 

ET    D'ORBEC    EN    PARTIE 

DÉCÉDÉ  LE    28    AVRIL    4  720 

PRIEZ    DIEU    POUR    LUI. 


Les  boiseries  de  l'orgue,  dans  le  style  de  la  Renaissance, 
soni  assez  remarquables ,  ainsi  que  celles  de  la  porte  du  nord 
qui  sont  en  style  gothique. 

Le  chœur  est  entouré  d'une  grille  en  fer  contourné  du 
dernier  siècle. 

Le  maître-autel,  style  Louis  XIV,  est  d'une  très-belle  exé- 
cution. Le  ré  table  consiste  en  quatre  colonnes  torses  à  ceps 
de  vigne  d'ordre  composite  portant  un  entablement,  à  arc 
surbaissé ,  surmonté  de  volutes  sur  lesquelles  sont  assis  des 
anges  qui  tiennent  les  instruments  de  la  Passion.  |Un  cadre 
sculpté,  à  angles  rentrants  concaves ,  entoure  une  toile  re- 
présentant l'ensevelissement  de  Notre-Seigneur.  Ce  tableau  a 
de  la  valeur. 

Le  tabernacle,  semi-hexagonal,  est  cantonné  sur  les  angles 
de  colonnettes  en  faisceau.  Les  cinq  niches  abritent  ies  sta- 
tuettes du  Sauveur  et  des  quatre  Évangélistes.  Enfin,  trois 
médaillons  renferment  le  Père-Éternel,  N. -S.  Jésus -Christ 
et  la  Sainte- Vierge. 

Cet  autel  est  presque  identique  à  celui  de  St-Martin-de- 
Bienfaite,  et  son  exécution  est  due  incontestablement  au 
même  ouvrier.  Il  occupait,  avant  la  Révolution,  le  fond  de  la 
chapelle  des  Dames  Augustines.  L'ancien  maître-autel,  moins 


CANTON   D'ORBEC.  785 

important ,  a  été  reporté  dans  la  chapelle  du  sud.  Égale- 
ment du  règne  de  Louis  XIV,  M.  Raymond  Bordeaux  l'avait 
signalé  dans  ses  Excursions  archéologiques  dans  la  vallée 
d'Orbec,  en  1851.  Il  est,  dit-il,  «  décoré  d'un  tableau 
malheureusement  très-altéré  par  des  retouches  grossières, 
mais  qui  peut  avoir  encore  quelque  intérêt  pour  l'histoire 
de  la  peinture  provinciale  au  XVIIe  siècle.  —  Il  est  signé 
ainsi  : 

a  16M.  G.  Rugé  pingebat.  » 

Nous  plaçons    ici   un   dessin  de  la   clanche   d'une  des 


portes  de  l'église  ,  que  nous  devons  à  M.  Bouet. 


50 


786  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

On  trouve  dans  la  sacristie  deux  statues  du  moyen-âge  : 
saint  Louis  et  saint  Eloi,  et  une  chasuble  dont  les  broderies 
datent  du  XVIe  siècle. 

La  cloche  principale  est  ancienne  et  fort  belle.  Elle  ne 
porte  que  cette  courte  inscription  : 


f   IAY 

.    ESTE    •    FAICTE 

.    EN     •      l'hONNEVR 

TRINITE 

•    AV    •    MOIS    •    DE 

.    IV1N    .    1700. 
1EAN    AVBERT 
DE    LISIEVX 
MA    FAICTE. 

Les  trois  autres  cloches  de  la  sonnerie  datent  de  1819  et 
1866. 


Hôtel-Dieu.  —  L'Hôtel-Dieu  d'Orbec  offre  un  intérêt  tout 
particulier.  Il  date  du  XVIe  siècle  et  on  peut  retrouver  en- 
core ses  dispositions  primitives. 
Malheureusement  l'administration 
municipale  va  porter  la  sape  au 
pied  d'une  partie  de  ces  curieuses 
constructions  ,  pour  mettre  mieux 
en  évidence  une  bâtisse  neuve  des- 
tinée à  loger  le  personnel. 

En  dégageant  l'édifice  primitf  des 
additions  pratiquées  aux  XVIIe  et 
XVIIIe  siècles,  on  trouve  une  cha- 
pelle avec  nef  à  double  étage  et  une 
vaste  salle  qui  s'appuie  sur  le  mur 

latéral  du  nord.  La  façade  se  développe  sur  la  grande  rue. 
Elle  est  construite  en  briques  (V.  la  page  suivante),  butée 
par  deux  contreforts  très-saillants.  La  porte  est  une  ogive 
obtuse  à   deux  voussures  en   retraite  ,   biseautées.   Un  léger 


CANTON   D'ORBEC.  78 

encorbellement,  au  niveau   du  plancher  de  l'étage  supé- 


1! 

!1 

II 

Il       II 

Il        II 

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II 

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II 

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Il          II 

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ii 

il 

II 

1! 

il 

SPÉCIMEN    DES    MURS    EN    BRIQUES. 

rieur,  a  permis  de  placer  une  corniche  sculptée  en  relief.  Au 
centre  s'offre  un  blason  dont  la  forme  accuse  le  XVe  siècle. 
Il  est  parti  au  premier  de  deux  fasces  et  d'une  pièce  ondulée 
en  pointe;  au  deuxième  peut-être  d'un  lion.  A  droite  est  un 
autre  blason  incliné  sur  le  flanc  dextre  ,  soutenu  par  deux 
anges  et  sommé  d'un  casque  à  lambrequins.  Il  est  meublé 
des  mêmes  pièces  que  la  première  partition  du  précédent. 
L'autre  extrémité  de  la  frise  ,  fort  dégradée ,  représentait 
des  personnages  en  ronde-bosse ,  peut-être  la  Vierge  Mère- 
de-Douleurs  et  un  personnage  debout. 

On  a  incrusté  dans  le  contrefort  du  sud  une  autre  compo- 
sition en  bas-relief,  où  j'ai  cru  reconnaître  le  baptême  de 
Nôtre-Seigneur.  Évidemment  ces  sujets  ne  sont  pas  à  leur 
place,  et  leur  style  indique  une  époque  antérieure  à  la  con- 
struction dans  laquelle  ils  sont  encastrés.  Ce  petit  portail  est 
couronné  par  un  campanille  garni  de  plombs  repoussés,  dont 
nous  offrons  un  croquis  fait  par  M.  Bouet  (  V.  la  page  sui- 
vante). Ce  clocher  a  l'apparence  d'un  beffroi  et  peut-être 
en  avait  la  destination.  On  voit  que  ces  ornements  portent 
les  caractères  de  la  Renaissance. 

Vers  le  nord,  adossée  au  portail  que  je  viens  de  décrire,  se 
trouve  la  salle  de  l'Hôpital,  bâtie  également  en  briques.  Ses 
fenêtres  sont  carrées,  avec  croisées  de  pierre.  Une  porte  par- 


788  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


O— -  ^H  *A  O 


CANTON   D'ORBEC.  789 

ticulière  s'ouvre  sur  la  rue  dans  le  rez-de-chaussée.  Le  mur 
commun  à  la  nef  de  la  chapelle  et  à  cette  salle  est  percé 
d'arcades  surbaissées,  maintenant  bouchées,  mais  dont  on  re- 
connaît parfaitement  la  situation.  On  les  avait  sans  doute, 
dans  l'origine,  garnies  de  châssis  ou  d'une  clôture  mobile 
que  l'on  ouvrait  pendant  les  offices,  afin  de  permettre  aux 
malades  et  à  leurs  infirmiers  d'assister  aux  cérémonies  du 
culte. 

Comme  la  nef  est  dans  une  proportion  fort  restreinte,  on 
l'a  partagée  dans  sa  hauteur  par  un  plancher  qui  forme  une 
vaste  tribune  ouverte  sur  le  chœur ,  avec  une  balustrade 
à  fuseaux  au-dessous  de  laquelle  règne  une  frise  sculptée 
de  rinceaux.  Cette  boiserie ,  d'une  bonne  exécution,  peut 
remonter  au  règne  d'Henri  III.  L'escalier  en  vis  qui  y 
donne  accès  est  construit  en  briques  ,  il  est  curieux  à 
étudier. 

Le  chœur  ,  bâti  en  pierre  de  taille,  se  compose  de  trois 
travées  ;  la  dernière  en  pan  coupé ,  avec  contreforts  sur 
les  angles  et  fenêtres  à  traceries  flamboyantes.  Les  voûtes  en 
pierre,  à  arceaux  prismatiques,  sont  reçues  par  des  faisceaux 
de  colonnettes  garnies  d'un  listel,  mais  sans  chapiteaux.  Ces 
faisceaux  sont  coupés  par  des  niches  avec  consoles  et  dais 
gothiques,  privés  de  leurs  statues.  En  1851,  M.  R.  Bor- 
deaux y  avait  vu  des  «  statuettes  peintes  et  dorées,  qui  étaient 
incontestablement  supérieures  à  ces  banales  figures  de  plâtre 
blanc,  aujourd'hui  devenues  de  mode  dans  les  églises  »  et 
qu'on  finira  probablement  par  y  mettre.  Deux  des  clefs  de 
voûte  portent  des  figures  singulièrement  groupées ,  où  l'on 
reconnaît  les  instruments  de  la  Passion. 

Signalons  enfin  le  bel   épi  en  plomb  ,  du  XVe  siècle  ,  qui 
surmonte  le  poinçon  du  chevet  (V.  la  page  suivante). 
On  parle  de  changements  notables  projetés  pour  mettre 


790  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS 

cette  chapelle  intéressante  plus  en  har- 
monie avec  le  nouvel  Hospice.  Espérons 
qu'il  n'en  sera  rien. 

Dédiée  à  saint  Rémi  ;  la  nomination 
du  titulaire  appartenait  à  l'évêque  de 
Lisieux. 

Les  fenêtres  possèdent  des  débris  de 
leurs  anciennes  verrières.  Deux  vitres 
neuves ,  dans  le  style  du  monument  , 
ont  été  tout  récemment  exécutées  par 
M.   Duhamel,  d'Évreux. 

Outre  son  Hôpital,  Orbec  possédait 
encore,  au  moyen-âge,  une  Léproserie  ; 
mais  j'en  ignore  l'emplacement. 


Capucins.  —  Le  couvent  des  Ca- 
pucins a  disparu  aussi  à  peu  près.  Il 
fut  établi  en  16&6,  grâce  aux  généro- 
sités de  la  maison  de  Melun ,  qui  pos- 
sédait le  domaine  de  la  Cressonnière. 
A  l'entrée  de  la  ville,  sur  le  chemin  de 
Lisieux,  ses  beaux  jardins  en  amphi- 
théâtre servaient  de  gradins  à  la  maison, 
construite, comme  celle  de  Lisieux,  avec 
un  préau  central  entouré  d'un  cloître.  Derrière  se  trouvait 
un  vaste  verger  ,  puis  un  bois  percé  de  belles  allées ,  qui 
occupait  le  sommet  du  coteau.  Ce  vaste  enclos  était  en- 
touré de  murs. 

Augustines.  —  Le  couvent  des  Augustines  a  été  divisé,  et 
c'est  sur  une  partie  des  terrains  qu'il  occupait  que  s'élève  le 
nouvel  Hôtel -de-Ville.  L'église  a  été  transformée  en  halle 
après  la  destruction  de  l'édifice  alîecté  à  cet  usage.  Nous  allons 


CANTON   D'ORBEC.  791 

laisser ,  pour  sa  description  ,  la  parole  à  M.  Raymond 
Bordeaux  ,  qui  s'exprimait  ainsi  il  y  a  quelques  années  : 

«  Il  eût  fallu  certainement  comprimer  nos  instincts  d'ar- 
chéologue pour  ne  pas  faire  le  tour  de  cette  ancienne  église 
des  Augustines,  dont  le  clocher  d'ardoise  et  les  ogives  effon- 
drées attiraient  notre  curiosité.  L'architecture  en  est  d'ail- 
leurs fort  simple  et  sans  aucunes  sculptures  ;  et,  bien  que 
les  fenêtres  soient  ogivales  ,  celte  chapelle  ne  nous  parut 
point  remonter  plus  loin  que  les  premières  années  du  XVIIe 
siècle. 

«  Ce  fut  dans  cette  église  qu'on  déposa  les  restes  d'un  des 
plus  illustres  jurisconsultes  normands.  Josias  Bérault,  né  à 
Laigle,  en  1563,  avocat  au  Parlement  de  Rouen  et  conseiller 
à  la  Table  de  Marbre,  vint  habiter  à  la  Vespière,  village  qui 
forme  en  quelque  sorte  un  faubourg  d'Orbec  On  dit  qu'il  y 
travailla  à  ses  Commentaires  sur  la  Coutume  de  Normandie. 
Mort  vers  1667,  il  eut  pour  dernière  demeure  cette  chapelle 
des  Augustines,  où  sa  cendre  repose  peut-être  encore  sous 
quelque  dalle  effacée.  » 

Les  dames  Augustines,  sous  l'invocation  de  saint  Joseph, 
furent  fondées  en  1632,  par  Mme  Claude  Alexandre,  veuve 
de  Jacques  Le  Portier  de  La  Surière.  Chassées  par  la  Révo- 
lution, elles  sont  revenues  à  leur  berceau  après  la  tourmente, 
et  elles  possèdent  de  l'autre  côté  de  la  ville  un  pensionnat 
prospère. 

Maisons.  —  Les  rues  sont  encore  bordées  de  vastes  hôtels 
du  XVIIe  ou  du  XVIIIe  siècle,  sévères  comme  les  magistrats 
du  bailliage  auxquels  ils  servirent  de  demeure.  Malheureuse- 
ment ,  trop  vastes  pour  les  habitudes  rétrécies  de  notre 
époque,  ils  auront  bientôt  disparu.  Leur  description  entraî- 
nerait loin,  et  exigerait,  pour  être  complète,  des  détails  his- 
toriques trop  abondants  pour  entrer  dans  cette  statistique. 


792  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Indiquons  seulement,  dans  la  grande  rue,  une  maison  de 
bois  de  la  fin  du  XVIe  siècle  :  on  y  lit  la  date  de  1568.  Les 
entrecolombages  sont  garnis  de  tuiles  inclinées  ;  les  sablières 
étaient  couvertes  de  fleurons,  d'oves  et  de  godrons,  tandis 
que  les  poteaux  se  chargeaient  de  larges  feuillages  en  con- 
soles. La  lucarne,  aussi  richement  ornée,  est  aujourd'hui 
découronnée.  Sur  un  des  poteaux  corniers  on  voit  une  en- 
seigne dessinée  par  M.  Bouctv  et 
représentant  un  apothicaire  pré- 
parant ses  drogues  dans  un  mor- 
tier. 

La  maison  voisine  date  du  XVe 
siècle.  Elle  est  sans  sculptures  ; 
mais  ses  moulures ,  bien  profilées , 
méritent  un  coup-d'œil. 

Au  bas  de  la  ville,  non  loin  de  la 
route  de  Livarot  et  du  point  où 
les  anciens  plans  placent  le  Bail- 
liage ,  existe  encore  une  tourelle 
de  pierre  octogone ,  ornée  sous  le 
larmier  d'une  frise  de  feuillages 
gothiques  fortement  fouillés.  Des 
pinacles  feuillages  font  contreforts 
sur  les  angles.  Les  baies,  largement 
ouvertes ,  sont  carrées ,  entourées 
d'une  gorge  où  l'on  a  ménagé  des 
guirlandes  du  même  genre.  Le  toit  était  pyramidal ,  couvert 
en  ardoise.  Cette  tourelle ,  œuvre  du  XVe  siècle ,  dépendait 
d'une  maison  en  bois  assez  importante ,  qui  s'est  trouvée 
modifiée  au  XVIIe  siècle. 

La  ville  d'Orbec  n'a  jamais  été  close  de  murs.  <c  II  [est 
vray,  dit  un  ancien  document,  qu'en  1534,  les  habitants  du 
lieu  obtinrent  permission  du  roy  de  faire  des  fossez...  qu'ils 


CANTON  D'ORBEC.  793 

commencèrent  à  les  fouiller  ;  mais  ils  en  discontinuèrent 
bien  tost  le  travail  à  cause  que  le  seigneur  d'Orbec  dont  re- 
leuent  tous  les  héritages  scituez  dans  les  lieux  qu'on  auoit 
désignés  pour  les  fossez  et  les  remparts  dud.  bourg ,  em- 
pescha  qu'on  ne  passast  outre  jusqu'à  ce  qu'il  eust  este  in- 
demnisé des  cens  et  rentes  qui  lui  étaient  detis » 

Des  procès  pendants,  en  1657  et  1698,  ralentirent  le  zèle 
des  habitants  pour  un  pareil  objet,  d'ailleurs  peu  utile. 

«  De  là  il  suit  qu'il  n'y  a  point  encore  eu  de  fossez  ny  de 
remparts  ny  de  portes  au  lieu  d'Orbec.   » 

Par  contre,  il  y  avait  deux  châteaux-forts  :  l'un  entre  les 
mains  du  seigneur,  l'autre  réservé  aux  apanagistes  ou  enga- 
gistes  du  domaine  royal 

Le  château  royal ,  le  plus 
important ,  occupait  le  coteau 
au  levant ,  au  bout  de  la  rue 
de  Geôle.  On  en  voit  encore 
de  notables  débris.  Il  a  déjà 
été  décrit  par  M.  Raymond 
Bordeaux  dans  son  excursion 
de  1851.  Il  était  composé  de 
deux  enceintes ,  comme  tous 
les  châteaux  du  moyen-âge. 
La  plus  vaste  et  la  plus  voi- 
sine de  la  ville  était  de  forme 

ovale  et  mesurait  environ  U5  toises  à  son  plus  |grand  dia- 
mètre ,  du  nord  au  sud.  Il  subsiste  encore^quelques  pans 
de  mur  dont  il  est   difficile   d'indiquer   l'époque. 

La  seconde  enceinte,  plus  haut  sur  le  coteau, ;,'devait™con- 
tenir  le  donjon.  C'est  une  motte  presque  ronde  ;  on  la 
nomme  le  Bonnet- Carré.  Un  fossé  profond  la  séparait  de  la 
première  enceinte. 


794  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Cette  place  a  eu  une  certaine  importance.  D'abord  apa- 
nage de  la  maison  d'Orléans,  elle  fut  cédée,  en  1353,  au  roi 
de  Navarre,  en  échange  du  comté  de  Champagne.  Les  ré- 
voltes de  ce  prince  amenèrent  la  destruction  de  ses  places 
fortes  de  Normandie,  vers  1378.  Orbec  fut  rétabli,  car  en 
1418  le  roi  d'Angleterre  en  gratifia  le  duc  de  Clarence. 
Conquis  de  nouveau  en  1448 ,  il  rentra  dans  le  domaine 
royal  pour  être,  au  XVIIe  siècle,  engagé  à  la  dame  de  Ba- 
lagny.  Enfin,  par  lettres-patentes  du  mois  d'avril  1777,  en- 
registrées au  Parlement  de  Rouen  le  14  novembre  suivant, 
les  domaines  d' Orbec  et  de  Falaise  furent  donnés  par 
Louis  XVI  à  Monsieur ,  son  frère ,  depuis  Louis  XVIII,  en 
remplacement  de  St-Sylvain,  le  Tuit  et  Alençon. 

Le  château,  que  je  regarde  comme  ayant  appartenu  aux 
barons  d'Orbec,  est  situé  à  une  petite  distance  de  la  ville, 
sur  la  route  de  Lisieux,  à  peu  près  en  face  de  Bienfaite.  On 
en  voit  encore  quelques  pans  de  murs  qui  couronnent  le 
coteau  au  pied  duquel  passe  la  route. 

Les  seigneurs  d'Orbec  prétendaient  tirer  leur  origine  de 
Richard  Ier,  duc  de  Normandie.  Richard  de  Gère,  seigneur 
d'Orbec  et  de  Bienfaite,  suivit  le  duc  Guillaume  en  Angle- 
terre. Ce  sont  ses  fils  qui  désunirent  les  deux  terres  ;  car, on 
trouve  dans  la  liste  des  compagnons  de  Robert  II,  pendant 
son  voyage  en  Terre-Sainte,  Jean  de  Bienfaite,  Guillaume  et 
Jean  d'Orbec.  On  n'a  pas  la  filiation  suivie  de  celte  famille, 
qui  tint  toujours  un  haut  rang  parmi  les  nobles  de  Nor- 
mandie et  s'allia  aux  d'Harcourt,  aux  Giffart  et  autres  mai- 
sons considérables.  Du  reste,  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  s'en 
occuper  :  il  suffit  de  citer  les  plus  connus  de  ses  membres. 
Saint  Louis  érigea  la  terre  d'Orbec  en  baronnie.  Confisquée 
par  le  roi  d'Angleterre  après  son  invasion  de  la  Normandie, 
elle  fut  restituée  le  9  octobre  1419  à  Pierre  d'Orbec;  mais 
c'est  alors  vraisemblablement  que  fut  démantelé  le  château 


CANTON   D'ORBEC.  795 

baronnial ,  car  Jean  d'Orbec  ayant  épousé  Marie  de  Bien- 
faite,  vers  le  milieu  du  XVe  siècle,  s'établit  dans  cette  terre, 
où  depuis  lui  presque  tous  les  barons  d'Orbec  ont  fait  leur 
résidence.  Son  petit-fils ,  Guy  d'Orbec ,  suivit  le  roi 
Charles  VIII  dans  son  expédition  d'Italie,  et  le  6  juillet  1495, 
à  la  bataille  de  Fornoue,  il  se  comporta  si  bien ,  que  le  roi 
le  fit  chevalier  de  sa  main  et  lui  octroya  un  don  de  1,100 
livres,  qui  n'était  pas  une  mince  somme  pour  cette  époque. 
Plus  tard,  il  obtint  du  roi  Louis  XII  la  création  de  deux 
marchés  par  semaine  et  deux  foires  par  an  au  bourg  de 
Bienfaite.  A  la  fin  du  XVIe  siècle,  Louis  d'Orbec  était  bailli 
du  grand  bailliage  d'Évreux.  Il  se  mit  à  la  tête  des  huguenots 
du  pays  et  il  encourut  la  responsabilité  des  dévastations  com- 
mises dans  la  ville  et  la  cathédrale  de  Lisieux ,  au  mois  de 
mai  1562. 

En  1612,  il  ne  restait  plus  que  deux  filles  de  cette  puis- 
sante et  antique  maison  :  Louise  et  Esther  d'Orbec.  La  pre- 
mière avait  épousé  en  1600  Jean  du  Merle  ,  seigneur  de  La 
Motte  ;  Esther  s'unit  à  Jean  de  Bouquetot,  seigneur  du 
Breuil.  'Les  terres  composant  la  baronnie  furent  divisées 
entre  les  deux  sœurs,  dont  les  descendants  prirent  conjoin- 
tement le  titre  de  barons  d'Orbec.  La  famille  du  Merle  en  a 
joui  jusqu'à  la  Révolution  ;  elle  est  encore  représentée  au- 
jourd'hui par  M.  le  comte  du  Merle,  qui  habite  le  château 
de  la  Vespière.  Esther  d'Orbec  n'eut  qu'une  fille,  nommée 
Louise  par  sa  tante,  qui  épousa  Henri  de  Chaumont,  baron 
de  Lecques,  dont  la  descendance  mâle  subsiste  encore. 

Orbec  a  vu  plusieurs  fois  des  rois  dans  ses  murs.  Jean- 
sans-Terre  y  séjourna  du  5  au  6  décembre  1201,  le  15  mars 
et  le  3  novembre  1203. 

Louis  XIII  y  coucha  le  2U  juillet  1620,  dans  ce  voyage 
qu'il  entreprit  pour  pacifier  la  révolte  suscitée  par  la  reine- 
mère  et  Richelieu. 


796  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


LA  CRESSONNIÈRE  (1). 

La  Cressonnière,  Cressonerya ;  Cressoneria ;  La  Cres- 
sonere. 

L'église  de  la  Cressonnière,  bâtie  dans  une  contrée  ac- 
cidentée et  pittoresque,  à  U  kilomètres  d'Orbecà  vol  d'oiseau, 
domine  un  frais  vallon  arrosé  par  une  petite  rivière  qui  donne 
son  nom  à  la  commune. 

Cette  église ,  qui  porte  le  titre  de  Notre-Dame ,  présente 
peu  d'intérêt  au  point  de  vue  architectural.  La  nef  date  du 
XVIe  siècle.  Elle  est  éclairée  du  côté  nord  par  deux 
fenêtres  sans  caractère.  Le  mur  méridional,  construit  en 
grand  appareil,  est  percé  d'une  fenêtre  cintrée,  partagée  en 
deux  baies  également  cintrées  par  un  meneau  prismatique. 
Des  contreforts  saillants  butent  les  murs  latéraux. 

Le  portail  occidental  est  soutenu  par  quatre  contreforts  , 
dont  deux  moins  élevés  sont  placés  aux  extrémités.  La  porte , 
de  forme  ogivale ,  est  moderne  et  percée  d'un  oculus  dans 
le  tympan.  Le  linteau  supérieur  est  formé  de  deux  arcs  sur- 
baissés qui  reposent  sur  un  fleuron  à  leurs  points  de  jonction. 

Un  clocher  carré ,  en  charpente ,  recouvert  en  essente 
et  peu  élevé,  forme  saillie  à  l'extrémité  occidentale  de  la  nef. 
La  cloche ,  dont  le  diamètre  est  de  62  centimètres ,  porte 
l'inscription  suivante  : 

f  l'an  1836  j'ai  été  bénite  par  Mr  PIERRE  le  boucher  curé 

d'ORBEC     ET    NOMMÉE    LOUISE    AMBROISINE    PAR    Mr    LOUIS     PIERRE   BONAVEN- 

TURE   JOSEPH    COMTE    DU    MERLE    ET   Mclle    AMBROISINE    JEANNE     PAULINE    DE 

NOINVILLE. 

F.  COLLARD  FONDEUR  A  FALAISE. 

Le  chœur,  bâti  en  retraite  sur  la  nef,  offre  des  murs  en 
(1)  Notes  de  M.   A.   Pannier. 


CANTON   D'ORBEC.  797 

blocage  récrépis.  Il  est  éclairé  au  midi  par  une  fenêtre  ogivale 
à  meneau  prismatique,  partagée  en  deux  baies  à  arc  surbaissé, 
et  par  une  grande  fenêtre  carrée  sans  caractère.  Une  fenêtre 
ogivale  à  un  meneau  qui  correspond  à  la  précédente,  mais  qui 
est  d'un  travail  plus  grossier,  existe  du  côté  nord.  Le  chevet, 
masqué  par  la  sacristie,  était  percé  d'une  fenêtre  ogivale. 

Deux  pierres  tu mulaires,  avec  inscriptions,  sont  placées 
dans  le  chœur.  La  seconde  porte  un  blason  chargé  de 
7  besans  ou   tourteaux  rangés  ,3,3,1,  avec  la  devise  : 

A  QUI  TIENS- JE  ? 

CY    •  GIST   • 

TRÈS   •  HAUTE  •  ET   • 

TRÈS   •    PUISSANTE   •  DAME   • 

MADAME    •   RENÉE    •   DE    •  RUPIERRE    • 

VEUVE    •  DE    •  TRÈS    •    HAUT    •  ET    .    TRÈS   • 

PUISSANT    •   SEIGNEUR    .    MONSEIGNEUR    . 

CHARLES   •   DE   -  MELEUN    •  ET   •  COMTE   «DE 

SEIGNEUR    •   DES    •   TERRES    • 

ET    .   PAIERIES    •  DE    •  DOMPVAST    • 

VALLENCOCRT    • SURVIE   • 

LA    •    CRESSONNIÈRE    .    ET    .  AUTRES    . 

LIEUX    •    LAQUELLE    .   DÉCÉDA    . 

1751    •    ÂGÉE    • 

DE    •   53    •   ANS   - 

PRIBS   •  DIEU   • 

POUR    .  SON   •  AME   . 


CI    •  GIST   • 

TRÈS   •  HAUTE    .  ET    .    TRÈS   •   PUISSANTE   • 

DAME    •  MADAME    -  LOUISE    •  ELISABETH    * 

DE    •   MELUN    •   DES    .    PRINCES    •   DEPINOY    . 

MARQUISE    •    DE    •  LANGHAC    •   ETC    • 

VEUVE    •    EN    •   PREMIÈRE    •   NOCE    •   DE    •    TRÈS    •  HAUT    • 

ET    .   TRÈS    .  PUISS1    •  SEIGeur    .  MONSEIGClir    .  ALEXANDRE 

THÉODOSE    .  COMTE    •  DE    .    MELUN    •  DES    •  PRINCES    • 


798  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 

DE     PINOYS    •  MARIÉE    •   EN    •  SECONDE    .   NOCE    •   A    • 

THES   •    HAUT    .  ET   •   TRÈS    •  PUISSANT    •  SEIGNEUR    • 

MONSEIGNEUR    •    GILBERT    •   ALLIRE    .  MARQ»    • 

DE    LANGHAC    .  GRAND    .  SÉNÉCHAL    •  DAUV- 

ERCNE    •   DÉCÉDÉE    •  AU    •   CHAT    • 

DE    •  LA    •  CRESSONNIÈRE    .  LE    •  28    •    NOV 

EMBRE    •  1755    •  ÂGÉE    •   DE    •  A3    •  ANS    • 

PRIEZ    •   DIEU    •  POUR    •  LE    .   REPOS    • 

DE    •  SON    •  AME     (1)    . 

Le  rétable  du  maître-autel  a  conservé  ses  peintures  pri- 
mitives; il  offre  un  véritable  intérêt  et  peut  servir  de  type 
pour  la  décoration  des  meubles  du  même  genre  qui  ornent 
encore  le  sanctuaire  d'un  grand  nombre  d'églises  rurales. 

Ce  rétable  date  de  la  fin  du  règne  de  Louis  XIII  ou  des 
premières  années  du  règne  de  Louis  XIV. 

Deux  colonnes  corinthiennes ,  cannelées  dans  la  partie  in- 
termédiaire et  garnies,  dans  le  tiers  inférieur  et  la  partie  su- 
périeure ,  de  guirlandes  de  roses  dessinant  des  rinceaux , 
supportent  le  fronton  qui  est  coupé  et  surmonté  d'un  attique 
composé  d'une  niche  avec  entablement  trapézoïde.  Le  tableau, 
placé  entre  les  colonnes ,  est  cintré  dans  le  haut  avec  angles 
rentrants.  Au  milieu  de  la  corniche  et  au-dessus  du  tableau, 
se  détache  un  cul-de-lampe  servant  de  support  à  une  statue 
de  la  Vierge-Mère ,  placée  dans  la  niche  dont  nous  avons 
parlé.  Les  deux  niches  cintrées  qui  accompagnent  le  rétable 
sont  décorées  de  pilastres  offrant  des  pentes  de  fruits ,  ces 
niches  sont  surmontées  d'un  fronton  en  forme  de  trapèze. 

(1)  Le  Dictionnaire  historique  de  Moréri  (  t.  III,  p.  739  )  contient 
la  généalogie  de  la  maison  de  Melun.  Cette  ancienne  famille,  qui 
compte  un  grand  nombre  de  hauts  personnages,  plusieurs  officiers 
de  la  couronne  et  des  prélats ,  se  divise  en  deux  branches.  A  la  se- 
conde branche,  celle  des  princes  d'Espinoy ,  appartient  Mme  Elisabeth 
de  Melun ,  inhumée  dans  le  chœur  de  la  Cressonnière. 


CANTON    D'ORBEC.  799 

Celle  de  droite  renferme  la  statue  de  sainte  Marguerite  ;  dans 
l'autre  niche  est  placée  la  statue  de  saint  Charles.  Au-dessous 
sont  des  portes  cintrées  avec  moulures  du  temps.  Au  centre 
de  ces  portes  est  peint  un  grand  médaillon  entouré  de 
feuilles  de  chêne,  lequel  représente  un  ange  à  genoux  sur  un 
nuage  et  balançant  un  encensoir. 

Ce  médaillon  est  surmonté  d'un  magnifique  vase  formé 
de  rinceaux. 

Le  tabernacle ,  de  forme  hexagonale ,  offre  deux  étages.  Le 
premier  étage  est  décoré  de  colonnes  torses,  dont  deux 
placées  sur  la  face  principale  et  deux  autres  en  retraite.  Sur 
la  porte  est  représenté  le  Père-Éternel  bénissant  de  la  main 
droite  et  tenant  dans  l'autre  un  globe  surmonté  d'une  croix. 
Les  autres  statuettes,  placées  dans  des  niches  cintrées,  repré- 
sentent les  quatre  évangélistes  avec  leurs  attributs.  Chaque 
niche  est  surmontée  d'un  fronton  trapézoïde  sous  lequel  se 
détache  une  petite  tête  d'ange.  Ce  premier  ordre  est  sur- 
monté d'un  second  orné  de  bouquets  de  fleurs.  Le  dôme 
supporte  une  petite  lanterne  ,  terminée  par  une  croix 
formée  de  petits  fuseaux  renflés  et  tournés.  La  base  de  la 
coupole  est  composée  de  trois  panneaux  à,  angles  rentrants. 
Le  fond  est  semé  de  jolis  bouquets.  La  partie  supérieure  des 
panneaux  est  décorée  de  médaillons  en  forme  de  cartouches. 

Ces  rétables  sont  décorés  de  peintures  polychromes  ,  or , 
rouge,  bleu  ,  vert,  blanc,  qui,  sont  bien  conservées  et  très- 
intéressantes  à  observer. 

Les  deux  petits  aqtjels.de  la  nef  sont  du  même  style  et  du 
même  ordre  d'architecture  que  celui  du  chœur.  Ils  sont 
terminés  par  un  fronton  circulaire.  Le  centre  est  occupé  par 
une  niche  avec  cul-de-lampe,  rouge  et  or,  entourée  de 
bouquets  de  fleurs;  l'un  des  deux  pendentifs  représente  un 
ange  entouré  de  guirlandes.  Les  colonnes  de  l'un  de  ces 
autels  sonl    rudentécs;    celles  de  l'autre  sont  décorées  de 


800  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

feuilles  de  vigne  dans  le  tiers  inférieur.  L'autel ,  placé  au 
sud,  est  décoré  d'une  statue  du  moyen-âge  représentant 
saint  Claude. 

Les  couleurs  de  ces  autels  ont  subi  des  restaurations  qui , 
cependant,  n'ont  point  altéré  l'ordonnance  primitive. 

Les  voûtes  de  la  nef  sont  en  merrain ,  avec  entraits  et 
poinçons. 

On  lit  dans  les  Rôles  de  l'Échiquier  de  Normandie  de 
1184: 

«  Gillebertus  de  Cressoneria  reddit  compotum  de  70  lib. 
quia  interfuit  sponsalii  uxoris  Roberti  de  Sakenvilla.  » 

En  1195  : 

ce  Engerrannus  de  Cressonaria.  » 

La  Cressonnière  faisait  partie  ,  avant  la  Révolution ,  du 
doyenné  d'Orbec  et  de  l'archidiaconé  de  Lisieux.  La  cure 
valait  600*  et  était  à  la  présentation  du  seigneur  laïque  et  du 
gouverneur  d'Orbec.  Le  curé  Chéradame,  dans  sa  déclaration 
du  30  mars  1751 ,  en  vertu  de  l'ordonnance  royale  de 
Tannée  précédente ,  mentionne ,  comme  bienfaitrice  de  la 
paroisse,  la  princesse  d'Épinoy  de  Langhac.  Il  donne  aussi 
le  détail  des  dîmes  qui  formaient  son  revenu ,  savoir  : 
250  gerbes  de  blé  ; 


80 

—     de  seigle  ; 

80 

—     d'avoine; 

90 

*—     de  pois  ; 

80 

—     de  vesce  ; 

70 

—     d'orge ,  etc. ,  etc. 

(Arch.  Calv.9  Bénéf.), 

Château.  —  A  peu  de  distance  de  l'église ,  au  fond  du 
vallon ,  s'élève  un  vieux  bâtiment  en  pierre  dont  la  construc- 
tion remonte  à  la  fin  du  XVe  siècle  ou  aux  premières  années 
du  XVIe.  Ce  bâtiment,  seul  vestige  encore  debout  de  l'ancien 


CANTON    D'ORBEC.  801 

château  de  la  Cressonnière ,  offre  des  ouvertures  surmontées 
d'ogives  en  accolade.  Il  est  entouré  de  douves,  autrefois 
remplies  d'eau  vive. 

Le  château  moderne  ,  bâti  sur  une  éminence  et  couronné 
de  bois,  appartient  à  M.  le  comte  Durey  de  Noinville.  Il 
est  entouré  d'un  beau  parc  dessiné  à  l'anglaise. 

CERNAY. 

Cernay ,  Cernaium  ,  Sarnaium ,  Serneium. 

L'église  de  Cernay  ,  dans  son  état  actuel ,  peut  se  décom- 
poser en  constructions  de  différents  âges,  par  suite  des 
reprises  qui  ont  été  faites  à  diverses  époques. 

La  partie  occidentale  de  la  nef,  si  l'on  excepte  quelques  por- 
tions refaites  du  mur  de  la  façade  et  des  murs  latéraux,  appar- 
tient au  style  de^transition,  caractérisé  dans  les  campagnes  de 
Lisieux  par  des  lancettes  étroites  et  courtes ,  dans  lesquelles 
se  dessine  l'ogive.  On  voit  dans  le  mur  du  nord ,  qui  a  con- 
servé ce  caractère,  près  de  l'extrémité  occidentale,  une  de 
ces  fenêtres  primitives  intacte  dans  sa  forme  ,  mais  bouchée  ; 
le  contrefort  voisin  montre  des  joints  de  mortier  assez  épais  et 
un  appareil  se  l'apportant  aussi  à  la  deuxième  moitié  du  XIIe 
siècle  ou  au  commencement  du  XIIIe.  Le  mur  latéral  sud , 
en  regard ,  renfermait  la  porte  principale  ,  dont  on  distingue 
très- bien  les  traces  dans  la  maçonnerie  récrépie  de  chaux. 

La  porte  occidentale  actuelle  ne  doit  effectivement  dater 
que  du  siècle  dernier  ,  d'après  sa  forme  ;  le  mur  avait  été 
auparavant  percé  d'une  fenêtre  qui  pourrait  appartenir  à  la 
deuxième  moitié  du  XVIe  siècle  et  qui  surmonte  cette  porte 
moderne.  Si  nous  revenons  au  mur  latéral  de  la  nef,  côté 
nord ,  nous  y  voyons  vers  le  centre  une  partie  moderne  en 
briques  avec  fenêtres  modernes,  puis,  à  l'extrémité  qui 
avoisine   1*'   <  IxBur  ,    une   maçonnerie  tir  grand    appareil  »'ii 

51 


802  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

craie ,  qui  nous  paraît  du  XVIe  siècle ,  aussi  bien  que  la 
fenêtre  et  le  contrefort  qui  s'y  trouvent. 

Du  côté  du  sud ,  le  mur  latéral  a  été  refait  en  grande 
partie  et  toutes  les  fenêtres  appartiennent  à  la  période  moderne. 

Le  chœur  ,  en  retrait  sur  la  nef ,  devait  être  aussi  primi- 
tivement du  XIIIe  siècle  ou  de  la  fin  du  XIIe  ;  mais  il  a  subi 
les  mêmes  transformations  que  la  nef ,  par  suite  de  reprises 
dans  les  murs  dont  quelques  parties  cependant  montrent 
l'appareil  ancien ,  et  par  suite  du  remplacement  des  fenêtres 
par  des  ouvertures  modernes  plus  larges;  le  chevet  a  été 
complètement  masqué  par  l'application  d'une  sacristie  ;  on 
voit,  sur  une  porte  moderne  à  pilastres  ouverte  près  du 
chevet  du  côté  du  sud,  la  date  1678. 

La  tour  quadrangulaire  en  bois ,  revêtue  d'ardoise,  s'élève 
à  l'extrémité  occidentale  de  la  nef  ;  un  assez  bel  if ,  remar- 
quable surtout  par  sa  forme  régulière ,  existe  dans  le  cime- 
tière au  nord  de  la  nef. 

Intérieur.  —  A  l'intérieur,  celle-ci  a  conservé  sa  voûte  en 
bois,  une  partie  avec  traverses  et  poinçons,  le  reste  sans  entraits  ; 
celle  du  chœur  a  été  plâtrée.  Dans  la  nef,  on  a  figuré  des 
pilastres  modernes  le  long  des  murs  ;  enfin  ,  dans  le  chœur , 
l'autel  est  couronné  d'un  entablement  en  fer-à-cheval  porté 
par  des  colonnes,  comme  quelques  églises  en  ont  eu  au 
siècle  dernier.  C'est ,  à  ce  qu'il  paraît ,  un  don  de  l'abbaye 
du  Bec,  qui  nommait  à  la  cure  ,  percevait  les  dîmes  et  pos- 
sédait à  Cernay  un  manoir  dont  nous  allons  parler  tout  à 
l'heure.  Le  patron  de  la  paroisse  est  saint  Aubin. 

L'église  et  la  terre  de  Cernay  faisaient  partie  du  domaine 
d'Ansgot,  père  d'Herluin  de  Conteville.  Ce  dernier,  en  fondant 
l'abbaye  du  Bec  ,  l'aumôna  à  son  monastère,  et  depuis  cette 
époque  jusqu'à  la  Révolution ,  les  moines  du  Bec  en  ont 
conservé  la  possession. 

Cernay  faisait  partie  de  l'élection  de  Lisieux,  de  la  sergen- 


CANTON    D'ORBEC.  803 

terie  d'Orbec  ;  on  y  comptait  90  feux  ;  la  population  actuelle 
est  de  250  habitants  environ. 


Manoir.  —  A  six  ou  sept  cents  mètres  environ  au  nord  de 
l'église  existe  le  manoir  de  Cernay ,  qui  offre  un  certain 
intérêt,  parce  qu'il  est  construit  complètement  en  pierre  et 
qu'il  remonte  ,  je  crois,  ûu  XI Ve  siècle,  peut-être  même  à 
la  fin  du  XIIIe. 

Ce  manoir  montre  encore  aujourd'hui  un  corps-de-logis 
principal,  dont  toutes  les  fenêtres  étaient  à  croisées  de  pierre 
surmontées  d'un  tympan*  et  d'une  voûte  surbaissée  ;  les 
croisées  de  pierre  ont  été  coupées,  mais  les  traces  en  sont 
toutes  apparentes.  La  porte  d'entrée,  du  côté  de  la  cour,  était 
couronnée  d'un  cordon  dessinant  aussi  un  cintre  surbaissé. 

Du  côté  de  l'est,  un  bâtiment  un  peu  moins  élevé  fait  suite 
au  précédent;  il  est  garni .  à  son  extrémité,  de  contreforts 
étages  qui  ont  le  galbe  des  contreforts  du  XIIIe  siècle  ,  et  me 
paraît ,  du  reste ,  du  même  temps  que  le  précédent. 

Un  bâtiment  moderne  accompagne,  du  côté  opposé  (côté 
de  l'ouest),  le  bâtiment  central;  il  est  très-possible  qu'il 
n'ait  fait  que  remplacer  une  construction  ancienne  ;  quel- 
ques restes  de  maçonnerie,  sur  lesquels  on  paraît  avoir 
soudé  les  murs  modernes  en  briques,  sembleraient  l'indiquer. 

Ce  manoir  appartenait  à  l'abbaye  du  Bec,  et  devait  être 
habité ,  au  XIVe  siècle  et  longtemps  après,  par  les  religieux 
qui  administraient  le  prieuré  ;  ils  y  avaient ,  m'a-t-on  dit , 
une  chapelle.  Le  jour  où  je  suis  allé  visiter  ce  manoir ,  les 
fermiers  étaient  absents,  et  il  ne  m'a  pas  été  possible  de 
visiter  l'intérieur  ;  la  distribution  ancienne  a  ,  d'ailleurs,  été 
modifiée  pour  approprier  les  pièces  à  l'exploitation  rurale 
qui  dépend  du  manoir. 

Les  granges  dîinières  du  prieuré  s'élèvent  au  nord  du 
manoir  et  servent ,  de  ce  côté ,  de  clôture  à  la  cour.  Elles 
oui  été  reconstruites  nouvellement. 


80£»         STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU  CALVADOS. 

Cernay  est  au  milieu  d'une  plaine  qui  a  dû  ,  anciennement 
comme  aujourd'hui ,  produire  des  céréales  et  la  dîme 
devait  être  assez  importante  ,  si  l'on  en  juge  par  l'étendue 
des  bâtiments  qui  remplacent  les  anciens. 

Ce  fief  étant  purement  ecclésiastique,  peu  de  gentilshommes 
s'établirenl  sur  son  territoire.  Monifaut  y  trouva,  en  1463, 
Cardin  Le  Forestier  ;  mais  les  Recherches  faites  par  les  élus 
en  1524  et  1560  restent  muettes.  Un  titre  authentique 
donne  le  nom  de  Charles  d'Autigna,  écuyer,  sieur  de  Courlon 
demeurant  à  Cernay  ,  en  1651.  En  1666,  Julien  de  L* 
Londe  résidait  aussi  dans  cette  paroisse. 

BIENFAITS. 

Bienfaite,  Benefacta  ,  Bonefacta,  Bienfatcte. 

Bienfaite  est  une  localité  ancienne  et  importante.  Si  elle 
ne  compte  plus  aujourd'hui  que  690  habitants,  malgré  ses 
établissements  industriels  ,  elle  en  avait  au  milieu  du  dernier 
siècle  plus  de  800  ;  et  les  documents  anciens  qui  la  con- 
cernent portent  à  croire  qu'au  moyen-âge  ses  paroissiens 
étaient  encore  plus  nombreux. 

L'église ,  comprise  dans  le  doyenné  d'Orbec ,  était  dédiée  à 
saint  Martin.  C'est  un  édifice  assez  vaste,  bâti  d'un  seul  jet,  au 
XVe  siècle,  sur  la  pente  du  coteau,  presque  en  face  du  château. 

Le  plan ,  régulier ,  comprend  un  chœur  et  une  nef  en 
pierre  de  taille.  Des  contreforts  indiquent  les  travées.  Six 
belles  fenêtres  flamboyantes  éclairent  la  nef.  La  porte  d'entrée 
principale  s'ouvrait  autrefois  dans  la  première  travée,  au 
nord.  C'était  une  baie  cintrée  à  moulures  toriques  , 
qu'abritait  un  porche  en  charpente.  Une  petite  niche  en 
accolade  était  pratiquée  au-dessus,  sans  doute  pour  recevoir 
une  statue  du  saint  patron. 

Cette  porte  a  été  bouchée  à  une  époque  moderne,  et  on 


CANTON    D'OHBEC.  805 

a  pratiqué  une  nouvelle  entrée  ,  sans  caractère ,  dans  le 
pignon  occidental ,  qui  surplombe  le  chemin.  Ce  pignon , 
flanqué  de  quatre  contreforts  puissants ,  lance  son  rampant 
de  pierre  à  une  grande  hauteur  contre  la  tour,  qui  est  assise 
sur  l'angle  méridional.  Cette  tour  se  termine  par  une  flèche 
en  charpente ,  octogone  ,  avec  lucarnes  surmontées  d'épis  en 
plomb  dans  le  style  de  l'époque  (  V.  la  page  807). 

Le  chœur,  en  retraite  sur  la  nef,  n'a  que  deux  travées. 
Ses  fenêtres  sont  également  flamboyantes.  Dans  la  première 
travée ,  toujours  au  nord  ,  s'ouvrait  une  porte  cintrée  , 
garnie  de  moulures  toriques  ,  dont  le  tympan  est  couvert 
d'une  légère  tracerie  en  creux.  Deux  petits  pilastres  ,  sur- 
montés de  pinacles  ,  lui  servent  d'accompagnement. 

L'intérieur  offre  un  vaisseau  large  et  élevé  ,  mais  un  peu 
froid  comme  c'est  l'ordinaire  dans  l'architecture  de  cette 
époque.  Des  plâtrages  regrettables  viennent,  en  outre,  causer 
une  impression  encore  plus  désagréable.  Les  voûtes  étaient  en 
carène,  avec  douvettes  en  merrain  et  charpentes  apparentes. 

Le  chœur  a  conservé  un  de  ces  magnifiques  rétables  ri- 
chement taillés,  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  par  les  huchers 
du  Pays-d'Auge.  Quatre  colonnes  torses  à  chapiteaux  com- 
posites ,  dont  le  fût  est  entouré  de  vignes  au  milieu  des- 
quelles jouent  des  petits  anges  ou  des  amours ,  portent  un 
entablement  à  fronton  brisé  en  volute.  Le  centre  est  occupé 
par  un  tableau  enveloppé  d'un  cadre,  circulaire  dans  sa  partie 
supérieure  ,  sculpté  de  feuilles  de  chêne.  Au-dessus  est  un 
médaillon  d'où  sort  un  buste  du  Père-Éternel  en  haut  relief. 
A  droite  et  à  gauche,  dans  l'entrecolonnement ,  sont  pra- 
tiquées des  niches,  dont  l'entourage  consiste  en  paquets  de 
fleurs,  et  que  surmontent  deux  médaillons,  semblables  au 
précédent,  occupés  par  un  Christ  et  une  Sainte-Vierge.  Des 
culs-de-lampe ,  formés  de  deux  têtes  de  chérubins ,  portent 
les  statues  :  saint  Martin  et  saint  Maur. 


806  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Sur  les  volutes  de  l'entablement  sont  assis  deux  anges  tenant 
les  instruments  de  la  Passion.  Quatre  beaux  vases  drapés  for- 
maient amortissement  au-dessus  des  colonnes;  deux  ont 
disparu. 

L'attique  offre  une  corniche  à  forts  ressauts  supportée  par 
deux  anges  caryatides.  Dans  la  niche  est  le  Christ,  debout, 
tenant  la  croix  de  Résurrection. 

Le  tabernacle  a  malheureusement  été  arraché  et  il  gît 
dans  les  greniers  du  clocher.  C'est  un  demi-hexagone ,  garni 
aux  angles  de  colonnetles  torses  ornées  de  ceps  de  vigne.  Sur 
chaque  face  est  une  niche  pour  des  statuettes.  L'une  est  vide; 
les  deux  autres  abritent  le  Sauveur  et  un  Évangéliste.  Les 
panneaux  du  second  étage  sont  sculptés  d'arabesques  à  jour. 
Deux  panneaux,  formant  contrelable ,  s'ajustaient  au  taber- 
nacle. Sous  leur  petit  fronton  en  trapèze,  porté  par  des  pilastres 
et  des  anges  caryatides,  on  avait  peint  des  anges  adorateurs. 

Les  deux  petits  autels  n'offraient  rien  de  particulier  à 
signaler.  A  l'un  d'eux  on  voyait  un  parement  brodé  de  soie 
et  de  perles  dans  le  goût  du  XVIIe  siècle  ;  et  une  statue  de 
Vierge,  probablement  de  la  Renaissance.  L'un  de  ces  autels 
a  été  remplacé  depuis  par  un  travail  dans  le  style  Louis  XIV, 
dû  à  M.  Léonard ,  sculpteur  à  Lisicux. 

La  cuve  baptismale,  octogone,  avec  des  arcatures  des- 
sinées au  trait,  doit  être  contemporaine  de  l'église. 

L'une  des  deux  cloches  est  ancienne.  Comme  elle  ne  porte 
pas  de  nom  de  fondeur ,  il  est  à  présumer  qu'elle  n'était  pas 
la  plus  grosse  de  la  sonnerie.  On  lit,  au  pourtour  : 

f  IAY  ESTE  BENITTE  PAR  Mrc  THOMAS  BOISSEL  PBre  CVRE  DE  CE  LIEV 
ET  NOMMEE  PAB  LOVIS  DV  VAL  Sr  DV  BESNERE  ET  ANNE  BÏGNOVLT  FEMME 
DE  1EAN  LE  VAVASSEVR  Sr  DV  BVISSON  ECHEVIN  DE  LA  CHAUITE  LAN  1672. 
flevren(t)    LE    BVGLE   TRESOBIEB. 

Château. — Le  château  de  Bienfaite  offre  une  grande  façade 


CANTON    DORBEC. 


807 


sans  ressauts ,  construite  en  briques  avec  chaînages  de  pierre 
à  refends  et  toits  brisés  à  la  Mansard,  Cependant ,   à  l'angle 


sud-ouest  se  trouve  une  tour  ronde,  de  diamètre  moyen, 
qui    m'a    paru ,    de   loin ,    avoir   les    caractères  du   règne 


808  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

d'Henri  III.  Ce  serait  donc  le  reste  d'un  édifice  antérieur  , 
construit  au  XVIe  siècle,  lorsque  le  château-fort  fut  défini- 
tivement abandonné. 

Motte  de  l'ancien  château.  —  De  ce  château-fort ,  il  reste 
une  motte  assez  élevée ,  de  forme  ovale  irrégulière ,  dont 
l'esplanade  peut  mesurer  50  pieds  dans  son  grand  diamètre. 
Au-dessous  paraît  avoir  été  l'enceinte  du  château,  à  peu 
près  carrée.  Ces  vestiges  occupent  l'extrémité  du  cap  formé 
par  le  vallon  de  la  Cressonnière,  à  sa  jonction  avec  la  vallée, 
au  sud  de  l'église  ;  ils  ont  été  décrits  dans  mon  Cours  d'anti- 
quités ,  Ve  volume. 

Les  seigneurs  de  Bienfaite,  qui  assistèrent  à  la  conquête  de 
l'Angleterre  et  à  la  croisade  de  Robert  II,  avaient  pour  auteur 
Gilbert ,  comte  d'Eu  et  de  Brionne  ,  fils  de  Geoffroy,  enfant 
naturel  du  duc  Richard  Ier  de  Normandie.  Ils  sont  la  souche  de 
la  famille  de  Clare  et  contractèrent  les  plus  belles  alliances. 

Versl/i50,  Marie  de  Bienfaite  porta  cette  terre  dans  la 
famille  d'Orbec,  branche  collatérale,  issue  aussi  des  comtes 
de  Brionne.  Ce  que  l'on  pourrait  dire  de  cette  maison  se 
rattache  naturellement  à  l'histoire  d'Orbec ,  dont  Bienfaite 
ne  fut  plus  qu'un  membre  dépendant  jusqu'à  la  Révolution. 

Disons ,  toutefois ,  que  le  château  de  Bienfaite  fut  la  ré- 
sidence des  seigneurs  d'Orbec ,  et  qu'un  grand  nombre  de 
leurs  actes  sont  datés  de  ce  château  (1). 

TORDOUET  (2). 

ïordouet,  ecclesia  de  Torto-Ductu. 
L'église  de   Tordouet ,    placée  sous  le   vocable  de    saint 
Michel,    couronne  le  sommet  d'un  coteau  au   pied  duquel 

(1)  Notes  de  M.  Ch.  Vasseur., 

(2)  Notes  de  MM.  Billon,  Vasseur  et  Pannier. 


CANTON    D'ORBEC.  809 

coule  un  ruisseau,  ou  douel ,  dont  le  cours  sinueux  (tortus 


TOUR    ROMANE    DE     TORDOUET. 

ductus)  a  donné  son  nom  à  la  paroisse.   Sa  belle  tour  ro- 


810  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

mane,  octogone,  qui  date  du  XI*  siècle,  domine  d'une 
manière  pittoresque  les  maisons  du  village  et  tous  les  vallons, 
d'alentour. 

Le  chœur  et  la  nef  ont  été  bâtis  dans  le  style  classique  ,  il 
y  a  environ  quinze  ans,  l'ancienne  église  étant  devenue  , 
dit-on  ,  insuffisante  pour  les  besoins  du  culte.  On  remarque, 
à  l'entrée  du  chœur,  six  belles  stalles,  dans  le  style  du 
XVIIIe  siècle,  provenant  du  couvent  des  Mathurinsde  Lisieux. 

La  nef  est  accompagnée  de  bas-côtés,  à  l'extrémité  desquels 
s'élèvent  deux  jolis  autels  avec  rétable  dans  le  style  Louis  XIV. 
L'ancienne  nef  ne  dépassait  pas  la  chaire  actuelle  et  mesurait 
à  peu  près  la  longueur  de  l'ancien  chœur. 

L'ancien  chœur  roman ,  qui  sert  aujourd'hui  de  sacristie  , 
est  très-petit.  Il  offre  une  voûte  d'arête  sans  nervures. 
Celle  du  sanctuaire  est  en  forme  de  cul  de- four.  A  droite 
est  pratiquée  une  belle  piscine  ogivale,  trilobée,  à  double 
cuvette,  qui  date  du  XIIIe  siècle.  A  l'extérieur,  le  chœur  se 
termine  par  trois  pans  coupés ,  autrefois  percés  de  petites 
fenêtres  en  forme  de  meurtrières ,  ayant  environ  90  centi- 
mètres de  haut  sur  16  de  large.  On  voit  encore,  du  côté 
nord,  l'une  de  ces  fenêtres  qui  a  conservé  sa  forme  primitive. 
La  corniche,  composée  d'un  gros  tore,  est  supporlée  par 
des  modillons  en  forme  de  consoles. 

La  tour,  placée  entre  chœur  et  nef,  offre  deux  étages 
éclairés  par  de  nombreuses  baies.  Carrée  à  sa  base,  elle 
devient  octogone  dans  la  partie  supérieure  et  se  termine  par 
un  toit  en  charpente  recouvert  en  ardoise.  Elle  est  sup- 
portée par  quatre  arcades  à  plein-cintre,  avec  retraite,  qui 
reposent  sur  des  colonnes  dont  les  chapiteaux,  grossièrement 
sculptés  ,  sont  formés  de  larges  feuilles  recourbées  en  vo- 
lutes. Sur  l'un  des  claveaux  de  l'arcade  qui  sépare  le  chœur 
du  transept,  est  représenté  un  animal  chimérique,  ressem- 
blant à  un  cheval. 


CANTON    D'ORBEC.  811 

Le  bas  de  la  tour,  autrefois  flanqué  de  contreforts  plats, 
est  éclairé,  du  côté  du  nord,  par  une  fenêtre  cintrée,  mo- 
derne. Au-dessus  règne  une  arcature  composée  de  deux 
arcades  simulées,  reçues  de  chaque  côté  par  une  colon- 
nette.  La  transition  du  carré  à  l'octogone  est  ménagée 
par  des  trompes  formant,  à  l'extérieur,  une  saillie  trian- 
gulaire et  s'amortissant,  à  l'intérieur,  de  la  tour  en  forme  de 
coquille  dont  le  bord  ou  cintre  externe  est  formé  de  cla- 
veaux extradossés.  Le  milieu  de  l'arc,  au  lieu  d'être  fermé 
par  une  clef,  présente  un  joint  rempli  de  mortier.  Les  deux 
étages  supérieurs  de  la  tour  offrent ,  sur  chaque  face  ,  deux 
baies  étroites  séparées  par  une  colonnette  et  dans  un  grand 
cintre  dont  l'archivolte  repose  ,  de  chaque  côté ,  sur  une  co- 
lonnette (V.  la  page  suivante).  La  base  de  ces  colonnettesest 
une  base  attique  ;  elle  est  composée  de  deux  tores  séparés  par 
une  scotie  garnie  ,  de  chaque  côté,  d'un  petit  listel.  Il  n'y 
manque  que  le  congé  qui,  ordinairement,  réunit  la  base  au 
fût  de  la  colonne.  Les  tailloirs  forment  damier.  Le  cintre  qui 
surmonte  les  baies  du  premier  étage  retombe,  d'un  côté, 
sur  une  colonnette,  et  de  l'autre  sur  le  tailloir  qui  termine 
les  pieds-droits  et  relie  les  baies  entre  elles.  L'archivolte  des 
fenêtres  de  l'étage  supérieur  repose  ,  de  chaque  côté,  sur  une 
colonnette  dont  les  chapiteaux  sont  formés  de  feuilles  re- 
courbées en  volute.  La  surface  de  plusieurs  pierres,  formant 
les  claveaux  des  fenêtres ,  est  couverte  de  rosaces  et  de  lo- 
sanges de  différentes  grandeurs.  Plusieurs  pierres  portent  éga- 
lement les  marques  de  l'appareilleur. 

La  tour  renferme  deux  cloches.  La  plus  grosse,  fondue 
par  M.  Bollée,  du  Mans,  a  1  mètre  23  centimètres  de  dia- 
mètre; l'autre,  fondue  par  Leinaire,  a  1  mètre  07i  centi- 
mètres . 

L'intérieur  de  l'église  est  décoré  avec  goût.  Le  maître- 
autel  ,  accompagné  d'un  grand    rétable   à    colonnes   torses  , 


812  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 


UNE    DES    FENÊTRES    DE    LA    TOUR    DE    TORDOUET. 


CANTON   D'ORBEC.  815 

dans  le  style  Louis  XIV,  a  été  composé  et  habilement  exécuté, 
par  M.  Léonard,  sculpteur  à  Lisieux. 

Cette  église  a  pour  premier  patron  saint  Michel.  On  a  fait 
la  remarque  que  presque  toutes  les  églises  et  chapelles  dé- 
diées à  saint  Michel ,  sont  placées  sur  un  monticule  et  do- 
minent une  certaine  étendue  de  pays. 

La  commune  de  Tordouet ,  qui  comptait  autrefois  1 ,400 
habitants,  n'en  n'a  plus  aujourd'hui  que  900.  Le  nombre 
des  métiers  à  lisser  s'élève  à  1 50  environ. 

Manoir.  Le  manoir  se  trouve  au-dessous  de  l'église,  à 
l'extrême  pointe  du  coteau.  Bâti  sur  une  motte  importante , 
dont  les  fossés  étaient  alimentés  par  le  petit  ruisseau  qui  ser- 
pente au  fond  du  vallon,  il  a  le  caractère  des  constructions  du 
XVIe  siècle  :  rez-de-chaussée  en  échiquier  de  pierre  et  de 
silex  taillé  ;  partie  supérieure  en  bois.  Les  sablières  des  en- 
corbellements sont  moulurées;  du  reste,  pas  de  sculptures. 
Les  combles  sont  d'une  dimension  exagérée.  Au  milieu  du 
paysage  boisé  qui  l'environne ,  avec  son  pignon  garni  d'un 
lierre  vigoureux  et  l'eau  qui  baigne  ses  bases,  ce  manoir  pro- 
duit un  effet  pittoresque  presque  grandiose. 


LE  RONCERAY. 

Le  Ronceray ,  Ronchereyum  ,  Roncherez  ,  Les  Roncerets, 
Le  Roncerey. 

L'église  du  Ronceray,  située  sur  uu  plateau,  entre  les 
deux  vallées  de  la  Touque  et  de  l'Orbiquet  ,  est  des  plus 
insignifiantes.  Composée,  comme  les  autres  églises  de  cam- 
pagne ,  d'une  simple  nef  et  d'un  chœur  en  retrait  à  chevet 
droit ,  ses  parties  caractérisées  ne  remontent  pas  au-delà  du 
XVP   siècle.    Peut-être,  cependant,  sous    les  crépis,   trop 


8U  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

bien  entretenus,  du  chœur  et  d'une  partie  de  la  nef,  trou- 
verait-on des  traces  d'une  construction  romane ,  que  nul 
indice  ne  révèle  aujourd'hui. 

Le  portail ,  percé  dans  le  pignon  occidental  construit  en 
grand  appareil ,  date  de  la  dernière  période  ogivale.  La  porte 
cintrée  a  pour  toute  ornementation  deux  gros  tores,  qui 
tombent  sur  des  bases  polygonales.  Au-dessus ,  s'ouvre  une 
fenêtre  ogivale  ,  dont  tout  récemment  on  a  fait  disparaître  les 
meneaux  et  les  traceries ,  qui  obstruaient  le  passage  de  la 
lumière.  Cette  mutilation  et  certaines  autres  modifications 
très-regrettables,  que  je  ne  détaillerai  pas,  rentrent  dans 
l'ensemble  d'un  programme  modernisateur,  exécuté  de  1843 
à  1853  ,  dont  le  résultat  a  été  de  faire  disparaître  le  peu  de 
cachet  religieux  que  possédait  cette  église. 

Toutes  les  ouvertures  ont  été  ,  ou  déformées  ou  refaites , 
soit  à  la  fin  du  dernier  siècle  ,  soit  récemment. 

Le  clocher  est  placé  en  avant  du  chœur  ,  à  l'extrémité 
orientale  de  la  nef;  il  date  du  XVIe  siècle.  C'est  une  svelte 
pyramide  à  pans  coupés ,  garnie  de  lucarnes  dentelées  sur 
les  faces  ,  couverte  d'essentes. 

A  l'intérieur  ,  rien  absolument  qui  puisse  captiver  l'atten- 
tion. Les  voûtes  de  bois  ont  été  enduites ,  comme  les 
murs ,  d'une  épaisse  couche  de  mortier  et  de  badigeon. 

Les  rétables  des  trois  autels  appartiennent  au  règne  de 
Louis  XV. 

Les  seuls  objets  d'ameublement  ancien ,  échappés  à  la 
rage  novatrice ,  sont  un  pied  de  lutrin  de  forme  hexagonale 
d'un  vaste  diamètre,  à  panneaux  plissés  ;  les  fonts  baptismaux, 
cuve  cylindrique  sans  ornements ,  et  un  bénitier  à  cuvette 
hémisphérique  godronnée. 

La  cloche  est  moderne. 

L'église  du  Ronceray  est  sous  l'invocation  de  saint  Cyr  et 
de  saiule  Julitte, 


CANTON   D'ORBEC.  815 

Elle  était  comprise  dans  l'archidiaconé  du  Lieuvin , 
doyenné  d'Orbec,  comme  au  civil,  dans  l'élection  de  Lisieux, 
sergenterie  d'Orbec.  Cette  paroisse  compte  345  habitants; 
sa  population  n'a  pas  sensiblement  diminué  depuis  cent  ans. 
Ce  fait  trouve  peut-être  son  explication  dans  la  nature  des 
occupations  de  ses  habitants ,  la  plupart  tisserands. 

La  terre  seigneuriale  du  Ronceray  faisait  partie  du  fief  de 
Tordouet ,  et  fut  possédée  successivement ,  comme  lui ,  par 
les  du  Bysson ,  les  de  Saint-Ouen  et  les  Chaumonl-Quitry. 
Le  17  décembre  1774,  Antoine-Anne-François  de  Chaumont, 
comte  de  Quitry ,  mestre  de  camp  de  cavalerie ,  chevalier  de 
l'ordre  royal  de  St-Louis  ,  vendit  la  terre  du  Ronceray , 
moyennant  28,300* ,  à  Jean  Moulin,  laboureur.  Elle  lui 
était  échue  dans  ies  partages  faits,  le  15  mai  1770,  entre  lui 
et  son  frère  ,  le  marquis  de  Quitry  ,  seuls  enfants  mâles  de 
Jacques-Antoine  de  Chaumont ,  marquis  de  Quitry  ,  et  de 
Mme  Anonyme  du  Fay. 

Cette  vente  fut  résiliée  l'année  suivante  par  clameur  féodale, 
introduite  au  nom  du  marquis  de  Quitry,  seigneur  d'Orbec 
et  Bienfaite ,  dont  relevait  le  fief  de  Tordouet. 


LA  CROUPTE. 

La  Croupte,  Crupia,  Croupta. 

L'église  de  la  Croupte  est  dédiée  à  saint  Martin.  On  sait  que 
ce  vocable  remonte  aux  temps  mérovingiens ,  et  lorsqu'on  a 
parcouru  la  gorge  étroite ,  enserrée  de  coteaux  sauvages  et 
boisés ,  au  milieu  de  laquelle  elle  s'élève ,  on  est  prédisposé 
à  rencontrer  un  édifice  d'une  haute  antiquité  et  d'un  grand 
intérêt.  La  déception  est  grande  :  on  se  trouve  en  présence 
d'une  mauvaise  bâtisse  sillonnée  de  nombreuses  lézardes , 
dont  les  parties  les  plus  anciennes  datent  du  dernier  gothique  : 


816  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 

murs  en  grand  appareil  avec  contreforts  en  retraite.  Toutes 
les  ouvertures  ont  été  refaites  au  dernier  siècle.  Le  clocher 
est  en  charpente ,  carré,  avec  pyramide  octogone ,  recouverte 
d'essente.  A  l'intérieur,  le  chœur  a  subi  une  décoration 
complète  en  plâtre  ,  dont  la  date  est  donnée  par  l'inscription 
suivante  qui  court  sur  la  frise  : 

DOMINE.    DILEXI.    DECOREM   DOMUS    TVJR.     F.    LE   FltONT.    CURÉ   DE   LA 
CROUPTE.    1786. 

On  a  néanmoins  conservé  le  rétable  du  maître-autel ,  qui 
remonte  au  règne  de  Louis  XIV.  Il  est  porté  par  deux  petites 
colonnes  torses,  entourées  de  ceps  de  vigne.  Au  centre,  un 
cadre  à  angles  rentrants,  représentant  un  miracle  de  saint 
Martin.  Dans  le  fronton  trapézoïdal ,  soutenu  de  caryatides  , 
est  une  colombe  sculptée  en  relief,  sortant  d'une  guirlande 
de  feuilles  de  chêne. 

Les  deux  petits  autels  de  la  nef  sont  insignifiants.  Rien  à 
indiquer  qu'une  statue  de  saint  Martin ,  qui  peut  remonter 
au  moyen -âge. 

La  voûte  de  la  nef  est  en  merrain  et  date  du  XVe  siècle. 
Sur  deux  des  poutres  qui  supportent  le  clocher  sont  des 
blasons,  sculptés  à  plein  bois,  chargés  de  trois  fasees  ondées. 
Ces  pièces  correspondent  aux  armoiries  des  Hautemer ,  sei- 
gneurs de  Fervaques.  En  effet,  la  paroisse  de  la  Croupte  était 
comprise  dans  le  plein-fief  de  haubert  de  Fervaques,  membre 
lui-même  de  la  baronnie  de  Ferrières. 

La  Croupte  n'a  donc  jamais  eu  de  seigneur  particulier  ,  et 
aucune  Recherche  de  la  noblesse  ne  mentionne  de  gentil- 
homme y  résidant.  Toutefois,  le  pouillé  du  XIVe  siècle  in- 
scrit comme  patron  Petvus  Coquaigne  que  je  n'ai  point  vu 
figurer  comme  seigneur  de  Fervaques.  Dans  la  suite,  les  pos- 
sesseurs de  la  terre  de  Fervaques  exercèrent  les  droits  de 
patronage. 


CANTON  D'ORBEC.  817 

L'inscription  de  la  cloche  est  intéressante,  elle  a  été  l'œuvre 
d'un  fondeur  célèbre  : 

f    M,re    AVGVSTE    •    DE    BVLLION    •    MARQ.    DE    BONNELLES    •    ET    SEIGNr    DR 
FERVAQVES    •    LA  CROVTTE   ET   AVTRES   LIEVX    •    Me   DE  CAMP    •    DVN    REG1.    DE 
DRAGONS    *    DE    SON   NOM    •     REPte     PAR     •     NORLE    •     PERS ''*■    •    IEAN    •    BAP- 
TISTE   •    DE    BONNE     •     CHOSE    •     CVRE    •     DE     •     CE    •     LIEV    •    ET    •     PAR    • 
NOBLE  •    DAME    •    MARIE   •    BARBE   •    BEGAV1)    •    EPOVSE    •    DE   •    Me  CHARLES   • 
LEBAS    •    CONSer    •    DV  ROY    •    RECEVEVR    •    DES    •    TAILLES    •    A  LISIRVX  • 
ANT.    BOVRG   TRESORIER. 
IEAN    AUBERT. 

Le  cimetière  est  ombragé  par  un  bel  if. 

La  paroisse  de  la  Croupte  dépendait  de  l'élection  de  Lisieux, 
sergenterie  d'Orbec.  Sa  population  était  de  425  habitants 
(85  feux)  ;  elle  est  réduite  aujourd'hui  à  210. 


SAINT-PIERRE-DE-MA1LLOC. 

St-Pierre-de-Mailloc,  ecclesia  sancti  Pétri  de  Colle  aux 
XIVe ,  XVe  et  XVIe  siècles  ;  St-Pierre-du-Tertre  jusqu'en 
1729. 

L'église  de  St-Pierre-de-Mailloc  occupe  le  sommet  d'un 
coteau  qui  domine  la  rive  gauche  de  l'Orbiquet ,  et  s'élève 
au  centre  d'une  place  entourée  de  maisons  basses  formant  le 
village. 

Le  mur  occidental  de  la  nef,  construit  en  blocage  et  sou- 
tenu par  deux  larges  contreforts  très-peu  saillants,  est  roman 
et  date  du  XIe  ou  du  XIIe  siècle.  Il  est  précédé  d'un  porche 
en  maçonnerie  et  en  bois ,  sans  caractère  ,  et  surmonté  d'un 
clocher  Couvert  en  essente,  dont  les  quatre  faces  sont  garnies 
de  plusieurs  abat-sons  ou  évents.  La  pyramide,  de  forme 
octogone ,  est  également  revêtue  d'essente. 

52 


818  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Cette  église  possède  une  cloche  ,  dont  voici  l'inscription  : 

j'Ai  ÉTÉ  BÉNITE  PAR  MAÎTRE  JEAN  MONTHOLIlË  ,  CURÉ  DR  CE  HEU,  ET 
NOMMÉE  LOUISE  PÉRINEL  PAR  TRES-HAUT  ET  TRES-PUISSANT  SEIGNEUR 
CÉSAR-LOUIS-MARIE-FRANÇOIS-ANGE  DEHOUDBTOT,  VICOMTE  DE  HOUDETOT  ET 
MARQUIS  DE  MAILLOC,  SOI  S-L1BUTENANT  DES  GENDARMES  DE  FLANDRE,  ET 
HAUTE  ET  PUISSANTE  DAME  LOUISE  PÉRINEL  DE  FAUGNES,  SON  ÉPOUSE. 
ALEXIS    LAVILLETTE,    DE    LISIEUX  ,    m'a  FAITE    EN    1775. 

Diamètre  :  91  centimètres. 

Les  murs  latéraux ,  primitivement  sans  contreforts ,  sont 
récrépis  et  datent  de  la  même  époque. 

Le  mur  septentrional  de  la  nef,  soutenu  par  de  larges 
contreforts  du  XVIIe  siècle  ,  est  percé  de  trois  fenêtres  cin- 
trées, modernes.  Des  contreforts  peu  saillants  s'élèvent  vers 
l'extrémité  du  mur. 

Le  mur  méridional ,  également  percé  de  trois  fenêtres 
semblables  aux  précédentes,  offre  vers  l'extrémité  orientale 
deux  contreforts  plats,  du  XIe  ou  du  XIIe  siècle. 

Le  chœur  est  en  retraite  sur  la  nef.  Dans  le  mur  septen- 
trional s'ouvre  une  large  fenêtre  cintrée ,  moderne ,  et  une 
fenêtre  à  arc  surbaissé  du  XVIIIe  siècle.  La  sacristie  est 
accolée  à  ce  mur.  Le  chevet ,  sans  ouvertures ,  porte  la  date 
de  1769 ,  indiquant  un  allongement. 

Trois  fenêtres  à  arc  surbaissé  sont  pratiquées  dans  le  mur 
du  sud. 

La  croix  du  cimetière  est  en  pierre.  Une  colonne  dorique , 
cannelée ,  forme  le  fût.  Ses  croisillons  sont  terminés  par  des 
fleurs  de  lis;  sur  l'une  des  faces,  on  lit  :  E.  vesque  m'a 
faitte. 

On  remarque  à  l'intérieur  un  joli  rétable,  style  Louis  XIV, 
décoré  de  deux  colonnes  torses.  La  partie  inférieure  du  fût 
est  garnie  d'un  cep  de  vigne.  L'entablement  consiste  en 
un  cintre  brisé.    De  chaque  côté  du  retable  sont  placés  deux 


CANTON    D'OKBEC.  819 

bons  tableaux  peints  sur  bois ,  représentant ,  l'un  la  Sainte- 
Vierge,  l'autre  le  Christ,  dont  la  tête  nous  a  paru  belle.  Ces 
tableaux ,  quadrangulaires ,  sont  entourés  d'une  riche  bor- 
dure ,  arlistemenl  sculptée.  Au-dessus  de  ces  tableaux  est 
placé  un  panneau  cintré ,  où  sont  peints  deux  vases  d'une 
forme  gracieuse.  Le  tabernacle ,  à  pans  coupés ,  est  décoré 
sur  les  angles  de  colonnettes  torses  accouplées  et  surmonté 
d'une  petite  galerie  formée  de  balusires  en  fuseau.  Les  petits 
vases  qui  surmontent  la  corniche  sont  également  faits  au  tour. 
Le  tombeau  en  pseudo-gothique  est  moderne. 

Le  lutrin  est  en  forme  d'aigle. 

L'un  des  autels  de  la  nef  est  décoré  de  deux  colonnes 
torses  corinthiennes  garnies  de  roses.  Cet  autel  était  autrefois 
dédié  à  la  Sainte-Vierge.  Le  tableau  représente  le  martyre  de 
saint  Laurent.  A  l'un  des  angles  est  peint  un  écusson  :  De 
gueules  aux  deux  fasces  d'or. 

On  remarque  ,  dans  la  nef,  une  ancienne  statue  (XVe  ou 
XVIe  siècle  )  représentant  saint  Sanctin. 

La  voûte ,  aujourd'hui  revêtue  de  plâtre  ,  est  en  merrain. 

Une  porte  carrée,  surmontée  d'un  oculus,  s'ouvre  dans 
le  mur  occidental.  Le  gable  est  couronné  d'un  campanille 
circulaire ,  percé  de  trois  baies  cintrées  reposant  sur  des 
pieds-droits  formant  pilastres.  La  coupole  qui  supporte  la 
croix  est  couverte  en  ardoise. 

A  gauche ,  en  entrant  dans  la  chapelle ,  on  lit  l'inscription 
suivante  : 


CEUX  QUI  ENTRERONT  DANS  CETTE  CHAPELLE  SONT  INVITES  D  Y  DIRE 
UN  AVE  MARIA  POUR  LE  SALUT  DE  Mmc  LA  MARQUISE  DE  PORTES  QUI  l'a 
FAIT    RÉTABLIR    DANS    CET    ESPOIR    EN     1814. 

L'autel  offre  une  niche  cintrée  qui  renferme  une  statue  en 
bois  du  XVP  siècle,  peinte  en  blauc ,  autrefois  ni inialurée, 


820  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

représentant  Notre-Dame  de  la  Délivrance.  Au-dessus,  est  un 
tableau  formant  rétable,  représentant  le  crucifiement. 

De  chaque  côté  du  sanctuaire  s'ouvre  une  fenêtre  à  ogive 
très-aiguë,  sans  moulures. 

La  voûte  de  la  chapelle  est  en  lambris. 

Château  de  Mailloc.  —  Le  château  de  Mailloc ,  bâti  au 
fond  de  la  vallée  et  à  peu  de  distance  de  l'église,  au  midi , 
appartient  à  M.   le  marquis  de  Golbert-Chabannais ,  député 


VUE    DU    CHATEAU    DE   MAILLOC. 

de  l'arrondissement  de  Lisieux  au  Corps  législatif  et  membre 
de  l'Association  normande. 

Ce  château,  décrit  par  M.  Raymond  Bordeaux  {Excursion 
dans  la  vallée  d'Orbec,  11  juin  1850),  est  «  un  édifice  con- 
«  sidérable  dans  le  style  du  XVIIe  siècle.  Flanqué  de  quatre 
«  grosses  tours  rondes,  peut-être  plus  anciennes ,  que  bai- 
«  gnaient  autrefois  des  fossés ,  il  est  bâti  en  pierre  de  taille 
«  sans  sculptures.  <>  L'intérieur  offre  de  vastes  pièces.  Les 
murs  du  grand  salon  sont  revêtus  de  tapisseries  à  personnages 
d'une  belle  conservation. 

Les  parties  supérieures  du  château  présentent  un  riche 
pavage  émaillé.   Les  carreaux  sont  variés   de  dessins  et  de 


CANTON    D'ORBEC  821 

couleurs.  M.  Raymond  Bordeaux  a  compté,  dans  une  pièce, 
dix  variétés  de  ce  curieux  spécimen  de  l'art  céramique  dans 
notre  contrée. 

«  Mailloc  était  le  chef-lieu  d'un  fief  considérable,  entouré 
«  des  quatre  paroisses  de  son  nom  :  St-Martin,  St-Denis, 
«  St-Julien  et  St-Pierre-de-  Mailloc ,  à  cause  desquelles , 
«  dit-on,  on  appelait  Hôtel  des  quatre  Maillots ,  l'habitation 
v  que  le  seigneur  du  fief  possédai  ta  Rouen,  rue  des  Maillots. 
«.  Trois  maillets  formaient  les  armes  parlantes  de  cette  an- 
«  cienne  famille,  dont  le  nom  se  prononce  Maillo.  » 

L'antique  demeure  des  Golbert ,  d'un  aspect  sévère  et  mo- 
numental, a  subi  à  l'intérieur  une  grande  restauration  qui 
atteste  le  goût  du  propriétaire  actuel.  C'est  aujourd'hui  une 
des  habitations  les  plus  luxueuses  de  la  contrée. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Charles  Vasseur  les  notes 
historiques  qui  suivent  sur  les  anciens  seigneurs  de  Mailloc  : 

«  La  famille  des  seigneurs  de  Mailloc  remonte  à  la  plus 
«  haute  antiquité.  Jean  de  Mailloc  suivit  le  duc  Robert  de 
«  Normandie  en  Terre-Sainte.  Les  Rôles  de  l'Échiquier  re- 
«  latent,  à  l'année  1l8u,  le  nom  de  Roger  de  Mailloc. 
«  Henri  de  Mailloc  figure  sur  la  liste  des  tenanciers  des  fiefs 
«  militaires  du  commencement  du  XIIIe  siècle.  Mais  il  est 
a  impossible  d'établir  une  filiation  entre  ces  divers  persou- 
«  nages.  On  retrouve  encore  des  descendants  de  cette  famille 
«  pendant  les  XIVe ,  XVe  et  XVIe  siècles.  Il  existe,  aux  Ar- 
«  chives  du  Calvados,  un  aveu  rendu  le  29  août  1551,  par 
«  Jean  de  Mailloc  au  cardinal  d'Annebautv  évoque  de  Lisieux, 
«  pour  la  terre  de  Mailloc  ayant  titre  de  baronnie,  et  l'un 
«  des  membres  du  comté  de  Lisieux.  Nous  transcrivons  un 
*  droit  curieux  relaté  dans  cet  aveu  :  Et  lui  appartient  la 
«  haquence  ou  mule  sur  laquelle  est  monte  ledit  seigneur 
«  évêque  le  jour  qu'il  fait  son  entrée  à  Lisieux  en  lui  ai- 
«  dant  à  descendre  près  la  croix  St-lhsin,  à  la  sujétion  de 


822  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

«  lut  servir  ledit  jour  d'ècuyer  tranchant.  Tenu  ledit  fief 
«  du  comté  de  Lisieux  à  foy  et  hommage  et  relief,  avec 
«  UO  jours  de  garde  à  la  porte  d'Orbec  aud.  Lisieux  en 
a  temps  de  guerre. 

«  La  baronnie  de  Mailloc  fut  érigée  en  marquisat  par 
«  lettres  de  1693  ,  en  faveur  de  Gabriel-René  de  Mailloc, 
«  fils  de  Gabriel  de  Mailloc  et  de  Renée  de  Créquy.  Le  pre- 
«  mier  marquis  de  Mailloc  mourut  sans  postérité,  le  11  oc- 
«  tobre  1724,  et  sa  veuve,  Claude-Lydie  d'Harcourt  (celle 
«  qui  figure  sur  la  cloche  de  St-Denis)  ,  se  fit  adjuger  le 
«  marquisat  de  Mailloc,  qui  passa  plus  tard  au  duc  d'Har- 
«  court,  son  frère.  Si  nous  en  croyons  les  inscriptions  des 
«  cloches  de  St-Martin  et  de  St-Julien ,  ce  serait  ce  duc 
«  d'Harcourt  qui  aurait  vendu  la  terre  de  Mailloc  à  la  famille 
«  d'Houdetot,  qui  a  dû  la  posséder  jusqu'à  la  Révolution. 
«  Le  marquis  de  La  Place,  le  fameux  savant  de  l'Empire, 
«  posséda  le  château  de  Mailloc,  et  c'est  de  lui  que  l'acquit 
«  le  marquis  de  Porte,  beau-père  de  M.  de  Colbert  qui  l'ha- 
«  bite  maintenant.  » 

St-Pierre-du -Tertre  (aujourd'hui  St-Pierre-de-Mailloc ) 
avait  pour  patron  laïque,  au  XIVe  siècle,  Henri  de  Maillot; 
aux  XVIe  et  XVIIIe  siècles,  le  seigneur  du  lieu. 

Jean  de  Maillot ,  au  XIVe  siècle ,  était  également  seigneur 
de  St-Hippolyte-de-Canteloup  ;  Jean  de  Maillot ,  ou  son  fils, 
fut  du  nombre  des  trois  cents  chevaliers  auxquels  le  roi  Jean 
pardonna,  le  22  décembre  1360 ,  d'avoir  pris  le  parti  du  roi 
de  Navarre. 

LA  CHAPELLE- WON. 

La  Chapelle-Yvon,  Capella-Yvonis. 

Le  seigneur  qui  a  donné  son  nom  à  cette  église,  dont  il  fut 
sans  doute  le  constructeur  ,  n'a  pas  trouvé  place  dans  l'his- 
toire. 


C ANTON    DORBtC, 


8*23 


p,W-DESCARTES-Sfr 


A.THIOUET. 

vue  de  l'église  et  db  la   roun  de  la  chapelle  a  von. 


824  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

Il  est  probable  que  c'est  son  œuvre  qui  subsiste  encore 
aujourd'hui,  car,  dans  son  ensemble,  l'église  de  la  Chapelle- 
Yvon  appartient  à  la  période  romane. 

Le  pignon  occidental  montre  ,  dans  le  plein  des  murs  sou- 
tenus par  deux  contreforts  plats,  l'appareil  bien  caractérisé 
en  feuilles  de  fougère.  La  porte  a  été  percée  seulement  au 
XVIe  siècle.  L'entrée  primitive  devait  exister  au  centre  du 
mur  méridional,  où  sont  restés,  au  milieu  des  reprises  posté- 
rieures ,  quelques  claveaux  sculptés  d'étoiles.  Une  partie  du 
mur  avec  un  contrefort  appartient  aussi  à  l'époque  romane. 
On  y  voit  des  briques  longues ,  semblables  aux  briques  ro- 
maines, mais  plus  grossièrement  modelées.  Le  surplus,  pa- 
rementé  en  grand  appareil ,  date  seulement  du  XVIe  siècle 
avec  les  deux  fenêtres  cintrées  qui  y  sont  pratiquées.  Les 
deux  autres  ouvertures  consistent  en  une  grande  baie  moderne 
et  en  une  fenêtre  ogivale  à  tracerie  flamboyante.  Le  mur 
latéral  du  nord,  comme  toujours,  est  resté  mieux  caractérisé. 
Deux  contreforts  plats  le  soutiennent;  mais  les  ouvertures 
sont  modernes. 

Le  chœur  ne  date  que  du  XVe  siècle,  il  est  à  chevet  droit  ; 
une  seule  fenêtre  mérite  d'être  signalée ,  c'est  l'ogive  subdi- 
visée par  un  meneau  qui  s'ouvre  dans  le  mur  du  sud. 

De  ce  côté  s'élève  la  tour ,  disposée  entre  chœur  et  nef  et 
faisant  saillie  de  moitié  environ  de  son  diamètre.  C'est  une  " 
construction  rectangulaire  assez  massive,  composée  d'un 
blocage  de  silex  non  taillé  et  de  grison.  Deux  contreforts 
buttent  le  mur  méridional  ;  un  seul  est  apparent  à  l'ouest  et 
à  l'est.  La  corniche  se  compose  d'un  quart  de  rond  avec  une 
plate-bande.  Un  clocher  en  charpente  du  XVe  siècle  couronne 
cette  tour.  Il  est  octogone,  revêtu  d'essente,  avec  des  lucarnes 
sur  quatre  des  faces.  La  seule  ouverture  de  la  tour  est  une 
fenêtre  cintrée  à  deux  rangs  de  claveaux  de  pierre  blanche 
extradossés.  Une  tête  sculptée  en  haut-relief  forme  clef  à  la 


CANTON   D'ORBEC.  825 

première  rangée.  Cette  tour  est ,  sans  aucun  doute ,  contem- 
poraine de  la  nef. 

L'intérieur ,  affligé  d'un  bain  de  badigeon  criard  ,  n'offre 
rien  de  remarquable.  Les  voûtes  sont  en  merrain  avec  char- 
pentes apparentes.  L'arc  triomphal  date  du  XVe  siècle  ;  il 
consiste  en  une  ogive  à  moulures  prismatiques  soutenue  par 
deux  piliers  semi-cylindriques.  Les  trois  autels  sont  insigni  • 
fiants.  On  voyait  autrefois ,  au  rétable  de  l'Épître ,  un  ta- 
bleau représentant  saint  Biaise  ,  peut-être  sans  grand  mé- 
rite artistique  ;  mais,  au  bas,  était  un  blason  de  donateur 
qui  lui  donnait  une  valeur  historique.  Ce  blason  était  de 
gueules  au  chevron  d'argent  accompagné  de  3  meriettes  de 
même.  A  la  place  ,  on  a  pendu  une  toile  moderne  ,  due  à  la 
munificence  du  baron  André  Despériers. 

Aux  fenêtres  ogivales  restent  quelques  fragments  de  vitraux, 
bordures  de  la  Renaissance ,  t  cartels  entourés  d'amours  et 
autres  motifs,  et  un  petit  sujet  fort  décoloré  qui  représente  le 
martyre  de  saint  Biaise. 

Diverses  statues  méritent  d'être  signalées,  surtout  une 
Vierge  de  la  Renaissance  avec  l'Enfant-Jésus  vêtu  d'une 
longue  robe,  pressant  dans  ses  mains  une  colombe. 

Le  clocher  renferme  deux  cloches  anciennes  :  l'une  vient 
du  Besnerey,  et  j'en  réserve  l'inscription  pour  l'article  de 
cette  paroisse.  L'autre  porte  les  lignes  suivantes  : 

f  LAN  1788  IAI  ETE  BENIE  PAR  Me  IOSEPH  PHILIPPE  LE  MONNIER  DE 
LA  HAITRÉE  CURE  DE  CE  LIEU  ET  NOMMEZ  MAGDELEINE  PAR  TRES  HAUT  ET 
TRES  PUISSANT  SEIGNEUR  ANTOINE  FRANÇOIS  DE  QUITRY  BRIGADIER  DES 
ARMÉES  DU  ROY  ET  PAR  TRES  HAUTE  ET  TRES  PUISSANTE  DAME  MAGDELEINE 
CHARLOTTE  DE  RIQUEL  DE  CARAMAN  EPOUSE  DE  TRES  HAUT  ET  TRES  PUIS- 
SANT SEIGNEUR  VICTOR  IACQUF.S  GUI  GEORGE  HENRI  DE  CHAUMONT  MARQUIS 
DE    QUITRY. 

LE    ST    PIERRE    LECU1ER    TRESORIER    COMPTABLE.   IEAN    COPIE  MA    FAITE. 

L'église  de  la  Chapelle -Yvon  est  sous  l'invocation  de  Notre- 


826  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

Dame.  Elle  faisait  partie  du  doyenné  d'Orbec.  Les  pouillés 
du  XIVe  siècle  indiquent,  comme  patron,  le  seigneur  du  Bes- 
nerey;  ceux  des  siècles  suivants  portent  simplement  le  sei- 
gneur du  lieu  :  dominus  ioci. 

La  chapelle-Yvon  était  un  plein  fief  de  haubert.  En  1562  , 
il  appartenait  à  maistre  Pierre  des  Hayes  ;  en  1581,  à  Jacques 
des  Hayes,  sieur  de  Gassart.  Au  XVIIe  siècle  et  jusqu'à  la 
Révolution,  on  le  trouve  en  la  possession  des  Chaumont  de 
Quitry,  barons  d'Orbec. 

Le  Besnerey.  —  La  paroisse  du  Besnerey  (  Besnereyum , 
Benereum)  a  été  réunie  à  la  Chapelle-Yvon.  L'église  est  dé- 
molie et  le  mobilier  transporté  dans  l'église  de  la  nouvelle 
paroisse.  La  cloche  mérite  l'attention  ;  en  voici  l'in- 
scription : 

f  IAY  ETE  BENIE  PAR  Mre  LOV1S  IARDIN  CVRE  DE  CE  LIEVX  ET  NOMMEE 
ESTIENME  PAR  HAVT  ET  PT  SGR  Mre  AMAND  THOMAS  HVE  CHEer  MRiS  DE 
MIROMESNIL  SGR  ET  PON  DES  FSE  DE  TOVRV1LLE  SVR  ARQVES  BEAVMET  ET 
AVTRES  LIEVX  CONer  DV  ROY  EN  TOVS  SES  Ceils  Mre  DES  REQVESTES  ORDre 
DE  LHOTEL  DE  SA  MAIESTÉ  ET  PAR  HTE  ET  PTE  DAME  MADAME  ANONIME 
DV  FAY  VEVVE  DE  HAVT  ET  PT  SGR  Mre  IACQVES  ANTOINE  DE  CHAVMONT 
CHE*r  MARQVIS  DE  GITRV  BARON  D'ORBEC  ET  DE  BIENFAITE  SGr  ET  PON 
DES    PSE  DE    TOnDOIS   LE   RONCERAY    ET   AVTRES    LIEVX. 

1737. 

Cette  église  était  dédiée  à  saint  Etienne.  Elle  dépendait, 
comme  la  Chapelle-Yvon,  du  doyenné  d'Orbec.  Le  patronage 
était  laïque. 

On  trouve  en  possession  du  fief  du  Besnerey  ,  en  1431 , 
Antoine  de  Castillon  ;  en  1469,  Gueroudin  de  Franqueville , 
sieur  de  Collandon  à  Glos;  en  1562,  maistre  Nicolas  de  La 
Personne;  en  1648,  François  de  Moges,  seigneur  de  Préaux; 


CANTON   d'okbec.  827 

en  1677,  René  de  Moges,  son  fils,  conseiller  au  Grand- 
Conseil. 

Au  XVIIIe  siècle,  les  Trevet  avaient  succédé  aux  de  Moges, 
et  au  moment  de  la  Révolution,  les  Despériers  de  Fresnes 
possédaient  cette  terre,  qui  se  trouve  encore  dans  la  même 
famille. 

La  population  des  deux  paroisses  réunies  de  la  Chapelle- 
Yvon  et  du  Besnerey  est  de  635  habitants.  Au  XVIIIe  siècle, 
on  comptait  à  la  Chapelle-Yvon  275  habitants  (55  feux), 
au  Besnerey  200  (&0  feux).  Cette  augmentation  notable  tient 
aux  usines  établies  sur  la  rivière  d'Orbec. 


SAINT-JULIEi\-DE-MAILLOC. 


St-Julien-de-Mailloc ,  Sanctus  Julïanus  de  Maillot,  de 
Mailloco. 

Cette  église  est  assez  vaste  ;  mais  elle  offre  peu  d'intérêt , 
par  suite  des  transformations  qu'elle  a  subies  depuis  trente 
ans. 

Rien,  dans  les  parties  anciennes,  n'indique  une  construc- 
tion antérieure  au  XVe  siècle.  Les  contreforts  et  quelques 
fenêtres,  plus  ou  moins  mutilées ,  qui  subsistent  encore,  ont 
tous  les  caractères  du  style  ogival  flamboyant.  Le  plan  offre 
une  nef  et  un  chœur  qu'on  vient  de  reconstruire  ,  et  il  n'y  a 
aucune  particularité  à  signaler. 

Le  clocher  en  charpente,  de  100  pieds  de  hauteur, 
appartient  aussi  au  XVe  siècle.  Il  était  originairement  assis 
sur  l'arc  triomphal ,  en  avant  du  chœur  ;  mais  il  a  paru  plus 
conforme  aux  usages  modernes  de  l'établir  sur  le  pignon 
occidental.  Deux  charpentiers  du  pays ,  nommés  Nicole  et 
Lami,   ont  entrepris  d'opérer  ce  transport  sans  démolition. 


828  STATISTIQUE   MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

La  distance  à  parcourir  était  de  65  pieds  (1).  Après  réussite 
complète,  on  leur  a  versé  250  francs  seulement. 

Rien,  à  l'intérieur,  ne  compense  la  triste  idée  conçue 
dans  l'inspection  de  l'extérieur  :  voûtes  plâtrées,  mobilier 
insignifiant.  Il  faut  pourtant  signaler  un  tabernacle  en  bois 
du  XVe  siècle ,  que  M.  le  curé  actuel  a  découvert  dans  les 
greniers.  Ces  sortes  de  meubles  sont  rares  dans  leur  inté- 
grité. A  l'article  de  Grengues  (  tome  IV) ,  on  a  figuré  un 
panneau  qui  appartient  évidemment  à  un  tabernacle.  Celui- 
ci  est  divisé  en  deux  étages  par  une  tablette  posée  à  peu  près 
à  moitié  de  la  hauteur.  Il  est  carré  en  plan  et  représente 
assez  bien  une  tour  d'église  de  l'époque.  Des  pilastres  for- 
mant contreforts  garnissent  les  quatre  angles;  un  petit  clo- 
cheton orné  de  crochets  leur  sert  d'amortissement.  Les  faces 
sont  composées  de  panneaux  découpés  à  jour  en  arcatures, 
doublées  dans  les  vides  d'un  verre  épais,  incolore,  qui  per- 
mettait de  contempler  l'intérieur.  On  distingue  encore  les 
traces  de  peintures  dont  ce  tabernacle  était  revêtu  :  rouge  à 
l'intérieur,  vert  à  l'extérieur,  sans  aucun  dessin.  La  porte 
n'était  point  différente  des  autres  faces  ;  elle  occupait  toute  la 
hauteur.  Chacune  de  ces  faces  se  termine  par  un  triangle 
garni  de  crossettes  et  percé  d'un  trèfle.  Rien  n'indique  qu'une 
pyramide  ait  complété  le  couronnement.  La  hauteur  totale 
de  cette  tour  est  de  2  pieds  environ,  et  sa  largeur  de 
7  pouces. 

L'église  de  St-Julien-de-Mailloc  dépendait  du  doyenné 
d'Orbec.  Le  patronage  était  laïque. 

Le  clocher  renferme  deux  cloches.  La  plus  grosse  est  mo- 
derne ;  l'autre  porte  l'inscription  suivante  : 

f    IAY    ETE    BENIE    PAR    Mre    FRANÇOIS  MICHEL    MBUSNIER    CCRE  DE  CE  LIEU 

(1)  Notes  par  M.  Ch.  Vasseur. 


CANTON  D  ORBEC. 


829 


ET    NOMMEE     LODISE    FRANÇOISE     PAR    CEZARD    LOUIS   FRANÇOIS    MARIE    ANGE 
VICOMTE    d'hOUDETOT    ENFANT    DE    CLAUDE    CONSTANCE    CEZARD    d'hOUDETOT 
MARECHAL    DKS    CAMPS    ET    ARMÉES   DU    ROY    MARQUIS  DE  MA1LLOC   ET  AUTRES 
LIEUX    IEAN    FAILLET    FILS    PIERR(e)    TRESORIER. 
A    LAVILLETTE  DE    LISIEUX    MA    Fle    EN    177d. 

Celte  cloche  a  été  publiée  par  M.  le  docteur  Billon  dans 
ses  Éludes  èpigraphiques. 

La  paroisse  de  St- Julien  était  comprise  dans  la  baronnie 
de  Mailloc,  dont  le  chef  est  sur  St-Pierre;  elle  n'a  jamais  eu 
de  seigneur  particulier. 

Chapelle  de  Mailloc.  —  La  petite  chapelle  qu'on  trouve 
sur  le  bord  de  la  route  d'Orbec  à  Lisieux  est  sur  le  territoire 


CHAPELLE    DE    MAILLOC. 

de  St-Julien.   Sa  construction  ,  comme  le  lait  voir  le  dessin 


830        STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU   CALVADOS. 

de  M.  Bouet,  date  tout  au  plus  du  XVP  siècle.  Le  chevet 
est  à  pans  coupés  sans  ouvertures  :  deux  baies  ogivales 
s'ouvrent  symétriquement  dans  les  murs  latéraux  pour 
éclairer  l'autel.  La  porte  est  au  milieu  du  pignon  de  l'ouest 
vers  la  route.  Dans  les  vantaux ,  menuiserie  en  style  Louis 
XIV,  ou  a  pratiqué  un  petit  guichet  pour  permettre  aux 
pèlerins  de  voir  l'intérieur.  Un  petit  autel,  fort  simple,  com- 
pose tout  l'ameublement.  Il  n'y  point  de  voûte ,  mais  un 
simple  plafond.  Un  petit  clocheton  en  dôme,  percé  de  quatre 
arcades  cintrées,  contient  la  cloche. 

Cette  chapelle  est  dédiée  à  Notre-Dame  :  le  patronage 
appartenait  au  baron  de  Mailloc. 

La  fête  patronale  se  célèbre  le  8  septembre.  C'est  une 
foire  avec  assemblée  très-fréquentée,  dont  la  principale  mar- 
chandise (après  les  liquides)  consiste  dans  des  melons  dont 
la  culture  se  fait  en  grand  dans  les  champs  d'alentour.  Je  ne 
sais  pourquoi  celte  assemblée  se  nomme  la  Saint-Gourgon , 
ce  saint  n'étant  l'objet  d'aucun  culte  dans  la  contrée, 

La  population  de  St-Julien  est  de  555  habitants.  Elle  était, 
au  dernier  siècle  ,  de  415.  C'est  encore  à  l'industrie  qu'est 
duc  cette  augmentation. 

Voie  romaine.  —  La  voie  romaine  de  Lisieux  et  Condé- 
sur-Iton  montait  sur  le  coteau  près  de  la  chapelle  de  Mailloc 
pour  se  diriger  ensuite ,  à  peu  près  en  ligne  droite,  vers 
Broglie ,  La  Barre  et  Condé.  Je  l'ai  suivie  de  la  chapelle  de 
Mailloc  à  St-Germain- la-Campagne.  Elle  laissait  à  gauche 
l'église  et  le  village  du  Besnerey,  et  à  droite  celui  des  Petits- 
Périers.  Elle  passait  à  500  mètres ,  au  midi ,  de  l'église  de 
St-Germain-la-Campagne.  On  la  voit  très-distiuctement , 
entre  St-Germain  et  le  Besnerey ,  et  l'on  trouve  à  1  kilo- 
mètre 1/2  de  |St-Germam,  vers  le  Besnerey,  un  carrefour 
au  milieu  duquel  existe  aujourd'hui  une  croix  entièrement 


CANTON   D'ORBEC.  831 

en  fer  portant  une  inscription  et  les  armoiries  de  la  famille 
qui  l'a  érigée  (  V.  la  communication  que  j'ai  faite  il  y  a 
quelques  années  à  la  Société  française  d'archéologie  ).  Cette 
croix  a  très-probablement  remplacé  un  monument  romain, 
soit  une  colonne  milliaire,  soit  peut-être  plutôt  un  autel 
dédié  à  Mercure.  Le  piédestal  de  la  statue  de  ce  dieu  , 
trouvé  dans  les  fondations  de  l'église  St- Germain  quand  on 
l'a  reconstruite,  il  y  a  quelques  années,  et  qui  a  été  transporté 
à  Évreux,  pourrait  bien  avoir  occupé  cet  emplacement  dans 
l'origine.  C'est  une  conjecture,  sans  doute  ,  mais  ce  marbre 
ne  devait  pas  avoir  été  apporté  de  bien  loin  quand  on  l'a 
fait  entrer  dans  les  fondations  de  l'église. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  ce  chemin  que  l'on  peut  encore  re- 
connaître jusqu'à  St -Germain,  et  qui  se  confond  ensuite 
avec  la  roule  de  ce  lieu  à  Broglie ,  est  évidemment  celui 
que  l'Itinéraire  d'Antonin  mentionne  :  il  est  connu  sous  le 
nom  de  chemin  Perrey ,  et  la  tradition  rapporte  qu'il  a 
plus  de  100  lieues  de  longueur.  C'est  à  tort  que  le  chemin 
de  Lisieux  à  Chambray  par  Courtonne-la-Ville  ,  qui  est  pa- 
rallèle au  précédent ,  a  été  regardé  par  quelques  personnes 
comme  la  voie  romaine  de  Lisieux  à  Dreux. 


SA1NT-MART1N-DE-MA1LLOC. 

St-Martin-de-Mailloc,  S.  M.  de  Valle  Auribecci,  S.  Martin 
du  Val-d'Orbec  (1). 

Le  nom  de  St- Martin- le- Vieux  donné  au  moyen-âge  à 
cette  paroisse  ,  et  son  vocable  seul ,  que  M.  Aug.  Le  Prévost 
regardait  comme  datant  des  temps  mérovingiens  ,  dispose 
l'archéologue   qui    gravit   la    colline  sur  laquelle  est    bâtie 

4i  Notes  par  M.  Ch.  Vasseur. 


832  STATISTIQUE   MONUMENTALE   DU    CALVADOS. 


CANTON   D'ORBEC.  83 

l'église,  à  la  rencontre  d'un  édifice  intéressant  La  déception 
est  grande.  On  se  trouve  en  face  d'une  construction  pouvant 
au  plus  remonter  à  la  fin  du  XVe  siècle  ,  où  rien  ne  mérite 
fixer  l'attention.  Le  chœur  est  tourné  vers  l'ouest,  con- 
trairement à  l'usage  :  il  date  seulement  du  XVIIe  siècle.  La 
nef,  en  grand  appareil  avec  ses  contreforts  épais,  a  con- 
servé trois  fenêtres  ogivales.  On  a  bâti  en  1862  en  avant  du 
portail,  une  tour  en  briques  de  ce  style  pseudo-ogival  , 
chinois ,  plus  laid  que  le  plus  laid  classique  ;  mais  qui 
seul  a  cours  maintenant  parmi  nos  architectes  de  campagne. 
Cette  addition  achève  de  défigurer  une  église  déjà  nulle 
en  elle-même. 

L'inventaire  de  l'intérieur  est  bien  vite  fait.  La  voûte  du 
chœur  est  plâtrée.  Celle  de  la  nef  a  conservé  ses  charpentes 
apparentes,   mais  elle  est  en  très-mauvais  état. 

Le  maître-autel  appartient  au  règne  de  Louis  XV. 

Les  deux  petits  autels,  presque  identiques  ,  sont  du  siècle 
précédent.  Rétable  à  fronton  cintré  ,  soutenu  par  deux  co- 
lonnes cannelées,  dont  le  tiers  inférieur  est  entouré  de 
feuillages.  On  doit  remarquer  dans  la  niche  pratiquée  près 
de  l'autel  du  nord ,  une  Vierge  en  bois  doré  qui  n'est  pas 
dépourvue  de  mérite.  Plus  loin  est  une  statue  de  saint  Loup, 
qu'on  peut  attribuer  au   moyen-âge. 

La  croix  du  cimetière ,  en  pierre  avec  fleurs  de  lis  aux 
extrémités  ,  date  du  XVIII*  siècle. 

La  cloche  est  ancienne.  M.  le  docteur  Billon  en  a  publié 
l'inscription  dans  son  Épigraphie  campanaire. 

f  LAN  1781  1AY  RTE  BENITE  PAR  Mr  BELLAMY  CURE  DE  CE  LIEU 
ANCIEN  PROFESSEUR  EN  l' UNIVERSITE  DE  CAEN  ET  NOMMÉE  LOUISE  PAR 
TRES  HAUT  KT  TRES  PUISSANT  SEIGNEUR  CLAUDE  CONSTANCE  CEZAR  DE 
HOUDETOT  LIEUTENANT  GENERAL  DES  ARMÉES  DU  ROY  ASSISTÉ  DE  TRES 
HAUTE  ET  TRES  PUISSANTE  DAME  LOUISE  PERRINET  EPOUSE  DE  TRES 
HAIT    ET    THES    PUISSANT    SEIGNEUR    CfiZAfl    tOflJS    MARTF   FRANÇOIS   ANGE    VI- 

53 


83/i  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

COMTE  DE  HOUDETOT  MARQUIS  DE  MAILLOC  MARECHAL  GENERAL  DES  TROUPES 
AL'  DELA  DU  CAP  PARRAIN  ET  MARRAINE  REPRÉSENTÉS  PAR  MF.SSIRE  GUIL- 
LAUME IEAN  DR  CUEVECOEUR  SEIGNEUR  DE  SOQUENCE.  Mr  MARIE  VICAIRE  DE 
CETTE  PAROISSE  ET  Me  PIERRE  TABARIE  ET  Mr  1ACQUES  GALOPIN  DEPUTES. 
IEAN    CHARLES    CAV1L1ER. 

Sur  la  panse  ,  on  voit  un  petit  écusson  surmonté  d'une 
couronne  de  marquis,  et  portant  une  bande  chargée  de  trois 
roues  à  six  raies. 

La  paroisse  de  St-Martin  faisait  partie  du  doyenné 
d'Orbec.  Le  patronage  était  laïque. 

Le  Bulletin  monumental  de  1864  (p.  558)  a  parlé  d'une 
découverte  de  sépultures,  probablement  mérovingiennes,  faite 
sur  le  territoire  de  cette  paroisse. 

La  population  de  St-Martin-de-Mailloe  est  de  629  ha- 
bitants. Au  siècle  dernier,  elle  était  de  600  (  120  feux). 


SAINT-DENIS-DI  —  >l  AS  I  I  <>< 


St-Denis-de-Mailloc ,  Sanctus  Dionisius  de  Maillot, 
Sanctus  Dionisius  de  Valle-Auribecci,  St-Denis  de  Mailloc, 
St- Denis  du  Val-d'Orbec. 

St-Denis  est  réuni ,  pour  le  culte  ,  à  St-Julien  de  Mailloc. 
Il  dépendait  aussi  du  doyenné  d'Orbec.  Le  patronage  appar- 
tenait au  seigneur  du  lieu. 

L'église  est  conservée  avec  soin  par  les  habitants.  Elle  est 
assez  petite.  Le  pignon  de  l'ouest,  où  s'ouvre  le  portail ,  date 
du  XVIe  siècle  dans  la  partie  inférieure.  Le  haut  a  été 
refait  au  XVIIIe.  La  porte  est  précédée  d'un  beau  porche 
en  charpente  vigoureusement  taillé,  qui  a  les  caractères 
de  la  fin  du  XVe  siècle. 

Les  deux  murs  latéraux  sont  inégalement  percés.   Chacun 


CANTON    D  ORBEC.  835 

est  flanqué  par  deux  conlreforls  placés  aux  extrémités  ,  dont 
les  profils  accusent  le  XVe  ou  le  XVIe  siècle.  Les  murs  sont 
romans ,  bien  que  les  moellons  dont  ils  se  composent  n'affec- 
tent pas  d'une  manière  bien  distincte  Vopus  spicatum.  Les 
fenêtres  datent  en  partie  du  XVIe  siècle ,  en  partie 
du  XVIIIe. 

Le  clocher  est  assis  sur  le  pignon  oriental  de  la  nef;  il 
appartient  au  XVIe  siècle  :  ses  évents  se  composent  d'une  série 
de  trilobés.  Du  reste ,  il  n'offre  rien  de  remarquable. 

Le  chœur  est  petit  et  sa  construction  doit  remonter  à 
l'époque  romane ,  comme  celle  de  la  nef.  Le  chevet  a  été 
reconstruit,  probablement  au  XVIe  siècle.  Les  ouvertures 
sont  encore  plus  modernes.  Une  petite  sacristie  cache  en 
partie  le  mur  septentrional. 

L'intérieur  est  assez  obscur.  Le  maître-autel ,  dans  le  style 
du  règne  de  Louis  XIV,  se  compose  d'un  entablement 
soutenu  par  six  colonnes  corinthiennes,  avec  une  niche 
cylindrique  au  centre  ;  mais  cet  encadrement  a  dû  renfermer 
autrefois  un  tableau.  Cet  autel,  comme  le  reste  du  mobilier, 
a  peu  de  valeur.  Six  belles  torchères  en  bois  tourné  servent 
de  chandeliers.  La  voûte  du  chœur  est  plâtrée  ;  les  enlraits 
en  ont  été  coupés,  ce  qui  a  fait  pousser  les  murs  au  vide 
et  a  occasionné  une  lézarde  profonde  dans  le  mur  du  chevet. 
Au  sous-faîte  sont  sculptés  trois  blasons  :  le  premier  du  cha- 
pitre de  Lisieux,  le  second  de  France,  et  le  troisième  de 
gueules  à  trois  maillets  d'or ,  2  et  1 ,  qui  est  de  Mailloc. 

L'arc  triomphal  est  à  moulures  prismatiques  portées  sur 
deux  piliers  semi-cylindriques. 

Les  deux  petits  autels  de  la  nef,  du  XVIIe  siècle ,  comme 
celui  du  chœur,  sont  sans  intérêt  artistique.  L'autel  du 
nord  est  dédié  à  la  Vierge ,  selon  l'usage  constant  :  l'autel 
du  sud  a  pour  titulaire  saint  Hubert  ;  on  trouve  à  côté 
un  Tableau  des  Fondations  de  La  Confrairie  de  Si-Hubert, 


836  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

érigée  de  temps  immémorial  en  l'église  de  St- Denis  de 
Mailloc.  Cette  confrérie  s'acquitte  des  mêmes  devoirs  que 
les  Charités  instituées  dans  la  plupart  des  paroisses  de 
l'évêché  de  Lisieux. 

La  base  du  clocher,  comprise  dans  la  clôture  du  chœur  , 
qui  n'a  pas  varié  depuis  la  Révolution ,  a  été  disposée  au 
centre  en  une  sorte  de  dôme  pour  ne  point  cacher  la  pointe 
de  l'arc  triomphal.  La  voûte  de  la  nef  est  en  lambris  ;  elle 
n'a  point  subi,  comme  celle  du  chœur,  l'outrage  d'un 
horrible  plâtrage.  La  charpente  ,  indépendante  des  murs , 
porte  sur  des  poteaux  très-forts  posés  sur  le  sol.  Elle  n'est 
aucunement  ornementée  ,   mais  d'une  conservation  parfaite. 

On  retrouve  dans  le  pavage  quelques  restes  de  carreaux 
émaillés,  et  sur  les  murs  des  traces  de  peinture  à  l'ocre 
rouge. 

Plusieurs  fenêtres  possèdent  encore  quelques  fragments 
de  vitraux  du  XVIe  siècle.  Il  faut  mentionner  une  Vierge 
assise,  ayant  à  ses  pieds  trois  donateurs,  deux  hommes  et  une 
femme.  Cette  Vierge  est  charmante,  peinte  en  grisaille  avec 
les  hachures  les  plus  fines.  Les  draperies  sont  bien  étudiées. 
L'enfant  Jésus ,  debout  sur  les  genoux  de  sa  mère ,  tend  ses 
bras  vers  les  trois  personnages  agenouillés  à  ses  pieds.  Ces 
donateurs  n'ont  point  les  costumes  brillants  de  la  noblesse , 
et  il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que  ce  fussent  des 
paysans  du  lieu.  L'un  est  vêtu  d'un  sarrau  bleu ,  sem- 
blable à  la  blouse  portée  encore  de  nos  jours  par  les 
cultivateurs  normands  ;  le  second  est  en  brun.  La  femme 
porte  le  bonnet  pyramidal  Lexovien,  qui  vient  de  disparaître 
devant  des  modes  parisiennes. 

La  cloche  est  ancienne ,  voici  son  inscription  : 

f  L^N  17&8  IAY  ESTE  BENIE  PAR  Mfe  IAGQVES  VALLEE  PBRE  CVRE  DE 
CE     LIEV    ET    NOMMEE     C.f.AVDF.     PAR     Mre      ABRAHAM     DARCOVRT     DOYEN      DE 


CANTON   D'ORBEC  837 

LEGLISK  METROPOLITAINE  DE  PABIS  ABBE  COMMENDATA1BE  DE  S1GNY  ET  DE 
SAINT-TAVBIN  DEVRELX  ET  PAR  TVISSANTE  DAME  CLAVDE  LIDIE  DARCOVRT 
MARQVISE    DE    MAILLOC    DAME    DV    CHAMP    DE    BATAILLE    ET    AVTRES    LIEVX. 

(Voyez  Épigraphie  campanairc ,  par  M.  le  docteur  Billon.) 

Cassini  indique,  à  St-Denis-de-Mailloc ,  un  château  dont 
je  n'ai  pu  découvrir  le  moindre  vestige. 

Le  châtelain  était  tenu  de  faire  UO  jours  de  garde  à  la 
porte  d'Orbec,  à  Lisieux  ,  en  temps  de  guerre.  On  trouve 
comme  possesseurs  de  ce  fief:  en  ikUl  ,  Guillaume  Fou- 
quet ,  dont  la  fille  et  unique  héritière  épousa  Gueroudin 
de  Franqueville ,  sieur  de  Collandon  ;  en  1532,  Charles 
de  Mailloc  qui,  avec  François  de  Fontenay ,  le  seigneur 
du  Monl-à-la-Vigne  et  d'autres  gentilshommes,  maltraita 
fort  les  bourgeois  de  Lisieux;  en  1562,  Jehan  de  IMailloc  ; 
enfin,  en  1601,  Hamon  de  Mailloc,  l'un  des  plus  tur- 
bulents gentilshommes  auxquels  le  roi  Henri  IV  ait  eu 
atfaire,  et  qui,  comme  son  ancêtre,  ne  se  fit  pas  faute  de 
rançonner  les  habitants  de  Lisieux.  Il  épousa  Madeleine  de 
Melun,  qui  lui  donna  une  fille,  mariée  le  18  octobre  1618 
à  Charles-François  de  Lyée  ,  seigneur  de  Tonnancourt. 

Deux  autres  fiefs  avaient  leur  manoir  sur  le  territoire  de 
cette  paroisse  :  la  Masselinaye  ,  appartenant  au  chapitre  de 
Lisieux ,   et  le   Hameau-Chouque. 

La  paroisse  de  St-Denis-de-Mailloc  dépendait  de  l'élec- 
tion de  Lisieux,  sergenterie  d'Orbec.  Elle  comptait  67  feux, 
environ  335  habitants.  La  population  actuelle  n'est  plus 
que  de  207. 


838  STATISTIQUE    MONUMENTALE   DU   CALVADOS. 


SAINT-PAUL-DE-COURTONNE. 


St-Paul-de-Courtonne ,  Sanctus  Paulus  de  Courthonna, 
Cortonna  villa. 

St-Paul-de-Courtonne  n'est,  à  proprement  parler,  qu'une 
paroisse  du  bourg  de  Courtonne-la-Ville  :  les  maisons  bor- 
dent la  rue  qui  conduit  d'une  église  à  l'autre,  sans  solution 
de  continuité;  seulement,  tandis  que  l'église  du  bourg  avait 
pour  patron  l'abbé  de  Bernay  ,  le  patronage  de  St-Paul 
était  laïque.  L'une ,  comme  l'autre ,  était  comprise  dans  le 
doyenné  de  Moyaux. 

Bien  que  les  états  de  population  dressés  au  dernier 
siècle  accordent  à  la  paroisse  St-Paul  15U  feux,  c'est-à- 
dire  plus  de  750  habitants  (  aujourd'hui  365  )  ,  l'église 
était  dans  de  petites  proportions.  La  nef  ne  mesure  que 
ZU  pieds  de  longueur  sur  28  de  largeur  ;  le  chœur  était 
en  rapport,  et,  par  conséquent,  fort  restreint.  L'ensemble, 
au  premier  coup-d'œil ,  offrait  tous  les  caractères  du  XVIIP 
siècle,  et,  en  effet,  la  nef  date  de  cette  époque;  elle  est 
construite  en  pierres  de  craie  de  grand  appareil,  sans  contre- 
forts ,  avec  pilastres  peu  saillants ,  une  énorme  corniche  en 
doucine,  et  fenêtres  carrées.  La  porte  s'ouvre  dans  Je  pignon 
de  l'ouest,  que  surmonte  le  clocher  en  ardoise.  Elle  est 
précédée  d'un  porche  en  bois  assez  large ,  clos  du  côté  du 
nord. 

Le  chœur ,  percé  aussi  de  fenêtres  carrées ,  avait  pour- 
tant conservé  quelques  parties  bien  caractérisées  de  l'époque 
romane.  On  y  voyait,  au  nord,  un  contrefort  plat;  et  le 
chevet  tout  entier  appartenait  à  l'époque  primitive.  On  avait 
encastré  dans  son  pignon  un  petit  bas-relief  en  pierre ,  du 
XVIe  siècle,   représentant  l'Annonciation.  Les  figures  sont 


CANTON    D'ORBEC.  839 

délicates  ,  le  travail  finement  exécuté  ;  on  ne  voit  pas  de 
traces  de  peintures. 

Ce  chœur  a  été  détruit  il  y  a  cinq  ans ,  et  remplacé  par 
une  bâtisse  en  briques  fort  laide  ,  malgré  sl'S  prétentions  go- 
thiques, et  hors  de  proportion  avec  la  nef,  qu'on  démolira 
sans  doute,  à  son  tour.  Quand  j'ai  visité  la  localité  en  1863, 
j'ai  trouvé  le  joli  bas-relief  jeté  dans  un  coin  du  cimetière, 
au  milieu  d'un  tas  de  décombres  et  d'immondices.  Je  suis 
sûr  que  l'auteur  de  ce  méfait  a  la  prétention  d'être  un 
artiste  !!! 

Le  château,  tout  moderne,  est  situé  à  une  certaine 
distance  de  l'église ,  sur  le  coteau  ,  de  l'autre  côté  du 
chemin  de  fer.  Il  est  habité  par  M.  de  Gassart.  Les  pouillés  du 
diocèse  de  Lisieux  font  mention  de  Henri  de  Courtonne,  au 
XIVe  siècle.  En  1463,  Montfaut  trouva  à  St-Paul,  Thomas 
Euslache  ;  mais  il  est  probable  que  la  famille  de  Belleau 
possédait  déjà  la  terre ,  car  les  montres  de  la  noblesse  du 
bailliage  d'Évreux  de  1469,  six  ans  plus  tard,  font  mention  de 
Jean  de  Belleau  ,  escuyer,  seigneur  du  lieu  et  de  Courtonne. 
Toutes  les  recherches  subséquentes  fournissent  des  noms  de 
seigneurs  de  la  même  famille  ,  laquelle  ne  s'est  éteinte  qu'en 
1834  dans  la  personne  de  M.  Charles-Prudence  de  Belleau, 
dont  on  voit  le  tombeau  dans  le  cimetière. 

On  trouve  aussi,  de  l'autre  côté  de  l'église,  les  sépultures  de 
madame  Marie  Claude  de  Vauquelin  ,  baronne  de  Cauvigny  , 
décédée  à  St-Paul  le  26  octobre  1838,  et  de  Élisabeth-Cons- 
tance-Stéphanie-Louise  de  Belleau,  décédée  le  26  juin  1850. 

Il  y  avait  à  St-Paul-de-Courlonne  un  moulin  de  la  Motte  , 
qui  appartenait  en  1342  à  Jehan  d'Orbec  ;  et  une  maladrerie, 
nommée  St-Clair-des-Bois,  réunie,  le  13  juillet  IC96 ,  a 
l'hôpital  d'Orbec. 

On  y  a  trouvé  aussi  des  vestiges  de  constructions  romaines, 
en  1841  et  1849. 


8M)         STATISTIQUE    MONUMENTALE    Dl;    CALVADOS. 

St-Paul-de-Courlonne  faisait  partie  de  l'élection  de  Lisieux, 
sergenterie  d'Orbec. 


COURTONNE-LA-VILLU. 


Courlonne-la- Ville ,  Cowthona  abbatis  ,  Cwtona  ,  Cor- 
tona  villa. 

De  l'élection  de  Lisieux,  sergenterie  de  Moyaux,  Gour- 
tonne-la-Ville  comptait ,  il  y  a  cent  ans,  plus  de  1,000  habi- 
tants ;  la  population  est  réduite  aujourd'hui  à  76fr. 

Bien  que  le  patronage  appartînt  à  l'abbaye  de  Bernay , 
l'église  est  médiocre.  Le  chevet  remonte  à  l'époque 
romane  :  il  est  bien  caractérisé  ;  deux  contreforts  plats  con- 
struits, partie  en  travertin,  partie  en  grison ,  soutiennent  un 
blocage  en  arêtes  de  poisson.  On  distingue  encore  la  trace 
de  deux  petites  fenêtres  cintrées,  bouchées  probablement 
au  XVIIIe  siècle.  Le  mur  latéral  du  nord  est  caché  par  la 
sacristie  ;  celui  du  sud  a  été  refait  au  XVIIIe  siècle  ;  les  deux 
fenêtres  en  briques  datent  de  cette  époque.  Deux  chapelles, 
probablement  aussi  du  dernier  siècle ,  forment  transept  en 
avant  du  chœur.  Le  clocher ,  octogone  ,  peu  élevé  ,  mais  assez 
élégant,  est  assis  à  l'intersection  de  ces  chapelles  et  de  la  nef. 

La  nef  offre  en  grande  partie  les  caractères  du  XVe  ou 
XVIe  siècle,  dans  les  contreforts  et  les  fenêtres  ;  mais  le  gros- 
œuvre  remonte  à  l'époque  romane  comme  le  chevet  ;  on 
constate  notamment  au  sud  des  parties  de  blocage  ancien  ,  et 
au-dessus  de  la  porte  à  anse  de  panier  ,  percée  au  XVIe  siècle 
dans  le  pignon  occidental ,  on  trouve  deux  fenêtres  cintrées  , 
évidemment  romanes. 

L'intérieur  est  aussi  peu  intéressant  que  l'extérieur.  Les 
voûtes  du  chœur  et  des  chapelles   sont  plâtrées.  Celle  de  la 


CANTON    D'ORBIïC.  8M 

nef  a  conservé  les  douvettes  ornées  de  son  berceau  ;  mais  on  a 
coupé  les  entraits  de  la  charpente,  suivant  la  mode  adoptée 
par  le  clergé  de  la  contrée.  Aussi  les  murs  sont-ils  lézardés  et 
poussent-ils  au  vide. 

Le  maître-autel  date  du  règne  de  Louis  XIV  :  il  est  petit  et 
bien  inférieur,  comme  exécution ,  à  la  plupart  de  ceux  que 
nous  avons  rencontrés. 

Dans  la  chapelle  de  la  Vierge  est  une  statue  en  bois  de 
sainte  Anne,  d'un  assez  bon  travail. 

Les  fonts  baptismaux ,  en  pierre  ,  probablement  du  XVI0 
siècle ,  sont  mutilés.  Une  fenêtre  de  la  nef  a  conservé  quelques 
fragments  de  vitraux  de  la  Renaissance,  parmi  lesquels  se 
trouve  une  tête  nimbée  délicatement  dessinée. 

Au  mur  est  appendue  une  vieille  bannière  paroissiale  en 
soie  rouge  avec  broderies  de  fil  d'or  et  d'argent  mélangé  de 
soie.  Ces  broderies ,  assez  grotesques,  figurent,  d'un  côté, 
Si-Martin  à  cheval  partageant  son  manteau;  de  l'autre,  une 
Vierge  posée  sur  un  sol  semé  de  fleurs  de  lis. 

Cette  église  ,  dédiée  à  saint  Martin  ,  était  comprise  dans  le 
doyenné  de  Moyaux. 

En  même  temps  que  le  patronage ,  les  moines  de  Bernay 
possédaient  «  la  seigneurie  ou  baronnie  de  Courthonne, 
Sainct  Mards  de  Fresnes  et  le  Planquey ,  »  qui  avait  des 
extensions  jusque  sur  la  Chapelle-Hareng.  Aussi  trouve-t-on 
peu  de  gentilshommes  résidant  sur  celte  paroisse ,  et  je  ne 
connais  aucun  manoir  qui  mérite  être  signalé. 

CORDEBUGLE. 

Cordebugle  ,  Ecclesia  de  Cornu  Bubali  (1). 

Avant  la  Révolution ,  la  paroisse   de    Cordebugle    portait 

(1)  Notes  par   M.   Pannier. 


862  STATISTIQUE    MONUMENTALE    DU    CALVADOS. 

le  nom  de  St-Pierre-des-Bois.  Le  territoire  de  cette  commune 
est  très-accidenté  et  coupé  par  de  nombreux  vallons. 

L'église  est  sous  l'invocation  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul. 

La  partie  la  plus  ancienne  est  la  tour,  placée  au  midi, 
entre  le  chœur  et  la  nef:  elle  remonte  au  XIIe  siècle.  Cette 
tour,  construite  en  poudingue,  est  terminée  par  une  pyra- 
mide en  ardoise  ,  du  XVIe  siècle. 

Le  chœur  est  de  la  fin  du  XIIe  siècle.  Le  mur  septen- 
trional est  percé  de  jolies  fenêtres  en  lancettes,  entourées 
d'un  tore.  Au  midi,  le  mur  est  flanqué  d'un  large  contrefort 
qui  présente  peu  de  saillie.  Les  fenêtres,  de  ce  côté,  sont  mo- 
dernes et  attestent  le  mauvais  goût  de  la  fabrique.  Du  même 
côté  et  près  de  la  tour ,  se  trouve  une  petite  porte  ogivale 
entourée  d'un  tore  et  sur  le  tympan  de  laquelle  est  figurée 
une  croix  de  consécration,  Le  mur  du  chevet  est  percé  d'une 
large  fenêtre  trilobée ,  en  partie  masquée  par  la  sacristie. 

La  nef  et  le  portail  appartiennent  à  la  dernière  période  du 
style  ogival.  Les  fenêtres  de  la  nef  ont  conservé  leurs  ar- 
matures. Une  seule  de  ces  fenêtres,  au  nord,  a  été  refaite. 
Les  contreforts  de  la  nef  et  ceux  du  chœur,  à  l'exception 
de  celui  que  nous  avons  signalé ,  ont  été  reconstruits  en 
brique. 

Le  portail  offre  une  jolie  porte  à  linteau  encadrée  dans 
une  grande  ogive  en  accolade,  dont  les  rampants  sont 
décorés  de  larges  feuilles  de  chou  frisé.  Elle  est  flanquée 
de  deux  contreforts  prismatiques  surmontés  de  clochetons. 
Le  portail  est  précédé  d'un  porche  du  même  style.  Sur  un 
des  piliers  sont  sculptées  les  armoiries  de  l'évêque  de  Li- 
sieux. 

A  l'intérieur,  le  maître-autel,  dans  le  style  Louis  XIV, 
avec  un  beau  rétable,  est  décoré  de  quatre  colonnes 
rudentées ,  d'ordre  composite.  Le  tombeau  est  carré ,  avec 
un   parement   en    perles   longues,    en    verre,   diversement 


CANTON    D'ORBEC.  8^3 

coloriées.  Le  fond  est  en  perles  blanches.  Au  milieu  est  un 
médaillon  de  forme  elliptique  dont  les  bords  sont  ornés  de 
perles  blanches  et  de  perles  jaune-or  ,  alternant  entre  elles. 
Au  centre  du  médaillon  est  représenté  un  cœur  enflammé  en 
perles  jaune-or,  avec  une  bordure  de  perles  rose-carmin. 
Nous  avons  déjà  signalé  un  autel  orné  de  perles,  à  Ammeville, 
canton  de  St-Pierre-sur-Dive  ;  celui  de  Cordebugle  est  loin 
d'offrir  autant  d'intérêt. 

Cordebugle  avait  pour  patron  le  seigneur  du  Gange  et  dé- 
pendait du  doyenné  de  IVloyaux. 

Avant  la  Révolution,  cette  paroisse  faisait  partie  de  l'élec- 
tion de  Lisieux  et  comptait  28  feux.  Son  revenu  était  de 
700*. 

Par  ordonnance  du  31  mars  1825,  Courtonnel ,  dont 
l'église  a  été  démolie,  a  été  réuni  à  Cordebugle. 


Ici  finit  notre  revue  de  l'arrondissement  de  Lisieux  et 
le  cinquième  et  dernier  volume  de  notre  Statistique  monu- 
mentale du  Calvados  ;  travail  intéressant,  mais  ingrat,  fati- 
gant ,  pour  lequel  il  a  fallu  un  certain  courage.  Sans 
doute ,  il  existe  bien  des  omissions  dans  cette  revue  de  plus 
de  700  communes;  mais  je  n'ai  jamais  eu  la  prétention  de 
tout  voir  ni  de  tout  dire. 

Il  faut  qu'une  Stalistique  monumentale,  qui  ne  laisse  de  côté 
aucune  paroisse,  qui  les  examine  toutes  l'une  après  l'autre, 
ne  soit  pas  chose  facile,  car  depuis  vingt  ans  que  j'ai  donné  des 
spécimens  de  celle-ci ,  et  que  j'ai  invité  les  archéologues 
français  à  entreprendre  de  semblables  travaux ,  la  Statistique 
monumentale  du  Calvados  est  la  seule  encore  qui  ait  paru. 


Shf4  STATISTIQUE    MOlNUMEN  J  ALt    DU    CALVADOS. 

Je  sais  bien  que  plusieurs  ouvrages  descriptifs  ont  pris  le 
titre  de  Statistique  monumentale,  mais  ils  se  bornent  à 
décrire  une  partie  des  monuments  de  la  contrée  qu'ils  par- 
courent :  ce  ne  sont  pas  là  des  Statistiques  monumentales 
complètes. 

Il  faut  du  temps  et  du  courage  surtout  pour  faire  la 
Statistique  monumentale  d'un  département  tout  entier.  Je  re- 
mercie de  nouveau  MM.  Bouet,  Ch.  Vasseur,  Pannier  et  tous 
ceux  qui  m'ont  si  bien  secondé  dans  cette  entreprise  longue , 
fatigante  et  ingrate. 

DE  CAUMONT. 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages. 
CANTON  DE  LISIEUX 

(lre  section). 

Ouillie-le-Vicomte.     .  .  2 

Bouttcniont 10 

Kocques 16 

Fauguernon il\ 

Hermival 41 

Les  Vaux 52 

Le  Pin-en-Lieuvin.    .   .  55 

Moyaux 65 

Furaichon 73 

Ouillie -du-Houllcy.   .    .  77 

St-Lcger-d'Ouillie.     .   .  90 

Fii  fol 91 

Couitonne-la-Meuidrac.  io5 
St-Hippolyte-de-Cante- 

loup .116 

St-Pierie-de-Canteloup.  118 

L'Hôlellerie.     .....  122 


Pages. 

Marolles 1 33 

Cii  fontaine i45 

Villers-sur-Glos  ....  i5o 

Mesnil-Gnillaume.  .   .   .  i55 

Glos 162 

Beuvillers 175 


CANTON  DE  LISIEUX. 

(2e  SECTION). 

Lisieux 182 

La  Pommeraye 3o5 

St  Marlin-dela-Lieue.  .  3oq 
Sl-Hippolyle  -du-Bout  - 

des-Prés 5 12 

St-Jean  de-Livet .   .   .   .  517 

St-Gennain-de-Livet.   .  32o 

Piêtreville 54 1 

Le    Mesnil-Eudes.  .    .  .  3/J9 

Lessard-le-Chêne.    .  .   .  354 

St-Pierre-des-Ifs.     .    .  .  36o 


8^6  TABLE    DES    MATIÈRES. 

Le  Prédauge 565     Le  Mesnil-Mauger  .    .    .  4^» 

La  Boissière 38o     Percy 49° 

La  Houblonnière.    .    .   .    082     Sta-Marie-aux- Anglais.,    492 

La  Molte-en-Augc  .    .    .   388     Doux-Marais 5o2 

Les  Monceaux 589    Grandchamp 5o5 

Le  Mesnil-Simon.    .    .    .    5g2     St-Julien-le-Faucon ..    .    5o8 

Cou  pesa  r  te 5io 

CANTON  DE   MÉZIDON.  Castillon 5l5 


Lécaude 598 

St-Crespio 4°4 

Cerqueux 4°5 

Mouleilles Id. 

Livaye 4()9 

St-Aubin-sur-Algot.  .  .  411 
St-Pait-du-Mont  .  .  .  .  /^i5 
St-Loup-de-Fribois  et 

Crèvecœur 4  '  7 

Biéville ^i5 

Querville 42^ 

Quetiéville ^26 

Magny-le-FreuIe.    .    .    .  ^18 

Bissières 454 

Méry-Corbon 455 

Croissan  ville 444 

Canon-aux-Vignes  .  .  .  /±5i 
St-Pierre-du-Breuil.  .  .  4^9 
Mézidon  (chef-lieu).    .    .    4^4 

Ecajeul 4^7 

Plainville 47^ 

St-Maclou 477 

Mirebelle 47^ 

Soquence 4^° 


CANTON  DE  ST-PIERRESURD1VE 

Vieux-Pont 5i5 

Ouville-la-bien-Tournée  522 

Thiéville 527 

Bretteville-sur-Dive.  .    .   55o 

Donville 55 1 

Carel 532 

St-Pierre-sur-Dive   (chef 

lieu) 554 

Hiéville 569 

Beiville 070 

Mithois 575 

Escots 58o 

Lieurey 584 

Tôles \  .   .   588 

Va  u  déloges 589 

Réveillon 592 

Amraeville 695 

Abbeville 595 

Grandmesnil 596 

Garnetot 597 

Notre-Dame-de-  Fresuay  599 
St-Martin-de-Fresnay.  .   600 


TABLE    DES 

St-Georges-en-Auge.    .   .  601 

Le  Tilleul 602 

Montpinçon .. 6o5 

Montviette 6o5 

Les  Autels 607 

LaGravelle Id. 

Boissey 609 

St-Margueriie-de- Vielle .  610 

CANTON    DE    LIVAROT. 

St-Martin-des-Noyer».  .  61 5 
St-Michel-de-Livet.   .    .617 

Le  Mesuil-Bacley.    .    .   .  622 

Heurlevent 627 

Toi  lisambei  t 63  1 

St-Basile 654 

La  Chapelle-Haute-Grue  638 
Ste  -  Foix  de-  Monlgorn- 

mery 640 

St-  Germain  -de-  Monl  - 

gommer  y 649 

Lisores 654 

Sl-Ouen-le-Hoult.  .    .    .  609 

La  Brevière 663 

Li  va  roi  (chef-lieu)  .    .   .  668 

Sl'-Marguerite-des-  Loges  6^6 

Mesoil-Durand 693 

Le  Mesnil-Germain.  .    .  697 

Auquainville 701 

Si- A  ubin-d' Auquainville  708 

Fer  vaques 710 

Chefl'revillc 720 


MATIÈRES.  8^7 

Tonancourl 72  1 

Belloti 724 

Bellouel 726 

Courson 73o 

Les  Mouliers-Huberl  .   .  740 

CANTON   D'ORBEC. 

Préaux 44? 

Meulles 750 

Familly 754 

La  Halboudière 760 

Li  Follelière-Abenon.   .  764 

Abenou 767 

Friardel 768 

La    Vespière 777 

Cerqueux 779 

Orbcc  (chef-lieu).    ...  781 

La  Cressonnière 796 

Cerna  y 801 

Bien  (ai  te 804 

Toidouel 808 

Le  Ronceray 8i3 

La  Croupte 8» 5 

St-Pierre-de-Mailloc. .   .  817 

La  Chapelle-Yvon  .   .    .  822 

St-Julien-de-Mailloc. .  .  827 

St-Mari.n-dc-Mailloc.    .  83 1 

St-Dcnis-de-Mailloo.    .    .  834 

St-Puul-de-Coui  tonne. .  858 

Courtonoe  la -Ville..  .   .  840 

Cordebugle 84  1 


Caen,  typ.  F.  Le  Blanc-Hardel, 


,*4i 


La  Bibliothèque 
Université  dHDttawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  Due 


a_39003  002^89  5  5  7b 


CE    DC       0611 
.C167C3    1846 
COU      CAUMUNT, 
ACC#    1326457 


VJ05 
ARC 


bTATISTIQU 


w 


U  D'  /  OF  OTTAWA 


COLL  ROW  MODULE  SHELF   BOX  POS    C 
333    04       02        01       10    05    9 


fc/WS 


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